Skip to main content

Full text of "Bulletins de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique"

See other formats


\\\\\s\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\^\\\^^^^ 


0;   ri 


HARVARD    UNIVERSITY. 


LIBRARY 

OF  THE 
MUSEUM   OF  COMPARATIVE  ZOOLOGY. 


5axna 


DEC  11  isae 

lU        BULLETINS 


L'ACADÉMIE  ROYALE 

DES 

SCIENCES,  DES  LETTRES  ET  DES  BEAUX-ARTS 

DE    BELGIQUE. 

es-*  ANNÉE,  3"*  SÉRIE,  T.  XXVI. 
1893. 


BRUXELLES, 

F.    HAYEZ,    IMPRIMEUR    DE    l'aCADÉMIE    ROYALE    DES    SCIENCES, 
DES  LETTRES  ET   DES  BEAUX-ARTS  DE  BELGIQUE, 

rue   de  Louvain,   112. 

MDCCCXCIÏI. 


BULLETINS 


L'ACADEMIE  ROYALE  DES  SCIENCES 


LETTRES   ET   DES   BEAIX-ARTS   DE   BELGIQIE. 


BULLETINS 


^ACADEMIE  ROYALE 


DE    BELGIQUE. 


SOIXANTE-TROISIÈME  ANNEE.  —  >^  SERIE,  T. 


m 


BRUXELLES, 

F.     HAYEZ,     IMritlMEUH     DE    l'aCAUÉMIE    ROYALE     DES    SCIENCES, 

DES    LETTRES    ET    DES   BEAUX-ARTS    DE    BELGIQUE, 

rue  de  Louvain,  112. 

4893 


V. 


^,. 


DEC  11  1896 

BULLETIN 

DE 

L'ACAOÉMIE  ROYALE  DES  SCIENCES, 

DES 

LETTRES  ET  DES  BEAUX-ARTS  DE  BELGIQUE, 
1895.  —  N»  7. 


CLASSE  DES  SCIEl^CES. 


Séance  du   1"  juillet  1893. 

M.Ch.Van  Bambeke,  directeur,  présidenl  de  l'Académie. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Mourlon,  vice-directeur;  P.-J.  Van 
Beneden,  le  baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  Gluge, 
G.  Dewalque,  E.  Candèze,  É.  Dupont,  Éd.  Van  Beneden, 
C.  Malaise,  F.  Folie,  Alph.  Briart,  Fr.  Crépin,  Jos.  De  Tilly, 
G.  Van  der  Mensbrugglie,  W.  Spring,  Louis  Henry, 
P.  Mansion,  J.  Delbœuf,  P.  De  Heen,  C.  Le  Paige, 
Ch.  Lagrange,  F.  Terby,  J.  Deruyts,  membres;  E.  Catalan, 
Ch.  de  la  Vallée  Poussin,  associés;  L.  Errera,  J.  Neuberg, 
correspondants. 

3°"    SÉRIE,    TOME    XXVI.  i 


(  2) 
CORRESPONDAlNCE. 


M.  le  Minisire  de  l'Agiicullure  de  l'Industrie  et  des 
Travaux  publics  accuse  réception  du  rapport  du  jury  qui 
a  jugé  les  travaux  soumis  pour  la  cinquième  période  du 
concours  pour  le  prix  fondé  par  le  docteur  Guinard. 

Il  exprime  en  même  temps  à  MM.  Bormans,  Briart, 
Devvalque,  Lamy  et  Rivier,  membres  du  jury,  ses  plus  vifs 
remerciements  pour  la  conscience  et  le  talent  dont  ils  ont 
fait  preuve  dans  l'accomplissement  de  la  lourde  lâche  qui 
leur  était  imposée. 

M.  F.-A.  Robyns,  lauréat  de  ce  concours,  remercie  éga- 
lement pour  la  haute  récompense  accordée  à  son  OEuvre 
des  sociétés  scolaires  de  tempérance. 

—  L'Institut  royal  des  sciences,  des  lettres  et  des  arts  de 
Venise  adresse  le  programme  de  ses  concours  pour  les 
années  1893,  1894  et  1895. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

i°  Contributions  à  l'histoire  de  la  constitution  de  l'œuf. 
II.  Élimination  d'éléments  nucléaires  dans  l'œuf  ovarien  de 
Scorpaena  Scrofa  L.;  par  Ch.  Van  Bambekc; 

2°  Zwei  Fàlle,  in  denen  die  chirurgisc/ie  Diagnose  mit 
Hïilfe  der  Hypnose  fjesfellt  wurde;  par  J.  Deibœuf; 

5°  Études  sur  l'aspect  physique  de  la  planète  Jupiter, 
troisième  partie;  par  F.  Terby; 

4"  Excursion  en  Angleterre,  en  Ecosse  et  dans  le  pays 
de  Galles,  faite  par  la  Société  des  ingénieurs,  du  27  juin 
au  10  juillet  1892;  par  Alph.  Briart; 


(3) 

5*  La  sécheresse  du  prinlemps  de  1893;  par  A.  Lan- 
caster; 

6°  Thermodynamische  Théorie  der  Capillariteil  in  de 
onderstelling  tmn  continue  dicklheids  verandering ;  par 
J.-D.  Van  der  Waais,  associé; 

7°  Recherches  sur  la  diffusion  dans  l'organisme  de 
certaines  substances  toxiques  ou  médicamenteuses  injectées 
dans  le  sang  circulant;  par  le  D""  J.  Verhoogen; 

8°  a.  Sur  quelques  points  de  l'anatomie  des  Crucifères  et 
des  Dicolylées  en  général;  h.  Des  méthodes  statistiques 
applicables  aux  recherches  de  floristique;  par  John  Briquet; 

9"  Délia  trisezione  dell'angolo ;  par  Antonio  Manelli.  — 
Remerciements. 

—  Travaux  manuscrits  à  l'examen  : 

1°  Sur  une  méthode  simple  pour  mesurer  le  retard  des 
minéraux  en  lames,  minces  ;  par  G.  Cesàro,  Chargé  du  cours 
de  minéralogie  à  l'Université  de  Liège.  —  Commissaires  : 
MM.  de  la  Vallée  Poussin  et  Renard; 

2°  Sur  tes  cubiques  gauches;  par  Cl.  Servais,  professeur 
à  l'Université  de  Liège.  —  Commissaires  :  MM.  Le  Paige 
et  Neuberg. 


PRIX  CHARLES  LEMAIRE. 

(Questions  relatives  aux  travaux  publics.) 

M.  le  secrétaire  perpétuel  fait  savoir  qu'il  a  reçu  pour 
la  première  période  de  ce  concours  (1"  juillet  1891  au 
30  juin  1893),  les  ouvrages  suivants  : 

Lngels  (Le  major).  Le  problème  de  la  Montagne  de  la 
Cour,  première  et  deuxième  parties,  avec  carte.  Gand, 
1893. 


(  4  ) 

Christophe  (P.).  Les  fondations  à  l'air  comprimé  sans 
incorporation  de  fers  dans  les  maçonneries,  et  leur  applica- 
tion à  la  reconstruction  de  la  passe  navigable  du  barrage 
de  rivière.  Bruxelles,  1892. 

Lagasse  (Ch.).  Sur  le  choix  du  meilleur  système  d'ali- 
mentation d'eau  pour  une  grande  agglomération.  Bruxelles, 
1891.  —  Commissaires  :  MM.  Briart,  Van  der  Mensbrugghe 
et  De  Heen. 


RAPPOBTS. 


Sur  la  propagation  de  la  chaleur  dans  les  milieux 
cristallins  ;  par  E.  Ronkar. 

HnppofI  rfe  Jf .   Ch.   Vagrange,  pt'cntief   conttniasait'c, 

I.  Ce  travail  de  M.  Ronkar  se  compose  de  deux  mémoires, 
que  je  désignerai  dans  ce  qui  va  suivre  par  les  noms  de 
premier  et  second  mémoire. 

Le  premier  mémoire  a  été  présenté  en  mars  1891  .  Rap« 
port  en  a  été  fait  dans  la  séance  d'août  1891.  A  la  suite  de 
ce  rapport,  l'auteur  a  été  remis  en  possession  de  son 
manuscrit,  en  même  temps  que  communication  lui  était 
faite  du  rapport  lui  même;  celui-ci  signalait  des  remanie- 
ments indispensables. 

A  suivi  une  «  réponse  »  de  M.  Ronkar  «  au  rapport  de 
M.  Lagrange  sur  mon  mémoire  intitulé  :  Sur  la  propa- 
gation   DE    LA    CHALEUR    DANS    LES   MILIEUX    CRISTALLINS    ». 

Cette  «  réponse  »  ne  faisait  droit  à  aucune  des  critiques 
contenues  dans  le  rapport.  Un  nouveau  «  rapport  »  sur  la 


(S) 

«  réponse  »  a  été  lu  par  moi  dans  une  des  séances 
suivantes  et  communiqué  à  l'auleur. 

Le  résultai  de  cette  discussion  a  été  la  présentation 
d'un  second  mémoire  en  janvier  1892. 

Ainsi,  en  résumé,  les  éléments  de  la  question  sont  : 

a)  Premier  mémoire  de  M.  Ronkar,  mars  189!  ; 

b)  Premier  rapport; 

c)  Réponse  de  M.  Ronkar; 

d)  Deuxième  rapport  (sur  celte  réponse); 

e)  Deuxième  mémoire  de  M.  Ronkar,  janvier  1892. 

Le  rapport  que  je  vais  présenter  sera  donc  le  troisième 
auquel  cette  discussion  sur  la  théorie  de  Lamé  aura  donné 
lieu.  Mais,  d'ailleurs,  pour  réduire  les  choses  à  leurs  termes 
les  plus  simples,  il  ne  faut  prendre  en  considération  spé- 
ciale que  les  documents  a)  b)  et  e),  c'est-à-dire  les  deux 
mémoires  de  M.  Ronkar  et  mon  premier  rapport,  attendu 
que  c]  et  d)  n'ont  constitué  qu'un  relais  et  laissé  la  question 
au  même  point.  Je  désignerai  donc  dans  ce  qui  va  suivre, 
pour  abréger,  mon  premier  rapport  par  le  simple  nom  de 
rapport. 

IL  Ceci  posé,  comme  il  n'est  pas  possible  d'analyser  le 
second  mémoire  sans  avoir  présent  à  l'esprit  le  contenu 
du  premier  mémoire  et  du  rapport,  il  convient  de  résu- 
mer succinctement  la  substance  de  ces  deux  documents. 

Il  s'agissait  d'étudier  la  propagation  de  la  chaleur  dans 
les  milieux  où  la  conductibilité  varie  avec  la  direction. 
Duhamel  avait  considéré  le  cas  de  l'égale  conductibilité  en 
sens  diamétralement  opposés  (cas  de  Végalilé  symétrique); 
Lamé,  le  cas  tout  à  fait  général.  Dans  son  premier  mémoire, 
M.  Ronkar  prétend  démontrer  que  la  généralisation  de 
Lamé  est  incompatible  avec  les  principes  fondamentaux 


(  6) 
de  l'échange  calorifique  (*),  principes  qui  permetlenl  d'ap- 
pliquer au  flux  la  considération  du  iclraèdre  élémentaire 
de  Cauchy;  de  telle  manière,  qu'à  moins  de  renoncer  aux 
lois  classiques  de  l'échange  calorilique,  on  ne  peut  rien 
supposer  de  plus  général,  compatible  avec  ces  lois,  que  le 
cas  de  l'égalité  symétrique  de  Duhamel.  Lamé  a  cru  le 
contraire.  La  démonstration  de  M.  Ronkar  ruinerait  donc 
entièrement,  en  principe,  les  leçons  sur  la  théorie  analy- 
tique de  la  chaleur  de  l'illustre  physicien. 

J'ai  fait  voir  dans  le  rapport  que  la  conclusion  de 
M.  Ronkar  reposait  sur  une  illusion;  que  s'il  trouvait  l'éga- 
lité symétrique  au  bout  de  ses  formules,  c'est  qu'implici- 
tement il  avait  commencé  par  l'introduire  dans  son  raison- 
nement. Pour  réduire  les  choses  au  cas  le  plus  simple, 

supposons  que  le  plan  des  1  yz  |  soit  une  surface  de  niveau 
thermique,  et  que  la  chaleur  se  propage  dans  le  sens 
des  X.  Soit  N  une  demi-normale  à  une  facette  passant  par 
l'origine,  et  Q^  le  flux  de  chaleur  à  travers  cette  facette 
dans  le  sens  N.  La  formule  du  tétraèdre  donnera 

ce  qui  signifie  que  la  facette  i^,N=_x)  sera  traversée  en  sens 
inverse  de  celui  de  sa  demi-normale,  c'est-à-dire  traversée 
dans  le  sens  -4-  x,  par  un  flux  réel  égal  à  Û(x=+,). 

Supposons    maintenant   que   l'on   ait    commencé   par 


(*)  Dans  rélat  acluel  du  manuscrit  du  premier  nicmoire,  une  sur- 
charge (p.  5)  remplace,  en  l'allénuant  et  le  rendant  peu  clair,  ce  qui 
était  très  clair  dans  la  rédaction  primitive.  J'aurai  à  revenir  plus  loin 
sur  le  fait  de  cette  surcharge. 


(7  ) 

affecter  d'un  facteur  posilil'/"(N)  tout  échange  de  chaleur 
à  travers  la  facette  déterminée  par  la  demi-normale  N; 
l'équation  (1)  donnera  évidemment 

/■(N  =  -x)  =  nN=-f-a-)n, 

c'est-à-dire  l'égalité  des  coefficients /"(N)  en  sens  diamétra- 
lement opposés,  ou  l'égalité  symétrique.  Mais  en  conclure 
que  ce  cas  est  le  seul  compatihle  avec  la  formule  du 
tétraèdre,  c'est  oublier  qu'on  avait  déjà  supposé  cette  éga- 
lité symétrique  quand  on  considérait  comme  affecté  d'un 
même  facteur  /"(N),  l'échange,  soit  dans  un  sens,  soit  dans 
l'autre,  à  travers  la  facette  N.  En  d'autres  termes,  on  ne 
trouve  : 

/(N  =  -x)  =  /-(N  =  H-  X) 


(*)  Soit  9  [t — t'}m\e  fonction  de  la  diffcrence  de  lempérature  t — t' 
qui  change  de  signe  avec  l  —  t';  on  aura  : 

n  ^^=^^,  =  /-{N  =  -+-  .r)  X  fit  —  f)    j 

(1)  donnera 

f\^  =  -^x]f{l  -  t')  =  — /■(N=  -  xtf{l'  —  t), 
c'est-à-dire 


Caiip  2.  t 


/      t^up.t' 


(8) 

que  parce  qu'on  a  commencé  par  le  supposer  implicite- 
ment. Si,  au  contraire, on  avait  fait  attention  de  distinguer 
le  cas  où  le  flux  réel  a  lieu  dans  le  sens  N  de  celui  oh  il  a 
lieu,  pour  la  même  facette  N,  dans  le  sens  — N,  le  coefli- 
cient  /"(N)  du  premier  cas  aurait  été,  dans  le  second,  rem- 
placé par  /■( — N),  c'est-à-dire  par  la  fonction  /"(N)  qui 
convient  à  la  facette  définie  par  la  demi-normale  diamé- 
tralement opposée.  Alors  la  formule  (1)  aurait  donné 
l'identité 

/•(N  =  H-x)  =  AN=-*-x), 

et  on  n'aurait  plus  pu  arguer  d'aucune  contradiction  entre 
la  formule  du  tétraèdre  et  l'hypothèse  de  l'inégale  con- 
ductibilité en  sens  diamétralement  opposés. 

Or,  dans  cette  hypothèse,  on  est  obligé,  par  l'hypothèse 
même,  de  faire  la  distinction  dont  il  s'agit.  L'erreur  de 
M.  Ronkar  a  donc  été: 

i"  De  ne  pas  faire  cette  distinction; 

2°  De  ne  pas  faire  attention  que  Lamé  lui-même  l'avait 
faite. 

Il  a  donc  eu  tort  de  deux  façons  : 

1°  En  faisant  un  raisonnement  faux; 

2"  En  attribuant  un  semblable  raisonnement  à  Lamé. 

Le  rapport  ne  pouvait  donc  absolument  pas  conclure  à 
l'impression  du  mémoire.  Néanmoins,  si  les  calculs  de 
M.  Ronkar  ne  ruinent  en  rien  la  théorie  de  Lamé,  l'exa- 
men de  l'ouvrage  de  ce  géomètre  fait  apercevoir  certains 
points  à  élucider,  précisément  relatifs  à  la  manière  de 
tenir  compte  du  sens  réel  du  mouvement  de  la  chaleur, 
condition  que  Lamé  a  d'ailleurs  expressément  mentionnée 
et  qui  avait  échappé  à  M.  Ronkar. 


(9) 

Le  rapport  concluait  donc: 

1"  En  signalant  à  l'auteur  le  passage  de  Lamé  qui  ruine 
son  objection; 

2"  En  l'engageant  à  entreprendre  un  nouveau  travail, 
lequel  consisterait,  non  plus  à  combattre  en  principe, 
comme  il  le  faisait,  la  théorie  de  Lamé,  mais  à  revoir, 
dans  le  point  de  vue  indiqué  par  Lamé  lui-même,  cer- 
taines parties  de  l'analyse  de  ce  géomètre. 

D'ailleurs,  le  rapport  émettait  quelques  vues  sur  la 
marche  à  suivre  :  i"  il  signalait  la  nécessité  de  prendre  en 
considération  en  chaque  point  la  surface  de  niveau  ther- 
wït/we  (pp.  4  et  6);  il  faisait  voir  sur  un  cas  très  simple 
(p.  4)  que  la  formule  du  tétraèdre  ne  peut  être  appliquée 
dans  sa  généralité  qu'à  la  condition  de  remplacer  le  coef- 
ficient de  direction,  propre  à  un  sens  dans  lequel  la  chaleur 
augmente,  par  te  coefficient  de  direction  propre  au  sens  dia- 
métralement opposé;  2°  si  l'on  ne  fait  pas  cette  substitution 
effective,  il  faudra  procéder  d'une  manière  équivalente  en 
indiquant  d'une  manière  précise  dans  quel  se7is,  par  rap- 
port à  la  direction  du  mouvement  de  la  chaleur  dans  le 
milieu,  on  prend  la  normale  à  une  facette.  Le  rapport 
demandait  si  la  relation  du  tétraèdre  ne  devait  pas  s'ap- 
pliquer, dans  ce  dernier  point  de  vue,  seulement  aux 
facettes  dont  la  normale,  de  la  position  de  laquelle  dépend 
l'influence  de  la  conductibilité  angulaire,  est  dirigée  vers 
la  région  de  moindre  température,  c'est-à-dire  aux  facettes 
dont  la  normale  fait  un  angle  aigu  avec  la  normale  à  la 
surface  de  niveau  ?  D'ailleurs,  ne  pouvant  avoir  la  préten- 
tion de  constituer  lui-même  un  mémoire,  il  ne  présentait 
ces  premières  vues  qu'avec  la  réserve  qui  convenait  et 
comme  des  doutes  signalant  une  diflîculté;  et,  concluant 


(  10) 
que  le  sujet  méritait  (fêtre  approfondi  avec  soin,  il  propo- 
sait à  la  Classe  de  remettre  à  l'auteur  son  manuscrit  pour 
étudier  la  question  dans  le  nouveau  point  de  vue  qui  lui 
était  signalé. 

III.  Nous  arrivons  maintenant  au  second  mémoire  de 
M.Ronkar.  Un  courl  Avant-propos,  qui  y  refait  l'historique 
du  débat,  mérite  avant  tout  qu'on  s'y  arrête;  si,  d'un  côté, 
il  met  en  évidence  une  transformation  réelle  des  idées  de 
l'auteur,  de  l'autre  il  constitue  une  défense  quand  même 
de  son  premier  mémoire. 

M.  Ronkar  définit  comme  il  suit  la  substance  de  ce  pre- 
mier mémoire  :  «  Dans  cette  première  partie,  en  partant 
des  expressions  des  conductibilités  normales  et  tangen- 
tielles  données  par  Lamé,  nous  étions  arrivé  à  cette  con- 
clusion que  la  généralisation  introduite  par  cet  auteur 
dans  la  théorie  des  flux  moléculaires  de  Duhamel,  ne  con- 
duisait pas  aux  formules  du  cas  général  imaginé  par  l'au- 
teur lui-même.  L'application  de  la  formule  générale  du 
tétraèdre  aux  expressions  du  flux  nous  avait,  en  effet, 
ramené  au  cas  de  l'égalité  symétrique,  et  nous  en  con- 
cluions tout  naturellement  la  nécessité  de  modifier  autre- 
ment la  théorie  de  Duhamel  pour  parvenir  aux  formules 
pins  générales  de  Lamé  (*).   » 

Ceci  voudrait  dire  que  M.  Ronkar,  dans  son  premier 
mémoire,  après  avoir  établi  que  les  formules,  prises  telles 
quelles,  de  Lamé,  faisaient  retomber,  par  l'emploi  de  la 
formule  du   tétraèdre,  sur  celles  de  Duhamel,  en  aurait 


{')  CVst-à-dire  :  aux  fornuiles  qui  conviennent  au  cas  plus  général 
envisagé  par  Lamé. 


(H  ) 

conclu  qu'il  y  avail  simplemenl  lieu  de  s'écarter  plus  ou 
moins  de  Lamé  dans  la  manière  donl  celui-ci  modifie  lui- 
même  la  lliéorie  de  Duhamel,  ce  qui  est  un  acheminement 
vers  le  point  de  vue  indiqué  dans  le  rapport  (ce  dernier 
point  de  vue  consistait  à  examiner  si  Lamé  avait  tiré,  des 
modilicalions  qu'il  proposait,  toutes  leurs  conséquences.) 

\a'  résumé  donné  sous  cette  l'orme  par  M.  Ronkar  de  la 
substance  de  son  premier  travail  ne  laisse  rien  subsister  de 
la  gravité  et  de  la  portée  des  conclusions  qu'y  avait  aperçues 
le  rap[)orl  de  votre  Commissaire.  Mais,  d'autre  part,  il  est 
impossible  de  ne  pas  contester  l'exactitude  de  celle  appré- 
ciation de  l'auteur  concernant  son  travail.  Par  une  atté- 
nuation de  termes  qui  constitue  une  mention  peu  fidèle, 
l'honorable  auteur  cherche  ici  à  pallier  l'erreur  qu'il  a 
commise  dans  son  premier  mémoire,  sans  vouloir  néan- 
moins reconnaître  qu'il  a  commis  celte  erreur  et  que  le 
rapport  avait  raison. 

Quand  il  a  écrit  son  premier  mémoire,  et  après  avoir 
trouvé,  en  combinant  la  formule  du  tétraèdre  avec  la  for- 
mule de  Lamé,  que  ces  formules  se  réduisaient  à  celles  de 
Duhamel,  au  lieu  de  conclure,  comme  il  veut  maintenant 
l'avoir  fait,  qu'il  y  a  lieu  de  modifier  autrement  que  ne  l'a 
fail  Lamé  la  théorie  de  Duhamel,  M.  Ronkar  a  conclu,  de 
cette  réduction  forcée  des  formules  de  Lamé  à  celles  de 
Duhamel,  que  Vidée  de  r inégale  conduclibililé  en  sens  dia- 
métralement opposés  est  incompatible  avec  les  principes 
londauientaux  aujourd'hui  admis  de  la  transmission  de  la 
chaleur,  et  cela  de  telle  manière  que,  si  l'expérience  était 
d'accord  avec  certaines  conséquences  définies  (p.  5  du  pre- 
n)ier  mémoire)  de  la  théorie  de  Lamé,  nous  en  serions 
réduits  à  modifier  nos  idées  sur  les  lois  élémentaires  de 
l'échange  calorifique. 


(  12) 
Une  circonstance  particulière  vient  rendre  en  quelque 
sorte  sensible  la  transformation  des  idées  de  l'auteur. 
Sur  le  manuscrit  du  premier  mémoire,  qui  lui  a  été  remis 
en  même  temps  que  mon  rapport,  les  mots  «  lois  élé- 
mentaires de  l'échange  calorifique  »  (que  je  reproduis 
tant  d'après  mon  souvenir  que  d'après  les  fragments  de 
caractères  qui  en  restent)  ont  été  effacés  et  remplacés  par 
le  terme  élastique  «  notions  admises  sur  les  flux  de 
chaleur  ».  La  première  expression  était  très  nette  et  très 
claire.  Les  lois  élémentaires  de  l'échange  calorifique  con- 
sistent dans  l'échange  proportionnel,  par  un  coeflicienl, 
entre  deux  parties  extrêmement  voisines,  à  la  différence 
de  leurs  températures.  M.  Ronkar  croyait  avoir  démontré 
que  l'idée  de  la  conductibilité  inégale  en  sens  diamétrale- 
ment opposés  est  incompatible  avec  cette  conception  ;  el 
il  en  concluait  très  naturellement  que  si  la  conductibilité 
diamétralement  inégale  se  constatait,  il  faudrait  modifier 
les  notions  de  principe  sur  l'échange  calorique.  Au  lieu  de 
l'expression  a  lois  élémentaires  »,  il  a  substitué  celle  de 
«  notions  admises  sur  les  flux  »,  par  oii  il  est  possible 
d'entendre  à  peu  près  tout  ce  que  l'on  veut;  et  cela  a  été  un 
acheminement  vers  une  troisième  forme,  encore  plus  large 
et  moins  définie,  adoptée  dans  le  mémoire  actuel,  savoir  : 
«  modifications  à  la  théorie  de  Duhamel  ».  il  ne  restait 
plus  qu'un  pas  à  faire  pour  arriver  à  la  position  de  la  ques- 
tion proposée  à  M.  Ronkar  par  le  rapport,  savoir:  «  étude 
plus  approfondie  des  principes  mêmes  de  Lamé,  et  prise 
en  considération  d'un  certain  passage  de  cet  auteur  », 
passage  qui,  négligé,  avait  causé  tout  le  mal.  Ce  dernier 
pas,  comme  on  le  verra  tout  à  l'heure,  est  enfin  franchi,  du 
moins  en  partie,  dans  le  mémoire  actuel;  mais  le  désaveu 
de  fait  du  premier  mémoire  est  ainsi  accordé  sans  que 


(  15  ) 
Tauleur  veuille  convenir  que,  dans  ce  premier  mémoire,  il 
a  fait  erreur. 

Continuons  l'examen  de  V Avant-propos. 

L'application  de  la  formule  générale  du  tétraèdre  aux 
expression  du  flux,  ramenant  le  cas  de  Lamé  à  celui  de 
l'égalité  symétrique  de  Duhamel,  «  l'un  des  honorables 
Commissaires  chargés  d'examiner  notre  travail  »,  dit 
M.  Ronkar,  «  émit  des  doutes  sur  la  validité  de  l'application 
de  la  formule  du  tétraèdre  dans  toute  sa  généralité,...  »  On 
a  vu  plus  haut  (p.  9  ci-dessus)  le  sens  dans  lequel  j'ai,  en 
effet,  parlé  de  restrictions  à  apporter  dans  l'application  de 
cette  formule,  a  Nous  n'avons  pu  nous  rallier  à  celte 
manière  de  voir,  et  nous  avons  ainsi  été  amené  à  écrire  la 
seconde  partie  de  notre  mémoire,  dans  lequel  nous  recher- 
chons la  cause  première  du  résultat  auquel  nous  étions 
parvenu  d'ahord.  On  y  verra  qu'il  provient  en  réalité  d'une 
incorrection  des  formules  de  Lamé,  incorrection  qui  revient 
en  somme  à  ce  que  l'auteur  introduit,  sans  s'en  douter, 
l'égalité  symétrique...;  il  n'y  a  donc  rien  d'étonnant  à  ce 
que  nous  l'ayons  retrouvée  par  l'emploi  de  la  formule  du 
tétraèdre.  » 

Ce  que  M.  Ronkar  dit  qu'il  n'a  pu  se  rallier  aux  consi- 
dérations émises  par  votre  Commissaire  sur  l'application 
de  la  formule  du  tétraèdre,  est  en  réalité  parfaitement 
inexact;  car  il  n'a  fait  dans  tout  ce  second  mémoire 
qu'appliquer  l'idée  émise  dans  le  rapport  et  définie  plus 
haut  (p.  9)  :  que  la  formule  du  tétraèdre  ne  peut  être 
appliquée  dans  sa  généralité  qu'à  la  condition  de  remplacer 
le  coefficient  de  direction,  propre  à  un  sens  dans  lequel  la 
chaleur  augmente,  par  le  coefficient  de  direction  propre  au 
sens  diamétralement  opposé;  et  je  ne  songerais  certaine- 
ment pas  à  me  plaindre  de  ce  qu'une  remarque  émise  dans 


(  ii  ) 

un  rapport  a  pu  être  de  quelque  utilité  à  l'auteur  d'un 
mémoire,  ni  même  à  parler  seulement  de  cela,  si  l'auteur 
ne  m'y  obligeait  en  déclarant  ainsi,  tout  au  contraire,  dans 
un  travail  qu'il  destine  à  la  publicité,  que  mes  observations, 
les  mêmes  qu'il  suit  à  la  lettre,  n'étaient  pas  fonées. 

M.  Ronkar  déclare  donc  que,  n'ayant  pu  se  rallier  à  la 
manière  de  voir  du  rapport,  il  a  été  ainsi  amené  à  exa- 
miner de  plus  près  l'ouvrage  de  Lamé  et  à  découvrir  (ce 
que  le  rapport  disait  tout  au  long)  que  l'origine  de  l'erreur 
commise  consiste  en  ce  que,  sans  s'en  douter,  on  a  intro- 
duit implicitement  l'égalité  symétrique  de  la  conductibilité 
dans  les  formules;  et  qu'il  n'y  a  donc  rien  d'étonnant  à  ce 
qu'il  l'ait  retrouvée  par  l'application  de  la  formule  du 
tétraèdre. 

Non  ;  il  n'y  a  évidemment  rien  d'étonnant  à  retrouver, 
au  bout  d'une  série  de  formules,  ce  qu'on  a  commencé  par 
y  mettre,  et  c'est  précisément  ce  que  le  rapport  avait 
reproché  à  M.  Ronkar.  Mais  ce  qui  étonne,  c'est  d'entendre 
M.  Ronkar,  après  avoir  ainsi,  sans  s'en  douter,  commis  la 
faute  dont  il  s'agit,  annoncer  comme  une  découverte  que 
Lamé,  sans  s'en  douter,  l'a  commise  également.  Où  en 
sommes-nous,  et  à  quoi  l'honorable  auteur  prétend-il  con- 
traindre notre  approbation  si,  en  outre  des  fautes  qu'il 
croit  découvrir  chez  Lamé,  il  rend  encore  Lamé  respon- 
sable des  fautes  que  lui-même  a  commises?  On  admettrait 
que  le  développement  des  calculs  de  Lamé  est  incomplet, 
que  même  son  analyse  doit  être  rectifiée,  tout  au  moins 
ne  pourrait-on  pas  lui  enlever  le  mérite  d'avoir  prévu  les 
objections  et  donné  lui-même  tous  les  éléments  qui  peu- 
vent servir  à  y  répondre;  tandis  que  l'honorable  auteur 
du  mémoire  actuel,  après  avoir  réellement  commis,  d'Uhe 
manière  complète  et  effective,  la  faute  qu'il  reproche  main- 


(  is) 

tenant  à  ce  géomètre,  ne  s'est  pas  même  réservé  le  mérite 
(le  se  rendre  compte  par  lui-même  de  la  cause  de  son 
erreur,  ne  l'a  pas  même  aperçue  dans  le  livre  qu'il  critique, 
livre  qui,  lu  plus  attentivement,  la  lui  eût  cependant 
indiquée. 

Il  est  impossible  de  ne  pas  l'aire  observer  que,  dans  ces 
conditions  et  sous  cette  l'orme,  l'auteur  du  mémoire  s'est 
enlevé  de  lui-même  tout  droit  à  voir  ratifier,  par  ceux  dont 
il  demande  la  critique,  le  reproche  qu'il  adresse  à  l'auteur 
de  la  théorie  de  la  chaleur.  Et  cela  est  d'autant  moins 
admissible  que  ce  reproche  n'est  pas  absolument  fondé, 
pris  en  lui-même;  car  il  serait  singulièrement  léger,  en  pré- 
sence des  restrictions  indiquées  par  Lamé  et  qui  résolvent 
la  diffîcullé,  de  dire  d'une  manière  absolue  qu'il  a  sans 
s'en  douter  introduit  dans  ses  formules  ce  qui  devait  les 
détruire.  S'il  est  très  vrai  que  l'honorable  auteur  du 
mémoire  que  j'analyse  s'est  mépris  de  cette  manière 
absolue,  pour  Lamé,  on  peut  tout  au  moins  accorder  à 
cet  illustre  géomètre  qu'il  s'est  douté  de  quelque  chose. 

Comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  en  en  donnant  les  raisons 
(p.  10),  c'est  le  court  Avant-propos  du  mémoire  de  M.  Ron- 
kar  qu'il  importait  avant  tout  d'examiner  avec  soin.  Le 
mémoire  proprement  dit  peut  dès  lors  se  résumer  rapi- 
dement. C'est  l'application  de  deux  des  idées  qui  avaient 
été  indiquées  dans  le  rapport,  savoir  : 

1°  La  prise  en  considération  de  la  surface  de  niveau 
thermique; 

2"  La  nécessité  de  ne  considérer,  pour  conserver  dans  sa 
généralité  la  formule  du  tétraèdre,  que  les  coefficients  des 
directions  dans  lesquelles  la  température  diminue.  Alors, 
comme  cela  avait  été  indiqué,  on  peut  appliquer  la  for- 
mule du  tétraèdre. 


(  «6  ) 

Cette  partie  est  convenablement  traitée  dans  le  mémoire. 
Il  y  a  pourtant  des  réserves  :  l'auteur  devrait  s'expliquer 
mieux  quand  il  conclut  que  la  formule  du  tétraèdre  s'ap- 
plique dès  lors  à  toute  facette,  que  sa  normale  fasse  un 
angle  obtus  ou  un  angle  aigu  avec  la  normale  à  la  surface 
isotherme,  menée  dans  le  sens  de  la  décroissance  de  tem- 
pérature. Au  point  de  vue  de  la  réalité  physique,  ce  serait 
de  nouveau  une  illusion,  fondée  sur  ce  qu'on  oublierait  en 
parlant  ainsi  qu'on  n'a  fait  usage  que  des  coefficients  de 
direction  relatifs  à  des  directions  faisant  un  angle  aigu  avec 
la  normale  isotbermique.  Ainsi,  par  exemple,  si  la  surface 
isotherme  est  le  plan  des  |  rjz  |,  la  température  diminuant 
en  marchant  dans  le  sens  +  x,  comme,  pour  la  facette  qui 
regarde  vers  les  — a-,  on  emploie  les  mêmes  coefficients  de 
conductibilité  que  pour  celle  qui  regarde  vers  les  +-  x,  cela 
revient  à  dire  que  la  formule  du  tétraèdre  ne  concerne  en 
réalité,  dans  la  théorie  de  Lamé,  que  les  facettes  définies 
par  les  normales  qui  font  au  plus  90°  avec  les  +  x.  Il  y 
aurait  des  observations  analogues  à  faire  quant  à  la  géné- 
ralité avec  laquelle  M.  Ronkar  écrit,  en  terminant,  les  for- 
mules de  l'ellipsoïde  des  conductibilités.  Le  rapport  con- 
tenait à  cet  égard  des  observations  auxquelles  il  n'a  pas  été 
répondu.  Mais  il  est  inutile,  pour  les  conclusions  du  rapport 
actuel,  que  nous  l'allongions  inutilement  par  la  discussion 
de  celte  dernière  question.  11  ne  nous  reste  qu'à  résumer 
tout  le  débat  en  quelques  mots. 

IV.  1°  Dans  son  premier  mémoire,  M.  Ronkar  prétend 
démontrer  qu'il  y  a  incompatibilité  entre  l'idée  de  l'inégale 
conductibilité  diamétrale  et  les  notions  habituelles  de 
l'échange  de  chaleur.  Or,  on  lui  accorderait  la  transfor- 
mation des  termes  a  lois  élémentaires  de  l'échange  calo- 
rifique »  en  ceux  de  a  notions  admises  pour  les  flux  de 


(17) 
chaleur  »  que  ce  serait  toujours  une  erreur,  comme  le 
prouverait  à  lui  seul  le  second  mémoire,  où  il  établit  le 
contraire.  M.  Ronkar  prétend  cependant  maintenir  ce  pre- 
mier mémoire  qu'il  présente  comme  la  première  partie 
d'un  mémoire  total  dont  le  mémoire  actuel  serait  la 
seconde.  Cela  est  inadmissible,  puisque,  leurs  résultats 
étant  contradictoires,  il  faut  nécessairement  que  l'un  des 
deux  soit  faux. 

2°  L'Avant-propos  du  second  mémoire  (deuxième  partie 
Ju  mémoire  total)  rend  compte  d'une  manière  tout  à  fait 
inexacte  et  de  la  substance  du  premier  et  de  la  véritable 
position  de  la  question.  Cet  4 mn /-propos  est  dès  lors  éga- 
lement inadmissible. 

5°  Enfin, dans  le  corps  du  second  mémoire,  si  M.  Ronkar 
fait  un  pas  dans  l'élucidation  du  problème,  en  appliquant 
les  idées  du  rapport,  il  y  a  des  restrictions  formelles  à  lui 
voir  faire  quant  au  sens  dans  lequel  il  comprend  de  nou- 
veau l'application  de  la  formule  du  tétraèdre  et  la  formule 
de  l'ellipsoïde  des  conductibilités.  L'auteur  doit  clairement 
s'expliquer  là-dessus,  et  refondre,  en  la  complétant  et  en 
la  séparant  du  reste,  cette  partie  de  son  travail. 

Pour  ces  raisons,  je  ne  puis  proposer  à  la  Classe  l'im- 
pression ni  de  la  première  partie  (premier  mémoire),  ni  de 
rAvant-propos,ni  même  celle  des  calculs  proprement  dits 
du  second  mémoire,  qui  doivent  être  refondus  et  présentés 
isolément,  et  je  me  vois  forcé  de  lui  demander  le  dépôt  aux 
archives  des  manuscrits  de  l'auteur.  » 

M.  De  Tilly  s'étant  rallié  aux  conclusions  de  M.  Lagrange, 
la  Classe  les  adopte  et  décide  l'impression  au  Bulletin  du 
rapport  des  commissaires. 

3"'    SÉRIE,    TOME    XXVI.  2 


(18) 

Sur  les  sphères  bi tangentes  à  une  surface  du  second  degré; 
par  Cl.  Servais. 

nappoft  (fe  JV.  C.   Ce  M*aige,  pfetitief  conttnisaairv* 

«  Considérons  Téquation 

fx,-a,f  +  (x,-«,)*-4-x|— p*  — A(x,— «;f— B(Xî-a;)^=0.  (t) 

Si  nous  écrivons 

2  =  (X,  —  a,)'  -♦-  (Xî  —  a.,)'  -+-  x|  —  p', 

celte  équation  peut  s'écrire 

2,  =  2  -[V/Â(.r,  -«;)  -4-  îl/B(a:j  -  ai)]  \\/I{x^  -«,')  -  iI/B(xj  -  «;)]  =  0.  (ïJ) 

Sous  celle  forme,  on  voit  que  les  plans  représentés 
par 

c,  =  i/Â(x,  —  «;)  -+-  iVb(x2  —  «î)  =  0, 

C72  =  V/'Â(x,  —  a;)  —  tl/B(x2  —  a;)  =  0, 

déterminent  des  sections  circulaires  communes  à  la  sphère 
2  et  à  la  surface  s,. 
Soit  maintenant 


2.  =  7  +  fV^-l=0   ....     (3) 
tj        lî       tj 


l'équation  de  la  quadrique. 


(  19) 
Pour  identifier  les  équations  (1)  el  (3),  nous  devons 
poser 


a,  =  AotJ, 

«î  =  B^, 

-;7 

— -  ^  — 

-h       h 

± 

Il  résulte  immédiatement  de  là  que  si  ai,  a^,  0  sont  les 
coordonnées  du  centre  S  de  la  sphère  2,  la  droite  qui 
joint  les  points  de  contact  de  2  et  ^  est  la  conjuguée, 
par  rapport  à  s,,  de  la  polaire  de  S  par  rapport  à  la 
conique  focale 


Si  M  est  un  point  de  la  surface,  M,,  M^  les  projections  de 
M  sur  îzTi,  OT,,  on  a,  en  vertu  de  (1)  et  en  supposant  A  et  B 
désignes  contraires, 


MM, .  MM, 


la  constante  étant  indépendante  de  a,,  a,. 

Nous  obtenons  ainsi  le  théorème  de  Salmon,  généra- 
lisé par  M.  Servais. 

Reprenons  maintenant  l'équation  de  z^,  et  supposons, 
pour  plus  de  simplicité,  que  cette  surface  soit  l'ellipsoïde 
représenté  par 

x\      x\      x\ 


(20  ) 

Nous  aurons,  dans  ce  cas,  en  conservant  les  notations 
précédentes, 

MS"  -  p'  =  — -^  (x,  -  a[f  -t-  —^  {x,  -  «;)\ 

Or,  si  par  le  point  arj,  X2,  x^  de  la  surface  2,,  nous 
menons  un  plan  parallèle  à  l'une  des  sections  circulaires 
passant  par  l'axe  moyen,  ce  plan  a  pour  équation 


En  y  faisant  Xj==a;,  il  vaut 


Nous  avons  ainsi  les  coordonnées  aï,  a;,  X3  du  point  où 
le  plan  dont  il  vient  d'être  question  rencontre  la  corde  de 
contact  de  2,  Zj. 

SoitR  ce  point;  on  a 

mr'  =  (x,  —  «;)-  -H  (X2  —  a;)"  -+-  {X,  —  x,f 

[  c^  (a^  ^  62V  j 


6' 

ï'  —  c 


A[Ms^-fl- 


D'où 


(21  ) 
généralisation  du  théorème  du  Mac  Culiagh  donnée  éga- 
lement par  M.  Servais.  Nous  ne  suivrons  pas  l'auteur  dans 
les  applications  qu'il  a  faites  des  théorèmes  généralisés  de 
Salmon  et  de  Mac  Cullagh  à  la  génération  des  quadriques 
d'après  Jacobi. 

L'analyse  précédente  montre  qu'en  suivant  pas  à  pas  la 
méthode  connue,  employée  dans  la  recherche  des  foyers 
des  quadriques,  on  retrouve  aisément  les  résultats  donnés 
par  M.  Servais. 

La  voie  était  ouverte,  dans  cette  direction,  par  la  géné- 
ralisation du  théorème  de  Salmon. 

M.  Servais  a  fait  un  élégant  usage  de  la  méthode  géo- 
métrique; il  est  ainsi  parvenu,  d'une  manière  simple,  à  des 
théorèmes  connus  ou  à  des  généralisations  intéressantes  de 
propriétés  connues.  Je  pense  donc  que  sa  note  nouvelle 
sera  accueillie  favorablement,  et  je  propose  à  la  Classe 
d'en  ordonner  l'impression  dans  le  Bulletin  ainsi  que  des 
deux  figures  qui  l'accompagnent.  » 


iSappot't  de  WM.  Xettherg,  secoi*d  conttniêsaifo. 

«  On  peut  généraliser  la  théorie  des  foyers  des  quadri- 
ques en  cherchant  les  sphères  bitangentes  à  une  telle 
surface.  Mon  savant  confrère,  dans  son  rapport,  indique 
les  calculs  qui  conduisent  à  la  généralisation  des  théorèmes 
de  Mac-Cullagh  et  de  Salmon.  M.  Servais  expose  une 
méthode  géométrique  qui  exige  la  connaissance  préalable 
des  propriétés  des  coniques  focales. 

Une  partie  importante  de  la  Note  est  consacrée  au  mode 
de  génération  des  quadriques  que  Jacobi  a  déduit  du 
théorème  d'Ivory,  comme  étant  l'analogue  de  la  propriété 


(22) 
de  l'ellipse  ou  de  l'hyperbole,  consistant  en  ce  que  la 
somme  ou  la  différence  des  rayons  vecteurs  de  tout  point 
de  la  courbe  est  constante.  M.  Servais  établit  cette  généra- 
lion  au  moyen  des  propriétés  des  sphères  bitangentes  et 
signale  les  modiûcations  que  subit  le  théorème  de  Jacobi 
d'après  le  choix  du  triangle  fondamental. 

Je  pense,  comme  l'honorable  premier  commissaire,  que 
la  Note  sur  les  sphères  bitangentes  présente  un  intérêt 
suffisant  pour  paraître  dans  les  Bulletins  de  l'Académie.  » 

La  Classe  adopte  la  proposition  de  ses  commissaires. 


Sur  le  fluorchlorbrommélhane ;   par   F.  Swarts. 

Happot't  rfe  m,  IF.  Spt'iitg,  pÊ'etniBf  cotninigaaif». 

«  M.  F.  Swarts,  répétiteur  à  l'Université  de  Gand,  a 
entrepris  l'étude  de  l'action  d'un  mélange  de  brome  et  de 
trifluorure  d'antimoine  sur  les  dérivés  halogènes  des  sub- 
stances organiques.  Dans  une  première  note,  insérée  aux 
Bulletins  de  l'Académie  rotjale  de  Belgique,  tome  XXIV, 
page  309,  il  a  montré  que  le  tétrachlorure  de  carbone  fournit 
un  dérivé  fluochloré  du  carbone  et  non  un  dérivé  brome; 
plus  tard  il  a  préparé  le  fluochloroforme  :  CHCl^p'I;  sa 
note  figure  au  tome  XXIV,  page  459  de  notre  Bulletin. 
Poursuivant  son  étude,  l'auteur  a  soumis,  à  présent,  le 
chlorobibromméthane  à  l'action  du  même  mélange  en  vue 
de  comparer  l'affinité  du  brome  avec  celle  du  chlore  pour 
le  carbone  ou  pour  ranlimoine. 

M.  Swarts  est  arrivé  à  un  composé  répondant  à  la 
formule  CHCIFIBr  :  le  fluorchlorbrommélhane. 

Comme  l'auteur  le  fait  remarquer,  c'esl  le  représentant 


(25) 

le  plus  simple  des  composés  à  carbone  asymétrique;  l'élude 
de  ses  propriétés  optiques  promet  l'observation  de  faits 
d'autant  plus  intéressants  que,  selon  la  théorie  générale- 
ment admise  aujourd'hui,  la  raison  du  pouvoir  rotatoire  se 
trouverait  dans  l'asymétrie  de  composition  des  corps  orga- 
niques. 

J'ai  l'honneur  de  proposer  à  la  Classe  l'insertion  de  la 
note  de  M.  Swarts  dans  le  BuUelin  de  cette  séance.  » 


Happoft  de  JU,  liouia  Bent'y,  aecotul  co»tut*ig»aife, 

FI 

«  Le  fluo-chloro-brométhane  CH  <  ci  est  le  troisième 

Br 

des  composés  fluorés  obtenus  par  M.  F.  Swarts  dans  le 

cours  de  ses  recherches. 

Comme  les   précédents,   le  fluo-chlorure   de   carbone 

FI  FI 

C  <  ^1   et  le  fluo-chlorolorme  HC  <  qi  ,  ce  corps  se  fait 

remarquer  par  une  volatilité  plus  grande  que  celle  de  son 
correspondant  hydrogéné, le  chloro-bromure  de  méthylène, 
que  j'ai  fait  connaître  en  1885  ('). 

Différence. 


H,C  <  ^|.  Éb.  68» 

FI 

HC  <  Cl  Éb.  98» 
Br 

—  30° 

HjC  — CI2  Éb  Ai" 

HC  <  [!]  Éb.  1405 

—  26- 

HC  —  CI3  Éb.  Gl» 

G  <  ^1  Éb  24» 

-57» 

(')   Comptes  rendus,  t  Cl,  p.  599. 


(24) 

Celle  circonslance  ajoute  encore,  selon  moi,  à  l'inlérêt 
que  ce  corps  peul  présenter  sous  d'autres  rapports. 

On  voit  de  mieux  en  mieux  que  le  remplacement  de  H 
par  FI  dans  la  molécule  du  méthane,  vis-à-vis  des  corps 
halogènes,  abaisse  le  point  d'ébullition  et  constitue,  fait 
remarquable  et  en  apparence  anomal,  une  cause  puissante 
de  volatilité  pour  la  molécule  totale. 

Je  me  rallie  à  la  conclusion  du  rapport  de  mon  savant 
confrère,  M.  W.  Spring.  > 

La  Classe  décide  l'impression  au  Bulletin  de  la  note  de 
M.  F.  Swarts. 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


Revendication  de  priorité;  par  F.  Folie,  membre 
de  l'Académie. 

On  lit  dans  le  discours  prononcé  à  la  séance  d'ouver- 
ture de  la  Société  astronomique  de  France  (')  : 

«  On  avait  admis  jusqu'ici,  sur  la  foi  des  calculs  d'Euler 
qui  n'ont  jamais  été  contestés,  que,  si  les  latitudes  terres- 
tres présentaient  une  petite  variation,  elles  devaient  avoir 
une  période  de  306  jours.  Cette  difficulté  a  été  levée  par 
M.  Newcomb,  qui  a  fait  remarquer  que,  si  la  théorie  donne 


(*)  Discours  de  M.  Tisserand,  reproduit  dans  la  Revue  l'Astro- 
nomie de  C.  Flammarion:  mai  1893. 


(23) 

306  jours,  elle  suppose  que  la  Terre  est  absolument  rigide, 
tandis  qu'en  fait  la  fluidité  de  la  Terre  et  son  élasticité 
doivent  jouer  un  rôle  important.  » 

Il  nous  sera  permis  de  faire  remarquer  que,  dès  1890, 
nous  avons,  non  seulement  expliqué  par  la  fluidité  inté- 
rieure de  la  Terre  la  modification  dans  la  période  admise, 
mais  affirmé  le  premier  que  cette  période  de  306  jours  ne 
pourrait  pas  être  vérifiée  par  l'observation,  et  indiqué 
une  période  de  337  jours  comme  y  répondant  beaucoup 
mieux. 

Voici  un  extrait  de  notre  note  sur  ce  point  : 

«  La  concordance  étonnante  de  ces  résultats  entre  eux, 
et,  quant  à  la  constante  numérique,  avec  ceux  de  Peters  et 
de  Downing,  m'a  inspiré  une  confiance  assez  grande  dans 
leur  valeur,  pour  que  j'y  voie  une  confirmation  des  doutes 
théoriques,  que  j'avais  depuis  longtemps,  sur  l'exactitude 
de  la  période  de  305  jours  attribuée  par  les  astronomes 
aux  variations  de  la  latitude  (*). 

»  Voici  la  raison  de  ces  doutes  : 

»  La  période  de  305  jours  se  tire  de  la  valeur  assignée  au 
rapport  ^-y^;  pour  une  Terre  solide,  ce  rapport  est 
bien  certainement  compris  entre  0,00325  et  0,00327. 

j>  Mais  pour  moi,  ce  n'est  pas  de  la  Terre  solide  qu'il 
s'agit  dans  des  mouvements  qui  ne  sont  pas  à  très  longue 
période,  mais  de  son  écorce,  et,  probablement,  d'une  partie 
fictivement  entraînée  du  noyau,  suivant  la  théorie  de 
M.  Ronkar. 

9  J'estime  donc  que  ce  rapport  *^^  ne   peut  être 


(*)    /annuaire  de  l'Observatoire  de  Bruxelles  pour  1890,  p.  299. 


(26  ) 

délerminé,  pour  chaque  cas  particulier,  que  par  l'observa- 
tion. 

»  C'est  ce  que  j'ai  tenté  de  faire,  et  le  résultat  a  répondu, 

et  au  delà,  à  mes  espérances 

Nul  astronome  ne  niera,  en 

présence  de  ces  résultats,  quels  que  soient,  du  reste,  ses 
préjugés  en  faveur  de  la  période  décimensuelle,  que  la 
mienne  ne  réponde,  avec  une  précision  inespérée,  aux 
observations. 

»  A  la  période  décimensuelle,  il  faut  donc  substituer  ma 
période  de  336,7  jours  moyens;  en  d'autres  termes,  à  la 
valeur  0,00327  du  rapport  -^  calculé  par  les  astro- 
nomes pour  la  Terre  entière,  il  faut  substituer  celle  de 
0,00296,  qui  se  déduit  de  ma  période. 

5    La  différence  est  sensible,  on  le  voit. 

»  J'engage  vivement  les  adversaires  de  la  nutalion 
diurne  à  y  réfléchir,  et  à  lâcher  d'expliquer  autrement  que 
je  Tai  fait,  c'est-à-dire  par  une  hypothèse  autre  que  la 
mienne  sur  la  constitution  du  globe,  cette  différence  entre 
la  valeur  de  — ^,  calculée  pour  une  Terre  solide,  et 
celle  que  j'ai  tirée,  sans  qu'il  soit  possible  de  la  contester, 
de  toutes  les  observations  relatives  au  sujet  que  je  viens  de 
traiter.  » 

Nous  avons  répété  cette  affirmation  dans  la  note  que 
nous  adressions  en  1891  à  la  rédaction  du  Biillelin  astro- 
nomique, en  réponse  à  une  note  de  M,  Tisserand  : 

4  Quant  à  l'impossibilité  d'admettre  encore  l'hypothèse 
de  la  solidité  intérieure  du  globe,  elle  est  bien  démontrée 
aujourd'hui  par  ce  fait  que,  de  toutes  les  déterminations 
(le  l'angle  p  effectuées  par  Peters,  Nyrén,  Downing  et  moi- 
même,  il  résulte,  pour  les  variations  de  la  latitude  astro- 


(27  ) 
nomique,  une  période  de  536,7  jours,  au  lieu  de  celle  de 
505  jours  que  les  astronomes  onl  calculée  dans  l'hypothèse 
de  cette  solidité  intérieure,  et  qui,  dans  cette  même  hypo- 
thèse, peut  être  considérée  comme  exacte  à  un  ou  deux 
jours  près  d  {*). 

On  a  pu  lire  aussi  dans  notre  Discours  sur  les  préjugés 
en  aslronomie  : 

«  Dans  le  cours  de  mes  recherches  sur  ce  sujet,  je  crois 
être  le  premier  qui  ait  rais  en  doute  la  période  de  50o  jours 
assignée  très  exactement,  dans  l'hypothèse  d'une  Terre 
solide,  au  mouvement  du  pôle  instantané  autour  du  pôle 
géographique,  et  universellement  admise  par  les  astro- 
nomes, malgré  l'impossibilité  où  ils  étaient  de  mettre 
d'accord  entre  elles  les  positions  trouvées  pour  cet  axe,  à 
différentes  époques, par  Peters,qui  l'a  déterminé  le  premier, 
par  Nyrén  et  par  Downing  »  {**). 

Enfin,  je  suis  revenu  à  maintes  reprises  sur  ce  sujet 
important  dans  les  notices  qui  font  suite  à  V Annuaire  de 
VObservaloire  royal  de  1890  à  1892. 

Il  résulte  de  ce  qui  précède,  non  seulement  que  noire 
explication  a  devancé  celle  de  Newcomb  de  deux  ans,  mais 
que,  alors  que  tous  les  astronomes  croyaient  encore  à  la 
période  de  505  jours  dans  le  mouvement  de  l'axe  terres- 
tre autour  du  pôle  géographique,  nous  avons  affirmé  que 
celte  période  devait  être  plus  longue;  parce  que,  persuadé 
que  nous  sommes  de  l'existence  de  la  nutation  diurne,  et, 
par  suite,  de  la  fluidité  superficielle  intérieure  de  la  Terre, 


(•)   Hull.  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  t.  XXIII,  n»  2,  1892. 
(••)  Ibid.,  l.  XXIV,  n»  12,  1892. 


(28) 
l'axe  en  question  n'est  pas  pour  nous  celui  de  la  Terre 
entière,  mais  celui  de  son  écorce  solide. 

Et,  pour  le  dire  en  passant,  nous  ne  comprenons  pas 
bien  que  les  astronomes  qui  admettent  cette  fluidité  inté- 
rieure déclarent  a  priori  que  la  nutation  diurne  n'existe 
pas. 

Dans  une  prochaine  communication,  je  prouverai  qu'elle 
existe,  mais  qu'elle  est  très  faible  ('/a  dixième  de  seconde 
d'arc  environ),  ce  qui  sera  peut-être  de  nature  à  la  faire 
admettre  plus  aisément. 

La  période  de  la  nutation  eulérienne  ou  initiale,  qu'on 
supposait  être  de  305  jours,  est  encore  loin  d'être  connue. 

Après  avoir  pensé  qu'elle  était  de  537  jours,  à  cause  de 
l'accord  remarquable  qu'ofl'raient,  dans  cette  hypothèse,  les 
différentes  déterminations  faites  par  Peters,  Nyrén,  Dow- 
ning  et  moi-même,  j'ai  trouvé  qu'elle  devait  être  plus 
longue  encore;  MM.  Chandier  et  Nyrén  vont  jusqu'à 
admettre  qu'elle  est  de  425  jours  environ.  Je  reviendrai 
prochainement  sur  ce  point. 

Mais  je  tiens  à  répéter  ici  ce  que  je  disais  déjà  dans 
V Annuaire  de  l'Observatoire  royal  pour  1892,  page  267, 
c'est  que  le  second  terme  de  la  nutation  initiale,  dont 
aucun  astronome  n'a  jamais  tenu  compte  parce  qu'il  a 
B  —  A  pour  facteur,  n'est  probablement  pas  négligeable, 
parce  que  B  —  A  ne  l'est  pas  pour  l'écorce  solide  du  globe. 

La  détermination  de  ce  second  terme  sera  fort  mal- 
aisée, parce  que  les  constantes  de  la  nutation  initiale  qui, 
si  on  la  réduit  au  premier  terme,  sont  au  nombre  de  deux, 
s'élèvent  à  quatre  si  l'on  ajoute  le  second  terme,  et  ne  peu- 
vent pas  se  déterminer  au  moyen  d'une. seule  série  d'ob- 
servations. 


(29) 

Incidemment,  il  n'est  peut-être  pas  inutile  que  je  rap- 
pelle que  j'ai,  le  premier  aussi,  fait  voir  qu'on  peut  déter- 
miner la  nutation  initiale,  dégagée  de  toutes  les  erreurs  de 
réduction,  en  prenant  la  demi-somme  des  latitudes  déduites 
de  deux  passages  consécutifs, ou  à  peu  près,  l'un  supérieur, 
l'autre  inférieur,  d'une  circompolaire,  et  que  j'ai  appliqué 
ce  procédé  aux  observations  de  Peters  (*). 

M.  Chandier  vient  de  le  faire  également  dans  son  travail 
On  Ihe  constant  of  aberration  (**). 

Il  emploie,  pour  exprimer  ce  que  les  astronomes  appel- 
lent la  variation  des  latitudes,  une  formule  empirique  qui 
renferme  un  terme  annuel  très  considérable. 

J'ai  fait  usage  des  mêmes  observations,  en  en  éliminant 
deux  qui  doivent  être  rejetées  comme  absolument  défec- 
tueuses, et  j'y  ai  simplement  appliqué  la  nutation  initiale, 
avec  une  période  de  398  jours. 

Dans  ces  conditions,  la  somme  des  carrés  des  résidus 

de  Peters  est 26,77; 

de  Chandier 18,8; 

des  miens 15,8. 

Peut-être  trouverais-je  encore  un  meilleur  résultat  en 
appliquant  une  période  plus  longue;  j'attendrai  toutefois 
que  j'aie  déterminé  celle-ci  au  moyen  de  la  grande  série 
des  observations  de  Poulkova,  que  M.  Nyrén  vient  de 
résumer  dans  son  travail  sur  la  hauteur  du  pôle  de  cet 
observatoire. 


{')  Annuaire  pour  1890,  p.  501. 

(**)  AstronomicalJournal,  50  mars  1895. 


(30) 
Mais  le  résullatque  je  viens  d'établir  me  confirme  dans 
l'opinion  que  ce  qu'on  appelle  variations  de  latitude^  n'est 
pas  autre  chose  que  le  résultat  de  la  négligence  de  la  nuta- 
tion  initiale  dans  la  réduction  des  observations;  en  d'autres 
termes,  qu'à  la  variation  des  latitudes  astronomiques  on 
peut  opposer  avec  confiance,  jusqu'à  présent,  l'invariabilité 
du  pôle  géographique. 


Sur  une  photographie  représentant  des  effets  de  dédouble- 
ment analogues  à  la  gémination  des  canaux  de  Mars, 
obtenus  par  le  procédé  de  M.  Stanislas  Meunier,  profes- 
seur au  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris;  par 
F.  Terby,  membre  de  l'Académie. 

J'ai  l'honneur  de  mettre  sous  les  yeux  de  mes  savants 
confrères  une  photographie  que  M.  Stanislas  Meunier  a 
bien  voulu  m'envoyer,  pour  l'offrir  en  hommage  à  l'Aca- 
démie; on  y  reconnaîtra  sans  peine,  dans  leurs  grandes 
lignes,  les  principales  configurations  de  la  planète  Mars, 
avec  un  système  de  canaux  géminés  très  conforme  à  la 
réalité.  L'Académie  se  rappellera  sans  doute  que,  dans 
une  de  nos  séances  précédentes,  j'ai  appelé  son  attention 
sur  le  procédé  expérimental  à  l'aide  duquel  le  savant  pro- 
fesseur de  géologie  du  Muséum  de  Paris  était  parvenu  à 
obtenir  ces  effets  remarquables,  et  qu'il  venait  alors  de 
communiquer  à  l'Institut  de  France  (1).    «r  Je  dessine, 


(t)   Comptes  rendus  de  V Académie  des  scietines  de  Paris,  31  octobre 
et  21  novembre  t892. 


(  31  ) 

»  m'écrivait  alors  l'auteur,  à  l'aide  d'un  vernis  noir  sur 
»  une  surface  métallique  polie,  une  série  de  traits  et  de 
»  taches  représentant  plus  ou  moins  exactement  la  carte 
»  de  Mars,  et  je  fais  tomber  sur  elle  un  rayon  de  soleil  ou 
»  de  toute  autre  source  lumineuse.  Je  place  alors  à 
»  quelques  millimètres  devant  la  surface  métallique  et 
ï  parallèlement  à  elle  une  fine  mousseline  bien  transpa- 
»  rente,  tendue  sur  un  cadre,  et  je  vois  aussitôt  toutes  les 
»  lignes  et  toutes  les  taches  se  dédoubler,  se  géminer,  par 
»  suite  de  l'apparition,  à  côté  de  chacune  d'elles,  de  son 
i>  ombre  dessinée  sur  la  mousseline  par  la  lumière  que  le 
»  métal  a  réfléchie,  d 

La  mousseline  serait  représentée,  à  la  surface  de  Mars, 
par  une  sorte  de  nappe  brumeuse  transparente,  douée 
d'une  opalescence  convenable  et  située  à  une  hauteur 
déterminée;  cette  hauteur  ne  nous  paraît  pas  pouvoir  être 
bien  considérable;  il  nous  semble,  en  effet,  qu'une  distance 
trop  notable  de  la  surface  planétaire  permettrait  à  la 
lumière,  diffusée  par  les  régions  brillantes,  d'atteindre  à 
peu  près  également  toute  la  superficie  de  cette  enveloppe 
nébuleuse.  M.  Meunier  nous  dit,  en  effet,  dans  une  autre 
lettre,  que  les  ombres  se  dessinent  dans  l'atmosphère 
nébuleuse  à  toutes  les  hauteurs,  mais  d'autant  plus  noires 
qu'elles  sont  plus  près  du  sol  et,  naturellement,  d'autant 
plus  écartées  de  l'objet  qui  les  produit  qu'elles  sont  plus 
haut. 

Une  objection  de  fait  que  l'on  pourrait  opposer  à  l'ex- 
plication de  M.  Meunier  est  que,  dans  sa  photographie, 
toutes  les  taches  sont  dédoublées,  et  non  seulement  les 
canaux  ;  mais  d'abord  le  phénomène  de  la  gémination  sur 
Mars  ne  s'est  pas  borné  tout  à  fait  exclusivement  aux 


(32) 
canaux  :  certains  lacs  ont  été  dédoublés,  et  même,  en  1890, 
le  Sinus  Sabœus,  l'une  des  taches  les  plus  visibles  de  la 
planète,  connue  anciennement  sous  le  nom  de  Détroit 
d'HerschellI,  a  été  vu  double  par  M.  Schiaparelli  (1). 

Dans  la  photographie  de  l'auteur,  le  dédoublement  des 
grandes  taches  ne  se  manifeste  d'ailleurs  que  par  la  pré- 
sence, autour  de  celles-ci,  d'une  bordure  de  nuance  plus 
faible,  qui  pourrait  avoir  échappé  aux  observations,  et 
dont  on  trouverait  peut-être  des  traces  en  dirigeant  suffi- 
samment l'attention  sur  ce  point.  Ce  dédoublement, 
dans  l'expérience  de  M.  Meunier,  a  pour  effet  aussi  de 
superposer  souvent  à  une  tache,  vue  directement  sur  la 
plaque,  l'ombre  d'une  région  voisine,  vue  sur  la  mousse- 
line; il  se  produit  alors,  en  ces  points,  des  renforcements 
d'ombre,  et  l'on  voit  dans  les  taches  noires  des  dégrada- 
tions de  teinte  tout  à  fait  analogues  à  celles  que  l'on 
observe  sur  la  planète  Mars,  des  effets  semblables  à  ceux 
que  produisent  les  terres  submergées,  dont  la  région  de 
Deucalion  est  le  type  le  plus  frappant. 

L'un  des  faits  les  plus  curieux  que  présente  la  carte  de 
Mars  consiste  dans  la  présence  de  canaux  qui,  traversant 
des  régions  sombres,  restent  néanmoins  distincts  dans 
celles-ci;  ce  fait,  dans  l'hypothèse  que  les  régions  sombres 
et  les  canaux  seraient  dus  à  l'élément  liquide  de  la  sur- 
face, ne  peut  manquer  de  paraître  étrange.  Or,  nous 
le  voyons  réalisé  très  simplement  dans  la  photographie 
de  M.  Meunier;  il  sufût  pour  le  produire  que  l'ombre 
d'une  surface  sombre,  vue  sur  la  mousseline,  se  projette 


(1)   Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  ô"  sér.,  t.  XX,  n°  7,  1890. 


(53) 

au-devant  d'un  canal  observé  direclemenl  sur  la  surface 
éclairée. 

Nous  ne  voudrions  poinl  que  l'on  supposât  que  nous 
considérons  la  question  comme  résolue,  mais  nous  pen- 
sons que  la  remarquable  expérience  de  M.  Stanislas  Meu- 
nier mérite  d'attirer  l'attention  des  aréographes,  au  point 
de  décider  ceux-ci  à  en  tenir  compte  le  plus  efficacement 
possible  dans  leurs  observations  futures. 


Un  mot  sur  le  Squale  Pèlerin;  par  P.-J.  Van  Beneden, 
membre  de  l'Académie. 

Il  y  a  peu  d'animaux  qui,  dans  ces  derniers  temps,  aient 
attiré  l'attention  comme  le  Squale  Pèlerin  (Selache 
raaxima);  il  a  la  taille  des  petites  Baleines,  il  a  des  fanons 
comme  elles,  et  leur  présence  est  signalée  sur  les  côtes 
du  Groenland  et  de  Norvège,  comme  sur  les  côtes  de  nos 
antipodes. 

Son  nom  français  vient  des  replis  de  la  peau,  qui 
forment  les  fentes  branchiales,  et  qu'on  a  comparés  aux 
collets  superposés  des  pèlerins. 

Il  y  a  peu  de  temps,  M.  Cheeseman,  curateur  du  Musée 
d'Auckland  (Nouvelle-Zélande),  m'envoyait  des  dents  d'un 
Squale  Pèlerin  de  34  pieds  de  longueur,  échoué  à  l'em- 
bouchure de  la  Wade  River,  non  loin  de  Devonporl,  et 
me  priait  de  vouloir  bien  les  comparer  aux  dents  de  ceux 
qui  vivent  dans  notre  hémisphère,  qui  est  censée  être  leur 
région  propre. 

Nous  avons  fait   cette   comparaison;   nous  avons  fail 

3""'    SÉRIE,   TOME    XXVI.  3 


(  34  ) 
polir  quelques  dents  pour  comparer  leur  structure  intime, 
et  nous  avons  trouvé  le  même  résultat  que  notre  savant 
confrère  de  l'Université  d'Edimbourg,  Sir  Turner,  qui 
avait  reçu  également  des  dents  et  des  Canons  d'un  Squale 
Pèlerin  de  Terre-Neuve. 

Nous  connaissons  maintenant  plusieurs  exemples  d'in- 
dividus de  grande  taille  de  cette  même  espèce,  qui  sont 
venus  se  perdre  sur  les  côtes  d'Australie;  nous  connais- 
sons un  certain  nombre  d'individus  capturés  dans  notre 
hémisphère,  depuis  les  côtes  d'Islande  jusqu'au  golfe  de 
Gascogne,  les  côtes  du  Portugal  et  des  Élat.«-Unis  d'Amé- 
rique, et  nous  sommes  en  droit  de  dire  :  le  Squale  Pèlerin, 
c'est-à-dire  la  Basking-Shark  ou  le  Bone-Shark,  est  une 
espèce  cosmopolite,  contrairement  à  l'opinion  exprimée 
dans  les  ouvrages  les  plus  autorisés. 

Et  à  ce  sujet,  nous  ajouterons  qu'il  y  a  plusieurs  autres 
exemples  d'espèces  cosmopolites  ou  orbicoles,  au  moins 
parmi  les  animaux  aquatiques,  et  cette  ubiquité  est  pour 
nous  un  signe  de  leur  archaïsme. 

Quand  Cuvier  faisait  remarquer  qu'il  ne  trouvait  pas  de 
diflérence  entre  le  Cachalot,  qu'il  vînt  du  nord  ou  qu'il 
vînt  du  sud,  on  n'était  pas  encore  en  droit  de  dire  que 
le  Cachalot  est  une  espèce  orbicole,  qui  se  capture  dans 
l'Atlantique  comme  dans  le  Pacifique,  et  qui  se  perd,  le 
mâle  du  moins,  tantôt  sur  les  côtes  du  Groenland,  tantôt 
dans  l'Océan  australien. 

Aujourd'hui  on  peut  dire  que  ce  Cétacé  comme  bien 
d'autres  espèces  de  cet  ordre  sont  orbicoles. 

Le  Grindewall  [Globicephalus  mêlas),  espèce  qui  visite 
les  Féroé  avec  autant  de  régularité  que  les  Grives  et  les 
Bécasses  visitent  nos  régions  tempérées,  habile  si  bien  la 
mer  de  nos  antipodes,  qu'un  squelette,  que  nous  avons  reçu 


(  38) 

direclement  de  la  Nouvelle-Zélande,  est  absolument  sem- 
blable, pour  la  taille  comme  pour  les  autres  caractères,  à 
celui  des  Grindewall  de  nos  côtes. 

Parmi  les  Cétacés,  nous  pouvons  citer  encore  comme 
espèce  orbicole,  le  Dauphin  ordinaire,  le  Delphimts  delphis, 
que  l'on  a  pu  croire  propre  à  la  Méditerranée.  Le  British 
Muséum  a  reçu  un  squelette  de  cette  espèce  qui  n'est  pas 
à  distinguer  de  celui  de  nos  mers. 

Parmi  les  Reptiles  même,  nous  avons  cité  dernièrement 
les  Sphargis,  qui  ne  sont  pas  cependant  des  nageurs  par 
excellence. 

Nous  pourrions  signaler  également  plusieurs  Squales 
qui  habitent  tout  aussi  bien  le  pôle  arctique  que  le  pôle 
antarctique. 

Et  parmi  les  Mollusques  nous  pourrions  sans  doute 
citer  également  les  Céphalopodes  gigantesques  dont  on 
annonce  de  temps  en  temps  la  capture. 

Le  Squale  Pèlerin  se  distingue  non  seulement  par  sa 
grande  taille,  mais  également  par  des  mœurs  qui  léloi- 
gnenl  de  tous  les  autres  Squales;  au  lieu  de  v.'vre  comme 
eux  à  toutes  les  profondeurs  et  d'être  la  terreur  des 
grands  et  des  petits,  il  ne  poursuit  que  les  animaux 
de  petite  taille,  Méduses,  Vers,  Polypes,  qu'il  trouve  suffi- 
samment près  de  la  surface.  On  ne  voit  jamais  le  Pèlerin 
dans  les  grandes  profondeurs,  disent  les  pêcheurs;  comme 
rOrque,  il  montre  sa  nageoire  dorsale  hors  de  l'eau,  et 
on  le  reconnaît  à  dislance. 

Ce  Poisson  est,  relativement  aux  autres  Plagiostomes, 
ce  que  sont  les  Baleines  à  côté  des  Cétacés  à  dents.  Ils  ne 
se  nourrissent,  les  uns  et  les  autres,  que  de  Mollusques, 
de  Vers  et  de  Polypes.  C'est  à  cause  de  ce  régime,  qui  leur 


(36) 
est  commun,  qu'ils  ont  des  organes  semblables  à  des 
fanons  servant  de  tamis  pour  séparer  le  butin. 

Leur  structure  indique  que  ce  sont  plutôt  des  dents  que 
des  fanons  véritables.  On  pourrait  leur  donner  le  nom 
de  Fanoncule,  pour  rappeler  leur  usage. 

Comme  ils  avalent  souvent  les  plantes  marines  en  même 
temps  que  les  Mollusques  et  les  Vers  qui  les  recouvrent, 
on  leur  a  attribué  à  tort,  comme  aux  Morses,  parmi  les 
Pinnigrades,  le  régime  herbivore. 

Cesfanons,connusdel'ÉvéqiiedeTrondhjem,Gunner(l), 
et  de  Pennant  (2)  au  siècle  dernier,  de  Brilo  Capello  (3)  et  de 
Alleman  (4)  dans  le  courant  de  celui-ci,  étaient  méconnus 
par  les  cétologisles  les  plus  connus  (5),  puis  furent  déflniti- 
vement  déterminés  après  les  travaux  de  Hannover  (6)  sur 
leur  structure  et  la  découverte  de  leur  présence  dans  le 
sable  pliocène  des  environs  d'Anvers  (7),  et  en  Italie,  à 
Orciano,  Vollerra  et  Siena  (8). 


(1)  TnotiDi. ,  Selsk.  Skrift,  IH,  1765. 

(2)  British  Zooloyy,  Vol.  Ht,  1769. 

(3)  Jornal  de  sciencias  mathernat.  phys.  e  naturales,  n»  7,  \  869. 

(4)  Nature,  August  31,  1876. 

(8)  Le  23  octobre  1862,  Eschricht  m'écrivait  : 

o  Eh  bien!  avez-vous  examiné  le  petit  échantillon  de  mon  morceau 
mystérieux  ?  M.  Sleenstrup  vient  de  me  dire  que,  lui  aussi,  il  a  trouvé 
une  pièce  semblable  dans  l'ancien  Musée  de  Copenhague,  et  qu'en 
vain  il  a  consulté  un  grand  nombre  d'anatomistes  européens  là- 
dessus.  » 

(6)  Dansk,  Vid.  Selsk.  Oversigt,  1867. 

(7)  Ballet.  Acad.  roy.  Belgique,  1871. 

(8)  RoB.  Lawlev,  Resii  foss.  délia  Selache  Irovati  a  Ricava, 
Pisa,  1879. 


(57) 


Sur  la  cause  commune  de  la  tension  superficielle  et  de 
l'évaporation  des  liquides;  par  G. Van  (1er  Mensbnigghe, 
membre  de  TAcadémie. 

i.  On  sait  qu'en  \erlu  d'une  propriété  spéciale,  la  sur- 
face d'un  liquide  tend  à  devenir  aussi  petite  que  le  per- 
mettent les  conditions  où  se  trouve  placé  ce  liquide,  tandis 
que,  par  le  fait  de  l'évaporation,  des  particules  de  la  sur- 
face extrême  se  séparent  continûment  de  celle-ci  pour  se 
répandre  dans  le  milieu  ambiant.  Au  premier  abord,  ces 
deux  effets,  l'un  de  cohésion,  l'autre  de  répulsion,  parais- 
sent tellement  opposés  que  l'on  comprend  sans  peine  les 
efforts  des  physiciens  pour  expliquer  séparément  les  deux 
genres  de  phénomènes.  C'est  là  sans  doute  le  motif  pour 
lequel  on  a  tardé  si  longtemps  à  trouver  la  vraie  cause  soit 
de  l'une,  soit  de  l'autre  propriété  pourtant  bien  caractéris- 
tique des  liquides  :  en  les  étudiant  à  part,  on  s'exposait 
forcément  à  les  attribuer  à  des  causes  tout  à  fait  diffé- 
rentes. Et  cependant,  au  point  de  vue  mécanique,  la  force 
contractile  paraît  due  à  un  développement  d'élasticité  par 
traction,  lequel  détermine  naturellement  une  tendance  au 
retrait  de  la  couche  superficielle;  d'autre  part,  l'évapora- 
tion semble  provenir  d'un  excès  d'écartement  des  molé- 
cules, excès  en  vertu  duquel  la  limite  d'élasticité  de  trac- 
tion est  dépassée. 

Avant  de  préciser  davantage,  je  crois  remplir  un  devoir 
en  faisant  connaître,  aussi  exactement  que  je  le  puis,  les 
résultats  déjà  obtenus  dans  la  voie  tracée  plus  haut,  afin 
d'attribuer  à  qui  de  droit    une   part  légitime    dans   la 


(38) 

recherche  de  la  théorie  unique  des  deux  propriétés  en 
question. 

2.  En  1843  (*),  Mossotti  a  essayé  de  remplacer  la  théorie 
capillaire  de  Young  par  des  notions  plus  claires  et  plus 
complètes,  notions  tirées  des  principes  généraux  de  la 
constitution  des  liquides.  Pour  plus  d'exactitude,  je  n'hé- 
site pas  à  reproduire  aussi  fidèlement  que  possible  en 
français  les  raisonnements  du  physicien  italien. 

«  Imaginons  un  plan  à  travers  le  liquide,  et  sur  ce  plan 
»  un  petit  prisme  liquide  perpendiculaire  au  même  plan 
»  et  d'une  hauteur  égale  au  rayon  d'activité  de  l'attraction 
»  moléculaire;  si  le  liquide  n'est  soumis  à  aucune  pression 
»  extérieure,  les  molécules  du  prisme  se  trouvent  à  une 
»  distance  telle  que  la  somme  des  répulsions  des  particules 
»  au  delà  du  plan  sur  celles  du  prisme  respectivement  plus 
»  voisines,  soit  précisément  égale  à  la  somme  des  attrac- 
D  tions  des  mêmes  molécules  du  fluide  au  delà  du  plan 
»  sur  celles  du  prisme  respectivement  plus  lointaines.  Il 
»  arrive  ainsi  que  le  petit  prisme  n'a  aucune  tendance  à 
»  pénétrer  dans  le  plan  ni  à  s'en  écarter,  et  que  partout 
»  le  liquide  est  en  équilibre  et  sans  pression.  C'est  ce  qui 
»  est  vrai  pour  toute  partie  du  liquide  située  à  une  dis- 
»  tance  de  la  surface  plus  grande  que  celle  oîi  s'étend 
»  l'action  moléculaire.  Mais  si  nous  imaginons  le  plan 
f>  sécant  conduit  parallèlement  à  la  surface  fluide,  sup- 
»  posée  maintenant  horizontale  et  indéfinie,  à  une  profon- 
»  deur  moindre  que  le  rayon  de  l'action  moléculaire,  et 
»  que  nous  considérions  le  petit  prisme  élevé  perpendi- 


(*)  Le zioin  élément uri  di  flsica  matcmatiche,  l.  I,  p.  150;  Firenze, 
1843. 


(39) 

j>  culairemenl  à  ce  plan  vers  la  surface  libre,  ce  prisme 

»  élanl  trop  court,  n'offrira  plus  un  nombre  sutïisanl  de 

»  molécules  lointaines  pour  équilibrer  l'action  répulsive 

»  (les  plus  voisines;  il  existera  donc  un  excès  de  répul- 

»  sion  de  l'intérieur  du    liquide  sur   ces  molécules,   el 

»  celles-ci  devront  être  écartées  entre  elles.  L'écarlement 

»  réciproque  des  molécules  dans  le  voisinage  du  plan  sera 

»  d'autant  plus  grand  que  le  plan  est  supposé  conduit  près 

»  de  la  surface,  de  sorte  qu'en  allant  vers  celte  surface, 

»  on  rencontre  un  décroissement  rapide  de  densité  qui 

»  sera  réglé  par  la  loi  en  vertu  de  laquelle  la  répulsion  du 

»  fluide  au-dessous  du  plan  sur  les  molécules  de  la  portion 

»  du  prisme  qui  reste  encore  avant  d'arriver  à  la  suiface 

j>  même,  soit  toujours  contre-balancée  par  l'action  altrac- 

i>  live  des  portions  plus  éloignées,  où  la  pression  se  main- 

»  tient  nulle  pour  tout  plar». 

»   La  profondeur  de  la  coucbe  où  se  fait  cette  diminn- 

»  tion  de  densité,  sera  extrêmement  petite,  car  l'action 

»  moléculaire  ne  s'étend  qu'à  des  dislances  insensibles; 

»  mais  nous  pourrons,  par  la  pensée,  la  diviser  en  tranches 

»  extrêmement  minces,  dans  chacune  desquelles  la  den- 

»  site  pourra  être  considérée  comme  uniforme,  et  où  les 

»  molécules  pourront  être  regardées  comme  éqnidislantes 

»  entre  elles. 

»  Tandis  que,  dans  le  voisinage  de  la  surface,  l'équi- 

)>  libre  des  molécules  dans  le  sens  vertical  exige  que  le 

D  liquide  aille  en  diminuant  rapidement  de  densité,  l'équi- 

»  libre  dans  le  sens  horizontal  existera  encore,  bien  que 

»  les  molécules  soient  disposées  avec  une  densité  uniforme 

»  dans  chaque  branche,  parce  que  chaque  molécule  se 

»  trouvera  toujours  au  milieu  d'un  nombre  d'actions  hori- 

»  zonlales  toutes  égales,  provenant  des  molécules  qui  les 


(  40  )  ' 
»  conlournent.  Mais  l'existence  de  l'équilibre  individuel 
•  de  ces  molécules  dépendant  de  leur  répartition,  n'enlraî- 
»  nera  pas  avec  elle  la  condition  que  la  traction  dans  le  sens 
»  horizontal  des  diverses  parties  du  liquide  entre  elles  soit 
»  nulle.  Dans  les  tranches  superficielles,  les  molécules  se 
»  trouvant  à  une  distance  mutuelle  plus  grande  qu'elles 
»  ne  se  trouvent  quand  le  liquide  est  à  l'état  naturel  où,  à 
»  l'intérieur  de  la  masse,  la  pression  est  nulle,  il  s'ensuit, 
■  d'après  les  principes  de  l'hydrostatique,  que  si,  par  un 
»  point  quelconque  de  la  surface,  on  conduit  un  plan  ver- 
»  tical,  un  filet  de  molécules  perpendiculaire  à  ce  plan, 
»  situé  dans  une  des  tranches  susdites  et  le  long  duquel 
»  s'étend  l'action  moléculaire,  sera  attiré  vers  le  plan.  Il 
»  existera  donc  en  chaque  point,  à  la  surface  du  liquide, 
B  une  traction  réciproque  entre  les  parties,  traction  d'où 
»  naîtra  comme  une  force  contractile  superficielle,  force 
»  que  Segner,  Monge  et  Young  ont  bien  prévue,  mais  dont 
»  il  ne  leur  était  pas  facile  de  déterminer  la  cause.  » 

5.  Telles  sont  les  idées  théoriques  émises  dès  1845  par 
Mossotti;  il  me  paraît  incontestable  qu'elles  auraient  fait 
plus  tôt  leur  chemin  dans  le  monde  scientifique,  si  elles 
avaient  été  plus  claires  et  plus  rigoureuses;  ainsi,  par 
exemple,  la  considération  du  petit  prisme  de  hauteur  égale 
au  rayon  d'activité  de  l'attraction  moléculaire, embarrasse  le 
lecteur,  qui,  ne  comprenant  pas  bien  les  prémisses  du  rai- 
sonnement, se  met  nalurellement  en  garde  contre  la  con- 
clusion. D'autre  part,  comn.ent  admettre  un  écariement 
moléculaire  dans  un  sens,  sans  en  déduire  immédiatement 
un  autre  de  même  degré  dans  les  autres  sens?  Enfin,  n'est- 
il  pas  étonnant  qu'a|)rès  avoir  conclu  à  l'existence  de  la 
force  contractile  en  vertu  des  décroissements  progressifs 
de  densité  jusqu'à  la  surface  libre  du  liquide,  Tauleur  ne 


(  41  ) 
dise  rien  en  ce  qui  concerne  la  séparation  possible  des 
particules  extrêmes  du  liquide,  c'est-à-dire  l'évaporalion  ? 
Et  pourtant  la  conclusion  semble  évidente. 

4.  Signalons  actuellement  un  travail  dû  à  un  jeune 
docteur  de  l'Université  de  Helsingfors,  M.  E.  Mellberg; 
voici  la  traduction  textuelle  de  quelques  passages  de  sa 
thèse  académique  (*)  : 

«  Représentons  par  la  ligne  AB  (fig.  1)  un  niveau  hori- 
»  zontal,  par  a  une  molécule,  par  b  la  sphère  de  répul- 
»  sion  appartenant  à  a,  par  c  la  sphère  d'attraction  ;  ainsi 
»  chaque  molécule  doit  se  trouver,  relativement  à  la  sur- 
»  lace  du  liquide,  dans  l'une  des  positions  indiquées  dans 
»  la  figure,  c'est-à-dire  qu'une  molécule  doit  ou  bien  se 
»  trouver  à  une  distance  de  la  surface  du  liquide  égale  ou 
»  supérieure  au  rayon  de  la  sphère  d'attraction,  ou  la  dis- 
»  tance  en  question  peut  être  moindre  que  le  rayon  d'at- 
»  traction, mais  supérieure  au  rayon  de  répulsion, ou  bien 
»  moindre  que  les  deux  rayons,  ou  enfin  la  molécule  peut 
»  se  trouver  au  niveau  même. 


■  Dans  le  premier  cas,  les  répulsions  et  les  attractions 


(*)  Om  Ytspànningen  hos  làtskor,  Helsingfors,  1871  j  voir  pp.  4  et 
suivantes. 


(42  ) 
'  sont  les  mêmes  autour  des  molécules,  et  celles-ci  doivent 

>  être  dans  un  état  d'équilibre  que  la  moindre  force  peut 
-  rompre,  pour  autant  qu'il  ne  s'agisse  pas  de  séparer  les 

•  molécules  du  reste  de  la  masse;  car  le  lien  qui  attache  la 

>  molécule  à  celles  qui  l'avoisinent  se  montre  très  fort. 

»  Si  les  molécules  se  trouvent  comme  dans  les  figures  I 

>  et  II,  elles  ne  sont  plus  attirées  également  dans  toutes  les 

•  direclions:  vers  le  haut  manque  notamment  le  segment 

•  DcE  de  la  sphère  d'attraction,  et  le  segment  FHG,qui  est 
»  de  même  grandeur  que  DcE,  exerce  sur  a  une  traction 

•  verticale  dirigée  vers  le  bas.  I.es  attractions  ne  sont  plus 
»  les  mêmes  dans  toutes  les  directions,  mais  la  condition 
B  d'équilibre  dans  la  direction  verticale  est  rompue,  et 
»  c'est  celte  circonstance  qui  est  la  cause  des  tensions 
»  dans  les  liquides. 

»  Si  l'on  imagine  notamment  des  cônes  construits  sur 
.)  les  bases  des  segments  sphériques  DcE,  FGH,  et  ayant 
»  leur  sommet  en  a,  et  qu'on  partage  le  solide  DFaEG  qui 
j)  reste  encore  de  la  sphère  d'attraction  \,attendu  que  les 
»  secteurs  DcEa,  FHGa  ont  été  séparés  de  la  même 
»  sphère),  en  deux  moitiés  par  un  plan  perpendiculaire 
»  au  niveau,  on  voit  facilement  :  i"  que  l'action  de  toutes 
»  les  molécules  situées  dans  le  cône  DaE  est  annulée  par 
»  celles  des  molécules  du  cône  FaG  ;  pour  ce  motif,  il 
»  reste  les  attractions  entre  a  et  le  segment  FHG,  produi- 
»  sanl  une  force  verticale  dirigée  vers  le  bas;  2"  ensuite, 
»  que  les  deux  moitiés  de  la  figure  stéréométrique  DFaEG 
»  donnent  deux  résultantes  égales,  horizontales  et  direc- 
»  tement  opposées.  La  force  verticale  provenant  du  seg- 
»  ment  FHG  doit  donc  mettre  la  molécule  a  en  mouve- 
»  ment  et  la  rapprocher  de  H.  Ainsi  se  forme  une 
»  compression  de  la  couche  de  molécules  voisines  de  la 


(43  ) 
»  surl'ace,  laquelle  couche  doit  donc,  pour  ce  motif,  être 
p  d'une  densité  plus  forte  que  le  reste  du  liquide;  de 
»  même,  si  la  molécule  a  va  de  la  position  II  à  la  posi- 
»  tion  m,  la  densité  du  liquide  augmente,  et  avec  elle  la 
t>  force  avec  laquelle  les  deux  moitiés  du  solide  DFaEG 
D  attirent  a  dans  la  direction  horizontale.  Reste  à  faire  voir 
»  comment  la  couche  superficielle  en  question  peut  en 
»  même  temps  être  douée  de  la  force  contractile  qu'on 
»   lui  attribue. 

»  Que  chaque  molécule  à  l'intérieur  de  la  couche  con- 
i>  sidérée  est  attirée  également  dans  la  direction  horizon- 
»  taie,  c'est  ce  qui  a  déjà  été  dit,  et  celte  attraction  est 
»  l'une  des  causes  produisant  l'extension;  mais  voici 
B  encore  une  autre  cause  agissante  :  par  les  compressions 
B  de  la  couche  superficielle  du  liquide,  lesquelles  ont  lieu 
B  seulement  dans  le  sens  vertical,  la  distance  mutuelle 
»  des  molécules  change  de  telle  manière  qu'elles  arrivent 
B  plus  loin  les  unes  des  autres  dans  la  direction  horizon- 
»  laie  que  dans  la  verticale,  et  cette  circonstance  anor- 
B  maie  sollicite  les  molécules  à  se  rapprocher  aussi  dans 
»  le  sens  horizontal;  voilà  une  raison  de  la  tendance  à  se 
B  contracter,  tendance  constatée  à  la  surface  de  chaque 
»  liquide.  Tout  se  passe  comme  si  l'on  chargeait  un  corps 
j  élastique,  par  exemple  un  morceau  de  caoutchouc,  d'un 
»  poids  bien  lourd  :  dès  qu'on  abandonne  à  lui-même  le 
B  corps  comprimant,  le  morceau  de  caoutchouc  diminue 
B  en  longueur  et  en  largeur,  et  les  plus  petites  portions 
»  montrent  ainsi  une  tendance  à  se  mouvoir  dans  tel  ou 
t>   tel  plan  contenu  dans  les  dimensions  ci-dessus. 

»  Si  la  molécule  est  plus  près  de  la  surface  que  le  rayon 
B  de  la  sphère  de  répulsion,  alors  une  partie  des  forces 
D  répulsives  vers  le  haut  est  perdue,  et  ainsi  se  produit. 


(  44  ) 

»  comme  il  est  arrivé  dans  ce  qui  précède  avec  les  forces 

»  attractives,  un  excès  de  force  répulsive  agissant  d'en 

»  bas,  et  qui  devient  d'autant  plus  grand  que  la  particule 

B  est  plus  près  du  niveau  ;  cette  répulsion  varie  dans  des 

»  proportions  beaucoup  plus  fortes  que  les  attractions,  de 

»  sorte  que,  dans  la  couche  inférieure,  citée  plus  haut,  il 

»  doit  résulter  maintenant  une  densité  décroissante  et  une 

»  extension. 

»  A  la  surface  même,  les  répulsions  peuvent  devenir, 

B  ou  deviennent  réellement  dans  la  plupart  des  cas,  plus 

»  fortes  que  les  attractions,  et  cette  circonstance  est  la 

»  cause  du  passage  de  la  matière  à  l'état  gazeux. 

»  Il  suit  de  ce  qui  précède  que,  dans  un  liquide,  on 

»  peut  distinguer  trois  portions  consécutives  : 

»   1°  Une  portion   tout  à  fait  superflcielle  oii  se  forme 

»  de  la  vapeur  et  dans  laquelle,  par  conséquent,  les  répul- 

»  sions  l'emportent  sur  les  attractions.   L'épaisseur  de 

»  cette  couche  est  moindre  que  le  rayon  de  la  sphère  de 

B  répulsion  (ou  bien  lui  est  égale),  et  cette  épaisseur  est, 

B  précisément  pour  ce  motif,  d'une  petitesse  qui  s'évanouit 

B  en  proportion  de  l'épaisseur  de  la  couche  suivante. 

B  2"  Une  couche  dont  la  profondeur  est  au  moins  égale 

B  à  la  différence  entre  les  rayons  des  sphères  d'attraction 

»  et  de  répulsion.  Cette  couche,  qui  possède  une  force  de 

B  contraction  extrêmement  prononcée,  a,  en  outre,  une 

»  densité  et  une  cohésion  plus  fortes  que  le  restedu  liquide; 

B  mais  la  densité  et  la  cohésion  diminuent  aussi  bien  vers 

B  le  haut,  contre  la  couche  précédente,  que  vers  le  bas, 

B  contre  la  Iroisième  portion. 

B  3°  Après  les  deux  couches  ci -dessus,  vient  la  masse 

B  principale  du  liquide;  quand  la  quantité  de  liquide  n'est 

B  pas  trop  grande,  on  peut,  sans  erreur  sensible,  regarder 

B  cette  masse  comme  ayant  partout  la  même  densité. 


(  ^5  ) 

»  Une  question  à  laquelle  on  peut  répondre  aussitôt,  est 
i>  celle  (le  savoir  si  des  courbures  ou  des  sinuosités  appor- 
»  lent  quelque  changement  dans  Tinlensité  de  la  tension, 
»  ou  non.  Sur  ce  point,  Wiillner  et  Kunzek  ont  émis,  dans 
0  leurs  traités  de  physique,  des  propositions  conduisant  à 
»  cette  conséquence  qu'une  surface  convexe  exerce  une 
»  tension  plus  grande,  et  une  surface  concave  une  len- 
»  sion  plus  faible.  Tous  les  deux  partent  de  l'hypothèse 
»  que  cette  forme  courbe  de  la  surface  découpe  dans  la 
»  sphère  d'attraction  une  portion  lenticulaire  enfermée 
»  dans  deux  surfaces  courbes,  de  la  même  manière  qu'une 
»  surface  plane,  on  l'a  vu  plus  haut,  peut  être  regardée 
»  comme  découpant  dans  la  même  sphère  un  segment 
»  sphérique.  Cette  hypothèse  me  paraît  tout  à  fait  inadmis- 
»  sible,  car  la  sphère  d'attraction  a  des  dimensions  telle- 
»  ment  petites,  que  la  portion  du  niveau  tombant  dans  la 
»  sphère  doit,  sans  erreur  sensible,  pouvoir  être  regardée 
»  comme  plane  :  il  faut  qu'il  en  soit  ainsi  tout  au  moins 
»  avec  les  surfaces  d'une  courbure  comme  celles  que  l'on 
»  a  ordinairement  à  observer.  Les  auteurs  nommés  ci- 
»  dessus  expliquent,  d'après  leur  hypothèse,  la  force 
»  agissant  normalement  contre  la  surface  d'un  fluide; 
»  mais  l'existence  d'une  pareille  force  n'exige  nullement 
»  l'hypothèse  que  la  courbure  exerce  quelque  influence 
»  sur  la  tension.  » 

5.  L'extrait  qui  précède  montre  bien  que  l'auteur  a 
étudié  en  même  temps  l'évaporalion  et  la  tension  superfi- 
cielle; mais  son  mode  de  raisonnement  est-il  admissible? 
Se  peut-il  que  le  rayon  d'activité  de  la  répulsion  soit 
moindre  que  celui  de  l'attraction,  alors  que,  dans  les  corps 
gazeux,  les  forces  répulsives  agissent  à  des  distances  si 
notables?  Et  puis,  est-il  exact  de  regarder  la  couche  super- 
flcielle  d'un  liquide  comme  composée  de  deux  parties,  l'une 


(46) 

OÙ  la  densité  va  en  diminuant  jusqu'à  la  surface,  l'autre  où 
la  densité  et  la  cohésion  sont  plus  fortes  qu'au  sein  même 
de  la  masse?  Ce  sont  là  des  assertions  qui,  sans  aucun 
doute,  ont  empêché  les  physiciens  de  suivre  l'auteur  dans 
la  voie  nouvelle  qu'il  s'était  frayée. 

Toutefois,  je  dois  approuver  pleinement  les  critiques 
adressées  par  l'auteur  aux  physiciens,  d'ailleurs  fort  distin- 
gués, Wùllner  et  Kunzek;  dans  le  grand  traité  de  physique 
du  premier  de  ces  auteurs,  la  tension  superficielle  se 
trouve  confondue  avec  la  pression  normale  produite  par 
la  tension.  Pareille  confusion  doit  avoir  répandu  et  répand 
encore  en  Allemagne  de  fausses  idées  sur  les  forces  figura- 
Irices  des  liquides  soustraits  à  toute  influence  extérieure. 

6.  En  1884,  M.  Worthington  (*)a  publié  un  intéressant 
mémoire  ayant  pour  objet  :  i"  de  déduire  de  la  considéra- 
tion de  l'équilibre  intérieur  des  liquides  <r  le  fait  qu'à  leur 
»  surface  limite,  il  y  a  une  variation  rapide  de  densité,  en 
V  vertu  de  laquelle  les  couches  superficielles  exercent  soit 
»  une  tension  ou  une  pression  sur  une  paroi  solide  qui 
>  les  coupe  transversalement;  2"  de  montrer  nettement  la 
»  manière  dont  l'énergie  intrinsèque  par  unité  de  volume 
t)  des  couches  superficielles,  dépasse  ou  non  l'énergie  intrin- 
B  sèque  de  l'unité  de  volume  à  l'intérieur  du  liquide.  » 

M.  Worthington  déclare  que  son  travail  repose  essen- 
tiellement sur  les  idées  développées  par  Poisson  dans  son 
chapitre  sur  la  constitution  des  corps  (**);  il  n'a  sans  doute 
pas  eu  connaissance  des  recherches  de  Mossotti  et  de 
Mellberg. 

Pour  prouver  que  les  molécules  d'un  liquide  près  de  la 
surface  sont  dans  la  condition  qui  correspond  physique- 

(*)    On  Ihe  surface  forces  in  fluids  (Phil.  Mac,  t.  XVIII,  p.  334). 
(**)  Nouvelle  théorie  de  VacHon  capillaire.  Paris,  1851. 


(47  ) 
ment  à  un  état  de  tension,  le  physicien  anglais  imagine  un 
liquide  non  volatil  et  dont  les  particules,  d'abord  sans 
attractions  ni  répulsions  mutuelles,  soient  distribuées  à  des 
distances  égales  entre  elles,  celles  de  la  surface  étant  dans 
un  plan  horizontal  ;  recourant  alors  à  une  méthode  plus 
rigoureuse  que  celles  de  Mossolli  et  Wellberg,il  admet  que 
la  sphère  d'attraction  renferme  un  très  grand  nombre  de 
molécules  et  divise,  par  la  pensée,  la  couche  superiicielle 
d'épaisseur  r  (rayon  d'activité)  en  n  tranches  horizontales 
très  minces  AB,  BC,  CD,  etc.  Si  F^,  F2,  F3,  etc.  désignent 
respectivement  les  composantes  verticales  des  attractions 
de  la  première,  de  la  deuxième,  de  la  troisième,  de  la  n"™" 
couche,  on  a  pour  l'action  résultante  supportée  par  une 
molécule  A  de  la  première  tranche. 

F,  +  F2  -f-  F3  H-  •..  -+-  F„  =  sF. 

«  Si  l'équilibre  doit  être  maintenu,  A  doit  éprouver  une 
»  action  répulsive  vers  le  haut  et  égale  à  SF,  et  chaque 
»  molécule  de  la  couche  extrême  doit  être  dans  le  même 
»  cas. 

»  Ainsi,  comme  nous  ne  pouvons  que  supposer  qu'à 
»  l'action  correspond  une  réaction  égale  et  opposée,  la 
»  répulsion  exercée  sur  la  première  couche  vers  le  haut 
»  est  égale  à  celle  éprouvée  par  la  deuxième  couche  vers 
»  le  bas.  » 

La  molécule  B  de  la  deuxième  couche  éprouve  une 
action  résultante  et  dirigée  vers  le  bas  : 

22F  —  F,  =  F,  H-  2F2  -H  2F3  -H  ••  2F„; 

l'équilibre  de  B  exige  donc  une  action  répulsive  de  même 
intensité  entre  B  et  la  troisième  couche  C;  or  cette  deuxième 
répulsion  excède  celle  entre  A  et  la  deuxième  couche  de  la 
quantité 

F2-+-  Fî-t-Fi-  -+-  F„. 


(48) 
De  même,  la  répulsion  entre  C  et  D  excède  la  répulsion 
entre  B  et  C  de  la  quantité 

F3  -4-  F,  -+-  ...  •*.  F', 

et  ainsi  de  suite,  jusqu'à  ce  que  la  différence  entre  deux 
répulsions  consécutives  soit  nulle.  On  voit  donc  que,  pour 
maintenir  l'équilibre,  la  réaction  répulsive  entre  deux 
couches  consécutives  doit  augmenter  avec  la  distance  à  la 
surface  jusqu'à  une  profondeur  égale  au  rayon  de  l'action 
moléculaire;  après  quoi  l'augmentation  s'évanouit. 

«  Assignons  maintenant  au  liquide  une  température 
»  propre  à  maintenir  partout  les  distances  primitives;  dès 
B  lors  la  réaction  répulsive  est  trop  grande  pour  conserver 
»  l'équilibre  des  molécules  près  de  la  surface.  Abandon- 
»  nées  à  elles-mêmes,  ces  molécules  vont  se  séparer  les 
»  unes  des  autres,  et  celles  de  la  surface  s'écarteront  le 
»  plus.  En  d'autres  termes,  la  densité  du  liquide  diminue 
»  quand  on  se  rapproche  extrêmement  de  la  surface;  il 
»  est  évident  qu'une  condition  pareille  est  celle  d'un  équi- 
j)  libre  stable  et  permanent;  car,  par  l'accroissement  de  la 
»  distance,  la  force  répulsive  due  à  la  chaleur  diminue 
»  plus  rapidement  que  la  force  attractive  due  à  la  cohé- 
D  sion. 

»  Nous  pouvons  supposer  ou  bien  que  le  nouvel  arran- 
»  gement  des  molécules  près  de  la  surface  entraîne  seu- 
»  lement  un  accroissement  des  dislances  parallèles  à  cette 
»  surface,  tandis  que  la  dislance  entre  deux  couches  adja- 
»  centes,  mesurée  normalement  à  la  surface,  demeure  la 
»  même  qu'à  l'intérieur  du  liquide;  ou  bien  que  le  nouvel 
»  arrangement  détermine  un  accroissement  à  la  fois  dans 
»  les  dislances  parallèles  et  normales  à  la  surface.  Cette 


(  49  ) 

»  dernière  supposition  est  plus  générale  et  se  concilie 
9  naieux  avec  les  phénomènes  d'évaporalion;  bien  que  les 
»  deux  hypothèses  nous  conduisent  au  même  résultat, 
»  nous  ne  trouverons  aucune  raison  pour  admettre  que  la 
»  pression  en  un  point  voisin  de  la  surface  d'un  liquide, 
»  soit  dans  le  liquide  même,  soit  dans  la  vapeur  contiguë, 
»  n'est  pas  égale  dans  toutes  les  directions  ;  c'est  pourquoi 
9  nous  garderons  devant  les  yeux  la  deuxième  hypotl'.èse  ; 
»  toutefois  le  lecteur  retiendra  que,  dans  la  conclusion  à 
»  laquelle  nous  sommes  arrivé,  à  savoir  que,  dans  un 
»  liquide  non  volatil  exposé  au  vide,  il  doit  y  avoir  une 
»  diminution  de  la  densité  quand  on  s'approche  de  la  sur- 
»  face  en  partant  de  l'intérieur,  l'autre  interprétation  de 
»   l'expression  diminution  de  la  densité  est  possible. 

»  Cela  étant,  si  nous  voulions  diminuer  la  densité  de 
»  l'intérieur  de  la  masse  d'un  liquide  en  conservant 
»  constamment  la  même  température,  de  manière  à 
»  placer  ses  molécules  dans  les  mêmes  conditions  qu'à 
)>.  'iue  profondeur  donnée,  mais  très  petite,  au-dessous  de 
»  la  surface,  nous  pourrions  le  faire  en  exerçant  une  len- 
»  sion.  Mais  dire  que  la  condition  des  molécules  voisines 
»  de  la  surface  est  celle  que  nous  produisons  dans  les  par- 
»  ticules  intérieures  en  établissant  entre  elles  un  étal  de 
9  tension,  équivaut  à  dire  que  les  couches  superficielles 
»  sont  constituées  par  un  liquide  différent  du  liquide  inté- 
»  rieur  par  l'étal  de  tension  où  elles  se  trouvent;  il  est 
»  évident  que  la  tension  s'accroît  quand  on  s'approche  de 
»  la  surface.  j> 

L'auteur  conclut  de  là  que  si  une  surface  liquide  se  con- 
tracte, il  y  a  une  élévation  de  température  et  que  a  les 
couches  superficielles  peuvent  être  regardées  comme  une 
portion  du  liquide  où  une  certaine  quantité  d'énergie  calo- 

S""*    SÉRIE,    TOME    XXVI.  4 


(  50) 

rifique  a  élé  dépensée  à  la  séparation  des  molécules  contre 
Caction  des  forces  de  la  cohésion.  » 

L'auleur  élu(Jie  ensuite  le  cas  plus  général  d'un  liquide 
en  conlacl  avec  une  seconde  substance,  solide,  liquide  ou 
gazeuse.  Il  termine  en  disant  qu'il  a  lâché  «  de  prouver 
»  directement,  par  la  considération  des  propriétés  élas- 
»  tiques  et  thermiques  des  solides,  des  liquides  et  des 
»  gaz,  la  réalité  des  tensions  et  des  pressions  superficielles, 
»  attendu  que  le  principe  de  la  tension  superficielle,  une 
»  fois  admis  et  appliqué  en  même  temps  que  le  fait  expé- 
»  rimenlal  de  l'hydrostatique  d'après  lequel,  dans  un 
»  liquide  sollicité  seulement  par  la  pesanteur,  la  pression 
B  ou  tension  en  chaque  point  est  proportionnelle  à  sa  dis- 
»  tance  au-dessous  ou  au-dessus  du  niveau,  permet  de 
»  déduire  aisément  tous  les  phénomènes  de  la  capillarité, 
»  la  constance  de  l'angle  du  hord,  le  mouvement  hori- 
»  zontal  des  corps  flottants,  l'équation  de  la  surface  du 
»  liquide  et  les  lois  qui  règlent  la  stabilité  des  figures 
B   liquides.  » 

7.  On  le  voit,  le  mémoire  de  M.  Worlhington  signale 
nettement  une  relation  qui  existe  entre  la  tension  superfi- 
cielle et  l'évaporation;  si  les  deux  propriétés  ne  lui  ont 
pas  paru  absolument  dues  à  une  seule  et  même  cause,  c'est 
que  M.  Worlhington  a  cru  pouvoir  admettre  qu'un  écarte- 
ment  moléculaire  dans  le  sens  normal  à  la  surface  n'eu- 
iraîne  pas  rigoureusement  un  écartement  dans  toutes  les 
autres  directions,  et  nutamment  dans  le  sens  tangentiel; 
cependant  un  point  quelconque  pris  à  l'intérieur  d'un 
liquide,  n'est  en  équilibre  que  s'il  est  sollicité  par  des 
forces  égales  dans  tous  les  sens;  par  conséquent,  si  deux 
molécules  sont  écartées  dans  un  sens,  il  faut  de  toute 
nécessité   que    les   molécules   voisines  se   déplacent   de 


(  31  ) 

manière  à  rendre  possible  l'égalité  de  leurs  actions 
mutuelles  dans  tous  les  sens. 

8.  En  1886  f  ),  j'ai  publié  deux  notes  Sur  l'instabilité 
de  t équilibre  de  la  couche  superficielle  d'un  liquide;  j'ai 
pris  pour  base  les  deux  hypothèses  suivantes  : 

1°  Les  choses  se  passent  comme  si  les  molécules  étaient 
soumises,  d'une  part,  à  des  forces  attractives  qui  décrois- 
sent très  rapidement  lorsque  la  distance  intermoléculaire 
augmente;  d'autre  part,  à  des  forces  répulsives  qui  aug- 
mentent ou  diminuent  plus  rapidement  que  les  premières; 

2°  A  mesure  que  la  température  s'élève,  les  forces 
répulsives  deviennent  de  plus  en  plus  intenses. 

Au  lieu  de  raisonner  sur  une  masse  liquide  contenue 
dans  un  vase,  j'ai  considéré  une  simple  lame  liquide  fraî- 
chement développée  et  homogène;  de  cette  manière,  j'ai 
pu  étudier  non  pas  un  filet  illimité  de  molécules  disposées 
sur  des  normales  à  la  surface  libre  (méthode  toujours 
employée  d'après  Laplace),  mais  une  tile  de  molécules  limitée 
aux  deux  surfaces  libres  de  la  lame;  comme  je  l'ai  dit 
alors,  c'est  ia  seule  manière  de  prouver  que  Laplace  n'a 
pas  méconnu  le  principe  d'égalité  entre  l'action  et  la  réac- 
tion, ainsi  que  l'ont  avancé  à  tort  plusieurs  physiciens. 

Je  suis  arrivé  ainsi  à  conclure  qu'entre  les  distances 
mutuelles  des  molécules  il  y  a  des  différences  qui  décrois- 
sent à  partir  de  la  surface  libre  jusqu'à  une  profondeur  où 
elles  atteignent  leur  minimum; dès  lors,  la  force  contractile 
d'un  liquide,  bien  loin  de  n'être  qu'une  fiction  propre  à 
représenter  les  phénomènes  (comme  le  croyait  Laplace), 
découle  de   la  nature   même  des  actions  moléculaires; 


(•)   Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Bclyiqm,  t.  XI,  p.  541  et  t.  XII,  p.  623. 


(82  ) 

l'énergie  polenlielle  développée  dans  les  diverses  tranches 
de  la  couche  superdcielle  est  de  même  espèce  que  celle 
d'un  ressort  tendu,  avec  la  seule  différence  que  cette  éner- 
gie dépend  uniquement  de  l'intensité  des  forces  molécu- 
laires à  la  température  du  liquide,  et  ne  varie  guère  quand 
cette  température  demeure  la  même  à  l'intérieur. 

Comme  mon  attention  se  portait  spécialement  sur  la 
réalité  de  la  tension  superlicielle,  je  n'ai  pas  directement 
associé  celle-ci  au  phénomène  de  l'évaporalion  qui,  je  puis 
le  déclarer  aujourd'hui,  est  dû  pourtant  à  la  même  cause. 

9.  En  1886  encore,  J.  Stefan  (*)  a  indiqué  une  relation 
intéressante  entre  les  théories  de  la  capillarité  et  de  l'éva- 
poration,  mais  sans  dire  que  ces  théories  se  ramènent  à 
une  seule.  L'auteur  s'appuie  sur  la  théorie  de  Laplace 
pour  faire  voir  qu'une  molécule  de  vapeur  d'un  liquide 
située  très  près,  mais  en  dehors  de  la  surface  libre  sup- 
posée plane,  est  sollicitée  vers  l'intérieur  de  la  masse  par 
une  force  égale  à  celle  exercée  dans  le  même  sens  sur  une 
particule  intérieure  située  à  la  même  distance  de  la  surface 
plane.  D'après  cela,  le  travail  nécessaire  pour  transporter 
une  particule  de  l'intérieur  du  liquide  à  la  surface  plane, 
sera  précisément  égal  à  celui  qu'exige  le  transport  d'une 
particule  de  la  surface  plane  vers  l'intérieur  en  dehors  de 
la  sphère  d'attraction. 

L'auteur  applique  ensuite  la  théorie  de  Laplace  au  cas 
d'une  surface  concave,  et  conclut  que  le  travail  nécessaire 
au  transport  d'une  particule  d'une  pareille  surface  libre  est 
plus  grand  que  dans  le  cas  d'une  surface  plane;  ce  qui  s'ac- 


(*)    Ucber  die  Dezichung  zwischcn  dcn  Tlieonen  der  Capillaritât  und 
der  Verdampfuny  (Sitzlngsbeiuchte  de  Vienne,  t.  XCIV). 


(  53) 
corde  avec  un  résultat  obtenu  d'une  façon  tout  à  fait 
différente  par  sir  W.  Thomson  (lord  Kelvin),  et  d'après 
lequel  la  densité  d'une  vapeur  saturée  est  moindre  au-des- 
sus d'une  surface  concave  qu'au-dessus  d'une  surface 
plane;  dans  le  cas  d'une  surface  convexe,  la  densité  de  la 
vapeur  à  saturation  est  au  contraire  plus  grande. 

Malheureusement,  la  théorie  de  Laplace  appliquée  à  un 
point  isolé  m  ((îg.  2)  de  la  surface  libre,  conduit  au  même 
résultat,  que  la  surface  soit 
concave  ou  qu'elle  soit  con- 
i  '     vexe;  en  elfet,  si  le  ménisque 
terminal  AmB  est  concave, 
tout  point  a  de  ce  ménisque 
p,c  2  agira  sur  m  avec  la  même 

intensité  que  le  point  a'  symétrique  de  a  par  rapport  au 
plan  horizontal  H?nH';  de  là  deux  composantes  mn,  mn' 
égales  et  contraires;  par  conséquent,  le  ménisque  concave 
agira  sur  m  avec  la  même  force,  dans  le  sens  vertical,  que 
le  ménisque  limité  par  la  surface  convexe  A'mB'  symé- 
trique de  AwîB. 

La  méthode  proposée  par  Stefan  pour  établir  un  lien 
entre  la  tension  superficielle  et  l'évaporation  me  paraît  donc 
complètement  en  défaut. 

10.  Après  cet  historique  succinct  de  la  question,  je  vais 
tâcher  de  préciser  la  cause  unique  qu'il  faut  assigner  à 
la  tension  superficielle  et  à  l'évaporation  des  liquides. 

Ce  qui,  d'après  moi,  a  empêché  pendant  si  longtemps  la 
découverte  de  cette  cause  unique,  c'est  que  les  mathéma- 
ticiens et  les  physiciens  ont  presque  toujours  voulu  con- 
clure du  degré  de  cohésion  de  la  couche  liquide  libre  à  la 
cohésion  intérieure  de  la  substance  :  c'est  ce  qui  a  déter- 
miné Laplace  et  Gauss  à  supposer  égale  partout  la  densité 


(  54) 
du  liquide  considéré.  Quant  à  Poisson,  il  a  regardé,  il  est 
vrai,  la  densité  de  la  couche  superficielle  comme  plus  petite 
que  celle  de  la  masse  intérieure,  mais,  malgré  son  désir  de 
tenir  compte  des  forces  répulsives,  il  n'a  pu  assigner  à 
celles-ci  leur  véritable  rôle.  Les  trois  grands  analystes,  si 
célèbres  dans  l'histoire  de  la  capillarité,  ont  fait  échapper 
ainsi  à  leurs  calculs  le  siège  des  forces  figuratrices  d'une 
masse  liquide  soustraite  à  toute  influence  extérieure. 

La  marche  que  l'on  a  suivie  est  d'autant  plus  singulière 
que,dans  la  nature  comme  dans  nos  expériences  si  variées, 
c'est  toujours  l'état  de  cohésion  intérieure  du  liquide  qui 
détermine  l'arrangement  moléculaire  à  la  surface  libre; 
ainsi  les  eaux  qui  s'évaporent  ont  sans  cesse  leurs  couches 
libres  renouvelées,  et  qu'est-ce  qui  préside  au  nouvel 
arrangement  moléculaire,  si  ce  n'est  l'ensemble  des  forces 
moléculaires  auxquelles  est  due  la  cohésion  intérieure?  De 
même,  si  nous  versons  un  liquide  dans  un  vase,  il  est  clair 
que  les  particules  de  la  surface  libre  s'arrangeront  non 
seulement  d'après  leurs  propres  actions  mutuelles,  mais 
d'après  l'intensité  des  forces  moléculaires  au  sein  même  de 
la  masse. 

i  i .  Pour  se  former  une  idée  exacte  de  la  disposition  des 
molécules  à  la  surface  libre,  il  convient  conséquemment 
d'étudier  d'abord  la  cohésion  à  l'intérieur  de  la  masse 
liquide,  et  de  voir  ensuite  si  le  même  degré  de  cohésion 
peut  ou  non  exister  dans  la  couche  superficielle. 

Soit  donc  une  masse  liquide  contenue  dans  un  vase  de 
forme  quelconque  et  provenant  de  l'intérieur  d'une  grande 
masse  du  même  liquide  :  la  constitution  moléculaire  qui, 
au  moment  du  transvasement,  était  partout  la  même,  ne  se 
modifiera-t  e'Ie  pas  dans  la  couche  superficielle  devenue 
libre?  C'est  ce  que  nous  allons  examiner. 


FiG.  3. 


(5S) 

Soit,  à  l'intérieur  de  la  masse,  une  particule  quelcon- 
que 0  ((ig.  3,  a),  et  attirée  par  l'ensemble  des  molécules  com- 
.^  prises  dans  la  sphère  de 

rayon  r  (rayon  d'acti- 
vité); considérons  en 
particulier  les  molécules 
a,  b,  c,  rf,  e,  /,  a',  b\ 
c',  cl',  e\  f,  situées  sur 
un  diamètre  quelconque 
/f'  ;  comme  la  cohésion 
est  supposée  égale  par- 
tout, ces  molécules  sont 
équidistanles;  puisque, 
malgré  les  forces  attrac- 
tives, les  particules  ne  sont  pas  en  contact,  il  faudra  donc 
admettre  des  forces  répulsives  capables  de  réagir  contre  un 
rapjtrochempiit  plus  prononcé;  or  si  l'on  supprimait,  par  la 
pensée,  les  forces  répulsives  entre  Oa  et  Oa',  quelles  sont 
les  forces  attractives  qui  s'exerceraient  pour  annuler  les 
intervalles  Oa  et  Oa'?  Évidemment  les  forces  qui  tendent 
à  augmenter  la  cohésion  dans  le  voisinage  de  0,  sont  les 
attractions  de  cette  molécule  sur  a,  b,  c,  cl,  e,  sur  o',  b',  c', 
d'y  e',  ainsi  que  les  attractions  de  a  siir  a',  b',  c\  d',  de  6 
sur  o',  6',  c',  de  c  sur  a  b',  et  enlin  de  d  sur  a' . 

D'après  cela,  le  degré  de  cohésion  du  liquide  autour  de 
la  particule  Oest  produit  par  le  résultat  combiné  des  actions 
exercées  par  les  molécules  distribuées  sur  l'ensemble  de 
tous  les  diamètres  qu'on  peut  imaginer  dans  la  sphère 
liquide  ayant  0  pour  centre.  Aussi  longtemps  que  la  parti- 
cule sera  à  une  distance  du  niveau  supérieure  ou  égale  à 
r,  le  nombre  de  ces  diamètres  sera  évidemment  le  même, 
ainsi  que  le  degré  de  cohésion  qui  lui  correspond.  Mais  si 
la  molécule  se  trouve,  par  exemple,  en  0'  (fig.  3,  P),  à  une 


(  à6) 
dislance  du  niveau  moindre  que  r,  on  ne  pourra  mener 
dans  le  liquide  que  les  diamètres  compris  dans  les  portions 
MON',  M'O'N;  les  autres  diamètres  de  la  sphère  ayant  0' 
pour  centre  et  r  pour  rayon,  ne  seront  garnis  de  parti- 
cules agissantes  que  sur  une  partie  de  leur  longueur;  il 
est  entendu  d'ailleurs  qu'on  néglige  l'action  du  milieu 
ambiant.  Par  conséquent,  le  nombre  des  forces  qui  tendent 
à  augmenter  la  cohésion  autour  de  0'  sera  beaucoup 
moindre  qu'au  sein  de  la  masse;  cette  différence  va  en 
s'accentuant  de  plus  en  plus  à  mesure  que  la  molécule 
centrale  se  rapproche  de  la  tranche  extrême  libre;  à  la 
surface-limite  même,  en  0",  par  exemple  (fig.  3,  y),  les 
seuls  diamètres  complets  se  trouvent  dans  le  plan  hori- 
zontal du  niveau,  tandis  que,  dans  toutes  les  autres  direc- 
tions passant  par  0,  les  molécules  agissantes  se  trouvent 
distribuées  sur  des  demi-diamètres;  le  degré  de  cohésion 
qui  tend  à  se  former  en  0,  est  donc  un  minimum  et,  en 
outre,  est  beaucoup  moindre  qu'au  sein  même  du  liquide. 

12.  Ce  raisonnement  fort  simple  montre  que  la  tendance 
au  rapprochement  des  molécules  est  bien  plus  grande  à 
l'intérieur  du  liquide  que  dans  la  couche  superficielle; 
donc  la  force  répulsive  capable  de  maintenir  les  molécules 
en  é(|uilibre  doit  être  notablement  plus  intense  au  sein  de 
la  masse  que  dans  la  couche  libre;  comme  cette  force  était 
supposée  d'abord  la  même  partout,  il  est  évident  que  les 
particules  de  la  couche  superficielle  devront  éprouver  entre 
elles  des  écartements  d'autant  plus  marqués  qu'elles  sont 
plus  près  de  la  surface-limite  du  niveau. 

J'étais  déjà  parvenu  au  même  résultat  en  1886  ('),  mais 
par  un  mode  de  raisonnement  plus  long  et  moins  frappant. 

(*)  Snr  Vinalubililé  de  l'équilibre  de  la  couche  superficielle  d'vn 
liquide  [l"  partie)  (Bull,  de  TAcad.  roy.  de  Belgique,  t.  XI,  p.  541), 


(  S7  ) 

13.  Quel  sera  l'effet  de  récarlemenl  des  molécules  dans 
la  couche  superficielle?  Il  est  clair  qu'il  s'y  développera 
dans  tous  les  sens  une  force  élastique  de  traction,  d'autant 
plus  grande  qu'on  sera  plus  près  de  la  surface  libre;  dans 
le  sens  horizontal,  celte  force  élastique  produira  dans  les 
tranches  successives  de  la  couche  une  suite  de  tensions 
élémentaires  allant  en  croissant  depuis  la  base  de  la  couche 
jusqu'à  la  surface  libre;  et  comme  l'épaisseur  totale  de 
l'ensemble  des  tranches  où  résident  ces  tensions  est  en 
général  inférieure  à  '"""/ao.ooo' on  comprend  qu'on  peut 
regarder  la  tension  résultante  comme  appliquée  à  la  sur- 
face libre  même  :  c'est  cette  tension  résultante  qui  est 
accusée  dans  toutes  les  expériences  de  capillarité  et  qu'on 
mesure  sous  le  nom  de  tension  superficielle. 

Quant  à  la  force  élastique  développée  dans  le  sens  nor- 
mal, et  portée  à  son  maximum  à  la  surface  libre,  elle 
pourra  être  telle  que  l'effet  de  la  cohésion  joint  à  la  pres- 
sion exercée  par  le  milieu  ambiant  l'emporte  sur  la 
répulsion;  alors  il  n'y  aura  pas  d'évaporation;  mais,  dans 
le  cas  contraire,  les  particules  de  la  surface  libre  se  répan- 
dront dans  le  milieu  ambiant  et  seront  immédiatemeKi 
remplacées  par  d'autres  particules,  et  ainsi  de  suite  irrdé- 
ûnimenl,  si  Itsconditions  du  phénomène  ne  changent  pas. 
il  est  clair,  d'après  cela,  que  l'évaporalion  est  plus  rapide 
si  la  pression  du  milieu  ambiant  est  plus  faible.  On  com- 
prend aussi  que  l'élasticité  développée  conliniiment  dans  la 
couche  superficielle  exige  un  travail  que  doit  effectuer  sans 
cesse  l'ensemble  des  forces  intérieures  du  liquide;  de  là 
une  perte  de  chaleur  toujours  observée  dans  le  phénomène 
de  l'évaporation. 

On  voit  par  là  qu'aussitôt  après  qu'une  portion  du 
liquide  est  devenue  libre,  il  s'^y  produit  un  arrangement 


(58  ) 

moléculaire  toul  particulier  et  variant  d'un  instant  à 
l'autre  pour  les  mêmes  molécules,  jusqu'à  ce  qu'elles  se 
dégagent  dans  le  milieu  ambiant;  on  ne  peut  donc  ni  sup- 
poser une  constitution  uniforme  partout  dans  une  masse 
liquide,  ni  même  admettre  la  stabilité  parfaite  de  l'équi- 
libre des  molécules  dans  la  couche  superficielle  libre,  si 
l'on  veut  rechercher  les  forces  figura trices  de  la  masse 
considérée;  comme  on  vient  de  le  démontrer,  celles-ci 
dérivent  du  degré  de  cohésion  intérieure,  contrairement 
à  ce  qu'ont  avancé  presque  tous  les  physiciens  jusqu'à 
présent. 

14.  Dans  la  démonstration  précédente,  nous  avons 
regardé  la  surface  terminale  du  liquide  comme  plane;  mais 
on  peut  se  demander  si  la  tension  et  Tévaporation  demeure- 
ront les  mêmes,  quelle  que  soit  la  forme  de  cette  surface. 
Et  tout  d'abord  si,  comme  cela  arrive  dans  les  expé- 
riences ordinaires,  la  courbure  de  la  surface  peut  être 
regardée  comme  extrêmement  faible  à  côté  de  celle  de  la 
sphère  d'activité  de  l'attraction  moléculaire,  toul  se  passera 
comme  si  la  surface  était  plane;  il  n'en  serait  plus  de  même 
si  les  rayons  de  courbure  principaux  de  la  surface  étaient 
assez  petits  pour  pouvoir  être  comparés  au  rayon  r  qui,  on 
le  sait,  est  inférieiir  à  '"""/aoooo  dans  les  circonstances  ordi- 
naires. 

En  effet,  soit  une  surface  concave  de  très  forte  cour- 
bure ;  on  voit  que  si  nous  considérons  un  point  0 
((ig.  4)  dans  la  couche  super- 
ficielle, la  sphère  d'activité 
qui  s'y  rapporte  comprendra 
un  nombre  de  molécules  bien 
plus  considérable  que  dans 
le  cas  d'une  surface  plane; 


Fin.  'k 


(39) 

on  [)Ouria  donc  aussi  tracer  par  le  point  0  un  nombre  plus 
grand  de  diamètres  complets  ou  incomplets  que  si  la  sur- 
face était  plane;  la  différence  sera  d'autant  plus  sensible  que 
la  courbure  de  la  surface  deviendra  plus  forte;  il  s'ensuit 
que  la  cohésion  au  point  0  sera  plus  grande  pour  une 
surface-limite  concave  que  pour  une  surface  plane,  ce 
point  étant  placé  à  la  même  dislance  du  niveau.  Toutefois, 
dans  les  deux  cas,  la  cohésion  va  en  diminuant  à  mesure 
que  le  point  0  se  rapproche  de  la  surface  libre.  Puisque, 
avec  la  surface  concave  considérée,  l'excès  de  la  cohésion 
intérieure  du  liquide  sur  celle  d'une  tranche  de  la  couche 
superficielle  est  moindre  que  pour  une  surface  plane,  il  en 
résulte  que  la  force  répulsive  qui  règne  à  l'intérieur  ne 
pourra  produire  dans  la  couche  superficielle  que  des 
écarts  intcrmoléculaires  moindres,  et  qu'ainsi  la  tension 
et  révajioration  diminueront  à  la  fois.  Notons  bien  que 
cela  ne  peut  avoir  lieu  que  pour  des  surfaces  liquides  à 
courbures  comparables  à  celle  de  la  sphère  d'activité. 

On  se  rappelle  que  lord  Kelvin  (sir  William  Thomson) 
était  déjà  arrivé  théoriquement  à  montrer  celte  moindre 
tendance  à  l'évaporation  d'une  couche  liquide  fortement 
concave,  mais  sans  expliquer  d'où  provenait  en  réalité  la 
différence  {*).  Je  me  suis  occupé, dans  un  travail  spécial  ("), 
de  quelques  applications  de  la  curieuse  propriété  des  sur- 
faces liquides  à  forte  courbure  concave. 

15.  Présentons  ici  une  remarque  :  nous  avons  consi- 
déré plus  haut  le  cas  d'une  masse  liquide  primitivement 


(*)  On  Ihe  equilibrium  of  vapour  al  a  curvcd  surface  of  liquid 
(Philos.  Magaz.,  t.  XLII,  p.  448,  1871). 

(*■)  Sur  la  condensation  de  la  vapeur  dans  les  espaces  capillaires 
(Blll.  de  l'Acad.  rov.  de  Belgique,  1890,  l.  XIX,  p.  101). 


60  ) 
de  même  constitution  partout  et  limitée  en  partie  par  une 
couche  libre  fortement  concave;  nous  avons  vu  que  cette 
dernière  devait  alors  nécessairement  éprouver  des  modi- 
fications graduelles  dans  sa  densité  et  devenir  d'autant 
moins  dense  que  l'on  se  rapproche  plus  de  la  tranche 
libre;  de  là  découle  une  tension  qui,  elle-même,  fait  naître 
une  pression  normale  d'autant  plus  grande  que  la  cour- 
bure de  la  couche  concave  est  plus  forte;  or,  on  peut  se 
demander  si  celte  pression  ne  modifiera  pas  le  degré  de 
cohésion  de  la  couche  libre.  Tout  me  porte  à  croire,  con- 
trairement à  ce  que  je  pensais  naguère  (*),  que  la  pres- 
sion normale  est  en  général  impuissante  à  modifier  sensi- 
blement soit  la  tension,  soit  la  tendance  à  l'évaporation; 
en  effet,  l'état  de  la  couche  superficielle  résulte  de  la  dif- 
férence entre  la  cohésion  de  la  couche  libre  et  celle  des 
portions  voisines  prises  dans  la  masse  sous-jacente;  or,  la 
pression  dont  il  s'agit  sollicite  ces  dernières  portions 
colfiime  la  couche  libre  elle-même,  et,  au  surplus,  elle  est 
bien  faible  en  comparaison  des  forces  attractives  des  molé- 
cules; pour  ce  double  motif,  les  conclusions  du  numéro 
précédent  me  paraissent  devoir  être  maintenues  sans 
changement. 

16.  Abordons  enfin  le  cas  où  la  surface  terminale  de  la 
masse  liquide,  primitivement  de  même  constitution  partout, 
est  convexe  et  offre  une  courbure  trop  faible  pour  que 
cette  surface  découpe  dans  la  sphère  d'activité  de  l'attrac- 
tion moléculaire  une  portion  différente  de  celle  qui  est 
découpée  par  une  surface  plane;  dès  lors  les  choses  se 


(*)  Voir  ma  deuxième  communication  prtMiminaire  sur  le  sujet 
actuel  (Ibid.,  t.  XXV,  p.  255). 


(61  ) 

passent  comme  dans  le  cas  du  n"  11,  en  ce  qui  concerne 
la  tension  superficielle  F  et  la  tendance  à  l'évaporation  ; 
seulement  la  force  contractile  produira  actuellement  une 
pression  normale 


(s  4.) 


dirigée  vers  l'intérieur  de  la  masse  :  c'est  cette  pression 
qui,  comme  la  traction 


\R      R7 


sollicitant  une  surface  concave,  a  été  observée  dans  un 
très  grand  nombre  d'expériences  connues.  C'est  encore 
cette  force 


d=F 


\R       R7 


que  Thomas  Young  a  obtenue  pour  la  première  fois  en 
appliquant  à  une  surface  liquide  convexe  ou  concave  de 
tension  F  et  de  rayons  de  courbure  R  et  R',  les  principes 
de  mécanique  relatifs  à  une  lame  solide  de  même  tension 
uniforme  el  de  même  courbure. 

17.  Mais,  dira-l-on,  l'application  des  principes  de 
mécanique  à  une  simple  couche  liquide  est-elle  bien  légi- 
time? Les  particules  de  celte  couche  ne  sont-elles  pas 
trop  mobiles  pour  leur  permettre  d'exercer  le  moindre 
effort?  La  réponse  à  celte  objection  est  bien  simple  (*);  la 


(')  Réponse  aux  objections  de  R.  P.  Leraij  contre  la  tension  superfi- 
cielle des  liquides  (Bull,  de  la  Soc.  scientif.  de  Bruxelles,  session 
d'avril  1895). 


(  62) 

couche  superficielle  d'un  liquide  est  composée  d'une  suite 
de  tranches  où  les  particules  sont  rangées  non  pas  de  la 
même  façon  partout,  comme  l'ont  supposé  à  tort  Laplace 
et  Gauss,  mais  se  trouvent  au  contraire  d'autant  plus  dis- 
tantes entre  elles  qu'elles  sont  plus  près  de  la  surface 
libre;  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  cet  arrangement  par- 
ticulaire  dans  une  tranche  dépend  de  la  différence  entre 
la  cohésion  de  la  masse  liquide  intérieure  et  celle  de  la 
tranche  considérée,  et  doit  absolument  être  le  même 
partout  où  la  différence  en  question  a  la  même  valeur;  de 
là  une  résistance  de  chacune  des  tranches  constitutives  de 
la  couche  superficielle,  à  toute  cause  qui  tend  à  troubler 
l'arrangement  moléculaire  qui  lui  est  ai^signé;  c'est  une 
somme  de  résistances  de  ce  genre  qui  explique  la  possi- 
bilité de  déposer  un  anneau  métallique  en  équilibre  sur  la 
surface  de  Peau,  et  le  mouvement  simultané  de  toute  la 
couche  liquide  libre  sous  l'impulsion  d'uneaiguille  aimantée 
dont  la  face  inférieure  seule  est  en  contact  avec  l'eau.  C'est 
la  même  résistance  totale  qui  fournit  la  réaction  néces- 
saire à  l'action  exercée  au  dehors  ou  en  dedans  en  un  point 
quelconque  d'une  surface  liquide  courbe  quelconque. 

Conséquences  diverses  et  vérifcalions  expérimentales. 

18.  Voyons  actuellement  si  les  conséquences  que  nous 
pouvons  tirer  de  la  théorie  précédente  sont  conformes  à 
tous  les  faits  observés. 

a)  El  d'abord,  si  la  pression  exercée  sur  le  liquide  par 
l'air  ambiant  diminue,  la  force  élastique  développée  dans 
toutes  les  tranches  de  la  couche  superficielle  doit  se  mani- 
fester de  plus  en  plus  librement,  et  l'évaporation  devenir 
plus  rapide;  mais  alors  la  couche  superficielle  se  renou- 


(«3  ) 
vellera  plus  vile,  el  au  travail  effectué  ainsi  devra  corres- 
pondre un  refroidissemenl,'  comme  ou  sait,  celle  double 
conséquence  esl  de  loul  point  conforme  à  l'observation 
directe. 

Au  contraire,  si  la  pression  va  en  augmenlani  graduel- 
lement, le  libre  jeu  des  forces  élastiques  de  la  couche  super- 
licielle  est  de  plus  en  plus  contrarié,  l'évaporation  doit 
donc  devenir  plus  lente  el  la  tension  superficielle  s'affai- 
blir. On  connaît  depuis  longtemps  le  ralentissement  de 
l'évaporation  dans  les  conditions  indiquées,  et,  dès  i88i, 
M.  Kundl  a  trouvé  que,  sous  l'influence  d'une  pression 
croissante  du  gaz  ambiant,  la  tension  superficielle  diminue 
notablement  pour  l'alcool,  l'élher,  le  sulfure  de  carbone,  le 
chloroforme  el  Teau,  mais  que  la  diminution  devient  de 
moins  en  moins  sensible  quand  les  pressions  alleignenl 
des  valeurs  considérables. 

b)  Toul  globule  d'air  qui,  par  une  cause  quelconque,  a 
pénétré  au  sein  d'un  liquide,  doit  être  limité  par  un 
ensemble  de  tranches  liquides  dont  la  densité  va  en  dimi- 
nuant vers  l'intérieur  du  globule  gazeux  qui  contient  bien- 
tôt de  la  vapeur  à  saturation;  indépendamment  de  loule 
autre  cause,  le  gaz  se  trouve  donc  soumis  à  la  pression 
due  à  la  force  contractile  de  la  couche  enveloppante;  par 
exemple,  s'il  s'agit  de  l'eau  à  la  température  de  15°  C.  et 
à  la  pression  d'une  atmosphère,  el  d'une  petite  bulle  d'air 
ayant  O^'^iOl  de  rayon  r,  cette  bulle  sera  soumise  à  une 
pression  nouvelle  ^  (F  =  tension  superficielle  de  l'eau 
à  15°).  Seulement,  d'une  part,  la  tension  développée  dans 
ces  conditions  sera  d'autant  plus  faible  que  la  pression 
devient  plus  grande,  el  d'autre  part,  les  molécules  gazeuses 
tendront  d'autant  plus  énergiquement  à  se  dissoudre  dans 
l'eau  que  la  pression  s'accroît  davantage. 

On  comprend  sans  peine  que  la  dissolution  du  gaz  à  la 


(64) 
surface  libre  du  liquide  doit  favoriser  l'évaporaiion,  mais 
affaiblir  au  contraire  la  force  contractile,  comme  l'ont  con- 
staté depuis  longtemps  Desains  et  Quincke  :  il  n'est  donc 
pas  étonnant  que,  d'après  les  observations  de  Wroblewski, 
les  liquides  dont  le  coefficient  d'absorption  des  gaz  est  con- 
sidérable (éther,  alcool,  huiles),  ont  une  faible  tension,  tan- 
dis que  les  dissolutions  salines  absorbant  moins  de  gaz  que 
l'eau  ont  une  force  contractile  supérieure  à  celle  de  ce 
dernier  liquide. 

c)  Si  l'on  élève  la  température  d'un  liquide,  on  augmente 
les  forces  répulsives  dans  toute  la  masse;  il  s'ensuit  que, 
dans  le  même  temps,  un  plus  grand  nombre  de  tranches 
de  la  couche  superficielle  devront  se  transformer  en 
vapeur,  non  seulement  à  la  surface  libre,  mais  encore  à 
l'intérieur  de  la  moindre  bulle  de  gaz  engagée  dans  le 
liquide;  d'autre  part,  comme  la  force  élastique  de  traction 
se  développe  le  plus  dans  les  tranches  voisines  de  la  sur- 
face libre,  plus  l'évaporation  sera  accélérée,  moins  la 
tension  sera  marquée;  par  conséquent, toute  augmentation 
de  température  entraîne  une  évaporation  plus  rapide  et 
une  tension  superficielle  plus  faible;  depuis  longtemps,  on 
le  sait,  l'observation  directe  a  mis  en  évidence  ce  double 
effet  do  l'accroissement  de  la  température. 

Puisque  l'ébullition  est  une  production  rapide  de  vapeur 
dans  la  masse  même  du  liquide,  elle  doit  être  grandement 
favorisée  par  les  gaz  dissous  dans  celui-ci,  car,  nous  l'avons 
vu,  la  couche  liquide  enveloppant  chaque  bulle  de  gaz  est 
un  loyer  de  production  de  vapeur;  c'est  ce  que  démantrent 
fort  bien  les  expériences  de  M.  Gernez  (*),  par  exemple 

(*)  Sur  l'influence  de  la  quantité  de  gaz  dissous  dans  un  liquide  sur 
la  tension  superficielle  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  de  Paris,  1882, 
t.  XIV,  p.  284). 


(  65  ) 

celle  où  1  millimèlre  cube  d'air  a  pu  enlrelenir  pendant 
vingl-qualre  heures  le  dégagement  de  vapeur  el  produire 
plus  de  500,000  bulles  de  5  millimèires  de  diamètre. 

Au  contraire,  si  l'on  a  eu  soin  de  bien  débarrasser  de  la 
couche  gazeuse  adhérente  les  parois  intérieures  du  vase,  et 
de  purger  d'air  le  liquide  introduit,  l'ébullilion  doit  être 
rendue  beaucoup  plus  difficile,  puisque  nulle  part  ailleurs 
qu'à  la  surface  libre  même,  la  cohésion  n'est  déjà  partiel- 
lement vaincue.  C'est  ce  qui  est  prouvé  à  l'évidence  par  les 
observations  de  Deluc  et  surtout  par  les  expériences  clas- 
siques de  noire  savant  confrère  M.  Donny.  De  son  côté,  le 
physicien  suisse  Dufour  a  constaté  le  retard  de  l'ébullition 
de  l'eau  en  suspension  dans  un  mélange  d'essence  de 
girofle  ei  d'huile  de  lin;  il  a  démontré,  en  outre,  que  les 
corps  solides  introduits  dans  le  liquide  ne  favorisent  l'ébul- 
lition qu'en  raison  de  la  quantité  de  gaz  condensé  à  leur 
surface;  débarrassés  de  la  couche  d'air  adhérente  par  une 
immersion  assez  prolongée,  ils  deviennent  tous  inactifs. 

d)  Si  l'on  chaufle  graduellement  un  liquide  dans  un  vase 
fermé  el  ne  contenant  que  de  la  vapeur  du  même  liquide, 
il  doit  s'établir,  d'après  la  théorie  que  je  propose,  une  lutte 
entre  la  tendance  de  plus  en  plus  marquée  du  liquide  à  se 
transformer  en  vapeur  et  la  tension  croissante  de  la  vapeur 
déjà  formée;  d'autre  part,  la  cohésion  intérieure  du  liquide 
diminue  par  degrés,  tandis  que  la  densité  de  la  vapeur  va 
en  augmentant.  Il  résulte  de  là  que  la  force  contractile  de 
la  couche  de  séparation  doit  aller  en  diminuant  et  même 
s'annuler  si  la  densité  peut  devenir  la  même  au-dessus  et 
au-dessous  de  cette  même  couche.  Cette  diminution  gra- 
duelle de  la  force  contractile  a  été  constatée  en  réalité  par 
plusieurs  observateurs;  ils  ont  vu  s'abaisser  de  plus  en  plus 
le  ménisque  liquide  concave,  jusqu'à  sa  disparition  com- 

S""   SÉRIE,    TOME    XXVI.  5 


(  66  ) 
plèle.  Ce  phénomène  a-l-il  toujours  lieu  à  la  même  tempé- 
rature, quel  que  soit  le  rapport  initial  des  volumes  du 
liquide  et  de  la  vapeur?  Ou  bien  encore,à  une  température 
déterminée,  ne  correspond -il  qu'une  seule  vapeur  saturée 
ayant  toujours  la  même  densité?  La  théorie  que  je  propose 
exige  que  si  les  dernières  particules  d'un  liquide,  d'une 
part,  et  de  sa  vapeur  ensuite,  diffèrent  uniquement  par 
leur  degré  de  condensation,  la  disparition  du  ménisque  ait 
toujours  lieu  à  la  même  température,  et  que,  de  plus,  à 
une  température  donnée  ne  puissent  correspondre  une 
infinité  de  vapeurs  saturées  ayant  des  densités  différentes. 
Or,  les  observations  de  notre  confrère  M.  De  Heen,  d'une 
part  (*),  et  de  M.  G.  Zambiasi,  d'autre  part  (**),  répondent  à 
ces  deux  questions  dans  un  sens  tel  qu'il  paraît  impossible 
d'attribuer  la  même  constitution  physique  aux  particules 
de  vapeur  et  aux  molécules  liquides.  Ma  théorie  apporte 
donc  un  nouvel  argument  en  faveur  des  idées  de  M.  De 
Heen  sur  la  constitution  des  liquides  et  des  vapeurs. 

e)  Si  réellement  la  couche  superficielle  d'un  liquide  est 
formée,  à  la  température  ordinaire,  de  tranches  dont  la  den- 
sité va  en  décroissant  vers  l'extérieur,  ce  décroissement  de 
densité  sera  bien  plus  prononcé  encore  dès  qu'on  exposera 
la  couche  liquide  libre  à  une  puissante  source  de  chaleur; 
lors  donc  qu'on  laisse  tomber  une  masse  liquide  sur  une 


(*)  Sur  un  état  de  la  matière  caractérisé  par  l'indépendance  de  la 
pression  et  du  volume  spécifique  (Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique, 
t.  XXIV,  p.  267,  1892). 

(*  *)  Sid  punto  critico  e  sui  fcnomcni  che  la  accompagnono  ( Atti  dell a 
R.  Ace.  DEi  LiNCEi,  t.  I,  pp.  423-431,  1892).  —  //  punto  critico  c  il 
fenomeno  di  sparizione  del  menisco,  no  riscaldamento  d'un  Itquido  a 
volume  costanlc  (Ibid.,  t.  II,  p.  21,  1893). 


(  67) 

surface  métallique  incandescente,  les  particules  liquides 
les  plus  voisines  du  solide  seront  tellement  écartées  entre 
elles  que  l'adhésion  entre  les  deux  corps  en  présence 
deviendra  impossible,  à  cause  de  la  distance  trop  grande 
qui  sépare  le  solide  des  molécules  liquides;  à  mesure  que 
les  tranches  les  plus  échauffées  seront  réduites  en  vapeur 
et  dissipées  dans  l'air  ambiant,  de  nouvelles  tranches  rem- 
placeront les  précédentes,  et  réduites  au  même  décroisse- 
ment  de  densité,  joueront  absolument  le  même  rôle,  c'est- 
à-dire  empêcheront  aussi  le  contact  du  solide  et  du  liquide; 
seulement,  ce  n'est  qu'au  prix  d'une  certaine  quantité  de 
chaleur  du  liquide  que  pourra  se  produire  l'écarlement 
moléculaire  progressif  dans  les  tranches  de  chaque  couche 
superficielle  devenue  libre  :  voilà  pourquoi  la  température 
du  liquide  devra  constamment  être  inférieure  à  son  point 
d'ébullition  pour  la  pression  à  laquelle  on  opère.  Enfin, 
puisqu'il  ne  peut  y  avoir  contact  entre  le  solide  et  le  liquide, 
celui-ci  alfectera  la  forme  d'une  sphère  si  la  masse  est  suf- 
fisamment petite,  ou  d'un  sphéroïde  plus  ou  moins  aplati 
dans  une  masse  assez  grande.  Le  renouvellement  des  diffé- 
rentes couches  où  réside  la  tension  superficielle  ne  pouvant 
s'opérer  avec  une  régularité  parfaite  autour  de  la  droite  qui 
passerait  par  le  centre  de  la  petite  masse  liquide,  norma- 
lement à  la  surface  incandescente,  la  force  contractile 
devra  varier  sans  cesse  autour  de  celte  normale,  ce  qui 
provoquera  des  mouvements  brusques  de  rotation  et  de 
translation  de  la  masse  liquide. 

Toutes  les  conséquences  que  je  viens  d'énumérer  sont 
littéralement  vérifiées  dans  les  nombreuses  expériences 
faites  par  Leidenfrost  d'abord,  puis  spécialement  par  Bou- 
liguy;  on  le  voit,  l'étal  sphéroïdal,  que  cet  habile  observa- 
teur croyait  être  un  état  particulier  de  la  matière,  s'ex- 


(  «8) 

plique  avec  la  plus  grande  facilité  ;  la  théorie  que  je  défends 
rend  également  compte  de  la  curieuse  expérience  suivante, 
due  à  l'observateur  anglais  Perkins  :  si  Ton  munit  un 
générateur  à  vapeur  d'un  robinet  placé  au-dessous  du 
niveau  de  l'eau,  le  liquide  ne  s'écoule  pas  quand  les  parois 
du  générateur  sont  portées  à  une  très  haute  température, 
bien  que  la  pression  intérieure  soit  considérable;  mais 
l'eau  jaillit  avec  impétuosité  dès  que  la  température  devient 
moins  élevée. 

f)  La  démonstration  donnée  plus  haut  pour  établir  un 
lien  direct  entre  l'évaporation  et  la  force  contractile  s'ap- 
plique évidemment  aux  corps  solides  comme  aux  liquides  : 
il  s'ensuit  que  si  un  solide  est  assez  facilement  déformable, 
il  pourra  manifester  une  véritable  évaporalion  à  la  surface 
libre,  comme  on  l'a  observé  avec  le  camphre,  la  glace  et 
l'arsenic. 

19.  Après  avoir  énuméré  une  longue  série  de  consé- 
quences entièrement  conformes  aux  faits  constatés  par  de 
nombreux  observateurs  et  avoir  montré  clairement,  selon 
moi,  l'identité  de  la  cause  de  la  force  contractile  et  de  l'éva- 
poration des  liquides,  je  vais,  pour  terminer  le  présent 
travail,  décrire  quelques  expériences  fort  inattendues  et 
éiroilement  liées  au  même  sujet. 

Voici  le  raisonnement  qui  m'a  servi  de  point  de  départ  : 
soit  un  liquide  A  susceptible  de  s'évaporer  spontanément 
dans  un  milieu  tel  que  l'air;  imaginons  un  autre  liquide  B 
moins  dense  que  A  et  ne  s'évaporant  pas  sensiblement; 
si  réellement  les  particules  de  A  ne  se  répandent  dans 
l'air  qu'après  avoir  traversé  des  tranches  dont  la  densité 
devient  de  plus  en  plus  faible,  n'y  aurait-il  pas  possibilité, 
d'après  cela,  d'observer  l'évaporation  du  liquide  A  à  travers 
une  couche  plus  ou  moins  épaisse  du  liquide  B? 


(09) 

En  conséquence,  j'ai  opéré  de  la  manière  suivante  : 
toul  d'abord,  j'ai  choisi  l'huile  d'olive  comme  B;  elle  est 
plus  légère  que  l'eau,  et,  de  plus,  elle  ne  s'évapore  pas 
sensiblement,  car,  après  quatre  jours  d'exposition  à  l'air 
libre,  l'huile  d'olive,  versée  dans  une  capsule  de  8  centi- 
mètres de  diamètre,  n'a  pas  accusé  une  perte  de  poids 
appréciable. 

D'après  cela,  j'ai  pris  pour  liquide  A  l'eau  distillée,  et 
pour  liquide  B  l'huile  d'olive;  au-dessus  d'une  quantité 
arbitraire  d'eau  distillée  contenue  dans  une  capsule  ordi- 
naire, j'ai  versé  avec  précaution  une  mince  couche  d'huile 
d'olive  de  2  millimètres  environ  d'épaisseur,  et  j'ai  placé 
la  capsule  ainsi  préparée  sur  l'un  des  plateaux  d'une  balance 
sensible  au  milligramme.  Après  avoir  taré,  je  n'avais  plus 
qu'à  vérifier  ensuite  de  temps  en  temps  si  l'équilibre  se 
maintenait  exactement;  or  j'ai  constaté  que  le  plateau 
portant  la  capsule  perdait  graduellement  de  son  poids,  et 
que,  au  bout  de  huit  jours,  la  perte  était  d'environ 
80  milligrammes. 

L'effet  observé  était-il  bien  dû  à  i'évaporation  à  travers 
la  mince  couche  d'huile,  ou  bien  le  liquide  inférieur 
trouvait-il  passage  dans  la  couche  de  contact  du  verre  et 
de  l'huile?  Pour  me  mettre  à  l'abri  de  cette  objection,  j'ai 
opéré  avec  de  l'eau  distillée  recouverte  successivement  de 
couches  de  \0,  15,  20,  50,  120  millimètres  d'épaisseur,  et 
j'ai  constaté  que  toujours  il  y  avait  une  perte  de  poids 
très  sensible  au  bout  de  quelques  jours;  sans  doute, 
lorsque  la  couche  d'huile  était  plus  épaisse,  I'évaporation 
de  l'eau  était  plus  lente,  mais  elle  était  incontestable. 

Je  me  suis  fait  une  autre  objection  contre  ces  résultats 
assez  bizarres  au  premier  abord  :  la  vapeur  d'eau  ne 
traversait-elle  pas  la  matière  même  du  verre?  Pour  écarter 
encore  cette  difficulté,  je  me  suis  servi  de  capsules  dont 


(70  ) 

le  verre  présentait  une  épaisseur  1res  différenle  de  l'une 
d'elles  à  une  autre;  toujours  les  pertes  de  poids  observées 
ont  été  du  nûême  ordre,  non  seulement  avec  l'huile  d'olive, 
mais  encore  avec  l'huile  de  colza,  d'œillette,  de  lin;  mal- 
heureusement, avec  toutes  ces  huiles,  leur  surface  de 
contact  avec  l'eau  distillée  perd  toute  netteté  au  bout  de 
quelques  jours,  à  cause  de  la  formation  d'une  sorte  de 
membrane  solide  qui  doit  nécessairement  nuire  à  1  evapo- 
ration  régulière  de  l'eau  sous-jacente. 

C'est  ce  qui  m'a  conduit  à  me  servir  d'oléine,  dont  un 
échantillon  incolore  et  probablement  très  pur  m'a  été 
fourni  par  mon  collègue  M.  le  professeur  Swarts;  ce 
liquide  avait  le  triple  avantage  d'être  incolore,  de  ne  pas 
s'évaporer  spontanément  et  de  ne  donner  lieu  à  aucune 
Impureté  lors  de  son  contact  avec  l'eau  distillée,  même 
après  quatre  mois  d'expériences  continues. 

Voici  le  dispositif  auquel  je  me  suis  arrêté  et  qui  m'a 
offert  le  plus  de  garanties  :  dans  un  bocal  dont  la  partie 
cylindrique  avait  8  centimètres  environ  de  diamètre  et 
20  de  hauteur  (fig,  5),  j'ai  versé  une  couche  d'eau  distil- 
lée d'environ  14  millimètres 
d'épaisseur,  et  au-dessus 
une  couche  d'oléine  pure  de 
10  millimètres;  à  la  face 
inférieure  du  bouchon  à 
l'émeri  du  bocal  était  fixé, 
à  l'aide  de  cire  à  cacheter, 
un  lien  en  caoutchouc  des- 
tiné à  porter  un  petit  bocal 
ayant  environ  4  centimètres  de  diamètre  intérieur,  8  de 
hauteur,  et  à  moitié  rempli  de  chlorure  de  calcium  bien 
sec. 

Cela  étant,  on  pèse  les  deux  bocaux  munis  de  leurs 


(71  ) 
bouchons,  el  l'on  noie  les  poids  respeclil's;  ensuite  on 
débouche  de  pari  el  d'autre,  on  attache  le  petit  bocal  au 
lien  en  caoutchouc  lixé  an  bouchon  du  grand  bocal,  on 
introduit  le  petit  bocal  ouvert  dans  le  grand,  el  l'on  ferme 
avec  soin  celui-ci;  i!  esl  même  très  bon  de  lier  au-dessus 
du  bouchon  et  du  goulol  une  membrane  quelconque 
imperméable  à  l'air,  atin  d'empêcher  toute  communication 
de  l'air  intérieur  avec  l'atmosphère.  Il  va  sans  dire  que  le 
lond  du  petit  bocal  ne  peut  toucher  nulle  pari  l'oléine. 
Dès  ce  moment,  l'expérience  esl  préparée,  el  l'on  n'a  plus 
qu'à  abandonner  l'appareil  à  lui-même,  dans  un  endroit 
où  la  température  ne  varie  que  de  quelques  degrés  pendant 
un  temps  considérable. 

Dans  une  de  mes  expériences,  le  poids  initial  du  grand 
bocal  était  de  896^',830,  et  celui  du  pelil  bocal  fermé, 
102«',907.  Quinze  jours  après,  ces  poids  étaient  respective- 
ment 896s^5l2  el  103^S262;  la  perle  de  poids  du  gros  fla- 
con (385  milligrammes)  dépasse  le  gain  du  pelil  flacon  (355) 
de  30  milligrammes;  je  n'ai  pu,  faute  de  temps  à  consacrer 
à  ces  expériences  de  longue  durée,  préciser  la  raison  de 
cet  écart;  toutefois  le  résultat  accuse  d'une  manière 
formelle  l'évaporalion  de  l'eau  à  travers  l'oléine. 

On  objectera  sans  doule  que  les  phénomènes  décrits 
plus  haut  sont  de  simples  faits  de  diffusion  ;  mais  quelle 
est  la  cause  théorique  de  la  difl"usion?  Le  mot,  sans 
l'origine  de  la  propriété  invoquée,  n'explique  rien.  C'est 
pourquoi,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  je  regarde  les  faits 
signalés  comme  de  simples  effets  de  la  différence  entre  les 
forces  répulsives  agissant  respectivement  dans  les  deux 
couches-limites  en  regard. 

Prochainement,  j'espère  pouvoir  décrire  d'autres  expé- 
riences sur  le  même  sujet. 


(  72) 


Sur  r acclimatation  de  deux  espèces  de  Tétras  en  Belgique; 
par  le  baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  membre  de 
l'Académie. 

On  a  reconnu  depuis  longtemps  l'ulililé  qu'il  y  a  de 
reboiser  dans  l'Ardenne  et  la  Campine  les  landes  el  les 
bruyères  impropres  à  la  culture  ou  à  l'établissement  de 
prairies. 

Beaucoup  a  été  tenté,  mais  il  reste  encore  énormément 
à  faire,  malgré  l'intérêt  évident  qui  s'attache  à  la  réalisa- 
lion  de  cette  œuvre,  au  point  de  vue  des  avantages  qui  en 
résulteraient  pour  la  fortune  publique,  que  ce  soient  l'État, 
la  commune  ou  les  particuliers  qui  en  prodtent,  et  aussi 
pour  l'amélioration  du  régime  des  eaux,  en  empêchant 
leur  écoulement  subit,  cause  de  graves  inondations  après 
les  orages  et  lors  de  la  fonte  des  neiges.  On  conserverait 
ainsi,  en  ce  qui  concerne  l'Ardenne,  une  réserve  d'eau 
qui  alimenterait  les  sources  aux  époques  de  grande  séche- 
resse. 

Le  Gouvernement  n'a  cessé  d'ailleurs  de  prêcher  d'exem- 
ple en  procédant  à  des  plantations  sur  les  bie^is  domaniaux 
el  en  prenant  des  mesures  pour  engager  les  communes  à 
en  faire  autant  sur  les  leurs. 

Les  essences  de  futaies  les  plus  appropriées  aux  ter- 
rains incultes  dont  je  viens  de  parler  ont  été  générale- 
ment reconnues  être  le  Pin  sylvestre,  le  Sapin  epicea  el  le 
Hêtre. 

Aujourd'hui,  le  travail  de  reconstitution  des  forêts  dans 
les  Hautes  Fagnes  et  les  bruyères  de  l'Ardenne  semble 
assez  avancé  pour  qu'il  y  ait  lieu  de  chercher  à  y  acclima- 


(73) 

1er  des  animaux  utiles  qui  augmenteraient  encore  les 
avantages  du  reboisement. 

Pour  le  moment,  je  ne  connais  que  deux  espèces  de 
gibier  à  plumes  dont  l'introduction  ait  fait  ses  preuves  dans 
des  contrées  analogues  à  l'Ardenne  par  le  climat,  la  végé- 
tation, et  ces  espèces  sont  d'autant  plus  recommandables 
qu'elles  ont  une  valeur  alimentaire  et  marchande  sérieuse. 

Il  s'agit  de  la  Grouse  des  lies  britanniques  et  du  Grand 
Tétras  ou  Coq  de  bois.  Je  m'occuperai  successivement  de 
ces  deux  Oiseaux. 

I. 

La  Grouse  ou  Tétras  d'Ecosse. 
Synonymie  :  Lagopus  albus  (L.  pars),  race  :  Scoticus  Latham. 

Vulgairement  :  Lagopède  ou  Perdrix  blanche  des  saules. 

Le  type  de  l'espèce  habite  la  Scandinavie,  la  Russie  et 
le  nord  de  l'Asie  et  de  l'Amérique.  Son  plumage  dans  ces 
contrées  devient  tout  6/anc  en  hiver. 

Mais  dans  les  Iles  britanniques,  le  Lagopède  blanc  est 
remplacé  par  une  race  distincte  qui  ne  prend  pas  la  livrée 
blanche  d'hiver  (i). 


(1)  L'influence  du  climat  se  fait  sentir  d'une  façon  analogue  sur 
plusieurs  autres  animaux  :  citons,  par  exemple,  le  Lièvre  blanc  de 
Scandinavie  et  des  Alpes  d'Europe  [Lcpus  variabilis  Pallas),  qui  ne 
devient  pas  blanc  m  hiver  en  Irlande,  où  on  l'a  décrit  comme  espèce 
distincte  sous  le  nom  de  Lcpus  hibernicus  Yarrel,  et  notre  petite 
Belette  {Musiela  vulgaris  ErxI.)  qui,  en  Laponie,  pendant  l'hiver, 
prend  un  pelage  aussi  blanc  que  celui  de  notre  Hermine.  C'est  alors 
Musiela  nivalis,  Linné. 


(  74) 

Les  Anglais  nomment  Red  Grouse  ce  gibier  célèbre  par 
les  grandes  chasses  auxquelles  il  donne  lieu,  en  Ecosse 
surtout. 

Pendant  une  excursion  que  je  fis  dans  les  Highlands 
d'Ecosse,  il  y  a  près  de  cinquante  ans  (1845),  je  fus  frappé 
de  la  grande  ressemblance  de  celte  contrée  avec  nos  Haules- 
Fagnes,  et  je  conseillai  à  des  sportmens  de  Spa  de  cher- 
cher à  acclimater  les  Grouses;  mais  personne  ne  tenta 
l'expérience. 

Cependant,  vingt  ans  après,  un  de  mes  compatriotes 
liégeois,  M.  Edmond  Nagelmackers-Orban,  eut  la  même 
idée  et  essaya  de  la  réaliser  dès  1866.  Après  sa  mort,  je 
priai  un  de  ses  proches  parents,  M.  Ernest  Nagelmackers, 
sénateur,  de  rassembler  des  renseignements  sur  celte 
tentative  d'acclimatation,  pensant  qu'il  y  avail  intérêt 
et  grande  utilité  à  en  faire  connaître  la  marche  et  les 
suites. 

il  a  bien  voulu  satisfaire  à  ma  requête  en  me  transmet- 
tant une  note  détaillée,  trouvée  dans  les  papiers  de  feu 
M.  Nagelmackers-Orban,  et  qui  répond  tout  à  fait  à  ce 
que  je  désirais  savoir. 

C'est  ce  document  que  je  suis  heureux  de  pouvoir 
transcrire  ici  en  entier;  il  est  intitulé: 

«  Acdimalalion  des  Grouses  dans  les  bruyères  de  l'Ar- 
denne  belge. 

r>  Dès  1866,  M.  Edmond  Nagelmackers-Orban  a  essayé 
d'implanter  les  Grouses  dans  les  bruyères  des  environs  de 
Houffalize,  en  faisant  venir  d'Ecosse  des  œufs,  qu'il  fit 
couver  par  des  poules,  à  sa  propriété  de  la  Cédrogne, 
située  dans  les  communes  des  Tailles  et  de  Mont-le-Ban. 

»  Ce  premier  essai  ne  réussit  pas;  aucun  œuf  ne  vint  à 


(  75  ) 
éclosion.  Il  le  recommença  l'année  suivante,  en  apportant 
à  l'achat  et  an  transport  des  œnl's  le  pins  de  soin  et  de 
rapidité  possibles.  Celte  fois,  il  fit  couver  une  moitié  des 
œuls  encore  à  la  Cédrogne  et  l'autre  moitié  à  Liège,  chez 
son  IVére,  M.  Jules  Nagelmackers-de  Brouckere,  par  de 
petites  poules  faisanes;  mais  ce  second  essai  ne  fut  pas 
plus  heureux  que  le  premier. 

»  Ayant  eu  l'occasion, durant  l'étéde  1869, de  se  trouver 
indirectement  en  relations  avec  le  duc  de  Hamilton,  qui 
possède  aux  embouchures  de  la  Clyde  de  grandes  pro- 
priétés et  l'une  des  plus  belles  chasses  de  Grouses  de 
l'Ecosse,  le  duc  eut  la  gracieuseté  de  faire  offrir  à 
M.  Nagelmackers  de  lui  envoyer  au  printemps  quelques 
couples  de  ce  précieux  gibier,  ce  que  naturellement 
M   Nagelmackers  accepta  avec  empressement. 

»  Et,  en  effet,  il  reçut  au  mois  d'avril  suivant  un  télé- 
gramme lui  annonçant  que  non  seulement  les  Grouses 
allaient  partir,  mais  que  le  chef-garde  du  duc  (M.  Halidayj 
les  apporterait  lui-même  à  Liège,  alin  qu'elles  arrivas- 
sent en  bon  état. 

»  Peu  de  jours  après,  descendait  du  train  express 
M.  Haliday  dans  son  pittoresque  costume  de  garde  écos- 
sais, apportant  dans  deux  paniers,  divisés  chacun  en  six 
cases  paiiaitemenl  disposées,  douze  couples  de  superbes 
Grouses. 

»  Onze  couples  étaient  en  parlait  étal;  du  douzième,  le 
mâle  était  mort,  et  sa  femelle,  foit  malade,  périt  le  lende- 
main avant  d'arriver  à  la  Cédrogne. 

»  Après  avoir  passé  la  nuit  à  Liège  et  avoir  soigné  ses 
Oiseaux  qu'il  nourrissait  principalement  avec  de  la  salade 
fraîche,  M.  Haliday  les  accompagna  et  les  lâcha  lui-même 


(  76  ) 
avec  M.  Nagelmackers,  dans  les  bois  et  bruyères  de  la 
Céd  rogne. 

»  Tous  prirent  leur  vol  avec  vigueur  et  se  répandirent 
à  peu  de  distance. 

»  C'était  une  magnifique  réussite  d'un  royal  cadeau,  car 
ces  douze  couples  étaient  un  don  du  duc  de  Harnilton,  qui, 
grand  amateur  de  sports  de  tous  genres,  mettait  la  plus 
généreuse  et  la  plus  exquise  amabilité  à  aider  à  l'acclima- 
tation sur  le  continent  de  ce  gibier  si  cher  aux  Écos- 
sais. 

»  M.  Haliday  fut  frappé  des  conditions  excellentes  que 
présentent  nos  bois  et  nos  bruyères  des  Tailles,  de  Monl- 
le-Ban,  de  Bihain  et  des  hauts  plateaux  ardennais  pour 
l'acclimatation  des  Grouses;  il  assure  qu'elles  peuvent  y 
vivre  et  y  multiplier  aussi  bien  qu'en  Ecosse,  mais  à  con- 
dition de  les  y  préserver  des  Renards,  des  Fouines,  des 
Belettes,  des  Éperviers  et...  des  braconniers,  ce  qui,  mal- 
heureusement, est  chose  difficile  dans  notre  pays. 

»  Aussi,  et  quoiqu'il  y  ait  eu  chaque  année,  —  depuis 
1871,  —  de  fort  belles  couvées,  ayant  jusqu'à  huit  et  dix 
jeunes  Grouses,  le  nombre  n'en  a-l-il  guère  augmenté. 
Bêtes  et  gens  leur  font  une  chasse  trop  rude. 

j>  Mais  cet  essai  prouve  évidemment  que  le  problème 
de  l'acclimatation  des  Grouses  est  résolu,  et  que  si  les  pro- 
priétaires de  chasses  étendues  en  Ardenne  s'entendaient 
entre  eux  et  apportaient  les  soins  nécessaires  à  la  répres- 
sion du  braconnage  et  à  la  destruction  des  animaux  nui- 
sibles, les  Grouses  se  multiplieraient  beaucoup  plus  que  les 
Perdreaux  sur  nos  hauts  plateaux, car  elles  y  trouveraient 
en  abondance  leur  nourriture  favorite,  la  myrtille  rouge 
(airelle),  et  résisteraient  mieux  à  la  neige  et  au  froid. 


(  77  ) 

»  Note  supplémentaire  :  Hélas!  en  1891,  plus  une 
Grouse  ne  reste.  On  prétend  cependant  qu'on  en  a  encore 
tiré,  mais  nous  n'en  avons  pas  de  preuves.  » 

Tous  ceux  qui  s'occupent  d'économie  rurale  se  joindront 
à  moi  pour  honorer  la  mémoire  de  M.  Nagelmackers-Orban 
qui,  en  fait,  a  résolu  par  sa  persistance  le  problème  de 
l'acclimatation  des  Grouses  en  Ardenne,  puisqu'il  a  prouvé 
qu'elles  peuvent  parfaitement  y  vivre  et  s'y  multiplier;  car 
en  admettant  que  ces  Oiseaux  aient  réellement  disparu, 
après  s'y  être  reproduits  pendant  vingt  ans,  il  est  constant 
que  cela  ne  tient  ni  au  climat,  ni  au  manque  de  nourri- 
ture appropriée,  mais  bien  aux  mordants  que  l'on  ne  pour- 
chasse pas  suffisamment,  et  plus  encore,  ajouterai-je  avec 
tristesse,  au  braconnage  et  à  l'imprévoyance  de  certains 
chasseurs  qui  ont  tué,  on  peut  le  dire,  la  poule  aux  œufs 
d'or,  n'ayant  pas  eu  le  courage  de  ménager  pendant  quel- 
ques années  un  gibier  précieux,  dont  ils  eussent  été  les 
premiers  à  bénéficier  bientôt,  s'ils  l'avaient  respecté  aux 
débuts  de  son  acclimatation. 

Singulière  coïncidence  :  Vers  la  même  époque  (1870), 
M.  le  baron  Oscar  Dickson  introduisait  des  Grouses  dans  le 
district  de  Gôteborg  (Suède  méridionale)  et  elles  s'y  sont 
parfaitement  acclimatées. 

Il  ne  faut  donc  pas  se  rebuter  chez  nous.  C'est  à  recom- 
mencer; mais  la  grande  difficulté,  c'est  d'obtenir  en  Ecosse 
un  concours  aussi  efficace  et  aussi  digne  d'éloges  que  celui 
que  M.  Nagelmackers  a  rencontré  en  l'honorable  duc 
de  Hamilton,  pour  cette  louable  tentative  d'acclimatation 
en  Ardenne. 


(  78) 

II. 

Le  Grand  Coq   de   bois. 

Tetrao  urogallus  L. 

Appelé  aussi  :  Grand  Tétras  ou  Auerhan. 

En  1828,  le  D'  Richard  Courtois  (1),  éuumérant  les 
Oiseaux  sauvages  de  la  province  de  F.iége,  y  comprend 
(n°  125)  «  le  Telrao  urogallus,  le  Grand  Coq  de  bruyère, 
en  wallon  Coq  di  brouwi  :  rare,  au  pied  des  Fanges  vers 
Jalhay,  etc.  » 

Il  y  a  là  une  erreur  en  ce  qui  concerne  le  nom  wallon, 
qui  aurait  dû  être  cité  de  préférence  pour  le  n"  124,  Tetrao 
tetrix,  le  Coq  de  bruyère  à  queue  fourchue,  qui  habite 
régulièrement  ces  contrées. 

En  1 851 ,  dans  mon  Catalogue  des  oiseaux  des  environs  de 
Liège  (2),  je  citais  aussi  {'urogallus  en  disant  :  a  très  rare, 
se  trouve  quelquefois  dans  certaines  bruyères  des  environs 
de  Spa,  notamment  à  Jalhay  ».  Mais  ce  n'était  pas  le 
résultat  d'une  constatation  authentique;  je  parlais  d'après 
des  chasseurs  et  le  témoignage  de  Courtois. 

En  1842  (onze  ans  après),  publiant  la  Faune  belge,  cata- 
logue raisonné  de  nos  Vertébrés,  je  n'en  savais  pas  davan- 
tage et  j'en  étais  réduit  à  dire,  d'après  différents  chas- 
seurs, que  Yurogailus  vit  en  petit  nombre  dans  la  forêt  de 
Hertogenwald  et  dans  celle  de  Samrée,  et  qu'il  paraît  qu'il 
y  est  sédentaire, 

(1)  Recherches  statistiques  sur  la  province  de  Liège,  tome  II, 
p.  125. 

(2)  Inséré  dans  le  Dictionnaire  géographique  de  la  province  de 
Liège  de  Pliilippe  Vander  Maelen.  Bruxelles,  1851. 


(79) 

En  1875  parut,  dans  l'ouvrage  Patria  belgica  (1),  l'ar- 
licle  sur  les  Oiseaux  indigènes,  dont  j'avais  été  chargé  par 
M.  Van  Benimel,  directeur  de  celte  publication.  Après 
avoir  signalé  la  localisation  du  Tetrao  tetrix  (Petit  Coq  de 
bruyère)  dans  les  bruyères  et  les  Fagnes  de  la  Haule- 
Ardenne,  le  long  de  la  frontière  allemande,  j'ajoutais  : 
«  Quant  au  Grand  Coq  de  bois  {Tetrao  urogallus),  dont  la 
taille  égale  presque  celle  d'un  Dindon, on  dit  qu'il  habitait 
autrefois  la  forêt  d'Hertogenvvald;  mais  nous  en  doutons 
un  peu,  attendu  qu'il  ne  s'écarte  guère  des  bois  de  sapins 
dont  l'introduction  est  relativement  récente  en  Belgique, 
il  se  trouve  cependant  dans  l'Eifel,  à  une  dizaine  de  lieues 
de  notre  frontière,  et  l'on  assure  que  des  individus  isolés 
ont  été  observés  de  temps  en  temps  entre  Jalhay  et 
Eupen.  » 

Avant  1873, il  y  a  à  signaler  encore  le  grand  ouvrage 
iconographique  de  M.  Ch.-F.  Dubois  père,  intitulé  :  Planches 
coloriées  des  Oiseaux  de  la  Belgique  et  de  leurs  œufs^  dans 
lequel  VUrogallus  esl  bien  figuré  (pi.  151  et  151"). 

En  ce  qui  concerne  l'habitat,  le  texte  se  borne  à  dire  : 
«  On  l'a  vu  aussi  dans  la  forêt  de  Herlogenvvald  et  même 
jusque  dans  les  environs  de  Jalhay,  dans  la  province  de 
Liège.  » 

En  1876,  M.  Alph.  Dubois  fils,  conservateur  du  Musée 
d'histoire  naturelle  de  l'État,  commença  par  la  série  des 
Oiseaux  la  publication  de  sa  Faune  illustrée  des  Vertébrés 
de  la  Belgique.  Cette  partie  a  été  terminée  récemment 
(1892).  Elle  comprend  également  la  figure  de  V Urogallus 


(1)   Patria   belgica.   Bruxelles    (Bruylanl- Christophe,    éditeur), 
I>p.  255  à  279  de  la  première  partie,  Belgique  physique. 


(  80  ; 
{pi.  172  et  172").  Dans  le  lexie,  l'auteur  (l.  II,  p.  37),  en 
ce  qui  regarde  la  présence  de  l'espèce  en  Belgique,  dit  : 
«  Cet  Oiseau  a  complètement  disparu  de  la  Belgique.  Il 
vivait  encore,  il  y  a  une  quarantaine  d'années,  dans  la 
partie  de  la  Belgique  voisine  de  la  frontière  prussienne, 
mais  l'espèce  semble  complètement  éteinte  dans  notre 
pays.  De  loin  en  loin,  paraît-il,  on  en  prend  encore  un 
individu  venant  de  la  frontière  allemande.  »  Puis  il  cite 
ce  que  j'en  ai  dit  dans  la  Faune  belge  en  1842.  M.  Dubois 
remarque  «  combien  il  serait  désirable  que  les  chasseurs 
de  la  Belgique  s'entendissent  pour  réintroduire  ce  bel 
Oiseau  dans  les  forêts  de  l'Ardenne,  où  il  se  multiplierait 
facilement  si  on  le  ménageait  pendant  quelques  années.  » 
Les  motifs  qui  m'ont  porté  à  enregistrer  le  Grand  Coq 
de  bois  parmi  nos  Oiseaux  sont  l'indication  donnée  par 
Courtois,  les  renseignements  que  m'a  fournis  anciennement 
M  Dechesnes,  conservateur  des  forêts  à  Liège,  et  ceux  de 
plusieurs  grands  propriétaires  vervictois;  mais  il  faut  faire 
cette  réserve  qu'aucun  d'eux  n'avait  constaté  lui-même 
l'existence  de  YVrogallus.  J'en  suis  arrivé  à  penser  que  si 
l'Oiseau  a  habile  autrefois  l'Hertogenwald,  ce  que  nous 
ignorons(l),  il  est  certain  qu'il  n'y  existe  plus,  mais  qu'il  y 
a  lieu  de  croire  qu'il  s'y  égare  très  accidenlellement  de 
loin  en  loin,  provenant  probablement  de  l'Eifel. 

(t)  Feu  M.  [..ouis-François  Thomassin,  fonctionnaire  supérieur  de 
la  préfecture  du  département  de  l'Ourthe,  a  laissé  un  Mémoire  sta- 
tistique du  déparlement  de  l'Ourthe,  travail  général  très  étendu,  com- 
mencé en  1806,  et  dont  le  conseil  provincial  a  ordonné  la  publica- 
tion en  1879,  d'après  le  manuscrit.  Thomassin,  qui  donne,  pages  176 
et  179,  une  liste  des  Oiseaux,  et  notamment  de  ceux  que  l'on  consi- 
dère comme  gibier,  y  fait  figurer  le  Coq  de  bruyère  et  la  Gelinotte, 
mais  non  le  Grand  Coq  de  bois. 


(81  ) 

J'ai  cru  nécessaire,  comme  on  vient  de  le  voir,  de  signa- 
ler le  peu  qui  a  été  publié  depuis  soixante-dix  ans  sur  la 
question  de  VUrogalliis  en  Belgique. 

Il  devait  être  commun  chez  nous  et  en  France  dans  les 
temps  préhistoriques,  car  on  en  trouve  assez  fréquemment 
les  restes  parmi  les  ossements  des  cavernes  de  l'âge  du 
Renne,  notamment  dans  celles  des  bords  de  la  Lesse, 
touillées  par  notre  honorable  confrère, M.  Edouard  Dupont. 
Ces  restes,  débris  de  cuisine,  sont  mélangés  avec  ceux  des 
autres  Tétras:  T.  tetrix,  T.  bonasia  et  T.  albus.  Quant  à 
ce  dernier,  il  ne  serait  pas  possible  de  dire  si  c'était  le 
Lagopède  blanc  des  saules,  refoulé  aujourd'hui  vers  le 
nord,  ou  bien  sa  race  Scoticus  (Grouse),  puisque  les  deux 
formes  ne  diffèrent  que  par  la  couleur  du  plumage  d'hiver. 

Je  pense  qu'une  importation  du  Grand  Coq  de  bois  réus- 
sirait dans  nos  Ardennes,  comme  a  réussi,  en  principe, 
celle  de  la  Grouse,  essayée  par  i\I.  Nagelmackers.  Ce  qui 
a  été  réalisé  en  Ecosse  avec  un  plein  succès  est  bien  fait 
pour  encourager  à  faire  une  tentative  semblable. 

Je  présente,  à  l'appui  de  cette  opinion,  le  résumé  de  ce 
que  je  trouve  relaté  dans  le  grand  ouvrage  de  Yarrell, 
History  of  BrilisfiBirds,  quatrième  édition,  dont  le  troi- 
sième volume  a  été  revu  par  M.  Howard  Saunders  (1882- 
1884).  Des  renseignements  analogues  sur  le  Grand  Coq 
sont  fournis  dans  le  Diclionary  ofBirds,  par  le  professeur 
Alfred  Newton,  dont  la  première  partie  vient  de  paraître 
(1893),  à  l'article  Capercally,  nom  original  du  grand  Uro- 
galius  en  Ecosse,  où  il  était  commun.  Devenu  très  rare  en 
1651,  on  croit  que  c'est  vers  1769  qu'il  disparut  complè- 
tement par  suite  de  la  destruction  des  forêts  de  pins,  faite 
dans  le  but  d'arriver  à  l'extermination  des  Loups. 

3""    SÉRIE,    TOME    XXVI.  6 


(  82) 

En  Irlande,  il  y  avait  encore  quelques  Urogallus  dans 
le  comté  de  Tipperary,  vers  1760,  selon  Pennant. 

La  destruction  des  Loups  en  Ecosse,  par  tous  les  moyens 
possibles,  a  eu  en  grande  partie  pour  objectif,  j'en  suis 
persuadé,  la  protection  des  troupeaux  de  moulons  qui, 
cette  exécution  accomplie,  s'y  sont  développés  de  plus  en 
plus  en  toute  sécurité;  mais  les  moutons,  à  leur  tour,  par 
un  pâturage  abusif,  ont  détruit  toute  végétation  arbores- 
cente et  transformé  en  même  temps  en  landes  incultes  les 
flancs  des  montagnes.  En  Ardenne,  le  pâturage  banal  a  été 
également  et  est  encore  aujourd'hui  le  plus  grand  obstacle 
au  succès  du  reboisement. 

En  Angleterre,  le  Coq  de  bois  était  commun  dans  la 
période  préhistorique  et  mentionné  encore  dans  le  moyen 
âge,  vers  l'an  1500. 

La  réacclimatation  en  Ecosse  fut  tentée  plusieurs  fois 
par  lord  Fife,  dès  1827  et  1829,  mais  sans  succès. 

Enfin,  en  1838,  lord  Breadalbane  réussit  à  réintroduire 
les  Capercaillie  en  important  des  couples  provenant  de 
Norwège;  et  aujourd'hui  l'espèce  est  parfaitement  réin- 
stallée et  s'est  largement  répandue  dans  les  cantons  où  elle 
trouve  une  situation  et  une  nourriture  appropriées  à  ses 
mœurs. 

Je  suis  persuadé  que  si  l'on  prenait  les  mesures  de  pro- 
tection nécessaires,  nous  obtiendrions  le  même  succès 
dans  les  forêts  de  l'Ardenne,  maintenant  que  les  bois  de 
Conifères  s'y  étendent. 

Le  Grand  Coq  préfère  comme  nourriture  les  bourgeons 
du  Pin  sylvestre  à  ceux  du  Sapin  epicea,  dont  il  se  con- 
tente cependant  au  besoin.  Il  mange  également  les  faînes 
du  Hêtre  et  les  chatons  des  Bouleaux  et  autres  graines 
analogues. 

Pendant  la  belle  saison,  ses  préférences  sont  pour  les 


(83) 

fruits  des  Airelles,  surtout  ceux  de  la  Myrtille  rouge  {Vac- 
cinium  vitis-idea),  $,'\  comvawwe  dans  la  Haute-Ardenne. 

En  Suède,  on  conserve  souvent  le  Coq  de  bois  en  cap- 
tivité. 

Il  habite  une  grande  partie  de  l'Europe  septentrionale 
et  moyenne. 

Dans  les  contrées  où  existe  en  même  temps  notre  Coq 
de  bruyère  à  queue  fourchue  {fetrao  tetrix),  ces  deux 
espèces  produisent  assez  souvent  des  hybrides  qui,  dit-on, 
sont  parfois  féconds  entre  eux  ou  même  avec  les  deux 
espèces  dont  ils  proviennent.  Ces  hybrides,  nommés 
Rakelhan,  ont  été  d'abord  considérés  comme  espèce  dis- 
tincte sous  le  nom  de  Tetrao  médius,  Meyer. 

Le  Coq  de  bruyère  à  queue  fourchue  habitant  réguliè- 
rement nos  Ardennes,  la  possibilité  d'hybridation  est  une 
circonstance  qui  favoriserait  la  réussite  de  l'acclimatation 
que  je  préconise. 


Sur  le  «  pain  du  ciel  »  provenant  du  Diarbékir  ; 
par  L.  Errera,  professeur  à  l'Université  de  Bruxelles, 
correspondant  de  la  Classe  des  sciences. 

Dans  sa  dernière  séance,  l'Académie  a  reçu  de  M.  le 
Ministre  de  l'intérieur  et  de  l'Instruction  publique,  des 
échantillons  d'une  substance,  ainsi  que  la  dépêche  sui- 
vante : 

Bruxelles,  le  26  mai  t893. 

Monsieur  le  Secrétaire  perpétuel, 

Mon  Déparlement  a  reçu,  par  l'intermédiaire  du  consul  de  Bel- 
gique à  Alcp,  réchantillon  ci-joint  d'une  substance  alimentaire  que 
les  Kurdes  de  la  Mésopotamie  désignent  sous  le  nom  de  «  pain  du 
ciel  ». 


(84) 

Dans  les  premiers  jours  du  mois  de  mai  1890,  une  violente 
tempête  s'est  déchaînée  sur  le  vilayet  de  Diarbékir,  ravageant,  sur 
certains  points,  les  champs,  déracinant  les  arbres  et  portant  sur  son 
passage  la  désolation,  sauf  pourtant  dans  la  région  du  Djcbel-el- 
OoflFet,  dans  la  plaine  qui  l'entoure,  où  il  tomba  une  grêle  abondante 
qui,  en  se  fondant,  laissa  à  découvert  une  couche  épaisse  de  la 
substance  dont  il  s'agit. 

II  résulte  d'informations  prises  à  Diarbékir  et  à  Mardin,  que  cette 
matière  n'existe  ni  dans  le  vilayet  en  question,  ni  dans  son  voisi- 
nage, et  qu'un  tourbillon  doit  l'avoir  charriée  d'une  région  lointaine. 

D'aucuns  prétendent  que  c'est  plutôt  une  matière  végétale,  que  les 
pluies  torrentielles  ont  mise  à  découvert. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  matière  en  question,  pétrie  avec  un  tiers  de 
son  poids  de  farine,  fut  trouvée  mangeable,  et  elle  entre  aujourd'hui 
pour  une  part  notable  dans  l'alimentation  des  habitants  de  cette 
province. 

Bien  que  les  phénomènes  du  genre  de  celui  relaté  par  notre  agent 
consulaire  ne  soient  pas  d'une  extrême  rareté,  notamment  dans  les 
contrées  s'étendant  au  sud-est  de  l'Asie-Mineure,  il  m'a  paru  utile 
de  le  signaler  à  l'attention  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 

Agréez,  etc. 

Le  Ministre 

(Signé)  J.   DE   BURLET. 

Comme  il  est  facile  de  s'en  assurer  par  l'examen  micro- 
scopique, celle  substance  n'est  autre  que  le  Lichen  connu 
sous  le  nom  de  Lecanora  esculenta  Eversm.  (1).  Trouvé 
d'abord  par  Pallas  dans  les  montagnes  arides,  calcaires  et 
gypseuses  du  désert  de  Tarlarie,  rencontré  en  abondance 
par  Ledebour  et  par  Eversmann  dans  les  steppes  des 
Kirghizes,  près  de  la  partie  méridionale  du  fleuve  Jaïk,  au 
pied  des  collines  gypseuses  qui  entourent  les  lacs  salés,  ce 


(1)  Eversmann,  Nova  Acta  Ac.  Nat.  Cur'ws.,  XV,  I!,  1851,  p.  356. 


(85) 
Lichen  a  éié  rapporté  également  par  le  voyageur  Parrol, 
(Je  la  Perse,  où  il  passe  pour  être  tombé  du  ciel.  Au  total, 
il  est  commun  dans  l'Asie  moyenne  (1),  et  s'observe  aussi 
en  Palestine  et  en  Algérie  (2).  Dans  certaines  parties  de 
l'Asie,  le  Lecanora  esculenta  couvre  le  sol  en  si  grande 
abondance  qu'il  y  forme,  d'après  Parrol,  une  couche  de  15 
à  20  centimètres  d'épaisseur. 

Les  spécimens  du  Diarbékir,  envoyés  par  notre  consul  à 
Alep,  concordent  avec  la  description  et  la  figure  qu'Evers- 
mann  a  données.  Ils  constituent  des  masses  irrégulières, 
cérébril'ormes,  dures,  de  2  à  12  millimètres  de  diamètre,  à 
surface  brun  clair,  parfois  un  peu  grisâtre,  et  marquée  d'un 
assez  grand  nombre  de  petites  dépressions  puncliformes. 
Sur  une  cassure  fraîche,  tout  le  tissu  interne  apparaît  blanc 
de  craie. 

La  plupart  des  exemplaires  présentent,  sur  l'une  de 
leurs  faces,  une  cassure,  tantôt  récente,  tantôt  cicatrisée. 
Il  faut  en  conclure,  sans  doute,  que  le  Lichen  est  fixé  au 
début  de  son  développement,  mais  qu'il  peut  continuer  à 
vivre  et  à  croître  après  avoir  été  arraché  par  la  tempête. 

On  reconnaît  au  microscope  une  structure  caractérisée 
de  Lichen  hétéromère  :  tissu  fongique  avec  nids  de  cellules 
d'Algues  (3). 

Comme  d'habitude,  on  peut  distinguer,  de  dehors  en 
dedans  à  partir  de  la  surface,  une  couche  corticale  et  une 
couche  médullaire.  Dans  la  couche  médullaire,  les  hyphes 


(I)  Ledebour,  in  Fr.  Goebel,  toc.  cit.  infra. 

{"2)  Hue,  Lichen,  exotic,  Nouv.  Arch.  du  Muséum,  3' série,  t.  III, 
1891,  p.  74. 

(5)  Cf.  la  figure  de  I>ink,  Bot.  Zdt.,  1849,  n»  41  (sous  le  nom  de 
Chlorangium  Jussnfii). 


(86  ) 
sont  ramifiées,  lâchement  enchevêtrées,  souvent  sinueuses, 
à  paroi  fort  épaissie,  à  lumière  très  réduite.  Elles  empri- 
sonnent entre  elles  une  certaine  quantité  d'air;  mais  leur 
aspect  blanc  crayeux  est  dû  surtout  à  de  petits  cristaux 
irréguliers,  dont  elles  sont  absolument  recouvertes.  Les 
réactions  microchimiques  ne  laissent  pas  de  doute  sur  la 
nature  de  ces  cristaux  :  c'est  de  l'oxalate  de  calcium. 
D'après  le  dosage  que  vient  de  faire  M.  Clautriau,  assistant 
à  l'Institut  botanique,  et  que  l'on  trouvera  plus  loin, 
l'oxalate  représente  près  de  58  "/o  de  la  substance  sèche 
de  notre  Lichen.  Gôbel,  de  Dorpat,  en  indiquait  même  près 
de  66  "/o  dans  les  exemplaires  de  Perse  qu'il  a  analysés. 

Vers  la  périphérie,  immédiatement  en  dessous  de  la 
surface  brune,  les  extrémités  jeunes  des  hyphes  consti- 
tuent un  liséré  étroit  (couche  corticale),  plus  transparent 
plus  dense,  privé  d'air,  hyalin  dans  les  préparations  micro 
scopiques,  ne  présentant  presque  pas  d'oxalale.  C^  liséré 
est  plus  marqué  lorsque  le  Lichen  se  dispose  à  fructifler 
quelques-uns  de  nos  échantillons  portent,  en  effet,  de 
jeunes  apothécies. 

Quant  aux  spermogonies,  elles  existent  en  grand  nombre 
sur  presque  tous  les  exemplaires  :  leur  orifice  correspond 
toujours  à  l'une  des  dépressions  puncliformes  dont  il  a  été 
question  tout  à  l'heure.  Chaque  spermogonie  contient  une 
énorme  quantité  de  spermaties  aciculaires,  comme  Nylan- 
der  {1}  l'a  déjà  recormu,  et  contrairement  à  des  obser- 
vations plus  anciennes.  I>es  spermaties  mesurent  de 
14  à  18  p.  de  long  sur  1  p.,  à  peine,  de  large. 

L'Algue  qui  concourt  à  la  formation  de  ce  Lichen  est 


(l)  iNvLA.NDEH,  Flora,  1838,  p.  500. 


(87  ) 

une  espèce  1res  commune  :  le  Prolococcus  viridis  Ag.  (1). 
A  la  hase  de  la  couche  corticale  et  immédiatement  an- 
dessous  d'elle,  elle  constitue  de  nomhreux  amas  verts,  hien 
délimités,  enveloppés  par  les  fdaments  fongiques. 

En  appuyant  avec  force  sur  la  lamelle  de  la  préparation,  une 
grande  partie  de  Toxalate  de  calcium  se  détache  des  hyphes  :  il  leur 
est  certainement  extérieur.  Les  cristaux  d'oxalate  sont  biréfringents, 
insolubles  dans  l'eau,  la  potasse,  l'acide  acétique,  solubles  dans 
l'acide  clilorhydrique.  L'acide  sulfurique  les  transforme  en  une  masse 
considérable  d'aiguilles  de  gypse. 

Après  dissolution  de  la  gangue  d'oxalate,  les  hyphes  persistent, 
mais  en  perdant  de  leur  réfringence. 

Le  tissu  fongique  du  Lichen  ne  se  colore  qu'en  jaune  pâle,  par 
l'iodure  de  potassium  iodé,  sauf  les  apothécies  qui  deviennent  bleu 
intense  (réaction  de  l'isolichénine)",  et  les  spermogonies  qui  prennent 
une  nuance  brun  orangé,  due  probablement  à  des  traces  de  glyco- 
gène.  Je  n'ai  pu  constater  de  réaction  nette  de  glycogène  dans  le 
contenu  des  jeunes  asques. 

L'iodure  de  potassium  iodé  fait  ajiparaître  au  centre  des  cellules 
de  l'Algue  un  noyau  bien  délimité,  et  donne  à  tout  leur  contenu  une 
nuance  jaune  brun,  un  peu  dorée.  Dans  leur  masse  chlorophyllienne 
périphérique,  de  tout  petits  granules  paraissent  se  colorer  en  noir: 
c'est  sans  doute  une  minime  quantité  d'amidon. 

Par  le  chlorure  de  zinc  iodé,  les  membranes  des  hyphes  prennent 
à  peine  une  teinte  jaunâtre,  même  après  avoir  été  débarrassées  de 
leur  oxalate  au  moyen  de  l'acide  clilorhydrique  concentré,  tandis  que 
celles  des  cellules  de  l'Algue  deviennent  d'un  bleu  violet  foncé.  Grâce 
à  celte  réaction,  on  remarque  dans  la  couche  médullaire,  en  dessous 
des  nids  d'Algues,  les  restes  plus  ou  moins  ratatinés  de  membranes 
qui  leur  sont  en  tout  semblables  :  ces  restes  proviennent  évidem- 


(i)   DoRKET,  Rcch.  sur  les  (jonidies  des  Lichens,  Ami.  Se.  nat.,  Bol., 
5""sér.,  t.  XVil,  1875,  p.  69. 


(  88) 

ment  d'individus  morts  et  en  voie  de  désorganisation,  abandonnés 
en  chemin  par  les  colonies  de  Protococcus,  à  mesure  que  le  bord  du 
Lichen  s'accroissait  et  offrait  seul  aux  Algues  qui  s'y  multiplient  des 
conditions  convenables  d'éclairage. 

A  en  juger  d'après  leur  aspect  désorganisé  et  corrodé,  les  cellules 
d'Algues  qui  meurent  dans  les  régions  profondes,  faute  de  lumière, 
sont  digérées  ensuite  par  les  hyphes  environnantes  :  au  mutualisme 
ordinaire  du  Lichen  s'ajouterait  ici  une  sorte  de  saprophytisme  des 
hyphes  tirant  parti  des  Algues  mortes.  Il  semble  qu'un  phénomène 
analogue  doive  exister  assez  généralement  chez  les  Lichens  hétéro- 
mères  à  thalle  épais  et  opaque.  Suivant  mon  attente,  je  l'ai  retrouvé, 
en  effet  —  quoique  moins  accusé,  —  chez  le  Psoroma  lentigerum, 
dont  le  thalle,  comme  celui  du  Lecanora  esculenta,  est  rendu  opaque 
par  des  quantités  formidables  d'oxalate  de  chaux. 

La  mortalité  des  Algues  de  la  profondeur,  telle  qu'elle  s'observe 
chez  notre  Lecanora,  est,  on  le  voit,  toute  dififérente  de  la  destruc- 
tion des  portions  externes  de  l'écorce  et  des  Algues  qu'elles  renfer- 
ment, décrite  jadis  par  Schwendener  pour  beaucoup  de  Lichens 
foliacés  et  crustacés  (1). 

Si  une  certaine  dose  de  saprophytisme  se  manifeste  chez  le 
Lecanora  esculenta  et  le  Psoroma  lentigerum,  rappelons  que  chez 
quelques  autres  Lichens  {Arnoldia  minutula,  Physma  chalazanum) 
le  mutualisme  se  complique,  au  contraire,  d'après  Bornet  (2),  de 
parasitisme  proprement  dit,  les  hyphes  pénétrant  dans  certaines 
cellules  vivantes  de  l'Algue,  et  amenant  leur  hypertrophie,  puis  leur 
mort. 

L'abondance  extrême  d'oxalate  de  chaux  dans  le  Leca- 
nora esculenta  permet  d'alfirmer  que  ce  Lichen  se  déve- 
loppe en  des  endroits  où  existent  des  roches  calcareuses. 
On  a  pu  voir,  en  effet,  que  Pallas  aussi  bien  qu'Eversmann 


(1)  ScH\vKNDE^ER,  Ucb.  Bau  und  Wachslhum  des  Fleclitcnlhallus 
[Naturforsch   Ges.  Zurich,  27  Fcbr,  1860),  p.  14. 

(2)  Bornet,  lue.  cit.,  p.  90. 


(  89  ) 
parlent  des  terrains  gypseux  auprès  desquels  on  le  trouve. 
Dans  les  parties  du  désert  de  Syrie  et  de  Mésopotamie 
qu'il  a  visitées,  M.  Diener,  de  Vienne,  a  également  vu  la 
surface  du  sol  consister  en  gros  débris  de  calcaire  com- 
pact (1). 

Le  Lecanora  esculenla  peut  être  broyé  sous  la  dent, 
mais  il  n'a  aucun  goût.  A  part  les  traces  d'amidon  qui 
existent  dans  les  cellules  de  l'Algue,  et  les  traces  douteuses 
de  glycogène  des  spermogonies,  il  est  formé  surtout  de 
membranes  cellulaires  épaisses,  ainsi  que  d'oxalate  de 
calcium. 

L'analyse  de  2  grammes  environ  de  notre  Lichen  du  Diarbékir  a 
conduit  M.  Clautriau  aux  nombres  suivants  : 

Le  Lichen  pulvérisé  et  séché  à  l'étuve  pendant  quatre  jours  à  HO» 
a  perdu  : 

Eau -4,88    o/o 

La  matière  sèche  renferme  : 

Substances  facilement  solubles  dans  l'eau  tiède  (sucres 

réduisant  Fchiing,  mucilages,  etc.) 15,997  «/o 

Lichénine  (insoluble  dans  l'eau  tiède) 8,00    »/» 

Cellulose  de  Champignons 2,50    "jo 

Substances  précipitées  par  l'iodure  double  de  Hg  et  de  K 
(mat.  albuminoïdes,  etc.,  pesées  à  l'état  de  combi- 
naison mercurique) 3,70    "/o 

Oxalatc  de  calcium 57,93    "/o 

Autres  sels   de  calcium  (phosphate,  carbonate,  etc., 

pesés  à  l'élat  d'oxalate) 3,23    »/, 

Cendres  insolubles  dans  HCl 2,84    »/. 


(1)  Communication  privée,  que  je  dois  à  l'obligeance  de  M.  Dollo, 
du  iMusée  d'histoire  naturelle  de  Bruxelles. 


(90) 

Fr.  Gôbel,  de  Dorpat,  avait  obtenu,  pour  des  spécimens  de  Perse, 
les  résultats  que  voici  (1)  : 

100  parties  de  Lecanora  eseulenta  (matière  sèche)  contiennent: 

1,73  Résine  molle,  jaune  verdâtre,  de  saveur  acre,  soluble  dans 
l'élher,  renfermant  de  la  chlorophylle. 

1,75  Résine  molle  sans  odeur  ni  saveur,  soluble  dans  Talcool. 

1,00  Substance  amère  soluble  dans  l'alcool  et  dans  l'eau. 

2,50  Inuline(2). 
23,00  Mucilage. 

3,25  Membranes  de  Lichen. 
65,91   Oxalate  de  chaux. 


99,16 


On  voit  que  la  valeur  nutritive  de  ce  Lichen,  pour 
l'homme,  doit  être  minime.  Malgré  cela,  il  est  employé  à 
l'alimentation  en  temps  de  disette  —  surtout  après  avoir 
été  mélangé,  il  est  vrai,  avec  une  certaine  quantité  de 
farine.  De  Candolle  (3)  rapporte,  du  reste,  que  lors  de  la 
disette  de  1816  à  1817,  on  faisait  dans  les  environs  de 
Genève  du  «  pain  de  Lichen  »,  mais  il  ne  précise  pas  l'es- 
pèce dont  on  se  servait. 

Le  Lecanora  esculenla,  ce  «  pain  du  ciel  »,  ne  peut 
manquer  de  faire  songer  à  la  légende  sacrée.  Il  a  été 
regardé,  en  effet,  comme  la  manne  des  Hébreux. 

On  sait  que  d'autres  substances  sont  également  dési- 
gnées sous  le  nom  de  manne,  notamment  des  exsudats 


(1)  Gôbel,  Chem.  Untersuchungen  einer  in  Persien  herabgeregneten 
Substanz,  der  Parmelta  eseulenta,  Schweigger's  Journal  fur  Chem. 
und  Physik,  1830,  III,  4,  p.  399. 

(2)  ??  (L.  E.) 

(3j  A.  DE  CANDotr-K,  Inirod.  ètiuh   liol.,  Bruxelles,  1837,  p.  354. 


{  91  ) 

sucrés  qui  proviennent  de  différents  arbres.  Celle  du  frêne 
est  d'un  usage  courant  en  pharmacie;  celle  qui  porte  le 
nom  de  manne  du  Sinaï  découle  du  Tamarix  mannifera, 
sous  l'influence  de  la  piqûre  d'un  insecte,  le  Coccus  manni- 
parus. 

Pour  autant  qu'il  soit  possible  de  fonder  une  détermi- 
nation botanique  sur  les  textes  peu  précis  de  la  Bible,  il 
semble  que  deux  sorles  de  manne,  le  Lichen  et  l'exsudat, 
soient  confondues  dans  l'Écriture.  Avec  O'Rorke  et  Plan- 
chon  (1),  je  pense  que  la  description  de  VExode  (ch.  XVI) 
convient  bien  à  l'exsudat  du  Tamarix,  tandis  que  le  passage 
des  Nombres  (ch.  XI)  se  rapporte  plutôt  à  notre  Lichen. 

Institut  botanique.  Université  de  Bruxelles, 
1"  juillet  i893. 


Sur  les  sphères  bitangentes  à  une  surface  du  second  degré  ; 
par  Cl.  Servais,  professeur  à  l'Université  de  Gand. 

Soit  S  un  point  d'un  plan  de  symétrie  d'une  surface  du 
second  degré,  s  sa  polaire  par  rapport  à  la  conique  focale 
située  dans  ce  plan;  «i  la  droite  conjugée  de  s  par  rapport 
à  la  quadrique.  Les  perpendiculaires  abaissées  des  points 
de  la  droite  Sf  sur  les  plans  polaires  respectifs,  passeront 
par  le  point  S;  ce  point  est  donc  le  centre  d'une  sphère 
réelle  ou  imaginaire,  ayant  avec  la  quadrique  un  double 


(1)   Voy.  iii  GuiBOURT  et  Planchon,  Hist.  nat.  des  drogues  simples, 
1869,  t.  II,  p.  580. 


(  92  ) 
conlaci  sur  la  droite  s^  (*).  Si  la  droite  sj  est  parallèle  à 
l'axe  par  lequel  passent  deux  sections  circulaires  réelles, 
la  sphère  (S)  et  la  surface  ont  en  commun  deux  systèmes 
polaires,  situés  dans  les  plans  menés  par  s^ ,  parallèlement 
aux  plans  des  sections  circulaires.  Dans  le  cas  contraire, 
les  plans  des  systèmes  polaires  communs  sont  imaginaires. 
On  distingue  donc  deux  classes  de  sphères  bilangentes  à 
une  surface  du  second  degré.  Les  propriétés  dont  nous 
allons  nous  occuper  généralisent  les  théorèmes  de  Mac 
Cullagh  et  de  Salmon,  concernant  les  deux  classes  de 
foyers  d'une  quadriqiie.  La  généralisation  du  théorème  de 
Mac  Cullagh  est  particulièrement  intéressante;  elle  con- 
duit aisément  au  mode  de  génération  des  surfaces  du 
second  degré  donné  par  Jacobi  (*'),  et  à  d'autres  modes 
similaires  où  l'on  peut  faire  intervenir,  comme  sommets 
du  premier  triangle  fondamental,  des  points  quelconques 
d'un  plan  de  symétrie,  non  perpendiculaire  aux  sections 
circulaires. 

i.  Généralisation  du  théorème  de  Mac  Cullagh.  Soit 
S  un  point  quelconque  d'un  pian  de  symétrie,  non  perpen- 
diculaire aux  plans  des  sections  circulaires  réelles,  s  la 
polaire  de  ce  point  par  rapport  à  la  conique  focale,  «i 
la  droite  conjuguée  de  s.  Le  plan  jx  d'une  section  circu- 


'  (*)  R  étant  un  point  de  s,,  son  plan  polaire  coupe  SR  en  un  point 
S,  qui  sera  le  conjugué  de  R  par  rapport  à  la  sphère  (S),  sur  le  dia- 
mètre SR;  le  carré  du  rayon  de  cette  sphère  sera 

/2  =  SR  .  SS,. 

(••)  Journal  de  Crelle,  t.  XII,  p.  139;  t.  LXXIII,  pp.  188  et  209. 


(93) 

laire  (jx)  coupe  «i  en  un  point  R,  dont  le  plan  polaire  par 
rapport  à  la  quadrique  est  perpendiculaire  à  la  droite  SR 
en  un  point  Sj;  si  Ton  pose 

/^  =  SR.SS„ 

/'^  sera  le  carré  du  rayon  de  la  sphère  de  centre  S,  ayant  un 
double  contact  avec  la  quadrique  sur  la  droite  s^.  La 
polaire  du  point  R  par  rapport  à  (i*)  étant  perpendiculaire 
à  la  droite  SR,  cette  dernière  rencontre  la  perpendiculaire 
élevée  sur  le  plan  \i.,  par  le  centre  de  la  section.  Le  point 
d'intersection  C  sera  le  centre  d'une  sphère  (C)  passant 
par  {\j.),  et  si  M  est  un  point  de  ([j.),  on  a 

MC'  =  es, .  CR, 

car  le  plan  polaire  du  point  R  est  le  même  pour  la 
quadrique  et  la  sphère  (C).  Le  théorème  de  Stewart  donne 

MC*.  SR  -4-  W\  es  =  MS".  CR  -4-  CR  .  es  .  SR. 

Remplaçons  MC^  par  sa  valeur  et  divisons  par  CR,  nous 
aurons 

2   es  _2 

CSa.SR-t-MR  —  =  MS  -t-CS.SR, 
CR 


ou 

Mais 
par  conséquent 


M  s'  -  ss» .  SR     es 


MR^  CR 

r  =  SR  .  SS^, 

MS'  —  l'_  es 
MR^      ~Cr' 
es 


Le  rapport  ^  est  indépendant  de  la   position   de  la 


(94  ) 
section  (fx),  car  si  le  plan  de  cette  section  se  déplace  paral- 
lèlement à  lui-même,  les  points  analogues  à  C  sont  situés 
sur  une  parallèle  à  la  droite  s,.  Représentons  par  C^  la 
trace  de  celte  parallèle  sur  le  plan  de  symétrie  considéré; 
par  Si  celle  de  s^;  les  points  S,  Sj,  C,  sont  les  pôles  de  la 
droite  s,  par  rapport  aux  coniques  focale  et  principale  et 
par  rapport  à  leurs  foyers  communs;  donc  le  rapport  ^^ 
ou  son  égal  ^  est  indépendant  du  point  S.  On  peut  donc 
énoncer  le  théorème  suivant  : 


FlG.  4, 

Un  point  S  d\in  plan  de  symétrie,  non  perpendiculaire 
aux  plans  des  sections  circulaires  d'une  surface  du  second 
degré,  est  le  centre  d'une  sphère  de  rayon  l  ayant  un  double 
contact  avec  la  quadrique.  Si  s^  est  la  corde  des  contacts, 
M  un  point  de  la  surface,  R  le  point  d'intersection  de  la 
droite  s^  avec  une  section  circulaire  passant  par  M,  on  a 


MS" 


MR 


(95) 

cette  constante  est  indépendante  de  la  position  du  point  S 
dans  le  plan  de  symétrie  considéré. 

2.  Mode  de  génération  de  Jagobi.  Soient  dans  un  plan 
de  symétrie,  non  perpendiculaire  aux  plans  des  sections 
circulaires,  les  centres  Si,  Sg,  S5  de  trois  sphères  bilan- 
genles  réelles,  dont  nous  représenterons  les  rayons  par /^, 
Iz,  k,  on  a 

MS*— /|=aMÏÏ3; 

R^,  R2,  R3  étant  des  points  analogues  à  R. 

Le  plan  mené  par  le  point  M  parallèlement  à  une  section 
circulaire,  coupe  les  trois  droites  s^,  «2,  s^  suivant  un 
triangle  de  grandeur  et  de  forme  invariables  RjRoRs- 
Construisons  dans  un  plan  fixe  une  ligure  M'RiRâRs  sem- 
blable à  la  figure  MR1R2R3,  le  rapport  de  similitude  étant 
t^  (*),  on  aura 

m'r;  =  i/I.mr,,    m'r;  =  i/â.  MR.,     m'r^^i/â.mr,, 

par  conséquent 

Msî  =  /f  -^  ârïïf, 

Ms!  =  /!  -t-  Fr!, 
MsJ  =  /|  +  wrI 
Élevons  sur  le  plan  fixe  aux  points  R',,  R2,  Rj  des  per- 


(*)  Cette  construction  est  due  à  Townsend.  Cambridge  and  Dublin 
math.  Joum.,  t.  IH,  p.  154. 


(96) 
pendiculaires  R'Ri',  RaRâ',  R^Rj  respectivement  égales  à  /,, 
/g, /j;  nous  aurons 

Ms,  =  m'r;,      ms2  =  m'Rj,      ms3  =  m'R3, 

par  conséquent  : 

Étant  donnés  deux  triangles  S1S2S3  et  R^RîRj,  on  déter- 
mine deux  points  M  et  M' tels  que 

MS,  ==  M'R;,         MSj  =  M'Rj,         MS3  =  M'Ri'; 

si  le  point  M'  décrit  un  plan,  le  point  M  décrit  une  sur- 
face du  second  degré. 

3.  Le  théorème  d'Ivory  sur  les  points  correspondants 
de  deux  quadriques  homofocales,  est  la  base  de  la  démon- 
stration de  Jacobi  {').  Supposons,  pour  fixer  les  idées,  que 
la  surface  soit  un  ellipsoïde;  et  soient  A,  B,  C  trois  points 
pris  à  l'intérieur  de  l'ellipse  focale,  Ai,  Bi,C(  leurs  corres- 
pondants sur  la  surface.  Si  P  est  un  point  quelconque  de 
la  surface,  Q  son  correspondant  sur  le  plan  de  symétrie 
ABC,  on  a,  d'après  le  théorème  d'Ivory, 

AP  =  A,Q,         BP  =  B,Q,         CP  =  CjQ. 

Notre  démonstration  donne  l'interprétation  géométri- 
que des  perpendiculaires  abaissées  des  points  A|,  B^,  Cj 
sur  le  plan  ABC  décrit  par  le  point  Q.  Ces  perpendicu- 
laires sont  les  rayons  des  sphères,  ayant  pour  centres  les 
points  A,  B,  C  et  ayant  un  double  contact  avec  la  surface. 

Soient  A2,  B2,  Cg  les  correspondants  des  points  A,  B,  C 
sur  un  ellipsoïde  homofocal;  les  perpendiculaires  abaissées 


C)  Journal  de  Crelle,  l.  LXXlll,  p.  188. 


(  97  ) 
(les  points  A,,  B,,  Ca  sur  le  plan  ABC  seront  les  rayons  des 
sphères  ayant  ponr  centres  A,  B,  C,  et  ayant  un  double 
contact  avec  cet  ellipsoïde;  mais  A,  et  A2  sont  deux  points 
correspondants  sur  les  ellipsoïdes  hamofocaux,  donc  les 
ordonnées  de  deux  points  correspondants  sur  deux  ellip- 
soïdes homofocaiix,  parallèles  au  petit  axe,  sont  les  rayons 
de  deux  sp/ières  concentriques,  ayant  chacune  un  double 
contact  avec  l'une  des  surfaces. 

4.  Supposons  que  S3  soit  le  centre  d'une  sphère  bilan- 
genle  imaginaire,  et  représentons  son  rayon  par  /3I/ — 1, 
nous  aurons 


Msf- 

i]  =  amrÎ, 

Ml- 

/!=  aM*, 

MSj -*- 

il  =  xm{l; 

on,  en  faisant 

usage  d'une 

ligure  m'r;r;r; 

semblable 

à 

MRiRiRs, 

m'r;  h-  l\, 

M'R,  ^  II, 
m'r;  —  Il 

Élevons  sur  le  plan  fixe  des  perpendiculaires  RiRi',  RlRs 
respectivement  égales  à  /,  et  l^,  et  décrivons  du  point  R3 
une  sphère  avec  l^  pour  rayon;  soit  M'Ts  une  tangente 
menée  du  point  W  à  cette  sphère,  on  aura 

Ms,  ==  m'r;,      MS2  =  m'r;,      ms^  =  mt,. 

Donc  : 
Étant  donnés  deux  triangles  8,85583,  RÏRâ'Rî  «^  "»*«  sphère 

3°*    SÉRIE     TOME    XXVI.  7 


(  98  ) 

ayant  pour  centre  le  sommet  R3,  on  détermine  deux  points 
M  et  M' j  tels  que  les  distances  MS^,  MSj,  1MS3  soient  respecti- 
vement égales  aux  distances  M'R,'  M'Râ,  et  à  la  tangente 
menée  du  point  M'  à  la  sphère  (Rj).  Si  le  point  M'  décrit 
un  plan  [x  passant  par  te  point  Rj,  le  point  M  décrit  une 
surface  du  second  degré. 

Les  développemenis  qui  précèdent  donnent  l'inlerpréla- 
lion  géométrique  des  perpendiculaires  al)aissées  des  points 
R'i'el  R2  sur  le  plan  [x,  et  du  rayon  de  la  sphère  (Rj). 

On  arrive  à  deux  autres  modes  de  génération,  en  suppo- 
sant que  deux  ou  trois  points  S|,  83,  S3  sont  les  centres  de 
sphères  bilangentes  imaginaires. 

Énonçons  le  second  : 

Étant  donnés  un  triangle  Si,  Sg,  S3  et  trois  sphères  dont 
les  centres  sont  R',,  Rj,  R3,  on  fait  correspondre  à  chaque 
point  M'  du  plan  R'iR^Rj,  un  point  M  tel  que  les  distances 
MSj,  MS2,  MS3  soient  respectivement  égales  aux  tangentes 
menées  du  point  M  aux  sphères  (Rî),  (Rj),  (R's).  Le  point  M 
décrit  une  surface  du  second  degré. 

5.  Théorème  sur  les  coniques.  Un  point  S  d'un  axe  de 
symétrie  est  le  centre  d'un  cercle  de  rayon  l  ayant  un 
double  contact  avec  la  conique;  si  s^  est  la  corde  des  con- 
tacts, M  un  point  de  la  courbe,  M,  la  projection  du  point  M 
sur  la  droite  Sj,  on  a 


Cette  constante  est  indépendante  de  la  position  du  point 
S,  sur  l'axe  de  symétrie  considéré. 


(99) 

On  déduit  ce  théorème  de  la  propriété  n"  1,  en  suppo- 
sant le  point  S  sur  l'axe  de  symétrie  6,  par  lequel  passent 
les  sections  circulaires,  et  en  ne  considérant  que  les 
points  M  situés  sur  la  seconde  conique  principale  ayant  b 
pour  axe. 

Ce  tliéorème  conduit  à  des  modes  de  générations  pour 
les  coniques,  analogues  à  ceux  que  l'on  a  vus  pour  les 
surfaces  du  second  degré. 

6.  Généralisation  du  théorème  de  Salmon  (*).  Soit  S 
un  point  du  plan  de  symétrie  perpendiculaire  aux  plans 
des  sections  circulaires,  R  le  rayon  de  la  sphère  ayant  pour 
centre  le  point  S  et  ayant  un  double  contact  avec  la  qua- 
drique.  Si  M  est  un  point  de  la  surface,  M^  et  M2  ses  pro- 
jections sur  les  plans  des  sections  circulaires  (or)  et  (cr,), 
communes  à  la  sphère  (S)  et  à  la  surface,  on  a 


MS^  —  R- 


MM, .  31M., 


Cette  constante  est  indépendante  de  la  position  du  point 
S,  dans  le  plan  de  symétrie  considéré. 

Soient  C,  C, ,  €3  les  centres  des  sections  circulaires  (a-), 
(<j,),  ((Ta),  (0-2)  étant  la  section  menée  par  le  point  M  parallè- 
lement à  (o-j);  Si  et  Ri  le  centre  et   le   rayon   de   la 


(*)  M.  Salmon  a  fait  connailre  cette  généralisation  {Traité  de  géo- 
métrie  analytique,  p.  185),  mais  nous  ignorons  si  le  savant  géomètre 
anglais  a  montré  que  la  constante  est  indépendante  de  la  position  du 
point  S. 


(  100) 
sphère  (Si),  déterminée  par  les  sections  (<r)  et  ((Tj).  Si  R'  esl 
le  rayon  de  (c),  on  a 


R', 


RÎ=S,C  -t-R'. 


Un  plan  mené  par  le  point  S,  perpendiculairement  à  la 
droite  SC,  coupe  la  sphère  (Sj)  suivant  un  cercle  dont  le 
rayon  R2  est  donné  par  les  égalités 


r^-(r' 


Rî  — SS, 


R]  -t-  SSj)  =  R^  -I-  S,C'  —  se'  —  SSJ. 


Soit  M3  la  projection  du  point  M  sur  le  plan  de  ce 
cercle,  on  a 

Isî  =  WS' -♦- Ss' —  2SS, .  MMs, 


MS  =  MS,  —  SS,  -t-  2SS, .  MM3  =  R|  -+-  SSS, .  MM, 
=  2MM, .  SS,  —  2M.M5 .  SS,  H-  R-  -+-  sic'  —  se'  —  Ss'. 


(  101  ) 
Or 

M3M,  =  se, 
donc 

MS'— R-  =  2MM,    SS,. 

Soit  D  le  point  où  la  droite  C,S  rencontre  la  trace  du 
plan  de  la  section  (0-2),  on  a 

MM2  =  C,D, 
par  conséquent 

MS'— R'_     SSi 

Représentons  par  a  l'angle  C^CsD  que  la  trace  d'une 
section  circulaire  fait  avec  le  diamètre  conjugué,  par  (3  celui 
de  deux  sections  circulaires  non  parallèles,  on  a 

C,D  =  C,C2Sina        .       = — -, 

SS,  CCS  a 

donc 

2  SS.  -2 


C,D       sin(3tga 
Celte  quantité  est  constante  et  indépendante  du  point  S. 

7.  Théorème  sur  les  coniques.  Un  cercle  de  centre  S 
et  une  conique  ont  totijours  un  système  de  cordes  com- 
munes réelles.  Si  R  est  le  rayon  de  ce  cercle ^  M,  et  Mj  les 
projections  d'un  point  M  de  la  conique  sur  les  cordes 
communes,  on  a 

MS'— R* 


Cette  constante  ne  dépend  que  de  la  direction  des  cordes. 


(  102) 

On  déduit  ce  ihéorème  du  précédent,  en  coupant  la 
quadrique  par  un  plan  parallèle  au  plan  de  symétrie,  où 
se  trouve  le  point  S.  Si  M  est  un  point  de  la  section, 


Soit  S'  la  projection  de  S  sur  ce  plan, 

MS  —  R'  =  MS'  —  (r^  —  SS'j  =  MS'  —  R', 

R'  étant  le  rayon  de  la  section  faite  par  le  plan  dans  la 
sphère  (S). 


Sur  le  flnorchlorbromméthane ;  par  Frédéric  Swarls, 
répétiteur  à  l'Université  de  Gand. 

J'ai  l'honneur  de  soumettre  à  l'appréciation  de  l'Aca- 
démie la  suite  de  mes  recherches  concernant  l'action  du 
mélange  de  brome  et  de  trifluorure  d'antimoine  sur  les 
dérivés  halogènes  des  substances  organiques. 

Mes  travaux  antérieurs  ont  montré  que,  dans  les  pro- 
duits de  substitution  chlorés,  on  parvient,  par  l'action  de 
ce  mélange,  à  remplacer  un  atome  de  chlore  par  du  fluor. 
Il  était  probable,  a  priori,  que  les  dérivés  bromes  se  com- 
porteraient d'une  manière  analogue.  J'ai  fait  plusieurs 
expériences  dans  ce  sens,  notamment  sur  l'éthane  tétra- 
bromé  symétrique  CHBra  —  CHBrj;  mais  cette  partie  de 
mon  travail  n'est  pas  encore  achevée.  J'ai  pu  néanmoins 
constater  que  le  brome  se  laisse  substituer  comme  le 
chlore. 


(  103  ) 

Je  me  suis  demandé,  au  cours  de  ces  recherches,  corrt- 
menl  se  comporlerait  un  dérivé  chlorobromé,  car  il  étail 
intéressant  de  savoir  lequel  des  deux  éléments,  chlore  ou 
brome,  céderait  sa  place  au  fluor.  En  effet,  si  rafïinilé  du 
chlore  pour  le  carbone  est  supérieure  à  celle  du  brome,  il 
en  est  de  même  des  affinités  de  ces  halogènes  pour  l'anti- 
moine. 

La  substance  qui  semblait  devoir  se  prêter  le  mieux  à  ce 
genre  de  recherches  eût  été  le  composé  CCIaBrj.  Mais  ce 
corps  n'est  guère  connu  jusqu'ici  ;  c'est  à  peine  si  Paterno  (') 
l'a  entrevu.  J'ai  essayé,  mais  en  vain,  de  l'obtenir  en 
chauffant  dans  un  appareil  à  reflux  du  chlorure  de  méthy- 
lène, soit  avec  du  brome  pur,  soit  en  y  ajoutant  des  adju- 
vants tels  que  les  chlorures  ou  bromures  de  fer,  d'alumi- 
nium, d'antimoine  ou  d'iode. 

J'ai  opéré  ensuite  en  tubes  scellés  à  130°  en  présence 
du  chlorure  ferrique.  Après  quatre  cents  heures  de  chauffe 
le  brome  avait  presque  complètement  disparu. 

Le  produit  de  cette  réaction,  soumis  à  la  distillation 
fractionnée,  n'a  donné  aucun  corps  à  point  d'ébullition  con- 
stant. Ce  qui  passait  à  128"  avait  une  densité  de  vapeur 
de  8,45  et  contenait  67,40  °/o  de  brome. 

Le  composé  CCUBr^  aurait  une  densité  de  vapeur  théo- 
rique de  8,S2,  et  une  teneur  en  brome  de  65,8  "/c  Mais  le 
rendement  était  si  faible  que  j'ai  renoncé  pour  le  moment 
à  poursuivre  l'élude  d'un  composé  si   pénible  à  préparer. 

Dans  quelques-uns  de  mes  tubes  scellés  j'avais  intro- 
duit une  quantité  de  brome  en  rapport  avec  l'obtention  du 
dichlorbromméthane  CHCijBr.  Ce  composé  est  connu,  il 


(*)  Gazzetta  chimiea  italiana.  Anno  I,  p.  593. 


(  104  ) 
bout  à  91°,  mais  je  ne  suis  pas  parvenu  à  l'isoler;  par 
contre,  j'ai  obtenu  du  chlorure  de  méthylène  inaltéré  et  le 
produit  CCl2Br2(?)  mentionné  plus  haut,  ce  qui  confirme 
les  indications  de  V.  Meyer  (')  concernant  l'action  du 
brome  ou  du  chlore  sur  les  composés  chlorés  ou  bro- 
mes (**). 

J'ai  porté  alors  mes  investigations  sur  le  chlordibrom- 
méthane,  CCIBrgH  que  Jarobsen  et  Neumeister  ont  pré- 
paré en  partant  de  l'acélal  monochloré  ('**). 

J'ai  introduit  le  chlordibrommélhane  avec  la  quantité 
nécessaire  de  brome  et  de  fluorure  d'antimoine  dans  un 
ballon  de  verre  muni  d'un  bon  réfrigérant  ascendant  et 
j'ai  chauffé  le  mélange  pendant  douze  heures  à  60".  La 
réaction  est  assez  vive  et  Ton  voit  un  liquide  très  volatil 
se  condenser  dans  le  réfrigérant.  Après  refroidissement  le 
ballon  contenait  d'abondantes  aiguilles  cristallines  de  bro- 
mure d'antimoine,  baignées  d'un  liquide  que  j'ai  séparé  par 
décantation  et  lavé  au  sultile  de  soude  pour  le  débarrasser 
du  brome,  en  évitant  toute  élévation  de  température.  Je 
l'ai  desséché  ensuite  sur  du  chlorure  de  calcium,  et,  après 


(*)  Joum.  furprakt.  Chcm.  (2),  XLVI,  t61,  cl  Ber.  25,  .5504. 

(")  L'action  du  brome  sur  le  chlorure  de  méthylène  est  beaucoup 
plus  complexe  qu'on  ne  serait  lente  de  le  croire  à  première  vue,  et 
mériterait  une  étude  plus  complète.  J'ai  notamment  pu  reconnaître, 
parmi  les  nombreux  produits  de  la  réaction,  la  présence  d'une  nota- 
ble proportion  de  CCI^. 

("")  D'après  Lieben  [j4nn.,  t.  CXLV)  l'acétal  monochloré  s'obtient 
en  décomposant  l'éther  bichloré  dissymétrique  par  l'élhylate  de 
sodium  et  en  enlevant  par  l'eau  le  chlorure  de  sodium  formé.  J'ai 
obtenu  un  rendement  bien  plus  satisfaisant  en  épuisant  le  mélange 
par  l'éther  ordinaire,  que  j'éliminais  ensuite  par  distillation. 


(  i05  ; 

plusieurs  reclificalions  successives,  j'ai  obtenu  un  corps 
dislillant  à  58». 

La  substance  bouillant  à  58°  est  un  liquide  incolore, 
très  mobile,  doué  d'une  odeur  ciiloroforinique  agréable.  Il 
ne  se  solidifie  pas  à  —  65°.  Sa  densité  est  de  1,9058  à  16". 
La  lumière  solaire  l'altère  et  le  jaunit  légèrement,  beau- 
coup moins  cependant  que  le  chlordibromméthane.  Il  n'at- 
taque pas  le  verre  à  la  température  ordinaire,  mais  le  cor- 
rode fortement  an  rouge.  L'acide  nitrique  est  sans  action 
sur  lui,  la  potasse  aqueuse,  en  solution  concentrée,  le 
détruit  en  le  transformant  en  sels  haloïdes. 

J'ai  pris  la  densité  de  vapeur  de  ce  corps  par  le  procédé 
de  Hofmann.  Voici  les  résultats  obtenus  : 


POIDS 

VOLUME 

HAUTEUR 

de 

TEMPÉRATURE. 

de  la  vapeur 

barométrique 

DENSITÉ. 

la  substance. 

en  c.  c. 

réduite  à  0«. 

0,0696 

100» 

46,i 

240°"»,1 

.H,04 

0,0696 

d7,o» 

4-1,2 

202 

5,23 

0,1023 

iOO 

54,2 

297 

Moyen 

5,087 
NE  :  5,ii 

Cette  densité  conduit  à  un  poids  moléculaire  de  147,5, 
ce  qui  est  exactement  le  poids  moléculaire  d'un  corps  dont 
la  formule  serait  CClBrFlH. 

L'analyse  a  confirmé  ces  prévisions.  Les  dosages  ont  été 
effectués  par  les  procédés  indiqués  dans  mes  précédents 
mémoires.  En  voici  les  résultats  : 

ls',5095  de  substance  ont  donné  0,4525  CO2  corres- 
pondant à  0,1175  C,  soit  7,80  °U  et  08%1155  H2O  corres- 
pondant à  0,0126  H,  soit  0,85  '/o. 


(  106) 

ls',61249  de  substance  ont  donné  0,4306  de  CaFl,  cor- 
respondant à  0,2i032  FI,  soit  12,93  »/„. 

1«%6249  de  substance  ont  donné  2^^0525  de  AgBr,  soit 
0,8737  Br  ou  53,76  "/o,  et  1,5385  AgCI  correspondant 
à  0,38229  Cl,  soit  23,55%. 

Les  quantités  trouvées  et  calculées  pour  CCIBrFIH  sont 
donc  respectivement  de 

Trouvé.  Calculé. 


C=    7,80 

8,16 

H=    0,83 

0,68 

FI  =  12,95 

12,88 

Cl  =  23,55 

23,92 

Br  =  55,76 

54,20 

Le  nouveau  composé  a  donc  bien  pour  formule 
CHCIBrFI.  Il  résulte  du  dibromchlorméthane  par  la  sub- 
stitution du  fluor  au  brome,  ce  qui  est  confirmé  d'ailleurs 
par  la  formation  exclusive  de  bromure  d'antimoine.  C'est 
donc  l'affinité  prépondérante  du  fluor  pour  le  carbone  qui 
a  déterminé  le  sens  de  la  réaction;  le  fluor  élimine  l'élé- 
ment pour  lequel  le  carbone  a  le  moins  d'affinité. 

Le  fluorchlorbromméthane,  car  tel  est  le  nom  qu'il  con- 
vient de  donner  à  la  nouvelle  substance,  est  le  représen- 
tant le  plus  simple  des  composés  à  carbone  asymétrique. 
Je  n'ai  pu  faire  jusqu'ici  l'élude  de  ses  propriétés  opti- 
ques, attendu  que  je  ne  possède  pas  encore  une  quantité 
de  matière  suffisante  pour  ce  genre  de  recherches. 

Remarquons,  en  terminant,  que  la  présence  du  brome 
diminue  sensiblement  la  stabilité  de  cette  combinaison;  le 
fluochloroforme  résiste  à  la  lumière  et  à  la  potasse  aqueuse 
le  fluorchlorbromméthane  est  attaqué  par  ces  deux  agents. 


(  ^07) 


CLASSE  DES  LETTRES. 


Séance  du  3  juillet  1893. 

M.  Ch.  Loomans,  vice-directeur,  occupe  le  fauteuil. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Alph.  Wauters,  P.  Wiliems,  S.  Bor- 
mans,  Ch.  Piot,  Ch.  Potvin,  J.  Stecher,  T.-J.  Lamy,  G. 
Tiberghien,  Alex.  Henné,  Gust.  Fréclérix,  le  comte  Goblet 
d'Alviella,  F.  Vander  Haeghen,  J.  Vuyisteke,  E.  Banning, 
A.  Giron,  le  baron  J.  de  Chestret  de  Haneffe,  membres; 
Alph.  Rivier,  associé;  Paul  Fredericq,  Mesdach  de  ter  Kiele 
et  Paul  Thomas,  correspondants. 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Agriculture,  de  l'Industrie  et  des 
Travaux  publics  accuse  réception  du  rapport  du  jury  qui 
a  jugé  les  travaux  soumis  pour  la  cinquième  période  du 
concours  pour  le  prix  fondé  par  le  docteur  Guinard. 

Il  exprime,  en  même  temps,  à  MM.  Bormans,  Briart, 
Dewalqup,  Lamy  et  Rivier,  membres  du  jury,  ses  plus  vifs 
remerciements  pour  la  conscience  et  le  talent  dont  ils  ont 
fait  preuve  dans  l'accomplissement  de  la  lourde  tâche  qui 
leur  était  imposée. 


(  108) 
M.  F. -A.  Robyns,  lauréat  de  ce  concours,  remercie  pour 
la  haule  récompense  accordée  à  son  OEuvre  des  sociétés 
scolaires  de  tempérance. 

—  MM.  Heinricli  Brunner,  Frédéric  de  Marleos,  Edw. 
Burnelt  Tylor  el  Ern.  Lavisse,  élus  associés,  remercient 
pour  leurs  diplômes. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  La  revision  de  la  Constitution,  discours  par  W.  Frère- 
Or  ban  ; 

2*  L'évolution  du  mariage,  par  le  marquis  de  Nadaillac, 
associé  ; 

3°  Le  grand  Frédéric  avant  Vavènement,  par  Ernest 
Lavisse,  associé  ; 

4°  La  langue  flamande  en  France  depuis  les  temps  les 
plus  reculés  Jusqu'à  nos  jours,  par  Louis  De  Backer; 

5°  Notes  sur  l'Erythrée,  par  le  capitaine  L.  Haneuse; 

6"  Bibliographie  de  l'histoire  de  Belgique,  par  Henri 
Pirenne  (présenté  par  M.  P.  Fredericq,  avec  une  note  qui 
ligure  ci-après).  —  Remerciements. 

—  Travail  manuscrit  à  l'examen  : 

Drie  onuilgegeven  werken  van  J.-B.  Houwaerl;  door 
F.  Van  Veerdeghem  en  0.  Van  den  Daele.  —  Commis- 
saires :  MM.  Slecher  et  SIeeckx. 


NOTE   BIBLIOGRAPHIQUE. 


J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Classe,  au  nom  de 
l'auteur,  un  livre  qui  sera  accueilli  avec  reconnaissance  par 
tous  ceux  qui  se  consacrent  à  l'histoire  nationale. 


(  109) 

La  Bibliographie  de  V histoire  de  Belgique  (1),  par 
M.  Henri  Pirenne,  professeur  à  l'Université  de  Gand,  est 
un  catalogue  nnélhodique  el  chronologique  des  sources  et 
des  ouvrages  principaux  relatifs  à  l'histoire  des  Pays-Bas 
jusqu'en  1598  et  à  l'histoire  de  Belgique  jusqu'en  1830. 

L'auteur  a  fait  pour  l'histoire  de  notre  pays  ce  que 
Dahlmann  et  Waitz  (2)  ont  fait  pour  l'Allemagne,  et  plus 
récemment  M.  Monod  (5)  pour  la  France. 

On  peut  affirmer  qu'il  a  rempli  sa  tâche  aussi  conscien- 
cieusement que  ceux  qu'il  a  pris  pour  modèles.  Aussi  son 
livre  sera-t-il  bientôt  le  vade-mecum  des  historiens  belges 
en  même  temps  qu'un  guide  indispensable  pour  tous  ceux 
qui,  à  l'étranger,  étudient  l'histoire  de  notre  pays. 

Paul  Fredericq. 


CONCOURS. 


En  vertu  d'une  décision  de  la  Classe  des  lettres,  votée 
en  séance  du  12  octobre  1892,  ses  programmes  de  con- 
cours seront  publiés  dorénavant  en  français  el  en  flamand. 


(i)  Gand,  Engeicke;  xvi-23i  pages. 

(2)  F.  C.  Dahlmanm's  QueUenkunde  der  deutschen  Geschichle.Quel- 
len  und  Bearbeitungen  der  deutschen  Geschichte  neu  zusammen- 
gestellt  von  G.  Waitz.  3«  édition.  Gœttingue,  4883. 

(5)  G.  Monod,  Bibliographie  de  l'histoire  de  France.  Paris,  1888. 


(  iiO  ) 
PROGRAMME  DE  CONCOURS  POUR  L'ANNÉE  1894. 

Première  question. 

Apprécier  d'une  façon  critique  et  scientifique  l'influence 
exercée  par  la  littérature  française  sur  les  poètes  néerlandais 
des  XI II"  et  XI V^  siècles. 

Deuxième  question. 
On  demande  une  étude  sur  l'évolution  du  roman  français 
au  XIX"  siècle. 

Troisième  question. 
Étudier,  au  point  de  vue  historique  et  au  point  de  vue 
dogmatique,  la  nature  et  les  effets  des  traités  de  garantie, 
et  spécialement  des  traités  qui  ont  pour  objet  la  garantie, 
par  un  ou  plusieurs  États,  du  territoire,  de  l'indépendance, 
de  la  neutralité  d'un  autre  État. 

Quatrième  question. 
Montrer  comment  l'Espagne,  par  sa  diplomatie  et  par  ses 
armées,  a  combattu  la  politique  de  la  France  aux  Pays- 
Bas,  de  1635  à  4100. 

Cinquième  question. 

On  demande  l'histoire  du  Panthéon  de  Rome. 

Les  concurrenls  feront  ressortir  les  motifs  qui  ont 
engagé  les  empereurs  à  donner  à  cet  édifice  un  caractère 
différent  de  sa  destination  primitive.  Ils  tiendront  aussi 
compte  des  vicissitudes  que  ce  temple  a  subies  jusqu'à  nos 
jours,  tant  au  point  de  vue  théogonique  qu'au  point  de 
vue  archéologique. 


(m  ) 

Sixième  questio;>'. 
Faire  lliistoire  et  la  statistique  des  caisses  d'épargne  en 
Belgique.  Exposer  leurs  diverses  opérations  et  les  résultats 
obtenus,  surtout  au  point  de  vue  de  la  classe  ouvrière. 

f.a  valeur  des  médailles  d'or  présentées  comme  prix  sera 
(le  mille  francs  pour  la  troisième  et  la  sixième  question, 
et  de  six  cents  francs  pour  chacune  des  quatre  autres 
questions. 

Les  mémoires  devront  être  écrits  lisiblement  et  pourront 
être  rédigés  en  français,  en  flamand  ou  en  latin.  Ils  devront 
être  adressés,  francs  de  port,  avant  le  i"  février  1894, 
à  M.  le  secrétaire  perpétuel,  au  palais  des  Académies, 
à  Bruxelles. 

PROGRAMME  DE  CONCOURS  POUR  L'ANNÉE  1895. 

Première  question. 
Quelle  a  été  en  Flandre,  avant  l'avènement  de  la  maison 
de  Bourgogne,  l'influence  politique  des  grandes  villes,  et 
de  quelle  manière  s'est-elle  exercée? 

Deuxième  question. 
Flaire  l'histoire  de  la  littérature  française  en  Belgique,  de 
1815  à  4850. 

Troisième  question. 

On  demande  une  étude  critique  sur  les  Vies  de  saints  de 
l'époque  carlovingienne  (depuis  Pépin  le  Bref  jusqu'à  la 
fin  du  X*  siècle). 

L'auteur  ne  s'alléchera  qu'aux  Vies  présentant  un  inté- 
rêt historique. 


(  112) 

Quatrième  question. 

On  demande  une  élude  sur  les  divers  si/slèmes  péniten- 
tiaires modernes  considérés  au  point  de  vue  de  la  théorie 
pénale  et  des  résultats  obtenus. 

Cinquième  question. 

Histoire  du  Bouddhisme  du  Nord,  spécialement  au 
Népaul.  Utilité  des  sources  sanscrites  pour  l'étude  du 
Bouddhisme. 

Sixième  question. 

Faire  une  édition  critique  des  fragments  des  ouvrages 
en  prose  de  Varron  cités  textuellement  ou  avec  le  nom  de 
l'auteur  par  les  écrivains  anciens. 

Septième  question. 

Faire  l'histoire  de  Cassistance  publique  dans  les  cam- 
pagnes en  Belgique. 

La  valeur  des  médailles  d'or  présentées  comme  prix  sera 
de  huit  cents  francs  pour  chacune  des  cinq  premières 
questions;  elle  sera  de  six  cents  francs  pour  la  sixième  et 
pour  la  septième. 

Les  mémoires  devront  être  écrits  lisiblement  et  pour- 
ront être  rédigés  en  français,  en  flamand  ou  en  latin.  Ils 
devront  être  adressés,  francs  de  port,  avant  le  i"  février 
1895,  à  M.  le  secrétaire  perpétuel,  au  palais  des  Académies, 
à  Bruxelles. 


(  n-'î  ) 

CONDITIONS  RÉGLEMENTAIRES  COMMUNES  A  CES  DEUX  CONCOURS. 

L'Académie  exige  la  plus  grande  exacliiiide  dans  les  cita- 
lions;  elle  demande,  à  cet  effet,  que  les  auteurs  indiquent 
les  éditions  et  les  pages  des  livres  qu'ils  citent. 

Les  auteurs  ne  mettront  point  leur  nom  à  leur  ouvrage; 
ils  y  inscriront  seulement  une  devise,  qu'ils  reproduiront 
dans  un  billet  cacheté  renfermant  leur  nom  et  leur  adresse. 
Faute  par  eux  de  satisfaire  à  celte  formalité,  le  prix  ne 
pourra  leur  être  accordé. 

Les  ouvrages  remis  après  le  terme  prescrit,  ou  ceux 
dont  les  auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière 
que  ce  soit,  seront  exclus  du  concours. 

L'Académie  croit  devoir  rappeler  aux  concurrents  que 
dès  que  les  mémoires  ont  été  soumis  à  son  jugement,  ils 
sont  et  restent  déposés  dans  ses  archives.  Toutefois,  les 
auteurs  peuvent  en  faire  prendre  des  copies,  à  leurs  frais, 
en  s'adressanl,  à  cet  effet,  au  secrétaire  perpétuel. 


PRIX  PERPÉTUELS. 

PRIX  DE  STASSART  POUR  UNE  QUESTION  d'hISTOIRE  NATIONALE. 

(Sixième  période  :  1889-1894.) 

La  Classe  des  lettres  offre,  pour  la  sixième  période  de 
ce  concours,  un  prix  de  trois  mille  francs  à  l'auteur  du 
meilleur  travail,  rédigé  en  français,  en  flamand  ou  en  latin, 
en  réponse  à  la  question  suivante  : 

Faire  Vhisloire  du  Conseil  privé  aux  Pays-Bas,  à  par- 
tir de  son  origine  jusqu'en  i794;  examiner  les  attributions 
de  ce  corps,  ses  prérogatives  et  sa  compétence  en  matière 
politique,  d'administration  et  de  justice. 

5""*    SÉRIE,    TOME    XXVI.  8 


(  ii4   ) 

Le  délai  pour  la  remise  des  manuscrits  expirera  le 
31  janvier  1894  inclusivemenl. 

Les  concurrents  devront  se  conformer  aux  conditions 
réglementaires  ci-dessus  des  concours  de  la  Classe. 


PRIX  DE  STASSART  POUR  UNE  NOTICE  SUR  UN  BELGE 
CÉLÈBRE. 

(Septième  période  :  1887-1892.) 

La  Classe  des  lettres  ajourne  jusqu'au  31  janvier  1894 
inclusivement  la  clôture  de  cette  septième  période,  pour 
laquelle  elle  offre  un  prix  de  mille  francs  à  l'auteur  de  la 
meilleure  notice,  écrite  en  français,  en  flamand  ou  en  latin, 
consacrée  à  la  vie  et  aux  travaux  de  Lambert  Lombard, 
peintre  et  architecte  à  Liège  (1506-1566). 

Les  concurrents  devront  se  conformer  aux  conditions 
réglementaires  ci-dessus  des  concours  de  la  Classe. 

PRIX    DE    SAlNT-GENOIS    POUR    UNE    QUESTION     d'hISTOIRE 
OU  DE  LITTÉRATURE  EN  LANGUE  FLAMANDE. 

(Troisième  période  :  1888-1897.) 

La  Classe  des  lettres  offre,  pour  la  troisième  période  de 
ce  concours,  un  prix  de  tnille  francs  à  l'auteur  du  meilleur 
travail,  rédigé  en  flamand,  en  réponse  à  la  question  sui- 
vante : 

Caractériser  l'influence  exercée  par  la  Pléiade  française 
sur  les  poètes  néerlandais  du  XVP  et  du  XVII^  siècle. 

Le  délai  pour  la  remise  des  manuscrits  expirera  le 
31  janvier  1897  inclusivement. 

Les  concurrents  devront  se  conformer  aux  conditions 
réglementaires  ci-dessus  des  concours  de  la  Classe. 


(  ^^^  ) 

PRIX    JOSEPH    GANTRELLE 
FONDÉ    POUR    LA    PHILOLOGIE    CLASSIQUE. 

(Première  période  :  1891-189-2.) 

La  Classe  des  lettres  remet  au  concours  pour  celle 
première  période,  prolongée  jusqu'au  31  décembre  1894 
(inclusivement),  le  sujet  suivant  : 

Faire  une  étude  critique  sur  les  rapports  publics  et  privés 
qui  ont  existé  entre  les  Romains  et  les  Juifs  jusqu'à  la 
prise  de  Jérusalem  par  Titus. 

(Deuxième  période:  1893-1894.) 

La  Classe  des  lettres  propose  le  sujet  suivant  pour  cette 
période  : 

Faire  une  édition  critique  et  exégétique  des  biographies 
de  Jules  César,  d'Auguste  et  de  l'ibère,  par  Suétone. 

Un  prix  de  deux  mille  sept  cent  cinquante  francs  est 
attribué  à  la  solution  de  chacune  de  ces  questions. 

Les  mémoires  envoyés  devront  être  rédigés  en  français, 
en  flamand  ou  en  latin. 

Le  délai  pour  la  remise  des  manuscrits  expirera  le 
31  décembre  1894  inclusivement.  Ils  devront  être  adressés, 
francs  de  port,  à  M.  le  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie, 
au  palais  des  Académies,  à  Bruxelles. 

Les  concurrents  devront  se  conformer  aux  conditions 
réglementaires  ci-dessus  des  concours  de  la  Classe. 

Ne  seront  admis  à  concourir  que  des  auteurs  belges; 
les  membres  ou  correspondants  de  l'Académie  sont  exclus 
du  concours. 

Sont  aussi  exclus  du  concours  les  ouvrages  destinés  à 


(  H6  ) 

l'enseignement  proprement  dit,  à  l'exception  des  éditions 
de  textes  dites  savantes,  et  des  grammaires  ou  disserta- 
tions grammaticales  ayant  pour  objet  de  faire  progresser 
la  science. 

PRIX  CASTIAU. 
(Cinquième  période  :  1893-1895.) 

I.a  Classe  rappelle  que  la  cinquième  période  de  ce  con- 
cours sera  close  le  31  décembre  1895  inclusivement. 

Le  prix,  d'une  valeur  de  mille  francs,  sera  décerné  à 
l'auteur  du  meilleur  travail  : 

Sur  les  moyens  d'améliorer  la  condilion  morale,  intellec- 
tuelle et  physique  des  classes  laborieuses  et  des  classes 
pauvres. 

Tout  ce  qui  concerne  ce  concours  devra  être  adressé  à 
M.  le  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie,  au  palais  des 
Académies,  à  Bruxelles,  avant  le  1"  janvier  1896. 

Ne  seront  admis  à  concourir  que  les  écrivains  belges. 
Seront  seuls  examinés  les  ouvrages  soumis  directement 
par  les  auteurs.  Ces  ouvrages  pourront  être  rédigés  en 
français  ou  en  flamand.  Les  manuscrits  seront  reçus 
comme  les  imprimés.  S'ils  sont  anonymes,  ils  porteront 
une  devise  qui  sera  répétée  sur  un  billet  cacheté,  contenant 
le  nom  et  le  domicile  de  l'auteur. 

Si  l'ouvrage  couronné  est  inédit,  il  devra  être  publié 
dans  l'année;  dans  ce  cas,  le  prix  ne  sera  délivré  au 
lauréat  qu'après  la  publication  de  son  travail. 

Les  manuscrits  deviennent  la  propriété  de  l'Académie; 
toutefois  les  auteurs  peuvent  en  faire  prendre  copie,  à 
leurs  frais. 


(  H7î 

PRIX  ANTON  BERGMANN. 

(Seconde  période  :  1887-1897.) 

Le  prix  pour  celle  périorleesi  réservé  à  la  meilleure  liis- 
loire,  écrile  en  néerlandais,  d'une  ville  ou  d'une  commune 
apparlenanl  à  la  province  de  Braôaw/ (l'arrondissemenl  de 
Nivelles  excepté),  et  comptanl  au  moins  cinq  mille  hahi- 
tanls. 

Le  prix  à  décerner  est  de  trois  mille  francs. 

Le  délai  pour  la  remise  des  travaux  expirera  le 
51  janvier  1897  inclusivement. 

Selon  les  dispositions  de  la  fondatrice,  M™*  Bergmann, 
les  livres  imprimés  sonl  admis  à  ce  concours  an  même 
litre  que  les  manuscrits;  ceux-ci  pourront  être  ou  signés 
ou  anonymes.  Dans  ce  dernier  cas,  l'auteur  devra  joindre 
à  son  travail  un  billet  cacheté  renfermant  son  nom  et  son 
domicile.  L'emploi  d'un  pseudonyme  exclut  l'auteur  du 
concours. 

D'après  les  termes  généraux  employés  dans  l'acte  de 
donation,  les  œuvres  historiques  seront  comprises  dans  les 
avantages  de  la  fondation  du  prix,  qu'elles  aient  pour 
auteurs  des  étrangers  ou  des  Belges,  pourvu  qu'elles  soient 
écrites  en  flamand  et  éditées  en  Belgique  ou  dans  les 
Pavs-Bas. 


PRIX    TEIRLINCK  POUR    UNE   QUESTION    DE    LITTÉRATURE 
FLAMANDE. 

(Quatrième  période  :  1892-1896.) 

Un  prix  de  mille  francs  sera  accordé  au  meilleur  ouvrage 
en  réponse  à  la  question  suivante  : 

Faire  l'histoire  de  la  prose  flamande  avant  l'influence 


(H8) 

bourguignonne,  c'est-à-dire  jusqu'à  l'époque  de  la  réunion 
de  nos  provinces  sous  Philippe  de  Bourgogne,  vers  iâ50. 

Le  délai  pour  la  remise  des  manuscrits,  qui  peuvent 
êlre  rédigés  en  français,  en  flamand  ou  en  latin,  expirera 
le  51  janvier  1896  inclusivement. 

Les  concurrents  devront  se  conformer  aux  conditions 
réglementaires  ci-dessus  des  concours  de  la  Classe. 


PRIX    JOSEPH    DE    KEYN. 

Septième  concours.  (Deuxième  période  :  1892-1893.) 

Enseignement  moyen  et  art  industriel. 

La  Classe  des  lettres  rappelle  que  la  deuxième  période 

du  septième  concours  annuel  pour  les   prix  Joseph  De 

Keyn  sera  close  le  51  décembre  1895  inclusivement. 

Cette  période,  consacrée  à  l'enseignement  du  second 
degré,  comprend  les  ouvrages  d'instruction  ou  d'éducation 
moyenne,  y  compris  l'art  industriel. 

Une  somme  de  trois  mille  francs  pourra  être  répartie 
entre  les  ouvrages  couronnés. 

Tout  ce  qui  a  rapport  à  ce  concours  doit  être  adressé, 
avant  le  l"  janvier  1894,  à  M.  le  secrétaire  perpétuel  de 
l'Académie,  au  palais  des  Académies,  à  Bruxelles. 

Peuvent  prendre  part  au  concours  :  les  œuvres  inédiles, 
aussi  bien  que  les  ouvrages  de  classe  ou  de  lecture  qui 
aurontétépubliésdul"janvier  1892au51  décembre  1895. 
Ne  seront  admis  que  des  écrivains  belges  et  des 
ouvrages  conçus  dans  un  esprit  exclusivement  laïque  et 
étrangers  aux  matières  religieuses.  Les  ouvrages  pourront 
être  écrits  en  français  ou  en  flamand,  imprimés  ou  manu- 
scrits. Les  imprimés  seront  admis,  quel  que  soit  le  pays  où 
ils  auront  paru.  Les  manuscrits  pourront  êlre  envoyés 


(H9) 

signés  ou  anonymes;  dans  ce  dernier  cas,  ils  devronl  être 
accompagnés  d'un  pli  cacheté  conlenanl  le  nom  de  l'au- 
leur  el  son  domicile.  Les  manusciils  demeurenl  la  pro- 
priété de  l'Académie,  mais  les  auteurs  peuvent  en  faire 
prendre  copie,  à  leurs  frais.  Tout  manuscrit  qui  sera  cou- 
ronné devra  être  imprimé  pendant  l'année  courante,  et  le 
prix  ne  sera  délivré  à  l'auteur  qu'après  la  publication  de 
son  ouvrage. 

La  Classe  des  lettres  jugera  le  concours  sur  le  rapport 
d'un  jury  de  sept  membres,  élu  par  elle  dans  sa  séance  du 
mois  de  janvier  1894. 


PROGRAMMA   DER   PRIJSKAMPEN 
VOOR   HET   JAAR   1894 


Eerstk  prijsvraag. 

a  Op  crilische  en  welenschappelijke  wijze  den  invloed 
bepalen  door  de  Fraiische  lellerkunde  op  de  Nederlandsche 
dichlers  der  XIII'  en  X/P  eeiiwen  uitgeoefend.  » 

TWEEDE    PRIJSVRAAG. 

«  Men  vraagt  eene  studic  over  de  vervormingen  van 
den  Franschen  roman  in  de  XIX'  eeiiw.  » 

Derde   prijsvraag. 

«  Vit  een  hhlorUch  en  nit  een  dogmalisch  slandpunt 
den  aard  en  de  iiitwerksels  onderzoeken  van  de  waarborgs- 
verdragen,  en  inzonderheid.  van  de  verdragen  waardoor 
een  of  meer  Slaten^hel  grondgebîed,  de  onaf/iankelijkheid, 
de  onzijdigheid  van  eenenlanderen  Slaat  waarborgen.  » 


(  ^20  ) 

ViERDE    PRIJSVRAAG. 

«  Aantoonen  hoe  Spanje  door  zijne  diplomatie  en  door 
zij'ne  légers  Frankrijk's  staalkunde  in  de  Nederlanden 
van  i635  lot  4100  heeft  beslreden^  » 

VlJFDE   PRIJSVRAAG. 

a  Men  vraagt  de  geschiedenis  van  liel  Panthéon  te 
Rome.  ■ 

De  mededingers  zullen  de  redenen  doen  uitschijnen, 
die  de  keizers  bewogen  hebben  om  aan  dit  gebouvv  een 
karakler  te  geven,  verschillende  van  zijne  eerste  beslem- 
ming.  Zij  zullen  ook  de  wisseivalligheden  van  dezen 
tempel  schetsen  toi  op  onzen  lijd,  zoowel  op  godsdienstig 
als  op  oudheidkundiggebied. 

ZeSDE    PRIJSVRAAG. 

«  De  geschiedenis  schrijven  en  de  slatistiek  opmaken  der 
spaarkassen  in  België.  Hare  verschillende  verrichlingen 
en  de  verkregen  uitslagen,  vooral  met  hetoog  op  de  belan- 
gen  van  den  werkenden  stand,  uiteenzetlen.  » 

De  waarde  der  als  prijs  uilgeloofde  gouden  eerepenin- 
gen  zal  van  duizmd  frank  zijn  voor  de  derde  en  zesde, 
en  van  zes  honderd  voor  elke  der  vier  overige  prijsvragen. 

De  ingezonden  verhandelingen  moeten  leesbaar  geschre- 
ven  zijn  en  niogen  in  bel  Fransch,  het  Nederlandsch  of  het 
Latijn  opgesleld  zijn.  Voor  1'"  Februari  1894-  moeten  zij 
aan  den  heer  Bestendigen  Secrelaris,  in  het  Paleis  der 
Academiën  te  Brussel,  vraehtvrij  gezonden  vvorden. 


(  i21  ) 


PROGRAMMA    DER    PRUSKAMPEN 
VOOR   HET  JAAR   1895. 


Eerste  prijsvraag. 

«  Welke  ivas  in  Vlaanderen,  vôôr  liet  optreden  van  het 
Bourgondisch  vorstenhuis,  de  staatkundige  invloed  der 
groote  steden  en  op  welke  wijze  liet  die  invloed  zich 
gelden  ?  » 

TWEEDE    PRIJSVRAAG. 

a  De  geschiedenis  der  Fransche  lelleren  in  België  van 
4S15tot  4830  scfietsen.  » 

Derde  prijsvraag. 

«  Men  vraagl  eene  crilische  sliidie  over  de  Vitae  der 
heiligen  uit  het  karolingisch  lijdvak  {van  Pepijn  den 
Korte  tôt  het  einde  der  A'*  eenw).  » 

De  sclirijver  zal  alleen  de  Vitae,  die  een  hislorisch 
belang  opleveren,  le  hehandelen  hebben. 

ViERDE  prijsvraag. 

«  Men  vraagt  eene  studie  over  de  versckillende  gevange- 
nisstelsels  uit  den  nieuweren  tijd,  in  het  licht  der  straf- 
rechtelijke  théorie  en  der  verkregen  uitslagen  beschouwd.  » 

VlJFDE  prijsvraag. 

«  Geschiedenis  van  het  Noorder-Boedhisme,  voorname- 
lijk  in  Nepaid.  Belang  der  sanskrietische  bronnen  voor 
de  studie  van  het  Boedhisme.  » 


(  122) 

Zesdr  prijsvraag. 

«  Eene  critische  uitgave  bezorgen  van  al  de  fragmenten 
van  Varro's  prozaschriften,  ivelke  wcordelijk  of  met  enkele 
vermelding  van  zijnen  naam  bij  de  schrijvers  der  oudheid 
aangehaald  worden.   » 

Zevende  prijsvraag. 

«  De  geschiedenis  sc/ietsen  van  de  openbare  armenver- 
zorging  op  het  plalte  land  in  België.  » 

De  waarde  der  als  prijs  nilgeloofde  gouden  eerepen- 
ningen  zal  van  achl  honderd  frank  voor  elke  der  vijf  eersle 
prijsvragen  zijn,  en  van  zes  lionderd  voor  de  zesde  en  de 
zevende. 

Deingezonden  veriiandelingen  moeten  leesbaar  geschre- 
ven  en  mogen  in  bel  Fransch,  het  Nederlandsch  of  het 
Latijn  opgesleld  zijn.  Vôôr  1""  Februari  1895  moeten  zij 
aan  den  heer  Beslendigen  Secrelaris,  in  het  Paleis  der 
Academiën  le  Brussel,  vrachtvrij  gezonden  worden. 

Reglementsbepalingen  die  voor  de  twee  bovengemelde 

PRIJSKAMPEN  GEMEEN  ZIJN. 

De  Académie,  eischt  de  grootsle  nauwkeurigheid  in  de 
cilalen.  Te  dien  einde  verlangt  zij  van  de  schrijvers,  dat  zij 
de  uilgaven  en  de  bladzijden  der  door  hen  aangehaalde 
werken  zullen  aanduiden. 

Op  hun  werk  mogen  de  schrijvers  hunnen  naam  niet 
vermelden;  alleen  zullen  zij  er  eene  kenspreuk  plaatsen, 
die  moel  herhaaid  worden  op  een  verzegelden  brief,  beval- 
tende  hunnen  naam  en  hun  adres.  Indien  zij  aan  dezen 
eisch  le  korl  komen,  kan  geen  prijs  hun  worden  toege- 
wezen. 


(  123  ) 

Werken,  die  na  den  gestelden  dalum  inkomen  of  waar- 
van  de  schrijver,  op  welke  manier  ook,  zich  heel't  lalen 
kennen,  zullen  uit  den  piijskamp  geslolen  worden. 

De  Académie  herinnert  aan  de  mededingers,  dat  de  ver- 
handelingen  in  haar  archief  beruslen  en  blijven  moelen 
van  bel  oogenblik  af  dal  zij  aan  baar  oordeel  werden 
onderworpen.  Nochlans  kunnen  de  schrijvers,  op  bunne 
eigene  koslen,  afschriften  van  bunne  ingezondene  werken 
lalen  maken;  daartoe  moelen  zij  zicb  lot  den  Beslendigen 
Secrelaris  wenden. 

BESTENDIGE  PRIJSKAMPEN. 

Prijs   de    Stassart   vogr   eene   prijsvkaag   over 
vaderlandsche  geschiedenis. 

(Zesde  tijdvak  :  1889-1894.) 

De  Klas  der  Letleren  looft,  voor  bel  zesde  tijdvak  van 
dezen  prijskamp,  eenen  prijs  van  drie  duizend  frank  uit 
aan  den  scbrijver  van  bel  besle  werk,  gescbreven  in  het 
Franscb,  bel  Nederlandscb  of  bel  Latijn,  als  antwoord  op 
de  volgende  prijsvraag  : 

«  De  geschiedenis  schrijven  van  den  geheimen  Raad  in 
de  Nederlanden,  van  zijne  inrichting  af  tôt  in  11 9â, 
bevattende  een  onderzoek  over  zijnen  werkkring,  zijne 
vnorrerhlen  en  zijne  bevoegdheid  in  zake  van  staatkunde, 
bestuitr  en  gerecht.  » 

Véôr  51*"  Januari  1894  is  de  lermijn  loi  bel  inzenden 
der  verbandelingen  versireken. 

De  mededingers  zullen  de  bovenstaande  reglemenls- 
bepalingen  voor  de  prijskampeo  der  Klas  moelen  in  acbt 
nemen. 


(  \U  ) 
Prijs  de  Stassart  voor  eene  verhandeling  over  eenen 

BEROEMDEN  BeLG. 

(Zevende  tijdvak  :  1887-1892.) 

De  Klas  der  Letteren  verschuift  toi  31""  Januari  1894 
(dezen  dag  inbegrepen)  de  sluiting  van  dit  zevende 
lijdvak  en  loofl  eenen  prijs  van  duizend  frank  uit  voor 
den  schrijver  der  beste  verhandeling,  geschreven  in  bel 
Fransch,  bel  Nederlandsch  of  bel  Lalijn,  en  gewijd  aan 
bel  leven  en  de  werken  van  Lambert  Lombard,  kunsl- 
scbilder  en  bouwmeester  le  Luik  (1 506-1 S66). 

De  mededingers  zuHen  de  bovenslaande  reglemenls- 
bepalingen  voor  de  prijskampen  der  Klas  moelen  in  acbl 
nemen. 

Prijs  de  Saint -Génois  voor  eene  Nederlandsche  ver- 
handeling OVER  GESGHIEDENIS  OF  LETTERKIINDE. 

(Derde  tijdvak  :  1888-1897.) 

De  Klas  der  Letleren  lool'l,  voor  bel  derde  tijdvak  van 
dezen  prijskamp,  eenen  prijs  van  duizend  frank  uit  voor 
den  scbrijver  van  bel  beste  werk,  gescbreven  in  bel 
Nederlandscb,  als  antwoord  op  de  volgende  prijsvraag  : 

«  Den  invloed  bepalen  door  de  Fransche  Pléiade  op  de 
Nederlandsche  dichlers  der  AT/*  en  XVll"  eenwen  uit- 
geoefend.  » 

Vôor  51*"  Janiiari  1897  is  de  termijn  lot  bel  inzenden 
der  verbandelingen  verstreken. 

De  mededingers  zullen  de  bovenslaande  reglemenls- 
bepalingen  voor  de  prijskampen  der  Klas  moelen  in  acbl 
nemen. 


(  125  ) 

Prus  Joseph  Gantrelle  gestight  tôt  aanmoediging 
der  klassieke  philologie. 

(Eerste  tijdvak  :  1891-1«92.) 

De  Klas  der  Lelteren  verlengl  dit  eerste  tijdvak  lot 
51*°  December  1894  en  schrijft  opnieuw  de  volgende 
prijsvraag  uit  : 

«  Eene  critische  studie  maken  over  de  openbare  en 
bijzondere  betrekkingen,  die  bestaan  hebben  tusschen  de 
Romeinen  en  de  Joden  tôt  aan  de  inneming  van  Jeruzalem 
door  Titus.  » 

(Tweede  tijdvak  :  1895-1894) 

De  Klas  der  Letteren  schrijft  voor  dit  tijdvak  de  vol- 
gende prijsvraag  uit  : 

«  Eene  critische  en  exegetische  uitgave  bezorgen  van 
Siietonius'  levens  van  Juliiis  Caesar,  Augustus  en  Tibe- 
rius.  » 

Een  prijs  van  Iwee  duizend  zevenhonderd  vijftig  frank 
wordt  voor  elke  dezer  prijsvragen  uilgeloofd. 

De  ingezonden  verhandelingen  moeten  in  hel  Fransch, 
het  Nederlandsch  of  hel  Latijn  opgesteld  zijn. 

Vôdr  51""  December  1894  is  de  teraiijn  toi  het  inzenden 
der  verhandelingen  verslreken.  Zij  moeten  vrachtvrij  aan 
den  heer  Beslendigen  Secretaris,  in  het  Paieis  der  Aca- 
demiën  le  Brussel,  gezonden  worden. 

De  mededingers  zullen  de  bovenslaande  reglements- 
bepalingen  voor  de  prijskampen  der  Klas  in  acht  nemen. 


(  i26  ) 

Slechls  Belgische  schrijvers  mogen  mededingen  voor 
den  prijs.  De  titulaire  en  briefwisselende  leden  der  Aca- 
démie blijven  builen  den  prijskamp  geslolen. 

Builen  den  prijskamp  zijn  ook  geslolen  :  de  werken 
beslemd  voor  bel  eigenlijk  onderwijs,  ter  uilzonderiog 
der  zoogezegde  wetenschappelijke  tekstuilgaven  en  der 
spraakieeren  of  spraakkundige  verbandelingen,  die  voor 
doel  hebben  de  wetenschap  vooruil  le  breogen. 


Prijs  Castiau. 

(Vijfde  lijdvak  :  1893-1893.) 

De  Klas  der  Lelteren  berinnert  er  aan,  dat  bel  vijlde 
lijdvak  van  dezen  prijskamp  op  31^'"'"  December  1895 
geslolen  wordl. 

De  prijs  ter  waarde  van  duizend  frank  zal  toegekend 
worden  aan  den  scbrijver  van  de  beste  verhandeling  : 

a  Over  de  middelen  tôt  verbetering  der  zedelijke^  verstan- 
delijke  en  lichamelijke  gesteldheid  der  werkende  en  der 
behoeftige  standen.  » 

Ailes,  wat  dezen  prijskamp  belreft,  vôôr  1*"  Januaril896 
in  te  zenden  aan  den  heer  Bestendigen  Secrelaris,  in  bel 
Paleis  der  Academiën  le  Brussel. 

Slecbls  de  Belgiscbe  scbrijvers  worden  lot  dezen 
prijskamp  loegelalen.  Geene  andere  werken  znllen 
onderzocbt  worden  dan  degeiie,  die  recblstreeks  door 
hiinne  scbrijvers  aan  bel  oordeel  der  Académie  worden 
onderworpen.  Deze  werken  mogen  in  bet  Franscb  of  het 
Nederlandscb   opgesteld  zijn.   Handscbriflen  zoowel  als 


(  127  ) 

dnikwerken  vvorden  loegelaten.  Vermelden  zij  den  naam 
des  scbrijvers  niel,  dan  moelen  zij  eene  kenspreuk  dragen, 
die  op  eenen  verzegelden  brief,  bevallende  zijnen  naam 
en  zijne  woonplaals,  zal  herbaaid  slaan. 

Is  bel  bekroond  weik  nog  onuilgegeven,  dan  zal  bel 
binnen  bel  jaar  der  bekroning  in  druk  moelen  verscbijnen; 
in  dil  geval  zal  de  bekroonde  den  prijs  slecbls  na  de 
uitgave  van  zijn  werk  onlvangen. 

De  bandscbriflen  worden  bel  eigendom  der  Académie; 
nocblans  mogen  de  scbrijvers  er  op  bunne  eigene  koslen 
afscbriflen  van  lalen  vervaardigen. 


Prijs   Anton   Bergmann. 

(Tweede  lijdvak  :  1887-1897.) 

Binnen  dil  lijdvak  is  de  prijs  voorbehouden  aan  de 
besle  in  bel  Nederlandscb  gescbrevene  gescbiedenis  van 
eene  s  lad  of  gemeenle  beboorende  lot  de  provincie  Bra- 
bant  (uilgezonderd  bel  arrondissement  Nijvel)  en  lellende 
ten  imn&le  vijf  duizend  inwoners. 

De  uilgeloofde  prijs  is  van  drie  duizend  frank. 

Vôôr  31'"  Jannari  1897  is  de  lermijn  loi  bel  inzenden 
der  werken  verslreken. 

Naar  luid  van  de  voorwaarden  door  de  slicblsler  Mevr. 
Bergmann  gesleld,  worden  de  drukwerken  op  gelijken 
voel  als  de  bandscbriflen  loegelalen;  deze  laalsle  mogen 
den  naam  des  scbrijvers  vermelden  of  verzwijgen.  In  dit 
laalsle  geval  moet  de  scbrijver  bij  zijn  bandscbrift  eenen 
verzegelden  brief  voegen,  bevallende  zijnen  naam  en 
zijne  woonplaals.  Door  bet  aannemen  van  een  pseudoniem 
slnil  de  scbrijver  zicbzelven  iiit. 


(  128  ) 

Ten  gevolge  der  niet  beperkende  bewoordingen  in  de 
schenkiijgsaklegebruikl,  worden  de  hislorische  gewroch- 
len  lolden  prijskamp  loegelalen,  onverschillig  of  zij  door 
Belgen  of  vreemdelingen  geschreven  zijn,  op  voorwaarde 
dat  zij  in  het  Nederiandsch  opgesteld  en  in  België  of  in 
Nederland  uilgegeven  zijn. 


Prus  Teirlinck  voor  eene  prijsvraag  over 
Nederlandsghe  letterkunde. 

(Viei-detijdvak;  1892-1896.) 

Een  prijs  van  duizend  frank  zal  loegekend  worden  aan 
het  besle  anlwoord  op  de  volgende  prijsvraag  : 

«  De  geschiedenis  schrijven  van  het  Nederland  ch  proza 
vôôr  den  Bourgondischen  invloed,  d.  i.  tôt  aan  de  veree- 
niging  onzer  gewesten  onder  Philips  van  Bourgondië, 
omstreeks  1430.  » 

Vôôr  31*"Januari  1896  is  de  lermijn  verslreken  lot  bel 
inzenden  der  verhandelingen,  die  in  het  Fransch,  bel 
Nederiandsch  of  het  Latijn  mogen  opgesteld  zijn. 

De  mededingers  moeten  de  bovenstaande  reglements- 
bepalingen  voor  de  prijskampen  der  Kias  in  acht  nemen. 


Prijs  Joseph  De  Keyn. 

Zevende  prijskamp  (Tweede  lijdvak  :  1892-1895). 

Middelbaar  onderwijs  en  nijverheidskunst. 

De  Klas  der  Letteren  herinnert  er  aan,  dat  het  tweede 
tijdvak  van  den  zevenden  jaariijkschen  prijskamp  Joseph 
De  Keyn  op  31'"  December  1895  zal  gesloten  worden. 


(  J29  ) 

Gewijd  aan  hel  onderwijs  van  rien  Iweedeii  graad, 
omval  (lit  lijdvak  de  werkon  over  middelbaar  onderwijs 
olopvoeding,  de  nijverheidskutisi  erin  begrepen. 

Eene  sorn  van  drie  duizend  frank  kan  onder  de 
hekroonde  vverken  verdeeld  worden. 

Ailes,  wai  dezen  prijskamp  belrefi,  rnoel  voôr  1""  Ja- 
nuari  1894-  aan  den  béer  Beslendigen  Secrelaris,  in  b^t 
Paleis  der  Academiën  te  Brussel,  gezonden  worden. 

Mogen  aan  den  prijskamp  deelnemen  :  de  onuilgege- 
vene  vverken,  evenals  de  sebool-  en  leesboeken,  die  van 
I*"  Januari  1892  tôt  31'"  December  1893  verscbenen  zijn. 

Alleen  Belgische  scbrijvers  en  werken,  die  in  eenen 
uilsluilend  wereldlijken  geesl  builen  aile  godsdienslige 
begrippen  zijn  opgeval,  zullen  loegelaten  worden. 

De  handscbriflen  ol"  drukwerken  mogen  in  liet  Fransch 
of  bet  Nederlandscb  opgesteld  zijn.  De  drukwerken 
worden  loegelaten  zonder  aanzien  van  bel  land,  waarin  zij 
bel  liebt  zagen.  De  handscbrillen  mogen  den  naam  des 
scbrijvers  vermelden  of  verzwijgen;  in  dit  laasle  geval 
zullen  zij  vergezcld  zijn  van  eenen  verzegelden  brief, 
bevallende  naam  en  woonpiaats  des  scbrijvers.  De  band- 
scbrillen  blijven  Iiet  eigendom  der  Académie;  nocblans 
kunnen  de  scbrijvers  er  op  hunne  eigene  koslen  al'scbrif- 
ten  van  laten  maken.  leder  bekroond  bandschrift  moet 
binnen  het  loopend  jaar  in  druk  verscbijnen;  siecbts  na 
de  uilgave  van  zijn  werk  zal  de  bekroonde  zijnen  prijs 
kunnen  ontvangen. 

De  Klas  der  Lelteren  zal  over  dezen  prijskamp  uit- 
spraak  doen  na  kennisneming  van  het  versiag  eener  jury 
van  zeven  leden,  door  haar  gekozen  in  bare  Januarizitting 
van  1894.  

3""*    SÉRIE,   TOME    XXVI.  9 


(  130) 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


Nouvelle  note  à  propos  des  dépouilles  mortelles  du  célèbre 
Antoine  Arnauld;  par  Alphonse  Waulers,  membre  de 
l'Académie. 

Depuis  la  publication  de  ce  que  j'ai  écrit,  à  propos  de 
la  sépulture  du  célèbre  Antoine  Arnauld,  dans  les  Bulle- 
tins de  l'Académie  royale  de  Belgique  (1),  le  père  Kieckens, 
de  la  Compagnie  de  Jésus,  a  publié  dans  la  revue  intitu- 
lée :  les  Précis  historiques,  des  observations  auxquelles  je 
dois  répondre.  «  Une  note  inédite,  dit-il,  émanée  d'un 
j>  écrivain  belge  du  XVlll*  siècle,  nous  permet  d'affirmer 
ï  qu'à  l'heure  présente,  les  restes  d'Arnauld  sont  mêlés  à 
»  tous  ceux  qu'on  a  mis  au  jour  lors  de  la  destruction  de 


(1)  5«  série,  t.  XXV,  n"  3,  1895. 

Signalons  ici,  comme  une  nouvelle  preuve  de  la  facilité  avec 
laquelle  les  erreurs  historiques  se  répètent  et  se  perpétuent,  que, 
dans  le  Dictionnaire  de  Bouillet  (p.  iJ9  de  l'édition  de  1843),  il  est 
encore  question  de  la  mort  d'Arnauld  à  Liège,  dans  les  bras  du  père 
Quesnel.  Cette  opinion  peut  s'appuyer  de  l'épitaphe  publiée  à 
l'époque  même  et  dont  j'ai  publié  les  dernières  lignes;  mais  elle  est 
démentie,  entre  autres,  par  le  Journal  de  Brossetle,  et  depuis  long- 
temps elle  est  généralement  abandonnée. 


(  131  ) 

»  la  vieille  église  Sainle-Catherine,  et  qu'ils  reposent  au 
»  cimetière  d'Evere.  » 

Celte  note  inédile,  le  père  Kieckens  l'emprunte  à  un 
manuscrit  de  Van  Gestel,  annoté  par  Foppens  et  actuelle- 
ment conservé  dans  la  bibliothèque  des  Bollandisles.  Il  y 
est  question  du  curé  Van  de  Nesse  qui,  selon  Foppens,  fut 
enseveli  dans  le  chœur  de  SainleCalherine,  «  dans  le 
»  même  tombeau  oij  jadis  avait  été  déposé  le  fameux  doc- 
»  leur  des  jansénistes,  Antoine  Arnauld  ».  Voici  comment 
il  s'exprime,  d'après  le  père  Kieckens  :  a  Gulielmus  Van 
»  de  Nesse,  Briixellensis,  S.  T.  L.,  non  aliler  quam  deser- 
«  vitor  fuit,  tam  ad  S.  Catharinam  quam  in  Motembecke. 
»  Famosus  per  multa  dissidia  quœ  ex  causa  Jansenismi 
»  adversus  archiepiscopum  Humberlum  a  Prccipiano  cau- 
»  savit.  Decessit....  sepullus  in  choro  ad  S.  Catharinam 
B  eodem  in  tumulo,  ubi  olim  sepullus  fuerat  a(nno)... 
»  famosus  jansenistarum  doctor  Antonius  Arnaldus,cnjus 
B  cor  et  aliqua  inleslina  ad  ubbaliam  Portas  Regii  juxta 
B  Parisios  transtulit  Ernestus  Ruthdans,  D.  Gudilœ  cano- 
»  nicus.s  On  remarquera  que  ce  texte  est  fort  incomplet  ; 
l'auteur  semble  ignorer  la  date  de  la  mort  de  Van  de  Nesse 
et  celle  du  décès  d'Arnauld.  Ces  dates,  si  généralement 
connues,  de  i716  et  de  1694,  sont  remplacées  par  des 
points  dans  le  passage  cité  ci-dessus.  Foppens  n'avait  donc, 
au  moment  où  il  écrivait,  aucune  donnée  positive  sous  les 
yeux. 

Pour  prouver  le  peu  d'exactitude  de  l'assertion  de  Fop- 
pens, il  suffit  de  remarquer  que  le  curé  Van  de  Nesse  fut 
enseveli  dans  la  partie  antérieure  du  chœur,  non  à  part 
ou  parmi  les  desservants  de  l'église,  mais  dans  la  tombe 
de  sa  famille  paternelle,  sur  laquelle  on  lisait  l'inscription 


(  132  ) 

suivante,  déjà  publiée  par  Le  Roy  dans  le  Théâtre  sacré 
du  duché  de  Brabant,  lome  I",  p.  259  : 

D.  0.  M. 

SEPULTURA  FAMILIAE  MARTINI  DE  VAN 
DEN  NESSE  RECEPTORIS  URBIS  BRUXELLAE   ET 

ANNAE  VAN  DER  ELST ,   CONJUGUM,  OBIIT 
ILLE  14  DECEMBRIS   1696,  ILLA  20  OCTOBRIS 
1705 

R.  D.  GULIELMUS  DE  VAN  DEN 

NESSE  S.  T.  L.  ET  HUJUS  PAROCHIAE   PER 

32  ANNOS  PASTOR.  OBIIT  PASTOR  25  (1)  FEB. 

1716,  ALIIQUE  LIBERI  POSUERUNT 

R.  I.  P. 

Celte  épitaphe  existait  encore  en  1880,  lorsque,  à  la 
demande  de  l'Administration  communale  de  Bruxelles, 
alors  que  l'ancienne  église  Sainle-Calherine  n'était  pas 
remplie  par  les  décors  du  théâtre  de  la  Monnaie,  je  copiai 
les  inscriptions  que  j'y  trouvai;  seulement,  dans  ma  copie, 
les  mots  Obiit  pastoral  feb.  4746  terminent  cette  inscrip- 
tion, tandis  que,  dans  Le  Roy,  ils  sont  intercalés  entre  les 
mots  :  52  annos  pastor  et  ceux  :  aliique  liberi  posuerunt. 
Remarquons  aussi  la  particule  nobiliaire  de,  qui  précède 
deux  fois  le  nom  patronymique  de  la  famille.  Pourquoi 


(1)  Il  faut  lire  le  27  février.  Voir  plus  loin,  p.  134. 

Cette  épitaphe  a  été  remaniée  ;  dans  la  même  phrase  où  l'on  dit 
qu'elle  fut  placée  par  Guillaume  et  d'autres  enfants  de  Martin  Van 
de  Nesse;  on  ajoute  que  Guillaume  fut  pendant  trente-deux  années 
curé  de  la  paroisse.  Elle  est  donc  postérieure  à  la  mort  de  celui-ci. 


(  <33) 

celle  addition?  Je  l'ignore  complètement. Les  Van  de  Nesse 
ne  figurent  pas  dans  l'ancien  Nobiliaire  des  Pays-Bas. 
Martin  Van  de  Nesse  était  un  membre  des  Nations,  par 
conséquent  un  bourgeois  plébéien,  et  c'est  à  ce  titre  qu'il 
figure  dans  la  lisle  des  magistrats  de  Bruxelles  en  qualité 
de  conseiller  {raedsman)  en  1678  et  de  receveur  {receptor, 
rentmeester)  en  1682,  1683  et  1684.  Quant  au  curé,  nous 
avons  vu  un  grand  nombre  de  pièces  émanées  de  lui,  et 
jamais  il  n'y  prend  la  particule. 

il  est  incontestable  qu'il  a  été  inbumé  à  côlé  de  son 
père  :  la  mention  de  la  date  de  son  décès  suffît  pour  le 
prouver.  Mais  il  y  a  mieux.  Dans  le  manuscrit  1559  de  la 
collection  Goelhals  que  j'ai  déjà  cité,  il  est  positivement 
compris  parmi  les  personnes  qui  étaient  déposées  dans  un 
caveau  de  famille  silué  dans  le  hoogfie  clioor,  le  grand 
cbœur  de  l'église,  mais  biiyten  den  timyn,  hors  du  sanc- 
tuaire, et,  en  seconde  ligne  :  Ce  caveau  contenait  en  1710, 
date  d'un  travail  effectué  par  Van  de  Nesse  lui-même,  les 
cercueils  suivants  :  0 10.  Serck  Martini  Van  de  Nesse  et 
Anne  Van  der  Elst  —  '1105.  Voor  de  familie  Nicolai 
Van  de  Nesse  (1).  —  Gregoris  Platteborse  et  Jacquemyne 
Van  de  Nesse,  item.  Puis  vient,  dans  le  manuscrit,  d'une 
encre  plus  noire,  cette  addition  ':  Jacobus  Leyniers,  sone 
Urbanus,  16  meert  il  1 1  —  de  eerw.  heere  GuiW  de  Van 
de  Nesse,  pastor,2t7  feb.  17 16.  —  Maria-Theresiœ  De  Brye, 
vrouwe  Nicolai  Van  de  Nesse,  25'  jtiny  47 46.  C'est-à-dire  : 


(1)  Nicolas  Van  de  Nesse  fut  conseiller  de  la  ville  en  1704,  1705 
et  1706,  et  receveur  du  canal  de  Bruxelles  à  Willebroeck  pendant 
les  années  1707-1711. 


(  i3i  ) 
«  1710.  Cercueil  de  Martin  Van  de  Nesse  et  d'Anne  Van  der 
Elsi^  _  nOo.  Pour  la  famille  de  Nicolas  Van  de  Nesse  — 
de  Grégoire  Plalteborse  et  de  Jacquemine  Van  de  Nesse. 

—  Item  de  Jacques  Leyniers,  iils  d'Urbain,  16  mars  1711 

—  le  très  révérend  sieur  Guillaume  de  Van  de  Nesse,  curé, 
le  27  février  1716.  —  Marie-Thérèse  de  Brye,  femme  de 
Nicolas  Van  de  Nesse,  25  juin  1716.  » 

Le  caveau  du  chœur  de  l'ancienne  église  Sainte-Cathe- 
rine, où  l'on  a  retrouvé  les  restes  de  deux  ecclésiastiques, 
n'a  donc  pas  contenu  le  corps  de  Van  de  Nesse.  Si  celui-ci 
avait  été  enseveli  dans  l'ancien  caveau  des  Steenhout,  ce  ne 
serait  pas  avec  ses  parents  qu'il  aurait  été  inhumé,  ce  qui 
serait  contre  toutes  les  vraisemblances.  Notre  contradic- 
teur suppose  qu'en  1710,  ce  curé  n'aurait  pas  dit  toute  la 
vérité  en  parlant  de  ce  que  contenait  le  caveau  des  Steen- 
hout. Nous  lui  laissons  l'honneur  de  cette  supposition  toute 
gratuite.  Ce  caveau  a-l-il  contenu  celui  d'Arnauld?  Je 
persiste  à  pencher  pour  la  négative,  car,  si  l'on  admettait 
l'authenticité  de  la  déclaration  publié  vers  1780et  attribuée 
à  Van  de  Nesse,  on  devrait  admettre  que  le  cercueil  de 
plomb  qui  aurait  contenu  les  restes  d'Arnauld  aurait  été 
volé.  Or,  si  le  caveau  en  question  avait  été  violé,  les  auteurs 
de  ce  sacrilège  n'auraient  pas  respecté  les  restes  des  deux 
ecclésiastiques  que  l'on  y  a  trouvés,  ou  les  auraient  jetés  ou 
abandonnés  en  désordre,  au  moins  ceux  contenus  dans  le 
cercueil  qu'ils  venaient  de  profaner. 

Les  assertions  de  Foppens  ne  cadrent  donc  pas  avec  les 
faits.  Comment  d'ailleurs  un  écrivain, ennemi  acharné  des 
jansénistes,  aurait-il  mieux  connu  la  vérité  que  ceux-ci 
mêmes,  pour  qui  (ou  pour  la  majorité  de  qui)  le  lieu  de 
sépulture  d'Arnauld  était  resté  un  mystère,  ainsi  que  nous 


(  133  ) 
l'avons  prouvé  dans  noire  précédenle  lecture?  Foppens 
témoigne  d'ailleurs  de  sa  partialité  lorsqu'il  écrit  que  Van 
de  Nesse  ne  lut  que  desservant  [non  aliter  quam  deservilor 
fuil),  tant  à  Sainte-Catherine  qu'à  iMolenheek.  C'est  une 
erreur  et  une  erreur  voulue;  il  est  facile  d'en  donner 
la  preuve.  Van  de  Nesse  était  bien  en  réalité  curé  de  la 
paroisse;  mais  après  son  retour  de  l'exil,  en  1706,  il  eut, 
avec  l'archevêque  de  Malines,  Thomas  de  Précipiano,  de 
longs  et  nouveaux  démêlés.  L'archevêque  le  déclara  sus- 
pendu de  ses  fonctions.  Cette  pénalité  lui  ayant  été  appli- 
quée sans  citation,  sans  informations,  sans  intervention  du 
promoteur,  Van  de  Nesse  recourut  à  l'autorité  du  prince, 
et  le  conseil  de  Brabant,  par  un  arrêté  du  27  octobre  1707, 
le  maintint  en  possession  de  sa  cure.  L'archevêque  voulut 
passer  outre,  et,  bien  que  désapprouvé  par  le  conseil  d'État 
et  par  les  États  du  duché,  s'adressa  au  Saint-Siège,  qui 
déclara  que  les  magistrats  avaient  encouru  les  sentences 
comminées  contre  ceux  qui  violaient  les  immunités  ecclé- 
siastiques. Loin  de  se  soumettre,  le  conseil  de  Brabanl 
protesta  contre  de  pareils  agissements  par  une  consulte 
datée  du  10  juin  1708  (1). 

Néanmoins,  on  persista  à  ne  plus  traiter  Van  de  Nesse 
que  de  desservant,  de  deservilor,  on  lui  suscita  mille  diffi- 
cultés, et  enfin,  lorsqu'il  expira,  on  prétendit  qu'il  était 
frappé  d'excommunication,  on  trouva  mauvais  qu'on  lui 


(  1  )  Voir  ce  débat  résumé  par  notre  collègue  de  l'Acadcmie,  M.  Giron, 
dans  le  Droit  public  de  la  Belgique,  p.  69.  Bruxelles,  Manceaux,  1884, 
in-8».  Il  en  est  également  question  dans  VHisloire  de  Bruxelles,  par 
M3I.  Henné  et  Wauters,  t.  M,  p.  174. 


(  156) 
eût  donné  la  sépulture  dans  l'église.  M.  Proosl,  archiviste- 
adjoint  pensionné  aux  archives  de  l'Étal,  auquel  on  doit 
un  travail  spécial  très  intéressant  sur  les  vexations  subies 
par  Guillaume  Van  de  Nesse  (1),  n'ayant  pas  dit  un  mot  de 
cet  incident  ignoré,  je  crois  utile  d'en  fournir  la  preuve, 
d'après  les  pièces  du  temps  que  nous  possédons  à  l'hôtel  de 
ville  et  qui  proviennent  des  papiers  mêmes  de  Van  de 
Nesse.  Ajoutons  que,  quelques  années  après,  la  persécution 
sévit  furieuse  contre  les  jansénistes,  dont  un  grand  nombre 
et,  en  premier  lieu,  le  célèbre  juriste  Van  Espen,  se  virent 
forcés  de  quitter  le  pays.  Alors  triompha  Foppens,  alors 
aussi  apparaissent  les  premières  mentions  de  l'amitié 
intime  d'Arnauld  et  de  Van  de  Nesse,  dont  il  n'est  pas 
question  dans  les  temps  antérieurs. 

Lorsque  la  nouvelle  de  la  mort  de  Van  de  Nesse  par- 
vint à  Malines,  le  vicaire  général  Van  Susleren,  qui  venait 
d'être  nommé  évêque  de  Bruges,  s'empressa  d'écrire,  à  la 
date  du  28  février  1716,  au  doyen  de  S'^-Gudule,  de 
Maeyere,  la  lettre  suivante  :  R"  ad'"  Domine  :  Fama  hic 
vagatur  qiiod  I)"'"  Guilielmus  de  Van  den  Nesse,  desser- 
vitor  ad  S.  Calharinam,  morte  m  obier  il,  et  non  scimiis 
qunenam  penitentiae  signa  dederit  quo  ad  excommunica- 
lionem  et  notam  suam  contumaciam.  Qttare  ex  consilio 
Capilali  metropoUlani  R''""  ad'"  Dominationi  vestrae  signi- 
ficandum  duximus,  nefunus  absqite  speciali  nostra  licencia 
sepeliat  el  sepeliri  permiflat  (C'est-à  dire  :  «  Le  bruit  court 


(1)  Guillaume  Van  de  Nesse,  curé  de  Sainte-Catherine  à  Bruxelles. 
Gaiid,  I86i,  in-8«  (extrait  du  Messager  des  sciences  historiques  de 
Belgique). 


(  137  ) 

»  ici  que  le  sieur  Guillaume  de  Van  den  Nesse,  desservant 
»  de  l'église  Sainte-Catherine,  est  mort,  et  nous  ne  savons 
r>  quel  signe  de  repentir  il  a  donné  à  propos  de  son 
B  excommunication  et  de  sa  rébellion  notoire.  C'est 
»  pourquoi,  de  l'avis  du  Chapitre  métropolitain,  nous 
»  avons  décidé  de  défendre  à  votre  Domination  de  l'ense- 
D  velir  ou  de  permettre  de  l'ensevelir  sans  notre  permission 
»  spéciale  (1).  » 

Celle  dépêche  si  comminatoire  produisit  un  singulier 
effet  à  Bruxelles,  où  Van  de  Nesse  était  aimé  et  estimé 
de  la  majorité  de  ses  paroissiens.  On  peut  en  juger  par  les 
deux  pièces  dont  nous  joignons  ci-après  le  texte  flamand 
et  dont  voici  l'analyse  : 

1"  Nous  soussignés  déclarons  el  attestons  qu'après  que, 
le  16  février  1716,  lorsque  feu  le  Révérend  sieur  Guillaume 
de  Van  de  Nesse,  curé  de  Saint-Jean  à  Molenbeek  el  de 
Sainte-Calherine,  eut  reçu  les  derniers  sacrements,  de 
lemps  en  temps,  parce  que  son  confesseur  ne  pouvait, 
empêché  qu'il  était  par  d'autres  affaires,  rester  constam- 
ment auprès  de  lui,  nous  l'avons  engagé  à  faire  des  actes 
de  foi  el  lui  avons  lu  l'acte  de  foi  à  différentes  reprises 
après  lesquelles  il  a  exprimé  ses  intentions.  On  lui  à  lu  les 
différentes  prières  de  l'église,  auxquelles  il  a  répondu  de 
cœur,  el  est  mort  en  bon  pasteur  el  en  vrai  confesseur  de 
l'Église,  etc.  Fait  le  27  février,  vers  midi,  à  la  demande 
des  meilleurs  amis  du  prénommé  (2). 


(Il  Copie  du  temps  aux  Arcfiii^ea  communales  de  liriixelles,  Farde 
Van  de  Nesse. 

(2)  Voir  An.nkxe    1. 


(  iôS  ) 

2°  Suil  une  déclaration,  en  claie  du  2  mars,  rédigée  à  la 
demande  des  plus  proches  parents  de  feu  le  curé  Van  de 
Nesse,  attestant  qu'on  a  vu  celui-ci,  depuis  son  retour 
d'Aix-la-Chapelle,  en  l'année  170G,  célébrer  la  messe  de 
temps  en  temps  publiquement  et  au  su  de  tout  le  monde, 
et  principalement  le  dimanche  et  les  jours  de  fêles,  et 
qu'en  outre  il  a  chanté  avec  son  clergé  les  matines,  les 
vêpres,  les  compiles,  les  services  funèbres,  les  anni- 
versaires ;  qu'il  a  assisté  aux  processions  les  jours  de 
Rogations  et  de  Pâques,  pour  aller  chercher  les  saintes 
huiles,  etc.  (i) 

Peu  satisfait  de  ce  qu'il  apprenait,  le  vicaire  général 
Van  Susteren  écrivit  en  ces  termes,  le  2  mars,  aux  sieurs 
Vercauwen,  Verschueren,  Nakates  et  autres  membres  du 
clergé  de  Sainte-Catherine  :  Cum  intelligamus  consanfjui- 
neos  domini  Guilelmi  de  Van  de  Nesse,  deservitoris  ad 
S.  Calherinam,  non  oblenla  a  me  licentia  funus  ejus  velle 
publiée  sepelire,  Reverenliis  vestris  ex  consilio  capitidi 
melropolilani  Sancii  Romoldi  significandum  duximus,  hoc 
ex  consilio  Iwjus  capiluli  fuisse  inhibilum  et  ileralo 
inhiberi,  sub  pœna  censiiraruni  aut  alia  arbilraria.  Inté- 
rim pennanemits,  W'  D"'  R.  V.  DD.,  humillimus  servus. 
C'est-à-dire  :  «  Ayant  appris  que  les  parents  du  sieur 
»  Guillaume  de  Van  den  Nesse,  desservant  de  Sainle- 
»  Catherine,  sans  en  avoir  obtenu  de  nous  la  permission, 
»  veulent  l'enterrer  publiquement,  nous  avons  jugé  con- 
»  venable  de  signifier  à  vos  Révérences,  de  l'avis  du  cha- 
»  pilre  métropolitain  de  Sainl-Rombaud,  que  cela  a  été 


(i)  Voir  An>exe  2. 


(  139  ) 

»  interdit  de  l'avis  du  chapitre,  et  est  de  nouveau  défendu 
»  sous  peine  des  censures  ou  autre  peine  arbitraire.  Entre 
»  temps  nous  restons  de  vos  Révérences  le  serviteur  très 
»  humble.  » 

Le  lendemain,  il  reçut  la  déclaration  dont  on  trouvera 
ci-après  le  texte  et  dont  voici  une  traduction  :  «Je  soussigné 
»  déclare  que,  le  16  février  de  l'année  17 16,  à  la  demande 
»  (comme  me  le  disait  vers  7  heures  du  soir  le  Révérend 
B  S'  Vcrschueren,  vice -curé  de  Sainte-Catherine),  à  la 
»  demande,  dis-je, du  Révérend  sieur  De  Meyer,  doyen  de  l'il- 
»  lustre  église  collégiale  des  SS.  Michel  et  Gudule,  en  ce 
»  moment  indisposé,  j'ai  administré  à  8  heures  du 
j>  soir  les  saints  sacrements  de  l'Eucharistie  et  de 
B  l'Extrême-Onction  au  Révérend  sieur  Guillaume  de  Van 
T>  den  Nesse,  desservant  infirme  de  Sainte-Catherine  à 
r>  Bruxelles,  qui  a  reçu  ces  sacrements  dévotement  et 
B  avec  respect.  Mais  aussi  je  déclare  que  je  ne  me  rappe- 
B  lais  plus  rien  de  la  sentence  d'excommunication  portée 
B  contre  lui,  ni  de  sa  rébellion,  de  laquelle,  si  je  m'en 
B  étais  souvenu,  je  l'aurais  averti  en  vertu  de  mon  office, 
B  et  s'il  ne  m'avait  pas  satisfait  et  donné  des  signes  de 
»  repentir  sur  sa  rébellion,  je  lui  aurais  refusé  les  der- 
B  niers  sacrements.  Donné  à  Bruxelles,  le  3  mars  1716  p. 
Et  était  signé  :  J.-H.  Schmerlingh,  prêtre,  chanoine  et 
vice-doyen  de  SS.  Michel  et  Gudule  (1).  » 

En  présence  de  cette  déclaration  formelle,  il  était  difTi- 
ciie  de  refuser  les  honneurs  de  la  sépulture  au  curé 
Van  de  Nesse,  pour  lequel  on  célébra  un  service  à  Sainle- 


(i)  Voir  Annexe 


(  140  ) 

Caiherine,  le  \  0  mars  (1  ).  Noire  dossier  d'ailleurs  se  termine 
là  el  nous  n'en  savons  pas  davantage.  Ce  que  nous  venons 
dédire  suffit  pour  apprécier  les  sentiments  que  l'on  nourris- 
sait à  Malines,  à  l'égard  de  l'ancien  pasteur  janséniste. 

Avant  de  terminer,  disons  que  les  archives  de  la  ville 
de  Bruxelles  possèdent  un  exemplaire  du  catalogue  de  la 
bibliothèque  de  Yan  de  Nesse,  qui  fut  vendue  à  la  cure  le 
i  1  mai  et  les  jours  suivants.  Ce  catalogue  avait  été  imprimé 
chez  Emmanuel  De  Grieck,  imprimeur  des  États  de  Bra- 
bant,  qui  demeurait  rue  Sainte-Catherine,  à  la  Lampe 
d'or  (2). 


(1)  Voici,  comme  preuve  de  ce  que  j'avance,  un  extrait  tiré 
du  registre  des  décès  de  l'ancienne  paroisse  de  Sainte-Catherine  : 
«  27  februarius  17-16^  dilto  is  geslorven  dm  Erw.  heere  pastoor  Guil- 
»  lielmus  de  Van  de  Nesse,  pastoor  van  S'-Jans  toi  Moletibeke  en 
»  S.  Cnth'^.  binnen  Drussel,  endc  bchoorelyck  begravcn  door  het  capittel 
«  van  S.  Gudila  op  den  10  Mecrt  t'savonts  gesoncken  dm  dienste 
»  wegens  het  sterfflniys  is  gcschiet  den...  ditto,  misse  gesoiigen  D.  Ver- 
•'  schueren  een,  den  heere  pasfoor  van  Molenbeeck  een,  D.  Nacafes  eeti, 
«  dienen  Auwericx,  en  Pilois  offer  88.  vigilie  gesongen  by  versoeck  van 
«  het  sterffhuijs,  cantores  gedient  de  dry  missen  by  versoeck,  silvere 
»  cruys  ornamenlen,  baercleedt,  eygen  aerde,  fabrijck,  26  groote 
«  yeluyten,  8  geluyten  toi  Molenbeeck,  behangen  van  den  autaer  by 
»    versoeck  van  het  sterffhuys,  voor  de  kerck  S9-8, 

«    50  missen  met  de  baer  » . 

(2)  Catalogus  librorum  abnodum  Revercndi  et  Eruditissimi  Domini 
Guillelmi  de  Van  de  Nesse,  S.  T.  L.,  quondam  pastoris  S'-Joannis  in 
Molenheca  et  S'"-Catharinœ  BruxcUis,  quorum  auctio  habebitur  in 
domo  pastorali  ;  Die  11  May  et  sequentibus  diebus  Anni  1716.  Bru- 
xellis.  Apud  Emanuelem  De  Grieck,  typographum  liev.  ac  NobiUum 
statuum  Brabant.  In  Platca  S.  Catharinœ  sub  Aurea  lampade. 
MDCCXVl.  in-S»  de  16  pages. 


(  Hl  ) 

Il  esl  permis  de  supposer  qu'il  n'entra,  dans  ce 
moment  difficile,  dans  l'esprit  de  personne  de  recher- 
cher où  était  enseveli  Arnauld.  On  s'empressa  de  déposer 
les  restes  de  Van  de  Nesse  à  côté  de  ceux  de  ses  parents, 
et  très  certainement  on  ne  se  soucia  pas  de  provoquer 
inutilement  la  colère  de  l'archevêché.  Que  sont  deve- 
nues les  dépouilles  mortelles  du  célèbre  curé?  On  ne 
saurait  le  dire,  car  la  tombe  de  sa  famille  a  été  déplacée 
et  se  trouvait,  en  1880,  dans  la  nef  de  droite  de  l'église,  et 
non  plus  à  l'endroit  où  le  caveau  existait  primitivement. 
Le  sol,  plusieurs  fois  remanié  à  la  suite  de  travaux  effec- 
tués au  pavage,  n'offrait  partout  qu'un  amas  de  sable,  de 
plâtras  et  de  débris  de  tout  genre. 

La  conclusion  rigoureuse  à  tirer  de  ce  qui  précède 
est  donc,  je  le  répèle,  que  Van  de  Nesse  a  été  enseveli 
avec  ses  parents  et  non,  comme  le  prétend  Foppens,  à  côté 
d'Arnauld,  et  que  les  restes  que  l'on  a  pris  pour  les  débris 
de  leurs  corps  n'avaient  pas  cette  origine. 


ANNEXES. 


L 

Wy  oogergeschreven  vcrclaeren  ende  attesteren  dat  wy 
behouderlyck  naer  den  16  February  1716,  alswanneer  dat 
wylen  den  eerw.  heer  pastoor  van  Sint-Jans  lot  Molenbeeck 
ende  Sinle-Cathlynen,  Guilielmus  de  Van  de  Nesse,  syne  leeste 
HH.  Sacramenten  ontfangen  heeft,  van  tyt  lot  tyt  (om  dies- 
wille  synen  bichtvader  om  syne  andere  affairen  niet  gedurich 


(  d42  ) 

en  koste  by  hem  syn  in  syne  continuerende  betrouwtheden), 
by  bem  syn  gegaen  ende  bem  voorgchouwen  en  verweckt  tôt 
acte  van  geloove  ende  bet  geloove  van  artikel  tôt  artikel  in 
verscbeyde  ende  interraittende  poisen  bebben  voorgebouwen 
en  voorgelesen,  over  de  welcke  by  syn  geloove  verweckt 
ende  vernieuwt  beeft  oin  dat  Godt,  die  de  eeuwige  waerbyt, 
die  veropenbaert  beeft  ende  voorgebouwen  worden  van  onse 
naoeder  de  H.  Kercke.  Insgeiyck  is  oock  voorgelesen  op  de 
voorgenoerade  manière  den  Vader  ons  van  vrage  tôt  vrage. 
Voorders  bebben  wy  bem  voorgebouwen  en  voorgelesen  den 
Ave  Maria,  verscbeyde  andere  lectie,  soo  vuyt  de  Psalmen 
als  andere  boecken  van  de  Schrifiure  vuytdruckende  de 
offeninge  van  de  voorgaende  deughden  van  geloof,  bope  ende 
liefde,  penitenlie  en  van  aile  andere  Christelycke  deughden. 
Daerenboven  aïs  bem  voorgelesen  syn  die  artikelen  van  geloove  : 
Credo  in  Spiritum  Sancium,  imam  Sanclam  Catholicam  et 
Apostoiicam  Ecclesiain,  beeft  bertelyck  gesydt  :  u  Jae,  dat 
»  geloove  ickj  ende  daer  in  wiJie  en  wilde  levcn  en  ster- 
»  ven.  »  In  welcke  gestcltenisse  by  is  gebleven  ende  synen 
geesl  gegevcn  aïs  eenen  goeden  priester.  Actum  ten  versoeke 
van  de  naeste  vrienden  van  den  bovengenoemden  overlede- 
nen  pastoir  en  waeracbtig  kint  van  de  H.  Kercke,  op  den 
"27  february  1716,  outrent  den  raiddagh. 

Minute  du  temps,  chargée  de  ratures. 


II. 


Wy  ondergescrcven  verclaeren  ende  attesleren,  ten  ver- 
soeke van  de  naeste  bloetverwanten  van  wylen  den  eerw. 
beere  Guilielmus  de  Van  den  Nesse,  pastoir  van  S"  Catherine 
tôt  Bruessel  en  van  Sint  Jans  tôt  Molenbeke,  waerachtigh  te 
wesen  ende  gesien  te  bebben  dat  wylen  den  sclven  beere 
Pastoir  tsederl  synen  wedercorasle  van  Aken  in  den  jaere 


(  143  } 

scvenlhien  honderd  sesse,  van  lydt  tôt  tydt  publiekelyck  en 
ten  aensien  van  ieder  cen  tôt  syne  leste  sicckte  toe,  heeft 
misse  gelesen  ende  besondeilyck  op  de  sondaghen  ende  hey- 
ligdaghcn,  mitsgacders  dan  hy  oock  van  tydt  tôt  tydt  met  syn 
clergie  gesonghcn  heeft  de  Mcttenen,  Vesperen,  Completen, 
Diensten  van  Lycken,  Jaergetyden,  ende  met  hun  in  de  pro- 
cessie  heeft  gegaen  op  de  Cruysdaeghen  ende  Paeschdaegen 
ora  deu  Heylighen  Olie  te  haclen,  bereydt  synde  ail  het  selven 
onder  soleranelen  eedt.des  aensocht  oft  noodigh  synde,  te  affîr- 
meren.  Actum  tôt  Brussel  den  tweeden  meerdt  d716. 

Copie  du  temps. 

III. 

Ego  infrascriptus  declaro  et  fidem  facio  quod  16  feb.  anni 

1716  rogatus  (ut  mihi  referebat  circa  septiraam  vesperlinam 

reverendus  dominus  Verscbueren,  viccpastcr  Sanctae  Calha- 

rinse),  a  r**"  adnudum  domino  De  Meyer,  docano  insignis  colle- 

gialœ  ecclesiae  divorum  Michaelis  et  Gudiiœ,  tune  temporis 

indisposito,  administraverim  horâ  octavâ  vespertinà  Sanctum 

Sacramcnlura  Eucharistiœ  et  Saeramentum  Extremae  Unctionis 

rcvcrendo  domino  Guieleimo   De   Van    den   Nesse,   infirme 

ileservitori   Sanctse   Calherinœ    Bruxellis,   qui   ea  dévote   et 

jevcrenter  susccpit.  Sed  etiam  declaro  corara  Deo  quod  do 

cxcommunicatione  in  ipsum  lata  ex  conturaacia  ejus  nihil  mihi 

incident,  cujus  si  recordatus  fuissem,  certo  monuissem  ipsun 

secundum  olficium  meura  super  excommunicalionem  et  contu- 

niaciam,  et  si  mihi  non  satisfecisset  et  pœnitentiae  signa  super 

ea  conturaacia  non  dedisset,  sacramenla  extrema  ei  recusas- 

sem,  etc.  Datum  Bruxellis,  tertia  martii  1716,  et  crat  signa- 

tum  :  J.  H.  Schmerlingh,  prestiter,  canonicus  et  vicedecanus 

SS.  Michaelis  et  Gudulae. 

Copie  du  temps. 


(  144  ) 


Les  Grèves  en  Amérique.  —  Leurs  causes  et  leurs  résultats 
les  plus  récents;  par  Ch.  De  Quéker,  secréiaire  de  la 
Bourse  du  Travail  de  Bruxelles. 

Pour  juger  de  l'influence  que  peuvent  avoir  les  grèves 
sur  la  situation  de  la  classe  ouvrière  aussi  bien  que  sur 
celle  de  l'industrie,  il  est  nécessaire  d'examiner  leurs  effets 
dans  un  pays  où  ces  grèves  sont  oflîciellement  notées,  avec 
une  exactitude  et  une  régularité  que  nos  administrations 
feraient  bien  d'imiter. 

Le  Department  of  Labor  de  TEtat  de  New-Vork,  sous 
l'intelligente  direction  de  M.  Charles  F,  Peck,  a  mis,  il  est 
vrai,  plusieurs  années  pour  établir  cette  excellente  méthode 
d'investigation  sur  les  causes  et  les  effets  des  grèves,  que 
l'on  a  souvent  admirée,  mais  si  les  travaux  ont  été  très 
laborieux,  l'œuvre  a  été  couronnée  d'un  succès  complet,  et 
il  serait  difficile  de  produire  des  données  aussi  précises  et 
aussi  détaillées  que  celles  qui  sont  consignées  dans  les 
travaux  du  Bureau  des  statistiques  d'Albany  (N.-Y),  sur 
une  question  aussi  complexe  que  celle  des  relations  entre 
le  capital  et  le  travail. 

Les  investigations  du  Bureau  ont  porté  sur  les  conflits  et 
les  grèves  dans  presque  toutes  les  grandes  industries  de 
l'Etat  de  New-York  pendant  l'année  1890,  y  compris  la 
grande  grève  des  chemins  de  fer.  On  ne  considère  pas,  en" 
Amérique,  la  grève  comme  étant  un  simple  désaccord,  à 
propos  de  salaires  trop  peu  élevés  ou  d'une  durée  de 
travail    trop  longue,  entre  quelques  individus  isolés;  on 


(  <«  ) 

prend  plutôt  la  question  dans  son  ensemble  en  considérant 
toutes  les  conditions  de  l'existence  et  du  bien-être  du  sala- 
rié d'un  côté,  de  l'employeur  de  l'autre.  La  grève,  y  dit-on, 
est  le  sacrifice  d'un  bien  positif  et  immédiat,  fait  en  vue 
d'étendre  ce  bien  dans  l'avenir.  C'est  une  affirmation  de  la 
liberté  de  l'ouvrier,  car  sous  aucun  régime  despotique  l'ou- 
vrier n'a  joui  du  droit  de  grève,  et  il  faut  rendre  cette 
justice  à  l'école  de  Manchester,  aujourd'hui  tant  décriée, 
qu'elle  n'a  jamais,  du  moins  en  théorie,  nié  ce  droit. 

Pendant  l'année  1890,  la  grève  a  éclaté  pour  l'Étal  de 
INew-York  dans  6,258  établissements.  On  sait  qu'en  Amé- 
rique les  établissements  industriels  ainsi  que  les  Trades- 
Unions  sont  obligés,  sous  peine  d'amende,  de  fournir  au 
Bureau  des  statistiques  les  renseignements  qui  leur  sont 
demandés.  Peu  d'établissements  et  d'unions  ont  failli  à  ce 
devoir,  de  sorte  que  les  frais  d'instruction  sur  place  con- 
cernant les  causes  et  les  eff'eis  des  grèves  n'ont  pas  été  très 
élevés  pour  le  trésor  de  l'État. 

C'est  dans  l'industrie  du  bâtiment  qu'il  y  a  eu,  comme 
toujours,  le  plus  de  conflits.  Les  Trades-Unions  de  ces 
industries  sont  étroitement  fédérées;  leur  action  est  toujours 
générale  et  efficace.  Ces  unions  ne  tolèrent  pas  les  grèves 
partielles,  capricieuses  ou  non-motivées.  Elles  rejettent  de 
leur  sein  les  travailleurs  qui  se  mettent  en  grève  sans  auto- 
risation préalable.  Leur  discipline  est  très  sévère.  C'est 
grâce  à  celte  action  disciplinée  que  les  ouvriers  du  bâtiment 
sont  aujourd'hui,  pour  les  avantages  matériels,  à  la  tète  des 
travailleurs  américains. 

En  ces  dernières  années,  la  lutte  a  porté  surtout  sur  la 
question  de  la  journée  de  huit  heures.  Les  charpentiers 
et  menuisiers  avaient  été  désignés   pour  commencer  et 

3""*    SÉRIE,    TOME    XXVI.  10 


(  146  ) 
soutenir  la  grève.  Au  bout  de  quelques  jours,  ils  gagnèrent 
à  leur  cause  les  patrons  de  New-York  et  de  Brooklyn. 
Par  la  suite,  la  journée  de  huit  heures  fut  conquise  dans 
presque  toutes  les  autres  villes  pour  l'industrie  du  bâtiment, 
et  celle  de  neuf  heures  pour  beaucoup  d'autres  industries. 

La  grande  grève  du  New  York-Central  avait  pour  motif 
l'exclusion  d'un  certain  nombre  d'employés  unionistes  (1) 
par  cette  compagnie  de  chemin  de  fer. 

Dans  beaucoup  de  cas  les  unions  ont  déclaré  des  grèves 
terminées  dès  le  lendemain  du  jour  où  le  caprice  de 
quelques  individus  les  avait  déclarées.  Ces  grèves  n'ont 
donc  eu  aucun  succès. 

Sur  les  6,258  grèves,  5,435  ont  été  aplanies  par  un 
accord  intervenu  entre  les  industriels  et  les  organisations 
ouvrières,  296  par  un  accord  direct  entre  les  patrons  et 
les  ouvriers  en  grève,  6  par  un  arbitrage  étranger  aux 
parties  en  conflit,  4-64  ont  été  abandonnées  par  les  ouvriers 
sur  l'injonction  des  Trades-Unions,  i\  ont  fini  on  ne  sait 
commeni,  et  pour  les  48  restantes,  le  Bureau  n'a  pu 
recueillir  de  renseignements. 

La  question  des  salaires  n'a  joué  qu'un  rôle  secondaire 
dans  les  grèves  de  1890.  L'ouvrier  américain,  et  en  par- 
ticulier celui  de  l'Étal  de  New-York,  gagne  d'ailleurs  un 
salaire  proportionnellement  plus  élevé  que  celui  d'aucun 
ouvrier  au  monde.  Cela  résulte  évidemment  de  la  grande 
prospérité  du  pays,  mais  il  est  hors  de  doute  que  cette 
situation  est  due  en  outre  à  l'étroite  solidarité,  à  la  mutua- 


(1)  La  Compagnie  du  New-York-Central  a  toujours  nié  que  cette 
exclusion  des  unionist  mm  ait  été  systématique,  et  les  grévistes  ont 
dû  finir  par  admettre  ses  raisons. 


(   i^7  ) 
lilé  qui  y  régnent  dans  la  classe  laborieuse.  Les  ouvriers  les 
moins  unis  pour  la  défense  de  leurs  intérêts,  comme  les 
ouvriers  du  vêlement,  par  exemple,  y  reçoivent  aussi  les 
salaires  les  moins  élevés. 

Pour  les  6,258  établissements  en  grève,  on  a  constaté 
une  augmentation  des  salaires  dans  1,902,  une  diminution 
dans  463,  et  des  salaires  sans  variations  dans  5,764  cas. 
Pour  129  établissements,  les  renseignements  manquent. 
Ce  sont  les  professions  du  bâtiment  qui  ont  profité  le  plus 
des  augmentations  de  salaires,  et  cela  malgré  le  grand 
nombre  de  non  unionist  men  venant  des  autres  Etats  amé- 
ricains ou  de  l'Europe.  Les  ouvriers  du  vêtement  ont  eu 
aussi  une  bonne  part  dans  les  augmentations  des  salaires, 
quoique  leur  gain  soit  encore  bien  inférieur  à  celui  de 
leurs  camarades  des  autres  métiers. 

11  y  avait  longtemps  que  les  grèves  n'avaient  plus  eu 
pour  cause  les  heures  de  travail.  Il  y  a  quelques  années  une 
grande  agitation  avait  eu  lieu  en  faveur  de  la  journée  de 
travail  des  femmes  et  des  enfants.  A  la  suite  de  cette  agita- 
tion, l'État  a  pris  en  mains  la  cause  de  ces  personnes 
protégées,  et  la  plupart  des  abus  ont  disparu  grâce  à  l'action 
des  inspecteurs  de  l'industrie.  Les  femmes  et  les  enfants  ne 
travaillent  plus  guère  que  8  heures  par  jour,  mais  TÉlat 
avait  cru  ne  pas  devoir  intervenir  pour  l'ouvrier  adulte. 
Celui-là  n'avait  qu'à  se  protéger  lui-même  (1).  Il  Ta  fait 


(1)  Le  Statut  des  États-Unis  fixe  à  huit  heures  le  maximum  de  la 
journée  de  travail,  mais  cette  disposiu'on  est  absolument  lettre  morte, 
car  la  loi  ajoute  :  «  à  moins  de  stipulation  contraire  entre  les  con- 
tractants »,  et  les  tribunaux  considèrent  comme  stipulation  contraire 
de  la  part  de  l'ouvrier,  le  fait  d'avoir  travaillé  dans  une  fabrique 
où  la  journée  normale  légale  est  dépassée. 


(  148  ) 

par  les  grèves  de  1890.  Ce  sont  surtout  les  ouvriers  qui  ne 
travaillent  actuellement  que  pendant  10  ou  9  heures  par 
jour,  qui  ont  vu  leur  journée  réduite  à  8  heures.  Un  certain 
nombre  d'ouvriers  non  organisés  ont  voulu  suivre  ce  mou- 
vement, mais  en  général  ils  n'ont  pas  réussi.  Ils  travaillent 
encore  pendant  15  et  16  heures  par  jour,  comme  avant  la 
grève.  Il  n'y  a  d'ailleurs  pas  de  milieu  :  les  statistiques 
officielles  démontrent  que  tous  les  ouvriers  fortement  orga- 
nisés ne  travaillent  plus  que  pendant  8  et  9  heures,  tandis 
que  ceux  qui  n'ont  aucune  espèce  d'organisation  travaillent 
de  15  à  20  heures.  Les  journées  moyennes  de  11,  12  et 
15  heures  sont  rares.  Ces  chiffres  nous  semblent  assez 
éloquents. 

Sur  les  6,258  grèves  qui  nous  occupent,  16  avaient  eu 
pour  résultats  une  augmentation  d'heures,  2,087  une 
diminution  d'heures,  4,155  n'avaient  apporté  aucun  chan- 
gement au  point  de  vue  des  heures  du  travail.  Pour  quatre 
industries,  employant  ensemble  1,184  ouvriers,  la  réduction 
des  heures  de  travail  avait  procuré  de  la  besogne  à  55 
nouveaux  ouvriers,  ce  qui  fait  une  augmentation  d'environ 
4,6  7o  des  ouvriers  employés.  On  n'avait  pu  obtenir  ce 
renseignement  pour  toutes  les  autres  grèves.  Ce  serait 
cependant  là  un  point  très  intéressant  à  éclaircir,  car  beau- 
coup de  partisans  de  la  journée  de  huit  heures  prétendent 
que  ce  système  suffira  pour  employer  tous  les  bras  innoc- 
cupés.  Cette  affirmation  paraît  au  moins  exagéiée  et  con- 
traire aux  résultats  de  l'expérience. 

Les  grèves  de  sympathie,  c'est-à-dire  celles  entreprises 
pour  soutenir  les  revendications  des  ouvriers  d'une  indus- 
trie autre  que  celle  à  laquelle  appartiennent  les  grévistes, 
n'ont  pas  été  rares.  Le  résultat  de  ces  grèves  est  générale- 
ment sensible  (il  y  en  a' eu  752).  L'employeur,  tout  en 


(  149  ) 
éprouvant  un  certain  dommage,  a  la  satisfaction  de  con- 
stater que  ses  ouvriers  n'ont  aucun  grief  à  faire  valoir  chez 
lui,  et  il  déploie  souvent  une  grande  énergie  pour  obliger 
leux  des  patrons  de  son  syndicat,  chez  qui  la  grève  a 
éclaté,  d'arriver  à  une  entente.  Il  y  avait  eu  en  tout  8,534 
grévistes  de  sympathie  en  1890;  H4  d'entre  eux  avaient 
perdu  leur  travail  à  la  suite  de  ces  actes  de  solidarité.  La 
somme  des  salaires  perdus  par  tous  ces  ouvriers  s'élevait  à 
250,393  dollars,  et  celle  des  pertes  subies  par  les  patrons  à 
25,076  dollars.  De  ces  732  grèves  de  sympathie, €44  avaient 
amené  le  résultat  désiré  par  les  grévistes,  80  n'avaient  pas 
réussi  et  8  étaient  douteuses,  quant  au  résultat  ;  625  avaient 
été  aplanies  par  un  accord  conclu  avec  les  Unions, 
27  par  un  accord  direct  avec  les  grévistes  et  80  avaient 
été  abandonnées  par  ordre  des  chefs  du  mouvement 
ouvrier. 

Avant  de  se  mettre  en  grève,  les  Unions  américaines 
ont  l'habitude  de  calculer  ce  qu'elles  ont  à  perdre  et  ce 
qu'elles  ont  à  gagner.  Elles  examinent  whether  the  game 
is  worth  playing,  nous  dirions  :  si  le  jeu  vaut  la  chandelle. 
D'après  leurs  renseignements,  fournis  au  Bureau  des  stati- 
stiques, pour  2,521  établissements,  comptant  57,442  gré- 
vistes, il  y  a  eu  une  perte  de  salaires  de  1,389,164  dollars. 
Les  plus  pauvres,  les  moins  unis,  les  plus  mal  payés  et 
aussi  les  plus  turbulents  d'entre  les  grévistes,  les  tailleurs 
notamment,  avaient  perdu  en  salaires  415,571  dollars,  et 
les  cigariers  445,978  dollars. 

Don  'l  slrike  when  business  is  dull  !  (ne  faites  pas  la 
grève  quand  le  travail  bat  d'une  aile)  est  une  devise  en 
honneur  dans  toutes  les  Trades-Unions.  Ceux  qui  n'en 
tiennent  pas  suffisamment  compte,  payent  leur  étourderie 
de  la  perle  de  leur  travail,  souvent  avant  que  la  grève 


(  ISO) 

soit  terminée.  On  estime  à  o,049  le  nombre  de  grévistes  qui 
ont  ainsi  perdu  leur  travail,  sur  un  total  de  93,894,  soit 
environ  5.4  7„.  De  ces  5,049  salariés  non  replacés,  la  grève 
des  chemins  de  fer  en  fournil  1,916  dont  le  replacement 
semble  avoir  été  beaucoup  plus  difficile  que  celui  des 
autres  ouvriers. 

Outre  les  pertes  considérables  en  salaires  dont  nous 
venons  de  parler,  les  Trades-Unions,  au  nombre  de  61, 
avaient  sacrifié  une  somme  de  131,518  dollars,  dont 
17,170  pour  les  Unions  des  tailleurs.  Le  Conimissaire  du 
travail  est  d'avis  qu'une  grande  partie  de  cette  somme  doit 
leur  avoir  été  fournie  par  des  personnes  qui  n'appar- 
tiennent pas  à  la  classe  ouvrière. 

D'un  autre  côté,  42,097  ouvriers  ont  réussi  à  obtenir 
une  augmentation  de  salaires  qui  se  chiffre  par  un  total 
annuel  de  3,1 22,883  dollars.  Le  total  des  dépenses,  tant  en 
pertes  de  salaires  qu'en  sacrifices  faits  par  les  ouvriers  et 
par  les  Unions,  étant  de  1,520,082  dollars,  il  y  aurait  donc, 
somme  toute,  un  bénéfice  annuel  pour  les  ouvriers  de 
1,602,201  dollars;  mais  il  est  évident  que  ce  bénéfice, 
résultant  des  efforts  de  la  généralité  des  95,894  grévistes, 
ne  profitera  en  réalité  qu'aux  42,097  privilégiés  d'entre 
eux.  Il  est  vrai  que  la  plupart  des  autres  n'ont  pas 
demandé  d'augmentation  de  salaires. 

Le  bénéfice  annuel  moyen  de  chacun  des  grévistes 
victorieux  a  donc  été  d'environ  38  y,  dollars  par  an.  Si 
l'on  prend  la  somme  des  salaires  qu'obtiendront  ces  42,970 
ouvriers  privilégiés,  ils  recevront  en  réalité  chacun  une 
augmentation  moyenne  annihile  de  74  '/e  dollars. 

Il  est  arrivé  assez  souvent  que  les  ouvriers  ont  refusé 
de  remplir  leurs  engagements  conlractutls,  notamment 
lorsqu'ils  avaient  été  engagés  à  des  salaires  très  bas  et  que 


(Ibl  ) 

tout  à  coup  ils  ont  constaté  une  augmcntaiinn  de  salnirrs 
sur  le  marché  du  travail.  Les  ouvriers  n'avaient  évidem- 
ment pas  raison,  au  point  de  vue  du  droit,  dans  ces  cas.  Mais 
comme  leur  contrat  est  une  affaire  purement  civile,  Pindus- 
triel  se  trouve  désarmé  vis-à-vis  de  ses  ouvriers.  Les  tribu- 
naux condamneront  bien  les  grévistes  à  payer  des  dom- 
mages au  patron,  mais  comme  ces  ouvriers  sont  insolvables, 
le  patron  n'y  gagne  rien.  La  justice  ne  peut  pas  ramener 
les  ouvriers  de  force  à  leur  atelier  :  ce  sérail  les  condamner 
aux  travaux  forcés,  peine  non  prévue  pour  rupture  d'un 
contrat  civil. 

Le  Département  du  travail  a  reçu,  quant  aux  perles 
subies,  les  renseignements  de  597  établissements;  412  de 
ceux-ci  disent  avoir  perdu  ensemble  263,868  dollars, 
somme  relativement  peu  importante,  et  179  patrons  répon- 
dent plus  exactement  «  qu'on  industriel  ne  peut  pas  perdre 
ce  qu'il  n'a  jamais  eu  »,  et  que,  par  conséquent,  il  leur  est 
impossible  d'évaluer  ce  que  les  grèves  leur  ont  empêché 
de  gagner. 

Il  n'est  pas  rare  de  constater  qu'à  la  suite  d'une  grève 
une  industrie  se  déplace.  La  concurrence,  l'application  de 
procédés  nouveaux  font  en  ces  circonstances  tout  ce  qui 
est  possible  pour  atteindre  ce  but.  Un  déplacement  plus  ou 
moins  considérable  de  leur  industrie  a  été  constaté  par 
611  maisons,  mais  elles  nom  pu  indiquer  si  ce  qu'elles 
ont  perdu  est  allé  aux  employeurs  de  leur  localité  ou  bien 
à  ceux  d'autres  places.  Par  contre,  1,468  patrons  ont 
répondu  que  leur  industrie  ne  s'est  pas  déplacée  pour  la 
plus  petite  partie.  De  ce  chef,  les  premières  firmes  estiment 
leurs  pertes  à  204,638  dollars,  mais  285  d'entre  elles 
avouent  ne  pas  pouvoir  estimer  exactement  leurs  pertes. 

Ce  n'est  pas  sans  satisfaction  que  les  autorités  améri- 


(  1S2  ) 

caines  conslalenl  que  les  pertes  causées,  par  les  dégâts  aux 
immeubles,  aux  marchandises  ou  aux  macliines,  en  temps 
de  grève,  ont  été  fort  peu  considérables  en  1890.  Antérieu- 
rement, l'État  subissait  de  grands  dommages  par  suite 
d'une  série  d'attentats  coupables  dont  il  était  obligé  de 
payer  les  frais.  Mais  les  grévistes  américains  paraissent 
faire  leur  éducation...  gréviste.  Pour  les  6,438  grèves,  il 
n'y  a  que  42  patrons  qui  signalent  des  dommages  de  ce 
genre;  la  plupart  d'entre  eux  se  plaignent  de  ce  que  les 
ouvriers  ont  abandonné  un  ouvrage  non  terminé,  ou  ont 
refusé  de  faire  mouvoir  les  machines  destinées  à  prévenir 
les  dégâts  aux  marchandises.  C'est  là,  on  le  remarquera, 
tout  autre  chose  que  la  destruction  violente  de  machines 
ou  de  marchandises. 

Les  dommages  causés  par  les  refus  en  question  ne  se 
chiffrent  qu'à  11,422  dollars,  auxquels  il  faut  ajouter 
1,865  dollars  de  pertes,  signalées  par  13  firmes  par  suite 
«  du  manque  d'expérience  de  leurs  nouveaux  ouvriers  ». 

Par  suite  des  grèves,  le  travail  a  dû,  en  outre,  être 
suspendu  pour  quelques  jours  dans  1,689  établissements, 
la  plupart  de  ceux-ci  manquant  de  matières  premières  pour 
pouvoir  continuer  à  travailler. 

Sur  les  6,2S8  établissements  où  la  grève  a  éclaté,  125 
ont  signalé  le  mouvement  comme  agité,  2,141  comme 
pacifique,  et  les  autres  ont  répondu  que  le  mouvement 
n'était  «  ni  dangereux  ni  pacifique  »,  réponse  qui  demande 
peu  de  réflexion.  Il  est  étonnant  que,  sur  un  total  de 
93,844  grévistes,  la  police  n'ait  dû  opérer  que  257  arresta- 
tions pour  contraventions  à  la  loi  ou  à  l'ordre  public. 
Ces  arrestations  ont  le  plus  souvent  pour  cause  ks  cris,  le 
refus  de  circuler,  et  dans  certains  cas  les  coups  et  blessures. 
Les  tailleurs  se  sont  particulièrement  distingués  par  leurs 


(  i?«3  ) 
violences,  probablement,  dit  un  journal  de  New- York  (1) 
«  à  cause  de  la  température  surchauffée  dans  laquelle  ils 
travaillent!  ■ 

Les  femmes  ont  généralement  suivi  les  hommes  en 
grève,  là  où  Ton  emploie  des  ouvriers  des  deux  sexes. 
C'est  surtout  dans  les  fabriques  de  cigares  et  de  lingeries 
qu'il  y  a  eu  beaucoup  de  grévistes  féminins.  Ce  ne  sont  pas 
elles  qui  crient  le  moins  fort;  le  chef  de  la  police  de  l'Etal 
de  New- York  affirme  que  les  i 0,961  femmes  qui  ont  fait 
la  grève  «  ont  fait  plus  de  bruit  que  les  grévistes  masculins, 
huit  fois  plus  nombreux  ».  Aucun  des  comtés  de  l'Etat  de 
New- York  ne  peut  se  flatter  d'avoir  vu  passer  Tannée  1890 
sans  grèves,  mais  c'est  surtout  le  comté  de  New- York  qui 
en  a  eu  le  plus,  notamment  4,960;  d'autres  comtés  n'ont 
eu  qu'une  seule  grève,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que 
parmi  ces  comtés,  il  y  en  a  deux  qui  ne  comptent  qu'wn  seul 
établissement  industriel  ! 

De  tout  ce  qui  précède,  on  peut  résumer  la  situation  et 
les  résultais  des  grèves  de  l'État  de  New- York  pendant 
Tannée  1890,  par  les  données  générales  suivantes  : 

Il  y  a  eu  6,258  grèves  dans  170  industries  différentes. 

De  ces  grèves  S,o66  ont  réussi  pour  les  ouvriers,  465 
n'ont  pas  réussi,  la  réussite  de  169  était  très  compromise 
et  58  n'étaient  pas  terminées  à  la  fin  de  Tannée. 

11  y  a  eu  en  tout  93,894  grévistes;  5,049  de  ceux-ci  ont 
perdu  leur  travail  à  la  suite  des  grèves. 

Les  pertes  totales  en  salaires  se  sont  élevées  à  1  million 
389,164  dollars. 

Les  dépenses  en  secours  aux  grévistes,  etc.,  se  sont 
élevées  à  131,518  dollars. 

(l)  The  !Vew- York  Sun. 


(184  ) 

On  estime  que  les  ouvriers  qui  ont  obtenu  gain  de 
cause  ont  gagné  une  augmentation  annuelle  de  salaires 
de  3  millions  122,883  dollars. 

Les  pertes  subies  par  lès  industriels  ont  été  de 
481,524  dollars. 

Conclusions. 

Nous  pensons  que  ces  chiffres  sont  de  nature  à  faire 
réfléchir  les  adversaires  de  toute  intervention  des  pouvoirs 
publics  pour  pacifier  les  rapports  entre  le  capital  et  le 
travail.  Ces  non-interventionnistes  sont  d'avis  que  l'ouvrier 
est  parfaitement  à  même  de  se  protéger  lui-même  contre 
les  exigences  des  industriels,  et  les  résultats  des  grèves 
américaines  semblent  donner  raison  à  cette  théorie. 

Mais  il  s'agit  de  savoir  s'il  faut  pousser  l'ouvrier  à  se 
proléger  lui-même  de  la  façon  anglaise  ou  américaine,  et  s'il 
faut  lui  faire  envisager  la  grève  comme  l'unique  issue  à  une 
situation  dont  il  se  plaint. 

L'ancienne  école  économique  qui  se  qualifie  bien  à  tort  de 
«libérale»,  celle  qui,  comme  s'efforce  de  le  démontrer  M.  le 
professeur  Th.  Ziegler,  de  Strasbourg,  dans  son  ouvrage  : 
Die  soziale  Frage  (1),  a  donné  naissance  au  socialisme, 
cette  école  l'affirme.  Mais  nous  avons  la  conviction  que  ses 
derniers  représentants  autorisés  en  notre  pays  ne  parlent 
ainsi  que  parce  que  l'ouvrier  belge  ne  «  se  protège  »  pas 
encore  comme  son  camarade  de  race  anglo-saxonne.  Le 
jour  où  il  le  ferait,  notre  école  du  laisser- faire  absolu  pour- 
rait bien  être  soudainement  frappée  de  mutité. 


(1)  Die  soziale  Frage  eitic  sittiche  Frage  von  Dr.  Th.  Ziegler  de 
Strasbourg.  —  StuUgart,  Gôschen'sclie  V'erlagshandelung,  1891. 


(  I5S  ) 

S'il  n'y  avait  dans  le  pays  que  des  ouvriers  et  des 
industriels,  on  pourrait,  avec  moins  d'inconvénients,  les 
laisser  aux  prises  et  s'abstenir  de  toute  intervention.  Il  est 
à  remarquer  que  quatre-vingt-dix-neuf  pour  cent  des 
industriels  sont  non-interventionnistes,  et  que,  parmi  les 
ouvriers,  ceux  qui  réclament  l'intervention  de  la  loi, 
quoique  fort  nombreux,  sont  loin  de  former  la  majorité, 
les  autres  étant  d'avis  qu'ils  sont  «  assez  forts  »  pour  faire 
leurs  affaires  eux-mêmes. 

Ces  non- interventionnistes  sont  évidemment,  en  cer- 
taines circonstances,  plus  dangereux  pour  l'ordre  public 
que  ceux  qui  réclament  l'appui  de  la  loi,  et  c'est  pourquoi 
tous  ceux  qui  ne  sont  ni  industriels  ni  ouvriers  et  qui,  par 
conséquent,  n'ont  rien  à  gagner  mais  tout  à  perdre  à  voir 
les  non-interventionnistes  aux  prises  en  de  fréquentes 
grèves,  se  joignent  si  volontiers  aux  hommes  d'étude  qui 
adjurent  les  parlements  de  diminuer,  par  de  multiples  et 
bonnes  lois  sociales,  ces  conflits  si  pénibles.  Les  grèves, 
quoi  qu'on  en  dise,  ne  sont  pas  à  la  hauteur  de  notre  civi- 
lisation qui  se  réclame  de  l'égalité  et  de  la  fraternité,  et  qui 
ne  donnerait  ainsi  comme  seule  arme  à  deux  grandes 
classes,  pour  la  défense  de  ce  qu'ils  considèrent  être  leurs 
droits,  que  la  perspective  de  s'affamer  les  uns  les  autres. 

Il  a  d'ailleurs  été  démontré  maintes  fois  que  dans  les 
pays  qui  possèdent  le  plus  de  ces  lois  sur  la  police  du 
travail,  les  grèves  sont  proportionnellement  les  moins  fré- 
quentes et  que,  au  point  de  vue  du  bien-être  acquis,  les 
ouvriers  ont  obtenu  tout  autant,  si  pas  plus,  dans  ces  pays 
que  dans  ceux  du  laisser-faire  où  Ton  attend  tout  de  la 
force  brutale  des  deux  antagonistes  en  présence. 


(  m  ) 

CLASSE    DES  BEAUX-ARTS. 


Séance  du  6  juillet  4895. 

M.  Ad.  Samuel,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  J.^Stallaert,  vice-directeur;  C.-A. 
Fraikin,  F.-A.  Gevaerl,  Godfr.  Guffens,  Jos.  Schadde, 
J.  Demannez,  G.  De  Groot,  G.  Biot,  H.  Hjmans,  H.  Beyaerl, 
Al.  Markelbach,  J.  Robie,  G.  Huberli,  A.  Hennebicq,  Éd. 
Van  Even,  membres;  Alfr.  Cluysenaar  et  Alb  De  Vriendt, 
correspondants. 

CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  Plnstruction  publique 
transmet  le  premier  rapport  de  M.  Égide  Rombaux,  prix 
de  Rome  pour  la  sculpture  en  1891,  sur  ses  travaux  pen- 
dant l'année  1892. —  Renvoi  à  la  section  de  sculpture. 


CAISSE    CENTRALE    DES   ARTISTES. 

M.  Hymans,  secrétaire  du  Comité  directeur  de  la  Caisse 
centrale  des  artistes,  fait  savoir  que  M.  Henri  Van  Cutsem 
vient  de  faire  don  à  la  Caisse  d'une  somme  de  mille  francs. 
—  La  Classe  vole  des  remerciements  à  M.  Van  Cutsem 
pour  cette  nouvelle  libéralité. 


(i57) 
CONCOURS. 


En  vertu  d'une  décision  de  la  Classe  des  beaux-arts, 
votée  en  séance  du  2  juin  1892,  ses  programmes  de  con- 
cours seront  publiés  dorénavant  en  français  et  en  flamand. 


PROGRAMME  DE  CONCOURS  POUR  L'ANNÉE  1894. 

PARTIE    lilTTÉRAIRE. 

Première  question. 

Faire  Vhhtoire  de  la  céramique  au  point  de  vue  de  l'art, 
dans  nos  provinces,  depuis  le  XV*  siècle  jusqu'à  la  fin  du 
XVIIP  siècle. 

Deuxième  question. 

Quelle  influence  ont  exercée  en  France,  du  XI V'  au 
XVI'  siècle,  les  sculpteurs  nés  dans  les  provinces  belgiques 
et  dans  la  principauté  de  Liège?  Citez  tes  œuvres  nées  de 
cette  influence  et  les  maîtres  qui  la  caractérisent. 

Les  mots  «  provinces  belgiques  »  sont  pris  ici  dans 
Tacceplion  qu'ils  avaient  au  XVI*  siècle. 

Troisième  question. 

Déterminer,  en  les  précisant  par  des  croquis,  les  carac- 
tères de  l'architecture  flamande  du  XVI'  siècle.  Indiquer 
les  principaux  édifices  dans  lesquels  ces  caractères  se  ren- 
contrent. Donner  l'analyse  de  ces  édifices. 


(188) 

La  valeur  des  médailles  d'or,  présentées  comme  prix 
sera  de  huit  cents  francs  pour  la  première  question,  et  de 
mille  francs  pour  les  deuxième  et  troisième. 

Les  mémoires  envoyés  en  réponse  à  ces  questions 
doivent  être  lisiblement  écrits  et  peuvent  être  rédigés  en 
français,  en  flamand  ou  en  latin,  ils  devront  être  adressés, 
francs  de  port,  avant  le  1"juin  1894,  à  M.  le  chevalier 
Edmond  Marchai,  secrétaire  perpétuel,  au  palais  des 
Académies. 

Les  auteurs  ne  mettront  point  leur  nom  à  leur  ouvrage; 
ils  n'y  inscriront  qu'une  devise,  qu'ils  reproduiront  sur 
un  pli  cacheté  renfermant  leur  nom  et  leur  adresse 
(il  est  défendu  de  faire  usage  d'un  pseudonyme);  faute,  par 
eux,  de  satisfaire  à  ces  formalités,  le  prix  ne  pourra  leur 
être  accordé. 

Les  ouvrages  remis  après  le  temps  prescrit  ou  ceux  dont 
les  auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière  que  ce 
soit,  seront  exclus  du  concours. 

L'Académie  demande  la  plus  grande  exactitude  dans  les 
citations  :  elle  exige,  à  cet  efl'et,  que  les  concurrents  indi- 
quent les  éditions  et  les  pages  des  ouvrages  qui  seront 
mentionnés  dans  les  travaux  présentés  à  son  jugement. 

Les  planches  manuscrites,  seules,  seront  admises. 

L'Académie  se  réserve  le  droit  de  publier  les  travaux 
couronnés. 

Elle  croit  devoir  rappeler  aux  concurrents  que  les 
manuscrits  des  mémoires  soumis  à  son  jugement  restent 
déposés  dans  ses  archives  comme  étant  devenus  sa  pro- 
priété. Toutefois,  les  auteurs  peuvent  en  faire  prendre 
copie  à  leurs  frais,  en  s'adressant,  à  cet  effet,  au  secrétaire 
perpétuel. 


(  lîi9) 

ART   APPLIQUÉ. 

Musique. 

On  demande  un  quatuor  pour  instruments  à  archet. 

Prix  :  Mille  francs. 

(Ce  concours  est.  exclusivement  limité  entre  les  compo- 
siteurs belges  ou  naturalisés.) 

Architecture. 

On  demande  les  plans  d'un  Musée  destiné  exclusivement 
aux  œuvres  de  sculpture. 

L'édifice  ne  comportera  qu'un  seul  étage,  élevé  sur  un 
soubassement.  Le  terrain  réservé  à  la  construction  présen- 
tera une  superficie  de  4,000  mètres  carrés,  y  compris 
les  cours  et  jardins. 

L'édifice  comprendra  : 

1°  Des  salles  d'exposition  pour  les  œuvres  assyriennes, 
égyptiennes,  grecques,  romaines  et  modernes,  qui,  toutes, 
seront  disposées  par  ordre  chronologique;  —  2"  Des  anti- 
chambres et  cabinets  à  l'usage  des  conservateurs  du  Musée; 

—  3°  Une  loge  de  concierge;  —  -4"  Un  vestiaire;  —  5"  Le 
soubassement  renfermera,  outre  l'habitation  du  concierge, 
des  ateliers  pour  la  restauration  el  le  moulage  des  œuvres 
de  sculpture. 

Les  concurrents  soumettront  :  1°  Le  plan  principal  de 
l'édifice;  —  2°  La  façade  principale  el  la  façade  latérale; 

—  5"  La  coupe  transversale  el  la  coupe  longitudinale  (ces 


(  i60  ) 
plans  seront  dressés  à  l'échelle  de  1  cenlinièlre  par  mètre); 
—  et  4"  le  plan  général,  dressé  à  Téchelle  de  2  millimètres, 
comprendra  la  distribution  du  soubassement. 

Prix  :  Mille  francs. 

(Ce  concours  est,  aussi,  exclusivement  limité  entre  les 
architectes  belges  ou  naturalisés.) 

Le  délai  pour  la  remise  des  partitions  ou  des  plans 
expirera  avant  le  1*'  octobre  1894. 

L'Académie  n'accepte  que  des  travaux  complètement 
terminés  :  les  partitions  devront  être  lisiblement  écrites; 
les  différents  plans  des  projets  d'architecture  devront  être 
collés  sur  toile  et  placés  sur  châssis.  Les  partitions  ainsi 
que  les  plans  porteront  chacun  une  devise  ou  une  marque 
distinctive  qui  sera  reproduite  sur  un  pli  cacheté  renfer- 
mant le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur  (il  est  défendu  de  faire 
usage  d'un  pseudonyme). 

Faute,  par  les  auteurs,  de  satisfaire  à  ces  formalités,  le 
prix  ne  pourra  leur  être  accordé. 

Le  manuscrit  de  la  partition  couronnée  reste  la  pro- 
priété de  l'Académie.  L'auteur  peut  en  faire  prendre  copie 
à  ses  frais.  L'auteur  des  plans  couronnés  pour  le  sujet 
d'architecture  est  tenu  de  donner  une  reproduction  photo- 
graphique de  son  œuvre,  pour  être  conservée  dans  les 
archives  de  l'Académie. 

Les  travaux  rerais  après  le  terme  prescrit,  ou  ceux  dont 
les  auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière  que  ce 
soit,  seront  exclus  du  concours. 


(  i61  ) 

PROGRAMMA  DER  PRIJSKAMPEN  VOOR 
HET  JAAR  1894. 

liETTERftiUIVDICl    CiEDEEI^TE. 

EERSTE    PRIJSVRAAG, 

Schrijf  de  geschiedenis  der  pottebakkerswaren,  als 
kunslwerken  beschouwd,  in  onze  provinciën^  van  de  XV' 
lot  het  einde  der  XVIII^  eeuw. 

TWEEDE  PRIJSVRAAG. 

Welken  invloed  oefenden  in  Frankrijk,  van  de  XIV'' 
lot  de  XVI^  eeuw,  de  beeldhouwers,  geboren  in  de  Belgische 
provinciën  en  in  het  prinsdom  Luik?  Haal  de  werken  aan, 
onfstaan  onder  dien  invloed,  en  de  nieesters,  die  er  het 
kenmerk  van  dragen. 

De  woorden  «  Belgische  provinciën  »  inoelen  hier  ver- 
slaan  worden  in  den  zin,  dien  zij  hadden  in  de  XVI°  eeuw. 

DERDE    PRIJSVRAAG. 

Bepaal  de  kenteekens  der  Vlaamsche  bouwkunst  in  de 
XVI'  eeuw,  en  doe  ze  nader  kennen  door  geschetsle  teeke^ 
ningen.  Duid  de  voornaamste  gebouwen  aan,  waarin  men 
die  kenteekens  aantrefl.  Geef  eene  ontleding  dezer  gebou- 
wen. 

De  waarde  der  gouden  eerepenningen,  die  als  prijs 
dezer  vragen  worden  uilgeloofd,  bedraagl  achthonderd 
frank  voor  de  eerste,  en  duizend  frank  voor  de  tweede  en 
voor  de  derde. 

De  verhandelingen,  als  anlwoord  op  deze  prijsvragen 
ingezonden,  moelen  duidelijk  geschreven  en  mogen  in  hel 
Fransch,  in  het  Nederlandsch  of  in  het  Latijn  opgesleld 

3""*    SÉRIE,   TOME    XXVI.  H 


(  i62  ) 
worden.  Zij  moelen  uilerlijk  \66r  l'^'Juni  1894  vrachtvrij 
aan  den  heer  ridder  Edmond  Marchai,  beslendigen  Secre- 
laris,  in  hel  paleis  der  Academiën,  le  Brussel,  toegestuurd 
worden. 

De  schrijvers  zullen  hunnen  naam  niel  op  hun  werk 
zellen;  zij  zullen  er  alleen  eene  kenspreiik  op  vermelden, 
die  zij  zullen  herhalen  in  eenen  verzegelden  brief,  hunnen 
naam  en  hun  adres  aanduidende.  (Hel  is  verboden  eenen 
schijnnaam  le  bezigen.) 

Indien  zij  dit  voorschrifl  niel  in  acht  nemen,  kan  de 
prijs  hun  niel  loegekend  worden. 

De  werken,  die  na  den  bepaaiden  termijn  besleld  zijn, 
en  diegene,  wier  schrijvers  zich  zullen  doen  kennen, 
op  welke  wijze  bel  ook  zij,  zullen  buiten  den  prijskamp 
gesloten  worden. 

De  Académie  verlangl  de  grootsle  nauwkeurigheid  in  de 
aanhalingen  :  zij  eischl  le  dien  einde,  dal  de  mededingers 
de  uitgaven  en  de  bladzijden  aanduiden  der  boeken,  welke 
vermeld  worden  in  de  verbandelingen,  aan  hare  beoordee- 
ling  onderworpen. 

De  met  de  hand  geleekende  plalen  zullen  alleen  loege- 
lalen  worden. 

De  Académie  behoudt  zich  bel  rechl  voor  de  bekroonde 
werken  uil  le  geven. 

Zij  achl  bel  nullig  aan  de  mededingers  le  herinneren, 
dal  de  bandschriflen  der  verbandelingen,  aan  hare  beoor- 
deeling  onderworpen,  haar  eigendom  worden  en  in  haar 
archief  blijven  beruslen. 

De  schrijvers  mogen  er  echler  afschrifl  iaten  van  nemen 
op  hunne  koslen,  rails  zich  le  dien  einde  lot  den  beslen- 
digen Secretaris  lewenden. 


(  163  ) 


TOJECtEPASTE    KIJIVST. 

Muziek. 
Men  vraagt  een  quatuor  voor  slrijkspeelluigen. 
Prijs  :  duizend  frank. 

(Deze  prijskamp  wordt  uitsiiiilend  voor  Belgische  of 
genaturaliseerde  toonzellers  uitgescbreven.) 

Bouwkunst. 

Men  vraagt  de  plannen  van  een  Muséum  uitsluitend 
voor  beeld/iouwwerken  bestemd. 

Het  gebouw  zal  onlworpen  zijn  met  eene  enkele  verdie- 
piQg,gedragendoor  eene  lageonderverdieping.De  beschik- 
bare  bouwgrond  zal  eene  oppervlakle  van  4000  vierkanle 
melers  beslaan,  de  open  plaatsen  en  de  luinen  er  in 
begrepen. 

Het  gebouw  zal  inhouden  :  1°  Tenloonslellingzalen  voor 
Assyrische,  Egypliscbe,  Grieksche,  Romeinsche  en  nieu- 
were  beeldhouwwerken,  die  allen  volgens  lijdsorde  zullen 
gerangschikt  zijn;  — 2"  Voorkamers  en  kabinetten  len 
dienste  der  besluurders  van  het  Muséum;  —  3"  Eene 
porliersioge;  —  ^^  Eene  kleederkamer;  —  5"  De  onder- 
verdieping  zal,  bebalve  de  porliersvvoning,  werkhuizen 
voor  het  herstellen  en  het  afgieten  van  beeldhouwwerken 
bevatien. 

De  mededingers  zullen  de  volgende  plannen  onderwer- 
pen  :  1°  Het  algemeen  plan  van  het  gebouw;  —  2°  Den 
voorgevel  en  den  zijgevel;  —  3°  De  doorsnede  op  de  lengle 


(  iU  ) 
en  op  de  breedte  (deze  plannen  zullen  op  de  schaal  van 
één  centimeler  per  meter  geteekend  worden). 

Hel  algemeen  plan,  geteekend  op  de  schaal  van  Iwee 
millimeters  per  mêler,  zal  de  verdeeling  der  onderver- 
dieping  bevatten. 

Prijs  :  duizend  frank. 

(Deze  prijskamp  wordt  ook  uitsiuitend  voor  Belgische 
of  genaluraliseerde  bouwmeesters  uilgeschreven.) 

De  parlituren  en  plannen  moelen  vdôr  1*"  Oclober  1894 
ingezonden  worden. 

De  Académie  aanvaardl  geene  andere  dan  geheel  vol- 
tooide  werken  :de  parlituren  moelen  duidelyk  geschreven 
zijn;  de  verschillende  plannen  der  bouwkundige  onlwer- 
pen  moelen  op  doek  geplakl  en  in  raam  geval  zijn.  De 
parliluren  evenals  de  plannen  zullen  elk  eene  kenspreuk 
of  een  kenmerk  dragen,  die  de  vervaardiger  zal  herhalen 
in  eenen  verzegelden  brief  zijnen  naam  en  zijn  adres 
vermeldende. 

Het  is  verboden  eenen  schijnnaam  le  bezigen. 

Aan  het  werk  van  den  mededinger,  die  deze  voorschriflen 
niel  in  achl  neemt,  kan  de  prijs  niel  toegekend  worden. 

Hel  handschrifl  der  bekroonde  parliluur  blijfl  hel  eigen- 
dom  der  Académie.  De  vervaardiger  kan  er  een  afschrift 
lalen  van  nemen  op  zijne  koslen.  De  niaker  der  bekroonde 
plannen  in  den  prijskamp  van  bouwkunst  is  verplichl 
eene  pholographische  afbeelding  van  zijn  werk  le  geven 
om  in  hel  archief  der  Académie  bewaard  te  blijven. 

De  werken,  die  na  den  bepaaiden  termijn  ingezonden 
zijn,  en  diegene,  wier  vervaardigers  zich  zullen  doen  ken- 
nen,  op  welke  wijze  hel  ook  zij,  zullen  buiten  den  prijs- 
kamp geslolen  worden. 


(  165 


OUVRAGES  PRESENTES. 


Bumbeke  {Cfi.  Van).  Contributions  à  l'Insloirc  de  la  consti- 
tution de  l'œuf;  II.  Élimination  d'éléments  nucléaires  dans 
l'œuf  ovarien  de  Scorpaena  Scrof'a  L.  Bruxelles,  i  895  ;  exi  r.  in-8° 
(46  p.,  2  pL). 

Briart  {A.).  Excursion  en  Angleterre,  en  Ecosse  et  dans  le 
pays  de  Galles,  du  27  juin  au  10  juillet  1892.  Liège,  1893; 
in-8°  (220  p.). 

Delbœuf  [J .).  Zwei  Falle,  in  denen  die  chirurgische  Diagnosc 
mil  Hiilfe  der  Hypnose  gestellt  wurde,  Berlin,  1895;  exlr.  ia-8° 

(8  p.). 

Frère-Orban  {W.).  La  revision  de  la  Constitution,  discours 
d'après  les  Annules  parlementaires C^ù  el  24  mars  1895).  Liège, 
1895;  in.8''(62  p.). 

Lancuster  {A.).  La  sécheresse  du  printemps  de  1895. 
Bruxelles,  1895;  in^"  (14  p.). 

Terby  [F.].  Études  sur  l'aspect  physique  de  la  planète 
Jupiter,  troisième  partie:  observations  faites  à  Louvain,  pen- 
dant l'opposition  de  1887,  h  l'équatorial  de  8  pouces  de  Grubb, 
et  première  comparaison  des  résultats  avec  ceux  de  M.  Stanley 
Williams  Bruxelles,  1893;  exlr.  in-4''  (85  p.,  4  pi.) 

Verhoogen  (J.).  Recherches  sur  la  diffusion  dans  l'orga- 
nisme de  certaines  substances  toxiques  ou  médicamenteuses 
injectées  dans  le  sang  circulant.  Bruxelles,  1895;  in-8°  (29  p.). 

ffaneuse  [L).  Notes  sur  l'Erythrée.  Bruxelles,  1895;  in-8'' 
(60  p.). 


(  i66  ) 

Pirenne  (Henri).  Bibliographie  de  l'histoire  de  Belgique. 
Catalogue  méthodique  et  chronologique  des  sources  et  des 
ouvrages  principaux  relatifs  à  l'histoire  de  tous  les  Pays-Bas 
jusqu'en  1598,  et  à  l'histoire  de  Belgique  jusqu'en  1850.  Gand, 
1893;  in-8°(230  p.). 

Lyon  (Clément).  La  vie,  les  œuvres  et  les  funérailles  de 
Théodore  Bernicr.  Charleroi,  1893;  in-4°  (7  p.). 

Gand.  Nederlandsch  Muséum,  vierde  recks,  S""*  jaargang, 
I  en  II.  1892-95;  2  vol.  in-8°. 

Hasselt  Sociélé  «  les  Mélophiles  ».  Bulletin,  vingt-neuvième 
volume.  1895;  in-8''. 

MoNS.  Caisse  de  prévoyance  des  ouvriers  mmewr*.  Rapport 
annuel  de  1892.  Gr.  in-8». 


Allemagne  et  Autriche-Hongrie. 

Berlin.  Gesellschaft  Nalurforschender  Freunde.  Sitzungs- 
Berichte,  1892.  In-8». 

Berlin.  Mefeorologisches  Institut.  Ergebnisse  der  Nieder- 
schlags-Beobachtungen,  1891-93.  In-4*'. 

Cracovie.  Académie  des  sciences.  Comptes  rendus  des 
séances  :  a.  Philologie,  tomes  II  et  III;  h.  Mathématiques, 
tome  IV.  —  Acia  rectoralia,  tome  I,  fasc.  1.  —  Biblioteka 
Pisarsow  Polskich,  n"  24.  —  Dictionnaire  de  la  langue  pomé- 
ranienne  (S.  Ramuli).  —  Contributions  relatives  à  l'anthro- 
pologie, tome  XVI,  1892-93. 

Iglau.  Karpathen-Verein.  Jahrbuch,  1893.  In-8°. 

Leipzig.  Verein  fur  Erdkunde.  Mitteilungen,  1892.  In-8". 

Metz.  Académie.  Mémoires,  1888-89.  1893;  in-8°. 

Stuttgart.  Verein  fur  vaterlàndische  Naturkunde.  Jahres- 
hefte,  49.  Jahrgang,  1893.  In-8». 


(167) 


Amérique. 

Vogel  (£".).  The  atomic  weights  are,  under  atmospheric 
pressure,  not  idenlical  with  the  spécifie  gravities.  1892; 
extr.  in-8»  (12  p.). 

Guatemala.  Oficina  de  cstadistica.  Demarcacion  politica  de 
la  Republica  de  Guatemala,  1895;  vol   in-8°. 


France. 

De  Backer  (Louis).  La  langue  flamande  en  France  depuis  les 
temps  les  plus  reculés  jusqu'à  nos  jours.  Paris,  1895;  in -8° 
(200  p.). 

Lavisse  (Ernest).  Le  Grand  Frédéric  avant  l'avènement. 
Paris,  1895;  vol.  in-8°  (575  p.). 

Nadaillac  (Le  marquis  de).  L'évolution  du  mariage.  Paris, 
1895;  extr.  in-8»  (58  p.). 

Hamy  (E.-T.).  Les  derniers  jours  du  jardin  du  Roi  et 
la  fondation  du  Muséum  d'histoire  naturelle.  Paris,  1895; 
extr.  in-i"  (162  p.). 

Marseille.  Société  scientifique  industrielle.  Bulletin,  1892. 
ln-8<'. 


Pays  divers. 

^awe//î (^"'oni'o). Délia  trisezione  dell'  angoloovverol'appli- 
cazione  de!  teorema  :  L'angolo  al  centro  di  un  cerchio  è  il 
doppio  deir  angolo  alla  circonferenza,  purchè  i  lati  dell'  uno 
e  deir  altro  poggino  sul  medesimo  arco.  Rome,  1893;  gr.  in-8" 
(15  p.,  3  pi.). 


(  168  ) 

Madras.  Observatory.  Hourly  raeteorological  observations 
1856-Gl.  i895;  vol.  in-4°. 

Madrid.  Observatorio.  Resumen  de  las  observacioncs  meteo- 
rolôgicas,  1890.  1893;  in-8«. 

Van  der  Waals  [J.-D.).  Tbermodynamische  théorie  der 
capillaritcit  in  de  onderstelling  van  continue  dichlheidsveran- 
dering.  Amsterdam,  1893;  gr.  in-8"  (56  p.). 

Amsterdam  Kon.  Akademie  van  Wetenschappen.  \er\iande- 
lingen  :  afdeeling  natuurkundc,  1*  sectic,  dcel  I;  2'''  sectie, 
dcel  I  en  II.  --  Afdeeling  lellerkunde,  deel  1,  n"  1  en  2.  — 
Zitlingsverslagen  :  natuurkundc,  1892-93.  —  Verslagen  en 
mededeelingen  :  lellerkunde,  deel  IX.  Jaarboek,  1892.  — 
Prijsvers  :  quatuor  carmina  latina,  1892-93.  8  vol.  in-8". 

Briquet  {John).  Sur  quelques  points  de  l'analomie  des  Cruci- 
fères et  des  Dicotylées  en  général.  Genève,  1892;  exlr.  in-S" 
(25  p.,  2  pL), 

—  Les  méthodes  stalistisques  applicables  aux  recherches  de 
florislique.  Genève,  1895;  extr.  in  8°  (27  p.,  1  pi.). 

Helsingfors.  Velenskaps-Socieleten.  Bidrag,  51.  Haflet.  Of- 
versigt,  1891-92.  2  vol.  in-8°. 

S'-Pétersbourg.  Comité  géologique.  Carte  géologique  de  la 
Russie  d'Europe,  1892.  1895;  6  feuilles  in-plano  et  br.  in-8". 

Athènes.  Société  littéraire  «  le  Parnasse  ».  AoyoSoç-ia  twv 
xara  to  x^  exo;  yevopevtov,  1891-92. 1895;  vol.  in-8»  (218  p.). 


BULLETIN 


DE 

L'ACADÉMIE  ROYALE  DES  SCIENCES, 

DES 

LETTRES  ET  DES  BEAUX-ARTS  DE  BELGIQUE. 
1895.  —  No  8. 


CLASSE  DES  SCIEUGES. 


Séance  du  5  août  1895. 

M.  Ch.Van  Bambeke,  directeur,  président  de  l'Académie. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  l\hM.  Mourlon,  vice-directeur;  P.-J,  Van 
Beneden,  le  baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  Gluge, 
G.  Dewalque,  E.  Candèze,  A.  Brialmont,  Éd.  Van  Beneden, 
F.  Folie,  Alpli.  Briart,  F.  Plateau,  G.  Van  der  Mensbrugghe, 
Louis  Henry,  P.  Mansion,  J.  Delbœuf,  P.  De  Heen,  C.  Le 
Paige,  F.  Terby,  J.  Deruyls,  membres;  E.  Catalan,  Ch.  de 
la  Vallée  Poussin,  associés;  Léon  Fredericq  et  L.  Errera, 
correspondants. 

MM.  De  Tilly  et  Ch.  Lagrange  s'excusent,  par  écrit,  de 
ne  pouvoir  assister  à  la  séance. 

5°"    SÉRIE,    TOME    XXVI.  12 


(  i70) 


CORRKSPONDANCK. 


M.  le  directeur  annonce  la  perle  que  la  Classe  vient  de 
faire  par  la  mort  de  M.  Henri  Maus,  doyen  d'ancienneté 
de  la  section  des  sciences  mathématiques  et  physiques, 
décédé  à  Ixelles,  le  11  juillet  dernier. 

Il  remercie  M.  Brialmont  d'avoir  hien  voulu  être  l'organe 
de  l'Académie  aux  funérailles;  le  discours  qui  a  été  pro- 
noncé à  cette  occasion  sera  imprimé  au  Bulletin. 

La  Classe  accepte  l'offre  de  M.  Brialraont  de  rédiger, 
pour  VAnnuaire,  la  notice  biographique  du  défunt. 

Une  leître  de  condoléance  sera  adressée  à  la  famille. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  de  l'ouvrage  :  Éléments  (Venquèle  sur  le  rôle 
de  la  femme  dans  l'industrie,  les  œuvres,  les  arts  et  les 
sciences  en  Belgique.  —  Remerciements. 

—  M.  le  Ministre  de  la  Guerre  envoie  un  exemplaire  du 
Plan  de  Bruxelles  au  5000%  en  quatre  feuilles.  —  Remer- 
ciements. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1»  Théorie  mécanique  de  la  chaleur  ;  par  R.  Clausius, 
tome  II,  2'  édition,  refondue  et  complétée,  traduite  sur  la 
troisième  édition  de  l'original  allemand,  par  F.  Folie  et 
E.  Ronkar; 

2°  Le  sillon  médian  au  raphé  gastrulaire  du  triton 
alpestre  (Triton  alpestris,  Laur.);  par  Ch.  Van  Bambeke; 


(171) 

5°  Recherches  sur  le  développement  de  l'épiphyse;  par 
P.  Francolle  (thèse  d'agrégation); 

4°  Carte  géologique  de  la  Russie  d'Europe  au  520  000% 
avec  note  explicative,  éditée  par  le  Comité  géologique  de 
Saint-Pétersbourg; 

6°  Notice  et  croquis  sur  la  transformation  de  la  Mon- 
tagne de  la  Cour;  par  Pierre  Pregaldino; 

6°  La  vallée  du  Rocq  :  le  régime  hydraulique;  par 
C.-J.  Tackels; 

7°  Vocabulaire  de  noms  wallons  d'animaux;  Z"  édition, 
par  Joseph  Defrecheux. 

—  Remerciements. 

—  La  Société  hollandaise  des  sciences,  à  Harlem, 
adresse  le  programme  de  ses  concours  pour  les  années 
4894  et  1895. 

—  Les  travaux  manuscrits  suivants  sont  envoyés  à 
l'examen  : 

i"  Note  sur  l'œil  pinéal,  la  paraphyse  de  Selenka  et  les 
plexus  choroïdes  du  troisième  ventricule  ;  par  P.  Francolte. 
—  Commissaires  :  MM.  Éd.  Van  Beneden  etCh.  Van  Bam- 
beke  ; 

2"  Sur  quelques  produits  indéfinis;  par  J.  Beaupain, 
ingénieur  au  Corps  des  mines.  —  Commissaires  :  MM.  Cata- 
lan, Mansion  et  Le  Paige; 

3°  Phénomène  optique  nouveau  que  l'on  doit  observer 
si  l'e'ther  ne  participe  pas  au  mouvement  de  la  Terre; 
par  A.  Jouvenau.  [Nouvelle  rédaction  d'un  travail  pré- 
senté dans  la  séance  du  3  juin  dernier.)  —  Commissaires  : 
MM.  Lagrange  et  Folie; 

4"  A.  Avant-supplément  du  projet  de  prise  d'eaux  pota- 


(  i72  ) 
ble  et  industrielle  pour  différentes  villes  de  Belgique; 
D.  Projet  de  ports  de  mer  belges;  par  C.-H.  Delaey.  — 
Commissaire  :  M.  J.  De  Tilly. 


CO^XOURS  ANNUEL,  1893. 

SCIEIVCES    BIATHÉ11IA,TIQIJES    KT    PBTSIQVES* 

Deuxième  question. 

Apporter  une  contribution  importante  à  Vétude  des 
correspondances  que  l'on  peut  établir  entre  les  éléments 
géométriques  fondamentaux. 

Un  mémoire  a  été  reçu.  Devise  :  Et  si  fateor  ab  eo  quod 
est  absolute  minimun  ad  ed  quod  minimo  proximun  non 
ubique  tutam  esse  collectionem.  (Kepler,  stereomelria  ; 
Archimed, suppiera. Thèse  XXV).  —  Commissaires  :  MM.  Le 
Paige,  Deruyts  et  Neuberg. 

Troisième  question. 

Poser  les  équations  du  mouvement  de  rotation  de  Vécorce 
solide  du  globe,  en  tenant  compte  des  actions  extérieures, 
du  frottement  de  Vécorce  sur  la  partie  fluide  du  noyau  et 
des  réactions  intérieures. 

Indiquer  le  mode  d'intégration  qui  pourrait  être  appli- 
qué à  ces  équations. 

Un  mémoire  a  été  reçu.  Devise  :  Les  phénomènes  de  la 
précession  des  équinoxes  et  de  la  nutation  de  Caxe  du 
monde  sont  exactement  les  mêmes  que  si  la  mer  formait 


(  173) 

une  masse  solide  avec  le  sphéroïde  qu'elle  recouvre.  (La 
Plage,  Mécanique  céleste,  t.  If,  p.  339.)  —  Commissaires  ": 
MM.  Folie,  Lagrange  el  De  Tilly. 


SCIENCES    IVATUREE,E.ES. 

Troisième  question. 

On  demande  de  nouvelles  recherches  morphologiques  pou- 
vant éclairer  la  phylogénie  d'un  des  grands  embranche- 
ments des  invertébrés. 

Un  mémoire  a  élé  reçu.  Devise  :  Toujours  tout  droit. 
—  Commissaires  :  MM.  Éd.  Van  Beneden,  Plateau  et  Van 
Bambeke. 


Discours  prononcé  aux  funérailles  de  Henri  Maus,  membre 
de  la  Classe  des  sciences,  par  le  général  Brialraont, 
membre  de  l'Académie. 

Messieurs, 

L'Académie  royale  de  Belgique  me  charge  de  rendre  en 
son  nom  un  dernier  hommage  à  l'illustre  ingénieur  que  la 
Belgique  vient  de  perdre. 

Henri  Maus  est  connu  par  de  nombreux  travaux  qui 
font  honneur  au  pays,  et  particulièrement  à  l'Académie, 
dont  il  a  fait  partie  depuis  1846,  et  au  corps  des  ponts 
et  chaussées,  qui  a  eu  le  bonheur  de  l'avoir  pour  chef 
pendant  de  longues  années.  C'était  un  mathématicien 
distingué  et  un  ingénieur  accompli,  qui  avait  des  connais- 
sances étendues  en  géologie,  en  minéralogie  et  en  hydro- 
logie. 


(  174) 

Il  surveillait  l'exécution  de  divers  travaux  puhlics  dans 
le  Luxembourg  et  la  province  de  Liège,  quand,  en  1845, 
le  Gouvernement  piémontais,  voulant  construire  ses 
premiers  chemins  de  fer,  demanda  à  la  Belgique  des 
ingénieurs  expérimentés.  Henri  Maus,  qui  n'avait  alors 
que  36  ans,  fut  désigné  par  noire  Gouvernement.  Les 
travaux  qu'il  avait  dirigés  sur  la  ligne  de  Liège  à  la  fron- 
tière allemande,  et  spécialement  son  invention  de  la 
machine  fixe  destinée  à  la  traction  des  trains  sur  le  plan 
incliné  d'Ans,  avaient  attiré  sur  lui  l'attention  du  monde 
savant. 

Il  partit  pour  l'Italie  en  1846.  On  le  chargea  de  la 
construction  du  chemin  de  fer  de  Turin  à  Gênes,  avec 
traversée  des  Apennins,  il  resta  en  Italie  jusqu'en  1855. 
C'est  pendant  ce  séjour  qu'il  conçut  l'idée  de  la  traversée 
des  Alpes  par  le  mont  Cenis —  idée  grandiose,  qui,  à 
cette  époque,  parut  irréalisable.  Pour  la  rendre  pratique, 
Maus  inventa  une  machine  perforatrice  qui  permit  de 
mettre  à  exécution  son  projet,  nécessitant  la  construction, 
dans  le  roc,  d'un  tunnel  de  1^  kilomètres  de  longueur. 
L'essai  de  cette  machine  fut  fait  en  1846,  avec  un  plein 
succès,  à  l'usine  du  Val  d'Oc,  près  de  Turin.  Quand  le  roi 
Charles-Albert  visita  la  perforatrice  en  février  1847,  il  en 
fut  si  émerveillé  qu'il  nomma  sur-le-champ  Maus  comman- 
deur de  l'ordre  des  saints  Maurice-el-Lazare.  Dès  lors  la 
réputation  du  jeune  ingénieur  belge  s'étendit  rapidement 
dans  toute  l'Italie.  C'est  le  tracé  proposé  par  lui  qui  fut 
admis  et  exécuté,  dans  la  suite,  par  les  ingénieurs  italiens. 

En  récompense  des  services  qu'il  venait  de  rendre,  le 
roi  conféra  à  Maus  le  titre  d'inspecteur  honoraire  dans  le 
corps  royal  du  génie  civil. 

MM.  d'Hoffschmidt  et  Brabant  portèrent  ce  fait  à  la 


(178) 

connaissance  de  la  Chambre  des  représenlanls  —  comme 
très  honorable  pour  le  pays  —  dans  la  séance  du  19  avril 
1847.  Dès  la  fin  de  l'année  précédente  l'Académie  royale 
de  Belgique  avait  nommé  Mans  membre  correspondant. 

De  retour  en  Belgique,  notre  compatriote  reçut  un  grade 
élevé  dans  le  corps  des  ponts  et  chaussées,  et  alla  s'établir 
à  Mons.  A  partir  de  ce  moment,  il  produisit  de  nombreux 
mémoires  et  rapports  sur  des  questions  intéressant  les  tra- 
vaux publics,  sur  les  machines  industrielles,  les  matériaux 
et  les  procédés  de  construction.  On  peut  citer  comme  très 
remarquable  le  rapport  qu'il  fil  en  1865  comme  président- 
rapporteur  de  la  commission  chargée  de  faire  les  projets 
des  travaux  d'assainissement  de  la  Senne  et  de  la  ville 
de  Bruxelles.  Cette  ville  eut  recours  à  l'expérience  de 
Maus  et  à  ses  connaissances  en  hydrologie  pour  créer  une 
distribution  d'eau  potable. 

Voulant  reconnaître  les  précieux  services  qu'il  lui  avait 
rendus,  l'administration  communale  de  Bruxelles  décida 
que  le  nom  de  Henri  Maus  serait  donné  à  l'une  des  nou- 
velles rues  longeant  la  Bourse. 

Maus  a  produit,  il  y  a  environ  quinze  ans,  un  projet  de 
rectification  de  l'Escaut  en  aval  d'Anvers,  auquel  j'ai  colla- 
boré pour  les  travaux  de  défense  à  créer  en  remplacement 
des  forts  actuels,  qui  eussent  été  supprimés.  Ce  projet  était 
trop  vaste  pour  qu'on  l'adoptât.  Ne  tenant  aucun  compte 
des  nécessités  de  l'avenir,  on  donne,  en  général,  chez  nous, 
la  préférence  aux  demi-solutions,  dont  s'accommode  le 
présent. 

^Mans  avait  soumis  à  un  examen  scientifique  les  bases 
adoptées  pour  les  caisses  des  veuves  des  départements 
ministériels.  Ces  bases  étaient  défectueuses.  Il  indiqua, 
dans  un  mémoire  écrit  en  1858,  les  nouvelles  bases  qu'il 


(176) 

convenait  d'adopter  pour  arriver  à  de  bons  résultats. 
L'expérience  a  justifié  ses  calculs,  qui  étaient  du  reste  en 
plusieurs  points  conformes  à  ceux  que  le  général  Liagre 
avait  produits  dans  un  mémoire  de  1853  sur  l'organisation 
des  caisses  de  veuves. 

En  sa  qualité  de  directeur  général  des  ponts  et  chaus- 
sées, JVIaus  eut  à  traiter  de  nombreuses  et  importantes 
questions  concernant  le  régime  de  nos  cours  d'eau,  l'amé- 
lioration et  l'agrandissement  du  port  d'Anvers.  Les  mé- 
moires qu'il  rédigea  sur  ces  questions  ont  une  grande 
valeur  et  seront  conservés  comme  des  documents  pré- 
cieux. 

Ses  connaissances  variées  et  sa  haute  situation  le  firent 
désigner  fréquemment  pour  présider  des  commissions  spé- 
ciales et  des  jurys  d'expositions. 

Il  fut  également  nommé  membre  de  la  très  importante 
Commission  internationale  du  mètre,  où  il  se  trouva  en 
relation  avec  les  chimistes  et  les  physiciens  les  plus  dis- 
tingués de  l'Europe,  parmi  lesquels  brilla  particulièrement 
son  intime  ami,  notre  illustre  chimiste,  Jean  Slas. 

L'homme  qui  a  joué  un  rôle  si  important  dans  le 
domaine  des  travaux  publics  et  de  la  science,  était  affable 
et  bon,  d'une  grande  simplicité  de  vie  et  de  manières,  d'un 
commerce  agréable  et  sûr,  d'un  esprit  large  et  tolérant. 
Chez  lui  la  fermeté  du  caractère  et  la  rigidité  du  devoir 
s'alliaient  à  une  extrême  bienveillance  et  à  une  rare 
modestie. 

Travailleur  infatigable  et  consciencieux,  il  a  consacré 
tout  son  temps,  toute  son  intelligence,  toutes  ses  facultés 
aux  devoirs  professionnels,  à  la  famille  et  à  la  science. 

Sa  perte  a  causé  de  vifs  et  unanimes  regrets,  parce  qu'il 
avait  su,  dans  sa  longue  et  féconde  carrière,  gagner  l'es- 


(177) 

lime  et  l'affection  de  tous  ceux  qui  furent  en  rapport  avec 
lui  :  ses  chefs,  ses  subordonnés,  ses  confrères,  les  savants 
(lu  pays  et  de  l'étranger. 

Il  est  mort  avec  la  sérénité  du  sage,  satisfait  d'avoir 
pu  faire  un  noble  et  utile  emploi  des  dons  qu'il  tenait 
de  la  nature,  et  des  facultés  qu'avait  développées  en  lui  un 
labeur  incessant  stimulé  par  l'amour  du  bien  public. 

Quand  un  homme  de  celle  valeur  succombe  sous  le 
poids  des  années,  les  larmes  des  amis  et  même  celles  des 
parents  ne  doivent  pas  couler  longtemps,  car  il  est  réservé 
à  peu  d'hommes  d'avoir  une  destinée  aussi  enviable,  il  a 
vécu  heureux  au  milieu  des  siens,  honoré  dans  sa  profes- 
sion, admiré  pour  ses  travaux,  estimé  pour  ses  qualités 
personnelles,  et  en  possession,  jusqu'au  dernier  moment, 
de  sa  vive  intelligence  et  de  son  excellent  cœur. 

Cher  confrère,  l'Académie  royale  de  Belgique  offre  à  ta 
mémoire  l'expression  vive  et  sincère  de  ses  regrets  et  de 
son  admiration.  Dors  en  paix;  ta  lâche  est  accomplie  ! 

RAPPORTS. 


Sur  une  méthode  simple  pour  mesurer  le  retard  des  miné- 
raux en  lames  minces;  par  G.  Cesàro,  chargé  du  cours 
de  minéralogie  à  l'Université  de  Liège. 

Happort  de  IH.  delà   Vallée  P'ouaaii*  ,  pr-eutief  cumntiaaaii'e . 

a  Ce  nouveau  travail  de  M.  Cesàro  a  pour  but  d'expo- 
ser une  méthode  pratique  etcxpéditive  pour  la  mesure  du 
retard  existant  entre  des  rayons  polarisés  dans  des  plans, 
différents  quand  ils  traversent  des  minéraux  cristallins 
taillés  en  lames  minces. 


(  178  ) 

La  grandeur  du  relard,  loules  les  autres  circonstances 
étant  sensiblement  égales,  dépend  de  la  différence  des 
indices  de  réfraction,  c'est-à-dire  de  la  biréfringence  du 
minéral  employé;  et  la  connaissance  de  cette  biréfrin- 
gence fournit  un  diagnostic  précieux  pour  la  détermina- 
tion de  l'espèce  minérale,  notamment  dans  les  recherches 
microscopiques.  Les  minéralogistes  et  les  lithologistes  de 
France  et  d'Allemagne  ont  donc  préconisé  très  souvent  la 
recherche  de  la  biréfringence  depuis  une  dizaine  d'années, 
et  l'on  a  imaginé  des  appareils  plus  ou  moins  complexes 
à  ajouter  au  microscope  polarisant  pour  atteindre  ce 
résultat 

La  biréfringence  se  calcule  sur  l'épaisseur  de  la  plaque 
minérale  soumise  à  l'expérience,  et  d'après  la  position 
qu'occupe  dans  l'échelle  chromatique  de  Newton  la  teinte 
offerte  par  celte  plaque  vue  entre  les  niçois.  Or,  un  œil 
doit  être  très  exercé  aux  couleurs  pour  apprécier  le  retard 
avec  une  approximation  suffisante  par  l'inspection  de  la 
couleur  de  polarisation. 

Dans  la  méthode  proposée  par  iM.  Cesàro,  cette  diffi- 
culté est  évitée,  parce  que  l'auteur  s'adresse  aux  violets 
des  divers  ordres,  nommés  par  les  Français  teintes  sen- 
sibleSf  lesquels,  comme  l'on  sait,  passent  au  bleu  ou  au 
rouge  par  un  léger  écart,  et  qui  procurent,  en  conséquence, 
des  points  de  repère  faciles  à  saisir  même  pour  un  œil 
très  peu  exercé. 

Après  avoir  rappelé  les  phénomènes  optiques  invoqués 
dans  la  mesure  de  la  biréfringence,  l'auteur  propose  de 
réaliser  des  violets  sensibles  ou  des  teintes  sombres  très 
voisines  et  bien  reconnaissables,  en  superposant  le  quartz 
parallèle  taillé  en  biseau  ou  quartz  compensateur  à  la 
plaque  cristalline  dont  on  cherche  la  biréfringence.  II  est 


(  179) 

clair  que  la  leinle  obtenue  dépend  à  la  fois  de  la  plaque 
cristalline  et  du  quartz  en  biseau.  A  l'effet  d'obtenir  avec 
exactitude  la  part  de  retard  attribuable  à  ce  dernier, 
M.  Cesàro  adapte  au  tube  du  microscope  une  vis  micro- 
métrique dont  récrou  mobile  vient  buter  contre  l'extré- 
mité d'un  biseau  de  quartz  et  permet  d'en  mesurer  la 
position  à  un  vingtième  de  millimètre  près.  A  chaque  divi- 
sion de  la  vis  micromélrique  correspond  une  certaine 
position  et,  par  conséquent,  une  certaine  épaisseur  de 
quartz  taillé  en  biseau  et  un  certain  relard  du  rayon 
extraordinaire  par  rapport  au  rayon  ordinaire,  retard  cal- 
culé une  fois  pour  toutes. 

Quand  donc  la  superposition  du  quartz  à  un  cristal 
taillé  parallèlement  au  plan  de  ses  axes  optiques  amène 
un  violet  déterminé  de  l'échelle  chromatique,  la  part  du 
relard  qui  revient  au  quartz  peut  être  déterminée  par 
l'inspection  de  la  vis  micrométrique,  et  l'on  connaît  par  là 
même  celle  qui  revient  au  cristal.  Pour  appliquer  la  for- 
mule 7  =  X,  dans  laquelle  R  est  le  retard  dû  au  cristal, 
e  son  épaisseur  et  X  la  biréfringence,  il  ne  reste  qu'à 
mesurer  l'épaisseur  du  cristal,  soit  par  le  procédé  de  la 
double  mire,  soit  aulremenl. 

M.  Cesàro  applique  ce  mode  à  la  mesure  de  la  biréfrin- 
gence d'une  série  de  minéraux  se  présentant  en  cristaux 
minces,  en  aiguilles,  ou  en  lames  de  clivage,  parallèles  à 
un  axe  optique  ou  à  deux  axes  d'élasticité. 

L'opération  peut  s'exécuter  rapidement,  et  elle  donne 
néanmoins  des  résultais  assez  précis  pour  caractériser  une 
espèce,  à  en  juger  d'après  les  expériences  consignées 
dans  le  mémoire  de  M.  Cesàro.  L'auteur  étudie  successi- 
vement la  calamine,  la  barytine,  l'émeraude,  la  microsom- 
mile,  le  quartz,  la  milarite,  la  heulandite,  le  gypse,  la 
carpholile,  etc. 


(  180) 

Ce  qui  est  le  plus  intéressant  au  point  de  vue  lilholo- 
gique,  c'est  que  l'auteur  a  obtenu  de  bons  résultats,  non 
seulement  avec  des  cristaux  isolés,  niais  avec  ceux  qui 
sont  enchâssés  dans  les  plaques  minces  extraites  des  mica- 
schistes et  des  trachytes.  Il  a  pu  ainsi  mesurer  la  biré- 
fringence du  mica  blanc,  de  l'orthose,  du  péridot,  de 
l'augite,  du  quartz,  avec  une  approximation  suffisante. 

L'emploi  du  quartz  parallèle  dans  la  recherche  de  la 
biréfringence,  tel  qu'il  est  proposé  par  M.  Cesàro,  nous 
paraît  offrir  des  avantages  sérieux.  L'auteur  a  fait  précéder 
l'exposé  de  sa  méthode  et  des  résultats  numériques  qu'elle 
lui  a  fournis,  par  des  détails  connus  sur  la  marche  de  la 
lumière  dans  les  substances  biréfringentes.  Mais  ces 
détails,  exprimés  avec  netteté  et  concision,  nous  paraissent 
à  leur  place,  parce  qu'ils  facilitent  l'intelligence  des  consi- 
dérations qui  suivent.  Nous  proposons  donc  volontiers  à 
l'Académie  la  publication  du  mémoire  de  M.  Cesàro,  avec 
la  figure  qui  l'accompagne,  ainsi  que  des  remerciements  à 
l'auteur.  » 

M.  A.-F.  Renard,  second  commissaire,  se  rallie  à  cette 
proposition,  qui  est  adoptée  par  la  Classe. 


Sur  la  nutrition  des  Échinodermes; 
par  Marcellin  Chapeaux,  docteur  en  sciences  naturelles. 

tttippoB'l  de  n.  Éd.  Van  Benedettf  pt'anier  co»nn*i»aait'ef. 

«  M.  Chapeaux  a  fait,  au  laboratoire  de  zoologie  de 
Roscoff,  une  série  d'observations  intéressantes,  dont  il 
rend  compte  dans  une  note  qu'il  vient  d'adresser  à  l'Aca- 
démie. 

L'auteur  rappelé  que  les  glandes  radiales  des  Astéries 


(  181  ) 

peuvent  être  rapprochées,  au  point  de  vue  fonctionnel, 
(lu  pancréas  des  vertébrés,  que  leur  sécrétion  transforme 
l'amidon  en  glucose,  la  fibrine  en  peptone,  et  émulsionne 
les  graisses,  que  la  réaction  de  la  solution  fermentifère 
préparée  par  trituration  des  glandes,  suivant  les  procédés 
connus,  est  alcaline;  enfin,  que  les  parois  de  l'œsophage  et 
de  l'estomac  sécrètent  des  ferments  qui  transforment  la 
fibrine  et  l'amidon.  Il  annonce  ensuite  —  et  c'est  là  le 
point  saillant  de  sa  communication  —  que  les  amibocyles 
de  la  cavité  cœlomique  jouent  un  rôle  capital  dans  la 
continuation  de  la  digestion  et  aussi  de  l'excrétion  des 
résidus  de  la  nutrition.  Il  apporte  à  l'appui  de  cette  opinion 
une  série  d'observations  intéressantes. 

A  en  croire  M.  Chapeaux,  les  gouttelettes  des  huiles 
émulsionnées  par  les  glandes  radiales  traverseraient  l'épi- 
ihélium  et  tomberaient,  sans  avoir  été  modifiées  chimi- 
quement, dans  la  cavité  du  corps.  Le  dédoublement  et  la 
dissolution  des  graisses  se  feraient  sans  cette  cavité.  Les 
gouttelettes  seraient  avalées  par  les  amibccytes  et  leur 
dédoublement  s'opérerait  dans  l'intérieur  de  ces  phago- 
cytes, sous  l'influence  d'un  ferment  acide. 

Par  contre,  les  éléments  phagocytaires  de  la  cavité 
générale,  pas  plus  que  le  liquide  qui  les  tient  en  suspen- 
sion, n'exercent  aucune  action  sur  les  peptones.  On  ne 
trouve  ni  fibrine  ni  peptones  dans  la  cavité  cœlomique  des 
Astéries,  que  l'on  a  nourries  avec  de  la  fibrine.  Il  est 
probable,  dit  l'auteur,  que  l'épithélium  des  glandes  radiales 
transforme  les  peptones  en  une  albumine  soluble  qui  passe 
dans  le  sang.  Mais  cette  albumine  serait  saisie  par  les 
an)ibocytes  et  transportée  par  eux  dans  les  divers  points 
de  l'économie.  Là,  les  mêmes  éléments  se  chargeraient  des 
résidus  de  la  nutrition  et  iraient  ensuite  déverser  ces 


(  182  ) 
derniers  soit  dans  la  cavité  générale,  soit  à  l'extérieur,  en 
passant  à  travers  les  parois  digestives,  les  branchies  der- 
miques ou  la  plaque  madréporique. 

Les  faits  sur  lesquels  l'auteur  appuie  ses  conclusions  ne 
sont  peut-être  pas  en  nombre  suffisant;  ils  ne  sont  peut- 
être  pas  non  plus  entièrement  démonstratifs.  Je  considère 
néanmoins  la  communication  de  M.  Chapeaux  comme 
étant  digne  d'intérêt,  et  je  propose  à  la  Classe  d'en  décider 
l'impression  dans  le  Bulletin  de  la  séance.  » 

M.  F.  Plateau,  second  commissaire,  se  rallie  à  cette 
proposition,  qui  est  adoptée  par  la  Classe. 


Notes  sur  les  groupes  d'éléments  neutres  communs  à  deux 
évolutions  quelconques;  par  François  Deruyts. 

Êtappovt  de  HM.  C\  EjC  Paige. 

«  J'ai  l'honneur  de  proposer  ù  la  Classe  l'impression 
dans  le  Bulletin  de  la  séance  de  la  courte  note  de 
M.  Fr.  Deruyts. 

L'auteur  y  établit  quelques  théorèmes  intéressants  sur 
l'existence  de  groupes  d'éléments  neutres  communs  à 
deux  involutions  quelconques.  Il  se  propose  de  consacrer 
à  ce  sujet  un  travail  plus  étendu.  Celui-ci  ne  renferme 
que  quelques-uns  des  résultats  auxquels  il  est  parvenu 
et  qui  me  paraissent  susceptibles  d'applications  impor- 
tantes. » 

La  Classe  décide  l'impression  au  Bulletin  de  la  note  de 
M.  François  Deruyts. 


(  ^83) 


COMMUNICATIONS   ET   LECTURES. 


Détermination  de  la  constante  de  l'aberration,  de  la  paral- 
laxe de  la  polaire,  de  la  vitesse  du  système  solaire,  et 
des  constantes  de  la  nutation  diurne,  au  moyen  des 
observations  de  latitude  de  Gyldén  et  de  Peters  à  Poul- 
kova;  par  F.  Folie,  membre  de  l'Académie. 

Lorsque  Bradiey,  au  milieu  du  siècle  dernier,  décou- 
vrit la  nutalion  annuelle,  les  astronomes  eurent  tout 
d'abord  tant  de  peine  à  l'admettre,  malgré  les  preuves 
nombreuses  qu'il  en  avait  données,  qu'un  de  ses  amis, 
astronome  lui-même,  la  contesta  pendant  dix  ans;  tant 
une  vérité  nouvelle,  lorsqu'elle  n'est  pas  l'expression  d'un 
simple  fait  matériel  que  chacun  est  à  même  de  vérifier, 
s'impose  difficilement  à  l'intelligence  humaine. 

Il  est  vrai,  d'une  part,  que  Bradiey  ne  pouvait  pas 
bien  établir  la  théorie  de  la  nutation,  quoique  Newton  eût 
déjà  soupçonné  l'existence  de  ce  mouvement,  et  que 
Rômer  crût  l'avoir  constaté  dans  ses  observations;  d'autre 
part,  que  nul  astronome  contemporain  n'était  en  mesure 
d'observer,  comme  lui,  avec  assez  de  précision  pour 
vérifier  sa  découverte. 

L'époque  actuelle  est  bien  moins  ingrate  pour  les  cher- 
cheurs; la  théorie  est  beaucoup  plus  développée  et  plus 
universellement  connue;  les  observations  ont  atteint  un 
tel    degré   d'exactitude  que    l'astronome  peut  affirmer 


(  i84  ) 
aujourd'hui  que  ses  déterminations  ne  sont  guère  erronées 
de  plus  du  dixième  de  seconde  d'arc. 

Aussi,  lorsque  j'eus  établi  en  i884  la  théorie  de  la 
nutation  diurne,  tout  persuadé  que  j'étais  que  son  coeffi- 
cient devait  être  assez  faible,  je  ne  tardai  pas  à  acquérir 
la  conviction  que  je  n'attendrais  pas,  comme  Bradiey, 
pendant  dix  ans,  que  ma  découverte,  bien  inférieure 
cependant  à  la  sienne  en  importance  numérique  comme 
en  mérite,  fût  universellement  reconnue  par  les  astro- 
nomes. 

Après  que  j'eus  affirmé  (*),  en  ces  termes  très  expli- 
cites, l'existence  de  la  nutation  diurne,  un  savant  autorisé 
me  fit  l'honneur  de  discuter  publiquement  les  preuves 
que  j'en  avais  données  :  sa  conclusion  fut  :  «  je  crois 
»  pouvoir  affirmer  que  l'existence  de  la  nutation  diurne 
»  n'est  en  rien  démontrée  jusqu'à  présent  »  ("). 

J'ai  répondu  à  sa  critique  {***),  et  n'y  reviens  que  sur 
un  seul  point,  que  je  n'avais  pas  eu  le  loisir  de  traiter 
alors  :  si  l'on  applique  correctement  la  nutation  diurne 
seule  à  toutes  les  différences  entre  les  M  ou  les  déclinai- 
sons consécutives  d'une  même  étoile,  tirées  de  la  Zone 
polaire  d'Argelander,  on  trouve 


Constante. 

Longitude  du  premier  méridien. 

Par  les  41  .    .     .    . 

.     0"6 

9H0'^  E.  de  Poulkova. 

Par  les  déclinaisons 

.     0"4 

HMb"           — 

(*)  Annuaire  de  l'Observatoire  royal  pour  1890. 
(")  Astronom.  Nachr.,  n"  2975.  Lehmann-Filhès  :  Bemerkimgcn 
ûber  die  tàgliche  Nutation. 

(**•)  Astronom.  Nachr.,  n"'  2985  et  2988. 


(  183  ) 

La  seule  délermination  crilicable,  entre  toutes  celles 
que  j'avais  faites,  établit  donc  encore,  malgré  le  très  petit 
nombre  des  équations  de  condition  (25  seulement), 
l'existence  de  la  nutation  diurne. 

J'ai  tenu  à  rectifier  ce  point,  et  pour  ma  satisfaction 
personnelle,  et  pour  la  mémoire  du  savant  illustre  qui 
m'a  initié  le  premier  à  l'astronomie  pratique. 

Que  les  astronomes  qui  nient  la  nutation  diurne  veuil- 
lent bien  expliquer  par  quel  merveilleux  hasard  toutes  les 
déterminations  que  j'en  fais,  au  moyen  des  observations 
les  plus  précises,  concourent  à  donner  très  approximati- 
tivemenl  10  heures  pour  la  longitude  orientale  du  pre- 
mier méridien  par  rapport  à  Pouikova! 

La  critique,  qui  a  porté  chez  la  grande  majorité  des 
astronomes,  cl  plus  encore  chez  ceux  qui  n'entendent  rien 
à  la  question,  n'a  nullement  ébranlé  ma  coiiliance. 

Mais,  en  présence  de  l'incrédulité  presque  générale,  je 
me  s'jis  proposé  de  ne  plus  présenter  aux  astronomes  que 
des  preuves  devant  lesquelles  ils  dussent  se  rendre. 

Quoique  j'aie  déduit  les  valeurs  très  concordantes  ci- 
dessous  des  M  de  la  polaire  observées  par  F.  W.  Struve 
à  Dorpat,  et  de  celles  de  o  Petite  Ourse  et  51  Céphée 
observées  par  Wagner  à  Pouikova  : 


Observations. 

Constante. 

Longitude  orientale  du  premier  méi 

de  Struve 

0"0i 

dO^-ùO™  E.  de  Pouikova, 

de  Wagner 

0"04 

10»        E.  de  Pouikova, 

je  m'abstiendrai  de  résumer  ici  ces  calculs,  qui  seront 
publiés  ultérieurement,  pour  m'attacher  exclusivement 
aux  séries  des  latitudes  de  Pouikova,  observées  par 
Gyldén  et  par  Peters,  et  dont  j'ai  éliminé  la   nutation 

3"*   SÉRIE,    TOME    XXVI.  1.^ 


(  186  ) 

initiale  en  prenant  les  différences  entre  deux  latitudes 
déduites  de  deux  passages  conséculifs,  ou  à  peu  près,  l'un 
supérieur,  l'autre  inférieur. 

L'application  de  mes  théories  aux  observations  très 
précises  de  Gyidén  a  pu  être  discutée  d'une  façon  à  peu 
près  complète,  et  m'a  conduit  à  des  résultats  qui  paraî- 
tront certainement  probants  aux  astronomes,  si,  après  les 
avoir  examinés,  ils  ne  se  bornent  pas  à  dire  :  «  mon  siège 
est  fait  ». 

L'un  de  ces  résultats,  absolument  neuf,  est  la  déter- 
mination de  la  vitesse  et  de  la  direction  du  système 
solaire.  Détermination  obtenue  pour  la  première  fois  par 
un  calcul  direct,  et  qui  a  donné,  pour  1'^  de  l'Apex,  un 
angle  de  277°,  concordant  parfaitement  avec  les  meil- 
leures déterminations  déduites  des  mouvements  propres 
des  étoiles. 

La  vitesse  que  nous  avons  trouvée  est  deux  fois  plus 
grande  que  celle  que  Vogel  (*)  a  déduite  des  vitesses 
propres  que  le  spectroscope  lui  a  fournies  pour  un  certain 
nombre  d'étoiles,  mais  elle  est  la  même  que  celle  que 
d'autres  astronomes  ont  déduite  des  mêmes  obervalions 
de  Vogel  (**). 

Un  autre  résultat,  excellent  critérium  également,  est 
l'obtention  d'une  parallaxe  positive  de  0",0o  pour  la 
Polaire. 

Un  troisième  enfin,  qui  rétablit  l'harmonie  entre  la 
vitesse  bien  connue  de  la  lumière  et  la  parallaxe  du  soleil, 
est  la  correction  négative  de  —  0",037  trouvée  pour  la 
constante  de  l'aberration. 


(■)  Astronom.  Nachr.,  n»  3150. 

(*■)  Monthly  Notices,  vol.  LUI,  pp.  275-276. 


(  187  ) 

Ces  déterminations  préalables  ont  été  jugées  nécessaires, 
afin  de  pouvoir  déterminer  la  nutalion  diurne  indépen- 
damment des  erreurs  de  réduction  dont  les  observations 
pouvaient  être  affectées. 

Car,  à  raison  de  sa  petitesse  (0",04  à  0",06),  la  nutation 
diurne,  dont  la  recherche  constituait  mon  principal  objec- 
tif, ne  peut  être  bien  déterminée,  au  moyen  d'observa- 
tions méridiennes,  que  si  ces  observations  sont  très 
précises  et  très  correctement  réduites. 

La  nutalion  diurne  dépendant,  en  effet,  des  mêmes 
arguments  que  la  nutation  bradiéenne,  il  en  résulte 
plusieurs  conséquences  qui  compliquent  singulièrement 
la  détermination  de  ses  constantes. 

On  sait  que  tous  les  coefficients  de  Peters  ont  été 
calculés  dans  l'hypothèse  d'une  Terre  solide,  hypothèse 
incompatible  avec  l'existence  de  la  nutation  diurne. 

Si  cette  dernière  existe,  c'est-à-dire  si  la  Terre  est 
fluide  en  dessous  du  noyau,  il  est  certain,  comme  l'avait 
déjà  pressenti  W.  Thomson,  et  comme  M.  Ronkar  l'a 
démontré,  que  les  coefficients  des  termes  à  courte  période 
ne  seront  pas  les  mêmes  que  si  la  Terre  était  solide. 

Parmi  ces  termes  figurent  ceux  qui  dépendent  de  la 
double  longitude  du  Soleil,  les  seuls  dont  je  m'occuperai. 

Mais  une  seconde  raison  encore  vient  infirmer  les 
valeurs  attribuées  par  Peters  à  ses  coefficients. 

Ils  se  tirent  tous  de  celle  qu'il  a  déduite,  pour  le 
rapport  — ^  ,  de  sa  constante  de  la  nutation. 

Or,  puisque  la  nutation  diurne  renferme  des  termes 
dépendants  du  nœud,  il  est  bien  probable  que  la  négli- 
gence de  ces  termes  n'a  pas  été  sans  influence  sur  la 
détermination  de  la  constante  de  la  nutation. 

Indépendamment  donc  des  deux  constantes  de  la  nuta- 


(  188  ) 
lion  diurne,  si  l'on  veut  les  déterminer  tout  à  fait  exacte- 
ment, on  doit  introduire,  dans  les  formules  de  réduction, 
la  correction  de  la  constante  de  Peters  et  celle,  au  moins, 
des  termes  qui  dépendent  de  la  double  longitude  du 
Soleil. 

Je  laisserai  de  côlé  la  correction  éventuelle  des  autres 
termes;  pour  ceux  qui  dépendent  de  la  simple  longitude 
du  Soleil,  elle  serait  probablement  insignifiante  à  raison 
de  leur  faiblesse  même;  et  quant  à  celle  des  termes 
lunaires,  elle  entraînerait  à  de  trop  grandes  complications; 
puis,  l'influence  de  ces  termes  disparaît  dans  une  longue 
série  d'observations. 

On  voit  donc  que,  si  l'on  voulait  tenir  compte  de  toutes 
les  réductions  et  corrections  que  nous  avons  mention- 
nées, on  aurait  à  effectuer  la  résolution,  par  les  moindres 
carrés,  d'un  système  d'équations  de  condition  à  neuf 
inconnues  : 

1°  et  2°  Direction  de  la  vitesse  systématique  et  con- 
stante de  l'aberration  systématique; 

3"  Parallaxe  de  l'étoile; 

4°  et  5°  Constantes  de  la  nutation  diurne; 

6"  Correction  de  la  constante  de  l'aberration; 

7°  Correction  de  la  constante  de  la  nutation; 

8°  Correciion  de  la  constante  des  termes  qui  dépendent 
de  la  double  longitude  du  Soleil. 

9°  Correction  de  la  déclinaison  moyenne  adoptée. 

La  résolution  d'un  tel  système  ne  nous  a  paru  ni  pra- 
tique, ni  utile;  et  nous  avons  préféré  scinder  le  problème. 

Éliminant  d'abord,  entre  des  couples  convenablement 
choisis  d'équations  de  condition,  les  termes  de  la  parallaxe 
et  de  l'aberration  systématique,  dont  les  coefficients  sont 
presque  identiques,   nous    avons  effectué  une  première 


(  189) 
tiélerminalion  provisoire  des  constantes  de  la  nuiatioii 
diurne. 

Introduisant  ces  valeurs  dans  les  équations  de  condi- 
tion primitives,  et  laissant  de  côté  les  corrections  des 
termes  du  nœud  et  de  la  double  longitude  du  Soleil, 
nous  avons  déterminé  les  constantes  de  l'aberration 
systématique,  la  parallaxe  de  la  polaire  et  la  correction  de 
la  constante  de  l'aberration  annuelle  : 

Constante  réduite,  de  l'aberration  systé- 
matique   h'  =       39" 

Parallaxe s:  ==       0"0546 

Correction  de  la  constante  de  laberralion  .  =r  —  0"0372 

Correction    de    la    déclinaison    moyenne 

adoptée iv  ^= — 0"05 

L'introduction  de  ces  valeurs  dans  les  86  équations  de 
condition  nous  a  fourni  un  système  qui  ne  renfermait 
plus  que  cinq  inconnues  :  les  deux  constantes  de  la  nuta- 
tion  diurne  et  les  corrections  de  celles  des  termes  du 
nœud,  de  la  double  longitude  du  Soleil,  et  de  la  déclinai- 
son moyenne  adoptée. 

Les  nouveaux  résidus  ainsi  obtenus  sont  représentés 
par  «2-  La  somme  de  leurs  carrés  est 

1  ni  =  4.47, 

tandis  que  nous  avions  trouvé 

V  })]  =  0.86, 

après  avoir  réduit  les  résidus,  déduits  du  Mémoire  de 
Nyrén,  des  termes  du  second  ordre  de  la  nulalion  et  de 
l'aberration  annuelles,  et 

ln^  =  5.66 


(  190) 

en  employant  les  résidus  déduits  directement  du  Mémoire 
de  Nyrén. 

Nous  avons  obtenu,  par  la  résolution  du  nouveau 
système  d'équations  : 

Coefficient  de  la  nutalion  diurne  v  =  0",0665; 

Longitude  du  premier  méridien  L==i2"E  de  Pouikova; 

Coefficient  de  correction  (1  -i-  f)  des  termes  de  la 
double  longitude  du  Soleil  :  f=  —  0,08; 

Correction  de  la  déclinaison  adoptée  :  -4-  0",028. 

Correction  de  la  constante  de  Peiers  :  -+-  0",003. 

Les  nouveaux  résidus  trouvés  par  la  substitution  de  ces 
valeurs  dans  les  équations  de  condition  sont  représentés 
par  ns,  et  l'on  a 

1  til  =  4.82 

Il  semble  donc  que  l'existence  et  la  grandeur  de  la 
nutation  diurne  sont  bien  nettement  démontrées  au  moyen 
de  lexcellente  série  d'observations  de  Gykién. 

Quoique  d'autres  déterminations  que  nous  avons  faites 
de  ses  constantes  concordent  bien  avec  ces  derniers 
résultats,  nous  avons  tenu  à  les  confirmer  en  extrayant, 
des  86  équations  de  condition,  trois  séries  de  60  chacune, 
les  60  premières,  les  60  du  milieu  et  les  60  dernières. 

Ces  trois  séries  ont  donné  : 


1» 

2» 

30 

y  =  0".02 

0.02 

0.07 

L  =  H'> 

15" 

43.5" 

Nous  n'avons  pas  calculé  ici  la  correction  de  la  constante 
de  Peters,  la  période  sur  laquelle  s'étend  chaque  série 
n'étant  pas  assez  longue,  ni  celle  des  termes  en  20. 


(  191  ) 

J'ai  appliqué  la  même  méthode  aux  observalions  de 
Peters  traitées  par  Chandler,  qui  en  avait  déduit  une 
correction  de  -+-  0".065  pour  la  constante  de  l'aberra- 
tion. 

Comme  les  séries  qu'il  avait  groupées  ne  m'ont  fourni 
que  42  équations  de  condition,  j'ai  supposé  connues  la 
longitude  du  premier  méridien  (10"  K  de  Poulkova),  l'^R  de 
l'Apex  du  mouvement  systématique  (280"),  la  parallaxe 
de  la  polaire  (0".05);  et  j'ai  calculé,  d'après  ces  observa- 
lions,  la  correction  de  la  constante  de  l'aberration,  le 
coefiîcienl  de  la  nutation  annuelle  et  la  constante  réduite 
de  l'aberration  systématique. 

Pour  la  première  de  ces  inconnues,  j'ai  trouvé 
-hO".0()093; 

Pour  la  seconde,  4-  0".255; 

Pour  la  troisième,  -+-  9". 

Celte  dernière  valeur  est  beaucoup  moins  forte  que 
celle  que  j'ai  déduite  des  observations  bien  plus  précises 
de  Nyrén;  la  seconde,  beaucoup  trop  forte. 

Les  résultats  qui  précèdent  sont  probants. 

Ils  constituent,  avec  mes  travaux  inédits,  mentionnés 
ci-dessus,  sur  les  observations  de  Slruve  et  de  AVagner, 
le  terme  de  mes  recherches  dans  cette  direction. 

On  a  vu  de  quelles  difficultés  celles-ci  sont  hérissées; 
difficultés  matérielles  surtout. 

Or,  je  ne  dispose  pas  de  calculateurs  pour  m'aider  dans 
ces  travaux,  et  je  ne  puis  effectuer  par  moi-même  les 
milliers  de  multiplications  et  d'additions  qu'ils  exigent. 

Jusqu'à  présent,  j'ai  pu  être  aidé  puissamment  par  le 
zèle  dévoué,  acharné  dirais-je  volontiers,  de  quelques-uns 
de  mes  astronomes,  qui,  malgré  le  discrédit  dans  lequel 
tout  le  monde,  autour  d'eux,  jetait  mes  théories,   ont 


(  192  ) 

continué  à  les  suivre  et  à  me  seconder  avec  une  entière 
confiance. 

Aujourd'hui,  je  ne  le  puis  ni  ne  le  veux  plus.  Mon  siège 
aussi,  à  moi,  est  fait,  et  je  ne  le  recommencerai  pas. 

Demain,  ou  un  peu  plus  tard,  quelque  astronome  de 
poids,  et  il  suffira  d'un  seul,  étudiant  avec  soin  mes 
travaux,  trouvera  son  chemin  de  Damas,  et  proclamera  la 
vérité,  qui  éclatera  alors  à  tous  les  yeux. 

Une  bonne  part  de  mérite  en  reviendra  à  mes  dévoués 
collaborateurs,  et  tout  particulièrement  à  M.  Nieslen  et 
à  M.  BijI;  je  les  remercie  cordialement  de  leur  con- 
cours, et  leur  en  conserverai  une  reconnaissance  inalté- 
rable. 

Peut  être  des  astronomes,  ébranlés  mais  non  convain- 
cus encore  par  ces  derniers  résultats,  voudront- ils  les 
vérifier  par  d'antres  séries  d'observations.  Pour  pouvoir  en 
tirer  des  conclusions  un  peu  certaines,  ces  observations 
doivent  avoir  une  précision  à  peu  près  égale  à  celle  des 
dernières  observations  dont  nous  avons  fait  usage,  celles 
de  F.  W.  Slruve,  de  Wagner  et  de  Gyidén,  et  il  serait 
très  avantageux  qu'elles  ne  s'étendissent  que  sur  une 
période  d'un  an  environ,  tout  en  étant  suffisamment 
nombreuses. 

Pour  moi,  il  est  une  seule  recherche  que  je  désirerais 
ardemment  pouvoir  faire,  aussi  bien  quant  à  la  nulation 
diurne  que  quant  à  la  nutation  initiale,  qui  sont  enche- 
vêtrées l'une  dans  l'autre  :  c'est  l'observation,  à  quelques 
heures  d'intervalle,  d'étoiles  très  voisines  du  pôle.  Ces 
observations,  dont  j'ai  fait  l'essai  à  Cointe,  où  elles  sont 
possibles  grâce  à  l'ouverture  de  la  lunette  méridienne 
(7  pouces),  sont  absolument  indépendantes,  non  seulement 
des  erreurs  de  réduction,  mais  encore  des  erreurs  instru- 


(  i93  ) 

mentales,  si  l'on  observe  les  différences  de  hauteur  et 
d'azimulh  de  deux  étoiles. 

Malheureusement,  elles  sont  impossibles  à  Uccie  avec 
les  instruments  actuels,  et  il  faudra  attendre,  pour  pouvoir 
les  y  faire,  que  l'Observatoire  soit  muni  d'une  lunette  fixe 
d'une  ouverture  suflisante. 


Afin  de  mettre  les  astronomes  à  même  de  vérifier  nos 
calculs,  ou  de  les  appliquer  à  d'autres  séries,  nous  consi- 
gnerons ici  les  formules  dont  nous  avons  fait  usage  dans 
la  réduction  de  la  demi-différence  des  latitudes  obtenues 
par  un  passage  supérieur  et  un  passage  inférieur  \-y^j 
à  peu  près  consécutifs. 

Je  supposerai  celte  demi-différence  corrigée  des  termes 
du  second  ordre  de  l'aberration  et  de  la  nutation,  et  la 
désignerai,  ainsi  corrigée,  par  n;  cette  correction  est,  pour 
la  réduction  au  lieu  apparent,  égale  à 

sm  2^(4  a)-. 

4 

Le  terme  qui  dépend  de  la  correction  x  de  la  constante 
de  l'aberration  sera  désigné  par  ax;  celui  qui  provient  de 
la  combinaison  de  l'aberration  annuelle  avec  l'aberration 
systématique  par         . 

cy  =  —  kk'  tg(?sin  (A'  —  a)  |  cos  e  cos  a  cos  O  -4-  sin  a  sin  O  { > 

k  étant  la  constante  de  l'aberration  annuelle,  k'  la  con- 
stante réduite  de  l'aberration  systématique. 

Si  Ton  veut  déterminer  A',  au  lieu  de  le  prendre  égal 
à  280%  on  aura  deux  inconnues  au  lieu  de  y. 


(  19M 

Le  terme  de  la  parallaxe  sera  désigné  par  bw. 
Ceux  de  la  nutation  diurne  par 

^  elTi  étant  le  coefficient  v  de  la  nutation  diurne  multiplié 
respectivement  par  le  sinus  et  le  cosinus  de  (2L  h-  a),  et 
L  la  longitude  orientale  du  premier  méridien  par  rapport 
au  lieu  de  l'observation. 

On  pourra  se  borner  à  prendre, en  longitudes  vraies: 

2i  =  — i. 155  — 0.154  cosQ  -t-  0.36  cos  2© 

-+-  0  82  cos  2C:  +  0.14  cos  (2(C—  Q)  -+-  0.13  cos  (C— r'). 
2g  =  — O.llSsinQ  -t-  0.159  sin20 

H-  0.89  sin  2C  -+-  0.18  sin  (2C—  Q)- 

Cela  posé,  l'équation  de  condition  est,  abstraction  faite 
de  la  correction  des  termes  en  Q  et  en  2©  : 

ax  -\-  cy  -\-  brz  —  2,§  -<-  v^^^  -»-  m?  -+-  w  =  0, 

équation  dans  laquelle  w  représente  la  correction  de  la 
déclinaison  moyenne  adoptée. 


Recherche  correcte  de  la  Constante  de  l'aberration  par  des 
observations  dans  le  premier  vertical;  par  F.  Folie, 
membre  de  l'Académie. 

Un  lait  m'a  toujours  frappé  d'étonnement  depuis  quel- 
ques années  :  c'est,  d'une  part,  la  valeur  très  forte  que  l'on 
trouve  généralement  pour  la  constante  de  l'aberration  par 
les  observations  dans  le  premier  vertical;  d'autre  part,  la 
discordance  énorme  entre  les  résultats  fournis  à  un  même 


(  198) 

astronome,  par  ses  observations  sur  deux  étoiles  diffé- 
rentes; je  citerai  o  Cass.  et  u  Grande-Ourse,  let  oDrag.,qui 
ont  donné  à  Nyréu,  les  premières  20,66,  les  autres  20.2  à 
peu  près. 

Chandier,  en  appliquant  à  ces  observations  sa  formule 
empirique  des  variations  de  la  latitude,  a  considérablement 
réduit  ces  écarts;  mais  il  trouve  une  constante  très  forte  : 
20,55  par  les  premières  étoiles;  20,53  par  les  deux 
autres  (*). 

Mes  recherches  sur  les  deux  nutations  à  courte  période 
m'ont  empêché  jusqu'aujourd'hui  d'approfondir  ce  sujet. 

Maintenant  qu'elles  sont  terminées,  et  qu'elles  m'ont 
donné  chaque  fois  des  corrections  négatives  pour  la 
constante  de  l'aberration,  soit  par  des  séries  d'^R,  soit  par 
des  séries  de  déclinaisons,  je  me  suis  décidé  à  rechercher 
la  raison  de  ces  anomalies,  et  je  l'ai  trouvée  dans  la 
manière  incomplète  dont  les  observations  sont  traitées. 

Afln  d'abréger  l'exposition,  je  les  supposerai  faites 
exactement  dans  le  premier  vertical. 

On  sait  que  les  astronomes  réduisent  habituellement 
ces  observations  au  moyen  de  la  formule 

Il  sin  /f  -+-  u  cos  /«  -t-  ax  M-  6î/  -4-  2  -H  n  =  0, 

dont  les  termes  seront  délinis  ci-dessous. 

Cette  formule  n'est  pas  suffisamment  correcte,  comme 
on  va  le  voir. 

Dans  le  premier  vertical,  la  hauteur  du  pôle  se  calcule 
par  tg  cp  =  tg  8  cos  -r^. 


(*)  A  stronomical  Journal,  n*  297. 


(196) 

La  déclinaison  apparente  o,  calculée  par  les  astronomes, 
doit  être  augmentée  : 

1°  Des  termes  périodiques  de  l'aberration  systématique; 

2"  De  ceux  de  la  nulation  initiale  (*); 

3"  De  ceux  de  la  nutalion  diurne. 

Nous  représenterons  par  AB  l'ensemble  de  ces  correc- 
tions, et  par  Aa  les  corrections  correspondantes  en  AR. 

La  hauteur  du  pôle  correcte  sera  donc  donnée  par 

tg  *  =  tg  ((?  -t-  Ar;)  COS  (if  —  Aa), 

puisque 

i)  =  t  —  a; 

d'où 

A  tg  *  =  tg  »î>  —  tgy  =  IgS  sin  >jAa  -t-  sec^(î  COS  j^a^. 

Les  astronomes  ont  toujours  omis  de  tenir  compte  du 
premier  de  ces  termes  ;  on  ne  peut  plus  le  faire  si  l'on  a 
égard  à  la  nutalion  diurne,  à  moins  que  sin  i]  ne  soit  très 
petit,  ce  qui  n'a  généralement  pas  lieu. 

Si  l'équation  précédente  se  rapporte  au  passage  W,  pour 
le  passage  E,  on  aura  à  changer  ri  en  —  ri  ;  affectant  des 
indices  2  et  i  respectivement  ces  deux  passages  et 
prenant  la  moyenne,  on  aura 

Aa2  —  A«i  A(?2  -4-  A(?i 

(1)     .     .     Atg*  =  tg(Jsini} i-sec*acos)j • 

Nous  avons  à  calculer  A  a^  —  A  a,,  qui  sera  nul  en  ce 


(*)  Ceux-ci  sont  identiques  aux  termes  u  sin  it-^-v  cos  U  employés 
par  les  astronomes  sous  le  nom  de  variation  de  latitude. 


(  197) 
qui  concerne  la  parallaxe,  l'aberralion  et  l'aberration  sys- 
tématique. 

L'expression  de  la  niilalion  initiale  et  de  la  natation 
diurne  en  M  est 

cot  â\a.  =  r  sin  (/t  -f-  [5  -t-  )f) 
—  V  j  2,  cos  (L'  -t-  2ij)  -+-  ^2 sin  (L'  -t-  2ij)  j . 

Nous  n'écrivons  que  le  premier  terme  de  la  nutation 
initiale;  le  second  a  une  forme  analogue,  et  l'on  verra 
qu'il  n'est  négligé  qu'en  apparence. 

V  est  la  constante  de  la  nutation  diurne. 

L'  =  2  L  H-  a,  L  étant  la  longitude  orientale  du 
premier  méridien  par  rapport  au  lieu  d'observation. 

Les  expressions  numériques  des  fonctions  H,  et  S2  sont, 
en  longitudes  vraies, 

2,  =  — 1.155  — 0.154  cosQ -4-  0.56  cos  2  ©  -f- 0.82  cos  S^ 

-+-  0. 1 4  cos  (2C  —  Q)  —  O.i  5  cos  {5C  —  r')- 
22  =  —  0.18  sin  Q  -4-  0.59  sin  20  -+-  0.888  sin  2^ 

-f- 0.18  sin  (2C—Q). 

De  l'équation  précédente  on  tire,  en  se  rappelant  que 

i  COt^  (Aaa  —  Aa,)  =  r  sin  i^  COS  {it  -*-  p) 
-t-  V  sin  2  if  (2|  sin  L'  —  2»  cos  L'). 

En  déclinaison,  on  a,  pour  la  nutation  initiale  et  la 
nutation  diurne: 

Ar;  =  — r  cos(/«  -f-  j3  4-  )})—  V  j  2i  sin  (L'  -+-  2;?)  —  22COS  (L'  ■\-  2)^)  j  ; 


(  198) 
d'où,  comme  ci-dessus, 


2 


—  ycos>fCOs(<«-+-(3)  — vcos2>f(2,sinL' — z^cosL'). 


Quant  à  la  parallaxe,  en  l'appelant  Us  en  déclinaison,  il 
suffira  d'écrire 

De  même  S5  pour  les  termes  périodiques  de  l'aberration 
systématique.  L'expression  en  est 

83==:  —  kk'  tg(J  sia  (A'  —  a)  (cos  f  cos  a  cos  O  -4-  sin  a  sinQ)  ; 

k  est  la  constante  de  l'aberration  annuelle;  A;'  la  constante 
réduite  de  l'aberration  systématique;  A'  VaK  de  l'Apex. 
Substituant  dans  l'équation  1),  on  aura  : 

ûtg*  =  {tg^(î  sin^if  —  sec^(5'cos^i;)r  cos  [it  ■+■  p) 

-t-  sec^^  cos  ij  (rij  -+-  Ss) 

—  V  (2,  sin  L'  —  Sa  cos  L')  (tg^cî  sin  1/  sin  ii^  -t-  sec^  S  cos  jf  cos  2ij). 

Le  dernier  terme,  celui  de  la  nutalion  diurne,  est,  pour 
une  étoile  déterminée,  une  constante  que  nous  désignerons 
par  —  N^. 

Quant  à  In  niilation  initiale,  on  tiendra  compte  de  son 
second  terme  en  la  mettant  sous  la  forme  u  s\nit-hv  cos  it; 
nous  appellerons  b  le  coefficient  de  la  parallaxe,  ot  la  valeur 
de  celle-ci;  a  le  coefficient  de  l'aberration,  x  la  correction 
de  la  constante  de  Slruve;  alors,  en  introduisant  une 
inconnue  s  pour  tenir  compte  de  la  correction  de  la  décli- 
naison moyenne  adoptée,  on  aura  : 

N5  —  Se^  scc'(î  cos  ij  4- Atg4'=i/  sin  it-i-v  cos  it  -t-  CT^secMcos^ 
-♦-  xa  secV  cos  >/  -t-  z. 


(  199  ) 
Soit  <p  la  lalilude  aslronomiqiie  déduite  des  observations 
et  cp  —  ^  =  n,  d'où 

sin(.j,  —  f) 
cos  *  COS  f 

qu'on  peut  écrire 

Alg<l.  =  —  n  sec^(î). 


Faisant 


Nj  —  S^  sec-(î  cos  ij  —  n  sec^'P  =  »„ 
6  sec' (?  cos  jj  =  bi,a  sec' J  cos  ij  =  Oj, 


on  aura  enfin  : 

u  sin  d  ■+■  V  cos  /<  -f-  n6,  -h  xa,  -t-  ;3  =  n,. 

Telle  est  l'équation  de  réduction  correcte  des  observa- 
lions  de  passage  au  premier  vertical. 

Si  l'on  y  fait  abstraction  de  la  nutation  diurne  et  de 
l'aberration  systématique,  qu'aucun  astronome  n'a  encore 
introduites  dans  ses  calculs,  cette  équation  concordera  avec 
la  leur;  alors  elle  devient,  si  l'on  pose  z'  =z  cos^  8  : 
îi  sin  tt  -\-  V  cos  it  -\-  zub  -^  xa  -i-  z'  -*•  il  ==  Oj 

c'est  là  l'équation  dont  les  astronomes  font  usage,  comme 
il  est  dit  au  commencement  de  celte  note,  tandis  que 
lequalion  correcte  (mais  incomplète  à  cause  de  la  négli- 
gence des  termes  périodiques  très  faibles  de  l'aberration 
systématique)  serait,  en  posant  <ï>  =  S,  ce  qui  est  sans 
grande  conséquence  pour  les  étoiles  observées,  voisines 
du  zénith  : 

u  sin  it  -^  V  cos  <t  -*-  ra6  -+-  a:a  -t-  *'  -H  n  -+- 
V  (—  2,  sin  L'  -<-  ^2  cos  L')  (cos  >?  —  cos'  â  sin  t^  sin  2)^)  =  0. 


(  200  ) 


Recherches  sur  les  dérivés  mono-carbonés;  par 
Louis  Henry,  membre  de  l'Académie. 

V.  —  Sur  les  dérivés  ammoniacaux  de  l'aldéhyde 
méthylique  {*). 

Au  cours  de  mes  recherches  sur  les  dérivés  mono-car- 
bonés, j'ai  été  amené  à  reprendre  l'étude  de  l'action  des 
bases  ammoniacales  sur  l'aldéhyde  méthylique. 

(*)  Cette  notice  n'a  que  la  valeur  d'une  communication  prélimi- 
naire. 

J'étais  en  possession  des  résultats  que  j'y  ai  consignés  lorsque 
parut,  à  la  fin  de  juillet,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  chimique  de 
Paris  {''),  un  mémoire  de  M.  A.  Trillat  intitulé  :  «  Sur  la  fixation  du 
»   groupement  =  Cllj  dans  certains  dérivés  amidés  », 

On  y  lit  ces  lignes  :  «  En  faisant  agir  la  formaldéliyde  sur  les  solu- 
»  lions  aqueuses  non  acidulées  des  aminés  primaires  et  secondaires 
«  de  la  série  grasse  et  aromatique,  j'ai  obtenu  une  série  de  composés 
»   qui  peuvent  être  représentés  par  les  formules  générales 

(l) RAz=CH2 

»   pour  les  aminés  primaires  et 

(2) R'Az>CH, 

»  lorsqu'on  opère  avec  les  aminés  secondaires.  Tous  ces  composés  se 
»  présentent  sous  la  forme  de  poudre  amorphe  ou  de  cristaux  plus  ou 
»  moins  bien  définis  et  dont  le  point  de  fusion  n'est  généralement  pas  très 
»   net.  « 

En  présence  de  ce  travail,  je  ne  pouvais  pas  attendre  plus  longtemps 
pour  faire  connaître  les  faits  que  j'avais  constatés  de  mon  côté. 

On  pourra  juger  combien  mes  déterminations,  en  ce  qui  concerne 
les  composés  de  la  série  grasse,  concordent  peu  avec  celles  qu'annonce 
le  chimiste  français. 

Je  m'autorise  du  caractère  provisoire  de  cette  notice  pour  ne  pas 
faire  l'historique  de  la  question  qui  en  est  l'objet. 

(1)  Numéro  14,  daté  du  20  juillet,  reçu  le  27. 


(  201  ) 

L'aldéhyde  méthylique  en  solution  aqueuse  (*)  réagit 
avec  une  grande  intensité  sur  les  dérivés  amidés  HjN  -  X 
et  imidés  HN  -  X2  de  l'ammoniaque,  selon  les  équations 

H^C  =  0  -t-  H,NX  =  H^C  =  NX  -I-  HjO 
H^C  =  0  -4-  2FINX2  =  H,C  <  "^  +  H,0. 

Je  ne  m'occuperai  ici  que  des  dérivés  de  la  série  alipha- 
lique. 

On  trouve  le  type  de  ces  réactions  dans  la  mono-  et  la 
rfi-méthylamine. 

Série    A.    —    Dérivés    rnéthyléniques     mono-azotés 

On  introduit  par  petites  portions  la  solution  de  la 
méthylamine  (**)  dans  la  solution  aqueuse  de  l'aldéhyde 
méthylique,  en  quantité  équimoléculaires.  Les  liquides  se 
dissolvent  l'un  dans  l'autre  avec  un  échauffement  considé- 
rable :  aussi  faut-il  refroidir. 

La  potasse  caustique  solide  sépare  le  produit  sous  forme 
d'une  couche  surnageante.  Le  même  alcali  sert  à  le  des- 
sécher. Le  rendement  est  intégral  {'"). 


C)  De  40  »/o  (Mercklin  et  Lôsekann). 

(**)  A  55<>/o,  produit  de  Kahlbaum. 

(*"*)  Voici  le  détail  d'une  opération  :  '/j  molécule  d'aldéhyde  for- 
mique,soit  15  grammeset  '/,  molécule  de  méthylamine,  soit  16  gram- 
mes, Tune  et  l'autre  en  solution  aqueuse,  ont  été  mélangées.  Disso- 
lution et  échauffement  considérable.  La  potasse  caustique  solide 
sépare  le  produit  du  liquide  sous  forme  de  couche  huileuse  surna- 
geante; j'en  recueille  5!2  grammes;  c'est  juste  '/s  molécule  du  produit 
H,C  =  N  -  CH5 -♦-  H,0 ;  la  KOH  solide  en  morceaux,  en  sépare 
rapidement  de  l'eau  et  ramène  le  poids  du  produit  brut  obtenu  à 
20  grammes,  soit  '/a  molécule  HjC  =  N  -  CH3. 

S""*    SÉRIE,    TOME    XXVI.  14 


(  202  ) 

La  mélhyle-mélhylène-amine  H2C  =  N-CH3,  ainsi  obte- 
nue, conslilue  un  liquide  mobile,  incolore,  d'une  faible 
odeur  de  marée,  aisément  soluble  dans  l'eau,  d'une  den- 
sité égale  à  0,9215  à  IS"?  et  bouillant  sans  décomposition 
à  166°,  sous  la  pression  de  758  millimètres. 

Ce  corps  se  congèle  dans  le  mélange  de  neige  carbonique 
et  d'étber  et  fond  à  -  27°. 

Sa  densité  de  vapeur  (*)  a  été  trouvée  égale  à  1,56;  la 
densité  calculée  est  1,49. 

La  méthyle-raélhylénamine  H2C  =  N  -  CH3  se  combine 
avec  l'eau,  l'alcool  mélhylique  et  l'ammoniaque,  en  s'écbauf- 
fant  d'une  manière  fort  appréciable.  Ces  combinaisons  sont 
épbémères  et  ne  résistent  pas  à  la  distillation. 

La  KOH  solide  sépare  l'hydrate  H2C  =  i\  -  CH3, 11,0 
de  sa  dissolution  dans  l'eau;  celui-ci  perd  à  la  longue  son 
eau  au  contact  du  même  alcali  en  fragments. 

L'éthyle-amine  en  solution  aqueuse  (*')  se  comporte  de 
la  même  manière. 

L'édiyle-méllujlène-amine  H2C=N-C2Hs  est  en  tous 
points  analogue  au  composé  méthylique,  mais  elle  se  dis- 
sout moins  aisément  dans  l'eau. 

Sa  densité  à  18"7  est  égale  à  0,8923.  Elle  bout  à  207°- 
208°  et  se  fond  après  congélation  de  -  45°  à  -  50°. 

La  propyle -aminé  normale  C  H3- C  H2 -  C  H2  (N  H,), 
comme  telle,  réagit  aussi  très  vivement  sur  l'aldéhyde  for- 
mique  aqueuse.  Le  produit  formé,  étant  insoluble,  vient 
surnager;  on  le  dessèche  sur  la  potasse  caustique  solide. 

(*)  Dans  la  vapeur  de  l'aniline;  impossible  dans  la  vapeur  d'eau 
à  100». 

(")  De  53  "/»  (KalUbaum). 


(  505  ) 

La  propijle-mét/njlcne -aminé  H2C  =  N-C3H7,  aussi 
liquide,  bout  à  248"  sous  la  pression  de  757  millimétrés. 
Sa  densilé  à  18''7  est  égale  à  0,8800;  à  —  75»  elle  est  pois- 
seuse, mais  ne  se  congèle  pas. 

Sa  densité  de  vapeur  a  été  trouvée  égale  à  2,56;  la  den- 
sité calculée  est  de  2.46. 

N  X 
Série  B.  —  Dérivés  métlujléniques  di-azotés  HoC  <  i^'v". 

La  dimélhyle-amine  en  solution  aqueuse  (*)  réagit  éner- 
giquement  sur  l'aldéhyde  mélhylique;  on  en  prend  deux 
molécules  pour  une  d'aldéhyde. 

Il  est  nécessaire  de  ne  l'introduire  dans  celle-ci  que  par 
petites  portions;  réchauffement  considérable  qui  se  pro- 
duit rend  le  refroidissement  nécessaire;  les  deux  liquides 
se  mélangent;  en  y  introduisant  de  la  potasse  caustique 
solide,  on  détermine  la  séparation  de  l'aminé  nouvelle 
formée  sous  forme  de  liquide  surnageant. 

Le  rendement  est  intégral.  La  KOH  solide  permet  de 
dessécher  le  produit. 

La  lélra-méthijle-méllnjlène-diamine  H2C  <  vSni  \ 
constitue  un  liquide  incolore,  très  mobile,  d'une  odeur  très 
forte,  piquante,  ra|ipelant  tout  à  la  fois  celle  de  l'ammo- 
niaque et  de  l'aldéhyde  mélhylique,  soluble  dans  l'eau, 
d'une  densité  égale  à  0,7491  à  18°7  et  bouillant  vers  80°, 
elle  ne  se  congèle  pas  dans  la  neige  carbonique  arrosée 
d'élher. 

Sa  densité  de  vapeur  a  été  trouvée  égale  à  3,48:  la 
densité  calculée  est  de  5,52. 

La  di-éihyle-amine,  comme  telle,  se  combine  vivement 


(*)  De  35  o/o  (Kahlbaum). 


(  204  ) 

aussi  à  l'aldéhyde  mélhylique  aqueuse.  Le  produit  sur- 
nage; la  KOH  le  sépare  totalement.  On  le  dessèche  à  l'aide 

de  ce  même  alcali. 

N  (C  H  'i 
La   tétra  -  éthyle  -  méthylène  -  diamine  HaC  <  ^  (qu^' 

constitue  un  liquide  incolore,  faiblement  odorant,  inso- 
luble ou  très  peu  soluble  dans  l'eau;  d'une  densité  égale  à 
0,8105  à  iS"?,  bouillant  à  168".  Densité  de  vapeur 
trouvée,  5,32;  calculée  5,45. 

La  dipropyle-amine  normale  (CjHyja  NH  se  comporte 
comme  la  di-éthylamine  (').  Le  produit  HoC<  ,yr  )^'^u  ^ 
bout  en  se  décomposant  à  la  fin  vers  225°-2o0".  Sa  den- 
sité à  18°  est  égale  à  0,8014. 

Je  signalerai  en  dernier  lieu  la  réaction  si  nette  et  si 
aisée  ào.  la  pipéridine,  C5H10-  NH. 

La  pipéridine  se  combine  intensément  avec  la  formaldé- 
hyde  aqueuse.  Le  produit  surnage.  On  le  dessèche  sur  de  la 
KOH  solide. 

C'est  un  liquide  incolore,  quelque  peu  épais,  d'une  odeur 
fade,  d'une  densité  égale  à  0,9148  à  18''7,  insoluble  dans 
Teau,  cristallisant  par  le  froid  en  petites  aiguilles,  fondant 

à-2°r). 

La  méthylène-diamylène-diamine  normale  H2C  <nÏc^H*" 
bout  fixe  à  237"-2o8°,  sous  la  pression  de  759  milli- 
mètres. 


(*)  La  réaction  de  la  di-éthylamine  et  de  la  dipropylamine  sur 
l'aldéhyde  formique  est  moins  nette  que  celle  de  la  diraéthylamine.  Je 
m'occuperai  dans  une  communication  ultérieure  des  produits  acces- 
soires. 

(")  La  pipéridine  elle-même  se  congèle  par  le  froid  en  aiguilles 
fusibles  à  -  H». 


(  205  ) 

Toutes  ces  combinaisons,  comme  on  le  voit,  présentent 
les  mêmes  allures;  toutes  sont,  comme  l'ammoniaque  elle- 
même,  insolubles  dans  les  solutions  fortement  alcalines  et, 
de  même  que  les  amides  —  C  <  ^„  et  les  nilriles  -  C  =  N, 
elles  s'hydratent  sous  l'action  des  acides,  en  régénérant 
l'aldéhyde  formique  et  les  bases  ammoniacales  primitives. 

Je  ferai  remarquer  en  passant  la  différence  notable  que 
l'on  observe,  quant  à  la  volatilité  et  la  densité,  entre  les 
composés  mono-azotés  de  la  série  A  et  les  composés 
bi-azotés  de  la  série  B. 

Série  A.  H2C  =  N  -  C^H^^^, 

Ébiillition.  Densité. 

H,C-N-CHs  166»  0,9213 

HjC  =  N  -  C2H5  208°  0,8923 

HjC  =  N  -  C3H7  248°  0,8800 

Série  B.  H^C  =  fN(C„H,„+,)2> 

Ébullilion.  Densité. 

II^C  =  [N(CH3),]2  85°  0,7491 

II2C  =  I  N(C2H5)2]2  \  68»  0,81 05 

H,C  =  [N(C3H,);]8  225°  — 

La  comparaison  de  ces  dérivés  méthyléniqites  HC  =  avec 
les  dérivés  carboniques  correspondants  OC  =  donne  lieu  à 
de  curieux  rapprochements. 

a)  Dérivés  mono-azotés  >  C  -  Az  -  CH3, 

H^C  =  Az  -  CH3  Éb.  1 66°  OC  =  Az  -  CH3  Éb.  iSHS. 

Différence- 120°. 

Le  remplacement  de  Ha  par  0  dans  le  méthylène, 
abaisse  le  point  d'ébullilion  d'environ  i20°. 


(  206  ) 

C'est  un  nouvel  el  remarquable  exemple  du  fait  général 
que  j'ai  signalé  à  diverses  reprises,  de  l'induence  volatili- 
sante qu'exerce  sur  les  molécules  carbonées  l'accumulation 
des  radicaux  négatifs,  et  notamment  de  0  et  de  Az,  en  un 
point  de  celles-ci. 

6)  Dérivés  bi-azoïés  >  C  <  ^^^'. 

H,C  <  ^,l\ru"\'  Éb  85-^         OC  <  f'SpUt  Éb.  177° 

^  Az(Cn3)2  Az(Lll3)2 

Différence  •+-  90°. 

Il  est  assez  étrange  que  dans  ces  composés  la  modifica- 
tion déterminée  dans  la  volatilité  par  la  substitution  de  0 
à  Ha  dans  le  groupement  =  CH2  soit  d'un  ordre  inverse 
de  celle  que  l'on  constate  dans  les  dérivés  mono-azotés. 

Il  en  est  ainsi  dans  les  dérivés  correspondants  oxygénés 

H,C<OCH.Éb.«-        OC<0!;||=Éb.i)0.. 
Différence  -♦-  48°. 

Avant  de  terminer,  je  ne  crois  pas  inutile  de  m'arrêter 
un  instant  à  l'action  de  l'ammoniaque  elle-même  sur  l'al- 
déhyde mélhylique  en  solution  aqueuse. 

On  sait  combien  celte  action  est  vive,  rapide  et  éner- 
gique. 

L'introduction  de  la  KOH  solide  dans  le  mélange 
refroidi  des  solutions  aqueuses,  détermine  la  précipitation, 
sous  forme  d'une  poudre  blanche,  de  la  méthylène-amine 
(HgQsN^.  Les  réactions  que  j'ai  indiquées  plus  haut  per- 
mettent de  suivre  pas  à  pas  la  formation  de  ce  composé; 
j'admets  que  le  produit  immédiat  de  l'action  de  NH3  sur 
l'aldéhyde  est  la  méthylène-amine  H^C  =  NH.  Celle-ci, 


(  207  ) 
renfermant  encore  de  l'hydrogène  ammoniacal,  réagit  à 
son  tour  sur  l'aldéhyde  formique 

H,C  <  OH  -^  HN  =  CH,  -  "^^  *^  N  =  CH,  ^  ^"^" 

à  la  façon  des  aminés  secondaires  HN(CH3)2,  etc. 

Toutes  les  réactions  que  je  viens  de  relater  sommaire- 
ment s'exécutent  facilement  et  avec  rapidité  :  à  ce  douhie 
litre,  elles  constituent  de  véritables  expériences  de  leçon, 
du  genre  le  plus  classique  (*). 


(*)  Loiivain  le  8  août.  Je  viens  de  recevoir  les  n"'  15  et  16  du 
Bulletin  de  In  Société  ctn'mique  de  Paris. 

J'y  lis  CCS  lignes  : 

0  Séance  du  mercredi  12  juillet  1895.  M.  Trillat  décrit  les  nou- 
1-  veaux  composés  qu'il  a  obtenus  en  faisant  agir  l'aldéhyde  formique 
t>  sur  les  aminés  primaires  et  secondaires.  Avec  l'ammoniaque,  en 
»  opérant  da'is  certaines  conditions,  on  obtient  un  autre  composé  que 
»  celui  qui  est  décrit  par  les  auteurs  sous  le  nom  d'hexa-mélhylen- 
»  aminc.  il  doit  répondre  à  la  formule  flAz  =  CH,.  De  même,  avec 
»  la  mélhylamine  et  l'éthylamine,  on  obtient  des  corps  cristallisés 
»  qui  ont  probablement  la  constitulionCH5Az  =  CH,et  Cj[J5Az  =  CH,. 
«  Dans  la  série  aromatique,  la  benzidine,  la  naphlylaminc  donnent 
»    des  combinaisons  analogues. 

»  Avec  les  aminés  secondaires,  M.  Trillat  obtient  des  combinaisons 
»   cristallines  qui,  d'après  lui,  doivent  avoir  la  conslilulion 

J'ignore  les  conditions  dans  lesquelles  a  pu  opérer  M.  Trillat  pour 
arriver  à  des  résultats  aussi  différents  des  miens. 


(  208 


Sur  une  méthode  simple  pour  mesurer  le  retard  des  miné- 
raux en  lames  minces;  par  G.  Cesàro,  chargé  du  cours 
de  minéralogie  à  TUniversilé  de  Liège. 

Il  s'agit  d'une  méthode  rapide,  n'encombrant  pas  le 
microscope  par  ties  appareils  spéciaux,  et  suffisamment 
précise  pour  les  recherches  pélrographiques;  nous  l'avons 
aussi  employée  pour  la  détermination  rapide  de  la  biré- 
fringence de  certains  minéraux  qui  se  présentent  en  cris- 
taux très  minces,  en  aiguilles,  ou  qui  peuvent  fournir  de 
bonnes  lames  de  clivage.  L'emploi  du  comparateur  de 
M.  Michel-Lévy  exige  chez  l'opérateur  une  perception  nette 
des  couleurs  de  polarisation;  la  méthode  que  nous  allons 
exposer  n'exige  que  la  perception  des  violets  sensibles, 
teintes  que  tout  le  monde  saisit.  Avant  de  l'exposer,  nous 
allons  rappeler  le  principe  de  la  recherche  et  indiquer  les 
unilés  adoptées. 

Betard.  Biréfringence.  —  Lorsqu'un  rayon  monochro- 
matique, polarisé  reclilignement,  tombe  normalement  sur 
une  lame  cristalline  à  faces  parallèles,  il  se  décompose  à 
l'intérieur  de  celle-ci  en  deux  rayons  vibrant  suivant  les 
axes  de  l'ellipse  que  la  lame  coupe  dans  l'ellipsoïde  inverse, 
axes  ayant  pour  grandeur  les  inverses  des  vitesses  de  pro- 
pagation de  ces  rayons.  La  différence  entre  les  temps  em- 
ployés par  les  deux  ondes  à  traverser  la  lame  est  le  retard, 
qui  a  donc  pour  expression  : 


R  =  e|-  — - 


(  209  ) 

si  e  est  l'épaisseur  de  la  lame,  r  et  r'  les  vitesses  de  propa- 
gation dont  il  s'agit.  Si  le  faisceau  émergant  est  reçu  dans 
un  nicol  dont  le  plan  de  symétrie  est  perpendiculaire  à  la 
vibration  incidente,  à  la  sortie  de  cet  analyseur,  le  faisceau 
aura  pour  intensité: 

I  =  a  sin- !2asm-jr  — , (i) 

en  désignant  par  a^  l'intensité  du  faisceau  incident,  par  a 
l'angle  que  la  vibration  incidente  fait  avec  un  des  axes  de 
l'ellipse  de  section,  par  a  la  longueur  d'ondulation  de  la 
lumière  monochromatique  employée;  on  déduit  de  celle 
formule  les  différents  cas  d'extinction,  en  faisant  varier  a, 
e  et-  — ^.  La  différence  entre  les  indices  principaux - 
et  j,  est  appelée  biréfringence  de  la  lame  (*),  de  sorte  que  le 
retard  égale  Vépaisseur  multipliée  par  la  biréfringence  : 

R  =  eX. 

Le  retard  est  un  temps;  ordinairement  on  l'exprime  en 
espace  :  si  e  et  s'  sont  les  épaisseurs  des  lames  d'air  que  les 
ondes  traverseraient  respectivement  dans  les  temps  qu'elles 
ont  employé  à  traverser  la  lame  cristalline,  la  vitesse  de 
propagation  dans  l'air  étant  1,  on  a  : 
e  ,  e 
r  r' 

et 

R  =  t—s. 


(*)  La  biréfringence  est  maxima,  pour  un  uniaxe,  dans  une  section 
parallèle  à  l'axe  optique;  pour  un  biaxc,  dans  une  lame  parallèle  au 
plan  des  axes  optiques;  c'est  cette  biréfringence  maxima  qui  est  la 
biréfringence  proprement  dite  ou  la  biréfringence  de  la  substance 
considérée. 


(  210  ) 

Nous  supposerons  Vépaisseur  des  lames  cristallines  ex- 
primée en  centièmes  de  millimètre,  la  biréfringence  en  mil- 
lièmes; de  la  sorte  le  retard  sera  exprimé  en  cent-millièmes 
de  millimètre.  Ainsi,  dans  le  quarlz,  dont  les  indices  prin- 
cipaux sont  :  ^=  1,553  el  ^  =  1,544,  la  biréfringence 
d'une  lame  parallèle  à  l'axe  est  9  millièmes;  si  la  lame  a 
5  centièmes  de  millimètre  d'épaisseur,  elle  donnera  un 
retard  de  45  cent-millièmes  de  millimètre. 

Comme  les  indices  varient  avec  la  couleur  de  la  lumière 
employée,  la  biréfringence  se  rapporte  à  une  couleur  déter- 
minée. 

Lumière  blanche.  Teinte  de  polarisation.  —  Si  l'on 
emploie  la  lumière  blancbe,  non  seulement,  comme  il  vient 
d'être  dit,  -  —  p  varie  pour  chaque  couleur,  mais  a  aussi 
peut  varier  sensiblement;  si  l'on  fait  abstraction  de  cette 
dernière  variation  et  que  l'on  applique  la  formule  (1)  aux 
différents  faisceaux  simples  qui  composent  le  faisceau  inci- 
dent, on  obtient  : 

1  R 

I  =  a*  sin*2ay  -sin  V— . 

formule  dans  laquelle  ^  est  la  fraction  de  lumière  de  lon- 
gueur d'ondulation  1  qui  entre  dans  la  composition  de  la 
lumière  blanche;  on  voit  que  la  lumière  émergeant  de 
l'analyseur  ne  sera  plus  blanche,  car  les  différentes  lu- 
mières simples  n'y  entrent  plus  dans  le  rapport  :  ,^  =  ^  :  etc. 
La  lame  prendra  donc  une  certaine  coloration,  qui  restera 
la  même  pendant  sa  rotation  autour  de  l'axe  du  micros- 
cope; mais  l'éclairement  variera  avec  a  et  sera  maximum 
lorsque  les  axes  de  l'ellipse  de  section  coïncident  avec 
les  bissectrices  des  angles  formés  par  les  sections  des 


(  2H  ) 
niçois  {*).  La  leinle  de  polarisation  dépend  du  retard  : 
lorsque  celui-ci  augmente  de  0  à  65,1,  la  teinte  monte 
du  noir  au  rouge;  un  retard  variant  de  So,l  à  H0,1 
donne  encore  des  teintes  se  suivant  dans  l'ordre  d'énon- 
ciation  habituelle  de  la  gamme  chromatique  :  violet, 
indigo,  bleu,  vert,  jaune,  orangé,  rouge  :  ces  teintes  sont 
dites  du  deuxième  ordre;  celles  comprises  entre  55,1  et 
110,1  sont  du  premier;  on  a  de  même  des  teintes  ana- 
logues du  troisième  el  du  quatrième  ordre.  L'échelle  chro- 
matique de  Newton  (voir  Mallard.  Crisl.,  t.  Il,  p.  165)  (**) 
donne  la  succession  de  ces  teintes  correspondant  à  des 
retards  diiïéranl  entre  eux  de  quantités  variables  depuis 
0,6  jusquà  11,6  :  un  œil  très  sensible  aux  couleurs  peut 
donc,  à  l'inspection  de  la  teinte  de  polarisation,  et  en  se 
servant  de  l'échelle  chromatique,  apprécier  approximati- 
vement le  relard.  On  appelle  teintes  sensibles  des  teintes 
qu'une  légère  variation  de  retard  fait  changer  notablement. 
Entre  les  niçois  croisés,  les  deux  violets  sensibles  sont  : 

V,  =  57,5 
el 

r,=  112,8; 

entre  les  niçois  parallèles,  il  y  a  trois  violets  sensibles  : 

V3  =  28,1,         r4  =  86,6,         i;,=  137,6. 


(*)  Entre  les  niçois  parallèles  la  teinte  est  complémentaire;  l'inten- 
sité de  réclairement  sera  donné  par 

/  <  R 

I  =  a*    1  —  sin  '2a  2  -  sin  *T  - 

l  ni 

(**)  Pour  adopter  nos  unités,  dans  cette  échelle  il  faut  diviser  tous 
les  retards  par  10. 


(  212  ) 
L'œil  le  moins  sensible  aux  couleurs  saisit  neltemenl  ces 
violets;  la  moindre  diminution  de  relard  les  fait  descendre 
au  rouge. 

Méthode  pour  la  mesure  des  retards.  —  Après  avoir 
placé  une  des  directions  d'extinction  à  45°  des  sections  des 
niçois  croisés,  on  superposera  à  la  lame  un  biseau  de 
quartz  parallèle  avec  son  axe  à  45°  de  la  section  du  pola- 
riseur;  on  fera  varier  l'épaisseur  du  biseau  de  manière  à 
obtenir  un  violet  sensible,  v^  par  exemple;  à  ce  moment  le 
relard  résultant  est  de  57,5  et,  comme  le  retard  de  la 
lame  s'ajoute  algébriquement  à  celui  du  quarlz,  et  que  ce 
dernier  relard  est  connu  par  la  lecture  faite  à  la  vis  micro- 
métrique qui  fixe  la  position  du  biseau,  on  pourra  en  dé- 
duire le  retard  de  la  lame. 

La  même  expérience  donne  le  signe  de  la  direction  d'ex- 
tinction que  l'on  examine,  c'est-à-dire  détermine  quel  est 
le  grand  et  quel  est  le  petit  axe  de  l'ellipse  de  section  (ordi- 
nairement on  donne  au  grand  axe  le  signe  -4-,  au  petit  axe 
le  signe  — );  car  si,  pour  amener  le  violet  sensible,  il  faut 
une  plus  grande  épaisseur  de  quartz  lorsque  le  biseau  est 
superposé  à  la  lame  que  lorsqu'il  est  seul,  c'est  que  les 
relards  se  retranchent  et  que,  par  conséquent,  les  ellipses 
sont  croisées;  l'axe  du  quarlz  étant  positif,  ils  s'ensuit  que 
l'axe  de  l'ellipse  de  la  lame  dirigé  suivant  l'axe  du  quartz 
est  négatif. 

Sur  une  même  plage  on  peut  faire  quelquefois  jusqu'à 
dix  observations,  en  opérant  soit  par  soustraction,  soit  par 
addition  et  en  plaçant  les  niçois  tantôt  croisés,  tantôt  para- 
lèles.  Entre  les  niçois  croisés,  on  observera  les  violets  V]  et 
v^;  entre  les  niçois  parallèles,  les  violets  Vg,  v^  et  v^. 

Au  point  de  vue  de  la  précision,  les  meilleures  teintes 


(  2i3  ) 
sont  Ug  et  v^;  voici  pourquoi  :  Tous  ces  violets  sont  pro- 
bablement confondus  par  certains  observateurs  avec  les 
teintes  sombres  qui  correspondent  à  l'exlinclion  du  jaune 
moyen  de  longueur  d'onde  65,1;  entre  les  niçois  croisés  ces 
extinctions  correspondent  à  X  ^  55,1  et  2X  =  H0,2; 
entre  les  niçois  parallèles  à 


5a  oa 

27,55,      —  =  82,05,      —=157,75; 
'     '       2  2 


on  voit  que  ces  teintes  sont  très  voisines  des  violets  cités 
ci-dessus;  mais,  tandis  que  vi  et  v^  diffèrent  des  teintes 
sombres  correspondantes  de  plus  de  2  unités,  v^  et 
v^  s'identifient  à  peu  près  avec  elles;  les  yeux  peu  sensi- 
bles aux  couleurs  les  percevront  nettement  par  le  minimum 
d'intensité  qu'elles  offrent  relativement  aux  couleurs  voi- 
sines. Les  meilleures  observations  se  font,  lorsque  la  chose 
est  possible,  entre  niçois  parallèles  et  par  l'obtention  du 
violet  v^. 

Par  cette  méthode,  on  peut  arriver  à  mesurer  les  biré- 
fringences de  bien  de  substances  sans  les  tailler  :  de  petits 
cristaux  de  calamine  aplatis  suivant  g\  de  fines  lames  p  de 
barytine,  ont  pu  donner  de  bons  résultats  quoique  trop 
épaisses  pour  donner  des  teintes  de  polarisation  :  le  biseau 
de  quartz,  en  opérant  par  soustraction,  peut  amener  la 
teinte  v^  ou  V2. 

Pour  ne  pas  avoir,  lors  de  chaque  mesure,  à  adapter  un 
appareil  spécial  au  microscope,  nous  avons  fait  fixer  défi- 
nitivement à  son  tube  une  vis  micrométrique,  dont  l'écrou 
mobile  vient  simplement  buter  contre  l'extrémité  du  biseau 
de  quartz;  une  division  rectiligne  indique  des  millimètres, 
la  graduation  de  la  tète  de  la  vis  donne  des  vingtièmes  de 


(2)4) 

millimèlre.  On  inlroduil  le  biseau  par  A,  son  arête  étant 
en  B,  et  Ton  cherche  la  position  où  l'un  obtient  un  des 
violets  sensibles;  puis,  en  tenant  lixe  le  biseau  en  A  et  tout 
en  continuant  à  examiner  la  lame,  on  avance  l'écrou  jus- 
qu'à ce  que  l'on  ressente  qu'il  y  a  eu  contact. 


iv 


i,„ri 


Le  retard  élant  obtenu,  pour  avoir  la  biréfringence  il 
faut  mesurer  l'épaisseur;  dans  les  exemples  qui  suivent 
cette  mesure  a  été  faite  soit  en  mettant  successivement 
au  point  la  face  supérieure  de  la  lame,  puis  la  face  du 
porte-objet  sur  laquelle  elle  repose,  soit  par  le  moyen 
suivant  :  Nous  avons  adapté  à  un  microscope  une  platine 
mobile  dans  son  plan,  parallèlement  à  un  des  (ils  du  réti- 
cule, par  une  vis  micromélrique,  dont  la  division  accuse 
0,2  centièmes  de  millimètre;  on  place  sur  la  lame  porte- 
objet  un  petit  parallélipipède  rectangle  en  verre,  à  l'une'des 
faces  verticales  duquel  on  a  fait  adhérer,  en  l'humectant 
légèrement,  la  lamelle,  de  manière  qu'elle  dépasse  légère- 
ment vers  le  haut;  on  observe  ainsi  la  lamelle  sur  sa 
tranche  et  en  faisant  coïncider,  à  l'aide  de  la  vis,  successi- 
vement les  deux  bords  de  la  tranche  avec  un  fil  du  réticule, 
on  obtient  l'épaisseur. 

Enfin,  pour  les  lames  minces  de  roches,  déjà  fixées  au 
porte-objet,  on  peut  choisir  entre  difl'érentes  pisges  d'un 
minéral  bien  connu,  de  quartz  par  exemple,  une  plage  dont 


(213) 

la  leinle  esl  la  plus  haute,  et  vérifier,  en  lumière  conver- 
gente, si  elle  est  sensiblement  parallèle  ô  l'axe  optique.  En 
mesurant  son  retard  et  en  le  divisant  par  9,  on  aura  l'é- 
paisseur de  la  lame  mince. 

EXPÉIUENCES. 

Les  essais  qui  suivent  ont  été  faits  avec  un  biseau  de 
quartz  non  approprié  à  l'instrument;  nul  doute  qu'en  per- 
fectionnant un  peu  l'appareil  on  n'arrive  à  de  bien  meil- 
leurs résultats;  dans  certains  essais,  comme  vérification, 
nous  avons  mesuré,  en  lumière  ronge,  les  extinctions  cor- 
respondant à  0)v,  Xet  2X  entre  les  niçois  croisés  et  à  |  ou  -g- 
entre  les  niçois  parallèles;  mais  ces  extinctions  sont  bien 
moins  aisées  à  observer  que  les  violets. 

Graduation  de  l'instrument.  —  Si  n  esl  le  nombre  lu  sur 
l'échelle  portée  par  l'écrou,  R,  le  retard  correspondant  du 
biseau  de  quartz,  on  a  évidemment 

R,  =  A  —  Bn, 

en  désignant  par  A  le  retard  correspondant  à  n  =  0  et  par 
B  la  quantité  dont  ce  retard  diminue  pour  n  =  i. 

Pour  déterminer  A  et  B,  il  suffit  de  chercher  les  valeurs 
de  n  qui  donnent  deux  violets  sensibles  et,  de  préférence, 
«3  et  fy;  comme  ces  violets  sont  inaccessibles  pour  le 
biseau  seul  dans  notre  instrument,  nous  avons  mesuré  les 
valeurs  correspondant  à  v^  et  v,;  nous  avons  obtenu: 
n-,  =  12,9,  ??2  =  2,5;  on  a  donc,  pour  déterminer  A  et  B, 
les  deux  équations 

r,  =  A  —  Bh, 
Ta  =  A  —  Bnj, 


(216) 

Comme  les  leinles  prises  pour  u,  el  Vz  pourraient  bien 
n'être  que  les  teintes  sombres  correspondant  aux  extinc- 
tions du  jaune  moyen,  il  vaut  mieux  opérer  comme  il  suit  : 
la  quantité  r^  —  r^  est  à  peu  près  la  même,  que  l'on  ait 
affaire  aux  violets  57,5  et  112,8  ou  aux  teintes  sombres 
correspondantes  :  55,1  et  110,2;  on  peut  donc  tirer  des 
équations  ci-dessus 


Pour  avoir  A,  nous  avons  déterminé  la  valeur  de  n  qui 
donne  l'extinction  entre  les  niçois  croisés,  en  tamisant  la 
lumière  par  un  verre  coloré  en  rouge  par  l'oxyde  cuivreux, 
extinction  qui  a  lieu  au  moment  où  le  relard  est  62,8;  nous 
avons  obtenu  :  w  =  12  et  A  =  126,61  ;  la  formule  qui 
donne,  pour  chaque  valeur  de  n,  le  retard  fourni  par  le 
biseau  de  quartz  est  donc 

R,  =  126,61  —  5,32n. 

On  en  tire  r,  =  57,98  et  r^  =  113,31  ;  on  voit  que  les 
teintes  observées  sont  très  approximativement  les  violets 
sensibles.  Le  violet  v^,  était  aussi  accessible  et  corres- 
pondait à  ?ï4  =  7,6,  ce  qui  donne  r^  =  86,1  ;  quant  à  v^  et 
ujj,  pour  les  raisons  indiquées  plus  haut,  nous  avons  pris 
les  chiffres  théoriques  :  r^=  28,1  et  r^  =  137,6. 

Exemples  de  minéraux. 

Calamine.  —  Petit  cristal  très  aplati  suivant  gf'.  Son 
épaisseur,  mesurée  par  les  deux  mises  à  point,  est  de 
11,52,  par  la  mesure  de  la  tranche,  de  11,2.  La  teinte, 


(  217  ) 

à  peine  discernable,  est  d'ordre  1res  élevé.  On  a  obtenu, 
par  souslraclion, 


n 

R, 

R-R, 

R 

Vi 

8,4 

81,92 

113,51 

195,25 

Vi 

3,55 

108,78 

86,1 

194,88, 

L'axe  -  est  dirigé  suivant  la  verticale,  et  l'on  a,  pour  la 
biréfringence  de  la  lame, 


1       1_  195,05 
c~6        11,56  ~ 


Barytine.  —  Petit  cristal  très  aplati  suivant  p.  Teinte 
très  haute  du  troisième  ordre.  Épaisseur  15  et  13,4.  On  a 
obtenu  par  soustraction  : 


n             R,          R  —  R^ 

R 

7,5         87,77         57,98 
12,8         58,51         86,10 

145,75 
144,61 

c        h 

Êmeraude.  —  Petit  prisme  hexagonal  très  allongé  sui- 
vant l'axe,  teinté  en  jaune  du  premier  ordre.  On  a  obtenu, 
par  souslraclion, 


H 

R, 

R,-R 

R 

t\        3,9 

105,86 

57,98 

47,88 

V,        9,6 

75,54 

28,10 

47,44 

e  = 

=  10,5 

X  =  4,6. 

5" 

"    SÉRI1£,    TOME 

XXVI. 

15 


(  218  ) 

Microsommite.  —  Petits  prismes  hexagonaux.  Positif. 
On  a  obtenu,  par  soustraction 


1"  cristal. 


2"*  cristal. 


n             R,        R  — R,  R 

Oa  (rouge)    5,9  95,22         0  95,22 

U5               11,5  06,49       28,10  94,59 

e=  12,69  X  =  7,5 

V,               11,5  65,43       57,98  123,41 

u,                 6,2  93,65       28,10  121,73 

e=  15,98  X  =  7,7. 


Quartz.  —  Cristaux  très  minces  appuyés  sur  une  face  e^. 
Le  premier  cristal  ne  montre  pas  de  teinte  entre  les  niçois 
croisés;  entre  les  niçois  parallèles  on  peut,  par  soustrac- 
tion, le  faire  descendre  à  v^\  son  épaisseur  était  de  50,08: 


R, 

R  — R, 

R 

1"  cristal. 

\v. 

2          115,97 
X  =  8,4 

157,6 

253,57 

2''  cristal. 

10,1         72,88 
4,9       100,54 

113,31 
86,10 

186,19 
186,64 

< 

j-=  21,62         X  = 

=  8,6. 

Milariie.  —  Les  extinctions  ne  sont  qu'approximatives; 
on  sait  que  cette  substance  est  pseudo-hexagonale.  Exces- 
sivement peu  biréfringente;  des  cristaux  relativement  très 


(  219  ) 

épais  donnent  des  teintes  de  polarisation  naesurables  par 
soustraction  et  par  addition  : 


n 

R, 

R,q^R 

R 

i  f  •         9,5 

77,13 

57,98 

19,2 

Soustraction.  (  Vj       15,1 

46,28 

28,10 

18,2 

(f*         4 

103,53 

86,10 

19,2 

Addition.  \    ^ 

94,69 

115,31 

18,6 

65,45 

86,10 

20,7 

e  =  o8,5 

X  =  0,.5. 

Heidandite.  —  Lame  de  clivage  g^  très  épaisse  : 

1       1 

e  =  49,35         R  =  68         X=- =1,4. 

b       a 

Gypse.  —  Lames  de  clivage  gf*.  La  première  montre  une 
teinte  très  haute,  du  quatrième  ordre;  la  seconde,  plus 
épaisse,  n'est  pas  colorée.  On  a  opéré  par  soustraction  : 


1"  lame. 


R, 

R-R, 

R 

V2 

14            52,13 

113,31 

165,44 

Ul 

3,5       107,99 

57,98 

165,97 

l'i 

9,1         78,20 

86,10 

164,50 

e  =  18,8         X  = 

=  8,8 

^2 

5,8         93,75 

115,31 

209,06 

Vs 

10,5         70,75 

137,60 

208,55 

e  =  23,5         X  = 

8,9. 

2"'''  lame. 


Lorsqu'une  lame  présente  des  plages  à  couleurs  bien 
tranchées,  on  peut  mesurer  la  différence  de  retard  des 


(  220  ) 
plages  en  les  amenant  successivement  à  un  même  violet 
sensible;  en  mesurant  ensuite  la  différence  de  niveau,  en 
les  mettant  successivement  au  point,  on  peut  calculer  la 
biréfringence.  Dans  une  lame  de  gypse  on  a  observé  deux 
plages  dont  la  différence  de  niveau  était  2,8;  entre  les 
niçois  parallèles,  elles  donnaient  le  violet  v^  l'une  pour 
n'  =  11;3,  l'autre  pour  n"  =  7,1.  La  différence  de  retard 
est 

R  =  5,32  («'  —  n")  =  22,34; 
d'où 

X  =  8. 

Carpliolite  (Meuville).  —  Aiguilles  s'éteignant  sensible- 
ment suivant  leur  longueur,  dont  la  direction  a  le  signe  -4-, 
Polychroïque;  conformément  à  la  loi  de  Babinet,  la  plus 
forte  absorption  a  lieu  lorsque  la  vibration  est  dirigée  sui- 
vant la  longueur;  on  obtient  alors  une  teinte  grise  assez 
sombre;  lorsque  la  vibration  est  transversale,  on  obtient 
du  jaune  clair.  Dans  la  première  aiguille  on  a  opéré  par 
soustraction;  on  a  pu  obtenir,  entre  les  niçois  parallèles, 
les  deux  uj  symétriquement  placés  par  rapport  à  la  posi- 
tion de  compensation, 


l*"""  cristal. 


2"^  cristal. 


n 

R. 

R 

i)i         10,5 

70,75 

70,75 

V,         15,5 

44,15,     R  —  R,=  28,10 

72,25 

V3              5,1 

99,48,     R,  —  R=  28,10 

71,58 

e  =  C,M         X  =  11,7 

i'.           4,7 

101,61,  R,  — R=    57,98 

45,63 

V3                  10,1 

72,88          »            28,10 

44,78 

v.,{AL)\\ 

08,09,  R,^-+-R=  115,51 

45,22 

e  =  5, 

JG         X=11,8. 

(  221 

) 

Mica  quart  i 

d'onde  (*) 

71 

R, 

r,tR 

R 

—  l'i 

10,1 

72,88 

57,98 

14,90 

—  Vz 

15,7 

43,09 

28,10 

14,£9 

—  Vi 

4,7 

101,61 

86,10 

15,51 

H-  V^ 

13,9 

42,02 

57,98 

15,96 

■+-  Vi 

5,6 

96,82 

113,31 

16,49 

-t-  Vi 

10,2 

72,55 

86,10 

15,75. 

Quartz  teinte  sensible 


n 

R. 

R-R, 

R 

—  r, 

13,7 

55,73 

57,98 

111,71 

—  V, 

8,2 

82,99 

28,10 

111,09. 

Pour  de  plus  grands  retards  nous  nous  sommes  servi 
d'un  biseau  de  quartz  de  plus  grand  angle  (**).  Les  violets 
y  étaient  inaccessibles  dans  notre  appareil  et,  pour  le 
graduer,  nous  avons  amené  les  violets  v^  et  ^4  en  sous- 


'^C)  Le  signe  indique  si  le  résultat  a  été  obtenu  par  addition  ou 

par  soustraction. 

(**)  Dans  le  premier  biseau,  pour  un   millimètre  de   longueur, 
S  32 
l'épaisseur  varie  de  —  centièmes  de  millimètre;  de  sorte  que,  si  a 

est  l'angle  du  biseau,  on  a 

3,32 

tga  = =  0,0059  et  a  =  0-20'. 

900         ' 


Pour  le  second  biseau,  on  a  de  même 


7,92 

tga  = =  0,0088,     X  =  O03O'. 

^  900  ' 


(  222  ) 

Irayanl  111, 4  aux  relards  du  biseau  à  l'aide  du  quartz 
sensible  mesuré  ci-dessus.  On  a  obtenu 

iii  =  15,4    (Rç  >  r  =  1 1 1,4)  correspondant  à  n  =  57,98 
«4=    9,85  y  »  ri  =  86,10 

Si  R,^  =  A— Bw  est  le  retard  du  biseau,  pour  déterminer 
A  et  B  on  a  les  deux  équations  : 

A  —  Bn,  —  r  ==  T) 
A  —  BaJj  —  r  =  Vi. 

On  en  tire  : 


=  7,9-2,         A  =  275,51 , 

Il  —  'h 

R.  =  275,51  -7,92w. 


Voici  un  exemple  où  le  retard  montait  jusqu'à  357  et 
dans  lequel  on  a  réussi  à  amener,  par  soustraction,  les 
violets  V2  et  v^,  en  se  servant  de  ce  second  biseau  de 
quartz. 

Barytine.  —  Lame  p.  Épaisseur  37,6. 

n           R,         R  — R,  R 

«2       5,9       244,62       115,51  557,95 

V,       7,2       218,49       137,60  556,09 

X  =  9,5. 


( 

223  ) 

Pyromorp/iite.  — 

Négatif,  e  = 

14,57.  On 

a  opéré  par 

soustraction: 

n 

R. 

R-H, 

R 

1"  biseau.  <^  t^ 
(  fi 

7,5 

80,71 

113,31 

200,02 

15 

57,45 

157,()0 

195,05 

2,2 

114,91 

86,10 

201,01 

2<*  biseau.  ]  Ox 

9,3 
X 

201,85 
=  15,7. 

0 

201,85 

Voici  quelques  exemples  de  retards  mesurés  dans  des 
lames  minces  de  roches. 

Micaschiste. 

Quartz.  —  Plage  à  teinte  très  basse  montrant,  en 
lumière  convergente,  la  croix  noire  dont  le  centre  se  meut 
sur  le  bord  du  champ,  lorsque  la  lame  tourne  autour  de 
l'axe  du  microscope  : 


n 

«, 

R,-R 

R 

Soustraction, 

11,15 

5,9 

67,29 
93,22 

57,98 
86,10 

9 
9 

n 

R, 

R,  +  R 

R 

Addition .     . 

14,7 
9,7 

48,41 
73,01 

37,98 
86,10 

9i 
11. 

Quartz.  —  Plage  jaune,  pai 

lallèle  à 

l'axe  (*), 

n 

R, 

R,-R 

R 

Soustraction. 

5,3 
11 

98,41 
68,09 

57,98 
28,10 

40i 
40 

(*)  Une  telle  lame,  en  lumière  convergente,  ne  présente  pas  de 
lignes  incolores;  mais  lorsque,  après  l'avoir  amenée  à  la  position 
d'extinction,  on  la  fait  tourner  autour  de  l'axe  du  microscope,  la 


Addition 


(  224  ) 

n  R,  R,-+-R  R 

(  V.         9,6       75,54  113,31  38 

f  Vi       14,7       48,41  86,10  57^. 


Mica  blanc.  —  Teinte  1res  haute,  que  l'on  arrive  à  peine 
à  compenser  par  la  plus  grande  épaisseur  du  biseau.  En 
opérant  par  soustraction,  on  a  obtenu  : 

w  R,  R  — R,         R 

v,         7,1  88,84  57,98  146,82 

Vi       12,4  60,64  86,10  146,74 

«3        1,5  118,63  28,10  146,75. 

Trachyte. 

Orthose.  —  Plage  blanchâtre  entre  les  niçois  croisés.  En 
lumière  convergente  on  voit  que  c'est  sensiblement  g»'  : 


n 

R, 

R,  — R 

R 

l  ^' 

9 

78,73 

57,i.8 

21 

Soustraction. 

8 
14,2 

84,05 
51,07 

62,80 
28,10 

21 
23 

1    Vt 

3,5 

107,99 

86,10 

22 

lumière  n'envahit  pas  uniformément  le  champ  (a  étant  constant  en 
tous  les  points,  mais  R  variant  d'un  point  à  un  autre,  form.  (1), 
p.  209).  L'éclaircissement  se  produit  plus  lentement  suivant  la 
direction  de  l'axe  optique.  Le  phénomène  ressemble  beaucoup  à  celui 
que  l'on  observe  lorsque  dans  une  lame  biaxe  normale  à  la  bissec- 
trice, après  avoir  formé  la  croix,  on  la  défait  par  la  rotation  de  la 
platine.  On  peut,  par  ce  moyen,  non  seulement  reconnaître  une  plage 
de  quartz  parallèle  à  l'axe,  mais  en  outre  y  déterminer  la  direction 
de  l'axe  optique. 


(  225  ) 


n 

R, 

R,-+-R 

R 

v-> 

5,15 

99,21 

113,31 

14 

A 

\ù 

46,81 

62,80 

16 

2a 

3,4 

I08,5i> 

1 25,G0 

17 

Vi 

10,5 

70,75 

8G,10 

15, 

Addition 


Péridol.  —  Plage  de  teinte  très  foncée  voisine  d'un  violet 
sensible  : 

«  R,        R,— R       R 

u,         0,5       123,95         57,98       66 
^5         6,2         93,65         28,10       65^ 

-  5,8         95,75         31,40       64^ 


Soustraction. 


n 


R„         R„  H- R 


Addition.     .  i  u,       13,7         55,73       113,51       59i. 

Péridot.  —  Plage  jaune  montrant  en  lumière  conver- 
gente le  pôle  d'un  axe  optique  peu  excentrique  : 


n 

R, 

R,-R 

R 

A 

5,9 

95,22 

62,80 

32i 

1  ""' 

12,6 

59,58 

28,10 

3U 

Soustraction. 

" 

1,4 

119,16 

86,10 

33 

\\ 

12,1 

62,24 

31,40 

31 

n 

R, 

R,-+-R 

R 

[v. 

8,2 

82,99 

113,31 

30  i 

Ux 

6,1 

94,16 

125,60 

3H 

Addition  .     . 

<     Vi 

13,5 

54,79 

86,10 

3U 

3A 

2 

11,5 

65,43 

94,20 

29. 

(  226 

) 

\ugile.  —  Plage  ja 

une  : 

n 

R, 

B,-R 

R 

Vi 

8 

84,05 

57,98 

26 

A 

6,6 

91,50 

62,80 

28i 

Soustraction.  ( 

12,9 
2,2 

57,98 
114,91 

28,10 
86,10 

30 
29 

X 

~2 

12,8 

58,51 

31,40 

27 

n 

R, 

R„+R 

R 

«2 

7,7 

85,65 

113,51 

27i 

2x 

5,5 

97,55 

125,60 

28 

Addition  .     .  \  Vi 

12,9 

57,98 

86,10 

28 

ÙX 

10,8 

(i9,15 

94,20 

25. 

Observation. 

On  peut  éviter  de  se  servir  de  la  valeur  de  A  et  n'em- 
ployer que  celle  de  B,  de  la  manière  suivante  : 

Si  r  est  le  retard  correspondant  à  une  certaine  teinte,  si 
n  est  le  nombre  de  divisions  qu'il  a  fallu  pour  amener  celte 
teinte  par  soustraction,  n'  celui  qu'il  a  fallu  pour  la  pro- 
duire par  addition,  on  a,  R  étant  le  retard  cherché, 


d'où 


R„  —  R  =  r,         r;  -h  R  ==  r, 


R  =  1  (R^  —  R,;)  =  i  R(/i'  —  n). 


11  suffit  donc  (ïamener  la  même  leinte  par  soustraction 
et  par  addition;  la  différence  des  nombres  lus  à  la  vis 
micromélrique,  multipliée  par  un  nombre  constant,  don- 


(  227  ) 
nera  le  relard.  Ce  nombre  conslanl  se  déterminera  soil 
comme  il  a  été  dii  page  21G,  par  l'oblenlion  de  deux  violets 
sensibles,  soil  en  expérimentant  sur  une  lame  de  retard 
connu.  Avec  le  premier  biseau  dont  nous  nous  sommes 
servi,  on  a 

R  =  2,C6(n'  — m). 

Ainsi,  dans  le  cristal  de  Milarile  traité  page  219,  on  a 
obtenu  le  violet  v,,,  par  soustraction  pour  w  ^  4-,  par  addi- 
tion pour  h'  =  1 1 ,5 ;  on  en  déduit  :  R  =  20. 


Sur  la  niilrition  des  Ëchinodermes ;  par  Marcellin  Cha- 
peaux, docteur  en  sciences  naturelles. 

Les  phénomènes  généraux  de  la  digestion  des  Échine- 
dermes  ont  été  étudiés  par  L.  Fredericq,  GrilTilhs  et  par- 
ticulièrement |)ar  Frenzel  ;  mais  l'étude  des  phénomènes 
intimes  de  la  nutrition  n'a  encore  fait,  je  pense,  l'objet 
d'aucune  recherche  spéciale. 

On  sait  que  la  digestion  des  Ëchinodermes  est  une 
véritable  digestion  pancréatique. 

En  ce  qui  concerne  les  Astéries,  que  j'ai  surtout  étudiées, 
les  glandes  digeslives  radiales  agissent  sur  l'amidon  cru 
ou  cuit  pour  le  transformer  en  glucose;  elles  dissolvent 
rapidement  la  fibrine  en  peptone;  elles  émulsionnenl  for- 
tement l'huile  d'olive  et  d'autres  substances  grasses. 

La  solution  fermentifère  provenant  de  la  trituration  des 
glandes  et  i)réparée  à  l'aide  de  procédés  connus,  présente 
une  réaction  alcaline  très  nette.  Son  action  sur  les  ali- 
ments est  nulle  quand  elle  est  acidulée  par  2  :  1000  d'acide 
chlorhydrique. 

La  cavité  digestive  (œsophage,  estomac)  sécrète  dans 


(  228  ) 
l'épaisseur  de  ses  parois  des  ferments  qui  transforment  la 
fibrine  et  l'amidon. 

L'activité  chimique  des  ferments  s'exerce  avec  une 
égale  intensité  dans  des  limites  très  étendues  de  tempéra- 
ture (de  3"  à  plus  de  30"). 

Les  résultats  qui  viennent  d'être  résumés  ont  leur 
importance,  mais  ils  n'éclairent  en  quelque  sorte  que  les 
débuts  d'une  fonction. 

La  fibrine  est  peptonisée,  l'amidon  transformé  en  glu- 
cose, l'huile  émulsionnée.  Mais  l'animal  n'absorbe  point  la 
peptone  telle  quelle,  ni  la  glucose,  ni  l'émulsion  grasse. 
L'acte  digestif  continue,  de  nouvelles  transformations 
s'opèrentet  des  organes  particuliers  jouent  un  rôle  impor- 
tant dans  ces  modifications  ultimes. 

Les  glandes  radiales  des  Astéries  sécrètent  un  liquide 
fermentifère  qui  agit  en  dehors  d'elles  :  c'est  une  digestion 
à  distance,  extracellulaire.  Ce  fait  s'applique  à  la  digestion 
de  la  fibrine  et  de  l'amidon.  Mais  nous  verrons  que  la 
dissolution  des  graisses  et  les  modifications  ultérieures 
de  la  peptone  et  de  la  glucose  sont  des  processus  intracel- 
lulaires. 

Les  gouttelettes  graisseuses  de  l'émulsion  s'introduisent 
à  l'intérieur  des  glandes,  pénètrent  dans  leur  é|)ithélium, 
le  traversent  et  finissent  par  gagner  la  cavité  générale  du 
corps. 

Les  coupes  d'épithélium  glandulaire  d'Astéries  ayant 
reçu  de  l'huile  d'olive  par  la  voie  œsophagienne,  montrent 
les  cellules  gorgées  de  gouttelettes. 

11  n'y  a  pas  que  l'huile  qui  passe  à  travers  l'épilhélium 
digestif  :  on  donne  en  proie  à  une  Aslerias  glacialis  un 
flocon  de  fibrine  imbibée  de  carmin.  Douze  heures  après 
la  digestion,  on  retrouve  une  quantité  de  grains  rouges 


(  229  ) 
dans  l'épaisseur  des  parois  des  glandes  radiales  el  aussi 
dans  la  cavité  générale. 

La  graisse  émulsionnée  passe  dans  la  cavité  cœlomique 
sans  subir  la  moindre  action  chimique  pendant  son  trajet 
à  travers  les  parois  glandulaires.  Jamais,  en  effet,  je  n'ai 
observé  la  dissolution  des  matières  grasses  par  les  solu- 
tions fermentifères. 

La  dissolution  s'opère  dans  la  cavité  générale  :  là,  ces 
matières  se  dédoublent,  comme  le  montre  bien  le  change- 
ment de  réaction  qui  se  manifeste. 

Si  l'on  injecte  dans  la  cavité  un  mélange  d'huile  émul- 
sionnée el  de  carmin,  on  n'y  retrouve  plus  de  gouttelettes 
au  bout  d'un  certain  temps,  tandis  que  très  longtemps 
après  on  y  observe  encore  des  granules  colorés. 

Quel  est,  dans  la  cavité  cœlomique,  l'agent  qui  modifie 
les  matières  grasses  ?  Le  liquide  de  celle  cavité  est  iden- 
tique au  sang  des  vaisseaux;  il  renferme  en  suspension 
des  corpuscules  que  l'on  a  désignés  avec  raison  sous  le  nom 
d'aniibocyles.  Dans  le  liquide  cœlomique  filtré  de  façon 
qu'il  n'y  resle  qu'une  quantité  négligeable  d'aniibocyles, 
on  introduit  de  l'huile  émulsionnée  :  celle-ci  ne  subit  pas 
de  transformation  chimique,  le  liquide  conservant  le  même 
degré  d'alcalinité. 

On  extrait  une  grande  quantité  de  liquide  de  la  cavité 
générale  de  plusieurs  grandes  Asten'as  glacialis.  On  le 
laisse  reposer;  un  dépôt  blanchâtre  assez  considérable  se 
produit  bienlôt  :  c'est  un  plasmode  formé  par  les  corpus- 
cules sanguins.  Ce  plasmode  agil  chimiquement  sur  l'huile 
émulsionnée.  En  effet,  une  réaction  acide  très  nelte  ne 
tarde  pas  à  se  manifester.  Un  autre  plasmode,  témoin,  cou- 
serve  sa  réaction  alcaline. 

L'examen    microscopique   du    liquide    cavilaire   d'une 


(  230  j 
Astérie   ayant   reçu    une    injection    d'huile    émulsionnée 
montre  que  les  amibocytes  s'emparent  des  gouttelettes 
grasses.  J'ai   même  pu  compter  jusque  six  de  celles-ci 
dans  un  seul  corpuscule. 

Les  amibocytes  placés  dans  des  condilons  favorables 
sont  susceptibles  de  vivre  pendant  plds  de  (juinze  heures. 
On  peut  donc  suivre  leur  action  sur  les  globules  graisseux. 
Ceux-ci  se  dissolvent  dans  leur  masse  plasmique.  Je  citerai 
seulement  ici  le  cas  d'un  amibocyte  qui  avait  ingéré  deux 
gouttelettes  huileuses.  Environ  quatre  heures  après  l'inges- 
tion, le  volume  de  ces  dernières  commençait  à  se  réduire 
visiblement,  et  neuf  heures  plus  tard  elles  avaient  disparu. 

Les  corpuscules  sanguins  des  Astéries  exercent  donc 
leur  propriété  phagocylaire  sur  les  substances  grasses. 

J'iiicline  à  croire  que  celle  digeslion  de  l'huile  se  pro- 
duit sous  l'influence  d'un  ferment  acide.  J'ai  observé  à 
l'intérieur  des  phagocytes  un  virage  au  rouge  très  marqué 
de  grains  bleus  de  tournesol.  Le  changement  de  coloration 
s'efl"eclue  en  moins  de  quatre  heures. 

Celte  sécrélion  acide  intracellulaire  est  sans  aucun  doute 
un  processus  normal.  Je  l'ai  observé  un  grand  nombre  de 
fois;  après  l'ingestion,  au  moment  où  les  grains  de  tour- 
nesol sont  déjà  rougis,  les  changements  de  forme  des 
amibocytes  .«ont  encore  nombreux  et  rapides;  j'ai  même 
pu  en  voir  qui,  à  ce  stade,  englobaient  encore  des  goutte- 
lettes graisseuses. 

Le  corpnscule  sanguin  n'exerce  aucune  action  sur  la 
peptone.  Si  l'on  fait  agir  le  licpiide  de  la  cavité  générale 
sur  la  peplone,  celle-ci  se  retrouve  intacte  au  bout  de 
quinze  heures.  De  même  la  peplone  injectée  dans  la  cavité 
n'est  pas  moditiée  après  un  temps  relativement  très  long 
(treize  heures).  Enfin,  deux  Astéries  qui  venaient  de  digérer, 
l'une  un  flocon  de  librine  de  20  grammes  et  l'autre  un 


(  231   ) 

Echinus  sphœra,  ne  présenlaienl  nulle  trace  de  flbrine 
dans  leur  cavité  cœlomique. 

Il  y  a  donc  de  très  sérieuses  raisons  d'admettre  que  l'épi- 
thélium  glandulaire  n'a  pas  son  rôle  borné  à  une  sécrétion 
préparant  les  premiers  matériaux  destinés  à  se  transformer 
ultérieurement,  mais  qu'il  modifie  dans  son  épaisseur 
même  la  peplone  produite  et  en  fait  une  albumine  spé- 
ciale, soluble,  qui  passe  dans  le  sang. 

Les  corpuscules  sanguins  s'emparent,  du  moins  en 
partie,  de  cette  albumine  et  la  transportent  dans  la  pro- 
fondeur des  tissus.  Là  les  amiboeyles  remplissent  une  autre 
fonction;  d'agents  nourriciers  qu'ils  étaient  d'abord,  ils 
deviennent  des  agents  actifs  de  l'excrétion;  ils  se  cbargent 
des  déchets  de  l'organisme  et  vont  les  déverser  soit  dans 
le  liquide  de  la  cavité  générale,  soit  au  dehors  même  du 
corps. 

Les  injections  de  carmin  d'indigo  sont  particulièrement 
utiles  pour  l'étude  de  cette  question.  Elles  bont  d'ailleurs 
un  excellent  moyen  de  démonstration  de  la  diapédèse  géné- 
rale qui  se  manifeste  chez  les  Astéries.  Elles  permettent, 
par  exemple,  d'observer  très  facilement  la  pénétration  des 
amiboeyles  jusque  dans  l'épithélium  des  glatides  digestives 
et  même  leur  sortie. 

Les  corpuscules  sanguins  passent  aussi  à  travers  les 
lubules  dorsaux  (branchies  dermiques).  On  peut  voir  à  la 
surface  de  ces  organes  de  petits  amas  bleus  dont  l'examen 
microscopique  dévoile  des  plasmodes  d'amibocytes  bourrés 
de  carmin  d'indigo.  Cette  observation  avait  déjà  été  faite 
par  Herbert  Durham,  qui  la  rappelle  dans  son  mémoire 
sur  les  cellules  migratrices  des  Échinodermes.  [Quarterhj 
Journal  of.  Micr.  Se,  déc.  1891.) 

Des  amibocytes  sortent  aussi  par  la  plaque  madrépo- 


(  252  ) 
rique.  J'ai  cherché   vainement  leur  sortie  à  travers  les 
pieds  anobulacraires. 

En  général,  les  corpuscules  qui  s'échappent  du  corps 
sont  les  uns  plus  ou  moins  désagrégés,  d'autres,  semblant 
intacts,  renferment  un  grand  nombre  de  granulations  très 
réfringentes  (granules  alburninogènes  de  Cuénot?);  enfin 
la  grande  partie  possèdent  de  fines  granulations  jaune 
verdâtre,  ainsi  que  de  petits  cristaux.  Quant  à  l'existence 
de  glandes  spéciales  d'excrétion  chez  les  Astéries,  elle 
n'est  pas  démontrée  encore. 

J'espère  pouvoir  compléter  les  résultats  rapportés  dans 
cette  note  à  la  suite  de  nouvelles  recherches  que  je  compte 
entreprendre  cet  été  au  laboratoire  de  Roscoff,  où  les 
premières  ont  déjà  été  faites. 


Note  sur  les  groupes  iV éléments  neutres  communs  à  deux 
involutions  quelconques  ;  par  François  Deruyls,  répéti- 
teur à  l'Université  de  Liège. 

Deux  involutions  l'!'  et  I3'  contiennent,  en  général, 
chacune  une  infinité  de  ternes  neutres  :  nous  nous  pro- 
posons de  rechercher  le  nombre  des  couples  neutres  que 
ces  deux  involutions  ont  en  commun  (*). 

A  un  élément  Aj  il  correspond  dans  l^'  des  groupes 
formant  une  1^'*~  dont  les  (  "\7")  couples  neutres  donnent 
lieu  à  2  ("*^")  éléments  A',;  à  chacun  de  ces  éléments  Aï  il 
correspond  dans  l"^  une  \l-~    fournissant  par  ses  ("-^  J 


(*)  Afin  d'abréger,  nous  supposerons  toujours  que  les  supports 
des  involutions  considérées  coïncident;  do  plus,  nous  entendrons  par 
éléments  neutres,  les  éléments  neutres  de  première  espèce. 


(  233  ) 

couples  neutres  2  ("*7  )  éléments  Aa*,  si  un  élément  Ag 
coïncidait  avec  Aj,  le  couple  (AgA')  serait  un  des  couples 
cherchés.  La  correspondance  qui  existe  entre  les  élé- 
ments A,  et  As  est  évidemment  symétrique;  à  un  élément 
d'une  série  il  correspond  4  ("'^"J  ("*7  )  éléments  de 
l'autre  série,  le  nombre  des  coïncidences  est  8f"*~^)("Y'^ji 
et  si  nous  remarquons  que  chacun  des  couples  cherchés 
absorbe  deux  coïncidences,  nous  pourrons  énoncer  le  théo- 
rème suivant  : 

Théorème  I.  Deux  involutions  I3*  et  \^^  ont  des  couples 
neutres  communs  en  nombre, 

n,  —  2\  fn^  —  2 

Exemple.  Deux  involutions  I3  ont  quatre  couples  neutres 
communs;  celte  propriété  peut  se  démontrer  directement 
si  l'on  observe  que  les  couples  cherchés  sont  les  couples 
communs  à  deux  involutions  1^. 

Théorème  II.  Deux  involutions  l"*,  1°*  ont  des  ternes 
neutres  communs  en  nombre, 


{"'^T^l 


En  effet,  à  un  élément  A^  il  correspond  dans  l'J'  une 
involulion  I^'"  ;  à  chacun  des  ("V  )  couples  neutres  (BjBa) 
de  cette  involution  il  correspond  dans  1^*  une  Ig*""  dont 
les  ("'~^)  couples  neutres  donnent  lieu  à  2  ("Y^)  élé- 

il    correspond    donc 
éléments  A^.  A  un  élément  A,  il  correspond 


-3\ 


3"*  SÉRIE,  TOME   XXYI.  16 


■(  234  ) 
dans  Ç  une  Ç~'^  qui  a,  en  commun  avec  IgS  4-["*^^)  ("^^^j 
couples  neutres  (BiBg);  chacun  de  ces  couples  entre  dans 
un  terne  neutre  de  I3S  et  si  A,  est  l'élément  formant 
avec  (8,82)  ce  terne  neutre,  nous  voyons  qu'à  un  élé- 
ment Ag  il  correspond  4|"*^^]j"^~^j  éléments  A^;  le 
nombre  des  coïncidences  (A^Aa)  est  (4  + ^jf"*^"]]"*^  ),ce 
qui  démontre  le  théorème  énoncé,  puisque  chaque  groupe 
cherché  absorbe  trois  coïncidences. 

Exemple.  Deux  involutions  I3  et  I^  ont  deux  ternes 
d'éléments  neutres  communs;  en  effet,  les  groupes  d'élé- 
ments neutres  de  ces  involutions  forment  deux  involu- 
tions f^  et  ij  qui  ont  en  commun  deux  ternes  d'éléments. 

Théorème  III.  Deux  involutions  1^*  et  ij^  ont  en  commun 

5\  fn^  —  3 


2     /  V     2 
Quaternes  neutres. 


«j— 1 


En  effet,  à  un  élément  Ai  il  correspond  dans  l"*  une  I3 
qui  a,  en  commun  avec  J^'S  2  ("»~^)  ["'~^)  ternes 
neutres  (B1B2B3);  en  appelant  Ag  l'élément  qui  complète 
le  quaterne  neutre  de  1^*  dont  (B1B2B3)  fait  partie,  nous 
voyons  qu'à  un  élément  A,  il  correspond  2  ["'^  )  ("^^  ] 
éléments  A2;  la  correspondance  entre  A^  et  Aj  est  symé- 
trique, donc  le  nombre  des  coïncidences  est  4-["'^  J["*^  )' 
puisque  chaque  groupe  cherché  absorbe  quatre  coïnci- 
dences, le  théorème  est  démontré. 

Exemple.  Deux  involutions  1^  ont  en  commun  un  qua- 
terne  neutre;  en  effet,  les  quaternes  neutres  de  deux  invo- 
lutions f.  forment  deux  l^  qui  ont  en  commun  un  groupe. 


(  235  ) 

Théorème  IV.  kj  —  4  éléments  arbitraires  du  support 
commun  à  deux  involutions  l"'  et  if-  ki  <  k,  entrent 
dans  ("'"2'^  )(°'~2"^  )  9^oi(P^s  de  ka  éléments  neutres 
de  l°-,  chacun  de  ces  groupes  contenant  un  groupe  de  k^ 
éléments  neutres  de  1^'  dont  k^  —  4  éléments  sont  parmi 
ceux  qui  sont  choisis  arbitrairement. 

La  démonslration  de  ce  théorème  est  immédiate,  si  l'on 
observe  qu'à  k^  —4  éléments  il  correspond  dans  iJJ'  et  l"- 
deux  involutions  l^'^-^»-^-*  et  \'lrZ^;  de  plus,  k\  —  k, 
autres  éléments  arbitraires  peuvent  s'associer  (d'après  le 
théorème  III)  à  ("'-|'-^'j(""--^'^-^^)  quaternes  neutres 
de  l"*~  *'^^  de  façon  à  former  autant  de  groupes  de 
A"2  —  A-,  -4-  4  éléments  neutres  de  r/'-~f*"*'t. 

Cas  particulier,  k  —  4  éléments  arbitraires  du  support 
de  deux  involutions  ij*,  l|;^  entrent  dans  ("'~2"^^)(°^~^"*'^) 
groupes  de  k  éléments  neutres  communs  aux  deux  invo- 
lutions. 

Exemple.  Si  l'on  suppose  n^  =  nç^=^n;  k^  =  k2=n  —  I, 
on  arrive  à  ce  résultat,  facile  à  démontrer  directement. 

Les  groupes  de  n  —  i  éléments  neutres  communs  à 
deux  involutioîis  \^     .  forment  une  involution  I°~!, 

Il— 1  n— o 

Dans  un  prochain  travail  plus  développé,  nous  étudie- 
rons d'une  manière  complète  les  propriétés  des  éléments 
neutres  communs  à  un  nombre  quelconque  d'involutions. 


ERRATUM. 


_  Une  correction  faussement  appliquée  à  l'imprimerie,  après  le  bon  à  tirer  de 
l'auteur,  a  dénaturé  le  sens  de  l'avant-dernier  paragraphe  de  la  lecture  de  JW  Del- 
bœuf  (Bull,  de  VAcad.  roy.  de  Belgique,  3e  sér.,'t,  XXV,  n»  6,  p.  693, 1893;.  Au 
heu  de  :  «  Or,  comme  je  crois  l'avoir  démontré,  du  moment  qu'il  -y  aura  un 
observateur,  il  s'apercevra  du  changement;  et,  s'il  s'en  aperçoit...  »,  iï  faut  lire  : 
«  et  s'il  s'en  apercevra...  i  ' , 


(  236  ) 
CLASSE  DES   LETTRES. 


Séance  du  7  août  i895. 

M.  Ch.  Loomans,  vice-directeur,  occupe  le  fauteuil. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marghal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Alph.  Wauters,  Ém.  de  Borchgrave, 
A.  Wagener,  P.Willenis,  S.  Bormans,  Ch.  Piot,  Ch.  Potvin, 
T.-J.  Lamy,  Al.  Henné,  le  comte  Goblet  d'Alviella,  F.  Van- 
der  Haeghen,  Ad.  Prins,  J.  Vnylsteke,  Ém.  Banning, 
membres;  Paul  Fredericq,  correspondant. 


CORRESPONDANCE. 

M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique 
envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un  exemplaire 
des  ouvrages  suivants  : 

i"  La  population,  les  causes  de  ses  progrès  et  les  obstacles 
qui  en  arrêtent  l'essor;  par  Edouard  Van  der  Smissen; 

2°  Les  bons  parents  :  Consolatrix  —  le  bonheur  des 
autres  —  la  cité  mercantile;  par  Hubert  Krains; 

3*  Glossaire  toponymique  de  la  ville  de  Braine-le-Comte ; 
par  C.  Dtijardin  et  Croquet; 

Â"  Inventaire  analytique  et  chronologique  des  archives 
de  la  ville  de  Saint-Trond,  tome  V,  1"  livraison;  par 
Fr.  Straven; 

5°  Woordenboek  der  nederlandsche  taal;  deel  V,  S**"  afle- 
vering; 

6°  Loquela,  1881-1890; 


(237  ) 

7°  Bibliotheca  Belgica,  llvr.  105  à  109;  par  Ferd.  Vander 
Haeghen. 

—  Remerciements. 

—  M.  le  Ministre  des  Affaires  Étrangères  envoie  un 
exemplaire  de  l'ouvrage  :  Documents  relatifs  à  la  répression 
de  la  traite  des  esclaves,  1892.  —  Remerciements. 

—  M.  de  Harlez  présente  un  travail  manuscrit,  intitulé  : 
La  religion,  les  cérémonies  impériales  de  la  Chine  moderne 
bien  différentes  du  culte  populaire,  d'après  le  cérémonial 
officiel.  —  Commissaires  :  MM.  Le  Roy,  Wiliems  et  le 
comte  Goblel  d'Alviella. 

—  Le  Comité  organisateur  pour  la  célébration,  à  Berlin, 
du  cinquantième  anniversaire  de  doctorat  du  professeur 
Théodore  Mommsen,  adresse  une  liste  de  souscription  pour 
la  fondation  d'un  prix  qui  porterait  le  nom  du  jubilaire. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1"  Le  style  de  Kong-Fou-Tze.  Kong-tze  a-t-il  interpolé 
le  Shu-king  et  composé  le  Tchun-tsin?  par  le  chevalier 
Ch.  de  Harlez; 

2"  A.  Un  ancien  vitrail  de  l'église  de  Blaton  ;  B.  De 
quelques  coiffures  militaires;  par  Gaétan  Hecq; 

5"  Défense  de  notre  lettre  à  nos  coreligionnaires  sur  la 
valeur  rationnelle  des  expressions  :  sensibilité,  sentiment 
d'existence,  immatérialité  ;  par  Jules  Puisage; 

4°  Un  père  de  l'Eglise,  drame  en  prose;  par  Roger  de 
Goeij  ; 

5"  A.  Grammatica  délia  lingua  ebraïca;  B.  Grammatica 
délia  lingua  latina,  i"  parte;  C.  Radici  sanscrite;  D.  Les 
deux  systèmes  de  linguistique  ;  E.  Saggi  glottologici;  par 
Francesco  Scerbo  (présentés  par  M.  le  chevalier  Ch.  de 
Harlez,  avec  la  note  qui  figure  ci-après). 

—  Remerciements. 


(  238  ) 

NOTE    BIBLIOGRAPHIQUE. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Classe  des  lettres  divers 
opuscules  de  natures  différentes.  Le  premier,  de  philologie 
critique,  a  résolu,  dit-on,  des  questions  importantes  pour 
les  antiquités  chinoises;  il  a  du  moins  cherché  à  intro- 
duire un  peu  de  méthode  critique  dans  une  matière  trop 
livrée  à  l'empirisme. 

Les  autres,  dus  à  la  plume  d'un  savant  professeur  de 
Florence,  M.  Scerbo,  commencent  une  série  d'études  lin- 
guistiques démontrant  péremptoirement,  contre  les  néo- 
linguistes, que  l'école  historique  et  objective,  loin  d'être 
arriérée  et  au-dessous  du  niveau  scienlifique,  en  ce  qui 
concerne  le  système  de  reconstitution  des  langues,  division 
des  mots)  et  le  reste,  est,  au  contraire,  celle  qui  a  pour  elle 
la  vérité  et  la  vitalité.  (Cf.  la  Préface  de  la  seconde  édition 
de  ma  Grammaire  sanscrite,  dont,  par  parenthèse,  une 
troisième  édition  est  demandée  à  Paris.) 

Il  peut  justement  s'appuyer  sur  ce  fait  que  l'école  sans- 
crito-avestique,  après  avoir  tant  combattu  la  méthode  de 
Spiegel  et  la  mienne,  a  dû  (inalement  y  revenir,  et  est 
allée  même  au  delà  (i). 

Ces  études  de  M-  Scerbo,  conduites  avec  courtoisie, 
rendront  un  service  signalé,  en  maintenant  intacts  les 
droits  de  la  science  à  la  liberté  vis-à-vis  de  la  vogue  et  au 
doute  méthodique.  C.  de  Harlez. 

(1)  On  peut  voir  aujourd'hui  son  illustre  chef,  le  D' Roth  lui- 
même,  étudier  le  pehlevi  dans  ses  vieux  jours,  et  M.  Geldner  épris  de 
cette  tradition  que  nous  défendions  uniquement  en  ce  qu'elle  a  de 
bon  et  d'utile  pour  l'interprétation  des  textes. 


(  239  ) 


CLASSE  DES  BEAUX-ARTS. 


Séance  du  3  août  1895. 

M.  Ad.  Samuel,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  J.  Stallaert,  vice-directeur;  Éd.  Félis, 
Jos.  Schadde,  Th.  Radoux,  J.  Demannez,  G.  De  Groot, 
Gustave  Biot,  Henri  Hymans,  Max.  Rooses,  A.  Hennebicq, 
Éd.  Van  Even,  membres;  comte  J.  de  Lalaing,  Alfred 
Cluysenaar  et  Albert  De  Vriendt,  correspondants. 

En  ouvrant  la  séance,  M.  Samuel  fait  part  à  ses  collègues 
de  l'événement  douloureux  qui  vient  de  frapper  M.  Gevaert. 
Son  tils  Paul,  ingénieur  en  chef  du  chemin  de  fer  de 
Beyrouth,  à  Damas,  est  décédé  subitement  en  cette  der- 
nière ville,  le  29  juillet. 

Il  est  persuadé,  dit-il,  que  la  Classe  tout  entière  s'asso- 
cie à  cette  affliction  sans  nom,  et  il  propose  qu'une  lettre 
de  condoléance  soit  adressée  à  M.  Gevaert.  —  Approuvé. 

M.  Samuel  cède  ensuite  le  fauteuil  de  la  présidence  à 
M.  Stallaert,  vice-directeur. 


(  240  ) 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique 
transmet  une  copie  du  procès- verbal  de  la  séance  du 
jury  qui  a  jugé  le  grand  concours  d'architecture  de  1893. 
Le  grand  prix  a  été  décerné  à  M.  Vereecken,  Emile, 
d'Anvers,  élève  de  l'Académie  royale  des  beaux-arts  de  la 
même  ville.  Un  second  prix  a  été  donné,  à  l'unanimité,  à 
M.  Mertens,  François,  de  Borgerhout,  élève  de  l'Académie 
royale  des  beaux-arts  d'Anvers.  Une  mention  honorable  a 
été  accordée  en  partage  à  M.  Lambot,  Emile,  élève  de 
l'Académie  royale  des  beaux-arts  de  Bruxelles,  et  à  M.  De 
Vooght,  Louis,  d'Anvers,  élève  de  l'Académie  royale  des 
beaux-arts  d'Anvers. 

Le  jury  a  cru  de  son  devoir  d'appeler  d'une  façon  toute 
spéciale  l'attention  du  Gouvernement  sur  l'auteur  du  projet 
classé  deuxième  et  qui  eût  obtenu  le  premier  prix  en  par- 
tage si  celui-ci  pouvait  être  partagé  :  ce  projet  a  obtenu  le 
second  prix  à  l'unanimité  des  voix. 

—  M.  E.  Rombaux,  prix  de  Rome  pour  la  sculpture  en 
1891,  soumet  son  premier  envoi  réglementaire.  —  Renvoi, 
pour  appréciation,  à  la  section  de  sculpture. 

M.  Verhelle,  prix  de  Rome  pour  l'architecture  en  1890, 
soumet  le  premier  rapport  semestriel  sur  ses  voyages 
d'étude  à  l'étranger,  ainsi  que  son  premier  envoi  régle- 
mentaire. —  Renvoi,  pour  appréciation,  à  la  section 
(l'architecture. 


<  241  ) 

OUVRAGES  PRÉSENTÉS 


Bamheke  {Ch.  Van),  Le  sillon  médian  ou  Raphé  gaslrulaire 
du  Triton  alpestre  (Triton  alpestris,  Laur.).  Rruxelles,  1893; 
extr.  in-8°  (18  p.,  i  pi.). 

Harlez  {Le  chev.  de).  Le  style  de  Kong-Fou-Tze.  Kong-tze 
a-t-il  interpolé  le  Shu-king  et  composé  le  Tchun-tsin.  Leyde, 
4893;  extr.  in-8»  (55  p.). 

Vander  Haeghen  {Ferd.).  Bibliolheca  Belgica,  livraisons 
105-109.  Gand;  in-12». 

FrancoUe  (P.).  Recherches  sur  le  développement  de  l'épi-^ 
physe.  Thèse  d'agrégation.  Liège,  1888;  in-8»  (74  p.,  4  pi.). 

Clausius  [R.).  Théorie  mécanique  de  la  chaleur,  2*  édition, 
traduite  sur  la  troisième  édition  de  l'original  allemand,  par 
F.  Folie  et  E.  Ronkar,  tome  II  :  théorie  mécanique  de  l'élec- 
tricité. Mons,  1893;  vol.  in-8''. 

Vati  der  Smissen  (Edouard).  La  Population,  les  causes  de 
ses  progrès  et  les  obstacles  qui  en  arrêtent  l'essor.  Bruxelles, 
1893;  vol.  in-8°. 

Hecq  (Gaétan).  De  quelques  coiffures  militaires.  Bruxelles, 
1895;  extr.  in-S»  (4  p.). 

—  Un  ancien  vitrail  de  l'église  de  Blalon.  Bruxelles,  4893; 
extr.  in-8'  (2  p.). 

Puisage  (Jules).  Défense  de  notre  lettre  à  nos  coreligion- 
naires sur  la  valeur  rationnelle  des  expressions  :  sensibilité, 
sentiment  d'existence,  immatérialité.  Bruxelles,  4893;  in-S" 
(87  p.). 

Pregaldino  (Pierre).  Notice  et  croquis  sur  la  transforma- 
tion de  la  Montagne  de  la  Cour,  à  Bruxelles.  4893;  in-folio 
(2  p.  et  4  pi.). 

Tackels  [C.-J.).  La  vallée  du  Bocq.  Le  régime  hydraulique 


(  242  ) 

dans  les  masses  calcaires.  Les  eaux  de  source  de   Spontin. 
Anvers,  1893;  in-S"  (58  p.)- 

Defrecheux  {Joseph).  Vocabulaire  de  noms  wallons  d'ani- 
maux avec  leurs  équivalents  latins,  français  et  flamands.  Liège; 
[1893]  in-S"  (175  p.). 

Krains  [Hubert).  Les  bons  parents  :  Consolatrix  — •  le  bon- 
heur des  autres  —  la  cité  mercantile.  Bruxelles,  1891  ;  in-12». 
Dujardin  (C.)  et  Croquet  (J.-B.).  Glossaire  toponymique  de 
la   ville   de  Braine-le-Conite.  Braine-le-Comte,    1893;  in-8» 
(144  p.,  2  pi.) 

Straven  (Fr.).  Inventaire  analytique  et  chronologique  des 
archives  de  la  ville  de  Saint-Trond,  tome  V,  1"  livraison 
Saint-Trond,  1895;  in-8°. 

Beets  (  D' A.).  Woordcnboek  der  Nederlandsche  taal,  deel  V, 
5"»*  aflevering.  Gand,  1893;  in-S». 

Massalski  {IV.  Wareg).  De  l'identité  de  la  matière.  Une 
hypothèse.  Louvain,  1877;  in-8°  (9  p.). 

Goeij  {Roger  de).  Un  père  de  l'église,  drame  en  prose. 
Bruxelles,  1893;  in -8»  (28  p.). 

Loquela,  1881-1890.  Roulers;  pet.  in-4°. 
Comité,  des  Dames  belges  pour  l'Exposition  universelle  de 
Chicago.  Éléments  d'enquête  sur  le  rôle  de  la  femme  dans 
l'industrie,  les  œuvres,  les  arts  et  les  sciences  en  Belgique. 
Bruxelles,  1893;  vol.  in-8»  (426  p.). 

Ministère  des  Affaires  étrangères.  Documents  relatifs  à  la 
répression  de  la  traite  des  esclaves,  1892.  Bruxelles,  1893; 
gr,  in-4°. 

Anvers.  Bulletin  des  archives ^  tome  XIX,  1"  livraison. 
1893;  in-8''. 

Anvers.  Académie  royale  des  beaux-arts.  Rapport  annuel 
(1892-1893).  In-8\ 

Bruxelles.  Institut  cartographique  militaire.  Plan  de 
Bruxelles  à  l'échelle  du  5,000*,  en  quatre  feuilles.  1893; 
in-t 


(  243  ) 

Hdy.  Cercle  des  sciences  et  beaux-arts.  Annales,  tome  IX, 
3«  livraison.  Bulletin,  1893,  n"  1.  1893;  2  cah.  in-8». 

Liège.  Société  de  salubrité  publique  et  d'hygiène.  Bulletin 
et  Mémoires,  tome  i",  1893;  in-8°. 


Allemagne  et  Autricbb-Hongrie. 

Badiberg.  Naturforschende  Gesellschaft.  XVI.  Bericlit,  1 893. 
In-S"». 

Berlin.  Kôn.  geologische  Landesanstall  und  Bergakademie . 
Jahrbuch  fur  1891.  1893;  gr.  in-8''. 

Bonn.  Naturhistorischer  Verein.  Verhandlungen,  50.  Jahr- 
gang.  1893;  in-8°. 

GoTTiNGUE.  Gesellschaft  der  Wissenschaften.  Weber's 
Werke.  Band  V.  Berlin,  1893;  vol.  in-8«. 

Gratz.  Naturwissenschafllicher  Verein.  Mittheilungen, 
1890.  In-8o. 

KôNiGSBERG.  Physikalische  Gesellschaft.  Schriften,  1892. 
In-4°. 

Vienne.  Zoolog.-botanische  Gesellschaft.  Verhandlungen, 
1893.  In-S". 

Vienne.  Kôn.  Académie  der  Wissenschaften.  Sitzungsbe- 
richle  philos. -histor.  Classe,  Band  :  127  und  128.  —  Sitzungs- 
berichte  math.-naturw.  Classe,  1892  :  Abthlg  I,  N»  7-10; 
Abthlg.  lia,  N»  6-10;  Abthlg.  llb,  N°  6-10;  Abthlg.  III, 
N"  6-10;  Regisler,  n'  XIII.  —  Denkschriften,  philos. -histor. 
Classe,  Band  57.  —  Denkschriften,  math.-naturw.  Classe, 
Band  59. 

France. 

Pontifici  raaximo  Leoni  XIII.  Anno  sacerdotii  L.  In-4° 
(18  p.). 

Gonse  (Louis).  Le  portrait  de  Dom  Guéranger,  par  M.  Gail- 
lard. Paris,  1878;  iii-4°  (4  p.) 


(  244  ) 

Chamard  {François).  L'hypogée  des  Dunes  à  Poitiers. 
Réponse  à  M.  Tabbé  Duchesne.  Paris,  1885;  in-S"  (23  p.). 

Bibliographie  des  bénédictins  de  la  Congrégation  de  France. 
Solesmes,  1889;  in-8»  (263  p.). 

Bonnafy.  Le  Tokelau  et  son  parasite.  Paris,  4893;  in-S» 
(47  p.). 


Italie. 

Scerbo  {Francesco).  Grammatica  délia  lingua  ebraica.  Flo- 
rence, 1888;  in-8<'(160p.). 

—  Grammatica  délia  lingua  latina  per  uso  délie  scuole, 
parte  prima.  Florence,  1891  ;  in-8°  (124  p.). 

—  Radici  sanscrite.  Florence,  1892;  in-8»  (85  p.). 

—  Saggi  glottologici.  Florence,  1891;  in-8°  (60  p.). 

—  Les  deux  systèmes  de  linguistique.  Louvain,  1893;  in-8" 
(12  p.). 


Pays  divers. 

Rahn  (7.-/Î.).  L'église  abbatiale  de  Payerne.  Traduit  de  l'al- 
lemand par  William  Cart.  Lausanne,  1895;  in-4''  (30  p.,  pi.). 

Harleh.  Société  des  sciences.  OEuvres  de  Christiaan  Huygens, 
tome  V.  La  Haye,  1893;  vol.  in-4°. 

Utrecht.  Historisch  genootschap.  Werken,  n°  59.  Bijdragen, 
deel  XIV.  La  Haye,  1893  ;  2  vol.  in-8». 

Utrecht.  Gastlmis  voor  ooglijders.  34''**  verslag,  1895; 
in -8°. 

Helsingfors.  Société  de  géographie  de  Finlande.  Fennia,  8. 
1893;  in-8°. 

TiFLis.  Observatorium.  Beobachtungen,  1886-87,  und  1891 . 


BULLETIN 

DR 

L'AGADKMIE   ROYALE   DES  SCIENCES, 

DES 

LETTRKS  ET  DES  BKAIX-ARTS  DE  BELGIQUE. 
1895. —  rS««  9-10. 


CLASSE  DES  SCIËUGES. 


Séance  du  là  octobre  1895. 

M.  Ch.Van  Bambeke,  directeur,  président  de  l'Académie. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Mourlon,  vice-directeur;  P.-J.  Van 
Beneden,  le  baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  E.  Can- 
dèze,  A.  Brialmont,  Éd.  Dupont,  C.  Malaise,  F.  Folie, 
Alpli.  Briart,  F.  Plateau,  Fr.  Crépin,  J.  De  Tilly,  G.  Van 
der  Mensbrugghe,  W.  Spring,  Louis  Henry,  P.  Mansion, 
J.  Delbœuf,  P.  De  Heen,  C.  Le  Paige,  Ch.  Lagrange, 
F.  Terby,  J.  Deruyts,  membres;  E.  Catalan,  Ch.  de  la 
Vallée  Poussin,  associés;  L.  Errera  et  J.  Neuberg,  corres- 
pondants. 

5*"*    SÉRIE,    TOME    XXVI.  17 


(  246  ) 
CORRESPONDANCE. 


M.  le  Minisire  de  l'Agriculture,  de  l'Industrie  et  des 
Travaux  publics  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Aca- 
démie : 

i"  Dix  exemplaires  du  rapport  du  jury  qui  a  jugé  la 
cinquième  période  du  concours  pour  le  prix  fondé  par 
le  D*^  Guinard  (extrait  du  Moniteur  du  21  septembre  1893); 

2"  Un  exemplaire  du  tome  VIII  des  Travaux  et  mémoires 
du  Bureau  international  des  poids  et  mesures.  —  Remer- 
ciements. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  des  ouvrages  suivants  : 

\  "  Contribution  à  l'élude  du  pouvoir  bactéricide  du  sang; 
par  A.  Bastin; 

2"  Contribution  à  l'étude  de  f appareil  de  relation  des 
hydroméduses;  par  Marcelin  Chapeaux; 

5"  Étude  sur  la  virulence  des  streptocoques  ;  par  H.  de 
Marbaix; 

(Présentés  au  concours  pour  la  collation  des  bourses  de 
voyage.) 

4"  Trois  ans  de  séjour  à  la  clinique  ophtalmologique 
à  Vienne;  par  Edg.  Renard; 

5°  Flora  Batava,  livraisons  301  et  502. 

—  Remerciements. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  a)  Des  prépositions  en  grec  ;  b)  Deux  cas  de  diagnostic 
chirurgical  posé  au  moyen  de  C hypnose;  par  J.  Delbœuf; 


(  247  ) 

2°  Résultats  des  campagnes  scientifiques  faites  par  le 
prince  Albert  /"  de  Monaco;  fascicules  5  et  6. 

3°  Chaud  fontaine  thermal;  par  Jules  Félix; 

4°  Recherches  sur  la  composition  de  l" atmosphère  y 
seconde  parlie;  par  Pelermann  el  Gral'tiau; 

5"  Recherches  sur  le  bacille  d'Eberth  -  Gaffky  ;  par 
L.  Remy  et  E.  Sugg  ; 

6°  Les  principes  de  la  physique  du  globe,  tomes  I-III; 
par  le  lieutenant-colonel  A.  Doneux  ; 

7°  Mémoires  sur  f intégration  des  équations  différen- 
tielles; par  Ch.-J.  (le  la  Vallée  Poussin; 

8°  a)  Nature  et  division  mitosique  des  globules  blancs 
des  mammifères;  b)  La  signification  des  cellules  épithéliales 
de  Vépididyme;  par  0.  Van  der  Slricht. 

—  Remercienaents. 

—  Le  travail  de  M,  Ch.  Lagasse  {Sur  le  choix  du 
meilleur  système  d'alimentation  d'eau  pour  une  grande 
agglomération),  compris  erronémenl  dans  la  séance  du 
i"  juillet  dernier  parmi  les  ouvrages  reçus  pour  le  con- 
cours Ch.  Lemaire,  sera  déposé  dans  la  bibliothèque  de 
l'Académie,  à  laquelle  il  était  destiné  par  l'auteur. 

—  La  Classe  accepte  le  dépôt  dans  les  archives  de 
l'Académie  de  deux  billets  cachetés  déposés,  le  premier 
par  M.  Albert  Berge,  docteur  en  sciences;  le  second  [Pro- 
cédé de  désagrégation  chimique  des  pyrites,  etc.),  par 
M.  Michel  Body,  ingénieur. 

—  La  Société  industrielle  d'Amiens  adresse  le  pro- 
gramme des  questions  qu'elle  a  mises  au  concours  pour 
l'année  1893-1894. 


(  248  ) 

—  Les  travaux  manuscrits  sont  renvoyés  à  l'examen  : 

V  Contribution  à  la  faune  des  diptères  fossiles  de 
Cambre  tertiaire  (premier  fascicule)  ;  par  Fernand  xMeunier. 
—  Commissaires  :  MM.  Dupont  et  Candèze; 

2°  Sur  un  cas  de  germination  parasitaire  chez  les  gra- 
minées; par  M.  Lucien  Donny,  docteur  en  médecine.  — 
Commissaires  :  MM.  Crépin  et  Errera; 

3"  S  tas'  Atomic  Weiglit  déterminations;  par  E.  Vogel, 
de  Alamenda,  Californie  U.  S.  A.  —  Commissaires  : 
MM.  Spring  et  Henry; 

4°  Action  de  la  chaleur  sur  la  dypnone;  par  Maurice 
Delacre.  —  Commissaires  :  MM.  Henry  et  Spring; 

5°  Sur  C ordre  de  substitution  de  l'hydrogène  par  le 
chlore  dans  l'oxyde  de  méthyle  et  le  méthylal;  par  A.  De 
Sonay,  assistant  au  laboratoire  de  chimie  générale  de 
l'Université  de  Louvain.  —  Commissaires  :  MM.  Henry  et 
Spring; 

6°  Sur  les  groupes  d'éléments  neutres  communs  à  un 
nombre  quelconque  d'involutions  ;  par  François  Deruyts, 
répétiteur  à  l'Université  de  Liège.  —  Commissaires  : 
MM.  Le  Paige  et  Neuberg. 


RAPPORTS. 


Sur  l'avis  exprimé  par  M.  De  Tilly,  la  Classe  décide  le 
dépôt  aux  archives  des  deux  projets  de  M.  H.  Delaey,  rela- 
tifs aux  eaux  potable  et  industrielle  et  aux  ports  de  mer 
belges. 


(  249  ) 

Sur  quelques  produits  indéfinis;  par  J.  Beaiipain. 

Kappot'l  rfo  :7g.  Catalan,  |>fe»ti>i-  Coitunitsaiftf. 
l. 

«  Au  commencement  de  son  inléressante  Nole,rAuleur 
dit  :  «  M.  C.  critique^  à  tort,  la  formule  (159)  ;  puis,  après 
l'avoir  rappelée,  M.  Beaupain  ajoute  :  a  elle  contient  une 
erreur  de  calcul  ou  une  faute  de  typographie...  cette  formule 
doit  être  remplacée  par  la  suivante  ».  Dans  ma  lettre  à 
M.  Hermite,  du  7  août  1892  (*),  je  n'ai  guère  dit  autre 
chose. 

II. 

La  formule  (159),  corrigée  par  M.  Beaupain  et  par  moi, 
est  devenue 

B  {p,  p)  = 1 1      ^ ^ '- —   (  7"')  r) 

"''^       p.  r-'  n^^^  (-2A  -f-  p  -  é)  (2a  h-  p)  ^  ^   ^ 

En  voulant  appliquer,  au  cas  de  p  =  i,  cette  formule 
rectifiée,  j'ai  commis  une  faute  de  calcul.  De  là  résulte  que 
la  relation  (7*"),  que  je  croyais  inexacte,  ne  l'est  pas. 

III. 

Après  avoir  écrit  ainsi  sa  formule  (2), 

(4)  B{p,p) 


p.  2'' 


(*)  Recherches  sur  quelques  produits  indéfinis  et  sur  la  constante  G, 
p.  24. 

(**)  Lettre  à  M.  Hermite,  p.  25. 

('**)  Cette  formule  (4)  semble  contenir  des  surcharges.  Je  ne  suis 
donc  pas  sur  de  l'avoir  copiée  exactement. 


(  2S0  ) 

M.  Beaupain  ajoute  : 
«  Or,  la  série 

(5)    ç  =  mod.(p^-p)2 


4a^  mod 


p-\ 


i^)(-|)] 


»  est  convergente,  quel  que  soit  le  module  de  p;  donc  le 
»  produit  indéfini  (4)  es^  absolument  convergent.  Ainsi, 
»  ce  produit  indéfini  est  une  fonction  uniforme...  n'ayant 
»  des  discontinuités  qu'en  des  points  isolés.  » 

Comment  un  produit  absolument  convergent  (*)  peut-il 
avoir  des  discontinuités? 

Si  /)  =  1,  l'égalité  (5)  devient 

.=0,2- 


4x^  mod 


(-f. 


Cette  série,  dont  tous  les  ternies  sont  nuls,  est-elle 
convergente,  dans  le  sens  habituel  du  mot?  Je  l'ignore;  et, 
revenant  au  produit  «ôso/Mmenf  convergent  (excepté  quand 
il  est  divergent),  je  songe  à  la  question  que  j'adressais, 
naguère,  à  M.  Hermite  :  A-l-on,  en  Analyse,  mis  le  cœur 
à  droite,  comme  faisait  Sganarelle  (**)  ? 

IV. 

A  la  page  2  de  la  Note,  M.  Beaupain  fait  la  remarque 
suivante  : 

«  Pour  la  série  (S),  il  serait  banal  d'ajouter  que  la 

(*)  Sous-cntcndu,  sans  doule  :  quelle  que  soit  la  valeur  atlribue'e 
à  la  variable. 

('*)  Intégrales  culérienncs  ou  ellipliqucs,  p.  20. 


(231  ) 

valeur  de  cette  série  est  infinie,  quand  on  attribue  à  p  ?r«e 
valeur  entière  négative.  » 

Contrairement  à  l'opinion  exprimée  par  mon  ancien 
excellent  élève,  je  pense  qu'il  n'est  pas  banal  de  dire  : 

Telle  série,  habituellement  convergente,  devient  diver- 
gente pour  certaines  valeurs  de  la  variable. 

V. 

Dans  les  pages  2  et  5,  M.  B.  s'attache  à  faire  voir  que 
plusieurs  formules,  démontrées  dans  mes  Mémoires  de 
Saint-Pétersbourg  et  de  Bruxelles,  sont  des  conséquences 
d'une  célèbre  égalité,  due  à  Gauss.  Accordé  (*). 

VF. 

A  la  fin  de  sa  Note,  M.  B.  démontre  la  formule 


oo; 


puis  il  dit  : 
M.  C.  a  trouvé  : 

2*  =  lim    — '-    /j  =  00. 

LB(2»  -f-  1,  re  -4-  «  -h  I)J 

Donc,  probablement,  l'un  de  nous  deux  s'est  trompé,  à 
moins  que  nous  nous  soyons  trompés  l'un  et  l'autre.  On 
me  permettra,  je  l'espère,  de  ne  pas  chercher  la  solution 
de  ce  problème,  que  je  renvoie  à  mes  jeunes  et  savants 
Confrères 


(*)  J'ai  un  peu  connu,  il  y  a  cinquante  ans,  le  philosophe  Jacotot. 
avait  pris,  pour  devise  :  Tout  est  dans  tout. 


(  252  ) 

VU. 

Conclusions. 

La  Note  de  M.  Beaupain  me  semble,  comme  les  travaux 
précédents  de  ce  jeune  Géomètre,  très  digne  d'être  publiée 
dans  les  Mémoires  in-4°,  après  revision  par  l'Auteur.  » 
Spa,  i7  août  1895. 


Bappot't  de  M.  f».  JUansion,  tieujciètne  cotHtnigsait'e . 

«  Les  numéros  1-2  de  la  note  de  M.  Beaupain  se  rap- 
portent à  une  formule  de  son  mémoire  antérieur,  où 
M.  Catalan  avait  signalé  une  petite  erreur;  les  numéros 
3  à  7  (numérotés  2  à  6  par  inadvertance)  contiennent  la 
démonstration  de  diverses  formules  relatives  aux  eulé- 
riennes,  les  unes  probablement  nouvelles,  les  autres  dues 
à  M.  Catalan. 

Sur  la  première  partie  de  la  note  soumise  à  notre 
examen,  nous  partageons  l'avis  du  premier  rapporteur. 
Puisque  l'erreur  dans  la  formule  relative  à  B(p,  p)  existe 
réellement,  comme  le  reconnaît  M.  Beaupain,  il  est  clair 
que  M.  Catalan  n'a  pas  eu  tort  de  la  signaler.  Le  produit 
infini  qui  représente  B  (p,  p)  ne  subsiste  pas  pourp  nul 
ou  entier  négatif;  il  en  est  de  même  de  la  série  correspon- 
dante pour  p  entier  négatif.  M.  Catalan  a  donc  raison  de 
demander  que  les  dix  dernières  lignes  du  numéro  2  soient 
remplacées  par  un  énoncé  plus  précis  et  moins  long.  Il 
sutTirait  de  dire,  par  exemple  :  S  est  convergente  quel  que 
soit  p,  sauf  s'il  est  entier  négatifs  donc  le  produit  indé- 
fini est  absolument  convergent,  sauf  pour  p  nul  ou  entier 
négatif. 


(  253  ) 

Dans  les  numéros  suivants,  M.  Beaupain  s'appuie  sur 
les  propriétés  de  la  série  hypergéomélrique  pour  établir 
de  nombreuses  formules  relatives  aux  eulériennes.  Nous 
n'avons  pu  vérifier  toutes  ces  formules, dont  on  peut  aug- 
menter indéfiniment  le  nombre,  depuis  que  Gauss  a  donné 
l'expression  de  gamma  en  produit  infini  et  fait  connaître 
les  relations  qui  existent  entre  celte  fonction  et  la  série 
hypergéométrique.  Mais  nous  avons  soumis  à  une  vérifica- 
cation  directe  la  dernière  formule  de  M.  Beaupain,  parce 
que  nous  la  trouvons  l'une  des  plus  intéressantes  et  que 
M.  Catalan  semble  la  croire  incompatible  avec  un  des 
résultats  trouvés  par  lui.  En  réalité,  les  deux  formules 
peuvent  se  déduire  l'une  de  l'autre. 

M.  Beaupain  a  trouvé 

2^=lim ^ !- L_.        .     (1) 

On  en  tire,  pour  a  =  —  [3,  la  formule  de  M.  Catalan  : 

.       ,.     B(2n  -+-  S  -4-  1,  n  -t-  1) 

2^  =  lim^ ^ '-■     ...     (2) 

«=xB(2n+  1,  w  H-  p-t-  1)  ^  ^ 

La  formule  (2j  peut  s'écrire  successivement 

^,       ,.     r(2n-t-(3-4-l)r(»-+-l) 
2'"  =  liin 

»=oor(2«-i-l)r(n-H|3-t-l) 

_        (2w+p)('2n-f-j3-1)..  (n-t-p-i-l)r(H-t-|3-i-l)r(n-t-l) 
"=«  2/i(2n— J)...(/n-1)r(M-t-1)r(w-4-p  +  l) 

«=»  \         2«/  \         2/i-l/        \         n-^\l 
Si  l'on  pose 

\  «  -t-  1/  \  «  -+-  2/        \ 


(  254  ) 
on  trouve,  d'après  la  formule  log  (1  -4-  z)  =  z  —  Xz^, 
où  mod  X<Ci, 


Pour  n  =  00  ,  on  a 


1  1 


ce  qui  démontre  la  formule  de  M.  Catalan. 

Pour  démontrer  celle  de  M.  Beaupain,  il  suffit  de 
prouver  que  lim  Q„  =  1,  si  Q,  est  le  quotient  des  seconds 
membres  des  formules  (1)  et  (2).  Au  moyen  de  la  relation 


rar6 
B(a,  6) 


r(a  -t-  b} 
on  trouve  immédiatement 


Q„  = 


r (2/î  -t- a -4-  ^  -+-  1)        r(2/t  -^  i) 
r(2«  -^  a  -*-  'ip -i-  i)     r(2/j  -t-  [3  -t-  1) 


r(2w  +-a -+-(3 -t- i)r[3     r(2/i-t- d)rî3 
B(2w  -t-  [3  -+-  1,  p) 


B(2«  -+-a  -H  SpH-  t,  (3) 


La  formule  de  Gauss,  qui  sert  à  exprimer  gamma  en 
produit  infini,  peut  s'écrire  sous  la  forme 

rp=^\\m(]''\i(p,q) (3) 


(  :255*  ) 

pour  7  =  00  ,  Par  soile,  de  l'identité 


2nH-[3H-l       ,    ^ 


Vin  -t-  a  -t-  2(3 -+-  I, 
B(2n-H(3-t-i,^)(2n-f-p-t-l)^_  B{2n-4-«-f-2p-t-l,p)  (2w  +  a-t-2S-t-r 

on  lire,  pour  n  infini, 

l.limQ„=  1:1. 

La  formule  de  M.  Beaupain  est  donc  exacte,  comme 
celle  de  M.  Catalan, et  peut  s'en  déduire  par  le  secours  de 
la  formule  (3). 

Nous  proposons  à  la  Classe  de  voter  l'impression  du 
travail  de  M.  Beaupain  dans  les  Mémoires  in-4"  de  l'Aca- 
démie, après  que  l'auteur  aura  fait  droit  aux  légères 
observations  des  commissaires  touchant  deux  passages  du 
commencement  de  cette  intéressante  note.  » 

M.  Le  Paige,  troisième  commissaire,  se  rallie  aux  con- 
clusions des  rapports  de  ses  savants  confrères. 

Ces  conclusions  sont  adoptées  par  la  Classe. 


Action  du  zinc-éthyle  sur  le  benzile; 
par  Maurice  Delacre. 

Rapiioft  de  m.  liOtUs  MMent-y,  preutief  cointniaaaife. 

a  Le  zinc-éthyle  est  un  agent  d'hydrogénation  d'une 
grande  délicatesse,  qui,  grâce  à  sa  neutralité,  réussit  là  où 
d'autres  se  montrent  impuissants. 

On  sait  quelle  action  il  exerce  sur  les  aldéhydes  et  les 
acétones. 


(  256  ) 

Dans  le  cours  des  recherches  qu'il  poursuit  patiemment 
depuis  plusieurs  années,  M.  Delacre  l'a  employé  à  diverses 
reprises  avec  un  plein  succès. 

Dans  sa  présente  notice,  il  fait  connaître  un  nouvel 
exemple  de  réduction  d'oxyde  réalisée  à  l'aide  de  cet  agent  : 
c'est  la  transformation  du  henzile  de  Laurent  en  6m- 
zoïne. 

Le  benzile,  que  Laurent  a  découvert  en  1855,  n'est, 
au  fond,  que  le  radical  benzoyie  lui-même,  à  l'état 
d'isolement 

CgH,  — CO  — CO-QH,, 

c'est-à-dire  une  diacétone.  Sous  l'action  du  zinc-éthyle,  il 
se  transforme  aisément,  en  s'hydrogénant,  en  benzoïne, 
laquelle  est  à  la  fois  alcool  et  acétone 

CfiHs  —  CH(OH)  -  CO  —  CoUj. 

Ce  qui  ajoute  à  l'intérêt  de  cette  réduction,  c'est  qu'elle 
ne  se  réalise  que  sur  un  seul  des  deux  chaînons  acétone, 

CO,  voisins. 

L'analyse  du  produit  de  la  réaction,  les  propriétés  de 
celui-ci,  celles  de  ses  dérivés  acétique  et  benzoïque,  ne 
laissent  aucun  doute  sur  la  nature  et  l'identification  de  la 
benzoïne  qui  se  forme  dans  ces  circonstances. 

J'ai  l'honneur  de  proposer  à  l'Académie  d'insérer  la 
notice  de  M.  Delacre  dans  ses  Bulletins. 

Avant  de  terminer,  je  ne  puis  m'empêcher  de  faire 
remarquer  combien  la  nomenclature  des  composés  car- 
bonés est,  en  certains  de  ses  points,  défectueuse  et  prête 
à  des  obscurités  et  des  confusions. 

Le  benzile  de  Laurent,  écrit  avec  un  /,  est  un  diacé- 
tone; le  benzyle  écrit  avec  un  y  représente  au  contraire 


(  257  ) 

le  radical  phényl-mélhyle  CgHs  —  CH,  de  l'alcool  corres- 
pondant à  l'acide  benzoïque. 

Des  dénominations  de  celte  sorte  doivent  évidemment 
être  écartées,  du  moins  de  la  langue  parlée. 

En  ce  qui  concerne  l'onomastique  des  composés  carbo- 
nés, nous  sommes  dans  une  situation  analogue,  sous 
plusieurs  rapports,  à  celle  où  se  trouvaient  les  chimistes 
du  milieu  du  siècle  dernier  vis-à-vis  des  combinaisons  de 
la  chimie  minérale. 

Les  efforts  de  Lavoisier  et  de  ses  collaborateurs  ont 
réussi  à  doter  la  science  d'un  système  de  noms  qui  n'a  pas 
peu  contribué,  par  sa  clarté,  aux  progrès  de  cette  branche 
importante  des  sciences  physiques,  et  qui  n'est  pas  encore 
à  remplacer, 

La  tâche  à  accomplir  aujourd'hui  est  singulièrement 
plus  diflicile;  le  nombre  immense  des  composés  carbonés, 
la  complication  habituelle  de  leur  molécule,  la  fréquence 
du  fait  de  l'isomérie,  rendent  fort  malaisée  la  confection  de 
noms  simples  et  euphoniques. 

Il  est  à  espérer  que  la  sagacité  pénétrante  et  éclairée  des 
chimistes  parviendra  à  résoudre  ce  problème  ardu;  le 
mérite  et  la  gloire  seront  en  proportion  de  la  grandeur  de 
la  difficulté  vaincue.  » 

M.  Spring,  second  commissaire,  se  rallie  dit-il,  avec 
empressement,  aux  conclusions  de  son  éminent  confrère. 

La  Classe  décide  l'impression  au  Bulletin  du  travail  de 
M.  Delacre. 


(258  ) 

COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 

M.  E.  Catalan  donne  lecture  d'un  travail  portant  pour 
titre  :  Remarques  sur  la  théorie  des  nombres  et  sur  tes 
fractions  continues.  La  Classe  en  décide  l'impression  dans 
le  recueil  des  Mémoires  in-4°  (tome  LU). 

M.  De  Tilly  donne  lecture  de  la  suite  et  (in  de  son  tra- 
vail intitulé  :  Essais  de  géométrie  analytique  générale.  La 
Classe  en  décide  l'impression  dans  le  recueil  des  Mémoires 
in-8°  (tome  XLVII). 


Sur  une  propriété  des  fonctions  invariantes  ; 
par  Jacques   Deruyls,  membre   de   l'Académie. 

Soit  en  général  cp(e,  e'),  une  fonction  invariante  relative 
à  deux  groupes  d'éléments  (e)  (e'),  comprenant  des  séries 
distinctes  de  n  variables  et  de  coetficients  de  formes  algé- 
briques. Nous  établirons  que  si  une  somme  ^^{ee')  est 
exprimable  au  moyen  de  fonctions  invariantes  J(e)  et 
de  M  —  p  fonctions  q{e),  on  peut  écrire  ^  =2i  ?  (^)-  9"i^')- 

Comme  application  de  cette  propriété,  nous  signalerons 
le  théorème  suivant  :  le  nombre  de  paramètres  nécessaires 
pour  exprimer  la  transformée  d'une  fonction  entière  après 
une  substitution  linéaire,  est  au  moins  égal  à  n,  s'il  est 
supérieur  à  l'unité. 

1.  Nous  désignerons  par  (x4),  {x2) ...,  des  séries  de  n 

variables,  et  par  f  f  ...  des  formes  algébriques  relatives 

à  x\,  x%  ...  Dans  ce  système,  les  covariants  primaires  y^ 

s'écrivent  symboliquement 

5:  =  0nrrj'(±  a\,,a%^ ...  ai;.f-"--*  (±  ali»^^ ...  a'/ij^      (^) 


(  239  ) 
0  élanl  une  opération  polaire  relative  aux  coefficients 
symboliques  et  aux  coefficients  des  formes  a\^,  a% ...  an/, 
les  fonctions  y  comprennent  du  reste  les  invariants 

I  =  0j(±al,a22...  a»,,)'^». 

Soit^x  u"^  somme  de  covariants  primaires  de  mêmes 
degrés  ri,r%..,rn  —  i  en  x\,x%  ...xll  —  i,  mais  de 
degrés  différents  par  rapport  aux  coefficients  c  des  formes 
f,f' ...  Soient  encore  I,(c),  \^{c) ...  des  invariants  et  ^,(c), 
Ç2(c), ...  9„_,(c),  (p  >  0)  des  fonctions  quelconques  des 
éléments  c. 

Si  l'on  a 

y,x  =  'p{qiqi-qn-p,h,h,-,x),  ...    (2) 

les  covariants  y  se  réduisent  à  des  invariants. 

En  effet,  dans  le  développement  de^/  le  coefficient  des 
plus  hautes  puissances  de  x\^  x%  ...  œn  —  \„_^  est 

/,  =2®"(=t  aUa%  -  aî.)"---'-^'  (±  al, ...  an,^. 

De  même,  si  l'on  convient  de  prendre  Xy  =  x.j_„, 
a.j  =  a.j_„,  le  multiplicateur  /^  des  plus  hautes  puissances 
dex1„  A+. -a^^i  — U+A-^est 

/,=2®n(^  «U«2i+. ...  m,+,_,).  {±  al, ...  an^Y- 

D'après  la  formule  (2),  les  coefficients  /j  /, ...  /„  sont 
fondions  de  ^i  7,  —  Ç'n-p  h  I2  — J  en  conséquence,  on  a  au 
moins  une  relation 

R(/.,/,...f„,  I.,l2...)  =  0,      ....     (3) 
et  l'on  peut  supposer  que  R  dépend  de  /,,  car  l^  k  -  '«  se 


(  260  ) 
ramènent  l'un  à  l'autre  par  un  changement  de  notation  qui 
altère  au  plus  le  signe  des  expressions  y  et  I. 

Soient  I',  /'  les  fonctions  obtenues  en  remplaçant  les 
lettres  a,^  par  at-y,  dans  les  transformées  de  I,  /  après  la 
substitution  linéaire 

s=  1,2...  «; 
on  a  symboliquement 

r  =  0,  (=b  «  1  ^,  a2^2 ...  a«  J'^» 

SOUS  la  condition  de  prendre  3:u  =  acu  —  n.  La  relation  (3) 
est  alors  équivalente  à 

R'  =  R(/;,/;.../:.,  i')  =  o (4) 

D'après  les  expressions  symboliques  de  I',  /',  on  a 

xn-—  =  o,       xn~  =  0,       (/;>i); 
dxl  dxi 

par  suite,  on  déduit  de  l'équation  (4)  : 

r/R'       dR'  dl\ 

dxi        dli  dx\ 

ou  encore 

dxl 

puisque  R'  dépend  effectivement  de  /l.  Du  reste,  on  a  par 
la  formule  (1) 


(  261   ^ 
et  les  fonctions  ^  sont  de  degrés  différents  par  rappor 
aux  coeflicients  des  formes  algébriques;  on  a  donc 

d    . 
m  ^]x.{± xi, x2., ... xn„Y \  =  0, 

c'est-à-dire 

En  se  reportant  à  la  formule  (1),  on  voit  que  chacun  des 
covariants  j^  se  réduit  à  un  invariant,  comme  nous  l'avions 
annoncé. 

2.  Soit  cp  une  fonction  invariante  des  formes  f,  f  ...  On 
peut  toujours  déterminer  des  opérations  polaires  0,  0, 
relatives  aux  variables,  et  telles  que  l'on  ait 

dans  les  conditions  suivantes  : 

1°  Les  différents  opérateurs  0,  0,  auxquels  se  rapporte 
la  sommation  S,  dépendent  seulement  des  degrés  pi,p2,... 
de  cp  relativement  aux  variables  xi,  x%  ...; 

2"  Oicp  est  un  produit  (zb  x\y  x%  ...  a;n„)Y  dans  lequel 
l'exposant  9  et  les  degrés  rl,r2, ...  m  — 1  du  covariant 
primaire  -^  dépendent  seulement  de  la  détermination 
de  0  ('). 

D'après  ces  considérations,  on  a 

2?  =  soo,2?, (5) 


(*)  Voir  notre  travail  Sur  le  développement  de  certaines  fonctions 
algébriques.  (Mém.  de  l'Acad.,  t.  XLIX,  in-4°,  p.  18.) 

S""*    SÉRIE,    TOME    XXVI.  18 


(  262  ) 
si  l'on  désigne  par^tp  une  somme  de  fontions  invariantes  ^ 
qui  ont  toutes  les  mêmes  degrés  pi,  p2  ...  par  rapport  aux 
variables.  De  plus,  on  peut  écrire 

0^'2<p  =  {±x\,x%...xnnf.^^X.     ...     (6) 

de  manière  que  les  covariants  j^  sont  des  mêmes  degrés 
en  x\,x^.,.xn  —  i,  et  de  degrés  différents  par  rapport 
aux  coefficients  c  des  formes  algébriques. 
Supposons  maintenant  que  l'on  ait 

2f  =  V]qi[c),q.{c),...q„-p{cmc),x\;    .     .     (7) 

nous  obtiendrons  immédiatement 

0.2?  =  F«  1  ^.  92  -  qn-p,  I,  oc  (, 

ou  encore,  par  la  formule  (6) 

D'après  le  théorème  démontré  au  paragraphe  précédent, 
2  X  S6  réduit  à  une  somme  d'invariants  ^'(c)  et  l'on  obtient 
par  la  formule  (5) 

2?  =  S'o  1(±  a-t,x2, ...  xfg%'(cj  1, 

ou  encore 

2?  =  sv(c)y"(x), 

(f"{x)  désignant  des  covariants  identiques.  On  obtient 
encore  le  même  résultat  si  l'on  suppose  dans  la  formule  (7) 
que  les  fonctions  cp  sont  de  degrés  différents  en  xi,x^... 


(  265  ) 
Conséquemment,  si  une  somme^(^  de  fondions  invariantes 
s'exprime  au  moyen  d'invarianls  et  de  n  —  p  fonctions  des 
coefficients  de  formes  algébriques,  on  peut  développer  ^Ç  en 
une  somme  d'invariants  multipliés  par  des  covariants  iden- 
tiques. 

5.  Soit  (e)  le  système  des  coefficients  c  de  certaines 
formes  algébriques  et  des  variables  de  certaines  séries  y,z...  ; 
soit  de  même  (e'),  un  système  composé  d'autres  éléments 
c',y\z' ...  En  représentant  par  cp(e,  e)  des  fonctions  in- 
variantes des  quantités  e,  e',  nous  supposerons  qu'une 
somme  2?(^  ^')  ^^^  exprimable  au  moyen  de  fonctions 
invariantes  J(e)  et  de  n  —  p  fonctions  q  =  q{e);  nous 
écrirons 

2?(e,  e')  =  F  I  J(e),  q^,  q., ...  q,..p,  e' \.      •     .     (8) 

Il  est  visible  que  l'on  peut  considérer  les  fonctions  cp(e,e') 
comme  étant  de  mêmes  degrés  par  rapport  aux  séries 
d'éléments  e'. 

D'après  les  procédés  de  transmutation  des  fonctions 
invariantes,  nous  déduirons  de  l'équation  (8)  une  autre 
équation  toute  semblable  relative  à  des  groupes  d'élé- 
ments (e),  (e')  composés  respectivement  de  coefficients  et 
de  variables. 

Désignons,  en  effet,  par  p  les  produits  homogènes  de 
coefficients  c'  compris  dans  le  développement  des  fonc- 
tions (p  et  F;  les  expressions  symboliques  normales  (*)  p' 
des  produits  p  dépendent  seulement  des  coefficients  a,  de 
formes  linéaires. 


(*)  Les  expressions  symboliques  normales  sont  symétriques  par 
rapport  aux  systèmes  de  symboles  équivalents. 


(  264  ) 

Remplaçons  dans  p'  les  coeffîcienls  tels  que  a,  par  les 
déterminants 

(—  1)'-'(±  v\^v%  .  .  vi—i^_^vi,^^  ...  ufl  —  IJ 

composés  au  moyen  de  nouvelles  variables  u,  v, ...  analogues 
à  x;  nous  obtiendrons  des  fonctions  p"(u,  v ...)  qui  corres- 
pondent et  d'une  seule  manière  aux  produits  p. 

Soient  encore  l\^h,X '■■'r\Kf\%—  de  nouvelles  formes 
linéaires,  nous  associerons  aux  variablesy,^,...  du  groupe  (e) 
les  déterminants 

?■'=  (-  iy-'(±  ti,f-2, ..  §i  —  i,_,§i,^, ...  m  - 1  j, 
^'•)=  (—  \y-\±  ^i, ... y,i  —  i,_,.^ï.+. ...  ^n  -  ij, ... 

Cela  posé,  si  on  remplace  dans  la  formule  (8)  les  quan- 
tités p,  Ui  Zi ...  par/)",  ç'",  Y)',  ...,  on  obtient  une  équation 

dans  laquelle  les  caractéristiques  e,  e'  représentent  respec- 
tivement des  coefficients  de  formes  algébriques  c,  ^1,  ^2  ... 
y\\  Tfi2 ...  et  des  variables  y\  z', ...  u,  v  ...  De  plus,  les  fonc- 
tions ^i(e,  e'),  Ji(£)  sont  invariantes. 

D'après  le  théorème  établi  au  paragraphe  précédent, 
2<pj(e,  e')  est  une  somme  d'invariants  ç',(e)  multipliés  par 
des  covariants  identiques  cp'(e'). 

En  remplaçant  les  quantités  p"  l' ri  ...  par  p,  y,,  z,. ...,  on 
obtient  pour  expression  de  y^<f{ee')  une  somme  de  pro- 
duits (p'(e)  .  cp"(e')  de  fonctions  invariantes.  Donc,  si  une 
somme  ^'f{e,e')  est  exprimable  au  moyen  de  fonctions 
invariantes  J{e)  et  de  n  —  p  fonctions  q(e),  on  peut  écrire 
2cp(ee')=2y(e).?"(e'). 


(  263  ) 

4.  Applications.  I.  Supposons  que  le  groupe  d'éléments  e 
esl  composé  des  coefficients  de  formes  algébriques;  nous 
obtenons  cette  propriété  :  une  fonction  invariante  a  au 
moins  n  coefficients  complètement  indépendants,  quand 
elle  nest  pas  une  somme  de  produits  d'invariants  et  de 
covariants  identiques.  En  particulier,  un  covariant  relatif 
h  n  —  1  séries  de  n  variables,  a  au  moins  ?i  coefficients 
complètement  indépendants,  car  il  n'existe  aucun  covariant 
identique  des  n  —  1  séries  de  variables. 

II.  Soit  g  une  fonction  entière  d'un  groupe  quelconque 
d'éléments  (e),  comprenant  des  variables  et  des  coefficients 
de  formes  algébriques. 

Désignons  par  G  la  transformée  de  g  après  la  substitu- 
tion linéaire 

^1=  o'-ii^i  "*"  «iî^a  -+-  ••'  -+"  «mX„, 
i  —  I ,  -,  ...  /t , 

représentons  encore  par  [G]  la  fonction  obtenue  en  rempla- 
çant dans  G  les  quantités  a,j  par  de  nouvelles  variables  xj,. 
On  peut  voir  que  le  produit 

|G|.(d-xl,x±, ...  xWj*" 

est  une  somme  de  fonctions  invariantes,  si  r  est  suffisam- 
ment grand. 
En  effet,  soit 

9  =  91-*-  9^-^  -, 

le  développement  de  g  en  somme  de  fonctions  homogènes 
et  isobariques  ;  et  soient  p,  pj  •••  ^^^  degrés  de  gi,  g^-, ...  par 


(  266  ) 
rapport  au  système  total  des  variables;  chacun  des  produits 

|G,1 .  (=t  xl,  x2, ...  xnjs     [G^l .  (±  x\,x%  ..  xnj', . . 

est  une  fonction  invariante  (').  Si  donc  r  est  le  plus  grand 
des  nombres  p,  p, ...,  on  peut  écrire 

\G\.{±xl,x%...xnJ=^f{e',x)..     .     .     (9) 

Supposons  maintenant  que  G  s'exprime  au  moyen 
de  n — p  fonctions  q{a)  des  quantités  a;  nous  aurons 
ainsi  : 

G  =  F\q,{a)...q„_p{a),e'\ 

et  d'après  la  formule  (9) 

2v(e'  a;)  =  F,  j  J(a;),  ^.(x), ...  q„.p{x),  e'  \, 

J(a;)  représentant  le  covariant  identique  (±xl^  3r22...a;yî„). 
On  déduit  de  là  (§  3)  : 

y,?ie'x)='^f'{x).f"{e') 
ou  bien . 

2f^^{±xl,x%.,xnSf"{e'), 

puisque  les  seules  fonctions  invariantes  o'{x)  des  variables 


(*)  Essai  d'uîie  théorie  générale  des  formes,  p.  61).  (3Iem.  de  la 

Soc.  ROV.  DES  SCIENCES  DE  LiÉGE,  2"=  sérlc,  t.  XVII.) 


(  267  ) 
a;l,  x2  ...  xn  sont  des  puissances  du  déterminant 

En  remplaçant  les  lettres  xj,  par  a„  et  en  prenant  a„=1 , 
a,j  =  0,  on  obtient 

et  ainsi,  la  transformée  G  dépend  au  plus  du  module 
de  la  substitution  linéaire.  Par  conséquent,  le  nombre  de 
paramètres  q(a)  nécessaires  pour  exprimer  la  transformeeG 
est  égal  à  r unité  ou  à  zéro,  s'il  est  inférieur  à  n,  et  alors 
g  est  une  somme  de  fonctions  invariantes  (*). 

La  relation  qui  existe  entre  les  transformées  G  et  les 
fonctions  invariantes  permet  encore  d'établir  cette  propo- 
sition :  Si  la  transformée  G  de  g(e')  est  exprimable  au 
moyen  rfe  m  <  n  fonctions  des  éléments  e',  on  peut  déve- 
lopper g(e')  en  somme  de  fonctions  invariantes. 

Remarque.  Les  termes  d'une  fonction  invariante  (p(e') 
ont  le  même  poids  pour  les  indices  1,2... /i.  Donc,  si  g 
contient  un  terme  qui  n'a  pas  le  même  poids  pour  tous  les 
indices,  la  transformée  G  dépend  au  moins  de  n  fonctions 
des  coefficients  a  de  la  substitution,  et  de  n  fonctions  des 
éléments  e'. 


(*)  Notre  énoncé  généralise  celle  propriété  bien  connue  qu'une 
fonction  entière  et  homogène  est  invariante,  quand  elle  se  reproduit 
multipliée  par  un  facteur  g  (a),  après  une  substitution  linéaire. 


(  268  ) 


Action  du  zinc-éthyle  sur  le  benzile; 
par  Maurice  Delacre. 

Boullerow  et  sun  école,  en  donnant  une  grande  exten- 
sion à  l'emploi  du  zinc-éihyle  comme  agent  de  préparation 
des  alcools,  ne  se  sont  pas  arrêtés  à  l'étude  de  l'action  de 
ce  réactif  sur  les  acétones.  C'est  que  le  savant  russe  avait 
surtout  en  vue  les  méthodes  synthétiques  qui  furent  si 
précieuses  pour  l'histoire  des  alcools,  et  que  l'étude  analy- 
tique des  produits  qu'il  traitait  avait  peu  d'intérêt  pour  lui. 

Plus  tard,  les  travaux  de  M.  Gaizarolli  ont  attiré 
l'attention  sur  les  composés  organo-zinciques  comme 
agents  de  simple  hydrogénation;  on  sait  que  ce  chimiste 
a  résolu  d'une  façon  élégante  la  réduction  du  chloral  à 
l'état  d'alcool  trichloré. 

Dans  la  suite  de  mes  recherches,  commencées  dans  le 
laboratoire  de  mon  maître,  M.  le  professeur  L.  Henry, 
avec  l'action  du  zinc-éthyle  sur  l'aldéhyde  bichlorée  ('),  j'ai 
été  amené  (**)  à  faire  agir  ce  réactif  sur  les  acétones,  et 
c'est  avec  l'espoir  d'arriver  à  une  synthèse  d'alcool  tertiaire 
que  j'ai  essayé  l'action  de  l'acétophénone  et  de  la  benzo- 
phénone.  La  première  de  ces  réactions  m'a  entraîné  dans 
une  série  de  recherches  sur  la  synthèse  de  la  benzine;  la 
seconde  m'a  conduit  à  la  réduction  de  la  benzophénone,  à 
l'étal  de  benzhydrol  par  le  zinc-éthyle,  à  l'état  de  benzopi- 
nacone  par  un  mélange  de  CH^I  -^  Zn. 


(*)   Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  5«  série,  t.  XIII  (1887). 
(•*)   Ibid.,  5-=  série,  t.  XVII I   (1889). 


i  !269  ) 

Depuis,  j'ai  attaché  de  plus  en  phis  d'importance  à 
l'emploi  des  composés  organo-zinciques  comme  agents  de 
réduction.  J'ai  prouvé,  en  étudiant  la  constitution  de  la  ben- 
zopinacoline  (3,  que  le  zinc-éthyle  agissait  comme  réduc- 
teur, alors  que  les  autres  agents  d'hydrogénation  étaient 
sans  action;  cette  élude  a  donné  une  idée  des  services 
que  peut  rendre  le  zinc-éthyle  dans  les  recherches  analy- 
tiques. De  plus  il  est  neutre,  alors  que  tous  les  agents 
réducteurs  sont  ou  acides  ou  alcah'ns;  cette  particularité 
me  fait  croire  que  ce  réactif  est  appelé  à  devenir  l'un  des 
phis  importants  des  acétones  et  des  oxydes. 

A  côté  de  cet  emploi  avantageux  pour  les  recherches 
analytiques,  je  crois  que  la  réduction  par  les  composés 
organo-zinciques  pourrait  être  utilement  mise  à  profit 
pour  la  préparation  des  pinacones,  et  une  méthode  de 
préparation  avantageuse  de  celte  classe  de  corps  consti- 
tuerait un  progrès  important,  puisqu'il  s'agit  d'une  soudure 
de  deux  molécules,  et  de  la  possibilité  d'établir  une  liaison 
entre  deux  groupements  acéloniques.  Aussi  m'efforcerai-je, 
par  la  suite,  de  déterminer  d'une  façon  générale  quelles 
sont  les  acétones  qui  se  réduisent  à  l'état  d'alcools  secon- 
daires, et  celles  qui  donnent  des  pinacones. 

Le  benzile,  de  Laurent,  C6H^.C0.C0.C*^H^  se  rattache  à 
la  première  de  ces  deux  catégories,  et  donne  de  la 
benzoïne  par  l'action  du  zinc-éthyle. 

Dans  24  grammes  de  zinc-éthyle  on  introduit  10  gram- 
mes de  benzile.  L'action  est  presque  nulle  à  froid;  à  la 
chaleur  du  bain-marie,  il  se  fait  un  vif  dégagement 
gazeux;  après  une  journée  de  chauffe,  on  introduit  encore 
10  grammes  de  t)enzile,  et  l'on  chauffe  encore  pendant 
quelques  heures;  enfin  on  décompose  par  l'eau,  on  acidulé 


(  270) 
par  l'acide  chlorhydrique,  el  l'on  sépare  le  produit  par 
tiltralion. 

Après  quatre  crislallisalions,  il  se  présente  en  magnifi- 
ques aiguilles  blanches  fondant  à  ISQ^-ISO"  et  disiillant 
fixe  à  3Aù°-oU°  sous  la  pression  de  768  millimètres.  Il  a 
donné  à  l'analyse  les  chiffres  suivants  : 


1. 

II. 

Substance    .     .     .     . 

0,1456 

0,1321 

Eau 

0,0761 

0,0736 

An.  carbonique.     .     . 

^0,4101 

0,3750 

(  0,0046 

0,0092 

C»/o.     ■     .     .     78,76 

78,89 

79,24 

H"/o     .     .     .       5,89 

6,19 

0,66 

L'échantillon  II  a  été  distillé,  1  simplement  cristallisé. 

Il  s'agit  donc  d'une  fixation  de  deux  atomes  d'hydro- 
gène sur  une  molécule  de  benzile;  cela  est  prouvé  encore 
par  l'action  de  l'acide  nitrique  donnant  une  huile  jaune 
qui,  traitée  par  l'alcool,  donne  des  cristaux  de  benzile 
fondant  à  93%  puis,  par  l'action  de  l'acide  iodhydrique  à 
200°,  de  magnifiques  cristaux  en  fer  de  lance,  fondant  à 
50»  (dibenzyle) 

CfiHj  —  CH2 
I      . 

CfiHg   CH2 

Restait  la  possibilité  d'un  isomère  de  la  benzoïne;  le 
point  de  fusion  de  ce  corps  étant  l'objet  de  certaines 
divergences,  j'ai  cru  devoir  l'identifier  par  d'autres  réac- 
tions. 


(  271  ) 
Par  le  chlorure  d'acétyle,  j'ai  obtenu  un  élher  dont  un 
échantillon,  l'ondanl  vers  60°,  a  donné  à  l'analyse 

Substance    ....     0,1933 

Eau 0,1082 

0,5616 


An.  carbonique. 

'  0,0067 

C16H140-2 

C»/..     .     .     .     75,17  73,59 

H"/»     .     .     .      6,15  3,51 

L'action  du  chlorure  de  benzoyle  donne  un  éther  fon- 
dant à  121°.  Le  benzoate  de  benzoïne  est  décrit  comme 
fondant  à  125°. 

Enfin  l'action  de  la  phényle-hydrazine  permet  de  con- 
clure sans  aucun  doute  à  l'identité  du  produit  obtenu  avec 
la  benzoïne.  L'un  et  l'autre  donnent  un  dérivé  fondant 
à  218°,  et,  malgré  les  cristallisations  très  nombreuses 
auxquelles  j'ai  soumis  les  produits,  il  m'a  été  impossible 
de  ne  pas  les  considérer  comme  identiques. 

Université  de  Gand,  laboratoire  de  chimie  analytique. 


ÉLECTIOMS. 

La  Classe  se  forme  en  comité  secret  pour  prendre  con- 
naissance de  la  liste  des  candidatures  aux  places  vacantes 
présentées  par  les  sections. 


CLASSE  DES  LETTRES, 


Séance  du  9  octobre  1893. 

M.  Ch.  Loomans,  vice-directeur,  occupe  le  fauteuil. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marghal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Alph.  Waulers,A.Wagener,  P.  Wil- 
lems,  S.  Bormans,  Ch.  Piot,  Ch.  Potvin,  T.-J.  Lamy,  G. 
Tiberghien,  Alex.  Henné,  Gust.  Frédérix,  le  comte  Goblet 
d'Alviella,  F.  Vander  Haeghen,  J.  Vuyisleke,  É.  Banning, 
A.  Giron,  le  baron  J.  de  Chestret  de  Haneffe,  membres; 
Aph.  Rivier,  associé;  Paul  Fredericq,Mesdach  de  ter  Kiele 
et  G.  Monchamp,  correspondants. 


CORRESPONDANCE. 

M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique 
transmet  : 

\°  Une  expédition  de  l'arrêté  royal  du  5  août  1895  qui 
décerne  le  prix  quinquennal  de  littérature  française  (neu- 
vième période,  1888-1892)  à  M.  Georges  Eekhoud,  pour 
son  ouvrage  intitulé  :  La  Nouvelle  Carthage. 

La  proclamation  de  ce  résultat  aura  lieu  dans  la  pro- 
chaine séance  publique  de  la  Classe  des  beaux-arts,  fixée 
au  dimanche  29  de  ce  mois; 

2°  Une  lettre  du  Cercle  archéologique  du  pays  de  Waes, 
relative  à  la  reproduction  de  la  Grande  carte  d'Europe  de 


(  273  ) 
Merca/or  (édition  de  1592),  dont  il  existe  un  exemplaire  à 
la  bibliothèque  grand-ducale  de  Saxe-Weimar.  —  Envoi 
pour  examen  à  MM.  Wauters  et  Vander  Haeghen,  qui  ont 
déjà  fait  rapport  sur  une  demande  semblable  introduite 
par  le  lieutenant  Van  Ortroy. 

5°  Pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un  exemplaire 
des  ouvrages  suivants  : 

1°  Recensement  général  de  la  population  au  51  dé- 
cembre 1890,  tomes  I  et  II; 

2°  Au  siècle  de  Shakespeare;  par  Georges  Eekhoud  ; 

3°  Exposé  de  la  situation  administrative  des  provinces 
en  1892  ; 

4°  Bibliotheca  Erasmiana,  V%  2^  et  3*  séries; 

5"  L'œuvre  géographique  de  Mercator;  par  M.  Van 
Ortroy  ; 

6°  Etude  historique  sur  le  comté  de  Rochefort;  par 
G.  Lamotte; 

7°  Cartulaire  de  la  commune  d'Andenne^  tome  I"", 
2*=  livraison; 

8"  Jansénius,  évoque  d'Ypres,  ses  derniers  moments,  sa 
soumission  au  Saint-Siège  ;  par  le  chanoine  Jungmann; 

9°  Les  corporations  ouvrières  au  moyen  âge;  par  Gode- 
froid  Kurth  ; 

10°  Mémoires  numismaliques  de  l'Ordre  souverain  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem;  par  le  baron  Edouard-Henri 
Furse. 

—  Remerciements. 

—  M.  le  Ministre  de  la  Justice  envoie,  pour  la  biblio- 
thèque de  l'Académie,  un  exemplaire  des  Coutumes  des 
petites  villes,  tome  IV  (ouvrage  publié  par  la  Commission 
royale  des  anciennes  lois  et  ordonnances).  —  Remercie- 
ments. 


(  274  ) 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

\°  Correspondance  du  cardinal  de  Granvelle,  tome  X; 
par  Charles  Piol  (avec  une  noie  qui  figure  ci-après); 

2°  Les  deux  méthodes  linguistiques,  par  Fr.  Scerbo; 
par  le  chevalier  C.  de  Harlez; 

3°  Éludes  historiques  et  archéologiques  sur  l'ancien  pays 
de  Liège,  II;  par  le  baron  J.  de  Cheslrel  de  Haneffe; 

4°  Le  procureur  général  Faider,  discours  par  Mesdach 
de  1er  Kiele; 

5°  Les  reclus  de  Toulouse  sous  la  Terreur,  1""  fascicule; 
par  le  baron  R.  de  Bouglon; 

6°  a)  Les  derniers  travaux  sur  l'histoire  et  Vhistorio- 
graphie  de  la  bataille  de  Courtrai;  b)  De  slag  van  Kortrijk 
naar  het  hoogduitsch  van  général  Kohler;  c)  ^ote  sur  le 
cri  de  guerre  des  Matities  brugeoises;  par  Jules  Frederichs 
(présentés  par  Paul  Fredericq,  avec  une  note  qui  figure 
ci-après)  ; 

7°  Hendrik  Lovendale,  drama  in  vijf  bedrijven;  par 
Roger  de  Goey  ; 

8°  Les  grands  baillis  d'Aubruicq  et  du  pays  de  Bréde- 
narde  sous  la  domination  française  {iGO^-ilOO)  ;  par 
Pagart  d'Hermansart; 

9°  a)  Curiosités  orientales  de  mon  cabinet  numismatique  ; 
b)  Une  médaille  commémoralive  de  la  fondation  et  de  l'achè- 
vement de  la  ville  de  Suitanije  (1505-1313);  par  S.  A.  R.  le 
prince  Philippe  de  Saxe  Cobourg  et  Golha. 

—  Remerciements. 


NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES. 

Je  viens  d'achever  la  publication  du  dixième  volume  de 
la  Correspondance  de  Granvelle,  dont  j'ai  l'honneur  d'offrir 
un  exemplaire  à  la  Classe. 


(  275  ) 

Il  comprend  les  lellres  écrites  par  le  cardinal  ou  qui  lui 
ont  été  adressées  en  1583,  année  où  il  commença  à  voir 
faiblir  son  influence  sur  le  gouvernement  de  Philippe  11, 
roi  d'Espagne,  soit  à  titre  de  ministre  d'Italie,  soit  de  con- 
seiller de  la  couronne. 

En  celle  double  qualité,  il  devait  nécessairement  prendre 
à  cœur  la  situation  de  tous  les  pays  soumis  au  sceptre  de 
son  maître,  spécialement  celle  du  Portugal,  récemment 
conquis  par  l'armée  espagnole.  Vivement  contrarié  de  ce 
qui  se  passait  dans  ce  royaume,  il  ne  manquait  jamais 
l'occasion  de  s'en  plaindre  confidentiellement  à  Marguerite 
de  Parme.  Tantôt  il  fait  une  critique  amère  et  souvent  jus- 
tifiée de  ce  qui  s'y  faisait  ou  de  ce  qui  ne  s'y  faisait  pas; 
tantôt  il  déplore  l'absence  de  toute  décision  concernant 
les  affaires  de  justice,  de  police  et  d'administration;  par- 
fois il  regrette  l'intervention  des  Portugais  dans  le  gouver- 
nement de  leur  pays,  et  critique  la  nomination  d'un  con- 
seil spécial,  chargé  de  la  direction  des  affaires  de  ce 
royaume.  Aux  yeux  de  Granvelle,  la  possession  du  Por- 
tugal avait  le  grand  tort  d'absorber  toute  l'attention  de 
Philippe  II,  d'occasionner  des  dépenses  exorbitantes  qui, 
à  son  avis,  auraient  été  mieux  employées  à  la  conquête 
des  Pays-Bas.  A  son  grand  regret,  l'occupation  de  ce 
royaume  donnait  lieu  à  des  armements  inutiles  sur  mer 
et  sur  terre,  et  libre  jeu  à  l'influence  française  dans  nos 
provinces. 

A  propos  du  Portugal,  très  menacé  en  ce  moment, 
comme  tous  les  pays  méridionaux,  d'une  grande  famine, 
le  cardinal  se  félicite  de  voir  arriver  à  Lisbonne  des  vais- 
seaux hollandais  et  de  la  mer  Baltique,  chargés  de  céréales. 
A  son  avis,  il  fallait  les  laisser  librement  naviguer  par 
simple  tolérance,  à  la  condition  de  couper  court  plus  tard 
à  celle  liberté,  afin  de  ne  pas  favoriser  les  hérétiques. 


(  276  ) 

C'était  un  des  motifs  sur  lesquels  Granvelle  s'appuyait 
spécialement  pour  refuser  la  liberté  du  commerce.  En 
toute  occasion  il  se  montra  l'adversaire  décidé  de  cette 
liberté,  qui  permettait  aux  protestants  de  s'enrichir  aux 
dépens  des  catholiques. 

Le  marquis  de  Sainte-Croix  occupe  aussi  dans  ce  volume 
une  place  importante  à  propos  des  affaires  maritimes  du 
Portugal,  particulièrement  dans  l'expédition  et  la  conquête 
des  îles  Tercère  ou  Açores.  Selon  Granvelle,  cette  inter- 
vention n'était  pas  assez  efficace  pour  permettre  à  la 
marine  espagnole  de  se  développer  et  lui  assurer  la  supré- 
matie sur  mer.  Philippe  II  devrait  y  régner  en  maître.  A  cet 
effet,  il  fallait  agir  contre  l'Angleterre,  mettre  à  profit  les 
tendances  à  la  révolte  manifestées  en  Ecosse  et  en  Irlande 
contre  Elisabeth,  soulever  partout  la  question  religieuse, 
prêter  main  forte  à  Rome,  qui  voyait  dans  ce  soulèvement 
un  moyen  efficace  de  combattre  le  protestantisme. 

Un  autre  fait  absorbait  également  l'attention  du  cardinal. 
C'était  la  volonté  ferme  et  bien  décidée  de  Marguerite  de 
Parme  de  quitter  les  Pays-Bas,  en  dépit  de  l'opposition  du 
roi  et  de  son  ministre.  Elle  voulait  à  tout  prix  se  débar- 
rasser d'un  gouvernement  tout  à  fait  illusoire,  qui  lui 
avait  été  imposé,  malgré  l'avis  contraire  de  son  (ils.  Elle 
rentra  en  Italie  en  1585,  non  sans  adresser  au  cardinal 
des  plaintes  an  sujet  de  la  conduite  du  roi  à  son  égard  à 
propos  de  ses  appointements. 

Le  duc  d'Alençon  et  sa  mère  Catherine  de  Médicis  rem- 
plissaient en  même  temps  dans  les  affaires  des  Pays-Bas 
un  rôle  important,  sur  lequel  Granvelle  jette  un  grand 
jour.  On  trouve  dans  notre  volume  des  documents  qui 
fournissent  des  détails  intimes  sur  l'échauffourée  du  duc, 
connue  sous  la  dénomination  de  Furie  Française,  à 
Anvers.  Granvelle  mit  à  profit  ces  événements  pour  enga- 


(  277  ) 
ger  le  roi,  comme  il  l'avait  fait  antérieuremenl,  à  entamer 
la  guerre  avec  la  France.  A  son  grand  désappointement, 
Philippe  II  s'y  refusa  momentanément.  Dans  une  lettre 
bien  remarquable,  adressée  par  Farnèse  à  Granvelle,  il 
fait  connaître  tous  les  griefs  que  lui  et  sa  famille  ont  à 
faire  valoir  à  la  charge  de  Philippe  II. 

La  partie  la  plus  intéressante  de  notre  volume  est  celle 
qui  se  rapporte  aux  affaires  de  Cologne,  en  1585.  Ces 
événements,  dans  lequels  le  duc  d'AIençon  joue  une  cer- 
tain rôle,  faillirent  arrêter  tous  les  succès  de  l'armée  espa- 
gnole aux  Pays-Bas.  Les  rapports  si  nombreux,  si  circon- 
stanciés et  si  mouvementés,  adressés  au  gouverneur 
général  par  le  comte  d'Aremberg,  mettent  en  pleine 
lumière  cet  épisode,  pendant  lequel  l'électoral  de  Cologne 
subisait  les  épreuves  les  plus  rudes.  Les  incendies,  les 
pillages,  les  dévastations,  les  meurtres  commis  par  une 
soldatesque  indisciplinée,  y  sont  pour  ainsi  dire  continuel- 
lement à  l'ordre  du  jour  pendant  l'année  1585.  Amis  et 
ennemis  s'y  faisaient  un  cruel  plaisir  de  ravager  le  pays 
entier.  Ch.  Piot. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  la  Classe,  au  nom  de 
l'auteur,  M.  Jules  Frederichs,  professeur  à  l'athénée  royal 
d'Ostende,  deux  brochures  (1)  intéressantes  sur  des 
questions  controversées  relatives  à  la  bataille  de  Courtrai 
ou  des  Éperons  d'or  (1302).  On  y  trouvera  une  discussion 
complète  des  opinions  du  général  Kôhler  et  de  M.  le  pro- 

(i)  De  slag  van  Kortrijk{H  Juli  1 305).  Naar  het  Floogduitsch  van 

generaal  Kôhler  (met  een  plan  van  liet  slagveld),  -44  pages.  Gand, 

ïloste,  1893.  —  Les  derniers  travaux  sur  l'hisloire  et  l'historiographie 

de  la  bataille  de  Courtrai,  32  pages.  Gand,  Vandcr  Haeghen,  1893. 

S""^    SÉRIE,    TOME    XXVI.  19 


(  278  ) 
fesseur  Pirenne  sur  les  mouvements  des  deux  armées  en 
présence  el  sur  les  sources  de  l'histoire  de  celle  bataille 
célèbre.  Une  troisième  brochure  du  même  auteur  (i) 
s'occupe  du  cri  de  guerre  des  Flamands  lors  des  Matines 
brugeoises. 

P.  Fredericq. 


RAPPORTS. 


MM.  Le  Roy,  Willems  et  le  comte  Goblet  d'Alviella 
donnent  lecture  de  leurs  rapports  sur  le  mémoire  de 
M.  de  Harlez  portant  pour  titre  :  La  religion  elles  cérémo- 
nies impériales  de  la  Chine  moderne. 

La  Classe  vole  l'impression  du  mémoire  dans  le  Recueil 
in-4°  des  membres  de  l'Académie. 


Drie  onuitgegeven  werken  van,  Houwaerl;  door  F.  Van 
Veerdeghem  en  Van  den  Daele. 

Mtappoft  de  M.  Steche»;  pfentief   comtnisaaii'c 

MM.  Van  Veerdeghem,  chargé  de  cours  à  l'Université 
de  Liége,et  Van  den  Daele,  professeur  à  l'Alhénée  de  Mons, 
ont  soumis  à  la  Classe  des  lettres  une  notice  intéressante 
sur  trois  pièces  de  Houwaerl,  trouvées  à  Hassell. 

Cette  élude  de  littérature  nationale  nous  semble  digne 
de  figurer  dans  nos  Bulletins. 

{{)  Noie  sur  le  cri  de  guerre  des  Matines  brugeoises,  M  pages. 
Bruxelles,  Haycz,  1895. 


(  279  ) 

On  sait  que  l'aimable  châlelain  de  la   Petite  Venise 

composa  plus  d'un  Spel  van  Sinne  (moralité  dramatique 

pour  rehausser  des  l'êtes  bruxelloises.  Un  de  ses  frères  en 

rhétorique  parle  même  d'une  grande  quantité,  d'un  tas  : 

a  Met  hoopen  constelycke  spelen  van  sinnen.  » 

Or,  depuis  l'attention  portée  sur  cette  bibliographie 
par  la  Bibliolheca  belgica,  on  a  contesté  l'authenticité  de 
quelques-unes  de  ces  compositions.  Celles  qu'on  vient 
d'exhumer  des  archives  de  la  chambre  hasselloise,  Roode 
Roos,  seront-elles  plus  heureuses?  Pour  les  attribuer  à 
Houwaerl,  MM.  Van  Veerdeghem  et  Van  den  Daele  se  fon- 
dent sur  de  grandes  affinités  de  style,  et  sur  une  affirmation 
formelle  :  «  Ghecotnponeert  tôt  Brussele  door  S'  Johan 
Baptiste  Hauwaert  (sic).  En  outre,  à  deux  ou  trois  reprises, 
on  y  trouve  la  devise  rhétoricale  :  Houdt  middeimate,  qui, 
par  un  jeu  de  mots  ou  plutôt  de  syllabes,  alors  fort  en 
vogue,  disait  à  tous  que  Houwaerl,  ami  du  juste  milieu, 
cherchait  à  se  frayer  sa  route  entre  tous  les  fanalismes.  Si 
le  prisonnier  du  Treiirenberg  manqua  quelquefois  d'éner- 
gie, jamais  il  ne  manqua  de  conscience. 

En  ces  temps  si  troublés,  cet  ami  de  la  modération  fut 
aussi  l'apôtre  de  la  liberté  de  conscience.  C'était,  pour 
ainsi  dire,  un  Coornhert,  mais  catholique,  surtout  vers  la 
fin.  Il  ne  ressentait  d'ailleurs  qu'à  distance  le  vrai  souffle 
de  l'humanisme. 

Rapfiot't  «fe  m.  D.   Sleechic,  second  cotntniaaaire. 

<  En  m'associant  aux  conclusions  du  premier  commis- 
saire, je  crois  utile  d'ajouter  les  remarques  suivantes  : 
On  s'est  beaucoup,  peut-être  trop  occupé  depuis  quelque 


(  280  ) 
temps  des  moralités  dramatiques  de  Houwaert,  notam- 
ment de  celles  du  recueil  Den  Handel  der  Amoreusheyt.  A 
ce  propos,  on  a  accusé  l'ancien  conseiller  et  maître  des 
comptes  du  duché  de  Brabant  d'avoir  fait  imprimer  sous 
son  nom  des  pièces  qui  n'étaient  pas  de  lui. 

Déjà  en  1838,  dans  son  ouvrage  Verhandeling  over 
de  Nederlandsche  Dichtkunst  in  België,  couronné  par 
l'Académie,  le  D""  Snellaert,  élu  membre  de  la  Classe  des 
lettres  en  1847,  émit  des  doutes  sur  l'authenticité  du  Han- 
del der  Amoreus/mjt.  Cinquante  ans  plus  tard,  en  1888, 
une  notice  insérée  au  Tijdschrift  voor  Nederlandsche 
Taal-  en  Letterkunde,  de  Leiden,  déclara  que,  des  quatre 
pièces  de  ce  recueil,  trois  au  moins  n'étaient  pas  de  Hou- 
waert, mais  de  trois  de  ses  contemporains,  les  rhétoriciens 
De  Mol,  d'Anvers,  Smeeckens,  de  Bruxelles,  et  Colijn 
Keyaert,  surnommé  den  Amorôsen  Colijn.  Cette  assertion 
fut  reproduite  dans  un  ouvrage  sur  la  littérature  néerlan- 
daise au  XVI'  siècle,  publié  peu  de  temps  après  par 
l'auteur  de  la  notice  (D'  Kalff). 

Dans  une  des  dernières  livraisons  de  la  même  revue 
parurent  deux  articles  sur  cette  question.  Dans  l'un,  on 
s'attache  à  réfuter  l'accusation  de  plagiat;  dans  l'autre,  on 
la  soutient. 

Le  défenseur  de  Houwaert  reconnaît  que  les  moralités 
incriminées  ne  sont  pas  de  celui-ci. Néanmoins,  il  ne  pense 
pas  qu'il  y  ait  lieu  de  parler  de  plagiat,  parce  que  l'impu- 
tation ne  repose  que  sur  une  erreur.  On  a  confondu  deux 
ouvrages  portant  le  même  nom,  dont  l'un  parut  à 
Bruxelles,  chez  J.  Van  Brecht,  en  1583,  l'autre  à  Rotter- 
dam, chez  Jan  Van  Waesberghe,  en  1621.  Or,  les  titres 
seuls,  dont  uniquement  les  trois  premiers  mots,  Handel 
der  Amoreusheyt,  sont  identiques,  auraient  dû  prouver  à 


(  281  ) 
l'évidence  qu'il  ne  s'agissait  pas,  comme  on  le  croyait,  de 
deux  éditions  d'un  même  ouvrage.  En  effet,  celui  du 
recueil  de  1585  n'annonce  qu'une  seule  pièce  en  trois 
parties,  Jupiter  ende  Yo;  celui  du  recueil  de  1621  annonce 
quatre  moralités  différentes  :  1°  Aeneas  ende  Dido;  2"  Nar^ 
cissus  ende  Echo  ;  3°  Mars  ende  Venus  ;  4°  Leander  ende 
Hero. 

On  aurait  de  la  peine  à  comprendre  comment  deux 
ouvrages  ont  pu  être  pris  pour  deux  éditions  du  même 
volume,  si  l'on  ne  savait  que  le  recueil  de  1585  était 
devenu  de  bonne  heure  extrêmement  rare,  à  tel  point 
qu'il  n'en  existe  probablement  aujourd'hui  en  Belgique 
qu'un  exemplaire,  celui  qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque 
royale  de  Bruxelles.  Aussi  le  D""  Snellaert  ne  connaissait-il 
que  celui  de  1621,  et  l'auteur  de  la  première  notice  publiée 
par  le  Tijdschrifl  avoue  n'avoir  jamais  eu  sous  les  yeux 
le  volume  de  1583.  La  Bibliotheca  belgka,  elle-même,  si 
compétente  et  si  consciencieuse,  ne  décrit  d'abord  que  le 
Handel  de  4621 ,  et  se  borne  à  constater  l'existence  de  celui 
de  1583.  Ce  ne  fut  que  plus  tard  qu'elle  décrivit  ce  dernier, 
en  faisant  observer  que  l'identité  des  trois  premiers  mots 
des  deux  titres  l'a  fait  regarder  longtemps  comme  le 
prototype  du  Handel  de  1621. 

L'ouvrage  imprimé  à  Rotterdam  sous  le  nom  de  Hou- 
waert  n'est  pas  de  lui,  cela  a  été  prouvé  suffisamment. 
Les  manuscrits  de  Aeneas  ende  Dido  et  de  Mars  endeVenus, 
avec  les  noms  de  De  Mol  et  de  Smeeekens,  se  trouvent  à 
la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles;  celui  de  Narcissus 
ende  Echo,  avec  le  nom  de  Colijn  Keyaert,  à  la  Biblio- 
thèque de  l'Université  de  Gand. 

Mais  si  ces  trois  pièces,  et  peut-être  la  quatrième, 
Leander  ende  Hero,  ne  sont  pas  de  Houwaert,  comment 


(  282  ) 

onl-elleété  publiées  sous  son  nom,  avec  le  même  titre,  en 
partie  du  moins, que  l'ouvrage  authentique?  Houwaert  n'y 
fut  pour  rien,  puisqu'il  mourut  en  1599,  et  on  ne  peut 
raisonnablement  le  rendre  responsable  de  ce  qui  s'est  fait 
à  Rotterdam  plus  de  vingt  ans  après  lui.  Il  est  à  pré- 
sumer que  la  publication  de  Jan  Van  Waesberghe  fut  tout 
simplement  une  affaire  de  spéculation.  Vers  la  un  du 
XVI"  et  dans  la  première  moitié  du  XVil"  siècle,  Houwaert 
était  très  populaire,  non  seulement  en  Belgique,  mais 
encore  en  Hollande.  Pendant  qu'à  Bruxelles  on  lui  tressait 
des  couronnes,  ses  écrits  étaient  dévorés  et  réimprimés  à 
Amsterdam,  Rotterdam,  La  Haye,  Leiden  et  dans  d'autres 
villes.  Qu'y  aurait-il  d'étonnant  qu'un  jour  Jan  Van  Waes- 
berghe, en  possession  de  copies  de  quelques  moralités  de 
rhétoriciens  assez  obscurs,  les  eût  publiées  sous  le  nom 
d'un  écrivain  plus  célèbre,  dont  il  avait  déjà,  comme  plu- 
sieurs de  ses  confrères,  réédité,  en  1614-1615,  l'œuvre 
capitale  :  Pegasides-Pleyn  ofte  den  Lusl-Hof  der  Maech- 
den?  C'était  assez  l'habitude  au  XVIl"  siècle  dans  plus 
d'un  pays.  En  Angleterre  et  en  Espagne,  les  éditeurs  ne 
se  faisaient  aucun  scrupule  d'imprimer  sous  les  noms  de 
Shakespeare  et  de  Lope  de  Vega  des  œuvres  drama- 
tiques, qu'ils  savaient  pertinemment  être  d'écrivains  moins 
en  faveur.  Comment  un  éditeur  hollandais  eût-il  été  plus 
scrupuleux,  en  attribuant  les  quatre  pièces  à  celui  que  les 
Bruxellois  se  plaisaient  à  regarder  comme  VHomère  de  la 
Néerlande  ?  > 

La  Classe  décide,  sur  la  proposition  des  rapporteurs, 
l'impression  au  Bulletin  du  travail  de  MM.  Van  Veerde- 
ghera  et  Van  den  Daele. 


(  283  ) 
COMMUNICATIONS   ET   LECTURES. 


Observations  complémentaires  sur  la  lecture  de  M,  Giron 
relative  à  <i  La  liberté  de  conscience  à  Rome  »  ;  par 
Auguste  Wagener,  membre  de  l'Académie. 

I. 

Messieurs, 

Vous  avez  écouté  avec  le  plus  vif  intérêt  la  lecture  faite 
en  séance  du  6  février  dernier  (1)  par  notre  honorable 
confrère,  M.  Giron,  sur  la  liberté  de  conscience  à  Rome. 
Vous  avez  admiré  la  clarté  avec  laquelle  il  a  exposé 
cette  question,  hérissée  de  tant  de  difficultés,  et  la  netteté 
des  conclusions  auxquelles  il  a  abouti. 

Personne  plus  que  moi  ne  s'est  intéressé  à  cette  savante 
lecture,  parce  que  depuis  longtemps  j'avais  étudié  de  mon 
côté  la  législation  romaine  sur  la  liberté  de  conscience  et 
que  j'avais  même,  dans  une  conférence  publique,  traité  ce 
sujet  d'une  façon  assez  étendue,  fi  est  dès  lors  naturel  que, 
tout  en  étant  d'accord  avec  mon  éminent  confrère  sur 
plusieurs  points  essentiels,  j'aie  sur  d'autres  points  une 
opinion  différente  de  la  sienne. 

Mais  ces  divergences  d'opinion,  quoique  relatives  à  des 
détails  d'une  certaine  importance,  ne  m'auraient  pas  paru 
suffisantes  pour  revenir,  à  bref  délai,  sur  une  question 
élucidée  par  notre  confrère  avec  tant  de  compétence,  si  je 
ne  m'y  croyais  en  quelque  sorte  obligé  par  le  fait  que 

(1)  Bulletins,  S*' série,  t.  XXV,  1895,  p.  113. 


(  284  ) 

noire  illustre  associé,  M.  Th.  Mommsen,  a  consacré  récem- 
ment à  la  même  question  un  travail  étendu. 

Au  moment  où  M.  Giron  faisait  sa  lecture,  je  ne  con- 
naissais pas  encore,  je  regrette  de  devoir  l'avouer,  la 
magistrale  dissertation  de  M.  Mommsen.  Si  j'en  avais 
connu  l'existence,  je  me  serais  empressé  de  la  signaler  à 
notre  savant  confrère,  afin  qu'il  pût,  le  cas  échéant,  soit 
compléter  ou  corriger  son  propre  travail,  soit  combattre 
les  opinions  du  grand  historien  allemand.  En  effet,  les 
éludes  de  M.  Mommsen  ne  sont  pas  de  celles  qu'on  puisse, 
lorsqu'on  les  connaît,  passer  sous  silence. 

L'arlicle  auquel  je  fais  allusion  est  intitulé  :  Der  Reli- 
gions frevel  nach  rômischem  Rechl,  c'est-à-dire  a  Le  délit 
religieux  d'après  le  droit  romain  ».  Il  est  inséré  dans  la 
Revue  historique  (Historische  Zeilschrifl)  publiée  à  Munich 
et  à  Leipzig,  par  Henri  von  Sybel  et  Max  Lehmann, 
année  1890,  pages  389-429.  C'est  par  hasard,  en  parcou- 
rant le  premier  volume  de  M.  Gaston  Boissier  sur  la  fin  du 
paganisme,  que  j'ai  rencontré  (p.  416)  le  titre  (1)  —  rien 
que  le  titre  —  de  cette  dissertation,  et  c'est  encore  par 
hasard,  car  aucun  de  mes  collègues  n'a  pu  me  renseigner 
à  cet  égard,  que  j'ai  trouvé  dans  une  autre  dissertation  de 
M.  Mommsen,  relative  à  une  inscription  récemment  décou- 
verte à  Arycanda,  en  Lycie  (2),  l'indication  exacte  de  la 
Revue  où  le  célèbre  historien  avait  fait  paraître  son  élude 
sur  le  «  Délit  religieux  chez  les  Romains  ». 


(1)  La  note  de  M.  Boissier  porte  :  Dus  (sic)  Religionsfrevel  nach 
rômischev  (sic)  Recht. 

(2)  Archacoloyisch-Epigraphische  Mitlheilungen  aus  Ocstcrreich- 
Ungarn,  lierausgegeben  von  0.  Benndorf  und  E.  Borniann.  Wien, 
1893,  première  livraison,  pp.  93-102. 


(  28S  ) 

Les  travaux  de  M.  Mommsen,  esl-il  nécessaire  de  le 
répéter,  sont  de  ceux  où  la  netteté  des  idées  et  la  rigueur 
du  raisonnemeut  marchent  toujours  de  pair  avec  l'abon- 
dance et  la  précision  des  renseignements. 

J'ai  donc  considéré  comme  une  vraie  bonne  fortune 
l'occasion  d'apprendre  à  connaître,  sur  une  question  aussi 
importante  et  aussi  épineuse  que  celle  de  la  liberté  de 
conscience  à  Rome,  l'opinion  de  l'homme  qui,  certes, 
mieux  qu'aucun  autre  au  monde, connaît  l'histoire,  le  droit 
et  l'administration  des  Romains.  Et  l'espoir  que  j'avais  en 
commençant  à  lire  le  travail  de  notre  éminent  associé  n'a 
nullement  été  déçu.  C'est  à  bon  droit  que  M.  Boissier  (/.  c.) 
le  qualifie  d'excellent  (1),  et  les  idées  qu'il  m'a  suggérées, 
mises  en  rapport  avec  la  lecture  de  M.  Giron,  m'ont  paru 
de  nature  à  pouvoir  intéresser  la  Classe. 

Il  y  a  peut-être  de  la  témérité  de  ma  part  à  venir  vous 
parler,  moi  qui  ne  suis  qu'un  modeste  philologue,  d'une 
question  en  grande  partie  juridique,  alors  qu'elle  a  été 


(1)  Le  critique  très  compétent  qui,  dans  VAlhenaeum  anglais 
(22  juillet  1893,  p.  3450),  a  rendu  compte  de  l'ouvrage  de 
M.  W.  M.  Ramsay,  M.  A.,  The  Cliurch  in  Ihe  Roman  empire  beforc, 
A.  D.,  -170,  s'exprime  ainsi,  en  parlant  de  la  dissertation  de 
M.  Th.  Mommsen  :  a  It  is  a  masterly  treatment  of  Ihe  wliole  subject. 
The  great  scliolar  has  discussed  with  an  unrivalled  knowledge  of 
Roman  procédure  and  with  a  singular  accuracy  in  apprehending  Ihe 
facts  and  ideas  of  the  Christian  writers.  Its  conclusions  seems  to  us 
absolutely  irréfragable.  —  It  is  not  an  article  that  can  bc  abridged, 
for  every  word  is  necessary  and  is  in  ils  right  place. 

The  article  requircs  to  be  read  several  times  before  its  full  import 
is  perceived;  but  when  this  is  donc,  we  think  that  it  will  secm  that 
Mommsen  is  right  in  every  one  of  his  opinions,  and  that  Neuniann 
and  professor  Ramsay  are  therefore  radically  wrong. 


(  286  ) 
traitée  ici  même,  il  y  a  quelques  mois,  par  un  de  nos  plus 
habiles  jurisconsultes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  et  pour  ne  pas  allonger  davantage  ce 
préambule,  j'entre  directement  en  matière. 

Lorsqu'on  veut  se  former  une  idée  exacte  de  la  liberté 
de  conscience  à  Rome,  il  faut  commencer  par  faire  une 
distinction  essentielle  entre  les  citoyens  romains  et  les 
étrangers. 

Les  citoyens  romains  étaient  tenus  de  respecter  et 
même  de  pratiquer  le  culte  national.  C'est  ce  que  M.  Giron 
a  fort  bien  mis  en  lumière,  quoique  le  texte  qu'il  allègue 
à  l'appui  de  son  opinion  et  qu'il  considère  comme  emprunté 
à  la  loi  des  XII  tables  ait  été  rédigé  par  Cicéron  lui-même, 
dans  son  Traité  des  lois,  et  n'exprime  que  ses  idées  per- 
sonnelles {i). 

(1)  Cic.  de  leg.  Il,  7,  17.  Q,  —  Scd  iam  exprome  si  placet,  istas 
leges  de  religione.  18.  —  M.  —  Expromam  equidera  ut  potero,  etquo- 
niam  et  locus  et  sermo  familiaris  est,  legum  leges  voce  proponam.  — 
Q.  —  Quidnam  id  est?  —  M,  —  Sunt  certa  legum  verba,  Quinte, 
neque  ita  prisca  ut  in  veteribus  XII  sacratisque  legibus,  et  tamen, 
quo  plus  auctoritatis  habeant,  paulo  antiquiora  quani  hic  sermo  est. 
Eum  raorcm  igitur  cum  brevitate,  si  potero,  consequar.  Leges  autem 
a  me  edentur  non  perfeclae,  nam  esset  infinitum  —  sed  ipsae  sum- 
mae  rerum  atque  sententiae.  —  Q.  —  Ita  vero  nccesse  est,  quare 
audiamus.  19.  —  M.  —  Ad  divos  adeunto  caste,  pietatem  adhibento, 
opes  amovento.  Qui  secus  faxit,  Deus  ipse  iudex  erit. 

Separatim  nemo  habessit  deos  neve  novos  neve  advenas,  nisi 
publiée  adscitos  :  prlvatim  colunto  quos  rite  a  patribus  cultos  acce- 
perint  (Madvig). 

Plus  loin  (X,  25),  Alticus  fait  la  réflexion  suivante  :  Non  multuni 
discrepal  ista  constitutio  religionum  a  legibus  Numae  nostrisque 
moribus.  Cicéron  s'est  donc  inspiré,  non  pas  de  la  loi  des  XII  tables, 
mais  des  leges  regiae  et  de  la  coutume. 


(  287  ) 

Mais  ce  sur  quoi  il  ne  me  semble  pas  avoir  suffisamment 
insisté,  c'est  que  les  étrangers,  admis  sur  le  territoire 
romain,  étaient  autorisés,  en  principe,  à  adorer  leurs 
dieux  nationaux  comme  ils  l'entendaient.  De  même  qu'ils 
étaient  exclus  du  culte  de  Rome,  sauf  autorisation  spéciale, 
ils  pouvaient,  à  l'exceplion  de  quelques  cas  particuliers, 
motivés  par  des  circonstances  extraordinaires,  pratiquer 
librement  et  ouvertement  le  culte  de  leur  pays. 

Ce  n'est  qu'à  la  fin  de  la  république  qu'on  commença  à 
sévir  contre  le  culte  d'Fsis  et  de  Sérapis,  en  ce  sens  que  le 
Sénat  ordonna  la  destruction  des  sanctuaires  de  ces  divi- 
nités qui  se  trouvaient  dans  l'enceinte  de  la  ville,  voire 
même  au  Capitule.  Mais  ce  même  Sénat  autorisa  la  con- 
struction de  pareils  sanctuaires  en  dehors  du  pomerium. 
Auguste  s'en  tint  dans  le  principe  à  cette  règle,  qui  avait 
été  de  tout  temps  appliquée  aux  cultes  étrangers,  même 
lorsqu'on  les  avait  nationalisés  (1).  Ce  n'est  que  plus  tard 
qu'avec  l'autorisation  d'Auguste,  M.  Agrippa  fil  un  pas  de 
plus,  c'est-à-dire  qu'il  relégua  le  culte  égyptien  en  dehors  de 
la  banlieue  (2).  Toutefois,  dans  le  reste  de  l'Italie,  le  culte 
d'Isis  et  de  Sérapis  ne  fut  pas  interdit.  Si  Tibère,  d'après 
ce  que  rapportent  Josèphe  (3)  et  Suélone  (4),  fit  détruire 
un  temple  d'Isis,  jeter  dans  le  Tibre  la  statue  de  la  déesse, 
mettre  en  croix  les  prêtres  attachés  à  son  culte  et  livrer 
aux  flammes  les  vêtements  de  lin  qu'ils  portaient,  cela 
tient  à  ce  qu'une   des   plus  grandes  dames  de   Rome, 

(1)  Voir  J.  Marquardt,  Le  culte  chez  les  Romains,  traduction 
Brissaud,  t.  I.  Paris,  Thorin,  1889,  p.  U. 

(2)  Dion  Cassius,  54,  6. 

(5)  Joseph,  Ant.  Jud.,  XVIII,  5,  4. 
(4)  Sleton,  Tib.,  36. 


(  288  ) 
Pauline,  épouse  de  Saturninus,  avait  été,  de  la  part  des 
prêtres  d'Isis,  l'objet  de  la  plus  infâme  mystification.  Mais 
celte  mesure  exceptionnelle  ne  porta  pas  atteinte  au  prin- 
cipe général  qui  garantissait  aux  étrangers  établis  sur  le 
territoire  romain  le  libre  exercice  de  leur  culte. 

Quant  aux  citoyens  romains,  non  seulement  il  leur  était 
défendu  de  rien  perpétrer  qui  fût  contraire  à  la  religion 
établie,  mais  ils  pouvaient  même  être  contraints  à  accomplir 
certains  actes  du  culte.  Seulement,  à  cet  égard,  il  y  a  lieu 
de  distinguer  nettement  les  époques. 

Ainsi  que  M.  Mommsen  l'a  clairement  établi,  il  y  avait  à 
Rome  un  triple  droit  :  le  droit  privé,  le  droit  public  et  le 
droit  sacré.  Ce  dernier,  qui  était  exercé,  au  point  de  vue 
pénal,  par  le  souverain  pontife,  fut  singulièrement  réduit  à 
partir  de  la  république;  toutefois  il  en  resta  pendant 
plusieurs  siècles,  voire  même  sous  l'empire,  quelques 
parties  importantes.  Ainsi  le  pontifex  maximus  pouvait, 
on  le  sait,  faire  mettre  à  mort  les  Vierges  Vestales  qui 
avaient  laissé  s'éteindre  le  feu  sacré  ou  s'étaient  rendues 
coupables  du  crime  d'impureté.  Et  si  l'exercice  de  ce  droit 
de  vie  et  de  mort  peut  jusqu'à  un  certain  point  être  consi- 
déré comme  un  des  cas  d'application  de  cette  terrible 
puissance  paternelle  qui,  comme  le  dit  Gaïus  (1),  n'était 
nulle  part  aussi  étendue  qu'à  Rome,  cette  puissance  n'était 
pas  néanmoins  applicable  aux  complices  des  Vierges  Ves- 
tales qui,  eux  aussi,  étaient,  à  la  suite  de  la  sentence 
capitale  prononcée  coutre  eux  par  le  pontifex  maximus, 
battus  de  verges  jusqu'à  mort  (2). 


(1)  hisL,  I,  §  85. 

(2)  Cato  apud  Festum,  p.  241  ;  Tite-Live.  22,  S7,  4. 


(  289  ) 

Le  président  du  collège  des  pontifes  pouvait  également, 
en  vertu  du  Jus  sacrum,  infliger  des  amendes  aux  trois 
grands  flamines  et  au  rex  sacrificulus.  Mais  son  droit  ne 
s'exerçait  plus,  paraît-il,  sous  la  république,  à  l'égard  de 
la  généralité  des  prêtres,  des  magistrats  comme  tels,  et  des 
particuliers. 

Quant  aux  autres  délits  religieux  donnant  lieu  à  une 
sentence  capitale,  tels  que,  par  exemple,  la  violation  du 
droit  des  ambassadeurs,  ils  furent  pendant  un  certain 
temps  jugés  par  le  consul;  mais  celui-ci  était  lié  formelle- 
ment à  la  décision  du  collège  des  féciaux  (1). 

Ce  sont  là,  comme  M.  Mommsen  le  fait  remarquer, 
quelques  restes  d'un  état  de  choses  remontant  à  l'époque 
où  le  Roi  était  à  la  fois  chef  de  l'Élat  et  chef  du  culte. 

On  sait  que,  peu  de  temps  après  la  substitution  de  la 
république  à  la  royauté,  les  crimes  et  les  délits  publics 
punis  soit  de  la  peine  capitale,  soit  d'une  amende  élevée, 
donnèrent  lieu,  de  la  part  des  citoyens,  à  la  provocatîo 
devant  le  peuple,  ce  qui  veut  dire,  en  d'autres  termes,  que 
la  juridiction  criminelle  sur  les  citoyens  fut  enlevée  aux 
magistrats  pour  être  transférée  aux  comices. 

Plus  tard,  à  la  vérité,  en  vertu  de  différentes  lois  spé- 
ciales, cette  juridiction  fut  attribuée  presque  tout  entière 
à  des  jurys  permanents  [quœstiones  perpetiiœ).  Mais  ni  dans 


(1)  Varro,  de  vila  pop.  Rom.,  lib.  III,  apud  Nonium,  p.  018, 
édition  Qiiicherat.  Si  autera  legati  violati  essent,  qui  id  fecissent, 
quaravis  nobiles  essent,  uli  dedcrenlur  civitati  statuerunt,  fetiales- 
que  viginli,  qui  de  his  rébus  cognoscerent,  iadicarcnt  et  statuèrent, 
constituerunt. 

Les  jugements  prononcés  par  les  féciaux  ne  donnaient  pas  lieu  à 
la  provocatîo,  ce  qui  prouve  d'une  manière  péremptoire  qu'ils  rele- 
vaient du  jus  sacrum. 


(  290  ) 

la  juridiction  des  comices,  ni  dans  celle  des  quœstiones, 
on  ne  trouve  de  traces  de  délits  religieux.  M.  Mommsen 
ne  connaît  à  cette  règle  qu'une  seule  exception  :  celle  qui 
concerne  le  sacrilegium. 

Mais  quel  sens  convient-il  d'attacher  à  ce  mot?  Au  point 
de  vue  légal,  il  signifie  exclusivement,  jusque  vers  la 
fin  du  1V=  siècle  après  Jésus-Christ,  le  vol  d'objets  appar- 
tenant aux  temples. 

On  sait  qu'à  Rome  les  délits  étaient  divisés  en  delicta 
publica  et  delicta  privata.  Quant  aux  vols,  ils  étaient  à 
leur  tour  divisés  en  furta  privata,  sacra  et  publica. 

Le  furtum  privatum  donnait  lieu  à  un  procès  civil 
devant  le  préteur  (1).  Quant  au  furtum  sacrum  ou  sacri- 
legium, il  était,  au  point  de  vue  de  la  répression  judiciaire, 
assimilé  au  furtum  publicum. 

Cicéron,  dans  son  traité  De  legibus,  qui  est,  comme  on 
sait,  calqué  en  grande  partie  sur  la  législation  existante  ou 
ancienne,  a  formulé  le  texte  de  loi  suivant  (2)  :  sacrum 
sacrove  commendatum  qui  clepsit  rapsitve,  parricida  esto, 
ce  qui  indique  apparemment  que  le  voleur  d'objets  appar- 
tenant aux  temples  était  jadis  accusé  devant  les  comices 
par  les  quœstores  parricidii. 

Plus  tard  le  sacrilegium  ou  furtum  sacrum  fit  partie  de 
la  compétence  de  la  quœstio  peculatus  (3).  La  loi  Iulia 


(i)  Cic.  in  Q.  Caecil  divin.  V,  18.  Civibus  cum  sunt  ereptac 
pecuniae,  civili  fere  aclione  et  privato  jure  repetuntur. 

(2)  Cic.  de  leg.  Il,  9,  22. 

(5)  Dig.  XLVIll,  15,  fr.  4.  Lege  Iulia  peculatus  tenetur  qui  pecu- 
niam  sacram  religiosam  abstulerit  interceperit.  Ibid.,  fr.  H.Sacrilegi 
capite  puniuntur.  Sunt  autem  sacrilegi  qui  publica  sacra  compila- 
verunt.  At  qui  privata  sacra  temptaverunt,  amplius  quam  fures, 
minus  quam  sacrilegi  merentur. 


(  'm  ) 

pecnlatus  contenait  de  nombreuses  dispositions  relatives 
au  vol  d'objets  appartenant  aux  temples  ou  consacrés  ex- 
pressément à  une  divinité  (1). 

Mais,  on  le  voit,  ces  dispositions  n'ont  rien  de  commun 
avec  la  liberté  de  conscience.  Il  n'existait  donc  vers  la  fin 
de  la  république,  en  dehors  de  ce  qui  a  été  dit  plus  haut 
au  sujet  des  Vierges  Vestales  et  de  la  violation  du  droit 
des  ambassadeurs,  aucune  loi  civile  obligeant  les  citoyens 
ou  les  étrangers  à  participer  à  un  acte  du  culte,  ou 
punissant  ceux  qui  agissaient  contrairement  aux  pres- 
criptions religieuses.  On  appliquait,  en  règle  générale,  le 
principe  formulé  plus  tard  d'une  manière  si  remarquable- 
ment concise  par  l'empereur  Tibère  :  deoriim  iniurias, 
diis  curœ  (2). 

Est-ce  à  dire  qu'eu  égard  à  cette  situation  légale,  toutes 
les  religions  fussent,  en  réalité,  placées  sur  la  même  ligne? 
Nullement,  car  les  Romains,  pris  en  masse,  nourrissaient 
notamment  à  l'endroit  des  juifs  et  des  chrétiens  des  senti- 
ments profondément  hostiles. 

C'est  un  fait  que  M.  Giron  n'a  pas  eu  de  peine  à  établir. 
Mais  ce  fait  a  une  telle  importance  qu'on  me  permettra  de 
le  mettre  encore  plus  complètement  en  lumière.  Les  juifs 
étaient  pour  les  Romains  un  objet  d'horreur  (3).  Tacite 
qualifie  leurs  coutumes  de  honteuses  et  d'absurdes  (4).  La 
première  chose,  dit-il,  qu'ils  apprennent  aux  néophytes, 
c'est  de  mépriser  les  dieux,  de  répudier  leur  patrie,  de 


(1)  Ibid.,  fr.  1,4,  7,  M. 

(2)  Tac,  Ann.,  I,  75. 

(3)  Tac,  Hist,,  V,  5.  (Indaeorum)  instituta,  sinistre,  foeda,  pravi 
tatc  valuere. 

(4)  Id.,  Ibid.,  Indaeorum  mos  absurdus  sordidusque. 


(  292  ) 

n'attacher  aucune  importance  à  l'affection  de  leurs  parents, 
de  leurs  enfants,  de  leurs  frères.  Les  poètes  satiriques  ne 
cessent  de  les  accabler  de  leurs  traits  les  plus  mordants. 
Horace,  faisant  allusion  à  la  circoncision,  les  qualifie 
d'écourtés  [i).  Juvénal  prétend  qu'ils  ne  faisaient  aucune 
différence  entre  la  chair  humaine  et  la  chair  de  porc  (2). 
Martial,  qui  ne  recule  pas  devant  les  crudités  réalistes,  fait 
allusion  à  l'haleine  fétide  des  juifs  qui  célébraient  le 
sabbat  (3). 

On  sait  que  pendant  longtemps  les  chrétiens  furent 
confondus  avec  les  juifs.  Suétone  lui-même,  dans  un  pas- 
sage célèbre,  dit  encore,  en  parlant  de  l'empereur  Claude  (4), 
ludaeos,  impulsore  C/iresto  assidue  tumultuanles,  Roma 
€xpulit. 

De  même  que  les  juifs,  les  chrétiens  étaient,  de  la  part 
de  l'aristocratie  romaine,  l'objet  d'une  haine  implacable. 
Eux  aussi  passaient  pour  avoir  le  monde  romain  en 
horreur. 

On  les  détestait  en  outre  à  cause  de  leurs  crimes  ima- 
ginaires (5).  Pline  le  Jeune,  dans  sa  correspondance  avec 
Trajan,  parle  des  flagitia  considérés  comme  inséparables 
de  la  qualité  de  chrétien  (6).  La  nature  de  ces  crimes  nous 
est  révélée  par  la  suite  de  la  lettre  de  Pline.  Ils  affirmaient, 
écrit-il  à  l'empereur,  qu'ils  avaient  l'habitude  de  se  lever 
certains  jours  avant  l'aurore  et  de  chanter  en  commun  un 


(1)  Horace,  Sat.,  I,  9,  69  :  vin  tu  curlis  ludacis  oppedere. 

(2)  JuvEN.,  Sat.,  XIV,  98. 

(3)  Mart.,  Épigr.,  IV,  i,  7. 
(i)  SuET.  Claud.,  i!5. 

(5)  Pe-'- flayitia  invisos,  dit  Tacite,  Annal.,  XIV,  44. 

(6)  Plin.,  Épist.,  X,  90  :  flagilia  cohaereniia  nomini. 


(  295  ) 
cantique  en  Thonnenr  de  Christ,  considéré  comme  dieu,  de 
s'obliger  en  outre  par  serment,  non  pas  à  commettre. quel- 
que crime,  mais  à  s'abstenir  du  vol,  du  brigandage,  de 
l'adultère,  à  ne  point  trahir  la  parole  donnée,  à  ne  point 
nier  le  dépôt  qu'on  leur  avait  confié  :  quibus  peractis 
morem  sibi  abscedendi  fuisse,  rursusque  (conveniendi)  ad 
capiendum  cibum^  promiscuum  tamen  et  innoxium 

Ces  derniers  mots  rappellent  l'odieuse  imputation  déjà 
dirigée  contre  les  juifs  par  A  pion,  qui  leur  reprochait  de 
s'emparer  chaque  année  d'un  Grec,  de  l'engraisser  dans  le 
temple,  de  le  mettre  ensuite  à  mort,  de  déguster  de  ses 
entrailles  et  de  s'engager  sous  la  foi  du  serment  à  nourrir 
contre  les  Grecs  une  haine  éternelle  (i). 

Tant  est  vieille  (on  sait  qu'Apion  était  contemporain 
de  Tibère)  l'accusation  infâme  dont  les  juifs  sont  encore 
trop  souvent  les  victimes  aujourd'hui. 

Ce  qu'on  reprochait  encore  aux  juifs,  c'était  une  licence 
effrénée  :  proiectissima  ad  libidinem  gens,  dit  Tacite  (2). 

Eh  bien,  ce  sont  précisément  des  crimes  de  même  nature 
qu'on  imputait  aux  chrétiens  et  auxquels  Pline  fait  allu- 
sion dans  sa  lettre  à  Trajan. 

Il  y  a  trois  choses,  disait  Athénagore,  en  177  après 
Jésus-Christ  (3),  qu'on  nous  impute  :  l'athéisme,  des  repas 
comme  ceux  de  Thyeste,  des  relations  incestueuses  comme 
celles  d'CEdipe. 


(1)  Joseph.  Contra  Apion.,  II,  7. 

(2)  Tac,  Hist.,  V,  8.  Il  ajoute  :  alicnigcnarum  concubitu  abstinent, 
inter  se  nihil  illicitum. 

(3)  Supplie,  pro  Christ.,  3  :  xpta  ÈTiitpiQfxt^ouaiv  fjfjifv  iyY.\Tj[>.a-za., 

3""    SÉHIE,    TOME    XXVI.  20 


(  294  ) 

Apulée,  en  parlant  d'une  femme  chrétienne,  la  dépeint 
comme  le  réceptacle  de  tous  les  vices  (1). 

Aristide  (2)  dit,  en  parlant  des  chrétiens:  «  méprisables 
eux-mêmes,  ils  méprisent  les  autres;  ils  se  vantent  d'une 
vertu  qu'ils  ne  pratiquent  point;  ils  prêchent  la  conti- 
nence, tout  en  se  livrant  à  la  volupté,  etc.  » 

Fronton,  qui  était  à  coup  sûr  un  personnage  impor- 
tant, considère  comme  entièrement  fondés  les  bruits  rela- 
tifs aux  horribles  festins  et  aux  relations  incestueuses 
qu'on  reprochait  aux  chrétiens  (3).  D'ailleurs,  des  aveux 
relatifs  à  ces  crimes  n'avaient-ils  pas  été  recueillis  de  la 
bouche  d'esclaves,  de  femmes,  d'enfants  mis  à  la  tor- 
ture (4)? 

Mais  ces  imputations,  si  graves  qu'elles  fussent,  et  quoi- 
qu'elles prissent  leur  source  dans  la  haine  qu'on  nourris- 
sait contre  les  chrétiens,  ne  concernaient,  en  définitive, 
que  des  crimes  prévus  par  les  lois  ordinaires.  On  ne  sau- 
rait y  voir  une  atteinte  à  la  liberté  de  conscience.  De 
même,  si  les  chrétiens  ont  été  poursuivis  à  l'instigation 
de  Néron,  après  l'incendie  de  Rome,  ce  n'est  pas,  —  telle 
est  du  moins  ma  manière  de  voir,  —  en  leur  qualité  de 


(1)  Apcl.,  Met.,  IX,  14  ;  Nec  enim  vel  unum  vitium  nequissiniae 
illi  ferainae  deeratj  sed  omnia  prorsus  ut  in  quaradam  coenosani 
lalrinam  in  eius  animam  flagitia  confluxcrant:  saeva,  scaeva,  virosa, 
cbriosa,  pervicax,  pertinax,  in  rapinis  turpibus  avara,  in  sumptibiis 
foedis  profusa,  inimica  fidei,  hostis  pudicitiae. 

(2)  Or.  46  ripo.;  flXccxoiva,  édition  Dindorf,  II,  p.  394. 

(3)  Apud  MiNuc.  Fel.,  9,  5;  9,  6. 

(4)  EusÈB.,  Hist.  ceci.,  V,  i,  14;  Justin.,  ApoL,  2,  12. 


(  295  ) 

chrétiens,  mais  comme  incendiaires  qu'ils  onl  été  recher- 
chés cl  condamnés  (1). 


(i)  Tac,  /inn.,  XV,  44.  Ergo  abolendo  rumori,  Nero  subdidil 
reos  et  quacsitissimis  poetiis  affecit  quos,  per  flagitia  invisos,  vulgus 
Chrislianos  appcllabat...  Igitur  primum  correpti  qui  falebantur, 
deinde  indicio  eorum  multitudo  ingens  liaud  pcrinde  in  crimine 
incendii  quam  odio  humani  generis  convicti  sunt,  (Coniimcli  suîit  M. 
est  une  leçon  vicieuse  que  MM.  Cuq,  31éla?tges  de  l'École  française  de 
Rome,  i  88b-8t),  et  Ramsay,  L  c,  p.  255,  note,  ont  eu  tort  de  défendre. 
11  n'y  a  pas  lieu  non  plus  d'écrire  avec  M.  Boissier  :  Coniuncti  repefti 
sunt.) 

Plus  loin,  après  avoir  parlé  des  supplices  affreux  infligés  aux 
chrétiens  par  ordre  de  Néron,  il  ajoute  :  Unde  quanquam  adversus 
sontes  et  novissima  exenipla  meritos,  miseralio  oriebatur,  taiiquam 
non  utilitate  publica,  sed  in  saeviliam  unius  absumerentur. 

On  a  beaucoup  discuté  sur  le  sens  de  ce  passage.  Schiller,  dans  son 
ouvrage  sur  Néron  et  dans  sa  dissertation  intitulée  :  «  Ein  Problem 
der  Tacituserklàrung  »  (Commentationes  philologue  in  honorem 
Th.  Mommseni.  Berlin,  1877,  pp.  42-47),  s'est  efforcé  de  prouver 
que  les  mots  igilur  primutn  correpti  sunt  qui  fatebatitur  impliquent 
qu'un  certain  nombre  de  chrétiens  se  sont  avoués  coupables  d'avoir 
incendié  Rome  ;  et  cette  opinion  est  partagée  par  Arnold  (Die 
Neronische  Christcnverfolgung). 

La  question  a  été  traitée  en  dernier  lieu  par  M.  Ramsay,  professeur 
à  l'Université  d'Aberdeen,  dans  son  grand  ouvrage  intitulé  :  The 
Church  of  the  Roman  empire  before,  A.  D.  70.  Londres,  1893, 
pp.  226-251. 

Quant  à  moi,  après  avoir  soigneusement  examiné  le  texte  de  Tacite 
et  pesé  les  arguments  produits  de  part  et  d'autre,  je  suis  arrivé  à  la 
conclusion  que  les  mots  qui  falebantur  veulent  dire  :  qui  avouaient 
qu'ils  étaient  chrétiens. 

Mais  cette  conclusion  n'implique  nullement  que,  sous  Néron,  les 
chrétiens  aient  été  poursuivis  comme  tels.  Voici,  en  effet,  comment, 
selon  toute  apparence,  les  choses  se  seront  passées.  A  tort  ou  à  raison 


(  296  ) 
Mais,  peu  à  peu,  les  accusations  relatives  aux  crimes 


(Tacite  n'ose  pas  se  prononcer  à  ce  sujet),  l'opinion  publique  attri- 
buait à  Néron  Tincendie  de  Rome.  Le  gouvernement  fit  son  possible 
pour  étouffer  ce  bruit.  La  reconstruction  de  Rome  fut  conduite  avec 
une  célérité  extrême;  d'abondants  secours  furent  distribués  aux 
malheureux  que  l'incendie  avait  ruinés;  des  cérémonies  religieuses 
de  tout  genre  furent  organisées  pour  apaiser  la  colère  des  dieux,  car 
c'était  apparemment  à  celte  colère  qu'était  dû  l'incendie  de  la  capi- 
tale. Rien  n'y  fit  :  l'opinion  publique  continuait  à  accuser  Néron 
(sed  non  ope  hiimana.,  dit  Tacite,  7ioti  largitionibus  principis  aut  deum 
placamentis  decedebat  infamia  quin  iussum  incendium  Cî'ederetur) . 
C'est  alors  que  Néron  et  ses  conseillers  conçurent  l'abominable  projet 
de  faire  peser  sur  les  chrétiens  le  crime  qu'on  reprochait  à  l'empe- 
reur. La  machination  était  habilement  ourdie.  Elle  nous  fait  songer 
involontairement  à  la  fable  des  Animaux  malades  de  la  peste. 
C'étaient  probablement  ces  afl'reux  chrétiens,  généralement  détestés 
à  cause  des  crimes  odieux  qu'on  leur  imputait  (per  flagitia  invisos), 
c'étaient  eux,  pour  lesquels  le  monde  romain  tout  entier  était  un 
sujet  d'abomination,  qui  avaient,  à  la  suite  d'une  vaste  conspiration, 
incendié  la  ville  de  Rome,  en  y  mettant  le  feu  en  plusieurs  endroits 
à  la  fois. 

On  n'avait  certainement  pas  perdu  à  Rome  le  souvenir  de  Calilina 
et  de  ses  complices,  qui  avaient,  vers  la  fin  de  la  république,  conçu 
le  même  projet  et  l'auraient  probablement  mis  à  exécution  sans 
l'énergique  intervention  de  Cicéron. 

Pourquoi  les  chrétiens  n'en  auraient-ils  pas  agi  de  même,  car  eux 
aussi  étaient  des  malfaiteurs  comme  les  partisans  de  Catilina? 

Lorsque,  quelques  années  plus  tard,  en  67  après  Jésus-Christ,  un 
immense  incendie  éclata  à  Antioche,  ce  furent  les  juifs,  généralement 
détestés  en  Syrie,  qui  devaient  en  être  la  cause  (Joseph.  BcU.  lud., 
VII,  3,  2-4).  Et  de  nos  jours,  si  quelque  machine  infernale  était 
découverte  à  Paris  ou  à  Saint-Pétersbourg,  les  soupçons  ne  se  por- 
teraient-ils pas  tout  d'abord  sur  les  anarchistes  ou  les  nihilistes? 

Le  gouvernement  de  Néron  fit  donc  répandre  le  bruit  que  les 


(  m  ) 

clandestins  flonl  les  chiéliens,  disail-on,  se  rendaient  coii- 


coiipables  qu'on  recherchait  vainement  depuis  si  longtemps  étaient 
très  probablement  les  chrétiens.  En  conséquence,  on  commença  à 
instruire  contre  eux.  On  jeta  d'abord  en  prison  (correpti^  dit  Tacite; 
(TuvTQOpot'aÔT),  dit  Clem.  Rom,  ad  Corinth.^  I,  6)  ceux  qui  avouaient 
publiquement  leurs  croyances;  ensuite,  par  d'habiles  interrogations 
et  à  l'aide  de  la  torture  [indicio  eorum),  on  apprit  à  connaître 
l'existence  à  Rome  de  beaucoup  d'autres  chrétiens  [mullitudo  ingens, 
dit  Tacite;  ttoXù  tïXtjÔoî  èxXexxôJv,  dit  Clem.  Rom,  /.  c).  Ceux-ci  à 
leur  tour  furent  jetés  en  prison.  On  n'eut  pas  de  peine  à  établir  leur 
prétendue  culpabilité.  En  effet,  n'a-t-on  pas  obtenu  de  même,  à  l'aide 
de  la  torture  appliquée  à  des  esclaves,  à  des  femmes  et  à  des  enfants, 
l'aveu  que  les  chrétiens  se  rendaient  coupables  d'inceste  et  d'infan- 
ticide (voir  plus  haut,  p.  294j? 

Tacite,  tout  en  appelant  le  christianisme  une  exitiabilis  superstitio, 
avoue  que,  pour  la  plupart  des  victimes  de  Néron,  la  preuve  qu'ils 
étaient  incendiaires  ne  put  guère  Hre  fournie.  C'est  plutôt,  dit- il, 
comme  ennemis  du  genre  humain  que  comme  incendiaires  qu'ils  ont 
été  condamnés.  Celte  dernière  réflexion  appartient  évidemment  en 
propre  à  l'historien,  car,  au  point  de  vue  légal,  c'est  bien  et  dûment 
pour  avoir  incendié  Rome  qu'ils  ont  été  condamnés  et  mis  à  mort. 

M.  Ramsay,  /.  c,  p.  236,  d'accord  avec  M.  Arnold,  l.  c  ,  p.  23,  n»  i, 
pense  que  c'est  aussi  comme  magiciens  que  les  chrétiens  ont  été 
condamnés  à  cette  époque,  et  que  c'est  à  cela  que  Tacite  fait  allusion 
en  disant  que  les  chrétiens  furent  convaincus  de  haïr  le  genre 
humain  [odium  huniani  generis).  Si  Tacite  avait  voulu  dire  cela,  il  se 
serait  exprimé  autrement.  Sans  doute  son  style  est  concis,  mais  il  n'a 
pas  l'habitude  de  parler  en  énigmes. 

En  résumé,  comme  le  dit  excellemment  Neumann  [Der  Rômische 
Sfaat  und  die  allgemeine  Kirche  bis  auf  Diocletian,  premier  volume, 
1890,  p.  4),  les  chrétiens  n'auraient  pas  été  poursuivis  comme 
incendiaires  s'ils  n'avaient  pas  été  considérés  comme  des  ennemis 
mortels  à  la  fois  par  la  population  romaine  et  par  les  juifs  établis  à 
Rome;  néanmoins  ce  n'est  pas  comme  chrétiens,  c'est  comme  incen- 
diaires qu'ils  ont  été  poursuivis  et  exécutés. 


(  298  ) 
pahles  à  la  suile  de  leurs  agapes,  ne  trouvèrent  plus  guère 
de  croyance.  Origène  (1)  affirme  que,  de  son  temps,  ces 
imputations,  quoique  toujours  encore  reproduites  par 
quelques-uns,  étaient  considérées  généralement  comme 
calomnieuses,  ei  si  Minucius  Félix  en  fait  encore  mention, 
c'est  en  s'appuyanl  sur  le  témoignage  de  Fronton. 

Par  conséquent,  si  l'on  voulait  désormais  sévir  contre 
les  chrétiens,  c'est  à  d'autres  armes  qu'il  fallait  recourir. 
Ces  armes,  on  les  trouva  dans  le  crimen  maiestaih. 

D'après  Ulpien  (2),  maiestads  crimen  illud  est  qnod 
adversus  populnm  romanum  vel  adversus  securifatem  eius 
commit titiir.  Mais  l'empereur  étant  le  représentant  par 
excellence  du  peuple  romain,  le  crimen  maieslnlis  fut 
étendu  aux  ofl'enses,  même  verbales,  faites  à  l'empe- 
reur (5)  :  Lege  Iulia  maiestatis  tenetur  is  cuiiis  ope,  con- 
silio  adversus  imperatorem  vel  rem  publicam.  arma  mota 
sunt,  etc.  —  Quod  crimen  non  solum  facto  sed  et  verbis 
impiis  ac  maledictis  maxime  exacerbattir. 

Il  était  notamment  défendu  de  montrer  du  mépris  à 
l'égard  des  statues  et  des  images  de  l'empereur  :  Qui 
statuas  aut  imagines  imperatoris  iam  consecrafas  confia- 
verint  aliudve  quid  simile  admiserint,  lege  Iulia  maies- 
tatis tenentur  (4).  —  Crimen  maiestatis  facto  veluti  vio- 
latis  statuis  vel  imaginibus  maxime  exacerbatur  in 
milites  (5). 


(1)  Contra  Cels.,  VI,  27,  ^0. 

(2)  Dig.,  XLVm,  4,  i. 
(5)  Pkvh,  Sent.,  V,  29,  i. 
(i)  Dig.,  XLVm,  i,  ti. 
(5)  Ibid.,  fr.  7. 


(  299  ) 

Une  fois  qu'on  était  entré  dans  celle  voie,  ii  fut  aisé  <le 
s'y  avancer.  A  partir  d'Auguste,  ii  y  eut  une  tendance  de 
plus  en  plus  marquée  à  assimiler  l'empereur  à  une  divinité. 
Il  est  vrai  qu'Auguste  ne  consentit  pas  à  se  faire  adorer 
comme  dieu  en  Italie,  mais  dans  le  reste  de  l'empire  son 
culte  fut  associé  à  celui  de  la  déesse  Roma  ;  d'ailleurs,  même 
en  Italie,  le  culte  du  génie  de  l'empereur  fut  combiné  avec 
celui  des  dieux  Lares,  non  seulement  dans  chacun  des  vici 
réorganisés  par  Auguste,  mais  même  dans  chaque  maison 
particulière  (1),  et  depuis  ce  moment,  c'est  en  invoquant 
le  génie  de  l'empereur  qu'on  prêtait  serment  (2).  Eh  bien, 
le  refus  soit  de  prêter  serment  dans  la  forme  prescrite, 
soit  de  participer,  lorsque  les  circonstances  l'exigeaient, 
au  culte  de  l'empereur-dieu,  fut  considéré  désormais 
comme  un  crime  de  lèse-majesté. 

Certes,  comme  M.Mommsen  le  fait  observer  avec  raison, 
ceci  n'esi  pas  encore,  à  proprement  parler,  une  poursuite 
dirigée  contre  le  christianisme  comme  tel,  de  même  que 
dans  un  pays  catholique,  lorsqu'un  soldat  protestant,  qui 
refuse  de  s'agenouiller  devant  le  Saint-Sacrement  est  puni 
du  chef  de  désobéissance,  la  peine  qu'il  encourt  à  raison 
de  ce  fait  constitue  assurément,  à  l'égard  du  protestant,  un 
acte  d'oppression  violente,  mais  n'implique  nullement  la 
défense  de  pratiquer  le  protestantisme. 

Cependant  de  bonne  heure,  ajoute  M.  Mommsen,  le  gou- 
vernement de  Rome  poursuivit  les  chrétiens  comme  tels. 


(1)  Dion  Cassius,  5i,  19. 

(2)  Lex  Salpens,  XXVI  ap.  Bruns,  Fontes  iuris  romani  anliqui, 
5""  édit.,  p.  139  :  lurato  pro  contione  per  lovem  et  divom  AugusJum 
et  divom  Claudium  et  divom  Vespasianum  Augustum  et  divom  Tilum 
Augustum  et  gcnium  Domitiaiii  Aiigusii  deosquc  pénates. 


(  500  ) 
Le  fait  seul  de  s'appeler  chrétien  constitua  dès  lors  un 
crime  capital.  Les  témoignages  rassemblés  par  M.  Mommsen 
à  l'appui  de  celte  affirmation  sont  irrécusables.  Bornons- 
nous  à  en  citer  quelques-uns. 

Le  pasteur  d'Hermas,  dont  l'époque  paraît  remonter  à 
Hadrien  et  à  Antonin  le  Pieux  (vers  le  milieu  du  11' siècle 
après  Jésus-Christ),  dit  clairement  (1)  :  «  Ceux  qui  ont 
souffert  à  cause  de  leur  nom  sont  glorieux  devant  Dieu.  » 
Justin  (vers  160  après  Jésus-Christ)  dit  de  son  côté  :  «  Vous 
cherchez  à  obtenir  de  nous  l'aveu  que  nous  sommes  chré- 
tiens, alors  que  nous  savons  que  cet  aveu  entraîne  la  peine  de 
mort  (2).»  M.  Mommsen  aurait  pu  citer  encore  à  l'appui  de 
sa  thèse  le  passage  suivant  de  Tertullien,  qui  est  vraiment 
caractéristique  (3)  ;  lorquemur  confitentes,  et  urimur 
persévérantes  et  absolvimur  neganles,  quia  nominis  proe- 
LiUM  EST,  Denique  de  tabelta  recitatis  (4)  illum  Christia- 
num.  Ciir  non  et  homicidam,  si  homicida  Christianus? 
cur  non  et  incestum,  vel  quodcumque  aliud  nos  esse 
creditis?  In  nobis  solis  pudet  aut  piget   ipsis  nomini- 


(1)  Hermas,  Semel.  9,  28  :  oaoi  Tioxà  £7:a6ov  oià  xô  ovofia, 
evSo^ot  tl<7i  Tiapà  xG»  ôetji  ....  ô'ti  eicaOov  8ià   xô  ovofia  xo5   ûioû 

TOÛ    ÔEOU. 

cl)  JusT.,  /4pol.,  I,  il  :  w<;  xal  Ix  xou  àv£xaÇo[X£vouc  ûtp'  ufAtSv  6- 
{jloXoyeIv  etvai  ^piaxtavoùç,  yivwjxovxa;  xtjj  ojjioXoyoûvxt  ôàvaxov 
XTjv  ^T)[Atav  xelaôat. 

(3)  Tertull.,  ApoL,  2.  Cf.  Ibid.,  H  :  Nemo  illic  (in  metallis) 
Christianus,  nisi  plane  tantum  Christianus;  aut  si  et  aliud,  iam  non 
Christianus.  Ibid.  Cum  Chrisliani  suo  tilulo  offeruntur  ! 

(4)  Voir,  au  sujet  de  cette  recitatio  e<c  tabclla,  les  intéressants 
détails  donnes  par  M.  Leblant  dans  son  récent  ouvrage  intitulé  :  Les 
persécuteurs  et  les  martyrs  aux  premiers  siècles  de  notre  ère.  Paris, 
1S93,  pp.  220  et  suivantes. 


(301  ) 

bus  sceletuni  pronuntiare.  Christianus  si  nullius  criminis 
nomen  est,  valde  iucestum,  si  solius  nominis  crimen  est, 
valde  infestum. 

Et  ce  qu'affirment  les  auteurs  chrétiens  s'accorde  avec 
le  témoignage  des  païens. 

Pline  demande  à  Trajan  si  le  nom  seul  de  Chrétien  doit 
entraîner  la  punition.  Voici,  au  surplus,  comment,  d'après 
son  propre  aveu,  il  procédait  :  Interrogavi  ipsos  an  essent 
Christiani.  Confitentes  iteriim  ac  terlium  interrogavi, 
supplicium  minatus  :  persévérantes  ditci  iussi.  Neque 
enim  dubitabam  quatecumque  esset  quod  faterentur, 
pertinaciam  certe  et  inflexibilem  obstinationem  dehere 
puniri  (1). 

Et  que  répond  Trajan  (2)?  Après  avoir  approuvé  la 
conduite  de  Pline,  il  ajoute  :  si  deferantur  et  arguantur 
puniendi  sunt,  ita  tamen  ut  qui  negaverit  se  Christianum 
esse,  idque  re  ipsa  manifestum  fecerit,  id  est  supplicando 
dits  nostris,  quamvis  suspectus  in  praeteritum,  veniam  ex 
poenitentia  impetret. 

Ces  textes  importants  méritent  assurément  qu'on  les 
examine  de  près  (5).  Nous  ne  nous  attarderons  pas  à 
réfuter  l'opinion  de  ceux  qui,  comme  Havet,  prétendent 
qu'ils  sont  apocryphes,  attendu  qu'ils  ne  peuvent  invoquer 
à  l'appui  de  leurs  audacieuses  hypothèses  que  des  impres- 
sions personnelles.  Pour  nous,  ainsi  que  pour  l'immense 
majorité  de  ceux  qui  s'occupent  sérieusement  de  l'étude 
des  origines  du  christianisme,  ces  textes  sont  parfaite- 


(1)  Pline  et  Traun,  Epist.,  96. 

(2)  Id., /6»d.,97. 

(5)  M.  Ramsay  les  a  étudiés  de  la  façon  la  plus  détaillée  au  cha- 
pitre X  (pp.  i96-22S>  de  son  ouvrage  précité. 


(  302  ) 

menl  aulhenliqties  (i).  Qu'en  résulte-t-il?  C'est  que  le  fait 
seul  d'être  chrétien  consliluail  un  crime  capital.  Pline 
ne  pose  aux  prévenus  qu'une  seule  question  :  Étes-vous 
chrétiens?  S'ils  sont  en* aven,  il  leur  pose  une  deuxième 
et  une  troisième  fois  la  même  question,  en  leur  faisant 
comprendre  que  s'ils  persistent  dans  leur  aveu,  ils  seront 
conduits  au  supplice  [supplicium  minatus).  Il  ne  s'agit 
donc  pas  de  savoir  s'ils  se  sont  rendus  coupables  de  crimes 
que  d'ordinaire  on  reprochait  aux  chrétiens  {flagitia 
nomini  cohaerentia).  Ils  n'ont  pas  non  plus  élé  punis  pour 
avoir  formé  des  associations  illicites  (2).  Non,  le  fait  seul 
de  s'appeler  chrétiens  entraîna,  pour  ceux  qui  en  firent 
l'aveu,  la  peine  capitale  (5). 

Et  Trajan  dit  de  son  côté:  «S'ils  sont  déférés  à  la  justice 
et  convaincus  d'être  chrétiens  [si  deferantur  et  argiiantur), 
il  faut  les  punir.»  Or,  lorsqu'ils  avouaient  eux-mêmes  qu'ils 
étaient  chrétiens,  lorsque,  en  d'autres  termes,  ils  étaient 


(1)  Ramsay,  l.  c,  p.  197.  The  spirit  of  thèse  documents,  so  diffé- 
rent from  thaï  of  any  later  âge,  is  alone  a  sufficient  defence.  A  forger 
is  confined  within  the  spirit  of  his  time;  but  thèse  documents  become 
more  prcgnant  whit  meaning  the  longer  they  are  studiedjand  thc 
difMcnlties  which  they  undoubtely  présent  are  caused  partly  by  the 
imperfection  of  our  own  knowledge,  and  partly  by  determined  pre- 
possession  in  favour  of  some  imperfect  historical  view. 

(2)  Plin.,  L  c,  ep.  96.  Après  avoir  dit  que,  d'après  la  déclaration 
des  chrétiens,  ils  se  réunissaient  le  soir  pour  prendre  un  repas  com- 
mun, parfaitement  innocent,  il  ajoute  :  quod  ipsum  facere  desissc 
postedictum  meum,  quo  secundum  mandata  tuo  hetaerias  essevetue- 
ram.  Voir  Ramsay,  L  c,  p.  215. 

(3)  Neumann,  /.  c,  p.  22,  note  :  dass  ihm  (dem  Plinius)  das  Chris- 
tenthum  ohne  weiteres  verbolen  galt,  ergiebt  sich  ohne  Widerrede 
aus  seinem  Trleil  iibcr  die  erste  Reihe  der  Angekiagten. 


(  303  ) 
eux-mêmes  les  témoins  ({xâpTupeç,  de  là  leur  nom  de 
martyrs)  qui  déposaient  contre  eux,  aucune  autre  preuve 
n'était  requise  pour  établir  leur  culpabilité  :  c'est  pure- 
ment et  simplement  en  leur  (luaiité  de  chrétiens  qu'on  les 
condamnait.  Je  crois  donc  que  notre  savant  confrère  est 
complètement  dans  Terreur  lorsqu'il  dit  en  parlant  des 
chrétiens  (1)  :  «  Leurs  opinions  religieuses  n'étaient 
réprimées  par  aucune  loi  pénale  et  semblaient  plutôt  ridi- 
cules que  criminelles.  Mais  ils  refusaient  de  rendre  hom- 
mage à  la  divinité  impériale,  symbole  et  incarnation  de  la 
grandeur  romaine.  Ils  étaient  les  adversaires  du  régime 
politique  qui  avait  pour  base  la  religion  augustale.  On  les 
accusait,  non  pas  de  lèse-majesté  divine,  car  les  Romains 
n'avaient  pas  de  dogmes,  mais  de  lèse-majesté  humaine.  » 
Quoi  qu'en  dise  notre  honorable  confrère,  les  opinions 
religieuses  des  chrétiens  étaient,  à  l'époque  impériale, 
incontestablement  réprimées  comme  telles  par  une  loi 
pénale.  Quelle  était  cette  loi?  Nous  n'hésitons  pas  à 
répondre  avec  M.  Mommsen  :  la  loi  de  lèse-majesté  divine. 
Tertullien,  qui  était  un  excellent  jurisconsulte  (2),  ne 
peut  nous  laisser  à  cet  égard  aucun  doute. 


(1)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  65*  année,  1893,  3*  sér., 
t.  XXV,  p.  121. 

(2)  Leblant,  l.  c,  p.  52  :  A  chaque  page  de  ses  écrits,  le  juris- 
consulte se  montre;  des  formules  de  sentences,  des  allusions  à  la 
coutume  d'écrire  les  jugements  avant  de  les  prononcer,  la  mention  du 
serment  corroborant  les  obligations  des  lois  citées  à  tout  instant,  et 
dans  ses  livres  apologétiques,  qui  sont  des  plaidoyers  véritables,  une 
discussion  savamment  conduite  pour  montrer  l'illégalité  des  tortures 
infligées  aux  fidèles;  en  voilà  certes  plus  qu'il  n'en  faut  pour  nous 
donner  confiance  en  son  savoir.  Eusèbe  lui  rend  en  cela  toute  justice, 
H.  Eccl.  If,  2  :  TcpTuXXiavô;  -coùç  Ptouattov  vo'fjiouç  -^xpiptoxa);. 


(  304  ) 

On  accusait,  dit-il  {\),  les  ciirétiens  du  crime  de  lèse- 
religion  romaine  {crimen  laesae  Romanae  religionis).  Mais 
c'est  vous,  poursuit-il  (2),  en  s'adressant  aux  païens  qui, 
commettez  le  crime  d'irréligiosilé  [crimen  verae  irreli- 
giositatis),  en  méconnaissant  et  en  combattant  la  religion 
du  vrai  dieu. 

Plus  loin  (5),  Terlullien  dit  encore  :  satis  haec  adtersus 
intentalionem  laesae  divinitalis.  Puis  il  ajoute  {A)  :  Ventum 
est  ad  SEGUNDUM  TiTULUM  laesae  augustioris  maiestatis, 
siquidem  maiore  formidine  et  callidiore  timiditale  Caesa- 
rem  observatis  quam  ipsum  de  Olympo  lovem. 

Il  existait  donc,  à  n'en  pas  douter,  une  interprétation 
de  la  loi  de  lèse-majesté  d'après  laquelle  celle-ci  comprenait 
aussi  bien  [primus  titulus)  les  offenses  envers  les  dieux 
nationaux  de  Rome  que  celles  {secundus  titulus)  qui 
étaient  dirigées  contre  l'empereur. 

D'ailleurs  notre  confrère  n'est-il  pas,  ou  du  moins  n'a- 
t-il  pas  l'air  d'être  en  contradiction  avec  lui-même, 
lorsque,  après  avoir  dit  qu'on  n'accusait  pas  les  chrétiens 
du  crime  de  lèse-majesté  divine,  il  affirme  à  la  page 
suivante  qu'on  les  poursuivait  comme  coupables  de  sacri- 
lège? Cette  contradiction  semble  d'autant  plus  choquante 
que,  d'après  M.  Giron,  «  les  deux  accusations  de  sacrilège 
et  de  lèse-majesté  se  touchaient  de  près  et  se  confon- 
daient. »  A  l'appui  de  cette  asserlion,  il  cite  le  texte 
suivant  du  Digeste  (5)   :   Proximum  sacrilegio    crimen 


(1)  Apol.,c.  24. 

(-2)  tbid. 

(5)  Ibid.,  c.  27. 

(4)  Ibid.,  c.  28. 

(5)  Dig.,  XLVni,  4,  fr. 


(  305  ) 
quod  maiestatis  dicitur.  Or,  dans  l'opinion  de  M,  Giron, 
le  mol  sacrilegium  n'esl  guère  autre  chose  que  le  crime 
de  lèse-majesté  divine,  parce  qu'il  consiste,  d'après  lui, 
à  ne  pas  «  prendre  part  aux  sacrifices  que  l'on  offrait  aux 
dieux  nationaux  de  Rome.  » 

Mais  cette  interprétation  du  mot  sacrilegium  est-elle 
légitime? 

J'ai  déjà  dit  plus  haut,  d'après  M.  Moramsen,  que 
jusque  vers  la  fin  du  IV*  siècle  après  Jésus-Christ,  le 
mot  sacrilegium,  pris  dans  son  sens  légal,  ne  s'appliquait 
qu'aux  vols  d'objets  appartenant  aux  temples.  Il  importe  de 
revenir  avec  quelque  détail  sur  cette  question,  assurément 
importante. 

Il  est  certain  que  dans  les  codes  de  Théodose  et  de 
Justinien  le  mot  sacrilegium  s'applique  à  tous  les  actes 
contraires  à  la  religion  établie.  Je  me  bornerai  pour  le 
prouver  à  une  seule  citation  {{)  :  Et  non  modo  notabilis 
verum  etiam  sacrilegus  iudicetur  qui  a  sanctae  religionis 
institulo  rituve  deflexerit  (586  après  Jésus-Christ). 

Mais  on  ne  trouve  des  preuves  incontestables  de  l'emploi 
légal  du  mot  sacrilegium  dans  ce  sens  spécial  qu'à  partir 
de  580  après  Jésus-Christ  (2). 


(1)  Cod.  Theod.,  Vlll,  8,  5.  Cod.  Just.,  IX,  29  :  de  crimine 
sacrilegii. 

(2)  Dans  la  version  grecque  des  Actes  de  Sainte  Thècle,  dont  l'ori- 
ginal paraît  remonter  au  !!«,  voire  même  au  1"  siècle  de  l'ère  chré- 
tienne, il  est  dit  que  la  Sainte  était  accusée  officiellement  d'UpoduXia. 
Or,  la  traduction  latine  porte  les  mots  suivants  :  Erat  autem  eulo- 
giura  eius  scriptura  :  SACRILEGIVM. 

Il  est  prouvé  que  le  texte  actuel  des  Actes  de  Sainte  Thècle 
présente  de  nombreuses  altérations  et  interpolations.  Mais  il  n'en  est 


(  306  ) 

Ainsi  que  M.  Mommsen  l'a  fait  remarquer,  les  juris- 
consulles  de  l'époque  classique  ne  l'emploient  jamais  que 
dans  le  sens  de  vol  d'objets  sacrés.  La  seule  exception  qui 
existe  à  cette  règle  semble  être  le  texte  d'Ulpien  cité  plus 
haut  :  Proximum  sacrilegio  crimen  quod  maieslath 
dicitur.  Mais,  dit  M.  Mommsen,  le  texte  en  question 
n'émane  très  certainement  pas  d'Ulpien  (1). 

Il  ne  m'appartient  pas  de  discuter  celte  opinion,  que 
certes  M.  Mommsen  n'a  pas  énoncée  sans  être  en  mesure 
de  l'appuyer  de  raisons  plausibles,  bien  qu'il  n'ait  pas  jugé 
opportun  de  produire  ces  raisons  (2).  Je  me  bornerai  donc 
à  dire  que  le  seul  argument  qu'on  pourrait  invoquer  en 
faveur  de  l'opinion  qu'à  l'époque  des  jurisconsultes  clas- 
siques, le  mol  sacrilegium  aurait  été  employé  dans  le  sens 
qu'on  y  a  attribué  plus  tard,  que  cet  argument  est  en  tout 
cas  d'une  valeur  douteuse. 

Il  est  certain  que,  dans  la  vie  ordinaire,  le  mot  sacrile- 
gium a  eu  de  bonne  heure  une  signification  assez  étendue 
et  s'appliquait  d'une  laçon  générale  à  toute  espèce  de 
méfait  ayant  un  caractère  spécial  de  gravité.  M.  Mommsen 

pas  moins  curieux  de  constater  qu'au  terme  latin  sacnïep'mm,  pris  dans 
le  sens  de  sacrilège,  correspondait  le  mot  grec  kpojuXta,  remplacé 
quelquefois  par  àÔEOTT)?. 

Dans  les  Actes  des  Apôtres  (XIX.  37),  la  signification  du  mot 
lepoaûXoui;  est  douteuse.  Je  suis  cependant  disposé  à  le  considérer 
comme  l'équivalent  de  voleurs  d'objets  sacrés.  Voir  Ramsay,  l.  c, 
p.  401  et  Leblant,  /.  c,  p.  15. 

(1)  Mommsen,  l.  c,  p.  4H  :  ebenso  in  der  sicher  nicht  von  Ulpian 
herrûhrenden  Pandektenstelle,  48,  4.  1  pr. 

(2)  M.  Mommsen  a  prouvé  jusqu'à  l'évidence,  dans  sa  grande  édi- 
tion du  Digeste,  qu'en  plusieurs  endroits  le  texte  de  ce  vaste  recueil 
a  été  interpolé. 


(  307  ) 
cite,  à  l'appui  de  ce  fait,  îles  passages  de  Térence(l)  el  de 
Tite-Live  (2).  Voici  celui  de  Thistoiien  lalin.  Après  avoir 
raconté  la  victoire  remportée  par  le  tribun  militaire 
A.  Cossus  sur  Tolumnius,  roi  des  Véiens,  il  ajoute  que, 
d'après  le  témoignage  d'Auguste  César,  Cossus,  qui  avait 
déposé  des  dépouilles  opimes  dans  le  temple  de  Jupiter 
Férétrien,  était  non  pas  tribun  militaire,  mais  consul. 
Puis  il  poursuit  en  ces  termes  :  prope  sacrilegium  valus 
siim  [co7isuli]  Cosso  spoliorum  suorum  Caesarem^  ipsius 
fempli  auclorem,  sublrahere  testent. 

On  le  voit,  sacrilegium  est  ici  l'équivalent  de  mauvaise 
action. 

Tertullien  emploie  ce  mot  tantôt  dans  le  sens  de  voleur 
d'objets  sacrés  (3),  tantôt  dans  celui,  plus  général,  de 
criminel  (4),  tantôt  enfin  dans  celui  de  coupable  de  lèse- 
majesté  divine  (5).  Minucius  Félix  emploie  le  mot  sacri- 

[{)  Eun.,  5,  3,  2;  Adelpti.,  3,  2,  6. 

(2)  L.  IV,  20,  5. 

(3)  Tertul.,  ad  Scapul.,  2  :  Nos  quos  sacrilegos  existimatis,  nec 
in  furto  unquam  deprehendistis,  nedum  in  sacrilegio.  Id.  Apol.  15  : 
Certe  sacrilegi  de  vestris  semper  apprehcnduntur;  Christiani  cnira 
templa  nec  interdiu  norunt.  Spoliarent  forsitan  ea  et  ipsi,  si  et  ipsi  ea 
adorarent. 

(4)  Apol.,  c.  Ai  :  Tôt  a  vobis  nocentes  variis  criminum  elogiis 
recensentur  :  quis  illic  sicarius,  quis  manticularius  (coupeur  de 
bourses),  quis  sacrilegus,  aut  corruplor,  aut  lavantium  praedo  (voleur 
de  vêtements  de  bains),  quis  ex  illis  eliam  Christianus  adscribitur? 
Il  est  vrai  que  dans  ce  passage  sacrilegus  pourrait  aussi  signifier 
voleur  d'objets  sacres. 

(5)  Apol.,  dO  :  Deos  inquilis  non  colitis  et  pro  imperatoribus  sacri- 
ficia  non  penditis.  Itaque  sacrilegii  et  majestatis  rei  convenimur. 
Siimnia  haec  causa,  iramo  tota  est.  Ibid.,  13  :  vos  e  contrario  sacri- 
legi et  irreligiosi  erga  deos  vestros  deprehendimini. 


(  308  ) 
legium  tantôt  dans  un  sens  général  (1),  tantôt  dans  le 
sens  d'irréligion  (2). 

Plus  tard  encore,  comme  M.  Mommsen  l'a  fort  bien  établi, 
le  mol  sacrilegium  fut  appliqué  à  l'adultère  (3),  au  faux 
monnayage  (4),  aux  fraudes  commises  en  matière  d'im- 
pôts (5). 

On  voit  dès  lors  combien,  lorsqu'il  s'agit  d'interpréter 
les  textes  relatifs  au  sacrilegium,  il  convient  de  se  tenir 
sur  ses  gardes  pour  ne  pas  aboutir  à  des  conclusions 
erronées. 

C'est  en  ne  tenant  pas  compte  des  différentes  significa- 
tions de  ce  mot  qne  notre  honorable  confrère  a  attribué  à 
un  texte  important  d'UIpien  une  portée  que  positivement 
il  n'a  pas. 

«  Les  magistrats,  ainsi  s'exprime  M.  Giron  (6),  avaient, 
en  ce  qui  concernait  la  punition  des  sacrilèges,  un  pou- 
voir discrétionnaire,  et  statuaient  suivant  la  qualité  des 


(1)  Octav.,  c.  9.  Il  y  est  question  du  reproche  adressé  aux  chré- 
tiens de  boire  du  sang  d'un  enfant  :  Haec  sacra  sacrilegiis  omnibus 
taetriora.  Ibid.,  c.  17.  Sacrilegii  enim  vel  maximi  instar  est,  humi 
quaerere  quod  in  sublimi  debeas  invenire. 

(2)  Octav.,  25.  Hoc  insultare  et  illudere  est,  victis  religionibus 
servire,  captivas  eas  post  victorias  adorare.  Nam  adorare  quae  manu 
ceperis,  sacrilegium  est  consecrare,  non  numina.  Totiens  ergo 
Romanis  impiatum  est  quotiens  triumphatum  ;  lot  de  diis  spolia, 
quot  de  gentibus  sunt  tropaea.  Igitur  Romani  non  ideo  tanti  quod 
religiosi,  sed  quod  impune  sacrilegi.  Neque  enim  potuerunt  in  ipsis 
bellis  deos  adiutorcs  habere  adversus  quos  arma  rapuerunt. 

(3)  Cod.  Theod.,  XI,  36,  A;  A.  339. 
(A)  Ibid.,IX38,6;  A.381. 

(5)  Ibid.,XIlI,  H,  1;  A.38I. 

(6)  L.  c,  p.  123. 


(  309  ) 

coupables,  leur  âge,  leur  sexe,  et  suivant  les  circonstances 
spéciales  de  chaque  cas.  Beaucoup  de  sacrilèges,  dit 
Ulpien,  ont  été,  à  ma  connaissance,  livrés  aux  bêtes, 
quelques-uns  brûlés  vifs,  d'autres  ont  été  pendus.  » 

Notre  honorable  confrère  doit  avoir  lu  avec  distraction 
le  texte  d'Ulpien  qu'il  cite.  Celui-ci  se  trouve,  non  pas, 
comme  il  le  dit,  au  livre  XHJ,  litre  6,  des  Digestes,  mais 
au  livre  XLVIII,  titre  13,  fr.  6  (7).  Or,  ce  titre  porte  en 
tête  les  mots  suivants  :  Ad  legem  Iuliam  peculalus  et  de 
sacrilegis  et  residuis.  Ces  mots  seuls  auraient  dû  faire 
comprendre  à  noire  savant  confrère  que,  dans  ce  litre,  le 
mot  sacrilegiis  doit  êlre  pris  exclusivement  dans  le  sens 
de  voleur  d'objets  sacrés. 

Voici,  au  surplus,  le  texte  en  question,  qui  est  extrait 
du  livre  VII  d'Ulpien,  De  officio  proconsulis  :  Sacrilegii 
poenam  dedebit  proconsul  pro  qualitate  personae  proque 
rei  conditione  et  temporis  et  aetalis  et  sexus  vel  severius 
vel  clemenlius  slatuere^  et  scio  multos  [et]  ad  bestias  dam- 
nasse sacrilegos,  nonnullos  eliam  vivos  exussisse,  alios 
vero  in  furca  suspendisse  (I).  Sed  moderanda  poena  est 
usque  ad  bestiarum  damnationem  eorum  qui  manu  facta 
templum  effregerunt  et  dona  dei  inde  noctu  tulerunt.  Cele- 
rum  si  qui  inlerdiu  modicum  aliquid  de  templo  tuUt, 
poena  metalli  coercendus  est^  aut  si  honestiore  loco  natus 
sit,  deporlandus  in  insulam  est. 


(1)  M,  Giron  ne  me  semble  pas  avoir  bien  traduit  cette  partie  du 
texte.  Ulpien  dit  qu'il  est  à  sa  connaissance  que  beaucoup  [de  gou- 
verneurs de  province]  ont  condamné  les  sacrilèges  aux  bêtes,  que 
plusieurs  les  ont  brûles  vifs,  que  d'autres  enfin  les  ont  fait  pendre. 

5"°*  série,  tome  xxvi.  21 


(  3i0  ) 

On  le  voit,  dans  ce  texte  il  est  exclusivement  question  de 
vol  d'objets  sacrés.  Ceux  qui  en  auront  enlevé  d'un  temple 
nuitamment,  avec  effraction,  pourront  être  livrés  aux 
bêtes,  tandis  que  celui  qui,  pendant  le  jour,  aura  enlevé 
d'un  temple  un  objet  de  peu  d'importance,  devra  être  con- 
damné aux  carrières,  ou,  s'il  est  d'une  origine  honorable, 
déporté  dans  une  île. 

Dans  les  trois  autres  fragments  de  ce  titre  où  il  est 
question  de  sacrilège  (1),  ce  mot  ne  se  rapporte  également 
qu'au  vol  d'objets  sacrés  :  il  ne  peut  y  avoir  aucun  doute  à 
ce  sujet.  M.  Giron  est  donc  positivement  dans  l'erreur 
lorsqu'il  applique  le  texte  d'Ulpien  au  sacrilège  dans  le 
sens  d'offense  envers  la  divinité  (2). 

D'ailleurs,  lorsqu'on  restreint  le  sacrilegium  au  vol 
d'objets  sacrés,  il  n'est  pas  exact  de  dire  que  les  magistrats 
aient  eu  à  cet  égard  un  pouvoir  discrétionnaire.  La  loi 
Iulia  peculatus,  qui  s'appliquait,  entre  autres  choses,  au 
vol  d'objets  sacrés  {pecunia  sacra,  religiosa,  donalum  dei 
rmwîor/o/i), entraînait  Vaquœ  et  ignis  inlerdiclio,k  laquelle, 
dit  Ulpien,  a  succédé  aujourd'hui  la  déportation  (/.  c,  fr.  3). 
Mais,  ajoute  Marcien  (/.  c,  fr.  4),  en  vertu  de  mandats  im- 
périaux cavetur  de  sacrilegiis,  ut  prœsides  sncrilegos  lalro- 
nés  plagiarios  (les  voleurs  d'hommes)  conquirant  et  ut  prout 
quisque  deliquerit  in  eum  animadvertant,  et  sic  constitu- 
tionibus  cavetur  ut  sacrilegi  extra  ordinem  digna  pœna 
puniantur. 

H)  Dig.,  XLVm,  13,  fr.4,  5em. 

(2)  L'erreur  de  M.  Giron  est  partagée  par  M.  Leblant,  l.  c,  p.  70, 
qui  cite  également  à  tort,  comme  s'appliquant  au  sacrilège,  un  texte 
de  Paul  {Sent.,  V,  29),  relatif  à  la  lex  Iulia  maicstatis. 


(  3il  ) 

Il  fui  donc  fail  ultérieurement  une  exception  à  la  loi 
Iulia  peculalus,  en  ce  sens  que  les  voleurs  d'objets  sacrés, 
au  lieu  d'être  appelés  devant  la  juridiction  ordinaire, 
étaient  soumis  à  une  juridiction  exceptionnelle,  dont  les 
règles  ont  été  tracées  par  Ulpien  dans  son  traité  De  o/jficio 
proconsulis. 

Je  crois  pouvoir  conclure  des  considérations  précé- 
dentes que,  contrairement  à  l'opinion  émise  par  notre 
honorable  confrère,  les  croyances  des  chrétiens  furent 
pendant  plusieurs  siècles  réprimées  comme  telles  en  vertu 
de  la  loi,  et  que  la  loi  qu'on  invoquait  contre  elles  n'était 
autre  que  la  loi  Iulia  maiestatis,  interprétée  tantôt  dans  un 
sens  plus  étroit,  c'est-à-dire  comme  ne  s'appliquant  qu'à 
la  majesté  du  peuple  romain  et  à  la  majesté  impériale, 
tantôt  dans  un  sens  plus  large,  c'est-à-dire  comme  com- 
prenant également  les  offenses  envers  le  culte  national  [i], 
avec  lequel  le  christianisme  paraissait  incompatible. 

C'est  à  celle  dernière  application  de  la  loi  que  font  allu- 
sion Tertullien  et  d'autres  écrivains  chrétiens  ou  païens 
lorsqu'ils  disent  que  les  chrétiens  ont  été  poursuivis 
comme  sacrilèges,  bien  qu'au  point  de  vue  strictement 
légal,  celte  expression  soil,  selon  toute  apparence, 
inexacte. 

F^'emploi  abusif  de  ce  mot,  devenu  de  plus  en  plus  géné- 


(1  )  Voici  ce  que  dit  à  ce  sujet  Pline,  Epist,  X,  96  :  Qui  negabaut 
esse  se  Christianos  aut  fuisse,  cum  praeeunte  me  deos  appeilarent  et 
imagini  luae,  quam  propter  hoc  iusserain  cum  simulacris  numinum 
adferri,  ture  ac  vino  supplicarent,  praeterea  maie  dicerent  Christo, 
quorum  nihil  possc  coyi  dicuniur  qui  su/it  vere  Chptstiani,  dimitten- 
dos  esse  pulavi. 


(312  ) 

rai,  aura  finalement  déterminé  le  législateur  à  le  faire 
entrer  dans  le  langage  juridique.  Comme  il  a  un  rapport 
manifeste  avec  le  culte,  on  l'aura  trouvé  convenable  pour 
désigner,  d'une  manière  concise,  le  crime  de  lèse-majesté 
divine.  Dès  lors,  c'est-à-dire  à  partir  de  l'an  380  après 
Jésus-Christ,  le  sacrilegium  forma  dans  le  droit  pénal 
une  catégorie  distincte  du  crimen  maiestatis  (1),  lequel  ne 
s'appliquait  plus  en  général  qu'aux  offenses  faites  à  la 
majesté  du  peuple,  et  principalement  à  la  majesté  impé- 
riale. 

On  trouve  des  traces  de  cette  transition  d'une  significa- 
tion à  l'autre  dans  les  Acta  sincera  de  Ruinart.  Diis  nostris 
sacrificare  detrectans,  est-il  dit  dans  la  sentence  rendue 
contre  saint  Symphorien,  l'an  180  après  Jésus-Christ, 
maieslatis  sacrilegium  perpelravit.  Voici,  d'autre  part, 
ce  qu'on  lit  dans  le  jugement  qui,  en  259  après  Jésus- 
Christ,  frappa  saint  Cyprien  :  Diu  sacrilega  mente  vixisti 
et  plurimos  nefariœ  tibi  conspirationis  homines  aggre- 
gasti  et  inimicum  te  diis  romanis  et  sacris  legibus  consti- 
tiiisli  (2). 


[i)  Comme  l'empereur,  à  partir  de  Domilien,  fut,  dès  son  vivant, 
appelé  souvent  dominus  et  deus  tioster,  et  que  ce  titre  lui  fut  formel- 
lement reconnu  depuis  Aurélien  (vers  270  après  Jésus-Christ),  il 
n'est  pas  étonnant  que  le  sacrilegium  ait  été  parfois,  après  380, 
confondu  avec  le  crimen  maiestatis.  En  effet,  Toffense  envers  l'empe- 
reur était  en  même  temps  un  outrage  fait  à  la  divinité.  C'est  ce  qui 
explique  le  texte  attribué  à  Ulpien  par  le  Digeste  et  que  M.  Mommsen 
considère  comme  une  interpolation.  Voir  ci-dessus,  p.  50(5. 

(2)  La  première  de  ces  citations  est  enpruntée  à  M.  Leblant,  l,  c, 
p.  57,  la  seconde  à  M.  Giron,  /.  c,  p.  123. 


(  315  ) 


Les  poursuiles  dirigées  contre  le  christianisme  an  nom 
(le  la  loi  ne  constituent  qu'un  côté  et,  à  certains  égards, 
le  côté  le  moins  important  de  la  question.  Car  si,  d'une 
part,  les  chrétiens  pouvaient  être  poursuivis  en  vertu  de 
la  lex  lulia  majeslalis  et  soumis  à  la  juridiction  ordinaire, 
nous  les  voyons,  d'autre  pari,  fréquemment  en  conflit 
avec  ce  que  les  Romains  appelaient  le  droit  de  coerciiion 
des  magistrats,  auquel  correspond,  quoiqu'avec  une  por- 
tée infiniment  plus  restreinte,  notre  droit  moderne  de 
police. 

C'est  M.  Mommsen  qui,  le  premier,  a  pleinement  mis  en 
lumière  toute  l'étendue  de  ce  droit,  et  depuis  la  publication 
de  son  grand  ouvrage  sur  le  Droit  public  de  Rome,  tous 
ceux  qui  ont  étudié  la  même  matière  d'une  façon  quelque 
peu  détaillée  consacrent  au  ius  coercendi  des  magistrats 
romains  une  rubrique  spéciale. 

Le  magistral  à  imperium,  qui  était  chargé  de  veiller 
au  bon  ordre  et  à  la  sécurité  de  l'État,  avait  le  droit 
de  publier  des  édits  ou  de  donner  des  ordres  obligatoires 
pour  les  citoyens  aussi  bien  que  pour  les  étrangers,  et 
disposait,  pour  se  faire  obéir,  de  divers  moyens,  tels  que 
l'emprisonnement,  l'amende  et  la  saisie  d'un  gage.  Il  est 
certain  qu'en  principe  le  magistrat  à  imperium  avait  même 
le  droit  de  vie  et  de  mort;  cependant  peu  à  peu,  en 
vertu  des  lois  sur  la  provocalio,  ce  droit  lui  fut  enlevé  par 
rapport  aux  citoyens  romains,  tandis  qu'il  continua  à  lui 
être  maintenu  à  l'égard  des  étrangers.  Mais  cette  situation 


(  314  ) 
changea  complètement  à  l'époque  impériale.  La  peine  de 
mort  qui,  clans  les  derniers  temps  de  la  république,  avait 
été  virtuellement  abolie,  fut  remise  en  vigueur  à  partir 
d'Auguste,  et  pouvait  être  prononcée,  sans  donner  lieu  à 
h  provocatio,  soit  par  l'empereur,  soit  par  le  sénat  présidé 
par  un  consul. 

Au  commencement  de  l'Empire,  les  gouverneurs  de 
province  ne  pouvaient  faire  mettre  à  mort  que  des  péré- 
grins;  quant  aux  citoyens  romains,  sauf  les  cas  d'urgence, 
ils  devaient,  s'ils  croyaient  qu'il  y  avait  lieu  de  leur  infliger 
une  peine  capitale,  les  envoyer  à  Rome  (1).  Mais  peu  à  peu 
les  gouverneurs  de  province  obtinrent,  eux  aussi,  le  droit 
de  vie  et  de  mort,  même  sur  les  citoyens  romains.  Ce  droit, 
restreint  d'abord  aux  gouverneurs  ayant  sous  leurs  ordres 
une  armée,  ne  leur  était  octroyé  qu'à  l'égard  de  leurs 
soldats.  Plus  tard,  lorsqu'à  partir  de  Caracalla  le  droit 
de  cité  eut  été  étendu  à  la  très  grande  majorité  des 
habitants  de  l'Empire,  le  droit  d'infliger  la  peine  capitale 
aux  citoyens  aussi  bien  qu'aux  pérégrins  et  aux  esclaves, 
fut  attribué  à  tous  les  gouverneurs  de  province  sans 
exception  (2). 

A  partir  de  la  suppression  des  quœstiones  perpetuœ  (3), 
qui  sont  peu  à  peu  abolies  sous  l'Empire,  on  peut  dire  que 


(I)  Plin.,  Epist.  ad  Traj.,  96,  4  :  fuerunt  alii  (i.  c.  Christiani) 
similis  amentiae,  quos,  quia  cives  Romani  erant,  adi<.otavi  in  urbem 
remittendos. 

(-2)  Ulpien,  Dig.  I,  18,  fol.  6,  8  :  Qui  univorsas  provincias  regunt, 
ius  gladii  habent  et  in  metallum  dandi  potestas  iis  permissa  est. 

(5)  Elles  disparaissent  complètement  dans  le  courant  du  III^  siècle 
après  Jésus-Christ.  Voir  Mommsen,  Rom.  Slaatsr.,  III,  p.  539. 


(  315  ) 
dans  toute  l'étendue  de  Vimperium  roinanum,  la  juridic- 
tion criminelle  et  le  droit  de  coercition  se  confondaient. 

C'est  à  ce  droit  de  coercition,  de  plus  en  plus  élargi,  que 
se  rattachent  la  plupart  des  mesures  répressives  dirigées 
contre  la  religion. 

Ainsi  que  M.  Mommsen  le  fait  observer  avec  raison, 
on  ne  peut  guère  considérer  comme  des  atteintes  portées  à 
la  liberté  des  cultes  la  suppression  des  crimes  et  délits  de 
(ouïe  nature  qui,  sous  prétexte  de  bacchanales,  se  com- 
mettaient non  seulement  à  Rome,  mais  aussi  dans  le  reste 
de  l'Italie  (1),  ni  l'interdiction  faite  successivement  aux 


(1)  Ce  qui  prouve  bien  clairement  que  ce  n'est  pas  à  la  religion 
de  Bacchus  comme  telle  qu'on  en  voulait,  c'est  notamment  la  dispo- 
sition suivante  du  SG.  de  Bacchanalibus  : 

«  Sei  ques  esent,  quel  sibei  dicerent  necesus  esse  Bacanal  habere, 
eeis  utei  ad  prfaitorem)  urbanum  Romam  venirent  deque  eeis  rébus 
nbei  eorum  verba  audita  esent,  utei  senatus  noster  decerneret,  dura 
ne  minus  senatoribus  G  adesent,  quom  ea  res  cosoleretur  »,  —  ce  que 
Tite-Live(39, 18)  traduit  de  la  manière  suivante: «Si  quis  taie  sacrum 
solemne  et  necessarium  duceret  nec  sine  religione  et  piaculo  se  id 
omiltere  posse,  apud  praetorem  urbanum  profiteretur,  praetor  sena- 
tum  consuleret;  si  ei  permissum  esset,  cum  in  senatu  centum  non 
minus  essenl,  ita  id  sacrum  facerct  ». 

Plus  loin  le  SG.  dit  encore  :  «  Utei  ea  Bacanalia,  sei  qua  sunt,  extrad 
quam  sei  quid  ibei  sacri  est,  ita  utei  suprad  scriptum  est,  in  diebus  X 
quibus  vobeis  tabelai  datai  erunt,  faciatis  utei  dismota  sient  ». 

Voici  la  paraphrase  de  ce  texte  donnée  par  Tite-Live  (ibid.)  ; 
a  Datum  <!einde  consulibus  negotium  est  ut  omnia  Bacchanalia 
Romae  primum,  deinde  per  totam  Italiam  diruerent,  extra  quam  si 
qua  ibi  velusta  ara  aut  signum  conservatum  est  ». 


(516) 

habitants  de  l'Italie  (i),  de  la  Gaule  (2)  et  de  l'Afrique  (5), 
de  sacrifier  des  victimes  humaines.  Il  semble  même  qu'on 
ne  puisse  pas  regarder  comme  dirigée  contre  la  religion 
juive  la  défense  de  pratiquer  la  circoncision.  En  effet,  la 
circoncision  était  assimilée  à  la  castration.  Or,  la  castra- 
tion devenant  sous  l'Empire  de  plus  en  plus  commune, 
Domilien  le  premier  s'y  opposa  par  un  édit  (4),  quoique 
nous  ne  connaissions  pas  la  peine  comrainée  contre  ceux 
qui  s'en  rendraient  coupables.  Plus  lard,  Hadrien  déclara, 


(i)  Plin-,  Nat.  hist.,  XXX,  1,  12.  —  DCLVII  demum  anno  urbis, 
Cn.  Cornelio  Lentulo  P.  Licinio  Crasso  Coss.,  SC.  factum  est  ne  homo 
immolarctur,  palamque  fit  (fuit?)  in  tempus  illud  at  (?)  sacra  prodi- 
giosa  ceiebralio. 

(2)  Plin.,  Nat.  Iiist.,  ibid.,  M.  —  «  Gallias  utique  possedil  (se.  illa 
ceiebralio)  et  qnidcm  ad  nostram  memoriam.  NamqueTiberi  Caesaris 
principalus  suslulit  Druidas  corum  et  liocgenus  vatum  inedicorumque 
per  senatus  consultum...  Née  salis  acstiniari  polest  quantum  Romanis 
debealur  qui  sustulere  monstra  in  quibus  hominem  occidere  religio- 
sissimum  erat.  «  Siieton.,  Cluud.,  2b  :  «  Druidarum  rciigionem  apud 
Galles  divae  immanitalis,  et  tantum  civibus  sub  Auguste  interdictam, 
penitus  aboievit.  Mais  les  sacrifices  humains,  abolis  en  Gaule,  se 
maintiennent  encore  pendant  quelque  temps  dans  Pile  de  Mona.  Car 
Tacite  nous  rapporte  i/l?m.,  XIV,  50)  qu'à  l'époqne  de  Néron,  les 
druides  excitèrent  par  de  terribles  imprécations  les  habitants  de  cette 
île  contre  Tarmce  romaine,  commandée  par  Suetonius  Paullinus.  Les 
insulaires  furent  taillés  en  pièces  et,  ajoute  Tacite,  praes/d/wm  poslhac 
impositum  victis,  excisiquc  luci  superslilionibus  sacri  :  nam  cruore 
captiva  adolere  aras  et  hominum  fibris  consulere  deos  fas  hahebant. 

(3)  Tërtull.,  ApoL,  9  :  Infantes  pênes  Africam  Saturno  immoia- 
bantur  palam  usque  ad  proconsuiatum  Tiborii,  qui  eosdem  sacerdotes 
in  eisdem  arboribus  templi  sui  obumbratricibus  sceleruin,  votivis 
crucibus  exposuit. 

(4)  ScET.,  Domit.,  VII. 


(  517) 
dans  un  de  ses  rescrils,  que  ceux  qui  pratiqueraient  la 
castration  tomberaient  sous  l'application  de  la  loi  Corneiia 
de  sicariis  et  veneficis  (1).  Les  peines  inscrites  dans  celte 
loi  étaient  la  déportation  et  la  confiscation  de  tous  les 
biens  (2).  Mais,  ajoute  Marcien  (5),  soient  hodie  capite 
puniri,  nisi  honestiore  loco  pusili  fueriiil  ut  pœnam  legis 
sustîneant ;  huiniliores  enim  soient  {vel  in  crucem  tolli)  (4) 
vel  bestiis  snbici,  alliores  vero  deporlanlur  in  insulam. 

Eh  bien,  ces  peines  sévères,  comminées  contre  la  castra- 
tion, furent  également,  selon  toute  apparence,  rendues 
applicables  à  la  circoncision  (5). 

Ce  qui  prouve  que  cette  mesure  n'était  point  dirigée 
contre  les  juifs  comme  tels,  c'est  qu'elle  fut  également 
appliquée  aux  habitants  de  l'Arabie  qui  se  faisaient  circon- 
cire (6).  Mais  les  juifs  y  virent  une  atteinte  à  leur  culte  (7), 
et  la  colère  que  leur  inspira  cette  défense  fut  une  des 
causes  principales  de  la  guerre  épouvantable  qu'ils  sus- 
citèrent à  Hadrien,  guerre  qui  dura  trois  ans  et  qui,  d'après 
des  auteurs  dignes  de  foi,  coûta  la  vie  à  plus  d'un  demi- 
million  d'hommes.  C'est  probablement  pour  calmer  l'irrita 
lion  des  juifs,  provoquée  par  la  constitution  d'Hadrien, 
que  son  successeur,   Antonin  le  Pieux,  apporta  à  celle 

(1)  Dig.  XLVm,  8,  fr.  4. 

(2)  Ibid.,  fr.  5,  5. 
(5)  Ibid. 

(4)  Conjecture  de  Schulting. 

(5)  Voir  MoM.MSEN,  I/isf,  rom.,  V,  p    549. 

(6)  Voir  le  diulogue  syriaque  sur  la  Fatalité,  publié  par  Cureton, 
Spic.  Syr.,  19,  6.  Cette  citation  est  empruntée  à  .Nôlpeke,  Uebcr 
MommseTis  Darstelhmg  dcr  rôniischcn  llerrscliaft  uitd  rômisclien  Poli- 
tik  im  Orient.  Leipzig,  iSHî),  p.   ir». 

(7)  Spart,  f/udr.,  \A  :  Movorunt  ea  tempestale  et  ludaei  bcllum 
quod  mutilare  gonilalia  vetabantur. 


(  318  ) 

constitution  un  changement  important.  11  permit  aux 
juifs  de  pratiquer  la  circoncision  sur  leurs  propres 
enfants,  tout  en  comminant  la  peine  de  mort  contre  ceux 
qui  circonciraient  une  personne  appartenant  à  une  autre 
religion  (1). 

Ainsi  qu'on  le  voit,  la  défense  de  la  circoncision  n'était 
nullement  considérée  par  les  Romains  comme  une  mesure 
dirigée  contre  la  religion  comme  telle;  c'était,  dans 
l'opinion  de  ceux  qui  la  firent,  une  mesure  de  salut  public, 
quoique  l'assimilation  de  la  circoncision  à  la  castration  fût 
évidemment  l'effet  d'un  malentendu. 

Dans  la  même  catégorie  de  mesures  de  police,  ayant 
pour  but  la  sécurité  publique  et  ne  pouvant  point  par  con- 
séquent être  considérées  comme  des  atteintes  directes  à  la 
liberté  de  conscience,  il  faut  ranger,  c'est  encore 
M.  Mommsen  qui  en  fait  la  remarque,  la  répression  des 
charlatans  de  toute  espèce,  astrologues,  magiciens,  diseurs 
de  bonne  aventure,  faux  prophètes,  etc.,  dont  le  monde 
romain  était  encombré  à  l'époque  impériale. 

Ainsi  que  le  dit  avec  raison  notre  honorable  confrère, 
les  chrétiens  étaient  considérés  comme  des  magiciens, 
parce  qu'ils  exorcisaient  les  démoniaques.  Les  preuves  de 
la  vérité  de  ce  fait  abondent.  M.  Leblant  en  a  rassemblé 
un  nombre  considérable  dans  son  récent  ouvrage, 
pages  60-66,  73-88.  Malheureusement,  M. Giron  n'invoque 
à  l'appui  de  son  assertion  qu'un  seul  texte,  emprunté  à 
Suétone  (Néron,  46).  Or,  ce  texte  ne  contient  nullement 


{\  )  Dig.  XLVIII,  8,  fr.  U  :  Circumcidere  ludaeis  filios  siios  lantum 
rescriplo  divi  Pii  permillitur  :  in  non  ciusdem  religionis  qui  hoc 
feccrit,  casft-antis  pocna  irrogalur.  Paull.,  Sent.,  V,22,  i  :  fudaei  si 
alienae  nationis  comparalos  serves  circumcidorunt,  aut  deportanlur 
aul  capite  puniuntur. 


(319) 

ce  qu'on  voudrait  lui  faire  dire.  Voici,  en  effet,  ce  qu'il 
porte  :  Afflicti  suppliciis  Chris liani,  genus  homimim 
superstitionis  novœ  et  maleficœ;  ce  que  notre  honorable 
collègue  paraphrase  de  la  manière  suivante  :  «  On  les  sup- 
pliciait (les  chrétiens)  parce  qu'ils  se  livraient  à  des 
maléfices.  »  Sans  doute  le  mot  malefîcus  signilie  souvent 
magicien,  mais  à  coup  sûr,  j'ose  m'en  porter  garant,  il  n'a 
pas  ce  sens  dans  le  passage  allégué,  quoique  l'interpréta- 
tion, à  mou  sens  erronée,  de  M.  Giron  ait  été  également 
adoptée  par  M.  Leblant. 

Il  ne  faut  pas  non  plus  considérer  comme  dirigées 
contre  la  liberté  de  conscience  les  mesures  de  police  prises 
contre  les  associations  illicites.  En  effet,  ces  mesures 
s'appliquaient  indistinctement  à  toutes  les  associations 
interdites  par  la  loi,  par  des  sénatus-consultes  et  par  des 
constitutions  impériales. 

D'ailleurs,  le  droit  de  se  réunir  dans  un  but  religieux, 
quoique  soumis  à  certaines  règles  générales,  était  légale- 
ment consacré,  du  moins  en  faveur  des  petites  gens,  et  l'on 
sait  que  c'était  généralement  à  cette  catégorie  de  personnes 
qu'appartenaient  les  premiers  chrétiens  :  Religionis  causa 
coire  non  proliibentur,  dit  Marcicn  dans  le  Digeste  (1). 

M.  Giron  connaît  le  texte  de  Marcien  auquel  ces  mots 
sont  empruntés  (2),  mais  il  ne  semble  pas  en  avoir  saisi 
nettement  la  portée,  sans  quoi  il  n'eût  pas  pu  dire  a  qu'il 
n'était  même  pas  permis  de  former  des  associations  dans 
un  but  religieux  ». 


(1)  Dig.  XLVll,  22,  fr.  1. 

(2)  En  effet,  il  le  cite  au  sujet  de  la  permission  accordée  aux  gens 
de  basse  extraction,  de  fonder  des  collèges  funéraires  et  de  se  cotiser 
pour  s'assurer  une  sépulture  décente. 


(  320  ) 

Notre  honorable  collègue  invoque,  à  l'appui  de  celle 
opinion,  un  aulre  passage  du  Digesle,  tiré  d'Ulpien  (1). 
Le  voici  textuellement  :  Sub  praetextu  religionis  vel 
sub  specie  solvendi  voti,  cœtus  illicitos  nec  a  veteranis 
templari  oportet.  Ce  texte,  qui  me  semble  parfaitement 
clair,  ne  dit  nullement  qu'il  lut  défendu  de  former  des 
associations  dans  un  but  religieux;  il  se  borne  à  déclarer 
que  les  vétérans  eux-mêmes  ne  pouvaient  pas  former  des 
associations  illicites,  sous  prétexte  de  religion  ou  sous 
l'apparence  spécieuse  de  vœux  à  accomplir.  D'ailleurs, 
les  mots  nec  a  veteranis  n'indiquent-ils  pas  nettement 
qu'il  s'agit  ici  de  dispositions  spéciales  relatives  aux 
soldais? 

Le  droit  d'association, au  sujet  duquel,  à  partir  du  li^  et 
du  III"  siècle,  on  se  montra  assez  large,  était  absolument 
refusé  aux  soldats.  Mandatis  principalibus ,  dit  Marcien 
dans  le  Digeste,  prœcipitur  prœsidibus  provinciarum  ne 
paliantur  esse  collegia  sodalicia  (qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  les  corporations  d'ouvriers),  neve  milites  col- 
legia in  cas  tris  liabeant  (2). 

Or, d'après  le  texte  d'Ulpien,  cette  interdiction  s'étendait 
même  aux  vétérans  (3).  Il  est  dès  lors  évident  que  le  texte 
en  question  n'a  aucun  rapport  avec  les  associations  des 
chrétiens. 

En  résumé,  lorsqu'il  s'agit  d'étudier,  an  point  de  vue 


(I)  Dig.  XLVII,  11.  w.-i. 

{'1)  Dig.  Xf.VII,  2:2,  1.  Toutefois  celle  règle  absolue  ne  resta  en 
vigueur  que  jusqu'à  Seplimc-Sévère,  qui  autorisa  des  collèges  de 
sous-officicrs. 

(5)  Ils  pouvaient  faire  partie  de  collèges  funéraires,  mais,  quoique 
jouissant  de  plusieurs  privilèges,  ils  n'avaient  pas  le  droit,  sauf  auto- 
risation spéciale,  de  s'affilier  à  d'autres  associations. 


(  321  ) 
légal,  la  liberté  de  conscience  à  Rome,  il  faut,  ce  semble, 
faire  abstraction  des  ordonnances  générales  concernant  la 
sorcellerie,  la  divination  et  les  associations  secrètes,  et  ne 
tenir  compte  que  des  dispositions  rentrant  directement 
dans  la  sphère  d'action  de  la  police  religieuse. 

Pour  bien   comprendre  celle-ci,  il   faut,  ici  encore, 
distinguer  entre  les  citoyens  et  les  étrangers. 

Ces  derniers,  je  l'ai  indiqué  plus  haut,  pouvaient  libre- 
ment exercer  leur  culte  sur  le  territoire  romain,  à  condi- 
tion que  ce  culte  ne  fût  pas  en  opposition  avec  le  bon 
ordre  ou  la  morale  publique.  Ainsi  que  je  crois  l'avoir 
démontré  (p.  315,  note  1),  le  sénatus-consulte  contre  les 
bacchanales  ne  constituait  pas,  à  proprement  parler,  une 
atteinte  à  la  liberté  religieuse  :  il  se  rattachait  simplement 
à  la  police  des  mœurs.  Aussi  ne  faut-il  pas  prendre  à  la 
lettre  le  discours  que  Tite-Live  (39, 165)  met  dans  la  bouche 
du  consul  Postumius  et  que  notre  honorable  confrère  a 
l'air  de  considérer  comme  un  document  historique  du 
11^  siècle  avant  notre  ère.  Comme  l'a  fait  justement 
remarquer  Hippolyte  Taine  (1),  Tite-Live  est  plutôt  orateur 
qu'historien;  les  discours  qu'il  prête  aux  personnages  mis 
en  scène  par  lui  n'ont  aucun  caractère  d'authenticité;  ce 
sont  généralement,  pour  le  fond  et  la  forme,  de  pures 
œuvres  d'imagination.  On  y  rencontre  même  desanachro- 
rismes,  et  ils  ne  sont  guère  en  harmonie  avec  l'époque  à 
laquelle  ils  sont  censés  avoir  été  prononcés.  D'ailleurs,  les 
idées  de  Tite-Live  en  matière  de  droit  public  manquent 
bien  souvent  de  netteté  et  de  précision. 

Le  discours  attribué  par  Tite-Live  au  consul  Postumius 
n'aurait  donc  pas  dû,  ce  semble,  être  invoqué  dans  une 
étude  critique  sur  la  liberté  de  conscience  à  Rome,  d'autant 

(i)  Essai  sur  TiTE-LivE,  passim. 


(  322  ) 

moins  que  le  soi-disanl  orateur  ne  fait  aucune  distinction 
entre  les  citoyens  et  les  étrangers,  et  qu'en  outre,  à  la 
question  religieuse  il  mêle,  on  ne  sait  trop  pourquoi,  celle 
des  faux  prophètes  et  des  livres  de  prophéties.  Faisons 
donc  complètement  abstraction  de  ce  discours  apocryphe. 

Quant  aux  citoyens  romains,  ils  étaient  tenus  en  principe, 
ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut,  de  se  conformer  aux  exi- 
gences du  culte  national,  et  l'on  voit  encore  en  l'an  650 
avant  Jésus-Chrisl  se  produire  contre  un  ancien  consul  une 
action  iribunicienne  pour  avoir  négligé  d'accomplir,  à 
Lavinium,  un  sacrifice  obligatoire  (Ij. 

Il  est  vrai  que  vers  la  fin  de  la  république,  grâce  à  l'indif- 
férence de  plus  en  plus  grande  en  matière  religieuse,  on 
ne  songeait  plus  guère  à  contraindre  légalement  les 
citoyens  romains  à  participer  aux  actes  du  culte  national. 
Mais,  d'autre  part,  il  leur  était  encore  toujours  défendu  de 
s'associer  à  des  cultes  étrangers.  Assurément,  à  mesure  que 
la  puissance  de  Rome  s'étendit  sur  l'Italie  et  sur  le  bassin 
de  la  Méditerranée,  le  nombre  des  dieux  nationaux  alla 
sans  cesse  en  augmentant,  et  finalement  toutes  les  divi- 
nités de  l'Italie  et  de  la  Grèce  finirent  par  entrer  dans  le 
panthéon  romain,  sans  qu'on  fît  une  distinction  essentielle 
entre  les  dieux  anciens  (indigetes)  et  les  dieux  nouveaux 
{noven&iles). 

Toutefois,  même  alors,  on  maintint  l'ancienne  diffé- 
rence entre  la  religion  romaine  et  les  religions  étran- 
gères (2).  Et,  parmi  ces  religions,  on  voit  presque  toujours 
figurer  en  première  ligne  JEgyptii  ludaicique  rilus  (3). 

{^)  Ascon.  in  Scaur.,  p.  21. 

(2)  Extcriia  religio,  ïite-Live,  25,  1,  6;  superstitio  externa, 
Tac,  Ann.,  13,  52  j  externae  ceremoiiiac,  Slet,,  Tib.,  56. 

(5)    SUET.,  /.  c. 


(  325  ) 

C'est  à  ce  point  de  vue  que  se  plaça  la  police  religieuse 
pour  sévir  contre  les  citoyens  romains  qui  abandonnaient 
le  culte  national  et  contre  les  étrangers  qui  se  livraient  an 
prosélytisme. 

Il  s'agit  d'établir  ici  une  nouvelle  et  importante  distinc- 
tion, qui  n'a  pas  échappé  à  M.  Giron.  Certes,  il  était  interdit 
en  principe  aux  citoyens  romains  de  s'afTilier  à  un  culte 
non  nationalisé;  c'est  ainsi  que  l'empereur  Auguste  leur 
défendit  expressément  de  participer  à  la  religion  des 
Celles;  mais  de  pareilles  défenses  sont  rarement  mention- 
nées sous  l'Empire,  parce  que  la  plupart  des  religions 
étrangères  s'accommodaient  parfaitement  du  voisinage 
de  la  religion  romaine.  On  pouvait  adorer  Mithra  et  Isis 
sans  cesser  pour  cela  d'adresser  ses  prières  à  Jupiter 
Capitolin;  mais  il  n'en  était  pas  de  même  du  judaïsme  et 
du  christianisme.  Le  Dieu  des  chrétiens  et  des  juifs  était 
un  dieu  jaloux,  ne  tolérant  à  côté  de  lui  le  culte  d'aucun 
autre  dieu.  C'est  pourquoi,  au  point  de  vue  romain,  les 
chrétiens  et  les  juifs  devaient  être  considérés  comme 
athées,  et  le  citoyen  romain  qui  s'affiliait  à  leur  culte 
pouvait  être  considéré  comme  tombant  sous  l'application 
de  la  loi  de  lèse-majesté,  entendue  dans  le  sens  de  lèse- 
majesté  divine. 

Aussi  bien  est-il  facile  de  constater  — c'est  M.Mommsen 
qui  en  fait  la  remarque  —  que  les  persécutions  dirigées 
contre  les  chrétiens  et  les  juifs  s'adressaient  surtout  aux 
citoyens  romains  qui  se  convertissaient  à  la  religion  chré- 
tienne ou  juive,  et  à  ceux  d'entre  les  étrangers  qui 
faisaient  à  celte  fin  du  prosélytisme.  Le  préteur  Hispallus 
expulsa  de  l'ilalie,  en  615  avant  Jésus-Christ,  les  juifs 
qui  s'étaient  rendus  à  Rome  parce  que  Sabazi  Jovis 
cultu  Romanos  inficere  mores  conati  erant,  ou,  d'après 


(  524  j 
une  autre  leçon,  parce  que  Romanis  tradere  sacra  sua 
cmati  erant  {\). 

Sous  Tibère,  les  juifs  qui  séjournaient  à  Rome  furent, 
comme  on  sait,  l'objet  de  mesures  très  sévères.  Voici 
comment  s'exprime  à  ce  sujet  Tacite  (2)  :  Achim  et  desacris 
jEgypliis  ludaicisque  pellendis  ;  factumque  patritm  con- 
sullum  ut  quatliior  milia  libertini  generis  ea  superslitione 
infecta,  quis  idonea  actas,  in  insulam  Sardiniam  veheren- 
(ur,  coercendis  illic  latrociniis  et,  si  ob  gravitatem  caeli 
interissent,  vile  damnum;  ceteri  cédèrent  llalia,  nisi  cer- 
(um  ante  diem  profanas  ritus  exuissent  (5). 

La  conduite  de  Tibère  a  été  généralement  l'objet 
d'appréciations  inexactes.  M.  Mommsen  lui-même  exprime, 
dans  sa  dissertation  sur  le  délit  religieux  à  Rome  (p.  406), 
le  regret  d'avoir  mal  exposé  la  question  dans  le  cinquième 
volume  de  son  Histoire  romaine  (p.  498).  La  colonie  juive 
résidant  à  Rome  se  composait  principalement  d'affran- 
chis :  libertini  generis,  dit  Tacite;  Pwp-arot.  ùe  r^Gccy  oi 
TtXetouç  d7Te)veuOepwG£VT£ç,  dit  de  son  côté  Phi  Ion  (4). 
En   leur   qualité   de  citoyens  romains,  ils   auraient  dû 


(1)  Val.  Max.,  J,  3,2. 

(2)  Ann.,  H,  85. 

(3)  Voici  les  autres  textes  relatifs  à  cette  expulsion.  Joseph.  Ann. 
lud.,  XVIII,  5,  5  :  6  TipÉptoç-xeXeuet  ttôcv  to  'louoaixôv  ttî;  Pa)[j.T)(; 
àTueXaOîjvai.  01  8è  uuaxot  T£xpay.ta)(_tXtou(;  àvSpai;  eç  aùxcov  axpaxoXo- 
YT](javxe(;  £Tr£[JLij;av  s'u;  SapSw  xr)v  vîjaov  •  irXet'gxoui;  Se  Èxo'Xaaav  (xtj 
OeXovxai;  axpaxE'JEaôai  8ià  cfuXaxTjv  xûv  Traxpîwv  vo'|jliov.  Suet.  Tib.  36  : 
ludacorum  iuventutem,  per  spccicm  sacramcnti,  in  provincias  gra- 
vioris  caeli  distribuit;  reliques  gcntis  eiusdem,  vel  similia  tentantes, 
urbc  siîbmovit  sub  poena  perpcluae  scrvitutis  nisi  obtempérassent. 

(4)  Leg.  ad  Gai.,  25,  21. 


(  325  ) 

pratiquer  le  cul  le  national;  or,  le  judaïsme  était  incompa- 
tible avec  ce  culte.  Dans  le  principe,  le  gouvernement  laissa 
faire.  Auguste  suivit  à  cet  égard  l'exemple  de  César  (1), 
Mais  Tibère,  fidèle  aux  traditions  nationales,  se  montra 
moins  indulgent.  Une  noble  dame  romaine,  Fulvie,  épouse 
de  Salurninus,  circonvenue  par  quelques  fripons  juifs, 
setait  convertie  au  judaïsme  et  avait  résolu  d'envoyer  au 
temple  de  Jérusalem  de  riches  présents,  en  pourpre  et  en 
or,  que  les  quatre  fripons  détournèrent  à  leur  profit. 
Tibère,  tirant  prétexte  de  celte  conversion,  qui  avait 
évidemment  fait  scandale  à  Rome,  ordonna  aux  consuls 
d'enrôler  quatre  mille  juifs  en  âge  de  porter  les  armes  (qins 
ictonea  actas,  dit  Tacite  ;  hidaeortiin  inventutem,  dit  de  son 
côté  Suétone),  afin  de  les  envoyer  dans  l'île  de  Sardaigne, 
dont  le  climat  insalubre  était  proverbial  (2),  pour  y  couper 
court  aux  brigandages  dont  cette  île  était  infestée. 

En  règle  générale,  les  juifs,  même  devenus  citoyens 
romains,  étaient  exemptés  du  service  militaire,  parce  que 
leur  religion  les  empêchait  de  porter  les  armes  le  jour  du 
sabbat  et  de  prendre  la  nourriture  qu'on  donnait  habi- 
tuellement aux  soldats  (3). 

Mais  cette  exemption  était  essentiellement  révocable. 
Tibère  ne  commettait  donc  aucune  illégalité,  aucun  abus 
de  pouvoir,  en  donnant  aux  consuls  l'ordre  de  les  enrôler. 

En  leur  qualité  d'affranchis,  ils  ne  pouvaient  pas  être 


H)  Phil.,  Ibid.  et  Joseph.,  Ant.  Jud.,  XIV,  10,  §§  iO  et  suiv. 
(2)  Martial.,  Épigr.,  IV,  60  :  Nullo  fata  loco  possis  excludore  : 
cum  mors  Venerit,  in  medio  Tibure  Sardinia  est. 
(5)  Joseph.,  /.  c,  §§  12,  15,  14  et  16. 

S"*   SÉRIE,    TOME    XXVl.  .      22 


(  326  ) 

incorporés  dans  les  légions  :  celle  exclusion  constituait  sous 
l'Empire  une  règle  absolue  (1).  Mais  rien  n'empêchait  d'eu 
composer  des  corps  spéciaux  (2).  Les  affranchis  juifs 
furent  donc  envoyés  par  Tibère  en  Sardaigne,  en  qualité 
de  gendarmes. 

Quant  à  ceux  d'entre  les  juifs,  devenus  citoyens  romains, 
qu'on  ne  pouvait  pas  utiliser  comme  soldats,  Tibère  les 
obligea  à  renoncer  à  leurs  croyances  {profanas  ritus  exuere, 
dit  Tacite).  Après  la  grande  tolérance  qu'avaient  montrée 
à  leur  égard  César  et  Auguste,  cette  mesure,  peu  raison- 
nable, dut  leur  paraître  particulièrement  odieuse,  mais  elle 
était  conforme  aux  traditions  nationales.  D'ailleurs,  s'ils 
croyaient  ne  pas  pouvoir  s'y  soumettre,  ils  avaient  le  droit 
de  s'y  soustraire  en  quittant  l'Italie  (3). 

Quant  à  ceux  qui  refusaient  de  se  faire  enrôler,  ils 
furent  traités  comme  des  rebelles,  c'est-à-dire  probable- 
ment condamnés  à  mort. 

Certes,  les  juifs  ont  dû,  à  leur  point  de  vue,  considérer 
Tibère  comme  un  cruel  despote;  certes  encore,  on  ne 
peut  pas  dire  qu'il  se  soit  montré  bienveillant  à  leur 
égard,  mais,  en  somme,  il  s'est  borné  à  les  soumettre  aux 
règles  qui  légalement  pouvaient  être  appliquées  aux 
citoyens  romains  en  matière  de  milice  et  de  culte. 

Ce  n'est  donc  pas,  je  le  répète,  en  leur  qualité  de  juifs 


(1)  MoiMMSEN,  fSôm.  Slaatsr.,  III,  p.  450. 

(2)  Ibid.,  p.  449. 

(5)  Tacite  a  peut-être  exagéré,  car  Suétone  et  Josèphe  disent  l'un 
et  l'autre  (voir  plus  haut)  que  Tibère  se  borna  à  exclure  les  juifs 
de  la  ville  de  Rome. 


(  o^^7  ; 
comme  tels,  mais  en  qualité  de  citoyens  romains  qu'ils 
ont  encouru   les   mesures    sévères   relatées   par   Tacite, 
Suétone  et  Josèphe  (1). 

Les  poursuites  dirigées  plus  tard  sous  Néron  contre 
Pomponia  Graccina,  qui  s'était,  selon  toute  apparence, 
convertie  au  christianisme  (2),  contre  les  membres  de  la 
famille  Flavia  à  l'époque  de  Domitien  (3),  contre  le  pré- 
dicateur chrétien  Ptolémée  et  ceux  qu'il  avait  convertis 
au  christianisme  (4)à  l'époque  d'Antonin  le  Pieux  (vers  1 52), 
toutes  ces  poursuites  sont  relatives  à  des  conversions 
de  citoyens  romains. 

Cela  ne  veut  certes  pas  dire  que  les  pérégrins  eussent  pu 
impunément  se  convertir  au  judaïsme  et  au  christianisme. 

En  effet,  dans  les  cités  pérégrines  les  juifs  et  les  chré- 
tiens pouvaient,  aussi  bien  qu'en  Italie  et  dans  les  villes  de 
droit  romain,  être  poursuivis  pour  crime  d'athéisme,  parce 
qu'ils  répudiaient  absolument  les  différents  cultes  propres 
à  ces  cités.  Ce  qui  prouve  clairement  que  telle  était  bien  la 


(1)  M.  Mommsen  sera  peut-être  étonne  d'apprendre  que  la  manière 
de  voir  qu'il  a  développée  à  ce  sujet  avec  tant  d'autorité  avait  déjà  été 
pressentie  par  Casaubon.  Voici,  en  effet,  ce  que  dit  cet  illustre  philo- 
logue dans  une  note  sur  le  passage  précité  de  Suétone  :  «  Intelligo  de 
civibus  tantum  Romanis;  neque  enim  ludaeis  suam  religionem  erep- 
tum  ivit  Tiberius  ». 

(2)  Tac,  y^nn.,  XIII,  52  :  «  Pomponia  Graecina,  Plautio,  qui  ovans 
se  de  Britannis  retulit,  nupta  ac  superstilionis  externae  rea,  marili 
iudicio  permissa.  Isque,  prisco  insliluto,  propinquis  coram,de  capitc 
famaque  coniugis  cognovit  et  insontem  nunciavit  o.  C'est  la  plus 
ancienne  persécution  contre  un  chrétien  dont  l'histoire  profane  fasse 
mention. 

(ô)   Dion  Cassius,  67,  14. 
(4)  Justin,  ApoL,  II. 


(  328  ) 
manière  de  voir  des  provinciaux,  c'est,  par  exemple,  la 
conduite  des  habitants  d'Anlioche  à  l'égard  des  juifs  après 
la  destruction  du  temple  de  Jérusalem. 

Ainsi  que  je  l'exposerai  plus  lard,  les  juifs,  au  lieu 
d'être,  comme  le  suppose  à  tort  M.  Giron,  exclus  de  la  tolé- 
rance générale  dont  jouissaient  sous  l'Empire  les  religions 
étrangères,  furent,  au  contraire,  de  la  part  du  gouverne- 
ment impérial,  l'objet  de  privilèges  nombreux  et  considé- 
rables. Mais  lorsque  le  temple  de  Jérusalem  eut  été 
détruit,  les  habitants  d'Anlioche  supposèrent  que  la  natio- 
nalité juive  ayant  été  anéantie,  les  privilèges  précédem- 
ment accordés  aux  juifs  avaient  du  même  coup  cessé 
d'exister.  Ils  voulurent  en  conséquence  contraindre  les 
juifs  établis  dans  leur  cité  à  sacrifier  aux  divinités  hellé- 
niques (1),  et  ceux  d'entre  eux  qui  s'y  refusèrent  furent 
brijlés  vifs. 

Telle  était  donc  l'opinion  qui,  dans  les  cités  pérégrines, 
prévalait  à  l'égard  des  juifs  et  des  chrétiens. 

Il  est  vrai  que,  contrairement  à  l'opinion  des  habitants 
de  ces  villes,  les  privilèges  précédemment  accordés  aux 
juifs  furent  expressément  maintenus  en  leur  faveur,  même 
après  la  destruction  du  temple  de  Jérusalem;  mais  ces 
mêmes  privilèges  n'étaient  nullement  réservés  aux 
chrétiens. 

Quoi  qu'il  en  soit  du  reste  des  poursuites  dirigées  soit 
par  les  magistrats  romains,  soit,  avec  leur  consentement, 
par  les  magistrats  des  cités  pérégrines  contre  les  étrangers 
qui  se  convertissaient  au  judaïsme  et  au  chrislianisme,c'est 
surtout  contre  les  citoyens  romains  apostats  que  s'exer- 
çaient les  rigueurs  de  la  police  religieuse. 

(i)  côaTTEp  vo[i.O!;  ecttI  toTc;  "EXXïiatv,  dit  Joseph.,  Anl.  Jud.,  7,  7,  33. 


(  329  ) 

Qu'il  me  soil  maintenant  permis, avant  d'aller  plus  loin, 
de  résumer  les  conclusions  principales  auxquelles  je  suis 
arrivé,  et  que  je  pense  avoir  suffisamment  justifiées  en  me 
servant  surtout  des  arguments  invoqués  par  M.Mommscn. 

Je  crois  avoir  établi  d'abord  que,  pour  se  rendre  exacte- 
ment compte  de  la  liberté  de  conscience  à  Rome,  il  faut 
faire  une  distinction  essentielle  entre  les  citoyens  romains 
et  les  étrangers. 

La  liberté  de  conscience  ou,  pour  parler  plus  exacte- 
ment, le  droit  de  ne  point  pratiquer,  suivant  les  règles 
établies,  le  culte  national  ou  de  pratiquer  un  culte  étranger, 
n'existait  pas  en  principe  à  Rome  pour  les  citoyens 
romains.  Ils  étaient  tenus  de  se  conformer  au  culte  des 
ancêtres,  et  les  contrevenants  pouvaient  être  punis  par  le 
souverain  pontife.  Mais,  dans  la  suite  des  temps,  ce  prin- 
cipe subit  de  notables  modifications.  Le  gouvernement  de 
la  république  réduisit  considérablement  les  attributions  du 
souverain  pontife,  toutefois  il  évita  avec  le  plus  grand  soin  de 
se  substituer  à  lui.  Il  en  résulta  que  les  peines  prononcées 
par  le  souverain  pontife  furent  désormais,  sauf  des  cas 
exceptionnels,  privées  de  sanction  légale  et  finirent 
par  tomber  en  désuétude. 

D'autre  part,  le  culte  des  dieux  nationaux  s'étendit  de 
plus  en  plus.  Lorsque  les  Latins  obtinrent  ledroit  de  cité,  il 
ne  fut  guère  possible  de  ne  point  nationaliser  les  divinités 
latines,  et  lorsque  plus  tard  l'Italie  tout  entière  ne  se  com- 
posa plus  que  de  cités  de  droit  romain,  toutes  les  divinités 
italiennes  furent  successivement  admises  dans  le  panthéon 
national.  On  ne  s'arrêta  pas  là;  peu  à  peu  les  divinités 
grecques  furent  introduites  dans  le  même  panthéon  ;  les 
unes,  comme  Apollon  et  Esculape,  en  vertu  d'injonctions 


(  330  ) 
des  livres  sibyllins;  les  autres,  comme  Artemis  et  Aphro- 
dite, par  suite  d'assimilation  avec  des  divinités  romaines. 

On  peut  dire  qu'à  raison  de  ce  double  courant,  la  liberté 
de  conscience  en  matière  religieuse  s'étendit  pour  les 
citoyens  romains  dans  des  proportions  considérables.  Or, 
ce  mouvement  continua  sous  l'empire  comme  sous  la  répu- 
bli(]ue. 

Aussi  m'est-il  impossible  de  comprendre  pourquoi  notre 
honorable  collègue  a  prétendu  que  l'empereur  Auguste 
essaya,  mais  en  vain,  de  réagir  contre  l'invasion  des  divi- 
nités étrangères.  «  Il  considérait,  dit-il,  le  vieux  culte 
national  comme  un  élément  conservateur  auquel  était  lié 
le  sort  du  gouvernement.  » 

Sur  quoi  se  base  cette  étonnante  assertion?  Sur  un 
discours  que  Dion  Cassius  a  mis  dans  la  bouche  de  Mécène. 

Maison  ne  croit  plus  guère,  à  l'heure  qu'il  est,  à  l'au- 
thenticité des  discours  attribués  par  Dion  Cassius  à  Mécène 
et  à  Agrippa  (1).  Comme  Beulé  l'a  dit  avec  beaucoup  de 
raison  (2),  ces  discours  n'ont  même  aucune  vraisemblance. 
«  C'est  delà  mauvaise  rhétorique.  Il  s'y  trouve  des  allusions 
contre  les  chrétiens,  et  Mécène  exhorte  Auguste  à  les  per- 
sécuter quand  ils  n'existaient  même  pas,  l'an  28  avant 
Jésus-Christ.  On  reconnaît  le  style  et  les  sentiments  d'un 
courtisan  de  Commode  et  d'un  sénateur  de  Septime 
Sévère.  » 

Malheureusement,  dans  sa  traduction  du    passage  de 


(1)  Il  est  étonnant  que;  M.  r.eblant  ait  encore  l'air  d'y  croire.  Voir 
op.  cil ,  p.  68. 

(2)  Beulé,  Auguste,  sa  famille  et  ses  amis,  p.  227. 


(331  ) 

Dion  Cassius  auquel  Beulé  fait  allusion,  M.  Giron  a  rendu 
d'une  manière  obscure  le  mot  caractéristique  qui  désigne 
les  chrétiens.  Dion  fait  dire  à  Mécène,  s'adressant  à 
Auguste  :  |;it,t'  ouv  àOiw  T-Lvl  [JiYiTS  yôr^-zi  o-uy^wpT.o-^i; 
zlvai.  M.  Giron  traduit  :  «  Ne  tolère  donc  ni  ceux  qui 
méprisent  les  dieux  de  l'empire,  ni  ceux  qui  s'adonnent 
à  la  magie  (1).  »  Il  eût  mieux  valu,  je  crois,  rendre  sim- 
plement àGeoç  par  athée.  Car  ce  sont  précisément  les  chré- 
tiens qu'on  désignait  par  ce  mot:  c'est  M.  Giron  lui-même 
qui,  d'après  Renan,  en  a  fait  la  remarque.  Le  cri  de  la 
population  contre  les  chrétiens  était  :  a  A  mort  les 
athées!  »  aipe  zoùç  àUooç.  Et  cette  même  qualification 
haineuse  est  encore  appliquée  aux  chrétiens,  en  l'an  312, 
dans  la  remarquable  inscription  d'Arycanda  que  j'ai  citée 
plus  haut,  page  284(2). 

Ne  prêtons  donc  pas  à  l'empereur  Auguste,  sur  la  foi 
d'un  prétendu  discours  attribué  par  Dion  Cassius  à  Mécène, 
des  sentiments  qu'il  n'a  jamais  eus.  Assurément  Auguste 
essaya  de  restaurer  la  religion  romaine,  qui  avait  cédé  la 
place  à  une  indiiîérence  presque  universelle.  Il  se  vante 


(i)  M.  Giron  dit  en  note  que  le  discours  de  Mécène  se  trouve  dans 
Dio.\  Cassius,  liv.  III,  ch.  56.  Cette  indication  erronée  est  peut-être 
empruntée  à  M.  Leblant,  lequel,  dans  une  dissertation  sur  les  bases 
juridiques  des  poursuites  dirigées  contre  les  martyrs  [Comptes  rendus 
de  CAcad.  des  inscript.,  1886),  cite  en  note  Dion  Cassius,  L.  III, 
ch.  56.  Or,  le  passage  en  question  se  trouve  dans  Dion  Cassius, 
liv.  LU,  ch.  56. 

La  traduction  du  passage  de  Dion  Cassius  donnée  par  M.  Giron 
paraît  également  empruntée  à  M.  Leblant. 

(2)  J'ai  commenté  et  traduit  cette  inscription  dans  la  Revue  de 
V instruction  publique  en  Belgique,  t.  XXXVI,  3^  livraison. 


(  332  ) 

dans  son  testament  d'avoir  reconstruit  quatre-vingt-deux 
temples;  il  a  fait  revivre  d'anciens  collèges  sacerdotaux 
tombés  dans  l'oubli;  il  a  réorganisé  le  culte  des  dieux 
Lares,  en  y  associant  son  propre  Génie. 

Mais  s'il  prit  des  mesures  rigoureuses  pour  empêcher 
les  sacrificeshumainsqui  avaient  encore  lieu  de  son  temps 
en  Gaule  et  à  Carlhage,  il  ne  le  fit  pas  assurément  pour 
protéger  le  culte  national,  et  s'il  relégua  hors  du  pomermm 
le  culte  d'Isis,  à  raison  des  actes  immoraux  auxquels  il 
servait  de  prétexte,  il  ne  fit  en  cela  que  se  conformer, 
avec  beaucoup  de  modération,  aux  usages  du  gouvernement 
républicain,  qui,  tout  en  permettant  aux  étrangers  établis 
sur  le  territoire  romain  de  continuer  à  pratiquer  leurs 
cultes  respectifs,  assignait  néanmoins  à  ceux-ci  un  empla- 
cement en  dehors  de  la  ville.  D'ailleurs,  comme  nous  le 
verrons  plus  tard,  Auguste  fit  preuve  d'une  tolérance  et 
même  d'une  bienveillance  spéciales  à  l'égard  des  juifs.  Ce 
fut  plutôt  Tibère  qui  se  montra  peu  favorable  aux  religions 
étrangères. 

Mais  plus  tard  Isis  elle-même,  le  Dieu-Soleil  d'Emesa, 
la  Dea  Syria  d'Hiérapolis,  Mithra  et  d'autres  divinités 
exotiques  réussirent  à  pénétrer  dans  le  panthéon  national. 

Néanmoins  le  principe  général,  à  savoir  qu'aussi  long- 
temps qu'un  culte  étranger  n'était  pas  nationalisé,  les 
citoyens  romains  n'avaient  pas  le  droit  d'y  participer, 
ce  principe  resta  debout,  et  c'est  ce  qui  explique  la  sévérité 
des  peines  qu'on  appliquait  aux  citoyens  romains  qui  se 
faisaient  juifs  ou  chrétiens. 

Mais  si  la  liberté  de  participer  à  des  cultes  non  natio- 
nalisés était  en  théorie  refusée  aux  citoyens  romains, 
on  se  montrait  au  contraire  aussi  tolérant  que  possible  à 
l'égard  des  étrangers,  et  si  parfois  des  mesures  plus  ou 


(  353  ) 
moins  sévères  furent  prises  contre  eux,  à  raison  de  leur 
culle,  c'était  pour  sauvegarder  la  moralité  et  la  tranquil- 
lité publiques,  ou  parce  qu'ils  se  permettaient  de  faire  du 
prosélytisme  parmi  les  citoyens  romains. 

Ce  que  je  crois  avoir  démontré  également,  d'après  les 
indications  de  M.  Mommsen,  complétées  par  les  miennes, 
c'est  que  les  opinions  religieuses  des  chrétiens  étaient 
poursuivies  comme  telles,  et  que  le  fait  de  se  proclamer 
chrétien  suffisait  pour  constituer  le  crime  de  lèse-majesté 
divine.  Certes,  les  chrétiens  ont  été  poursuivis  aussi 
comme  magiciens  et  pour  avoir  participé  à  des  associations 
illicites,  mais  c'étaient  là,  au  point  de  vue  romain,  des 
crimes  de  droit  commun,  et  la  punition  réservée  à  ces 
crimes  ne  peut  pas,  à  proprement  parler,  être  considérée 
comme  une  atteinte  à  la  liberté  de  conscience  en  matière 
religieuse. 

J'ai  signalé  enfin,  toujours  en  m'appuyanl  sur  l'argu- 
mentation de  M.  Mommsen,  que  si  l'on  veut  se  faire  une 
idée  exacte  de  la  procédure  employée  à  l'égard  des  chré- 
tiens, il  faut  faire  une  distinciion  radicale  entre  l'applica- 
tion de  la  loi  par  la  juridiction  régulière  et  le  droit  de 
coercition  exercé  par  les  magistrats  à  imperium,  confor- 
mément aux  constitutions  impériales  et  aux  avis  des 
prudentes  {\). 

Or,  c'est  précisément  ce  droit  de  coercition,  appliqué 


(1)  Notamment  le  livre  VU  du  traité  (I'Ulpien,  De  offtcio  procotisulis. 
Voir  Lactant,  Inst.,  Y,  i\,  extr.  «  Domitiiis  de  oflicio  proconsulis 
libro  septimo  rescripta  principum  nefaria  coliegit  ut  doceret  quibus 
poenis  aflîci  a[>orlcret  eos  qui  se  cultores  Dei  confiterentur.  » 
Cf.  Leblant,  l.  c,  pp.  51  et  suivantes. 


l  534  ; 
différemmenl  selon  les  temps  et  les  lieux,  qui  explique  les 
alternatives  de  rigueur  el  de  tolérance  qu'on  constate  non 
seulement  à  différentes  époques,  mais  même  simultané- 
ment dans  les  différentes  parties  de  l'empire. 

Mes  observations  sur  la  lecture  de  M.  Giron  sont,  hélas, 
devenues  beaucoup  plus  longues  que  celte  lecture  même. 
Je  ne  crois  pourtant  pas  pouvoir  les  terminer  sans  rencon- 
trer encore  une  assertion  de  notre  honorable  confrère  qui 
me  paraît  de  tout  point  erronée  et  qui  concerne  un  cha- 
pitre extrêmement  important  de  l'histoire  de  la  liberté  de 
conscience  à  Rome. 

Voici  textuellement  comment  s'exprime  M.  Giron 
{/.  c,  p.  H8): 

«  On  pouvait,  au  début  de  l'époque  impériale,  professer, 
sans  être  inquiété  par  le  gouvernement,  toute  espèce  de 
dogmes  ou  de  principes  métaphysiques...  Les  juifs,  qui 
rendaient  un  culte  exclusif  à  Jéhova,  furent  exclus  de  celte 
large  tolérance,  parce  qu'ils  ne  souffraient  pas  les  dieux 
des  autres  nations.  » 

Certes,  ainsi  que  je  l'ai  rappelé  plus  haut,  lorsque  les 
juifs  qui  accompagnèrent  à  Rome  Simon  Macchabée  s'avi- 
sèrent de  faire  du  prosélytisme,  le  préleur  Hispallus  leur 
enjoignit  de  quitter  la  ville  ;  néanmoins,  à  partir  de  cette 
époque, ils  furent  parfaitement  tolérés,  non  seulement  dans 
toute  l'Italie,  mais  même  dans  la  capitale.  Après  la  con- 
quête de  Jérusalem  par  Pompée,  celui-ci  amena  à  Rome 
des  milliers  de  juifs  faits  prisonniers.  Ils  y  furent  vendus 
comme  esclaves;  mais  beaucoup  d'entre  eux  ne  tar- 
dèrent pas  à  être  affranchis,  parce  que,  à  cause  de  leurs 
pratiques  religieuses,  auxquelles  ils  tenaient  obstinément, 
ils  étaient  gênants  pour  leurs  maîtres.  Devenus  citoyens 
romains,  ils  allèrent  s'établir  au  delà  du  Tibre  et  y  insti- 


(  355  ) 
tuèrent  une  communauté  juive  {i).  Cette  colonie  iras- 
tévérine  forma  bientôt  une  faction  relativement  impor- 
tante. Cicéron,  dans  son  discours  pour  Flaccus  (ch,  28), 
obligé  de  parler  des  agissements  des  juifs  en  Asie,  a 
l'air  de  les  craindre  :  Sets,  dit-il,  quanta  sit  matins, 
quanta  concordia ,  quantum  valeant  in  concionihiis. 
Summissa  voce  agarn,  tantum  ut  indices  audiant  :  neque 
enim  demnt  qui  istos  in  me  atque  in  optimum  qitemque 
incitent.  Plus  loin  Cicéron  dit  encore,  en  parlant  des  juifs  : 
Multitudinem  ludœornm  flagrantem  nonnnnquam  in  con- 
cionibus. 

Quant  à  Jules  César,  on  sait,  par  le  témoignage  irrécu- 
sable de  Josèphe  (2),  qu'il  combla  les  juifs  de  bienfaits. 
Aussi,  lors  de  la  mort  de  leur  illustre  patron,  les  vit-on 
manifester  bruyamment  leur  douleur  :  In  snmmo  publico 
hiclv,  dit  Suétone  (3),  exterarum  gentium  multitndo  circu- 
lalim,  sua  quœque  more,  lamenfata  est  :  prœcipue  ludœi, 
qui  etiam  noclibus  continuis  bustum  frequentarunt. 

Auguste  ne  se  montra  pas  moins  bienveillant  à  leur 
égard.  Ainsi  il  avait  ordonné  que,  lorsque  les  distribu- 
lions  d'argent  ou  de  blé  faites  au  peuple  avaient  lieu  un 
jour  de  sabbat,  auquel  il  était  absolument  interdit  aux  juifs 
de  s'approvisionner,  les  parts  qui  leur  revenaient  leur 
seraient  remises  le  lendemain  (4), 

Aussi  voit-on,  grâce  à  ces  mesures  libérales,  le  nombre 
des  juifs  établis  à  Rome  s'accroître  dans  de  fortes  pro- 
portions. Une   ambassade  envoyée  dans  la  capitale  par 


(  {)  Voir  Philo,  Icg.  ad  Gai.,  §  25. 

(2)  Ant.  Jud.,  XIV,  ch.  10,  §  2,  3,  4,  b.  G.  7  et  8. 

{3;  Caes.,  84. 

(4)  Voir  Philon.,  l.  c. 


(  336  ) 

Hérode  y  trouva  plus  de  huit  mille  coreligionnaires  prêts 
à  l'accompagner  (1). 

Il  est  vrai  que  Tibère  prit  contre  les  juifs  les  mesures 
sévères  que  l'on  sait. 

Mais,  ainsi  que  je  l'ai  fait  remarquer  plus  haut,  ce  n'est 
pas  à  l'égard  des  juifs  comme  tels  que  Tibère  se  montra 
intolérant.  Il  se  borna  à  leur  appliquer  les  lois  anciennes, 
d'après  lesquelles  il  était  défendu  aux  citoyens  romains 
d'abandonner  le  culte  national. 

Si  l'on  fait  abstraction  des  folies  de  Caligula,  les  juifs 
furent  en  général  traités  avec  bienveillance  sous  l'empire. 
L'empereur  Claude,  par  un  édit  général,  garantit  à  tous 
les  juifs  disséminés  dans  l'empire  romain  les  privilèges 
accordés  à  ceux  d'Alexandrie,  c'est-à-dire  le  libre  exercice 
de  leur  culte.  Il  est  vrai  que  les  rivalités  de  secte  qui,  de 
tout  temps,  les  avaient  divisés,  donnèrent  parfois  lieu  à 
Rome  à  des  conflits  sanglants.  C'est  pourquoi  le  même 
empereur  se  vit  obligé  de  leur  interdire,  du  moins  tem- 
porairement, le  séjour  de  la  capitale  (2).  Expulsés  de  Rome, 
ils  se  retirèrent  à  Aricie  (5).  'Mais  ils  ne  tardèrent  pas  à 
revenir,  et  comme  le  dit  Dion  Cassius  (XXXVII,  17), 
plusieurs  fois  refoulés  de  la  ville,  ils  finirent  par  y  con- 
quérir leur  pleine  liberté.  Certes,  les  grands  de  Rome  les 
méprisaient,  mais  cela  ne  les  empêcha  pas  de  grandir  en 
nombre  et  en  importance,  grâce  à  la  position  privilégiée 
qui,  comme  je  le  montrerai  à  l'instant,  leur  était  garantie. 


(1)  Joseph.,  ^n;.  .ywcZ,  XVII,  H,  1. 

(2)  SuET.,  Claud.,  25.  Dion  Cassius,  LX,  2,  prétend  que  l'expul- 
sion des  juifs  présentant  de  trop  grandes  difficultés,  Claude  se  borna 
à  leur  défendre  de  se  réunir. 

(5)  JuvEN  ,  Sat  ,  IV',  117.  ScHOL.  «  Inter  ludacos  qui  ad  Ariciam 
transierant,  ex  urbe  missi.  « 


(  337  ) 

L'impératrice  Livie  avait  à  son  service  une  esclave  juive 
du  nom  d'Acmé,  qui  entretenait  des  relations  politiques 
avec  Antipater,  flis  d'Hérode  (1).  Un  Samaritain,  affranchi 
de  Tibère,  avait  prêté  à  Hérode  Agrippa  un  million  de 
sesterces  (2).  Parmi  les  esclaves  de  Claude  se  trouvait  une 
juive  du  nom  de  Claudia  Aster.  A  la  cour  de  Néron  vivait  un 
acteur  [inixoXo^'oç)  juif,  appelé  Alatyrus,  dont  l'empereur 
faisait  le  plus  grand  cas  (3).  La  fameuse  Poppée  elle-même 
passait  pour  s'être  convertie  à  ia  religion  de  Moïse  :  ce  qui 
est  certain,  c'est  qu'elle  se  mettait  toujours  à  la  disposition 
des  juifs  qui  avaient  des  suppliques  à  adresser  à  l'em- 
pereur (4).  Ce  qui  prouve  d'ailleurs  que  la  religion  juive 
se  répandait  de  plus  en  plus  dans  le  monde  romain,  c'est 
d'abord  la  plainte  du  philosophe  Séncque  qui,  dans  son 
traité,  aujourd'hui  perdu.  De  super stilione,  dont  saint 
Augustin  nous  a  conservé  plusieurs  passages  {De  Civ.  Dei, 
6,  \\),  après  avoir  déploré  la  dispersion  de  la  religion 
juive  per  omnes  iam  terras,  termine  en  disant  :  victi  victo- 
ribus  leges  dederunt,  ce  qui,  comme  le  fait  à  juste  titre 
remarquer  Bernays,  rappelle  le  fameux  vers  d'Horace  : 
Graecia  capta  ferum  viclorem  cepit  (5). 

(1)  Joseph.,  Jnt.  Jud.,  XVII,  b,  7. 

(2)  Ibid.,  XVIII,  6,  4.  Les  Samaritains  étaient  établis  comme  com- 
merçants et  banquiers  à  Rome,  à  Constantinople  et  à  Alexandrie. 
Voir  Pauly,  Real-Encych,  VI,  p.  727,  note. 

(5)  Joseph.,  Vita,  3. 

[i]  Joseph.,  Ant.  Jud.,  XX,  8;  Vita,  5.  La  plupart  des  citations 
précédentes  sont  empruntées  à  Scliiirer  :  Die  Gemcindcvcrfassung  der 
Juden  in  Rom,  Leipzig,  1879. 

(8)  Episl.,  II,  1,  156.  Voir  Jacob  Bernays,  Die  Gotlesfûrchligen 
bel  Juvenal,  dans  les  «  Commentationes  philologae  in  honorem 
Theodori  Moramseni.  »  Berlin,  1877,  p.  564. 


(  338  ) 

C'est  ensuite  le  témoignage  de  Jiivénal  [Sat.,  XIV,  v. 
96-106)  qui,  parmi  les  causes  de  la  disparition  des  mœurs 
nationales,  cite  l'extension  de  plus  en  plus  grande  du 
culte  juif.  Le  père,  dit-il,  s'était  contenté  d'observer  le 
repos  du  sabbat  et  de  s'abstenir  de  viande  de  porc;  les  fils 
se  font  juifs  tout  à  fait  :  mox  et  praeputia  ponunt. 

Je  pourrais  multiplier  ces  citations;  mais  celles  que  j'ai 
rassemblées  suffisent,  je  crois,  pour  démontrer  que,  dans 
certaines  classes  de  la  société  romaine,  on  ne  se  montrait 
pas  aussi  intolérant  à  l'égard  des  juifs  que  paraît  le  croire 
notre  honorable  confrère. 

Au  lieu  de  rester  confinés  dans  la  région  trastévérine, 
les  juifs  ne  tardèrent  pas  à  se  répandre  au  Champ  de 
Mars  et  jusqu'au  milieu  du  quartier  des  aff'aires,  la  Subure  ; 
ils  allèrent  même,  non  loin  de  la  porte  Capène,  s'établir 
dans  le  bois  sacré  des  Muses,  où  ils  fondèrent,  selon 
toute  apparence,  une  synagogue  dans  l'ancien  sanctuaire 
de  ces  vénérables  déesses  (1). 

Il  est  évident  que  les  juifs  n'auraient  pas  pu  à  ce  point 
s'étendre  dans  la  capitaleet  dans  son  voisinage  immédiat  si 
le  gouvernement  s'était  montré  systématiquement  hostile 
envers  eux. 

On  sait  que  Jules  César  supprima  à  Rome  toutes  les 
associations  privées  {coUegia),  à  l'exception  d'un  petit 
nombre  :  praeter  antiquitiis  constiluta.  Toutefois  les  juifs 
furent  formellement  soustraits  à  l'application  de  cette 
règle.  Ils  purent,  comme  par  le  passé,  faire  librement  leurs 


(i)  JuvEN.,  III,  12-16.  C'étaient  de  pauvres  diables,  dont  la 
mendicité  importune  s'adressait  aux  personnes  longeant  la  voie 
Appienne. 


(  359  ) 
collectes  el  se  réunir  en  agapes  fraternelles  (1).  Auguste, 
à  son  tour,  garantit  aux  juifs  le  libre  exercice  de  leur  culte 
et  déclara  qu'il  fallait  poursuivre  comme  sacrilèges  ceux 
qui  leur  enlèveraient  leurs  livres  saints  ou  l'argent  destiné 
aux  usages  religieux  (Jos.,  Ant.  Jud.,  XVI,  6,  2). 

Plus  d'une  fois  déjà,  dans  le  cours  de  cette  étude,  nous 
avons  dû  faire  remarquer  qu'il  n'était  pas  permis  aux 
citoyens  romains  de  se  convertir  au  judaïsme.  Aussi  de 
temps  en  temps  certains  empereurs  crurent-ils  nécessaire 
de  rappeler  cette  interdiction.  luclœos  fieri,  dit  Spartien 
en  parlant  de  Septime  Sévère  (ch.  il),  sub  gravi  poena 
veluic.  Mais  peu  de  temps  après,  Alexandre  Sévère,  qui 
d'ailleurs  se  montra  aussi  clément  envers  les  chrétiens, 
accorda  aux  juifs  de  nouveaux  privilèges  (2). 

Voici  du  reste  deux  témoignages  d'une  importance 
capitale,  l'un  de  la  fin  du  11%  l'autre  de  la  fin  du  IV^  siècle 
après  Jésus-Christ,  qui  dépeignent  d'une  façon  nette  et 
précise  la  situation  légale  faite  aîi  judaïsme  au  sein  de 
l'empire  romain.  Tertullien  (3),  en  parlant  de  la  religion 
juive,  s'exprime  en  ces  termes  :  Siib  umbraculo  insignis- 
simae  religionis,  certe  licitae.  D'autre  part,  dans  une  con- 
stitution de  l'an  393  (4),  Théodose  Arcadius  et  Honorius 
s'énoncent  au  sujet  des  juifs  de  la  manière  suivante  : 
ludaeorum  sectam   nulta  lege  prohibitam  satis  constat. 


{1}  Joseph.,  Ant.  Jud.,  XIV,  10,  8  :  Fatoi;  Kafaap...  èv  iqj  otatày- 
[jLaxi  -/.ojXûovxt  6iaaou<;  (luvctYEuôai  xatà  TidXtv,  [j-ôvouç  toutouç  oùx. 
èxwXuas  ouTc  ^pT^tjLXxa  auveia-tpépsiv,  outô  ô£"Î7Tva  ttoieIv,  Ces  mots  sont 
extraits  d'un  rescrit  de  'lo\Jho<;  Ya'.oç  (Caligula)  aux  habitants  de 
Paros. 

(2)  Lamprid.  Alex.  Sev.,  ch.  22. 

(5)   /ipolog.,  21. 

(4)  Cod.  Theod.,  XVI,  8,  9. 


(  340  ) 

IJnde  graviter  commovemur  interdiclos  quibusdam  locis 
eorum  fuisse  convenlus.  On  ne  saurait  êlre  plus  explicite. 
Faisons  remarquer  encore,  d'après  Eusèbe  (2),  ce  détail 
piquant  qu'à  l'époque  des  persécutions  contre  le  christia- 
nisme, plusieurs  chrétiens,  pour  se  soustraire  à  ces  pour- 
suites, jugèrent  opportun  de  se  convertir  au  judaïsme. 

Grâce  à  la  situation  privilégiée  faite  aux  juifs,  même 
dans  la  capitale,  ceux-ci  y  avaient,  dès  l'époque  d'Auguste, 
des  synagogues,  où  ils  pouvaient  librement  se  réunir  et  y 
faire,  comme  je  l'ai  dit,  leur  collecte  annuelle  au  profit  du 
temple  de  Jérusalem;  et  tandis  que  du  temps  de  la  répu- 
blique, ces  collectes  avaient  été  interdites  en  Asie,  il  fut 
stipulé,  comme  je  l'ai  rappelé  plus  haut,  qu'on  poursuivrait 
comme  coupables  de  sacrilège  ceux  qui  feraient  main  basse 
sur  les  sommes  destinées  au  temple. 

Il  est  vrai  qu'après  la  destruction  de  ce  temple  par 
Titus,  le  didrachme  (5)  que  tous  les  juifs  étaient  tenus,  en 


(1)  Voici  au  surplus  un  texte  caractéristique  admis  dans  le  Code 
de  Juslinien  (I,  9,  li).  Idem  (i.  e.  Honorius  et  Arcadius  AA.)  Phi- 
lippo  pp.  Nullus  tamquam  ludaeus,  cum  sit  innocens,  obteratur  nec 
expositum  cum  ad  contumeliain  religio  qualiscumque  perficial;  non 
passim  eorum  synagogae  vel  habilacula  concrcmcnlur  vcl  perperam 
sine  ulla  ratione  laedantur,  cum  alioquin,  etiam  si  sit  aliquis  scele- 
ribus  implicilus,  idcirco  tamen  iudiciorum  vigor  iiirisque  publici 
tutela  vidcatur  in  medio  constiluta,  ne  quisquam  sibi  ipse  pcrraittere 
valeat  ultionem.  Sed  ut  hoc  ludacorum  personis  volumus  esse  provi- 
sum,  ita  illud  quoque  monendum  esse  censemus,  ne  ludaei  forsitaa 
insolcscant  clatique  sui  securitate,  etc. 

(2)  Hist.  ecdes.,  VI,  12,  i. 

(3j  Joseph.,  Bell,  Jud.,  VII,  6,  6  :  cpo'pov  oh  loiç  ôttouot^ttote  oijjiv 
'louoalot;  i-Ké'^aXz  Suô  opa^;j.àç  sxaa-cov  XEXeûo'a;  àvà  Tiav  exoç  ek  TÔ 
KaTuixtiXiov  tpÉpEtrOat,  touTTEp  Trpdxspov  tiç  tov  ev  'l£po(7oXû[i.ot;  vewv 
auvETsXouv.  Dion  Cassius,  LXVI,  7  :  tip  KaTitTwXitjj  Ad. 


(3«  ) 
venu  de  leurs  lois,  d'envoyer  annuellement  à  Jérusalem, 
continua  à  leur  être  imposé  au  profit  de  Jupiter  Capitolin. 
Cette  mesure,  qui  contraignit  en  quelque  sorte  tous  les 
juifs  à  participer  indirectement  à  un  culte  païen,  aura 
dû  leur  paraître  extrêmement  blessante.  Mais,  après  la 
guerre  épouvantable  qui  se  termina  par  la  destruction  du 
temple  de  Jérusalem,  ils  ne  pouvaient  pas  songer  sérieu- 
sement à  faire  de  l'opposition.  Ils  tâchaient  cependant  de 
s'y  soustraire  de  toutes  les  façons,  moins  par  avarice  — 
car  l'impôt  était,  en  somme,  fort  léger  (1)  —  que  par 
scrupule  religieux.  Mais  Domitien,  pour  réduire  au  silence 
l'opposition  politique  qui  se  cachait  en  réalité  sous  le 
refus  de  payer  le  didrachme,  le  fit  percevoir  avec  une 
rigueur  inflexible.  Iiidaicus  fisciis,  dit  Suétone,  acerbissime 
actus  est  (2).  Il  est  vrai  que  le  payement  du  didrachme 
garantissait  aux  juifs  le  libre  exercice  de  leur  culte  ; 
vecligalis  /«terras,  dit  Tertullien  {ApoL,  18). 

Nerva,  sans  abolir  l'obligation  pour  les  juifs  de  payer 
le  didrachme,  enleva  à  cet  impôt  ce  qu'il  avait  d'odieux  au 
point  de  vue  religieux  :  il  le  fit,  en  effet,  verser  purement 
et  simplement  dans  le  fisc.  Cette  mesure  provoqua  une 


(1)  La  version  dos  Septante  donne  le  nom  de  otopa^[i.ov  an  aîxXo; 
des  Hébreux,  qui  était  une  monnaie  d'argent  pesant  environ 
14  grammes.  Mais  d'après  JosÈPHE,  Ant.  Jud.  III,  8,  2,  le  at'xXo; 
valait  4  drachmes  altiques.  Dans  V Évangile  de  saint  Matthieu,  17, 
24-27,  le  didrachme  est  la  moitié  du  aTa-LTjp,  qui  était,  lui  aussi, 
l'équivalent  de  4  drachmes, 

(2)  SuET.,  Domiet.,  12  :  «  Interfuisse  adolescentulum  cremini. 
quam  a  procuratorc,  frequentissimo  consilio,  inspiceretur  nonage- 
narius  sencx,  an  circumsectus  cssct.  » 

3"°*  SÉRIE,   TOME   XXYI.  25 


(  342  ) 
approbation  si  générale,  même  de  la  part  des  Romains, 
qu'on  frappa,  en  l'honneur  deNerva,  une  médaille  portant 
en  exergue  :  Fïsci  ludaici  calumnia  siiblata.  Et,  de  même 
que  jadis  on  garantissait  légalement  aux  juifs  l'envoi  au 
temple  de  Jérusalem  du  didrachme  annuel,  le  libre  exercice 
de  leur  culte  était  efficacement  protégé  par  la  loi.  Le 
célèbre  Calliste,  qui  plus  tard  devint  évêque,  se  permit, 
vers  la  fin  du  11^  siècle  (entre  189  et  199),  de  troubler,  à 
Rome,  une  cérémonie  religieuse  des  juifs.  Il  fut  dénoncé 
au  préfet  de  la  ville,  Fuscianus,  exilé  en  Sardaigne  et 
condamné  aux  carrières  (1). 

Ce  qui  prouve,  du  reste,  l'importance  du  culte  Israélite 
à  Rome,  c'est  que  de  nombreuses  inscriptions  nous  ont 
fourni  la  preuve  irrécusable  que  les  juifs  y  possédaient 
au  moins  sept,  peut-être  huit  synagogues.  D'ailleurs, 
le  nom  même  que  portaient  quelques-unes  de  ces  syna- 
gogues, dont  les  membres  s'appelaient  Auyou(7TT](7toi  et 
'Ayp'.TtTc/iinot,,  montre  bien  jusqu'à  quel  point  les  juifs  se 
sentaient  les  obligés  des  fondateurs  de  l'empire  romain  (2). 

Mais  les  Romains  n'accordèrent  pas  seulement  aux  juifs 
le  droit  de  pratiquer  leur  culte  comme  ils  l'entendaient. 
Ils  leur  attribuèrent  même  une  certaine  juridiction  en 
matière  civile,  et  les  jugements  prononcés,  dans  certaines 
conditions,  par  les  tribunaux  juifs  étaient  rendus  exécu- 
toires. Eorum  sententias  provinciarum  indices  exsequan- 
tur,  disent  les  empereurs  Arcadius  et  Honorius,  en  398 
après  Jésus-Christ,  ^«mgimwi  ex  sentenlia  cogniloris  arbilri 


{{)  UiPPOLYT.,  Philosoph.,  IX,  12. 
(2j  Voir  ScHÙRER,  l.  c,  p.  15. 


(345) 

faerinl  altribuli  (1).  Et  celte  disposition  se  trouve  encore 
reproduite  dans  le  Code  de  Justinien  (2). 

Les  faits  nombreux  que  je  viens  d'exposer,  en  me  basant 
principalement  sur  Jes  indications,  toujours  soigneusement 
contrôlées,  de  MM.  Mommsen  et  Schiirer,  démontrent, 
me  paraît-il,  jusqu'à  l'évidence  que,  loin  d'être  exclu  de 
la  tolérance  à  peu  près  générale  dont  le  gouvernement 
faisait  preuve  à  l'époque  impériale  envers  les  cultes  étran- 
gers, le  judaïsme,  bien  différent  en  cela  du  christianisme, 
jouissait,  dans  toute  l'étendue  de  l'empire  romain,  même 
dans  la  capitale,  de  privilèges  importants  et  nombreux. 

Et  cette  position  privilégiée  fut  garantie  aux  juifs  non 
seulement  à  l'époque  où  leur  pouvoir,  malgré  le  peu 
d'étendue  de  leur  territoire,  était  en  réalité  considérable 
et  exigeait  des  ménagements,  mais  même  plus  tard,  lorsque 
leur  nationalité  eut  été  anéantie  au  point  de  vue  politique. 

J'aurais  bien  encore  quelques  observations  à  présenter 
sur  la  lecture  de  iM.  Giron,  notamment  au  sujet  de  la 
religion  augustale.  Mais  j'ai  déjà  de  beaucoup  dépassé  les 
limites  qu'en  commençant  le  présent  travail  je  m'étais 
imposées. 

J'espère  que,  vu  l'importance  et  la  difficulté  de  la 
question  traitée  par  l'honorable  M.  Giron,  vu  également  la 
grande  et  légitime  autorité  qui  s'attache  aux  opinions  de 
notre  illustre  associé,  M.  Th.  Mommsen,  vous  m'excuserez, 
Messieurs,  d'être  entré  dans  de  si  longs  développements, 
en  vue  de  compléter  et  de  rectifier  en  quelques  points 
.l'étude,  d'ailleurs  si  intéressante  et  si  suggestive,  de  notre 
savant  confrère. 


(1)  Cod.Thcod.,  II,  I,  10. 

(2)  Cod.Just.,  I,  9,  8. 


(  54-4  ) 

Noie  additionnelle. 

A  l'appui  de  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  concernant  le 
crimen  maiestatis  comme  base  juridique  des  persécutions 
dirigées  contre  les  chrétiens,  je  crois  pouvoir  invoquer 
encore  un  texte  du  Code  de  Justinien  (I,  \%  2),  où  Hono- 
rius  et  Théodose  déclarent  (Constit.  de  l'an  409)  que  celui 
qui  fera  violence  aux  personnes  réfugiées  dans  les  églises 
catholiques,  sera  poursuivi  comme  coupable  du  crime  de 
lèse- majesté  {sciât  se  ad  crimen  maiestatis  esse  reti- 
riendum). 

Il  s'agit  évidemment  ici  d'un  crimen  laesae  religionis, 
ou  comme  on  disait  à  cette  époque,  même  dans  le  langage 
juridique,  d'un  sacrilegium;  or,  ce  sacrilège  est  considéré 
par  Honorius  et  Théodose  comme  tombant  sous  l'appli- 
cation de  la  loi  de  lèse-majesté. 


Drie   onuitgegeven    Werken  van  J.-B.    Houwaert;  door 
F.  Van  Veerdeghem  en  0.  Van  den  Daele. 

In  een  lofdicht  door  zekeren  I.  T.  P.,  achter  den  Gène- 
ralen  Loop  der  Werelt  geplaalst,  vindl  men  een  groot 
getal  van  Houwaerl's  werken,  hetzij  bij  name  of  bij  toe- 
speling,  hetzij  in  't  algemeen  aangegeven.  Daar  treft  men 
ook  0.  a.  de  volgende  regels  aan  : 

Oock  hebdy  gemaeckt  in  divcrsche  spatiën 

Met  hoopen  Consteli/cke  Spelen  van  Sinnen 

So  gheestelyck  aïs  weerlyck  met  goeder  fundatiën. 

Zinnespelen  «  met  hoopen  i),welke  warendie?Ongeveer 
drie  eeuwen  lang,  van  1621  tôt  1888,  dacht  men  er  iets 
van  te  weten  :  men  meende  iramers  dat  de  vier  stukken, 


,  3«  ) 

welke  den  Handel  der  Anioureusheyt  van  1621  uilmaken, 
lot  's  mans  tooneelvverken  behoorden,  Bij  nader  onderzoek 
éditer  bleek  dit  eene  misgreep  le  zijn  :  die  Handel  der 
Amoureusheyt  van  1621,  twee  en  twinlig  jaar  na  Hou- 
waerl's  afslerven  verschenen,  was  van  zijne  hand  niel. 
Zoo  bleef  er,  behalve  enkele  tafeispelen,  van  Houwaen's 
looneelpoëzie  vveinig  of  nielsmeer  over.  Doch  het  duiirde 
niel  lang,  of  men  geraakle  met  den  echlen  Handel  dir 
Amoreusheyt  van  1583  bekend,  bevallende  in  'sschrijvers 
eigen  woorden  «  dry  excellente,  constighe,  soetvioyende 
poelische  spelen  van  Sinnen,  van  Jupiter  en  Yo(l).  r> 

Doch  een  enkel  sluk  als  dit,  al  is  het  in  «  dry  boecken 
begrepen  »,  maakl  dan  loch  geen  a  hoopen  sinnespelen  » 
uit.  Men  mag  dus  veilig  veronderstellen  dat  veel  van 
Houwaen's  tooneelspelen  lot  dus  verre  heizij  in  den 
vreemde,  hetzij  hier  en  daar  in  ons  eigen  land  verscholen 
blijven.  In  den  vreemde,  daar  Raphaël  Houwaert,  's  mans 
zoon,  ons  mededeelt  dat  tijdens  de  vervolgingen  om  den 
geloove  de  schriften  van  zijn  vader  in  eene  ton  aan  bloed- 
verwanten  te  Keulen  gezonden  werden  en  aldaar  te  zoek 
raakten  (2);  in  ons  eigen  land,  daar  een  loeval  ons  drie  van 
Houwaen's  werken  in  een  handschrift  deed  ontdekken, 
waar  men  zulks  weinig  mocht  vermoeden  ol'  verwachten. 

Immers,  onder  het  lezen  van  onuitgegeven  slukken, 
welke  lot  het  répertoire  der  Hasselische  rederijkerskamer 
De  Roode  Pioos  behoorden,  iroffen  wij  onverwachts  twee 
zinnespelen  en  een  dialoog  aan,  welke  ook  tôt  de  penne- 
vruchten  van  den  Brabantschen  rederijker  behooren.  Het 
handschrift  waarin  deze  werken  voorkoraen  is  dat  door 

[l]  Zic  Tijdschrift  v.  Ned.  Taal  en  Letl.,  1888,  5<  afl.,  en  181)5, 
5"  afl.,  bl.  202  vigg. 

(2)   Bibliophile  belge,  1868,  p.  29. 


(  546  ) 
M.  H.  van  Neuss  in  het  Bulletin  de  la  section  littéraire 
de  la  société  des  Mélophiles  de  Hasselt  (1866,  3*  vol. 
p.  85  sqq.)  vermeld;  zij  beslaan  er  ongeveer  129  blad- 
zijden,  van  242^  loi  507^ 

Deze  Iwee  slukken,  Een  Tragédie  van  der  Orloghen 
on  Die  Comédie  van  den  Petjs  en  de  Dialoog  «  Virtutem 
dilige  »  werden,  volgens  eene  aanteekening  in  bel  bs.,  ter 
gelegenbeid  der  plecbtige  inlrede  van  Alberlus  en 
Isabella  den  d***^"  Seplember  1599  «  publijckelijck  ver- 
thoonl  ende  gbespell  op  de  groole  merckl  der  Princelycker 
sladt  Bruîïsele.  »  Of  zij  in  helzelfde  jaar  gescbreven 
werden,  belwijfelen  wij  len  zeerste  daar,  volgens  algemeen 
gevoelen,  Houwaerl  reeds  den  11"  Maarl  van  dal  jaar 
gestorven  was. 

Wij  denken  dal  zij  vroeger,  wellicbl  eenige  jaren 
vroeger,  misschien  vôôr  1596  (1)  opgesleld  waren  en  bij 
deze  gelegenbeid  slecbls  gebruikt  werden.  Het  zijn  trou- 
wens  slukken  van  zoo  algemeenen  aard  dal  men  ze,  zooals 
eene  nota  luidl,  zou  «  mogben  gbebruycken  op  een  blyde 
Incompst  van  eenigben  Prince  des  landls,  midis  tselve 
wat  veranderende.  »  Dal  men  bij  de  feeslelijkheden  van 
5  Seplember  1599,  werken  uilkoos  van  Houwaerl,  die  de 
bh'jde  inkomsten  le  Brussol  van  Willem  van  Oranje  en 
Aartsberlog  Matthias  geregeid,  de  aankomst  van  Parma 
in  1585  bezongen,  en  nog  in  1595  op  die  van  Ernst 
van  Ooslenrijk  geraoraliseerd  had,  kan  en  zal  niemand 
bevreemden. 

Volgaarne  badden  wij  nocbtans  bel  feit  bij  eenen 
gescbied-of  kroniekscbrijver  aangeslipl  gevonden.  Docb  in 
de  werken  en  scbriflen,  welke  ons  bij  eene  vrij  iangdurige 

(1)  Indien  De  Pottre  's  aanteekening  voor  1596  er  op  toepasse- 
lijk  is. 


(  347  ) 
onderzoeking  onder  de  oogen  kwamen,  troffen  vvij  siechis 
algemeene  en  vage  wenken  aan.  Zoo  zegl  b.  v.  Bochius  : 
«  Comicae  aeliones  publiée  suiit  habilae,  lemporis  curri- 
culum  cl  Principum  encomia  eleganler  célébrantes.  Car- 
mina  eliam  composila  sunl  plurima...  (1).  »  In  de  Brus- 
selsche Eertriiimphen  vindtmen  nagenoeg  helzelfde:  a  En 
men  heefi  verscheyde  Thooneelspelen  uylghevoerl,  daer 
men  de  gheslellenisse  van  den  tydl  en  den  lof  van  den 
Prince  en  Princesse  seer  aerdigh  toi  vermaeck  van  aile  de 
toesienders  heefl  weten  voor  le  slellen  (2).  »  Stipler,  doch 
ook  nog  niet  afdoend,  is  de  aanteekening  in  Jan  de 
Poltre's  dagboek  ;  «  Item,  V^^*"  Septembre  a°  XV^  XCIX, 
op  eenen  sondach,  quam  onsen  hertoghe  Alberlus  met  siju 
buysvrou  l'Infante  \vt  Spaennen  ende  hy  dede  sijn  entrée 
met  sijn  huysvrou  hier  te  Bruxsel  seer  treonfant...  ende 
men  spelde  voer  'l  stadhuys  het  spel  van  sinnen,  ende  oock 
batementen  drye  daghen  lanck  duerende  (3).  »  De  vier 
woorden  zijn  in  bel  bs.  niet  cursief  gescbreven;  of 
De  Pottre  daarmede  bedoelde  bel  door  iedereen  alsdan 
gekende  zinnespel,  of  wel  bel  bij  zulke  gelegenheid 
gebruikelijke  zinnespel,  hebben  wij  niet  kunnen  uitraaken. 
Aanmerking  verdient  het  echter ,  dat  De  Pottre  reeds  den 
H°  Februari  1596,  bij  Alberlus'  korasl  le  Brussel  als 
gouverneur,  nagenoeg  helzelfde  aanteekende  :  a  ende  men 
spelde  op  de  meert  bel  spel  van  sinne,  » 

Omirent  de  aulhenticiteit  der  drie  werken  kan  evenwel 
0.  i.  geen  twijfel  bestaan.  Wat  keus  en  behandeling  der 
stof,  stijl,  taal  en  woordvoorraad  betreft,  komen  zij  gansch 

(I)  flist.  narr.  prof,  et  inaug.  sercnissinioruin  Principum    Jlberti 
et  Isahellae,  p.  1  \  i). 
^2)  Bl.  56. 
(3)    Vlaamsche  Bibliophilen,  5«  série,  n''  S,  bl.  197. 


(  us  ) 

overeen  met  Houwaert's  Jupiter  en  Yo  en  vvat  wij  verder 
van  hem  gelezen  hebben.  Overigens,  aan  het  slot  van  de 
beurtspraak  en  van  de  Comédie  van  den  Peys  hebben  wij 
niet  alleen  Houwaerl's  zinspreuk,  maar  ook  de  uildruk- 
kehjke  verkiaring  «  ghecomponeert  lot  Brussele  door 
S""  Johan  Baplisla  Hauwaert  »  (sic).  Achter  de  Tragédie 
van  der  Orloghen  koml  deze  melding  niet  voor;  doch  zij 
was  er  overbodig.  De  aanleekening,  die  in  het  hs,  de  drie 
werken  vooral'gaat,  noeml  in  één  adem  de  Tragédie  van 
der  Orloghen  en  de  Comédie  van  den  Peys  en  deze  sluk- 
ken  vormen,  als  het  ware,  siechts  een  enkel  stuk  met 
dezelfde  hoofdpersonages;  de  comédie  is  niets  anders  dan 
een  vervolg  of,  zoo  men  wil,  een  tegenhanger  van  de 
tragédie  :  toonl  dit  sliik  ons  hoe  Meesl  al  de  Werelt.  in 
ellende  zinkl,  geen  leert  ons  hoe  hij  er  weer  uit  oprijst. 
Dan,  oni  aile  bedenking  te  voorkomen,  zij  er  nog  op 
gewezen  dat  Mercurius,  in  de  Praefalie,  Philosophas,  met 
andere  woorden  den  schrijver,  Houvvaert,  beveell  Iwee 
stukken  op  te  stellen  : 

Soe  verhaelt  in  twee  spelen  van  sinncn  poelelycken 
Hoe  dorloghc  den  ghemeyncn  orboor  doet  declineren. 
En  hoe  den  proffytclycken  peys  doet  prospereren 
De  steden,  de  landen  en  de  republyckcn. 

Aan  het  slot  der  Praefalie  komt  hij  er  nogmaais  op 
terug  : 

Wilt  ter  eeren  van  syn  hoocheyt  poetelyck  uwten 
Den  last  der  orloghen  en  wilt  niet  helcn 
Den  orboor  van  peys  in  u  sinspelen. 

Ook  de  epiloog  der  Tragédie  wordt  met  de  twee  vol- 
gende  verzen  besloten  : 

Dit  hebdy  al  ghehoort  in  onse  tragoedic; 

Morghen  sulien  wy  van  den  peys  spelen  een  soete  comédie. 


(  349  ) 

Eindelijk  vangl  de  proloog  van  bedoelde  Comoedie  aan 
als  voigt  : 

Gcdts  vrinden,  die  ons  comoedie  compt  acnscliouwen, 

Ghy  hebt  wcl  onlhouwen  tgeen  dat  wy  gisteren  spelden, 

Hoe  Mcest  Al  de  Werelt... 

Nu  sullen  wy  u,  gliy  notabcl  persoonen, 

Speelwys  bethoonen  hoe  Meest  Al  de  Werelt,  door  de  roede 

Van  tribulatie,  hem  niet  can  vcrschooncn  (1). 


H)  Sinds  het  voorafgaande  geschreven  werd,  heb  ik  te  Londen  de 
gedichten  afgeschreven  wclkc  J.-B.  Houvvaert  iii  15S5  voltooide  en 
aan  den  Hertog  van  Parma,  bij  zijne  intrcde  te  Brussel,  opdroeg. 
Zij  bevinden  zich  sedert  1723  in  Eiigeland  en  berusten  thans  in 
handschrift  in  het  British  Muséum.  Hier  en  daar  heb  ik  in  die 
gedichten  verzen  aan  getroffen  welke  van  zekcr  belang  zijn  voor  de 
authenticitcit  van  de  Tragédie  van  der  Orloçjfien  en  de  Comédie  van 
den  Peys.  Immers,  om  noch  van  taal,  noch  van  vvoordenkeus,  noch 
van  leenspreuken  te  gewagen,  is  daar  ook  sprake  van  Mars,  Satur- 
nus,  Discordia,  Invidia,  enz.,  die  de  Belgische  landouwen  teisteren 
en  in  den  lempel  van  Janus  opgeslotcn  of  cr  uit  onstlagen  worden. 
Men  mag  er  veilig  uit  opmaken  dat  Houwaert  reeds  in  1585  beide 
zijne  stukken  afgemaakt  had  of  ten  niinste  aan  zulk  een  onderwerp 
dacht.  Stellig  is  het  dat  zoo  iels  hem  voor  den  gcest  zweefde,  wan- 
neer  hij  verzen  schreef  als  de  volgende  : 

Fol.  H  r"    Met  dat  ick  dit  spiack,  is  Fortune  gheIooi)eii 

Naer  Jani  tempel,  daer  sy  heeft  ghevouden 

Martem  en  Discordiam,  om  te  onicnoopen 

De  slricken  daer  sy  met  waeren  gliebonden 
«  0  Mars  en  Discordia,  was  haer  vermonden, 
w  Heipt  my  gheweldelyck,  sonder  vertlouwen, 
»  Veriaghen,  veidruckeu,  vermoorden,  doorwonden 
»  D'ondersaten  van  Belgica,  soo  wel  mans  al  vrouwen  ; 
»  Wilt  verderven  en  vervvoesten  al  haer  landouwen; 
»  Onsteckt  den  brant  dat  mens  niet  en  can  uylgieten; 
»  Ick  sal  daerentusschen  Brussel  toeschieien.  » 


(  350  ) 
Hoe  Houwaerl's  drie  werken  naar  Hassell  overkwamen? 


Fol.  H  v°    Hierentusschen  heeft  Mars  eu  Discordia  tlant  1|  groot 
Soo  wel  sieden,  dorpen  als  playsante  palleysen 
Tôt  in  den  calen  gront  glieruineert  en  verbrant  ||  bloot, 
Doende  meer  vreetheyt  dan  men  can  segghen  oft  peysen  : 
Het  desolaet  volck  en  wist  waer  loopen  oft  deyseu; 
Daer  storvender  meuich  duysent  door  tbenouwen, 
En  dvvclck  noch  oni  bien  was  bet  nieeste  vereysen, 
Saturnus  heeft  soo  gheschoten  en  gbebouwen 
Dat  met  doode  menschen  de  phitte  landouwcn 
Met  wegben  en  stralen  waren  gbemest  en  bedeckt. 
En  de  rivieren  waren  van  den  bloede  bevleckt. 

Fol.  55  r»    Wilden  ons  naerburen  wel  considëreren  de  saken, , 
Hoe  Mars  en  Discordia  tlant  bederven, 
En  hoe  dorloghe  tvolck  arm  en  bystier  can  inaken 
En  ons  berooven  van  eere,  van  baven  en  erven, 
Sy  souwen,  als  Marcus  Regulus,  liever  sterven 
Dan  sy  darme,  onnosele  ondersaten 
(Naerdien  dat  sy  perdon  moghen  verwerven) 
Noch  langhe  in  ellende  souwen  laten; 
Sy  souden  Martem  en  Discordiam  haien 
En  met  ons  aile  sediiien  wederlegghen 
En  die  oorsake  van  twist  syn  adieu  met  ons  segghen. 

Fol.  55  v"   Orloff,  Saturnus,  die  vreedelyck  doorbort  ||  hebt 
Seer  vêle  herten  als  ecn  bloetghierich  tyrant! 
Orloff,  straffen  Mars,  die  veel  bloet  ghestort  ||  hebt 
En  seer  veel  palleysen,  dorpen  en  stoden  verbrant  ! 
Orloff,  Bellona,  die  met  ghewapeuder  haut 
Soo  veel  deerlycke  massacren  hebt  ghedaen  ! 
Orloff,  Discordia,  die  dit  voorspoedich  lant 
Teglien  haren  erffconinck  hebl  doen  opslaen  ! 
Orloff,  Invidia,  die  met  valsch  vermaen 
D'ondersaten  verweckt  hebt  tôt  haet  en  nyt  : 
Wy  nemen  aen  u  orloff  voor  nu  en  voor  altyt. 

Ook  de  jammeiklacht  van  Brussel  (fol.  iZ  vigg),  te  lang  om  hier 
mcdegedeeld  te  kunnen  worden,  gelijkt  volkonien  aan  die  van  Meest 
al  de  Werelt,  wanneer  hij  tôt  inkeer  komt  en  Concordia  aaaroept. 
Menig  ander  vers  zoo  ik  hier  iiog  lot  slaving  mijner  slelling  kunnen 
aanhalen;  doch  ik  denk  met  de  medegodcelde  vooralsnog  te  kunnen 
volstaan.  F.  Van  Veerdeghem. 


(  3S1  ) 

Bij  gebrek  aan  stellige  gegevens  is  het  onmogelijk 
de  vraag  beslist  le  beanlwoorden.  Wij  moeten  ons  dus 
loteene  gissing  bepalen. 

Den  50"  April  1614  deed  Ferdinandus  van  Beieren, 
Prins  Bisschop  van  Lnik,  zijne  blijde  inkomsl  te  Hasselt. 
De  Rederijkerskamer  dier  slad,  de  Roode  Roos,  met  de 
zinspreuk  Uitle  vercoelt,  moest  aan  de  plechligheid  deel 
nenien  en  werd  belasl  o.  a.  met  bel  uilvoeren  van  «  een 
spelende  prologhe  oft  salutatie  van  willecom  »  en  «  een 
esbalemenl  Jan  Draelî>,  dal  niet  bevvaard  gebleven  is.  In 
deze  omstandigbeid  wendde  zich  de  Kamer  lot  een  harer 
siadgenoolen,  Melcbior  Van  Daelbem,  deslijds  rector  van 
«  S'  Augustyns  schole  oft  coleginm  toi  Brussel  ».  Deze 
vervaardigde  «  métier  baeste  in  de  weeke  voer  Paeschen  » 
bedoelden  proloog,  welke  werkelijk  bij  's  bisscbops  inlrede 
gebruikl  werd,  en  sebonk  bem  aan  een  lid  der  Kamer, 
Wilhem  van  Heckleer  of  Wilbem  de  Heckleer,  die  het 
stuk  in  't  register  der  Kamer  neerscbrecf  (1).  Juisl  deze 
Wilhem  van  Heckleer  is  het  die,  in  bel  zelfde  register, 
de  drie  werken  van  Houwaerl  onmiddelijk  op  den  zoo 
even  genoemden  spelenden  proloog  liel  volgen, 

Mogelijk  is  bel  dal  Wilhem  van  Heckleer  zelf  reeds 
vroeger  Houwaerl's  werken  had  leereii  kennen  ;  docb  bel 
is  ook  mogelijk  dat  bij  er  siecbts  in  1614,  door  de 
insschenkomsl  van  Melcbior  van  Daelbem,  kennis  van 
kreeg.  Wat  Van  Daelbem  zelven  belreft,  dal  bij,  die 
overigens  een  liefhebber  en  beoefenaar  der  Nederlandscbe 
lelteren  was  en  als  rector  aan  bel  boofd  van  bel  Brusseiscbe 
Augustijner  Collège  stond,  dal  bij,  zeggen  wij,  met  de 
pennevruchlen    van    den    Brabantscben    rederijker  ver- 

(i)  Bulletin  des  Mélnphilcs,  I.SG6,  pp.  103  et  suivantes. 


(  352  ) 
irouwd  bekend  vvas,  zal  wel  eenieder  gansch  naluurlijk 
vooikomen. 

Hoe  ook  Heckleer  Houwaert's  werken  hebbe  leeren 
kennen,  men  mag  zich  afvragen  waarom  hij  ze  afschreof. 
Men  veroorlove  ons  dien  aangaande  eene  andere  gissing. 
Wij  meenen  le  mogeri  vermoeden  dal  zulks  geschiedde 
om  die  slukken  le  Hassell  bij  blijde  inkomslen  le 
gebruiken  en  zich  voortaan  niel  meer  in  de  moeilijkheid 
le  bevinden,  waarin  men  zich  in  1614  bij  de  inkomsl  van 
Ferdinandus  Bavarus  schijnl  bevonden  le  hebben.  Hou- 
waert's drie  werken  waren  immers,  zooals  wij  reeds 
zegden,  van  zoo  algemeenen  aard,  dal  men  met  enkele, 
lichle  wijzigingen,  van  persoonsnamen  b.  v.,  zich  er 
van  kon  bedienen  bij  welke  blijde  inkomsl  ook.  Dit  is 
overigens  in  bel  hs.  lot  Iweemaal  loe  aangeslipt,  voôr  de 
Praefalie  en  na  dieProloghe.  01'  nu  beide  deze  aanteeke- 
ningen  van  Heckleer  zijn,  ofwel,  of  zij  zich  reeds  in  bel 
origineei  bevonden,  welen  wij  naluurlijk  niel. 

Slond  er  ook  niel  uildrukkelijk  lot  Iweemaal  loe, 
achler  den  Dialoog  en  achler  de  Comédie,  in  bel  hs.  aan- 
geleekend  dat  deze  slukken  in  1615  afgeschreven  en  ge- 
speeld  werden,  wij  zouden  geneigd  zijn  le  veronderslellen 
dat  zulks  een  jaar  vroeger  geschiedde  met  bel  oog  op  de 
inlrede  van  Prins  Bisschop  Ferdinandus.  Waarom?  Een- 
voudig  wegens  de  baarblijkelijke  wijzigingen  welke  Hec- 
kleer hier  en  daar  aan  bel  origineei  loegebrachl  heelt.  Dus 
in  de  Praefalie  (bl.  244')  heel  bel  nog  : 

Tis  Albertus  die  van  Coninck  Philippe  is  gecoren; 

doch  wat  verder  (bl.  SiS""),  in  den  Proloog,  is  er  sprake 
van  Hassels  pleynen,  en  in  den  Dialoog  (bl,  502'  en  306') 
wordt  Ferdinandus  bij  name  genoemd;  Houwaerl  kan  zoo 


(  555  ) 
ic'ts  niet  gesclireven  hebben  en  de  verandering  zal  wel 
van  de  hand  van  Heckleer  zijn. 

Of  onze  kopiisl  zich  ook  andere  soorigelijke  vrijheden 
bij  het  afschrijven  veroorloofd  heefl,  bekennen  wij  niet  le 
weten.  Wij  denken  het  echter  niet  :  zooals  reeds  aange- 
slipt  werd,  gaven  de  slukken,  uit  hun  aard  zelven,  er  geen 
aanleiding  loe.  Ter  loops  zij  er  op  gewezen  dat  Heckleer 
in  het  lalijn  juist  niet  zeer  ervaren  schijnl  te  zijn;  de 
latijnsche  zinspreuken  zijn  bij  hera  vaak  verbroddeld  en 
de  latijnsche  eigennamen  soms  deerlijk  verminkt. 

Omtrent  den  man  hebben  wij  weinig  inlichtingen  kunnen 
inwinnen.  Hij  was  gedurende  eitelijke  jaren  lid,  zelfs 
bestuurlid  der  Roode  Roos.  In  de  rekeningen  der  Kamer, 
tusschen  1614  en  1627,  komt  zijn  naam  meermaals  voor; 
in  1614  staat  hij  er  als  voirder,  en  in  1622  en  1627  als 
capileijn  vernneld.  Wellicht  zullen  wij  laler,  bij  verdere 
onderzoeking  omirent  de  Hassellschc  Rederijkerskamer, 
Heckleer  naiivvkeuriger  leeren  kennen. 

Voorloopig  zien  wij  slechls  in  hem  een  afschrijver,  die 
zich  van  de  opgenomen  of  hem  loeverlrouwde  laak  met 
veel  haasl  en  weinig  zorg  kweet.  Dit  leert  ons  vooral  de 
spelling,  welke  zeer  onregelmatig  en  grillig  is  :  niet  alleen 
vindl  men  er  wisselvormen  aïs  Brussel  en  Brussele,  Mey 
en  May,  willecome  en  wîllecomme,  ghereet  en  gereet,  bren^ 
ghen  en  bringhen,  vaeren  en  varen,  liefste  en  lieffste,  peert 
en  peirt,  eewelyck  en  eeuwelyck,  seghenen  en  zegenen  en 
honderden  dergelijke,  maar  ook  andere  als  wie,  wye  en  wy, 
haeken,  haecken  en  haken,  oe,  oi  of  oy  voor  oo,  enz.,  enz. 
Alhoewel  Houwaert's  uilgegeven  werken  jnist  niet  door 
eenvormigheid  van  spelling  uilmunlen,  troffen  wij  er  ner- 
gens  zulke  verregaande  verwarring  aan.  Wij  j  denken  dus 
dat  de  schuld  er  van  groolendeels  aan  den  kopiisl  ligU 


(  3M  ) 
Ook  de  inlerpunclie  laat  schrikkelijk  te  wenschen  over; 
zij  beslaat  om  zoo  le  zeggen  niet,  behalve  het  bijzondere 
teeken  ]  of  \\  voor  zekere  rijrasoorten. 

Voor  de  metriek  achten  wij  Houwaert  nagenoeg  allecn 
veranlwoordelijk.  Doch  hieromlrent  valtweinig  merkwaar- 
digs  aan  le  slippen.  Behalve  een  zeker  gelai  slrophen  in 
den  irant  der  refereinenslrophen,  behalve  ook  het  aanwen- 
den  hier  en  daar  van  een  soorl  van  rondeel,  hebben  wij  in 
deze  werken  het  langere  of  korlere  rederijkersvers.  Dat 
veie  verzen  onregeirnalig,  zelfs  kreupel  zijn,  behoeft  geen 
beioog;  zulks  kan  echler  weeral  op  zekere  plaalsen  en  in 
zekere  mate  een  gevolg  zijn  van  de  slordigheid  van  den 
afschrijver.  Dal  Houwaert  een  meester  was  in  de  kunst- 
grepen  der  rijmkunst,  is  aigemeen  bekend  en  dat  men  in 
deze  werken  er  soms  staaitjes  van  vindl,  zooals  dubbel- 
rijmen,  binnenrijmen,  keltingrijmen,  ingetrokken  rijmen, 
enz.,  zal  niemand  bevreemden. 

Over  de  letterkundige  waarde  dezer  werken  zwijgen  wij 
liefsi;  overigens,  van  zuike  waarde  kan  hier  nauwelijks 
sprake  zijn.  Zij  behooren  lot  het  lijdperk  der  rederijkers 
en  boven  het  gewone,  lage  peil  der  produclen  dier  période 
verheffen  zij  zich  niet.  De  taal  is  alom  onlsierd  door  bas- 
taardwoorden  en  sloplappen  en  heide  de  stukken  iijden 
gebrek  aan  alwisseling  en  handeling;  komt  er  al  soms  een 
brokje  in  voor  dat  van  zekere  levendigheid  getuigt  of  uit 
het  iiart  gevloeid  is  (b.  v.  Lof  van  den  Peys,  bl.  SSO""  en 
280'),  zoo  iels  behoort  lot  de  zeldzaamheden;  gewoonlijk 
heeft  men  slechls,  behalve  waar  de  zinnekens  oplreden,  een 
aanhoudend  en  eentonig  ailegoriseeren  en  moraliseeren 
dat  de  belangslelling  sleeds  verzwakt.  Voeg  daar  nog  bij 
zekere  tirades  waar  de  schrijver  er  behagen  in  schept  met 
zijnè  belezenheid  le  pralen  en  eene  massa  eigennamen  uit 


(  3f)5  ) 
de  klassieke  fabelleer,  geschiedenis  en  lellerkunde  aan- 
haalt,  aïs  bij  bel  einde  der  Tragédie,  waar  Mars,  Saturnus 
en  Discordia  bun  «  exploiten  »  opsommen.Uit  dit  oogpunt 
beschouwdjkomt  deDialoog  ons  buitengemeen  zwak  voor  : 
deze  dialoog  bevat  weinig  meer  dan  een  langdradige  opeen- 
slapeiing  van  namen  van  personen  die  bel  pad  der  deugd 
getrouw  betraden  of  er  van  afdwaalden;  en,  indien  deze 
dialoog  ooit  werkelijk  bij  een  plechlige  inlrede  gebruikt 
werd,  bekiagen  wij  van  ganscher  barte  den  prins  en  al  wie 
bem  heeft  moeten  aanhooren. 

Ten  slolte,  daar  deze  stukken  ons  niel  zeer  geschikt 
scbijnen  om  uilgegeven  te  worden,  moge  eene  beknopte 
inboudsopgave  hier  welkom  wezen. 

I.  Tragoedie  van  der  Orloghen. 

1.  Praefatie  by  forme  van  dialoge.  Zestien  stropben, 
ieder  van  vijftien  versregels.  Personages  :  Pbilosophus, 
Mercurius. 

Philosopbus  bemerkt  aan  zekere  voorleekenen  dal  de 
oorlog  en  tweedracbt  bet  land  niet  langer  zullen  teisteren; 
er  zal  een  prins  komen  die  vrede  en  eendracbtigheid  zal 
doen  heerscben.  Wie  zal  deze  prins  zijn?  Mercurius  maakt 
bet  hem  bekend  :  bet  is  prins  Alberlus. 

Beschryft  zynen  willecom  naer  u  oude  zede 
En  doet  syn  goede  famé  tôt  de  wolcken  rysen 

vervoigt  bij,  en  voegt  er  dan  bij  : 

Omdat  hy  dorloghe  te  beter  sou  extirperen 

En  den  lofFelycken  peys  meer  advanceren, 

Soe  verhaelt  in  twee  spelen  van  sinnen  poetelycken 

Hoe  dorloghe  den  ghemeyncn  orboor  doet  declineren, 

En  doet  deselve  wercken  in  rlietorycken 
Tôt  synder  incompst  spelen  openbaerlyck... 


(  336  ) 
Philosophus  belooft  dit  en  de  dialoog  wordl  besloten 
met  eene  uilweiding  over  het  pad  der  deugd  en  dat  van 
«  swerelts  vreucht  »,  over  de  allegorische  beleekenis  van 
't  paard  Pegasus,  dat  bij  deze  beurtspraak  aanwezig  is,  en 
den  lof  van  Prins  Albertus. 

2.  Die  Prologhe.  Zes  strophen,  ieder  van  negen  vers- 
regels  :  bede  toi  den  Almachlige  voor  Prins  Albertus  en 
aankondiging  van  het  daarop  volgende  stuk  : 

Soc  sullcn  wy  nu  spcclwys  ghewagen 

Waer  doer  dat  dorloghe,  sterftc  en  dieren  tyt 

Procederen. 

3.  Dan  volgt  eindelijk  De  Tragoedie  van  der  Orloghen 
die,  met  den  proloog,  H 43  regels  lang  is  en  waar  achttien 
allegorische  personages,  waaronder  5  stomme,  in  optreden. 

De  Prince  der  Hoverdyen  leeft  in  voorspoed  en  weelde 
en  wil  zijne  vreugde  bij  middel  van  een  luisterrijk  feesl 
laten  blijken.  Hij  roept  Tylverlies,  een  a.  herault  »,  en 
beveelt  hem  alom  bekend  te  maken  dat  hij  de  droelheid  uit 
zijne  landen  gebannen  heeft  en  dat  raen  zich  le  zijnen 
paleize  moet  komen  verlustigen  : 

Ick  sal  doen  vieren,  lournoyen,  steken  en  breken 
En  aile  vreucht,  jolyt  en  solaes  doen  bedrijven. 

Dit  verneemt  Meest  al  de  Werelt  en  Tytverlies  kondigt 
hem  verder  aan  dat  hy  op  het  feest  door  Solaes  van 
Vrouwen,  de  prinses,  zal  onlhaald  worden.  Meest  a.  d.  W. 
weigerl  niet;  hij  ook  is  gelukkig  en  vroolijk,  want,  zegt  hij  : 

Myn  vruchten  syn  te  veldc  soe  wel  ghcraeckt 
Dat  men  myn  schuren  veel  mceider  maeckt, 
En  myn  wijnkelders  die  syn  veel  te  cleync; 
Myn  renten  ghejycken  een  lopende  fontyne  ; 
Sy  vallen  als  ick  slape,  nacht  en  dach; 
Dies  myn  geest  hem  wel  verheughen  mach. 


(  357  ) 
Hel  besluil  van  Meest  a.  d.  W.  wordt  goed  gekeurd 
door  zijne  Iwee  lijfknechlen  Planteyt  van  Goede,  die  onle- 
vreden  is  omdal  hij  thans  a  moet  ligghen  vermost  inl 
schryne  »,  en  Wellustich  Leven,  die  belooft  hem  sleeds 
gelrouw  hij  le  slaan.  Zij  raden  hem  : 

Als  ghij  by  den  wolven  syt 

Suit  gliy  met  den  wolven  huyicn  ; 

Alst  regent  schuyien  en  schudden  uwen  piet 

En  laeten  uwen  naesten  int  verdriet. 

Om  u  naar  harlelusl  le  vermaken  hebt  gij  ons  noodig, 
voegen  zij  er  bij;  anders  zijl  gij  als  een  dood  lichaam 
zonder  ziel  en  zalt  gij  aan  hel  Hof  van  Vreugden  «  niel 
een  woorl  in  'l  val  hebben  ».  Hun  woorden  en  beloflen 
zijn  echler  geveinsd,  wanl 

Planteyt  van  Goede  drijft  met  den  winde 
Soe  den  weerhaen  met  ailen  stormen  doet 

en  Wellustich  Leven  verkiaarl  zelf 

. . .  dat  den  tegenspoet  hem  overviele, 
Soe  sou  ick  hem  segenen  met  de  hiele. 

Meest  a.  d.  W.  gaat  zieh  nu  toi  hel  feest  voorbereiden 
en  daar  hij  van  een  zilveren  kleed  «  coslelyek  bepereil  » 
gewaagd  heeft,  vinden  zijne  knechlen  hem  irolsch  en 
hoovaardig  en  mompelen  achlerbaks  : 

Hy  weet  syn  hair  en  baert  te  crollen  ||  coen, 
Ghelyck  dees  ydel  tuyten  en  schollen  ||  doen  ; 
Desghelyck  soe  draecht  hy  oyek  langhe  craghen 
Om  dat  hy  die  dochters  bat  sou  behaghen. 

Meest  a.  d.  W.komt  prachlig  uilgedosl  terug;  zijne  lijf- 
knechlen raden  hem  nu  zich  aan  aile  genoegens  over  te 
geven  :  spel,  jacht,   tafel,   esbalemenlen  en  vrouwen. 

3°"    SÉRIE,   TOME    XXVI.  24 


(  3d8  ) 
Aardig  en  naïef  is  soms  de  opsomming  der  vreugden  die 
Meest  a.  d.  W.  wachten  : 

Wclluslich  Leven. 

En  ick  prijse  met  waler  van  roosemaryne 
En  van  damast  myn  lieff  le  besprayen... 

Planteyt  van  Gocde. 

En  ick  prijse  dit  water  met  groote  plasschen 

In  den  bocsem  te  gieten  en  die  borstkens  te  wasschen, 

Die  men  dan  met  themdeken  mach  afdroeglien. 

Welluslich  Leven. 

Ick  prijse  het  stralen  van  den  soeten  ooghen 
Als  sy  de  Iieffi>te  wincken  te  beddeweirt... 

Zij  trekken  nu  allen  te  zamen  naar  het  hof  van  den 
Prince  der  Hoverdyen;  deze  zal  de  vriend  van  Meest 
a.  d.  W.  worden,  indien  hij  de  ondeugden  boven  de 
deugden  wil  verkiezen  ;  Meest  a.  d.  W.  belooft  het  dan  ook 
met  deze  woorden  :  a  ick  en  salder  niel  op  slapen  ».  De 
Prince,  Solaes  van  Vrouwen  en  Meest  a.  d.  W.  laten  zich 
0.  a.  den  zoeten  drank  welgevallen;  daarna  verkiaart 
Meest  a.  d.  W.  aan  Solaes  v.  V.  dat  hij  haar  beminl  en  zij 
zelve  antwoordt  dat  zij  hem  ook  iief  heeft. 

Goddelycke  Waerscfioiiwen  die  nu  te  on  pas  met  de 
Vreese  des  Heeren  oplreedt  en  aan  't  zedenpreeken  valt, 
wordt  siecht  onlhaald  en  weggejaagd.  Solaes  v.  V.  gunt 
Meest  a.  d.  W.  hare  liefde  en  deze  gaat  zich  a  in  momme- 
rye  bereyen  »,  terwiji  Solaes  v.  V.  haren  echtgenoot  te 
bed  brengl  om  met  haren  minnaar  op  het  nachtfeest  voile 
vrijheid  te  genielen  en  te  kunnen 

...  danscn,  sonder  langher  berayen, 
Tôt  dat  wij  thaenken  hooren  crayen. 


(  359  ) 

Doch  Invidia  koml  hel  spel  verbrodden;  zij  kan  niel 
langer  dulden  dal  3l€est  a.  d.  W. 

...  is  vermoyt  van  spelen,  cussen  en  lecken; 

zij  verwilligl  den  Prince  der  Hoterdyen,  die  in  woedeont- 
sleekt,  zweert  zich  le  wreken  en  met  behulp  van  Dis- 
cordia,  Mm^s^Salurnus  en  de  heische  goden  den  schrikke- 
lijken  Oorlog  op  hel  land  loslaal. 

Niemand,  beweren  Discordia,  Mars  en  Salurnus,  zal 
den  akeligen  brand  kunnen  blusschen,  dien  wij  zullen 
aansleken,  niemand  de  rampen  onlwijken,  die  wij  zullen 
verwekken.  En  nu  volgl  een  lafereel  van  de  onheilen  door 
den  oorlog  gesiichl  :  a  dorpen  verbranden,  casleelen 
breken,  vrouwen  schoffieren,  maechden  vercrachlen  », enz., 
beslolen  met  : 

Laet  ons  gaen  storten  soe  veel  menschen  bloet 

Dat  wij  die  rivieren  daermede  beviecken; 

Laet  ons  die  ackers  met  doode  lichaemen  bedecken. 

Vooraleer  daarloe  over  te  gaan  bewijsl  nog  Discordia, 
door  langdradige  aanhalingen  uil  de  geschiedenis  der  oud- 
heid,  wal  al  onheilen  zij  in  slaat  is  te  stichten;  Mars 
beweert  dat  dit  ailes  niels  beduidt  in  vergelijking  met  de 
gruwelen  waarvan  hij  de  oorzaak  kan  zijn,  en  Satiinivs 
geeft  er  zijn  woord  voor,  dal  hij  nooit  ten  achteren  bleef 
en  ook  niet  zal  blijven.  Niemand  zal  dus  heldrietal  in  den 
oorlog  overlreffen  en  zij  verlrekken  met  den  kreet  : 

Slaet  doot,  slaet  doot 
Dorloghe  is  den  wolif  diet  al  versiint. 

4.  De  Epilogus  ofl  Conclusie  beval  siechts  een  beknopl 
overzichl  van  het  stuk  met  dit  besluit  : 

Dit  hebdy  al  ghehoort  in  onse  tragoedie; 

Morghen  sullen  wij  van  den  Peys  spelen  een  soete  comoedie. 


(  560  ) 


lï.  Die  Comédie  van  den  Peys. 

1.  De  Prologe.  Zes  strophen  ieder  van  negen  vers- 
regels;  bevat  nagenoeg  niets  anders  dan  den  beknopten 
inhoud  der  voorafgaande  tragédie  en  der  volgende 
comédie. 

2.  Die  Comédie.  Hel  stuk  is  H08  regels  lang  en  teit 
26  personages,  waarvan  8  stomme. 

Meest  a.  d.  \V.  acht  zich  met  Solaes  v.  V.  voikomen 
gelukkig  : 

Als  ick  noch  peyse  om  haeren  lieffelycken  mont... 
Soe  ist  dat  mijn  jonstich  herte  soe  verheucht, 
Dat  my  dunckt  dat  vliecht  tôt  in  de  locht... 

Hij  wenscht  eeuwig  bij  haar  le  mogen  blijven,  doch 
levens  vreest  hij  door  zijn  «  vryen  »  de  gramschap  van 
den  Prince  der  Hoverdyen  gaande  le  maken.  Geen  kom- 
nier,  zegl  Wellustich  Leven;  valt  hij  u  aan,  gij  kunl  hem 
zegevierend  beslrijden;  wij  zulien  u  trouw  1er  zijde  slaan. 

Nu  verschijnl  de  Prince  des  Vredes  om  Meest  a.  d.  W. 
onmeedoogend  voor  zijn  zonden  le  kaslijden.  Gods  Recht- 
vaerdicheyt  onlvangt  van  hem  hel  bevel  Meest  a.  d.  W.  loi 
den  dood  loe  le  luchligen.  Teghenspoet  koml  hem  eersl 
«  beswaeren  »;  'l  is,  zegl  hij, 

Tis  bloedighe  orloghe  in  al  het  lant 
Tpalleys  van  Vreuchden  staet  in  den  brant. 

Alom  Iwisl  en  Iweedacht,  slrijd,  «c  dieren  lyt  en  pesli- 
lenlie  ».  Zoodra  zij  dit  vernemen,  verlalen  de  zinnekens, 
Wellustich  Leven  en  Planteyt  van  Goede,  hunnen  meesler; 
zij  «  seghenen  hem  met  de  hiele  »,  en  verschijnen  niel 
meer. 


(  ^«l  ) 

Dan  worden  wij  naar  den  krijgsraad  van  Mars,  Saturnus 
en  Discordia  verplaalst;  deze  verhalen  wal  onheilen  zij 
geslicht  heliben.  Meest  a.  d.  VF.  vverd  niet  alleen  van 
Solaes  V.  V.,  raaar  ook  van  al  zijn  goed  beroofd;  dan 

Die  ghehuchten  en  dorpen  stacn  noch  in  brandcn... 

De  rivieren  syn  met  bloede  bevleckt... 

De  velden  ligghen  met  doode  lichacmen  bedeckt... 

Discordia. 
Wij  hcbbcn  ghespijst  de  raven  en  de  honden. 

Saturnus. 
Wij  hebben  het  lant  met  menschenvieesch  gemest... 

Mars. 

Wij  hebben  de  landen  soe  met  bloede  begoten 
Dat  daer  halfbegraven  ghcremptcn  ghenoech 
Worden  op  ghehaelt  met  den  cromraen  ploech. 

Discordia. 

Wij  hebben,  door  ons  vremde  explooten, 
De  vruchtbaer  velden  soe  willen  bloolen 
Dat  sy  gheheel  caluwe  syn  geschoren. 

Hier  dus  weeral,  zooals  in  den  a  Orloghe  p  een  uil- 
voerig  tafereel  van  de  gruwelen  en  rampzalige  gevoigen 
des  oorlogs  ;  bel  heerschen  van  woeste  kracht  en  barsch 
geweld,  de  opbeffing  van  aile  rechlsmachl,  het  verdwijnen 
van  riist  en  medelijden  worden  niet  onaardig,  zelfs  met 
zekere  kunst,  geschetst.  Laat  ons,  besluit  Mars, 

In  tvclt  van  onrusten  ons  Iriumphe  en  feeste 

Gaen  houwen,  eer  wy  meer  vreetheyt  bcghinnen  ||  fel  : 

Diet  niet  gherockt  en  hebben,  raochtent  affspinnen  ||  wel. 


(  362  ) 

Doch  Meesl  a.  d.  W.  is  inmiddels  Ireurig  en  neersiachtig 
gevvorden  :  Solaes  v.  V.  heeft  hem  immers  «  quyt  ghe- 
maeckt  al  syn  juweelen  ».  Over  zijne  twee  ondankbare 
bedienden,  die  hem  in  den  legenspoed  verlielen,  klaagt 
hij  ook.  Weldra  gevoelt  hij  berouw  en  begint  God  te  aan- 
bidden. 

Goddelycke  Waerschoiiwen  en  de  Vreese  des  Heeren 
komen  hem  eene  preek  loedienen  :  zijn  zondig  gedrag  is 
de  oorzaak  van  al  zijne  ongelukken;  hij  heeft  slraf  ver- 
diend;  hij  mag  klagen,  zuchten  en,  beven,  maar  hij  moet 
het  zich  zelven  wijten  en  niemand  anders. 

Ghemeyn  Oralie  zal  hetn  echter  raad  geven,  alhoewel 
zij  beweert  dal  het  belreurensvvaardig  is,  dai  hij  zoo  lang; 

Gevroet  heeft  int  walghelyck  slyck  der  sonden. 

Hij  moet  zich  naar  de  «  Cappelle  van  Gratie  »  begeven; 
daar  woont  een  a  heremyt  »,  Affstant  van  Sonden  gehee- 
len;  slechls  wanneer  hij  er  «  tpack  van  sonden  »  gelaten 
heeft,  waarmede  hij  beladen  is,  belooft  raen  hem  den 
«  Vrede  »  le  gunnen,  dien  Peys,  waarvan  Ghemeyn  Oratie 
een  roerend  en  treffend  tafereel  schetst,  le  lang  echter 
om  hier  opgenomen  le  worden.  Ghemeyn  Oratie  smeekt 
nu  Gods  vergiffenis  af  in  een  referein  van  4  strophen, 
ieder  van  14  versregels.  De  Prince  des  Vredes  aanhoort 
dit  ootraoedig  gebed  en  belooft  het  zwaard  der  wraak  te 
zidien  neerleggen  en  Meest  a.  d.  W.  uit  ellende  en  nood 
te  verlossen.  Te  dien  einde  laat  hij  Concordia  roepen  en 
beveelt  haar  met  den  groenen  olijflak  naar  de  Nederlan- 
den  le  vliegen  en  er  den  Vrede,  bij  middel  van  een 
a  ghenadich  placaet  »  af  te  kondigen.  Concordia  wordt 
met  dankbetuigingen  overladen,  die  in  den  raond  van 


(563  ) 

Meest  a.  d.  W.  en  Ghemeyn  Oratie  min  of  raeer  als 
eene  lilanie  klinken  :  a  0,  iroost  der  gliemeynte!  — 
0  chirael  der  eerden!  —  0  iresoor  der  Werelt!  —  0 
boele  van  rouwe!  —  0  doorluchtighe  vrouvve!  —  0  moeder 
van  voorspoel!  —  0  byslandighe  troinve  !  —  0  palleys  van 
rusten!  —  0  bloerae  van  weerden!  —  enz.  » 

Het  «  placael  »  wordl  den  Heeren  van  den  Raad  voor- 
gelezen  en  verder  wordt  hun  voorgehouden  dat  zij  moelen 

leghelyck  goet,  cort  recht  doen  en  justitie 

Sonder  aenschou  te  nemen  op  de  persoonen, 

En  sonder  gaven  tonlfangen  van  ducaten  oft  croonen. 

U  eyghen  bâte  suit  ghy,  als  Calo,  altyt 

Achter  rugghe  stellen  en  soecken  tghemeyn  proffyt. 

Doch  Mars,  Saturnus  en  Discordia  houden  zich  niet 
voor  overwonnen;  eene  laalsle  poging  zullen  zij  nog  wagen 
om  de  bovenhand  te  behouden,  want  zij  vreezen  door 
Peys  gebannen  te  vvorden.  Mars  klaagt  : 

Van  imborslighe  quaetheyt  ist  dat  ick  verstick,  oyek 
Om  dat  ick  wapenen,  tamboeren  en  trompetten 
Teghen  niynen  danck  in  den  hoeck  raoeten  (sic)  setten, 
Soe  dat  zy  van  troist  en  spinnecoppen  sullen  vervuylen; 
Wy  sullen  moeten  snachs  vlieghen  melten  uylen... 

Zij  gaan  aan  Plulo  hun  ongeval  verhalen  en  hem  raad- 
piegen;  want  Discordia  o.  a.  kan  niet  verkroppen  dat  zij 
verjaagd  en  versmaad  is  en  a  niet  meer  gheacht  een 
stroo  J).  Pluto  schenkt  hun  nieuwe  wapenen;  aan  Dis- 
cordia geeft  iiij  a  Iwater  van  tribuialien  »,  Mars  bekoml 
een  vreeselijk  zwaard,  dat  a  met  Cerberi  specksel  ghefe- 
nynt  »  is,  en  Saturnus  een  helsche  slang.  Aldus  gewapend 
pogen  zij  den  strijd  te  hervatten  ;  doch  't  is  vergeefs,  daar 
zij  reeds  door  Concordia  veroordeeld  zijn  om  in  den  tempel 


(  364  ) 
van  Janus  opgeslolen  te  worden.  Âls  zij  op  het  puni  slaan 
hel  slot  der  Deugden  nogmaals  le  bestormen,  koml  een 
«  Schouleten  »  ze  gevangen  nemen.  <r  Mynen  arm  heeft 
de  cramp  »,  bekent  Mars  met  spijl;  a  twaler  van  tribulalie 
is  daer  al  gheslort  »,  zegt  Discordia,  en  Saliirnus  heeft 
zijne  slang  lalen  wegsluipen  : 

Het  helsch  serpent,  dat  is  my  daer  ontvioeghen. 

Aile  drie  worden  dus  in  hechlenis  genomen,  «i  met  dry- 
dobbel  diamant  ketenen  »  gebonden  en  naar  den  tempe! 
van  Janus  gebracht.  Het  stuk  is  ten  einde. 

3.  Epilogus  oft  Conclusie.  Korte  opsoraming  van  al  wal 
in  de  comédie  uiteengezet  werd,  eindigende  met  deze 
aanwakkering  : 

Dus  maeckt  dat  gby  in  den  wyngaert  des  Heeren  arbeyt, 

En  hier  wercken  doet  van  charilate  : 

Dat  bidt  u  die  voer  divyse  schryfft  :  Houdt  Middelmate. 

111.    DlALOGE    :    ViRTUTEM    DILIGE. 

De  diaioog  is  407  regels  lang;  de  personages  zijn  :  de 
Deucht,  Conslantia,  Aduiatie  en  Calumnie. 

Hier  hebben  wij  eerst  in  een  referein  den  lof  der 
Deugd  door  haar  zelve  verkondigd;  doch  Constantia 
beweert  dat  de  Deugd  alleen  niet  voldoende  is:  Conslantia 
(volharden)  moet  er  mede  gepaard  gaan  : 

Ghelyck  liet  sochte  water  can  mineren 

En  de  herde  stecnen  doorvallen  raetter  tijt, 

Soc  moet  hij  in  deuchden  volheerden,  die  daervan  proffyl 

Wilt  ghenieten... 

De  Deugd  stemt  hiermede  in  en  beiden  besluilen  zicli 
ten  hove  le  begeven,  waar  een   Prins  aangekomen  is. 


(  3t)5  ) 
Onderwege  onlmoelen  zij  Adulalie  en  Calumnie,  die  biller 
klagen  omdal  zij  uit  het  hof  weggejaagd  zijn.  De  Deugd 
en  Conslantia  bevveren  dat  zulks  naar  rechl  en  rede 
geschiedt  en  bewijzen  met  lai  van  voorbeelden  uit  de 
geschiedenis,  vooral  uit  die  der  oudbeid,  wat  al  onheilen 
Adulatie  en  Calumnie  gesliclit  en  hoeveel  vorsten  zij  in 
't  verderf  geslorl  hebben.  Eerst  wordt  Adulalie  over  den 
hekel  gehaald  :  «  daer  is  gheen  sehadeiycker  peste  dan 
pluymslryckers,  » 

Want  sy  verlaten  haer  meesters  in  den  teghenspoet 
Giielyck  de  swaluwe  haeren  nest  des  winters  doet. 

Dan  is  het  de  beurt  aan  Calumnie,  wier  woorden 

Syn  secrète  wonden,  dootsiaghen  en  moorden. 

Beide  ondeugden  antwoorden  kort  en  bondig  en  ver- 
wijderen  zich;  vvaarop  de  Deugd  en  Conslantia  ten  hove 
trekken  om  er  den  Prins  getrouvv  bij  le  slaan,  na  ons  bij 
wijze  van  afscheidsgroel  toegeroepen  le  hebben  : 

Hier  met  uwen  orloff  en  Houdl  Middelmate. 


De  lijst  van  Houvvaert's  werken  is  dus  met  drie  titels 
verrijkt.  Of  's  mans  lelterkundige  faam  er  veel  bij  zal 
winnen?  Wij  betwijfelen  het.  Is  het  niet  betreurens- 
waardig  dat  bij  het  aanbreken  der  zevenliende  eeuw, 
toen  Marlowe  reeds  zes  jaar  dood  was  en  Shakespeare 
reeds  de  helft  zijner  slukken  geschreven  had,  het  looneel 
te  onzent  zoo  erbarmelijk  laag  gedaaid  was? 


(  366  ) 
CLASSE  DES  BEAUX-ARTS. 


Séance  du  /5  octobre  4895. 

M.  Ad.  Samuel,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MiM.  J.  Staliaert ,  vice  -  directeur  ; 
Éd.  Fétis,  Alph,  Balat,  Ernest  Slingeneyer,  F.-A.  Gevaert, 
Ad.  Pauli,  God.  Guffens,  Jos.  Schadde,  Th.  Radoux,  Jos. 
Jaquet,  J.  Demannez,  P.-J.  Clays,  G.  De  Groot,  G.  Biot, 
H.  Hymans,  Th.  Vinçotte,  H.  Beyaert,  Al.  Markelbach, 
Max.  Rooses,  J.  Robie,  G.  Huberti,  A.  Hennebicq,  Éd. 
Van  Even,  Ch.  Tardieu,  membres;  Paul  de  Vigne,  Alfr. 
Cluysenaar  et  Alb.  De  Vriendt,  correspondants. 


CORRESPONDANCE. 

M.  Gevaert  exprime  par  lettre  sa  profonde  reconnais- 
sance pour  les  sentiments  sympathiques  de  condoléance 
qui  lui  ont  été  exprimés  par  la  Classe  et  pour  la  part  prise 
par  ses  confrères  au  malheur  qui  l'a  frappé. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  fait  connaître  que  le  jury  chargé  d'examiner  les 
poèmes  destinés  au  grand  concours  de  composition  musi- 
cale a  fait  choix  du  poème  français  portant  pour  titre 
Ladfj  Macbeth,  et  ayant  pour  auteur  M.  J.-B.  De  Snerck,  à 
Bruxelles,  et  du  poème  flamand  intitulé  Cassandra,  dont 
l'auteur  est  M.  Isidore  Albert,  à  Gand.  Ce  choix  a  été  fait 
à  l'unanimité. 


(  507  ) 

—  M.  le  Minisire  transmet  une  copie  du  procès- verbal 
de  la  séance  du  jury  qui  a  jugé  le  grand  concours  de  com- 
position musicale  de  celte  année.  Le  grand  prix  a  été 
décerné  à  M.  Louis-Ch.-Anloine  Morlelmans,  d'Anvers. 
Un  premier  second  prix  a  été  décerné,  à  l'unanimité,  à 
M.Jean-Martin  Lunssens,  de  Molenbeek-Saint-Jean  ;  un 
deuxième  second  prix  a  été  accordé  à  M.  Jean-Pierre  Van 
der  Meulen. 

C'est  également  à  l'unanimité  qu'une  mention  honorable 
a  été  accordée  à  M.  Nicolas-Adolphe-Gustave  Daneau,  de 
Binche. 

—  Il  est  donné  notification  à  la  Classe  du  décès  de  trois 
de  ses  associés  de  la  section  des  sciences  et  des  lettres 
dans  leurs  rapports  avec  les  beaux-arts  : 

Jules  Gailhabaud,  archéologue,  né  à  Lille  le  20  août 
1810,  mort  à  Paris  le  15  avril  1888;  Wilhem  Liibke,  pro- 
fesseur à  la  chaire  d'histoire  de  l'art  de  l'École  d'archilec- 
lure,  à  Berlin,  né  à  Dorlmiind  le  17  janvier  1826,  mort 
récemment  à  Berlin,  et  Antonio  Bertolotti,  directeur  des 
archives  municipales  à  Mantone,  décédé  récemment  en 
celle  ville. 

—  M.  Max.  Booses  remet,  pour  ['Annuaire  de  1894',  le 
manuscrit  de  sa  notice  sur  Charles  Verlal,  ancien  membre 
de  la  Classe.  —  Bemerciemenls. 

—  La  Classe  renvoie  à  l'examen  : 

A.  De  sa  section  de  musique,  deux  compositions  musi- 
cales intitulées  La  Mer  et  Derniers  rayons,  que  M.  Gilson, 
prix  de  Bome  en  1889,  vient  de  transmettre  à  M.  le 
Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique,  à  titre 
de  premier  envoi  réglementaire; 


(  368  ) 

B.  De  sa  section  d'architecture,  le  premier  rapport  de 
M.  Kockerols,  lauréat  des  concours  Godecharle  de  1890; 

C.  De  sa  section  de  sculpture,  le  second  rapport  de 
M.  Eg.  Rombaux,  prix  de  Rome  en  1891. 

Les  appréciations  sur  le  premier  rapport  et  le  premier 
envoi  réglementaire  du  même  lauréat  seront  transmis 
(en  copie)  à  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique.  

CONCOURS  ANNUEL  POUR  1893. 

PARTIE    EilTTÉRAIRE. 

La  Classe  entend  la  lecture  des  rapports  de  ses  commis- 
saires sur  les  mémoires  envoyés  en  réponse  aux  questions 
de  gravure  et  de  musique. 

Conformément  au  règlement,  les  manuscrits  resteront 
déposés  sur  le  bureau  jusqu'à  la  prochaine  séance,  dans 
laquelle  aura  lieu  le  prononcé  du  jugement. 

SUJETS    d'art    APPK.IQVÉ. 

PEINTURE. 

Un  prix  de  mille  francs  était  proposé  pour  un  Grand 
panneau  pour  une  Cour  d'assises.  Les  cartons  devaient 
avoir  l^jlO  sur  0°',45  et  être  remis  au  secrétariat  de  l'Aca- 
démie avant  le  1"  octobre. 

Six  dessins  ont  été  reçus;  ils  portent  pour  devises  : 

N**  1,  L'Union  fait  la  force. 

N°  %  Un  triangle. 

N"  3,  Pro  arte. 

N**  4,  Labor. 


(  369  ) 

N°  5,  La  conscience  entre  C acquittement  et  la  condam- 
nation. 

N°  6,  La  loi  doit  être  comme  la  mort,  qui  n*épargne 
personne  (Montesquieu). 

GRAVURE    EN    MÉDAILLES. 

Un  prix  de  600  francs  était  proposé  pour  une  Médaille 
commémorative  de  la  mort  de  S.  A.  R.  le  prince  Baudouin. 

L'avers  était  réservé  à  l'effigie  du  prince;  le  revers 
devait  représenter  un  sujet  allégorique. 

Les  modèles  en  cire  ou  en  plâtre  devaient  avoir 
0'°,50  de  diamètre  et  être  remis  au  secrétariat  avant  le 
J"  octobre. 

Deux  projets  ont  été  reçus  : 

N"  1.  Devise  :  Pax. 

N°  2.  Devise  :  Ad  memoriam. 

La  Classe  se  prononcera  également,  dans  sa  prochaine 
séance,  sur  les  conclusions  des  rapports  des  sections. 


CONCOURS  ANNUEL  POUR  4894. 

SUJET    d'art    appliqué. 

MUSIQUE. 

La  Classe  prend  acte  de  la  réception  de  la  partition  d'un 
Quatuor  pour  instruments  à  archet,  qu\  porte  pour  marque 
distinctive  le  dessin  de  l'avers  d'une  pièce  de  5  francs  à 
l'effigie  de  Léopold  IL 


(  370  ) 


CLASSE  DES  BEAVX-ARTS. 


Séance  du  26  octobre  i893. 

M.  Ad.  Samuel,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marghal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  J.  Stallaerl,  vice-directeur;  Éd.  Fétis, 
Ernest  Slingeneyer,  A.  Gevaert,  Ad.  Pauli,  God.  Guffens, 
Jos.  Schadde,  Th.  Radoux,  Jos.  Jacquet,  J.  Demannez, 
P.-J.  Clays,  G.  De  Groot,  Gustave  Biot,  Henri  Hymans, 
Th.  Vinçotte,  Alex.  Marckeibach,  Max.  Rooses,  J.  Robie, 
G.  Huberti,  A.  Hennebicq,  membres;  Albert  De  Vriendt, 
cori'espondant. 

En  ouvrant  la  séance,  M.  Samuel  annonce  à  la  Classe  la 
perte  qu'elle  vient  de  faire  en  la  personne  de  Charles 
Gounod.  Je  ne  crois  pas,  dit-il,  devoir  rappeler  le  rôle 
immense  que  Gounod  a  exercé  dans  la  musique;  ce  rôle 
a  été  surtout  prépondérant  en  France,  mais  c'est  la  Bel- 
gique qui  a  présidé  aux  plus  brillants  succès  de  Faust. 
Gounod  était  associé  de  la  Classe,  et  c'était  un  honneur 
pour  l'Académie.  Je  propose  qu'une  lettre  de  condoléance 
soit  adressée  à  la  veuve  de  l'illustre  compositeur.  — 
Adopté. 


(  371   ) 
CORRESPONDANCE. 

M.  le  comte  P.  de  Borchgrave  d'Altena  exprime,  au  nom 
de  LL.  MM.  le  Roi  et  la  Reine,  leurs  regrets  de  ne  pouvoir 
assister  à  la  séance  publique. 

M.  le  Ministre  de  la  Guerre,  M.  le  Ministre  des  Chemins 
de  fer,  Postes  et  Télégraphes,  M.  le  comte  H.  d'Ursel, 
commissaire  général  du  Gouvernement  pour  l'Exposition 
universelle  d'Anvers,  et  l'Académie  royale  de  médecine, 
remercient  pour  les  invitations  à  celte  solennité. 

—  M.  Gevaert  fait  hommage  de  la  XVII*  année  de  V An- 
nuaire du  Conservatoire  royal  de  musique  de  Bruxelles. 
—  Remerciements. 


JUGEMENT  DU  CONCOURS  ANNUEL  (1893). 

PARTIE    I.ITTÉRAIRE. 

DEUXIÈME    QUESTION. 

Apprécier  le  rôle  de  la  gravure  en  taille-douce  depuis 
les  derniers  perfectionnements  de  la  photographie,  et 
indiquer  celui  qu'elle  peut  être  appelée  à  jouer  dans 
l'avenir. 

Kappoft  de  BÊ.  Jl.  OemnnnBX^  pretnief  con%n%isaaire. 

«  J'ai  examiné  avec  le  plus  grand  soin  les  deux 
mémoires  qui  ont  été  envoyés  en  réponse  à  la  deuxième 
question  du  concours  pour  1893  de  la  Classe  des  beaux- 
arts  de  l'Académie  royale  de  Belgique. 


(  372  ) 

Je  suis  heureux  de  constater  que,  cette  fois,  les  deux 
mémoires  renferment  de  grandes  qualités  et  sont  très 
intéressants  à  étudier. 

Je  me  suis  occupé  d'abord  de  celui  ayant  pour  devise  : 
La  gravure  est  un  bel  art.  La  graphique  un  art  industriel. 
Il  compte  46  pages. 

Voulant  justifier  la  devise  de  son  travail,  l'auteur  débute 
par  un  parallèle  entre  la  gravure  et  la  graphique.  Il  carac- 
térise bien  la  différence  qui  existe  entre  elles  lorsqu'il  dit 
que  la  gravure  peut  produire  une  œuvre  supérieure  au 
modèle  qu'elle  reproduit,  tandis  que  la  graphique  reste 
nécessairement  au-dessous.  Je  trouve  aussi  assez  heureuse 
la  comparaison  qu'il  établit  entre  le  virtuose  et  le  graveur, 
ce  dernier  produisant  des  œuvres  qui  l'emportent  autant 
bur  les  produits  de  la  graphique  que  le  virtuose,  faisant 
entendre  ses  compositions,  l'emporte  sur  un  orgue  méca- 
nique qui,  quoique  jouant  avec  une  étonnante  précision, 
ne  pourra  jamais  produire  qu'une  émotion  factice  et  peu 
durable.  Après  ce  court  préambule,  l'auteur,  entrant  plei- 
nement dans  son  sujet,  nous  reporte  à  la  naissance  de  la 
photographie  et  nous  rappelle  les  prévisions  fâcheuses 
qu'inspira  son  apparition  à  ceux  qui  s'intéressaient  aux 
choses  de  l'art;  dans  un  avenir  plus  ou  moins  rapproché, 
la  peinture  allait  devenir  stérile  et  inactive.  Et  pourtant, 
contrairement  à  ces  prévisions,  le  nombre  de  nos  peintres 
va  croissant  chaque  jour. 

Comme  le  fait  judicieusement  remarquer  l'auteur,  c'est 
la  gravure  qui,  dénuée  du  charme  de  la  couleur  et  deman- 
dant pour  être  comprise  et  pour  plaire  un  sentiment 
esthétique  plus  profond,  c'est  la  gravure,  dis-je,  qui  ressent 
le  plus  vivement  les  effets  de  la  concurrence  à  elle  faite 
par  les  procédés  industriels. 


(  573  3 

Comparant  les  deux  rivales,  l'auteur  nous  prouve  qu'en 
tous  points  la  préférence  doit  être  donnée  à  la  gravure,  et 
il  termine  la  première  partie  de  son  travail  en  affirmant 
que  si  la  graphique  nioderne,  spéculant  sur  le  mauvais 
goût  du  public,  a  pu  retarder  momentanément  le  dévelop- 
l»ement  de  la  gravure,  elle  est  et  sera  toujours  incapable 
de  la  supplanter  ou  de  l'anéantir. 

Elle  n'aura  pour  effet  que  de  rendre  à  la  gravure  cet 
immense  service  d'écarter  de  son  giron  les  impuissants. 
Quant  au  rôle  que  la  gravure  peut  être  appelée  à  jouer 
dans  l'avenir,  l'auteur  estime  avec  raison  que  c'est  un 
rôle  purement  artistique.  Pour  parvenir  à  ce  résultat,  le 
graveur,  d'après  lui,  aura  à  faire  un  choix  judicieux  des 
sujets  qu'il  traitera  (c'est  très  bien,  mais  l'auteur  semble 
ne  se  point  douter  que  ce  conseil  ne  saurait  s'appliquer 
qu'aux  artistes  fortunés,  n'ayant  point  à  dépendre  du  pro- 
duit de  leur  travail,  car  les  cas  sont  rares  où  l'éditeur 
consulte  le  graveur  sur  le  choix  à  faire  du  sujet  qu'il  lui 
commande).  Pour  moi,  je  dois  le  répéter,  la  réalisation  de 
ce  beau  rêve  ne  peut  se  rencontrer  que  dans  la  formation 
d'une  chalcographie  soutenue  parle  Gouvernement,  projet 
élaboré  d'ailleurs  par  l'Académie  royale  de  Belgique  il  y  a 
quelque  trente  ans. 

Le  Gouvernement  seul  dispose  de  moyens  suffisants 
pour  pouvoir  faire  choix  de  plusieurs  bons  tableaux  à 
reproduire  et  en  faire  la  commande  aux  graveurs  selon 
leurs  capacités  et  leur  sentiment. 

L'auteur  du  mémoire  conseille  au  graveur  de  s'appliquer, 
dans  l'interprétation  des  œuvres  picturales,  à  rendre  le 
plus  exactement  possible  le  tableau  qu'il  a  devant  lui.  Ce 
qui  ne  veut  pas  dire,  ajoute-l-il,  que  le  graveur  n'ait  qu'à  le 
copier  servilement  et  machinalement;  au  contraire,  chaque 

S""*    SÉRIE,    TOME    XXVI.  25 


(374  ) 
interprétalion  doit  avoir  son  caractère  spécial,  et  ceux  qui 
viseraient  à  produire  les  eflets  obtenus  par  leurs  devan- 
ciers arriveraient  an  maniérisme,  écueil  des  plus  redou- 
tables. 

Considérée  à  ce  point  de  vue,  la  gravure,  dit-il,  tout  en 
occupant  une  place  secondaire  dans  la  grande  famille  des 
arts,  n'en  exige  pas  moins  un  sentiment  artistique,  des 
connaissances  et  des  aptitudes  spéciales,  capables  de  lui 
faire  remplir  un  rôle  glorieux. 

El,  dans  un  élan  patriotique,  l'auteur  termine  son 
mémoire  en  disant  :  «  Si  un  pays  petit  comme  la  Belgique 
par  son  étendue,  ne  saurait  lutter  sans  difficulté  contre  ses 
puissants  voisins,  un  pays  grand  comme  la  Belgique  par 
son  art  vit  toujours  accueillir  dans  le  monde  entier  les 
travaux  de  ses  (ils  illustres. 

»  Que  la  Belgique  élève  donc  ses  aspirations  artistiques, 
qu'elle  prépare  et  facilite  le  développement  des  dispositions 
innées,  des  aptitudes  spéciales  de  ses  enfants,  qu'elle  les 
encourage  grandement  mais  dignement,  et  elle  pourra 
regarder  l'avenir  avec  confiance,  comme  elle  peut  se  glo- 
rifier de  son  passé!  » 

En  résumé,  ce  mémoire  témoigne  d'un  travail  conscien- 
cieux et  renferme  de  grandes  qualités. 

Arrivons  au  second  mémoire  que  nous  devons  examiner, 
et  qui  a  pour  devise  :  On  ne  saurait  faire  à  un  peintre  de 
plus  agnelle  injure  que  de  supposer  qu'il  vise  à  placer  ses 
œuvres  au  niveau  de  la  photographie.  W  a  83  pages. 

L'auteur,  se  basant  (je  ne  sais  pourquoi)  sur  une  ques- 
tion qui  avait  été  posée  précédemment,  s'y  occupe  au  début 
de  la  décadence  de  la  gravure.  Je  ne  puis  le  suivre  sur  ce 
terrain,  car  si  la  carrière  de  la  gravure  en  taille-douce  est 


(  575  ) 
aujourd'hui  bien  compromise,  si  les  œuvres  de  ce  genre 
sont  accueillies  avec  froideur  et  indifférence,  cela  ne  |)eut 
être  attribué  qu'à  la  concurrence  qui  lui  est  faite  par  la 
photographie  et  tous  les  procédés  qui  en  dérivent,  qui  tous 
ont  sur  la  gravure  l'avantage  incontestable  de  la  rapidité 
d'exécution.  Quand  je  me  trouve  en  présence  de  chefs- 
d'œuvre  tels  que  l'Hémicycle  du  palais  des  Beaux-Arts, 
Lord  Strafford,  le  portrait  de  Bertin  et  celui  de  Pastoret 
d'Henriquel  Dupont,  de  la  Joconde,  du  vœu  de  Louis  XIIJ, 
de  la  Françoise  de  Rimini  et  du  portrait  du  comte  Wolé 
de  Calamalta,  de  la  Sainte-Amélie  et  des  Moissonneurs  de 
iVIercuri,  de  l'Innocence  d'Aristide  Louis,  de  la  Vierge  à  la 
Chaise,  d'un  petit  portrait  de  Mandel  que  possède  notre 
cabinet  des  Estampes,  de  l'Homme  à  l'œillet,  du  portrait 
de  Pie  IX  de  Gaillard,  quand  je  me  trouve  en  présence, 
dis-je,  de  ces  œuvres  et  de  tant  d'autres  que  je  ne  pourrais 
énumérer  ici,  il  m'est  impossible  d'admettre  que  l'art  (Je 
la  gravure  soit  en  décadence. 

Et  je  ne  comprends  pas  que  l'auteur  du  mémoire 
revienne  sur  ce  sujet  que  j'ai  combattu  déjà  dans  mon 
rapport  sur  le  précédent  concours.  L'auteur  fait  ensuite 
l'histoire  détaillée  de  la  gravure,  il  condamne  la  trop 
grande  régularité  de  la  taille  et  nous  fait  connaître  l'opi- 
nion de  Bervic  à  ce  sujet.  A  propos  de  la  naissance  de  la 
photographie,  il  nous  cite  des  paroles  de  Jules  Janin  et 
de  Paul  Delaroche,  exagérant  les  conséquences  fàclieuses 
de  la  nouvelle  invention;  mais  si  pénibles  que  soient  les 
craintes  de  ces  deux  hommes  éminents,  elles  sont  cepen- 
dant partagées  par  bien  des  personnes.  Ces  citations  de 
l'auteur  du  mémoire,  comme  du  reste  toute  son  histoire 
de  la  gravure,  sont  très  intéressantes  et  témoignent  d'une 
grande  érudition;  aussi,  sous  ce  rapport,  le  concurrent 


(  376  ) 
mérile-l-il  nos  éloges,  mais  j'eslime  qu'il  s'est  par  irop 
écarté  de  la  question  posée. 

Dans  son  deuxième  paragraphe,  l'auteur  s'applique  à 
nous  prouver  que  la  photographie  n'est  pas  un  art;  ici 
encore  il  émet  nomhre  d'idées  fort  justes. 

Dans  un  troisième  paragraphe,  l'auteur  examine  les  pro- 
cédés de  la  taille-douce.  Ce  chapitre  encore  me  semble 
d'une  opportunité  douteuse,  mais  il  se  termine  par  une 
appréciation  fort  juste  du  travail  si  original  du  graveur 
Gaillard.  C'est  ce  maître  qui  lui  sert  d'exemple  pour  prou- 
ver l'avantage  de  l'artiste  sur  le  photographe,  lorsqu'il 
s'agit  de  rétablir  dans  son  étal  primitif  un  chef-d'œuvre 
détérioré.  Personne  n'ignore  en  effet  que  le  gouvernement 
français  commanda  à  Gaillard  la  reproduction  de  la  Cène 
de  Léonard  de  Vinci,  laquelle  reproduction  était  une 
résurrection  véritable,  pour  mieux  dire,  étant  donné  l'état 
pitoyable  de  l'original. 

Dans  le  chapitre  suivant,  qu'il  intitule  :  La  reproduction 
photographique,  l'auteur,  sans  épargner  sa  peine,  nous  fait 
une  description  complète  des  avantages  et  des  inconvé- 
nients de  ce  procédé.  Il  reconnaît  à  la  photographie  l'avan- 
tage de  rendre  parfaitement  des  objets  d'archéologie,  de 
botanique,  des  sciences  physiques  et  mécaniques,  mais  il 
la  déclare  incapable  d'émouvoir.  Enfin,  dans  sa  conclusion, 
l'auteur  examine  tous  les  procédés  et  fait  remarquer 
qu'aucun  n'a  détrôné  le  burin.  Il  déplore  de  voir  livrer  à 
la  photographie  bien  des  commandes  qui  devraient  revenir 
à  la  gravure,  et,  à  ce  sujet,  il  cite  le  cas,  en  France,  du 
diplôme  d'honneur  des  grandes  expositions  universelles. 
En  1855,  il  était  dessiné  par  Ingres  et  gravé  par  Cala- 
malta;en  1878  il  était  dessiné  par  Baudry  et  reproduit 
par  la  photogravure. 


(  377  ) 

L'auteur  estime  qi.e  la  i^ravuie  ne  serait  pas  dans  un 
état  si  précaire  en  Belgique  si,  comme  anciennement,  les 
artistes  avaient  des  débouchés  pour  leurs  produits. 

Il  serait  donc  essentiel,  dit-il  qu'il  se  formât  pour  Thon- 
neur  de  l'art  national  des  éditeurs  belges  capables  de  lan- 
cer el  de  soutenir  le  renom  de  nos  graveurs  à  l'étranger. 
Il  reconnaît  avec  E.  Corr  que  le  système  adopté  de  f.iire 
exécuter  sous  le  patronage  du  Gouvernement  des  planches 
destinées  aux  souscripteurs  de  la  loterie  des  expositions 
est  heureuse;  il  pense  que  l'eau-forte  n'a  pas  droit  aux 
mêmes  encouragements,  ces  œuvres  exigent  pour  être 
menées  à  bien  moins  de  tenips  et  d'efforts  soutenus. 
L'auteur  trouve  que  l'idée  de  former  la  chalcographie  serait 
louable  mais  insuffisante,  car  si  cette  entreprise  donne  à 
vivre  aux  graveurs,  dit-il,  elle  n'enracine  pas  pour  toujours 
la  gravure  dans  le  pays. 

Je  trouve  ici  l'auteur  par  trop  exigi'ant.  Il  voudrait  en 
outre,  et  ici  je  lui  donne  parfaitement  raison,  que  l'on  fil  de 
temps  à  autre  des  expositions  spéciales  de  gravures  dans 
des  salles  bien  éclairées,  car  toujours,  aux  expositions 
triennales,  la  gravure  se  trouve  reléguée  dans  des  salles 
perdues,  où  le  public  n'arrive  que  par  hasard  et  la  vue 
fatiguée  déjà  par  les  couleurs  des  peintures  qu'il  vient  de 
quitter.  Enfin,  l'auteur  recherche  tous  les  moyens  pos- 
sibles pour  faire  pénétrer  le  goût  de  la  taille-douce  dans 
l'esprit  du  public  et  former  ainsi  des  connaisseurs  collec- 
tionneurs qui  s'attacheraient  aux  artistes  graveurs  et 
formeraient  pour  eux  une  riche  clientèle  recueillant  les 
épreuves  de  remarque  dès  leur  apparition. 

En  résumé,  ce  long  travail  renferme  bien  des  passages 
d'une  opportunité  douteuse,  mais  on  y  trouve,  à  côté  de 
ceux-ci,  nombre  d'idées  justes  et  bien  étudiées,  qui  prou- 


(  378  ) 
vent  chez  l'auleur  une  connaissance  très  étendue  de  tout 
ce  qui  a  rapport  à  la  gravure. 

Bref,  je  trouve  les  deux  mémoires  très  satisfaisants  et 
très  intéressants,  mais  celui  portant  pour  devise  :  On  ne 
t-aiirait  faire  à  un  peintre,  etc.,  est  absolument  trop 
long;  l'auteur  devra,  dans  l'intérêt  même  de  son  travail, 
retrancher  le  plus  possible  les  passages  ne  répondant  pas 
directement  à  la  question  posée. 

Sous  cette  réserve,  je  propose  d'accorder  le  prix  en  par- 
tage aux  deux  concurrents.  j> 


nappoft  fie  Mf.   Mut'heWnvhf  dcttaciètne  cotntnisaaii^B. 

«  Les  deux  mémoires,  l'un  ayant  pour  devise  :  La 
gravure  est  un  bel-art,  etc.,  et  l'autre  :  On  ne  saurait 
faire  à  un  peintre  de  plus  cruelle,  injure,  etc.,  parvenus  à 
l'Académie  en  réponse  à  la  question  mise  au  concours: 
Apprécier  le  rôle  de  la  gravure  en  taille-douce  depuis  les 
derniers  perfectionnements  de  la  photographie,  et  indiquer 
celui  qu'elle  peut  être  appelée  à  jouer  dans  l'avenir,  que 
j'ai  eus  à  examiner,  se  ressemblent  tellement,  qu'analyser 
l'un  c'est  analyser  l'autre. 

Le  premier  commissaire,  plus  compétent  que  moi  en  la 
matière,  l'a  fait  si  consciencieusement  que  je  n'ai  plus 
rien  à  ajouter  à  son  rapport. 

Leurs  conclusions  sont  encore  identiques.  Or,  voici  ce 
qui  en  ressort  et  ce  qu'il  faut  seul  en  retenir  :  La  gravure 
en  taille-douce  était  autrefois  et  serait  encore  aujourd'hui 
le  plus  intelligent  mode  de  reproduction  et  de  vulgarisa- 
tion soit  de  ses  propres  créations,  soit  de  celles  des  autres, 
sans  la  funeste  décadence  où   on  l'a  laissée  tomber  et 


(  379  ) 
(]u'on  ne  peut  allribuer  qu'à  l'insuffisance  des  dispositions 
primordiales  de  ceux  qui  s'y  destinent  et  au  malencontreux 
et  systématique  enseignement  des  écoles,  qui  ne  porte  plus 
que  sur  les  moyens  matériels  et  le  maniement  de  l'outil, 
déviant  ainsi  entièrement  de  son  but  à  atteindre.  D'autres 
procédés,  et  surtout  la  photographie,  ils  le  reconnaissent, 
sont  venus  lui  opposer  une  concurrence  redoutable,  car 
les  amateurs  comme  les  artistes  eux-mêmes  préféreront 
de  beaucoup  une  bonne  épreuve  photographique  à  une 
gravure  médiocre,  toujours  préjudiciable  à  l'œuvre  princi- 
pale qui  ne  se  trouverait  pas  à  côté;  mais  de  tout  cela,  ils 
ne  désespèrent  pas  et  prévoient,  au  contraire,  le  retour 
possible  et  prochain  de  la  splendeur  de  ses  anciens 
maîtres,  si  les  nouveaux  édiles  de  cet  art  a  veulent  sincè- 
rement s'instruire,  s'étudier  constamment  à  suivre  et  com- 
prendre la  marche  des  évolutions  dans  les  arts  modernes,  et 
s'efforcer  de  trouver  des  moyens  plus  jeunes,  plus  expé- 
dilifs  et  plus  spirituels  à  les  rendre.  A  ceux-là  appar- 
tiendront désormais  l'honneur  et  le  profit,  » 

Les  deux  concurrents  ayant  témoigné  de  beaucoup 
d'érudition  et  d'autant  de  zèle  à  résoudre  le  plus  conve- 
nablement possible  le  problème  un  peu  vague,  il  faut  bien 
le  dire,  qui  leur  a  été  posé,  je  proposerai  au  jury  de  leur 
décerner  le  prix  en  partage.  » 


Rappat't  fie  M.  Bymaits,   tt'oigièinc  conttnigsairc 

<L  La  situation  de  la  gravure  au  burin,  par  suite  de  la 
concurrence  que  lui  font  la  photographie  et  les  procédés 
qui  en  dérivent,  préoccupe  à  bon  droit  les  esprits  soucieux 
de  l'avenir  d'un  art  illustré  par  plusieurs  siècles  de 
splendeur. 


(  580  ) 

Inutile  de  se  le  dissimuler,  la  gravure  a  perdu  de  son 
prestige,  non  seulement  aux  yeux  du  public,  mais  égale- 
ment aux  yeux  des  artistes  d'abord  intéressés,  à  ce  qu'il 
semble,  à  la  prospérité  d'une  l'orme  d'interprétation  non 
moins  expressive  que  durable  de  leur  pensée. 

Faut-il  en  conclure  à  l'exactitude  d'une  assertion  com- 
mune que  l'apparition  de  la  photographie  a  terminé  nor- 
malement la  carrière  de  la  gravure,  incapable  d'entrer  en 
lutte  avec  une  concurrente  ayant  sur  elle  le  double  avan- 
tage de  la  précision  et  de  la  célérité?  L'Académie,  par  le 
concours  dont  le  résultat  nous  est  soumis,  a  voulu  élucider 
ce  point  et  s'éclairer  ensuite  sur  le  rôle  ultérieur  d'un  art 
dont  les  statuts  de  notre  Compagnie  appellent  les  repré- 
sentants à  siéger  dans  son  sein. 

Deux  concurrents  ont  répondu  à  son  appel.  Analysés 
avec  la  compétence  qui  lui  appartient  par  l'honorable  pre- 
mier commissaire,  leurs  mémoires  sont  de  sa  part  l'objet 
d'éloges  que  je  crois  justifiés,  et  de  réserves  auxquelles  je 
me  rallie  également. 

Le  consciencieux  exposé  de  mon  savant  confrère  me 
dispense  de  revenir  sur  le  plan  d'ensemble  de  ces  deux 
travaux  conçus,  par  une  bizarre  coïncidence,  de  manière 
presque  identique. 

J'examine  d'abord  le  mémoire  portant  pour  épigraphe  : 
On  ne  saurait  faire  à  un  peintre  plus  cruelle  injure  que 
de  supposer  qu'il  vise  à  placer  ses  œuvres  au  niveau  de 
la  photographie. 

Très  étendu  (il  ne  compte  pas  moins  de  85  pages  d'une 
écriture  serrée),  on  peut  lui  reprocher  des  longueurs.  A 
proprement  parler,  les  titres  1  et  II  sont  des  hors-d'œuvre. 
Les  termes  de  la  question  ne  réclamaient  pas  une  revue 
d'ensemble  de  l'histoire  de  la  gravure.  Encore  celte  revue. 


.  381  ) 
longue  par  elle-même,  serait-elle  insuffisante  ainsi  acce.s 
soiremenl  présentée  à  propos  du  sujet  d'ordre  purement 
contemporain  qui  nous  intéresse.  Il  y  avait  lien,  pour  notre 
pays,  de  mieux  préciser  les  causes  qui  amènent  la  gravure, 
parvenue  sous  Rubens  à  un  degré  de  splendeur  presque 
sans  égal,  à  un  abandon  tel  que  ses  représentants  ou  bien 
cherchent  au  delà  de  nos  frontières  leurs  moyens  d'exis- 
tence, ou  se  vouent  à  des  professions  n'ayant  plus  rien 
de  commun  avec  l'art.  Au  XVIII'  siècle,  par  exemple,  on 
put  voir  le  graveur  Yan  den  Berghe,  d'Anvers,  se  faire 
crieur  public  et  son  concitoyen  Pierre  Martenasie  se  mettre 
au  service  de  Laurent  Cars  pour,  en  vertu  d'un  contrat  en 
due  forme,  graver,  sans  signature  aucune,  toutes  les 
planches  qui  seraient  commandées  à  son  confrère  parisien. 
On  peut  dire  que  ce  fut  le  régime  hollandais  qui  rendit 
à  la  gravure  un  reflet  de  son  ancienne  popularité.  Plus 
tard  la  fondation  de  l'école  de  Bruxelles  et  l'initiative  de 
l'État  de  placer  à  sa  tète  un  maître  illustre,  nous  donnèrent 
des  graveurs  éminents,  mais  c'est  à  tort  que  l'auteur  du 
mémoire  suppose  que  seule  l'insliiution  dont  il  s'agit  nous 
procura  des  représentants  de  l'art  du  burin.  L'Académie  a 
compté  parmi  ses  membres  divers  chalcographes  qui  furent 
antérieurs  à  l'école  de  Bruxelles,  et  dont  pourtant  la 
renommée  se  répandit  au  loin.  A  Anvers  il  y  eut,  sous  la 
direction  de  Corr,  une  école  florissante.  Il  n'est  pas  exact 
non  plus  que  la  lithographie  ait  fait  tort  en  Belgique  à  la 
gravure.  Bien  au  contraire,  la  lithographie,  chose  que  j'ai 
eu  l'occasion  de  s'gnaler  ailleurs  (1),  préluda  chez  nous  au 


(1)    Die  vervielfàtigende  Kunst  der  Gegcnwart,  Redigirl  von  Cari 
071  Lûtzow,  t.  H,  p.  98.  Wien.  181)1. 


i  582  ) 

regain  de  faveur  de  la  gravure,  et  les  deux  procédés  eoexis- 
lèrenl  assez  longtemps  sans  se  faire  réciproquement  aucun 
lort.  La  preuve  en  est  dans  la  vogue  des  planches  gravées 
et  lilhographiées,  distribuées  à  la  fois  dans  nos  salons  de 
peinture. 

On  suit  avec  plaisir  l'auteur  dans  son  exposé  de  ce  qu'il 
faut  entendre  par  une  reproducti(.n.  Un  peu  longue  peut- 
être,  cette  dissertation  n'en  constitue  pas  moins  un  mor- 
ceau distingué. 

«  La  reproduction,  dit  l'auteur,  ne  suffît  pas  pour  faire 
une  œuvre  d'art,  car  elle  participe  de  l'ordre  moral.  L'ordre 
moral  a  pour  résultat  le  beau  moral,  seul  ou  accompagné 
du  beau  physique.  Pour  que  l'ordre  moral  existe,  il  est 
nécessaire  qu'il  pénètre  son  sujet  jusque  dans  ses  plus 
infimes  détails,  qu'il  ait  autorité  sur  eux  pour  les  faire 
valoir  ou  les  supprimer  à  son  gré.  Il  est  bien  difficile  et 
même  impossible  de  soumettre  la  nature  à  ce  régime  si 
l'on  n'y  substitue  dans  ce  travail  l'effigie  ou  l'apparence  des 
parties  correspondant  à  ce!,  ordre  moral.  Telle  est  la  genèse 
de  l'œuvre  d'art  :  c'est  un  sentiment  général  exprimé  au 
moyen  d'un  choix  de  termes  naturels  qui  lui  sont  appro- 
priés par  le  choix.  »  C'est  d'un  observateur  sagace  et  d'un 
esprit  réfléchi. 

Le  chapitre  III  aborde  enfin  la  question  du  concours. 
L'auteur  y  fait  observer  avec  raison  combien  les  conditions 
qui  régissent  la  gravure  au  burin  participent  de  celles  qui 
s'imposent  à  l'artiste  créateur  lui-même,  réclament  une 
connaissance  profonde  du  modèle. 

Définissant  les  procédés  de  la  gravure  en  taille-douce, 
il  déplore  que  celle-ci  ne  soit  le  plus  souvent  que  la  repro- 
duction d'un  dessin  préalable,  un  guide,  observe-t-il  avec 
raison,  mais  non  pas  un  modèle.  11  montre  les  ressources 


(  383  ) 
infinies  qu'un  graveur  habile  peul  trouver  clans  son  burin, 
mais  je  n'oserais  souscrire  sans  réserve  au  rapport  qu'il 
établit  entre  la  sculpture  et  la  gravure,  tenue  de  procéder, 
c(!lle-ci,  invariablement  par  des  tailles  suivant  une  direction 
parallèle  à  la  surface  qu'elles  sont  appelées  à  rendre.  Certes, 
des  graveurs  ont  poussé  ce  système  à  un  haut  degré  de 
perfection,  mais  on  en  pourrait  citer  d'autres  qui  ont  ren- 
contré le  succès  en  procédant  d'une  manière  plus  libre,  et 
si  l'eau-forte,  envisagée  comme  moyen  de  reproduction, 
n'est  le  plus  souvent,  de  nos  jours,  qu'un  prétexte  a  de 
présomptueux  à-pt'u-près,  en  revanche  la  gravure  en  taille- 
douce  y  peut  trouver  d'utiles  ressources  sans  négliger  pour 
cela  la  précision  de  forme  qui  est  l'apanage  du  burin.  Ce 
mélange,  l'auteur  ne  l'admet  pas  plus  que  l'intervention  de 
la  taille  libre,  laquelle,  au  lieu  du  pittoresque,  n'amène, 
assure-t-il,  que  désordre  et  malpropreté. 

Les  procédés  délicats  de  Gaillard  trouvent  en  lui  un  cha- 
leureux appréciateur.  En  effet.  Gaillard  fut  un  maître,  et 
c'est  à  bon  droit  que  l'auteur  lui  accorde  ce  que  j'appel- 
lerai un  tour  de  faveur.  J'observe  à  ce  propos,  car  nos 
deux  concurrents  paraissent  l'ignorer,  tout  au  moins  le 
passent  sous  silence,  que  Gaillard  fut  aussi  un  peintre 
éminent  et  que  les  productions  de  son  pinceau  rivalisent 
de  précision  et  d'accent  avec  celles  de  son  burin, 
lesquelles,  à  force  d'art,  arrivent  à  dissimuler  l'art  lui- 
même.  On  peut  dire  de  Gaillard,  comme  de  Vorstermao, 
qu'il  fut  un  peintre  au  burin. 

Le  chapitre  IV  traite  de  la  photographie.  L'auteur  nous 
la  montre  comme  caractérisant  d'une  manière  absolue 
l'esprit  d'un  siècle  qui,  renversant  les  termes  du  vieil 
adage,  aspire  à  faire  l'art  bref  et  la  vie  longue,  ars  brevis, 
vita  longa,  et  il  accompagne  cette  constatation  ingénieuse 


(  384  ) 

de  la  remarque  un  peu  conlradicloire,à  ce  qu'il  semble,  que 
«  c'est  l'esprit  du  siècle  qu'il  faut  vouloir  avec  patience,  et 
que  la  patience  a  toujours  été  la  vertu  du  graveur  ». 

La  photographie,  au  gré  de  l'auteur,  devrait  aboutir  à 
l'épuremenl  de  la  clientèle  de  la  gravure.  Il  n'y  aurait  pas, 
je  pense,  à  s'en  féliciter.  Chaque  fois  que,  dans  ses  appli- 
cations, la  photographie  touche  à  l'art,  elle  a  pour  effet 
d'en  appauvrir  l'expression,  et  n'arrive  à  subsister  que  par 
les  emprunts  que,  fatalement,  elle  doit  lui  faire.  Entre  la 
photographie  et  l'art,  tout  accommodement  me  paraît 
impossible. 

L'auteur  n'est,  du  reste,  pas  loin  de  partager  cette  con- 
viction, car  il  s'écrie  :  «  La  photographie  est-elle  donc  si 
parfaite  que  le  génie  humain  lui  soit  inférieur?  La  nature, 
pourtant  si  rebelle  à  l'homme,  s'esl-elle  donc  subitement 
assouplie  sous  sa  volonté  jusqu'à  en  arriver  à  accomplir 
mécaniquement,  et  au  moyen  des  forces  aveugles,  ce 
qu'elle  refusait  à  l'habileté  de  ses  mains  et  de  son 
génie?  » 

Répondant  à  cette  question,  il  trouve  que  l'autorité  de 
la  photographie  se  fonde  sur  une  équivoque.  Le  vrai,  au 
gré  de  certains  philosophes,  constituant  le  beau,  pour  bien 
des  gens  le  photographe  fait  œuvre  d'artiste.  «  Mais  au 
lieu  de  saisir  la  vérité  matérielle,  c'est  la  réalité  matérielle 
seulement  qu'il  arrive  à  saisir.  Or,  l'art  sait  délaisser  ce 
qui  n'a  pas  d'importance,  et  la  photographie  nous  donne 
plus  que  la  vérité,  allant  ainsi  jusqu'à  la  réalité.  »  Distinc- 
tion ingénieuse,  bien  qu'un  peu  subtile. 

Aussi  bien,  tout  a  été  dit  sur  cette  insuffisance  de  la 
photographie  considérée  au  point  de  vue  de  l'art,  et 
l'auteur  cite  même  un  passage  de  l'excellent  ouvrage  de 


V  585  ) 

M.  Alfred  de  Loslalot  :  Les  procédés  de  la  gravure  [\),  où 
il  est  éloquemment  fait  justice  des  erreurs  courantes  en  la 
matière,  erreurs  que  lui-même  s'applique  à  réfuter  avec  un 
luxe  de  démonstration  dès  lors  superflu. 

Le  chapitre  suivant  (p.  40)  :  La  taille-douce  de  traduc- 
tion, nous  introduit,  dit  l'auteur,  au  cœur  de  la  question. 
Il  nous  montre  en  présence  la  photographie  et  la  gravure 
devant  l'œuvre  à  reproduire.  Le  mémoire  fait  justice  de 
cette  affirmation  commune  que  l'auteur  d'une  estampe 
n'a  rien  à  iiiettre  du  sien  dans  la  reproduction  d'une 
œuvre.  «  L'imitation  serait  insuffisante,  dit-il,  si  elle 
gardait  le  caractère  de  copie  littérale.  »  Rien  n'est  plus 
vrai,  bien  que  surabondamment  démontré. 

L'auteur  a  raison  encore  lorsqu'il  exige  que  le  graveur 
soit,  autant  que  possible,  en  communauté  de  vues  avec  le 
créateur  d'une  œuvre  à  reproduire,  toute  création  ne 
s'adaptant  pas  avec  un  égal  avantage  à  la  nature  de  son 
talent.  Il  rappelle  que  M.  de  Chennevières,  étant  directeur 
des  Beaux-Arts  en  France,  avait  pris  l'initiative  d'appeler 
les  graveurs  récompensés  au  salon  à  reproduire  les  pein- 
tures et  les  sculptures  ayant  remporté  la  médaille  d'hon- 
neur au  même  salon.  Mesure  excellente  et  faite  pour  être 
d'autant  plus  opportunément  rappelée  que,  précisément 
au  salon  de  cette  année,  comme  précédemment  à  Anvers, 
les  participants  à  la  loterie  sont  mis  en  possession 
d'estampes  reproduisant  des  œuvres  anciennes,  dont  le 
sujet  peut  offrir  pour  les  artistes  un  vif  attrait,  mais  n'est 
pas  de  nature  à  intéresser  au  même  degré  un  public  déjà 
trop  porté  à  se  désintéresser  de  la  gravure  elle-même. 


1)  I^aris,  Quanlin,  I  vol.  in-S" 


t  386  ) 

Où  l'auteur  me  paraît  dépasser  le  but,  c'est  lorsqu'il 
exige  que  le  graveur  soit  un  érudit,  qu'il  connaisse  à  fond 
l'histoire  de  l'art.  Je  ne  dis  pas  que  cela  soit  superflu,  mais 
c'est  surtout  de  l'étude  des  maîtres  de  son  art  que  le 
graveur  doit  être  soucieux,  et  s'il  est  vrai,  comme  on  nous 
le  rappelle,  que  Ferdinand  Gaillard,  avant  d'aborder  sa 
gravure  des  Disciples  d'Emaus  d'après  Rembrandt,  voulut 
fouiller  les  collections  en  vue  d'y  surprendre  en  germe 
celle  œuvre  fameuse,  comme  il  voulut  remonter  à  la 
genèse  des  conceptions  de  Léonard  de  Vinci  avant  d'en- 
treprendre de  graver  la  Cène  du  prodigieux  artiste,  c'est 
que  Rembrandt  est  un  des  maîtres  les  plus  profonds,  les 
plus  insaisissables  qui  soient,  et  que,  pour  ce  qui  concerne 
la  Cène  de  Léonard,  le  fait  d'en  essayer  aujourd'hui  la 
gravure  équivaut  à  une  restitution. 

J'ai  été  amené  plus  d'une  fois  à  constater  avec  surprise 
et  regret  l'indifférence  des  graveurs  pour  les  manifestations 
du  génie  de  leurs  devanciers,  indifférence  qui,  au  surplus, 
n'est  qu'une  forme  du  faible  attrait  que  présentent  pour 
beaucoup  de  leurs  confrères  d'autres  branches,  les  produc- 
tions des  maîtres  du  passé.  Il  y  aurait  nécessairement 
tout  avantage  pour  le  graveur  à  s'inspirer  de  l'exemple 
des  hommes  qui  ont  porté  au  degré  supérieur  l'art  qu'il 
cultive,  mais  c'est  évidemment  trop  exiger,  s'appelàl-il 
Gaillard,  de  prétendre  qu'il  parvînt  à  rendre  à  la  Cène  de 
Milan,  délabrée  comme  elle  l'est  et  défigurée  par  de  mala- 
droites restaurations,  sa  valeur  originelle.  Ce  n'est  plus  là 
le  rôle  du  graveur. 

Retenons  simplement  que  si  les  graveurs  anciens,  dont 
le  faire  était  plus  libre,  plus  spontané,  plus  artiste,  en  un 
mot,  que  celui  de  nos  contemporains  en  général,  sont  par- 
venus, avec  l'aide  de  dessins  et  de  grisailles  d'une  rigueur 


(  387  ) 

moindre  que  les  modèles  dont  dispose  aujourd'hui  l'in- 
lerprète,  à  nous  donner  des  chefs-d'œuvre,  c'est  qu'ils 
étyjenl  guidés  souvent  par  des  maîtres  ayant  nom  Raphaël, 
Titien,  Rubens,  Van  Dyck  et  bien  d'autres, 

El  c'est  là-dessus  que  Mariette  insiste  en  constatant 
la  supériorité  de  certaines  pages  issues  du  burin  des  col- 
laborateurs de  Rubens.  «  Exemple  mémorable,  s'écrie-l-il, 
et  qu'on  ne  peut  trop  exhorter  les  peintres  et  les  graveurs 
d'avoir  continuellement  sous  les  yeux!  Ils  apprendront 
qu'une  estampe  doit  être  traitée  pour  les  lumières  autre- 
ment qu'un  tableau,  que  celui  qui  réussit  dans  l'un  ferait 
dans  l'autre  un  effet  tout  contraire,  et  ils  en  concluront, 
s'ils  sont  autant  jaloux  de  leur  réputation  que  Rubens  l'a 
été  de  la  sienne ,  qu'il  ne  faut  pas  plaindre  la  peine;  qu'il 
faut,  comme  ce  grand  peintre,  préparer  aux  graveurs  la 
besogne  telle  qu'elle  doit  être  pour  eux,  et  qu'il  vaudrait 
mieux  n'être  pas  gravé  que  de  l'être  mal,  comme  il  arrive 
presque  toujours  à  ceux  qui  s'en  reposent  sur  les  graveurs, 
qui  les  négligent  ou  ne  savent  pas  les  diriger.  » 

Pour  ma  part,  je  ne  saurais  concéder  à  l'auteur  que  la 
photographie  est  plus  propre  que  la  gravure  à  rendre  les 
monuments.  Sans  doute,  la  photographie  peut  nous  donner 
des  aspects  d'édifices  extrêmement  intéressants  ,  mais  les 
architectes  tireront  toujours  meilleur  parti  d'ouvrages 
dont  les  planches  seront  exécutées  par  la  gravure  et  très 
discrètement  relevées  d'ombres.  Ayons  des  photographies, 
mais  ayons  aussi  des  gravures  de  monuments. 

Le  chapitre  VI  est  consacré  à  la  reproduction  photogra- 
phique. L'auteur,  par  inadvertance  sans  doute,  le  fait 
débuter  par  un  paragraphe  lu  déjà  au  chapitre  IV,  à  ceci 
près  toutefois  que,  dans  sa  nouvelle  version,  il  admet 
les  sites  au  nombre  des  objets  que  la  photographie  peut 


(  388  ) 
rendre  avec  avantage,  et  qui  n'ont  besoin,  assure-t-il,  pour 
nous  intéresser,  que  d'être  rendus  naïvement.  Le  para- 
graphe valait  mieux  avant  l'adjonction,  car  s'il  est  peu 
douteux  qu'un  site  rendu  par  la  photographie  conserve 
fréquemment  encore  de  quoi  nous  intéresser,  j'ose  soutenir 
qu'un  peintre,  un  dessinateur  et  un  graveur  arrivent 
seuls  à  le  rendre  avec  la  poésie  voulue.  Témoin  les  eaux- 
fortes  de  Rembrandt,  de  Ruysdael  et  de  combien  d'autres 
qui  arrivent  à  nous  émouvoir  profondément  devant  des 
sites  qui,  traduits  en  photographie,  nous  laisseraient  indif- 
férents si  ce  n'est  à  titre  de  simple  souvenir. 

Surabondamment  développé,  ce  chapitre  nous  initie  aux 
procédés  divers  nés  de  la  photographie,  en  expose  les 
principes  avec  une  compétence  indiscutable,  mais  aussi  les 
juge  avec  une  rigueur  qu'on  peut  trouver  excessive,  a  Les 
volumes  illustrés  de  photogravures  doivent  être  bannis  de 
la  bibliothèque  de  quiconque  se  proclame  bibliophile,  »  dit 
l'auteur. 

II  va  de  soi  qu'un  livre  orné  de  gravures  aura  toujours 
une  valeur  à  laquelle  ne  saurait  prétendre  un  livre  orné 
de  photographies.  Est-ce  à  dire  que  la  photogravure, 
comme  la  photographie  elle-même,  ne  nous  rend  pas 
journellement  de  signalés  services,  même  pour  l'illustration 
de  livres?  Autant  vaudrait  proscrire  le  moulage  des  mar- 
bres célèbres  que  de  renoncer  à  son  emploi  pour  la  repro- 
duction en  fac-similé  d'estampes  et  de  documents  dont  les 
originaux,  rares  ou  uniques,  sont,  grâce  à  son  concours, 
mis  à  la  disposition  du  plus  grand  nombre.  Du  reste,  l'Aca- 
démie ne  demandait  pas  aux  auteurs  des  mémoires  une 
analyse  critique  des  procédés  divers  découlant  de  la  photo- 
graphie. 

Le  chapitre  VII  et  final,  très  étendu  à  son  tour,  devait 


(  389  ) 
nous  apporter  la  solution  de  ce  problème  d'importance 
vitale  :  Que!   rôle   est  appelée  à  jouer  dans  l'avenir  la 
gravure? 

Au  point  de  vue  belge,  la  question  méritait  surtout  un 
examen  approfondi.  Les  éditeurs  nous  manquent,  et  si 
l'État,  par  voie  de  subsides,  seconde  les  graveurs  dans  leurs 
entreprises  spontanées,  le  public  en  bénéficie  peu,  car 
les  œuvres  ainsi  obtenues  arrivent  rarement  jusqu'à  lui. 
Entendue  de  la  sorte,  il  est  certain,  comme  le  dit  notre 
auteur,  que  Tintervenlion  officielle  ne  peut  avoir  d'action 
durable. 

Mais  alors,quoi?  L'État,dans  un  intérêt  public,  ne  peut- 
il  seconder  les  graveurs,  comme  il  seconde  les  statuaires, 
lesquels,  réduits  à  l'initiative  privée, auraient  de  bien  rares 
occasions  de  se  produire  dans  des  œuvres  de  quelque 
importance?  Cela  paraît  indiqué. 

Constater,  en  la  déplorant,  l'absence  d'éditeurs,  n'est 
justifiable  qu'à  la  condition  que  ces  éditeurs  aient  de 
quoi  alimenter  leur  commerce.  Or,  pour  avoir  des  éditeurs 
il  faut  des  graveurs,  et  ces  graveurs  il  faut  les  former, 
ensuite  leur  donner  le  moyen  de  subsister  jusqu'au 
moment  où  ils  donneront  des  preuves  suffisantes  d'apti- 
tude pour  seconder  utilement  l'entreprise  des  éditeurs. 
En  partie,  du  moins,  ce  devoir  incombe  aujourd'hui  à 
l'État. 

C'est  avec  raison  que  l'auteur  du  mémoire  insiste  sur  une 
transformation  nécessaire  de  la  gravure  par  l'abandon  des 
formules  vieillies.  Par  essence  même,  tout  art  est  sujet  à 
se  renouveler,  et  l'immobilisme  c'est  la  mort.  Se  retournant 
ensuite  vers  l'État,  sans  vouloir  qu'il  soit  le  seul  client  des 
graveurs  «  qui  seraient  alors  des  employés,  non  des 
artistes  r>,  c'est  lui,  dit  l'auteur,  qui  doit  chercher  des 

S"*    SÉRIE,    TOME    XXVI.  26 


(  390  ) 
débouchés  pour  les  travaux  du  burin.  «  Il  faut  aller  au 
public,  lui  apprendre  à  apprécier  la   gravure,  lui    faire 
connprendre  la  vanité  de  ce  dont  il  se  contente,  c'est-à- 
dire  de  la  photographie.  » 

Pour  cela,  selon  l'auteur,  il  y  a  «  un  moyen  bien 
sinnple  »  :  montrer  le  plus  souvent  possible  au  public  de 
bonnes  estampes,  faire  de  temps  à  autre  des  expositions 
spéciales,  destinées  à  faire  mieux  valoir  les  produits  de  la 
gravure  que  dans  les  expositions  générales,  où  ils  sont 
perdus;  annexer  au  cabinet  des  estampes  une  exposition 
des  plus  belles  productions  du  burin. 

L'auteur  déplore  que  l'État  lui-même  prête  les  salles 
de  son  Musée  à  l'étalage  d'un  marchand  de  photographies; 
enfin,  il  critique  la  commande  d'eaux-fortes  par  l'État, 
non  qu'il  soit  hostile  à  celte  forme  d'art,  mais  parce  que 
le  procédé  à  moins  besoin  d'encouragement  que  la  gravure 
au  burin,  d'élaboration  si  lente,  de  quelque  manière  qu'on 
la  produise. 

Bien  que,  sans  doute,  la  question  posée  par  l'Académie 
eût  une  portée  générale,  la  situation  spéciale  de  la  gravure 
dans  notre  pays  légitimait  un  examen  de  l'espèce.  D'autres 
pays,  l'Angleterre  surtout,  ont  mieux  résisté  aux  envahis- 
i-ements  de  la  photographie.  Pourquoi  ?  C'est  ce  qu'il  serait 
intéressant  de  savoir,  et  peut-être  est-ce  le  côté  faible  de 
la  laborieuse  élude  qui  nous  occupe  de  s'en  tenir  trop 
exclusivement  à  la  philosophie  du  sujet. 

Que  le  mémoire  ait  des  longueurs,  je  partage  là-dessus 
l'opinion  de  mes  honorables  confrères  Demannez  et  Mar- 
kelbach.  S'il  est  livré  à  l'impression,  comme  je  l'espère, 
il  gagnera  à  être  abrégé.  Il  importera,  d'autre  part,  que 
l'auteur,  conformément  aux  prescriptions  réglementaires. 


(  391  ) 
le  complète  par  l'indication  de  ses  sources.  Ce  sont  là  ques- 
tions de  détail.  Tel  qu'il  est,  l'Académie  peut  être  heureuse 
de  l'accueillir  et  de  le  vulgariser. 

Abordant  l'examen  du  second  mémoire,  portant  pour 
devise  :  La  gravure  est  un  bel-art,  la  Graphique  un  art 
industriel,  je  me  permets  tout  d'abord  une  remarque  de 
pure  forme.  L'Académie  de  Belgique  ne  travaille  pas  à  la 
confection  du  dictionnaire  de  la  langue  française;  elle  peut 
user  de  tolérance  en  matière  de  néologismes.  Je  doute 
cependant  qu'elle  se  hasarde  à  sanctionner  l'emploi  du 
singulier  bel-art  pour  désigner  isolément  une  des  branches 
de  ce  que  l'on  convient  d'appeler  les  beaux-arts  en  général. 
Ce  n'est  pas  user  non  plus  d'un  extrême  rigorisme  de  ne 
pas  attribuer  la  valeur  d'un  substantif  au  mot  graphique, 
par  lequel  l'auteur  du  mémoire  entend  désigner  les  dérivés 
de  la  photographie.  Il  sufTirait  selon  moi  de  dire  :  «  La 
gravure  est  un  art;  ce  qui  émane  des  procédés  graphiques, 
est  du  domaine  de  l'industrie  »,  pour  se  faire  comprendre 
absolument. 

Abslration  faite  de  cette  question  de  détail,  le  mémoire 
est  réellement  fort  digne  des  éloges  que  lui  décerne 
M.  Demannez.  L'auteur  y  fait  preuve  d'une  connaissance 
étendue  de  la  matière  et  l'expose  avec  éloquence,  voire 
avec  enthousiasme. 

a  La  main  du  graveur  est,  dit-il,  guidée  par  l'œil,  par  le 
cerveau  et  par  le  cœur,  et  certes  l'influence  de  ces  deux 
derniers  facteurs  n'est  pas  la  moindre  dans  l'accomplisse- 
ment de  l'œuvre.  Voilà  pourquoi  la  gravure  la  plus  naïve- 
ment imparfaitesous  le  rapport  de  la  technique  porleencore 
en   elle  ce  charme  fascinateur,  cette  empreinte  du  génie 


(  392  ) 
manquant  aux  produits  industriels,  qui,  malgré  toute  leur 
perfection,  à  cause  de  celle  perfection  peut-être,  laissent 
froid   et,   tout  en  carressant  agréablement   la   vue,   ne 
parlent  ni  à  l'intelligence,  ni  au  cœur.  » 

Aussi  est-ce  sans  s'émouvoir  que  l'auteur  assiste  aux 
progrès  de  la  photographie.  «  Plus  nous  voyons  cette 
découverte  dont  se  glorifie  le  XIX*  siècle  se  perfectionner 
et  produire  d'autres  merveilles,  plus  aussi  nous  la  voyons 
s'écarter  de  la  route  que,  dès  le  commencement  des  siècles  a 
poursuivi  Tartet  qu'il  poursuivra  toujours.  Loin  de  nuire  à 
la  peiniure,  la  photographie  est  devenue  son  esclave,  son 
serviteur  soumis,  c'est  elle  qui,  au  lieu  de  se  substituer  à 
l'œuvre  du  génie,  la  multiplie,  la  fait  connaître,  la  vulga- 
rise et  fournit,  dans  une  certaine  mesure,  aux  déshérités  de 
la  fortune,  la  satisfaction  de  participer  au  sublime  banquet 
des  jouissances  intellectuelles,  réservées  autrefois  aux  seuls 
puissants  de  la  terre.  Ainsi  la  photographie  vient  en  aide 
à  la  peinture  dans  sa  grande  œuvre  de  civilisation,  d'épu- 
ration des  sentiments  et  des  idées.  » 

Les  appréhensions  nées  pour  l'avenir  de  l'art  de  l'appa- 
rition de  la  photographie,  l'auteur  les  traite  de  vaines 
chimères.  Il  les  compare  aux  sombres  pronostics  qui 
accueillirent,  tout  au  moins  dans  noire  pays,  l'introduction 
des  voies  ferrées.  «  C'est  que,  dit-il,  la  machine  à  vapeur, 
comparable  en  ceci  à  la  machine  à  lumière,  est  astreinte  à 
une  course  uniforme.  Deux  rails  d'acier  déterminent  sa 
route;  elle  ne  saurait  s'en  écarler  sans  amener  un  désastre. 
La  main  du  conducteur,  dominant  cependant,  par  un  simple 
coup  de  robinet,  une  des  forces  les  plus  considérables  de 
la  nature,  n'en  est  pas  moins  impuissante  à  prévenir  cette 
catastrophe.  De  même  l'opéraleur-photographe,  qui,  lui- 
aussi,  dompte  d'autres  éléments  également  redoutables:  la 


(  395  ) 
lumière  à  l'éleclricilé,  n'a  pas  le  pouvoir  de  les  faire  agii 
dans  un  sens  autre  que  celui  que  leur  indique  la  nature,  et 
il  ne  saurait  les  substituer  à  la  pensée  humaine.  » 

On  pouvait  s'attendre  à  voir  les  progrès  de  la  photo- 
graphie réduire  à  l'impuissance  les  artistes  médiocres;  le 
nombre  de  ces  déclassés  a,  au  contraire,  été  croissant,  dit 
fauteur,  grâce  à  h  multiplicité  des  expositions,  grâce  au 
facile  accès  de  la  carrière  artistique.  Que  la  gravure  ail 
pâti  de  cet  état  de  choses,  il  l'admet,  et  je  n'hésite  pas  à  lui 
donner  raison.  C'est  avant  tout,  en  effet,  vers  la  peinture 
que  se  porte  l'activité  des  aspirants  artistes.  Mais  pareil 
étal  de  choses  ne  saurait  durer  :  la  gravure  reprendra  son 
essor  quand,  libre  des  parasites  attachés  à  ses  flancs,  elle 
ne  vivra  que  pour  l'art  pur. 

L'auteur  s'élève  avec  force  contre  l'admission  de  pho- 
tographies comme  modèles  dans  les  établissements  d'en- 
seignement artistique.  L'aspect  de  la  photographie  est 
trompeur.  Un  graveur  de  mérite,  pour  avoir  eu  la  malencon- 
treuse idée  de  la  prendre  pour  conductrice  dans  la  repro- 
duction d'une  peinture,  se  trouva  complètement  désorienté 
par  cette  perlide  conseillère.  La  photographie  fausse  la 
notion  des  choses,  parce  qu'elle  ofTre  aux  artistes  des  efîels, 
des  attitudes  que  leur  œil  ne  saurait  percevoir,  a  L'art  ne 
consiste  pas  à  rendre  les  choses  comme  elles  sont,  mais 
comme  elles  semblent  être.  »  La  photographie  ne  fait 
même  pas  un  portrait  ressemblant,  et  l'auleur  le  prouve  par 
l'exemple  des  grands  portraitistes.  Même  à  simple  titre 
d'information,  elle  doit  être  proscrite  et  jamais  ne  peut 
avoir  accès  à  l'atelier  du  graveur. 

Passant  à  l'analyse  des  œuvres  de  quelques  graveurs 
illustres,  l'auteur  nous  montre  en  quoi  ces  productions 
d'élite  s'éloignent  de  la  photographie.  Rappelant  le  rôle 


(  394  ) 

glorieux  assigné  par  Rubens  auK  maîtres  placés  sous  j-a 
direction  :  «  il  permettait  l'interprétation  de  son  œuvre, 
ou  rinterprétaitdifféremment  lui-même,suivanl  la  manière 
de  la  rendre,  mais  ne  supportait  pas  une  reproduction 
servile.  Et  il  n'aurait  accordé  à  la  photographie  et  aux 
autres  procédés  graphiques,  s'ils  avaient  existé  de  son 
temps,  que  tout  juste  l'importance  qu'il  reconnut  aux 
moulages  en  plâtre  d'après  les  médailles  et  les  statues 
antiques.  » 

a  ...  De  même  que  chaque  vers,  chaque  mot  d'un  poème 
doit  jaillir  du  cerveau  de  son  auteur,  pour  être  vraiment 
l'expression  de  sa  pensée  et  de  son  sentiment,  de  même 
chaque  partie  d'une  gravure  doit,  dès  le  dessin  et  dans  son 
ensemble,  dans  son  unité,  constituer  l'œuvre  de  l'artiste 
pour  être  l'émanation  pure  de  son  génie,  pour  devenir 
véritablement  une  œuvre  d'art.  » 

Enlin,  «  le  graveur,  qu'il  veuille  produire  un  travail  ori- 
ginal ou  traduire  l'œuvred'autrui,doit  suivre  son  inspiration 
propre,  créer  par  lui-même;  il  faut  que  sa  planche  porte 
l'empreinte  de  sa  personnalité  et  de  sa  conception.  Et  si 
celle  conception  est  grandiose,  si  cette  personnalité  est 
marquante  et  qu'il  parvienne  à  un  certain  degré  de  finesse 
dans  le  rendu,  qu'il  y  joigne  la  légèreté  et  la  sûreté  de 
main  du  praticien  consommé,  il  produira  une  œuvre  par- 
faite, un  chef-d'œuvre.  Le  graveur  qui  comprend  ainsi  sa 
mission  n'a  rien  à  redouter  de  la  concurrence  des  indus- 
triels, attendu  que  l'art  n'a  pas  à  redouter  l'action  des  pro- 
cédés mécaniques;  il  plane  bien  haut  au-dessus  d'eux, 
dans  les  sphères  éthérées  de  l'idéal  auxquelles  ne  sauraient 
atteindre  ni  la  chimie,  ni  la  physique,  ni  la  mécanique, 
nonobstant  leurs  découvertes  surprenantes,  les  bienfaits 


{  595  ) 

dont  elles  doleronl  l'humanité  et  les  merveilles  qu'elles 
enfanteront  pour  charmer  nos  sens.  » 

Ces  vues  prouvent  surabondamment  la  compétence  de 
l'auteur. 

La  seconde  partie  de  son  travail  est  consacrée  plus  spé- 
cialement au  rôle  que  la  gravure  est  appelée  à  jouer  dans 
l'avenir.  Le  graveur  a  pour  devoir  de  s'identifier  avec  son 
sujet,  de  choisir  des  peintures  qui  s'adaptent  le  mieux  à 
sa  manière  de  sentir  et  de  procéder. 

L'Aveugle,  de  Dyckmans,  —  c'est  notre  auteur  qui  parle, 
—  fournit  à  iVlichiels  l'occasion  d'un  chef-d'œuvre,  et  le 
même  graveur  échoua  dans  sa  reproduction  des  Trentaines 
de  Berthal  de  Hase,  de  Leys,  bien  qu'en  celte  circon- 
stance, comme  dans  l'autre,  il  eût  été  guidé  par  le  peintre 
lui-même.  Pourquoi?  Parce  que,  dit  l'auteur,  Leys  était 
trop  robuste  pour  son  interprète. 

L'exemple  ne  me  paraît  pas  très  probant.  Ce  qui  man- 
quait surtout  à  Michiels,  c'était  la  souplesse  voulue  pour 
mettre  ses  procédés  à  l'unisson  de  ceux  du  grand  peintre, 
et  peut  être  aussi  l'œuvre  n'était-elle  pas  de  celles  dont  le 
burin  pût  tirer  tout  le  parti  possible. 

Du  reste,  l'auteur  ne  manque  pas  d'insister  sur  l'obliga- 
tion pour  un  graveur  d'user  d'initiative  dans  la  recherche 
des  moyens  pittoresques.  Il  étaie  son  opinion  de  l'exemple 
des  maîtres  anciens  et,  parmi  ceux  de  notre  temps,  cite  à 
son  tour  Ferdinand  Gaillard,  qu'on  a  vu  renouveler  les 
procédés  de  la  taille-douce,  comme  Charles  Baude  a  su 
renouveler  ceux  de  la  taille  d'épargne. 

Sa  conclusion  est  que  le  rôle  ultérieur  de  la  gravure 
est  de  vulgariser  les  chefs-d'œuvre  en  procédant  d'une 
manière  vraiment  artistique.  La  Belgique  saura  s'imposer 
les  sacrilices  nécessaires  pour  lui  conserver  la  place  due 
à  son  glorieux  passé. 


(  396  ) 

Donc,  le  rôle  de  la  gravure  est  de  briller.  J'en  demeure 
d'accord,  mais  n'y  a-l-il  rien  à  faire  pour  la  réveiller  de 
sa  torpeur?  Si  de  beaux  jours  lui  sont  réservés,  il  faut 
d'abord  qu'elle  vive,  et  ce  n'est  porter  atteinte  au  talent 
d'aucun  de  ceux  qui  la  représentent  parmi  nous  de  dire 
que  présentement  elle  vivote.  Il  est  certain  que  le  pro- 
blème si  complexe  que  soulève  la  question  posée  par 
l'Académie,  pas  plus  par  ce  mémoire  que  par  le  précédent, 
ne  reçoit  sa  solution. 

Mais  quand  bien  même  l'intervention  de  l'Académie 
aurait  eu  pour  résultat  unique  de  provoquer  les  études 
fouillées  dont  elle  est  actuellement  saisie,  cette  interven- 
tion n'aurait  point  été  stérile.  Les  deux  concurrents  ont 
éloquemment  plaidé  la  cause  de  la  gravure,  établi  son  droit 
à  l'existence  avec  une  force  persuasive,  qui,  espérons-le, 
n'aura  point  été  vaine,  et  certes  il  y  aura  profit  pour  tout 
le  monde  comme  pour  eux  à  ce  qu'ils  recueillent  la  récom  - 
pense  si  légitimement  due  à  leur  effort. 

C'est  dire  que  je  me  rallie  aux  conclusions  de  mes  hono- 
rables confrères  Deraannez  et  Markelbach.  j> 

La  Classe,  adoptant  les  conclusions  des  rapports  des 
commissaires,  a  décidé  de  partager  le  prix  entre  les  deux 
concurrents. 

L'ouverture  des  billets  cachetés  a  fait  connaître  comme 
auteur  du  mémoire  n°  \,  portant  la  devise  :  La  gravure 
est  un  bel-art,  etc.,  M.  Paul  Buschmann,  d'Anvers;  et 
comme  auteur  du  mémoire  n"  %  avec  l'épigraphe  :  On  ne 
saurait  faire  à  un  peintre  plus  cruelle  injure,  etc.,  M.  René 
van  Bastelaer,  attaché  au  cabinet  des  estampes  de  la  Biblio- 
thèque royale. 


,397) 

QUATRIÈME    QUESTION. 

Faire,  au  point  de  vue  musical,  l'histoire  de  la  chanson 
mondaine,  française  et  flamande,  à  une  seule  voix,  dans 
les  provinces  belgiques,  depuis  le  A7*  siècle  jusqu'à  nos 
jours. 

Mtappoft  fie  M,  MMubet'Ii ,  pt-emiei'  cotntnitaait'e. 

«  J'ai  lu  avec  le  plus  grand  intérêt  l'ouvrage  a  Verhan- 
deling  »  envoyé  à  l'Académie,  en  réponse  à  la  question  : 
Faire  Vhistoire  de  la  chanson  populaire  dans  les  provinces 
belgiques,  etc. 

L'auteur  y  fait  preuve  d'une  érudition  hors  ligne;  il 
traite  son  sujet  avec  une  profusion  de  détails  très  intéres- 
sants et  puisés  à  des  sources  authentiques  et  peu  connues. 
II  étudie  la  chanson  par  ordre  chronologique,  analyse  les 
particularités,  cite  de  nombreux  exemples,  compare  ces 
exemples  entre  eux,  de  façon  à  faire  saisir  au  lecteur  les 
caractères  qui  différencient  soit  les  époques,  soit  les  ver- 
sions d'un  même  «  lied  ». 

Peut-être  même  y  a-t-il  abus  de  détails.  Quelquefois  on 
perd  un  peu  de  vue  ia  marchegénérale,  le  développement, 
la  cause  qui  modifie  le  caractère  de  la  chanson.  Mais  ce  ne 
sont  que  des  critiques  tout  à  fait  accessoires,  car  l'ouvrage 
en  lui-même  est  un  remarquable  travail  écrit  par  un 
savant. 

Je  crois  donc  que  la  Classe  des  beaux-arts  fera  acte  de 
justice  en  accordant  le  prix  à  cet  ouvrage  dont  je  serais 
heureux  qu'elle  décidât  l'impression.  Cette  histoire  est  tout 
à  fait  à  la  hauteur  des  exigences  de  notre  époque  en  sem- 
blable matière.  » 


(  398  ) 

Happoi't  de  WM.    Getiaet't,  tleuoBièine  cotntnistaire. 

«  J'adhère  complètement  à  l'avis  de  mon  confrère.  Le 
travail  envoyé  au  concours  mérite  largement  le  prix  de 
l'Académie  ». 

Rapport  de  JU.  Petet'  Mtenoit,  Iroimiènie  cotnntissaii'e. 

«  Quant  à  l'historique  du  a  lied  flamand  »  et  des  causes 
qui  déterminèrent  sa  grande  extension  depuis  1830,  il  y  a 
lieu,  je  crois,  de  faire  à  ce  sujet  quelques  réserves. 

Il  y  avait,  je  pense,  à  mentionner  «  deux  faits  »  surve- 
nus dans  la  patrie  musicale  flamande,  que  l'on  peut  sans 
exagération  qualiûer  de  principaux  au  XIX^  siècle.  Ces 
faits  ont  déterminé  au  fond  le  développement  considérable 
du  a  lied  p  et  du  «  chant  »  artistiques  flamands  à  une 
voix,  et  plus  encore,  une  expansion  complète,  renfermant, 
outre  le  «  lied  »  et  le  «  chant  p,  toutes  les  expressions  de 
l'art  musical,  sans  en  excepter  une  seule. 

Ces  deux  faits  sont: 

1"  L'admission  en  1866,  par  le  Gouvernement  belge 
(sous  le  ministère  de  M.  Alphonse  Vandenpeereboom)  de 
l'emploi  des  deux  langues  nationales  au  concours  bisan- 
nuel de  composition  musicale; 

2"  La  fondation  de  l'École  de  musique  flamande  à  Anvers, 
en  1867. 

Dès  lors,  les  compositeurs  flamands,  élevés  dans  un 
«  milieu  propice  »  au  développement  de  leurs  inspirations 
naturelles,  et  placés  dans  des  conditions  rationnelles  pour 
l'éclosion  de  leur  originalité  propre,  s'inspirent  de  prin- 
cipes sûrs  et  forment  dans  Vanité  et  la  diversité  de  leur 
ensemble  ce  que  l'on  peut  appeler  dans  la  plus  large  accep- 
tion du  mot,  une  école  de  musique  flamande. 


(  399  ) 

Et  désormais,  nos  compositeurs  flamands  écriront  sur 
des  textes  flamands,  non  seulement  leurs  cantates  du 
grand  concours  de  composition  musicale,  mais  toutes  leurs 
œuvres  qui  exigeront  l'adjonction  de  paroles. 


Quanta  la  filiation  qui  relie  généralement  et  particuliè- 
rement notre  passé  musical  au  temps  présent,  et  ce  depuis 
le  XVI'  siècle  jusqu'à  nos  jours,  il  faut,  me  semble-t-il,  la 
chercher  plus  particulièrement  à  Anvers. 


Entrant  dans  certains  détails  de  notre  activité  musicale 
depuis  1830  jusqu'à  nos  jours,  l'auteur  de  la  «  Verhande- 
iing  »  s'égare  quelque  peu  sur  les  faits. 

Il  attribue  entre  autres  le  «  commencement  »  de  notre 
rénovation  musicale  flamande  aux  efl'orlsdu  Willemsfonds, 
créant  en  1872  une  publication  consacrée  au  a  lied  »  et  au 
«  chant  »  flamands  à  une  voix;  et  d'autre  part  à  deux 
compositions,  de  grande  valeur  moderne  du  reste,  inti- 
tulées :  4  Ik  spreek  van  U  zoo  zelden  »  et  «  Philips  van 
Artevelde  »  qui  parurent  en  tète  de  celte  remarquable 
publication.  Tandis  qu'en  1865  déjà  parut  chez  Schott, 
éditeur  de  musique,  à  Bruxelles,  un  recueil  de  trois  «  lie- 
deren  »  intitulés  :  «  Wannes  en  Trientje  »,  «  Zij  Lachten  » 
et  «  Pachter  Jan  »,  qui  me  semblent  réunir  toutes  les  qua- 
lités de  modernité  attribuées  par  l'auteur  de  la  «  Verhan- 
deling  »  (et  ce  avec  raison)  au  lied  a  Ik  spreek  van  U  zoo 
zelden  »  (voir  page  569,  lignes  11  jusqu'à  18  inclusive- 
ment). 

Quant  au  grand  chant  flamand  à  une  voix  dans  le  genre 
de  celui  de  «  Philips  van  Artevelde»,  on  en  trouve  des 


(  400  ) 
spécimens  dans  «  Lucifer  »  (1866)  (poème  d'EniMnanuel 
Hiel),  notamment  l'air  de  a  La  Terre  »  (De  Aarde)  et  dans 
le  «  Schelde  »  (poème  d'Emmanuel  Hiel)  (1868),  notam- 
ment les  chants  de  «  Zannekin  »  et  de  «Artevelde's  Geesl  » 
(l'Esprit  d'Artevelde). 


L'auteur  de  la  a  Verhandeling  »,au  talent  et  à  l'érudition 
duquel  je  me  plais  du  reste  à  rendre  hommage,  dit,  page  12 
de  son  travail  :  <i  Ce  n'est  pas  à  cette  époque  (1539)  qu'il 
pouvait  être  question  de  nationalité  dans  la  musique  ». 
C'est  très  juste.  Mais  quelques  lignes  consacrées  aux 
causes  de  cette  situation,  n'eussent  pas  été  sans  offrir 
quelque  intérêt;  d'autant  plus  que  cela  lui  aurait  donné 
l'occasion  d'indiquer, au  moment  voulu,  l'époque  à  laquelle 
le  principe  de  la  nationalité  dans  la  musique  a  acquis 
droit  de  cité  dans  notre  pays  (lamand,  ainsi  que  la  manière 
dont  cette  transformation  s'est  accomplie. 


Page  137  de  la  «  Verhandeling  »,  il  est  question  des 
grands  concours  décomposition  musicale,  sous  le  patronage 
du  Gouvernement  belge. 

Mais  pourquoi  l'auteur  s'est-il  borné  à  la  nomenclature 
(les  quatre  premiers  lauréats? 

Il  n'eût  pas  été  sans  intérêt,  par  exemple,  de  citer  le 
nom  de  notre  estimé  confrère  Jan  Vanden  Eeden,  comme 
ayant  été  le  premier  à  se  servir  du  texte  flamand  pour  sa 
cantate  du  grand  concours  déjà  mentionné.  Il  n'eût  pas  été 
sans  intérêt  encore  de  citer,  d'une  façon  plus  marquée,  les 
compositeurs  de  l'école  flamande  de  musique  moderne, 
aussi  bien  ceux  qui  sont  sortis  directement  de  l'École 


(  401   ) 

d'Anvers,  que  ceux  sortis  de  nos  conservatoires  et  d'antres 
écoles,  mais  qui  ont  subi  l'influence  de  l'idée  nationale  en 
musique,  dont  l'École  d'Anvers  est  le  foyer.  De  celte 
manière,  l'auteur  de  la  a  Verhandeling  »  n'aurait  pas  oublié 
(oubli  bien  involontaire  sans  doute)  de  citer  les  noms  de 
Jean  Blockx,  d'Emile  Wambach,  d'Edouard  Keurvels  et  de 
Franck  Vander  Stucken,  compositeurs  remarquables  sor- 
tis de  l'école  d'Anvers. 


Page  561  de  son  travail  intéressant  à  plus  d'un  titre, 
l'auteur  dit,  à  propos  du  chant  flamand  de  a  Vlaamsche 
Leeuw  »...  «  Que  ce  ne  fut  là  qu'une  exception,  parce  qu'à 
»  cette  époque,  écrire  de  la  musique  sur  des  textes  néer- 
B  landais  ne  constituait  pas  une  habitude  journalière  »... 
L'auteur  de  la  «  Verhandeling  »  y  aurait  pu,  par  extension, 
consacrer  quelques  lignes  à  faire  ressortir  et  mettre  en 
relief,  ce  fait,  que,  chez  nous,  le  mouvement  national  en 
matière  musicale  n'est  pas  sorti  spontanément  du  cerveau 
d'un  seul  homme,  mais  qu'il  a  eu  des  manifestations 
isolées  à  toutes  les  époques.  En  suivant  ce  fil  conducteur, 
l'auteur  serait  arrivé  à  celte  conclusion  inéluctable,  qu'il 
ne  manquait  plus  que  de  formuler  le  principe  de  ce  natio- 
nalisme musical,  et  que  c'est  l'École  d'Anvers,  instituée  en 
1867,  qui  s'est  imposé  la  mission  d'en  formuler  le  principe 
et  de  le  répandre  et  par  sa  propagande,  par  sa  méthodologie. 


Je  me  résume  en  disant  qu'au  point  de  vue  général,  la 
«  Verhandeling  »,  malgré  ses  mérites  qui  la  rendent  digne 
du  prix  qui  a  été  attaché  à  la  question  historique  du  «  lied 
mondain  »  dans  les  provinces  belgiques,  me  semble  plutôt 


(  402  ) 
être  le  travail  d'un  bibliographe  très  distingué,  qu'une  véri- 
table œuvre  d'historien,  parce  qu'à  côté  de  la  partie  didac- 
tique, il  y  a  un  peu  trop  absence  de  l'esprit  philosophique 
qui,  comme  un  souffle,  doit  animer  tout  ouvrage  de  cette 
nature. 

Ainsi,  on  n'y  trouve  pas  suffisamment  indiqués,  d'une 
façon  précise  et  claire,  les  causes  premières,  la  raison  des 
développements  successifs  et  les  résultats  des  phénomènes 
que  l'auteur  s'était  donné  pour  mission  de  mettre  en 
lumière  (1). 


Finalement;  il  me  semble  que  la  partie  traitant  de  la 
question  à  partir  de  1830  jusqu'à  nos  jours,  pourrait  être 
revue  par  l'auteur,  en  tenant  compte  des  observations  que 
j'ai  cru  devoir  formuler  ici. 

A  celte  condition,  j'adhère  volontiers  à  ce  que  la  récom- 
pense académique  soit  accordée  à  l'heureux  auteur  de  la 
«  Verhandeling  ». 

La  Classe,  adoptant  les  conclusions  des  rapports  de  ses 
commissaires,  accorde  au  mémoire  sa  médaille  d'or  de 
800  francs. 

L'ouverture  du  billet  cacheté  a  fait  connaître  que  l'au- 
teur est  M.  Florimond  Van  Duyse,  auditeur  militaire  de  la 
Flandre  orientale,  à  Gand. 


(1)  A  voir  comme  modèle  du  genre  :  V Histoire  de  la  musique  dans 
l'antiquité,  de  Gevaert,  et  celle  du  Lied  allemand,  par  Edouard 
ScuiRÉ. 


(  405  ) 


SUJETS    o'aRT    appliqué. 

PEINTURE. 

La  Classe  adopte  l'avis  de  la  section  de  peinture,  de  ne 
pas  décerner  le  prix  proposé  pour  le  carton  d'un  grand 
panneau  pour  une  Cour  d'assise. 

GRAVURE  EN  MÉDAILLE. 

La  Classe  a  reçu  deux  projets  de  Médaille  commémora- 
tive  de  la  mort  de  S.  A.  R.  le  prince  Baudouin. 

Conformément  à  l'avis  de  ses  sections  de  sculpture  et  de 
gravure,  elle  décerne  le  prix  proposé  au  projet  portant 
pour  devise  :  Ad  Memoriam,  dont  l'auteur  est  M.  Joseph 
Geleyn,  à  Bruxelles. 

La  proclamation  des  résultats  aura  lieu  dans  la  séance 
publique  de  la  Classe,  fixée  au  dimanche  29  octobre. 

PRÉPARATIFS  DE  LA  SÉANCE  PUBLIQUE. 

M.  Samuel,  directeur  de  la  Classe,  donne  lecture  de  son 
discours  :  L'art  libre  et  l'enseignement  de  la  musique. 


(  404  ) 


GLISSE  DES  BEArX-ARTS. 


Séance  publique  du  dimanche  29  octobre  1893. 

M.  Ad.  Samuel,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Prennent  également  place  au  bureau  : 

M.  de  Burlet,  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique,  MM.  J.  Stallaerl,  vice-directeur  de  la  Classe  des 
beaux-arts,  et  Michel  Mourlon,  vice-directeur  de  la  Classe 
des  sciences. 

Sont  présents  :  MM.  Ern.  Slingeneyer,  F.-A.  Gevaert, 
God.  Guffens,  Jos.  Schadde,  Th.  Radoux,  Peter  Benoit, 
Joseph  Jaquet,  J.  Demannez,  P.-J.  Clays,  Gustave  Biot, 
Henri  Hymans,  Th.  Vinçotte,  Alex.  Markelbach,  Jean 
Robie,  G.  Huberti  et  A.  Hennebicq,  membres. 

Assistent  à  la  séance  : 

Classe  des  sciences.  —  MM.  P.-J.  Van  Beneden, 
G.  Dewalque,  C.  Malaise,  F.  Folie,  Alph.  Briart,  F.  Crépin, 
J.  De  Tilly,  G.  Van  der  Mensbrugghe,  Louis  Henry,  J.  Del- 
bœuf,  P.  De  Heen,  F.  Terby,  J.  Deruyts,  membres;  Ch.  de 
la  Vallée  Poussin,  associé. 

Classe  des  lettres.  —  MM.  Alph.  Wauters,  P.VVillems, 
Ch.  Piot,  Ch.  Potvin,  T.-J.  Lamy,  G.  Tiberghien,  Alex. 
Henné,  E.  Banning,  membres;  Alph.  Rivier,  associé. 

La  séance  est  ouverte  à  1  heure  et  demie. 


(  403  ) 


L'art  libre  et  l'enseignement  de  la  Musique  ;  discours 
par  M.  Ad.  Samuel,  directeur  de  la  Classe  des  beaux- 
arts. 

Parmi  les  nombreuses  questions  se  rattachant  aux 
bcaux-arls,  il  en  est  une  particulièrement  digne  d'intérêt  : 
celle  de  l'enseignement.  Question  controversée,  s'il  en 
fut,  au  sujet  de  laquelle  les  opinions  les  plus  diverses  ont 
été  émises,  et  qui  a  su  soulever  des  polémiques  ardentes 
parfois  jusqu'à  la  violence. 

Au  moment  où  vous  vous  disposez  à  l'audition  de 
l'œuvre  d'un  jeune  tout  au  sortir  de  l'école,  il  ne  sera 
point  entièrement  dépourvu  d'intérêt  qu'à  notre  tournons 
envisagions  cette  question,  non  dans  son  ensemble  —  la 
lâche  serait  trop  vaste  —  mais  sous  quelques  aspects  qui 
nous  sont  plus  familiers. 

L'esprit  de  tolérance  et  de  progrès  qui  a  toujours  régné 
dans  celte  Académie,  et  dont  récemment  encore  elle 
donnait  une  preuve  éclatante,  me  permettra  d'énoncer  ici 
des  opinions  personnelles,  que  tous  mes  éminents  con- 
frères ne  partagent  peut-être  point,  mais  qu'ils  n'hésitent 
pas  à  me  laisser  librement  exposer  ici. 

L'art,  après  avoir  traversé  ces  dernières  années  une 
période  d'évolution,  s'affirme  maintenant  d'une  façon 
précise  par  la  communauté  des  tendances.  Issu  d'un  besoin 
intense  de  réaction,  l'art  nouveau  prend  historiquement 
date  à  l'apparition  du  drame  wagnérien;  de  la  musique  et 

3""    SÉRIE,   TOME    XXVI.  27 


(  406  ) 

du  Ihéâlre  il  passe  à  la  littérature,  puis  à  la  peinture  et  la 
sculpture,  pour  atteindre  l'architecture  elle-même,  bien 
qu'en  des  réalisations  purement  idéales,  que  je  sache. 
Symbolistes,  instrumentistes,  décadents,  néo-impression- 
nistes, mystiques,  néo-byzantins  et  les  autres,  autant  de 
groupes  qui  semblent  se  diriger  dans  des  sens  divers; 
tous  progressent  cependant  dans  une  voie  unique,  s'avan- 
cent de  front  par  la  brèche  entr'ouverle. 

L'art  d'aujourd'hui  ne  saurait  que  dilTicilement  se 
définir  en  une  appellation  globale;  mais  on  peut  dire  que 
ce  qui  le  caractérise,  c'est  la  préoccupation  exclusive  de 
l'impression  communiqi: ée,ahslr3iCl\on  faite  de  toute  maté- 
rialisation, abstraction  faite  de  la  forme.  Non  point  que, 
systématiquement,  ce  qui  est  la  forme  soit  rejeté,  ou  sim- 
plement négligé.  Toute  réalisation  a  forcément  une  struc- 
ture; la  dissymétrie  elle-même  est  une  forme  ne  différent 
que  par  une  plus  grande  complexité.  Et  la  forme,  loin  d'être 
un  élément  négligeable  dans  l'œuvre  d'art,y  contribue  pour 
une  large  part  à  fournir  l'impression.  C'est  la  préoccupa- 
tion de  la  forme  considérée  pour  elle-même  qui  disparaît. 
Elle  sera  ce  que  l'œuvre  exige;  et  qu'elle  soit  simple, 
compliquée,  symétrique,  irrégulière,  nouvelle  ou  ancienne, 
étrange  même,  peu  importe,  pourvu  que  la  sensaiion 
dégagée  soit  celle  rêvée,  pourvu  que  l'idée  évoquée 
réponde  à  la  pensée  créatrice.  La  forme  devient  un  mode 
d'expression,  rien  de  plus.  Ainsi  l'art  a  rejeté  ses  lisières, 
a  rompu  les  entraves  dont  on  l'avait  chargé;  il  n'admet 
plus  d'autres  règles  que  celles  que  l'auteur  puise  dans  ses 
sentiments,  et  ne  reconnaît  pas  celles  établies  a  priori^ 
ou  résultant  de  la  froide  analyse  d'œuvres  antérieures, 
imposées  comme  modèles.  11  se  soustrait  à  la  férule  des 
rhétoriciens  :  l'art  est  libre  désormais. 


(  4.07  ) 

Précédemment,  au  contraire,  la  considération  de  la 
lorme  prédominait.  La  forme  était  déterminée,  au  préa- 
lable, et  rien  ne  devait  en  altérer  la  pureté.  L'œuvre  devait 
éveiller  autant  d'intérêt  par  son  mode  de  structure  que  par 
l'émotion  qui  y  était  répandue.  On  s'émerveillait  de  la 
souplesse  avec  laquelle  un  auteur  savait  s'approprier  une 
forme  et  y  mouler  sa  pensée  ou  son  sentiment.  On  faisait 
des  sonnets,  des  rondeaux  et  les  vers  selon  les  règles; 
on  faisait  des  airs  à  danser,  des  fugues  ou  des  sonates; 
la  coupe  des  opéras,  celle  des  airs,  celle  de  chaque  morceau 
était  réglée;  dans  les  arts  plastiques,  il  était  élémentaire 
que  l'on  respectât  scrupuleusement  les  formes  fournies  par 
la  nature  ainsi  que  les  lois  des  perspectives.  L'œuvre 
n'était  comprise  qu'à  la  condition  de  revêtir  quelques 
aspects  déterminés,  la  plupart  conventionnels.  L'indépen- 
dance absolue  de  l'art  était  entravée. 

Ces  entraves,  que  les  traditions,  l'usage,  la  mode  avaient 
établies,  il  fallait  nécessairement  les  connaître,  il  fallait  y 
assouplir  le  cerveau,  en  sorte  qu'elles  ne  fussent  plus 
une  contrainte  pour  la  production.  Sans  une  initiation 
préalable,  sans  un  entraînement  méthodique,  point  d'art 
possible.  Les  plus  indépendants,  les  plus  audacieux,  les 
plus  révolutionnaires  ont  dû  se  soumettre  à  un  premier 
enseignement;  et  si,  dans  la  suite,  ils  ont  élargi  certaines 
formules  devenues  trop  étroites  pour  leurs  puissantes 
conceptions,  s'ils  ont  déraciné  telles  conventions,  dédai- 
gné telles  coutumes,  ils  n'ont  pas  moins  été  contraints  de 
demander  à  autrui  les  connaissance  de  ces  éléments  qu'ils 
ont  triturés,  modifiés,  sans  doute,  mais  que,  par  cela 
même,  ils  avaient  dû  posséder  d'abord. 

Aussi,  les  écoles  d'art  prospéraient  en  raison  immédiate 


(  408  ) 
de  leur  ulililé  sans  conteste.  Ces  écoles,  organisées  sur 
des  bases  robustes,  persistent  toujours,  et  leur  vitalité  est 
en  pleine  efflorescence.  Mais,  conçues  en  vue  d'un  art 
différent,  on  se  demande  à  présent  si  elles  ont  encore 
leur  raison  d'être,  si  elles  répondent  à  des  besoins  de  l'art 
nouveau. 

C'est  là  une  question  d'une  extrême  gravité,  puisqu'il 
s'agit  d'avenirs  engagés,  et  dans  laquelle  on  ne  saurait 
apporter  trop  de  circonspection.  Le  plus  souvent  pour- 
tant, on  s'y  prononce  à  la  légère;  le  point  de  vue  auquel 
on  se  place  est  trop  élevé,  ou  ne  l'est  pas  assez;  on  dit 
des  vérités  belles  et  de  grande  allure,  mais  qui,  si  on 
veut  les  mettre  en  application,  se  réduisent  à  chimères. 
Tout  n'est  pas  seulement  idéalité  dans  les  arts  :  il  y  a  des 
côtés  terre  à  terre,  matériels,  avec  lesquels  force  nous  est 
bien  de  devoir  compter. 

Sans  doute,  l'art  proprement  dit  n'est  point  chose  qu'on 
enseigne.  Pour  atteindre  un  semblable  but,  il  faudrait  tout 
au  moins  la  connaissance  des  lois  de  l'esthétique;  et  que 
savons-nous  en  cette  matière?  Rien,  véritablement  rien. 
Professer  les  moyens  de  réaliser  le  beau,  ou  de  fixer  une 
impression,  n'est  que  simple  utopie.  Les  traités  d'art,  les 
cours  de  littérature  et  autres  ouvrages  pédagogiques, 
malgré  leur  prétention,  ne  s'élèvent  pas  au-dessus  de 
l'analyse  ou  du  commentaire.  Les  règles  prescrites,  les 
préceptes  exposés  ne  sont  que  des  recettes  pour  refaire 
ce  qui  a  été  fait.  On  disait  bien  auparavant  d'une  œuvre 
qu'elle  était  réalisée  ou  non  selon  les  règles  de  l'art;  mais, 
même  alors,  par  règle  de  l'art,  on  entendait  uniquement 
ces  conventions  de  forme  et  d'aspect  dont  nous  venons  de 
nous  entretenir. 


(  409  ) 

Or,  du  moment  que  les  règles  de  l'art,  à  proprement 
parler,  ne  sont  connues  qu'à  l'étal  d'intuition  lointaine  et 
tout  individuelle,  et  que,  d'autre  part,  les  règles  conven- 
tionnelles sont  volontairement  écartées,  il  n'y  a  rien 
d'absurde,  en  apparence,  à  déclarer  que  l'enseignement 
d'art,  de  quelque  façon  que  l'on  tente  de  le  moJifier, 
devient  aujourd'hui  une  superfétation. 

Eh!  certainement,  la  spontanéité  et  l'indépendance  — 
qui  sont  la  marque  du  mouvement  moderne  —  semblent 
incompatibles  avec  une  éducation,  quelle  qu'elle  soit.  Cer- 
tainement, celui  qui  doit  tout  trouver  par  lui-même,  celui 
qui  ne  doit  faire  usage  que  d'éléments  dérivant  si  direc- 
tement de  la  conception  que  les  plus  intimes  sont  encore 
une  création  nouvelle,  celui-là  rencontrera  difïicilemenl 
le  maître  qui  lui  indique  la  voie  à  suivre  et  le  mode  de 
procéder.  Qui,  en  effet,  saurait  pressentir  une  personnalité 
encore  à  l'état  latent,  et  quelle  certitude  resle-t-il  pour 
éviter  le  conseil  peut-être  néfaste  ? 

Je  conçois  fort  bien  l'art  comme  découlant  naïvement 
d'un  besoin  exhubérant  d'expansion,  et  l'artiste  —  se  lais- 
sant guider  presque  aveuglément  sous  cette  pression  de 
son  être  —  se  perfectionnant  petit  à  petit,  sans  aide 
étrangère.  Mais  cela  se  peut-il,  en  réalité,  ailleurs  que 
dans  l'art  de  la  parole  écrite?  N'est-ce  pas  l'apanage 
unique  du  poète  et  du  littérateur,  cet  abandon  entier 
dans  la  production,  ce  laisser-aller  affranchi  de  toute  préoc- 
cupation, au  gré  du  sentiment  ou  de  l'idée? 

Peut-être  pourrait-on  prétendre  qu'en  peinture  ou  en 
sculpture,  il  n'est  besoin,  à  la  rigueur,  d'autre  éducation 
que  celle  des  yeux  et  de  l'expérience,  pour  arriver  à  la 
pleine  maturité  du  talent.  N'étant  qu'un  profane  en  cette 


(410) 

matière,  je  laisse  à  ceux  qui  cultivent  ces  branches  de 
lart  la  responsabilité  de  se  prononcer.  Mais,  certainement, 
pour  la  musique,  il  n'en  est  pas  ainsi.  En  dépit  des  argu- 
ments les  mieux  fondés  dans  leur  généralité,  elle  comporte 
une  initiation,  un  enseignement;  mieux  que  cela,  dans 
une  certaine  mesure,  elle  en  réclame. 

Je  citerai  d'abord  toute  la  catégorie  des  interprètes  pour 
laquelle  la  nécessité  d'un  enseignement  est  si  évidente,  que 
personne,  je  pense,  ne  peut  songer  à  la  contester.  Il  est 
un  mode  de  tenir  l'instrument,  de  placer  les  mains  et  les 
doigts;  il  est,  pour  le  chanteur,  telle  façon  de  respirer, 
d'émettre  le  son;  il  est  tels  moyens  techniques  et  d'autres 
en  quelque  sorte  orthopédiques,  par  lesquels  seulement 
s'acquiert  la  possibilité  d'exécuter  les  œuvres  modernes 
aux  difficultés  transcendantes.  Livré  à  lui-même,  ce  n'est 
que  bien  exceptionnellement  qu'un  musicien  arrivera  à 
une  virtuosité  suffisante;  et  ces  exceptions  sont  trop  peu 
communes  pour  former  le  contingent  de  nos  orchestres, 
auxquels  il  nous  faut  pourvoir.  La  liberté  dans  l'art,  loin 
d'amener  un  relâchement  dans  l'enseignement  à  donner  à 
l'exécutant,  a  pour  conséquence,  au  contraire,  un  renfor- 
cement considérable  de  l'étude  musicale.  Ceci,  dis-je, 
n'est  guère  discuté,  et  je  parle  des  interprètes  surtout 
pour  montrer  un  point  de  plus  par  où  la  musique  diffère 
des  autres  arts. 

C'est  le  compositeur  qui  nous  occupe;  celui-ci,  pas  plus 
que  les  musiciens  exécutants,  ne  saurait  se  passer  d'un 
apprentissage.  Dès  le  début,  il  se  heurte  aux  notions  élé- 
mentaires :  l'intonation,  le  rapport  des  sons,  la  notation 
musicale,  la  lecture,  les  rythmes,  les  modes,  les  tonalités, 
connaissances  primordiales  qui,  poussées  jusqu'à  la  lec- 


(Ui  ) 

liire  de  la  partition  d'orchestre,  représentent  une  somme 
de  travaux  d'assimilation  et  d'éducation  cérébrale  qu'un 
enseignement  régulier  peut  seul  mener  à  bonne  un.  Mais 
l'objet  des  controverses  est  plutôt  cet  enseignement  spé- 
cial, institué  en  vue  de  préparer  à  la  composition  musi- 
cale. L'idée  de  préparation  apparaît,  en  effet,  comme 
une  hérésie,  alors  qu'il  s'agit  d'art  essentiellement  libre.  La 
musique  cependant  forme  une  exception  pour  les  raisons 
que  je  vais  dire. 

Depuis  qu'elle  vise  à  l'expression  pure,  la  musique  n'a 
plus  sa  simplicité  primitive;  c'est  devenu  une  sorte  de 
langage  complexe,  aux  multiples  modulations.  Cette  langue 
n'a  pas  été  forgée  d'un  seul  bloc;  elle  est  due  aux  efforts 
successifs  des  maîtres  passés,  qui  se  sont  complétés  les 
uns  les  autres;  Bach,  Beethoven,  Wagner  en  sont  les 
Titans  créateurs.  Un  vocabulaire  aussi  varié  n'est  que 
strictement  suffisant  en  notre  époque  raffinée  aux  sen- 
sations subtiles;  car  ces  sensations  ne  sont  pas  dépeintes, 
elles  sont  véritablement  traduites.  Or,  quelle  que  soit 
l'indépendance  que  nous  apportons  dans  cette  traduction, 
quelle  que  soit  la  liberté  qui  préside  à  la  réalisation  de 
l'œuvre,  les  moyens  dont  nous  ferons  usage  ne  seront 
autres  que  ceux  découverts  par  les  maîtres.  Sans  doute, 
par  la  suite,  notre  personnalité  aidant,  nous  ajouterons 
aussi  notre  pierre  à  l'édifice.  Mais  nous  ne  pouvons 
songer  à  élever,  par  nous-mêmes,  un  autre  monument 
entièrement  nouveau.  Le  prodigieux  élan  de  création 
réalisé  par  Bach  est  trop  extraordinaire  pour  être  envi- 
sagé autrement  qu'un  fait  unique;  et  encore  procédait-il, 
en  une  certaine  mesure,  de  ses  devanciers.  Ne  pouvant 
nous  contenter  de  bégayer,  en  des  œuvrettes  naïves, 
une  langue  enfantine,  —  car  la  naïveté  n'est  pas  de  notre 


(412) 
temps,  —  désirant,  au  contraire,  produire  des  œuvres 
fortes,  psychologiques,  il  nous  faut  bien  faire  connaissance 
avec  les  ressources  existantes;  il  nous  faut  bien  nous 
exercer,  nous  entraîner,  en  quelque  sorte,  afin  de  pouvoir 
en  faire  usage,  librement,  avec  indépendance,  au  gré  de 
notre  sentiment. 

C'est  pourquoi  s'enseigne  l'harmonie;  non  plus  ce 
fatras  de  préceptes  surannés,  de  théories  arbitraires  ou 
hypothétiques,  d'exercices  absurdes,  connus  sous  la  même 
dénomination;  mais  la  recherche,  l'élude  et  l'application 
(simples  croquis  équivalents  à  ceux  du  peintre)  des  sons 
simultanés  considérés  comme  éléments  expressifs. 

C'est  pourquoi  s'enseigne  aussi  la  polyphonie;  point  ce 
contrepoint  italien,  inepte  et  maladroite  adaptation  à  notre 
art  si  mouvementé,  de  l'art  plastique  des  maîtres  du 
moyen  âge  ;  mais  une  polyphonie  libre  astreinte  aux  seules 
règles  du  goût,  gymnastique  plutôt  qu'enseignement,  pro- 
voquant une  souplesse  de  l'esprit,  point  généralement 
innée  chez  le  musicien. 

C'est  pourquoi  encore  les  inépuisables  richesses  de 
l'orchestre  sont  exposées;  c'est  pourquoi  le  jeune  disciple 
est  guidé  dans  l'emploi  si  délicat  des  instruments  ou  de  la 
voix  et  le  mélange  des  timbres. 

Livré  à  lui-même,  que  ferait-il  d'autre  que  d'essayer 
d'entreprendre  seul  l'ensemble  de  cet  énorme  travail,  au 
prix  d'eiforts  exagérés?  Et,  s'il  y  renonçait,  quelle  serait  la 
valeur  de  ses  productions? 

Sans  doute,  il  est  admissible  qu'un  jeune  compositeur 
parvienne  à  faire  son  éducation  sans  l'aide  de  personne. 
Mais  ce  sera  grâce  à  un  rare  concours  de  circonstances 
favorables,  grâce  à  un  entourage  choisi,  grâce  à  un  milieu 
propice.  Bach  était  fils  de  musicien,  Wagner  également; 
c'est  un  détail  qu'il  est  bon  de  ne  point  oublier. 


(413) 

Constituer  pour  chacun  ce  milieu  propre  au  développe- 
ment de  l'apprenti  compositeur,  tel  est  rol)jet  principal  de 
la  classe  de  composition.  C'est  l'atelier  où  l'on  se  réunit 
pour  travailler,  mieux  encore,  pour  voir  travailler;  où  l'on 
s'entraîne  mutuellement  par  l'exemple,  l'émulation  et  la 
communion  des  idées.  Tout  caractère  scolastique,  docto- 
ral, pédantesque,  en  devra  être  rigoureusement  écarté.  Le 
maître  ne  sera,  pour  le  disciple,  que  le  guide  qui  lui 
abrège  le  chemin,  l'ami  qui  le  stimule,  l'encourage  et 
éveille,  s'il  le  faut,  son  imagination.  Il  n'aura  aucun  pré- 
jugé, aucun  parti  pris,  et  ne  reconnaîtra  d'autres  fautes 
que  ce  qui  dénature  l'expression,  fausse  le  sentiment  ou 
froisse  le  goût.  Il  pourra  enseigner  que  l'œuvre  d'art  ne 
s'improvise  pas;  que  pour  que  l'émotion  se  communique, 
il  faut  que  l'artiste  ait  la  force  de  la  concentrer  en  lui,  de 
la  retenir  intacte  et  puissante,  jusqu'au  parfait  achèvement 
de  l'œuvre;  que  tous  les  détails,  même  les  plus  intimes, 
doivent  refléter  cette  émotion  et  en  être  issus.  Et  si  des 
généralités  il  passe  à  l'examen  des  œuvres  et  formes 
anciennes,  ce  sera  en  répétant  à  satiété  :  «  N'imitez  point 
ceci,  faites  mieux  ou  du  moins  autre  chose  ».  Le  tact  le 
plus  délicat  présidera  à  cet  enseignement,  la  crainte 
d'égarer  le  jeune  et  confiant  artiste  sera  toujours  présente. 
Voici  un  adolescent  qui  sent  bouillonner  en  lui  des  aspira- 
tions d'art.  Tout  est  encore  confus  dans  son  esprit;  ce 
qu'il  aime,  ce  qu'il  recherche,  ce  qui  sera  sa  personnalité, 
il  ne  saurait  déjà  le  dire.  Ce  sont  d'abord  des  préférences 
si  vaguement  entrevues  qu'il  n'en  a  pas  l'entière  percep- 
tion, noyées  qu'elles  sont  au  milieu  de  l'œuvre  formidable 
des  devanciers.  Pourtant,  c'est  à  ces  préférences  qu'il 
devra  obéir  sans  cesse,  exclusivement  :  il  découvrira 
ainsi  petite  petit  les  tendances  qui  sont  siennes;  il  créera 


(  Ml  ) 

ainsi,  pas  à  pas,  les  éléments  de  son  art.  Il  est  des  tempé- 
raments fougueux,  indépendanls,que  rien  ne  peut  distraire 
de  cette  marche  en  avant;  mais  la  plupart  sont  d'un 
caractère  plus  doux,  timide,  docile,  qu'une  influence 
maladroite  peut  détourner.  On  ne  forme  pas  une  nature, 
on  la  réveille;  bien  plus  aisément,  on  l'étouffé. 

Que  celui  qui  assume  la  charge  de  faire  un  enseignement 
d'art  ait  celte  vérité  toujours  présente  ;  qu'il  ait  constam- 
ment conscience  que  ses  conseils  sont  autant  de  dangers 
imminents,  s'ils  portent  la  moindre  atteinte  à  la  liberté  de 
pensée  du  disciple;  que  toute  indépendance  soit  laissée 
dans  le  travail;  que  chacun  produise  à  sa  guise;  que  le 
respect  de  la  personnalité  soit  sacré. 

En  d'autres  termes,  et  pour  me  résumer  :  puisque, 
malgré  l'art  libre,  il  faut  un  enseignement  pour  le  compo- 
siteur, que  cet  enseignement  revête  les  caractères  mêmes 
de  l'art  nouveau  :  qu'il  soit  libre,  qu'il  soit  indépendant. 


M.  le  secrétaire  perpétuel  proclame  les  résultats  suivants 
du  concours  annuel  de  la  Classe  et  des  concours  du  Gou- 
vernement. 

CONCOURS  ANNUEL  DE  LA  CLASSE  POUR   1893. 


PARTIE     I^ITTEBAIRE. 

La  Classe  a  reçu  deux  mémoires  en  réponse  à  la 
deuxième  question  du  programme  :  Apprécier  le  rôle  de  la 
gravure  en  taille-douce  depuis  les  derniers  perfectionne- 


(  415  ) 

meiits  de  la  photographie  et  indiquer  celui  qu'elle  peut  être 
appelée  à  jouer  dans  Cavenir. 

Ces  deux  mémoires  porlenl  pour  devises  : 

Le  nM.  La  Gravure  est  un  bel-art;  la  Graphique  un 
art  industriel. 

Le  n"  2.  On  ne  saurait  faire  à  un  peintre  de  plus 
cruelle  injure  que  de  supposer  quil  vise  à  placer  ses 
œuvres  au  niveau  de  la  photographie.  (H.  Hymans.) 

La  Classe,  adoptant  les  conclusions  des  rapports  de  ses 
commissaires,  a  décidé  de  partager  le  prix  proposé  de 
six  cents  [raves  entre  les  deux  concurrents. 

L'ouverture  des  billets  cachetés  a  fait  connaître  comme 
auteur  du  mémoire  n°  1,  M.  Paul  Buschmann,  à  Anvers; 
et  comme  auteur  du  mémoire  n°  %  M.  René  van  Bastelaer, 
attaché  au  Cabinet  des  Estampes  de  la  Bibliothèque  royale 
de  Belgique. 

Un  mémoire  portant  pour  devise  : 

't  Zingen  is  de  ziel  van  't  leven; 
't  Zingen  is  V  gewiekte  woord 

a  été  reçu  en  réponse  à  la  quatrième  question  :  Faire 
l'histoire  de  la  chanson  mondaine,  française  et  flamande 
à  une  seule  voix,  dans  les  provinces  belgiques,  depuis  le 
X/"  siècle  jusqu'à  nos  jours. 

La  Classe,  adoptant  les  conclusions  des  rapports  de  ses 
commissaires,  a  décerné  à  l'auteur  une  médaille  d'or  de  la 
valeur  de  huit  cents  francs. 

L'ouverture  du  billet  cacheté  a  fait  connaître  que 
l'auteur  de  ce  travail  est  M.  Florimond  Van  Duyse,  audi- 
teur militaire  de  la  Flandre  orientale,  à  Gand. 


(  4i6  ) 

SUJETS    o'ART    appliqué. 

PEINTURE. 

Un  prix  de  mille  francs  élail  proposé  pour  le  sujet 
suivant  :  Grand  panneau  pour  une  Cour  d'assises. 

Six  cartons  ont  été  reçus.  Ils  portent  comme  devises: 
n°  1.  L'Union  fait  la  Force;  n"  2.  Un  triangle;  n"  5.  Pro 
arte;  n°4.  Labor;  n°  5.  La  conscience  entre  l'acquittement 
et  la  condamnation  ;  n*  6.  La  loi  doit  être  comme  la  mort 
qui  n'épargne  personne  (Montesquieu). 

La  Classe,  sur  l'avis  de  sa  section  de  peinture,  n'a  pas 
décerné  le  prix. 

GRAVURE    EN    MÉDAILLES. 

Un  prix  de  six  cents  francs  était  proposé  pour  une 
Médaille  commémorative  de  la  mort  de  S.  A.  R.  le  prince 
Baudouin. 

Deux  projets  ont  été  reçus  : 

Le  n°  1  porte  pour  devise  Pax;  le  n"  2,  Ad  memoriam. 

La  Classe,  adoptant  l'avis  des  sections  de  sculpture  et 
de  gravure,  a  accordé  le  prix  au  projet  n°  2. 

L'ouverture  du  billet  cacheté  a  fait  connaître  que 
M.  Joseph  Geleyn,  à  Bruxelles,  est  l'auteur  de  ce  projet. 


PRIX  DU  GOUVERNEMENT. 

PRIX.  QUIMQUEI«IVAL  DE  LITTÉRATURE   FRANÇAISE. 

Sur  la  proposition  du  jury  chargé  de  juger  la  neuvième 
période  (1888-1892)  du  concours  quinquennal  de  littéra- 


(«7) 
lure  en  langue  française,  le  prix  a  été  décerné,  par  arrêté 
royal  du  5  août  dernier,  à  M.  Georges  Eekhoud,  pour  son 
ouvrage  intitulé  :  La  Nouvelle  Carthage. 

CiRAIVD    COIWCOURS    d' ARCHITECTURE    DE    1893. 

Comme  suite  aux  résolutions  du  jury  chargé  de  juger 
le  grand  concours  d'architecture,  le  premier  prix  a  été 
décerné  à  M.  Vereecken,  Emile,  d'Anvers,  élève  de  l'Aca- 
démie royale  des  beaux-arts  de  la  même  ville. 

Un  second  prix  a  été  donné  à  l'unanimité  à  M.  Mertens, 
François,  de  Borgerhout,  élève  de  l'Académie  royale  des 
beaux-arts  d'Anvers. 

Une  mention  honorable  a  été  accordée  en  partage  à 
M.  Lambot,  Emile,  élève  de  l'Académie  royale  des  beaux- 
arts  de  Bruxelles,  et  à  M.  De  Vooght,  Louis,  d'Anvers, 
élève  de  l'Académie  royale  des  beaux-arts  de  la  même  ville. 

Le  jury  a  cru  de  son  devoir  d'appeler  d'une  façon  toute 
spéciale  l'attention  du  Gouvernement  sur  l'auteur  du  pro- 
jet classé  deuxième,  et  qui  eiit  obtenu  le  premier  prix  en 
partage,  si  celui-ci  pouvait  être  partagé. 

conrcovBS  des  cantates  pour  e,e  ciraivd  prix 

DE    COMPOSITIOIV    JHUSlCAIiE   DE    1893. 

Comme  suite  aux  résolutions  du  jury  qui  a  jugé  le 
double  concours  pour  les  poèmes  devant  servir  de  thème 
aux  concurrents  pour  le  grand  prix  de  composition  musi- 
cale de  cette  année,  le  prix  des  cantates  françaises  a  été 
décerné  à  l'unanimité  à  M.  J.-B.  De  Snerck,  à  Bruxelles, 
pour  son  poème  intitulé  :  Lady  Macbeth. 


(  us  ) 

Le  prix  des  cantates  flamandes  a  également  été  décerné, 
à  l'unanimité,  à  M.  Isidore  Albert,  à  Gand,  pour  son  poème 
intitulé  :  Cassandra. 

eRAND    CONCOURS    »E    COIHPOSITIOIV    MUSICA^LE. 

Le  jury  chargé  de  juger  le  grand  concours  de  compo- 
sition musicale  a  décerné  : 

Le  premier  prix  à  iM.  Louis  Mortelmans,  d'Anvers  ; 

Un  premier  second  prix  (à  l'unanimité)  à  M.  Jean- 
Martin  Lunssens,  de  Molenbeek-Saint-Jean  ; 

Un  deuxième  second  prix  à  M.  Joseph-Pierre  Van  der 
Meulen,  de  Gand  ; 

Une  mention  honorable  (à  l'unanimité)  à  M.  Nicolas 
Daneau,  de  Binche. 

La  séance  s'est  terminée  par  l'exécution  de  la  cantate 
Lady  Macbeth,  poème  couronné  de  M.  J.-B.  De  Snerck 
(texte  flamand  de  M.  Emm.  Hiel),  musique  de  M.  Louis 
Mortelmans. 


(  419  ) 

liADT  MACBETH, 

POÈME    LYRIQUE    ET   DRAMATIQUE    EN    TROIS   PARTIES; 

par  J.  -B.  De  Snerck. 

Pcrsonnnges  : 

I.ady  Macbeth M^e  SoetENS-FlaMENT. 

Macbeth M.  H.  FONTAINE. 

I  UN  Serviteur.  ] 

\  UN  Messager.  (     ,   ^, 
■'««^«"«"*-      UN  Officier.  ^-  ^- 

(  UN  Soldat.  ) 

E,es  Sorcières.  (  Les  chœurs  seront  chantés  par  la 

Chœur  de  soldats.   (      «  Koor  Verceniging  »  d'Anvers. 


1.  -  L'AMBITION. 

(Prélude  :  La  Tempêle.) 

Le  Kéciiant. 

L'enfer  a  déchaîné  la  foudre  et  la  tempête... 
Au  sein  de  l'ouragan  qui  gronde  sur  sa  tète, 
Le  voyageur  s'épuise  en  vains  efforts. 

Les  accents  profonds  du  tonnerre, 
Aux  grandes  voix  des  cléments  en  guerre, 
Se  mêlent  dans  les  cieux  et  font  vibrer  la  terre 
En  de  majestueux  accords. 

N.  B.  Les  passages  entre  crochets  n'ont  pas  été  mis  en 
musique. 


(  420  ) 


Les   Sorcières. 

(Dans  la  tempête.) 

Hurlez,  sifflez,  grands  esprits  de  l'orage  ! 
Filles  d'enfer,  nous  rions  de  la  rage 

Des  éléments. 
Précipitez  vos  assauts,  vos  colères. 
Rafraîchissez  nos  douleurs  séculaires 

Dans  vos  tourments. 
C'est  dans  vos  cris,  vos  fureurs,  vos  vacarmes, 
Que  nos  suppôts  font  leurs  philtres,  leurs  charmes 

Pour  les  mortels. 
Hurlez,  démons,  car  c'est  jour  d'allégresse  : 
Nous  consacrons  la  nouvelle  prétresse 

De  vos  autels  ! 

(L'orage  s'apaise  peu  à  peu.) 

l<ady  Macbeth. 

Voici  l'heure...  Soleil,  viens  dissiper  la  nue  ! 
Ta  lumière  en  ces  lieux  sera  la  bienvenue 
Pour  fêter  de  Macbeth  le  triomphant  retour... 

Trop  lente  au  gré  de  mon  amour, 
L'heure  est  venue  enfin  qu'annonçait  son  message... 
Macbeth,  noble  héros,  cher  époux,  ton  courage 
T'a  fait  victorieux  et  l'égal  des  plus  grands  ! 
Toi  qui,  dans  le  danger  toujours  aux  premiers  rangs. 
Combattis  pour  ton  roi  sans  peur,  sans  défaillance, 
Tu  me  reviens,  Macbeth,  tu  reviens  dans  mes  bras 
Et  tu  n'as  que  mon  cœur  pour  prix  de  ta  vaillance  ! 
La  royauté,  la  gloire  est  aux  mains  des  ingrats... 
Mais  le  voici  !  Macbeth  ! 

Macbeth. 

Ma  bicn-aimée!... 

(Apparition  des  sorcières.^ 


421    ) 


I>ady  Macbelh. 

Mais  voyez  ...  là,  ...  dans  la  fiimce, 
Ces  monstres  par  l'enfer  vomis!... 

■>a   première  Soreière. 

Salut,  ô  Macbeth,  ihaiie  de  Glamis! 

I^a  deuxième  Sorcière, 

Salut,  ô  Macbeth,  thane  de  Cawdor! 

L.a  troisième  Sorcière. 

Salut,  Macbeth,  qui  seras  roi  ! 

(Les  sorcières  disparaissent.) 

Lady  Macbeth. 

{A  part.) 

Quoi,  reine! 
Ah  !  répétez,  parlez  encor  ! 
Parlez  encor,  Sirène  ! 
Je  serai  reine! 

liC»  Sorcières. 

(Invisibles.) 

Macbeth  est  grand  et  seul  digne  du  trône. 
11  est  puissant,  et  s'il  veut  la  couronne, 

I!  sera  roi  ! 
A  ses  côtés  tu  serais  noble  reine... 
Femme,  tu  veux  la  grandeur  souveraine  : 

Elle  est  à  toi. 

liady  Macbeth. 

Macbeth,  tu  seras  roi.  Roi  !  Macbeth,  Tentends-tu? 
SÉRIE,   TOME    XXVI.  28 


(  4-22  ) 

Macbeth. 

J'entends,  bien  qu'incertain  si  je  rêve  ou  je  veille. 

Comment  croire  à  cette  merveille  : 
Cawdor  vit,  le  roi  vit;  près  d'eux  j'ai  combattu? 

(Fanfare.) 

Un  Serviteur. 

(Récit.) 

Dans  la  campagne,  au  loin,  s'avance  un  long  cortège. 
Du  haut  des  murs,  on  voit  sous  les  feux  du  soleil 
De  grands  chevaux  de  guerre  à  la  robe  de  neige 
Et  des  armes  d'acier  d'un  éclat  sans  pareil. 

Mais  voici  qu'un  soldat  s'élance 

Au  milieu  d'un  nuage  d'or  : 

Un  drapeau  blanc  flotte  à  sa  lance. 

II  approche,  et  dans  le  silence 

Qui  suivit  soudain  son  essor, 

F^e  messager  sonne  du  cor. 


Qu'il  vienne!... 

(Entrée  du  messager.) 


I>e  Messager. 

0  grand  Macbeth,  Glamis,  Cawdor,  salut! 

Macbeth. 

Cawdor,  dis-tu?  Comment? 

lie  Messager. 

Cawdor  est  mort,  le  traître, 
Et  ses  biens  et  son  nom,  par  le  roi,  notre  maître, 
Vous  sont  donnés,  Macbeth,  comme  un  juste  tribut. 


(  4-23  ) 

l.aily  Macbeth. 

(A  part.) 

Al»  !  celle  prophétie! 

Le  illessagor. 

Et  pour  montrer  à  tous  comment  il  apprécie 

La  valeur,  le  devoir, 
Le  Roi  sera,  Wacbclli,  votre  hôte  ici  ce  soir. 

Marbelh. 

Le  Roi  chez  moi! 


I.ady  Macbeth. 

^Bas.) 

Macbeth,  souviens-toi  de  l'oracle 


Los    «orelères. 

(Invisibles.) 

Quoi,  j)rcs  de  toi,  le  vieux  roi,  seul  obstacle! 
Écartc-lc,  c'est  la  fin  du  miracle... 

Lady  Macbeth. 

Rêve  doré  ! 

Les  Sorcières. 

N'hésite  poinlj  hâte-loi,  l'heure  sonne  : 
Il  csl  venu  l'apporter  sa  couronne... 

l.Bdy  Macbeth. 

(Avec  éncrgie.1 

Ah!  je  l'aurai! 


(  424  ) 
II.  —  LE  MEURTRE. 

[Le  soir,  chez  Macbeth.  Fêle  en  l'honneur  du  roi.  Chants.  Musique.) 

Chœur  dea  Holdats. 

Où  donc  es-lu,  roi  de  Norvège, 
Naguère  encor  fier,  arrogant? 
De  nos  corbeaux  le  noir  cortège 
A  nettoyé  déjà  ton  camp. 
Comme  un  voleur,  comme  un  brigand, 
Tu  fuis  vers  ton  pays  de  neige  : 
Satan,  ton  parrain,  te  protège!... 
Et  longue  vie  au  roi  Duncan  ! 

Un  Officier. 

Silence,  amis,  voici  la  nuit  morose! 

Déjà  le  roi  repose  : 

L'écho  de  vos  chansons  troublerait  son  sommeil... 

Bientôt  à  l'horizon  vermeil 
L'astre  brillant  du  jour  répandra  sa  lumière 
Et  nous  devrons  quitter  ces  lieux  hospitaliers. 
Dispensés  un  moment  des  labeurs  journaliers. 
Demain  vous  reprendrez  la  peine  coutumière  : 
Allez,  reposez-vous,  soldats  et  chevaliers. 

(Tous  se  retirent.) 

L.aily  Macbeth. 

Demain  !  ...  Il  va  partir,  emporter  sa  couronne, 
Le  jour  où  le  Destin  me  Fofîre,  me  la  donne! 


[  42S  ) 

t.es  Sorcières. 

(Invisibles.) 

Macbeth  est  grand  cl  seul  digne  du  trône, 
Il  est  puissant  et  s'il  veut  la  couronne, 

Il  sera  roi! 
A  ses  côtés,  tu  serais  noble  reine... 
Femme,  tu  veux  la  grandeur  souveraine  : 
Elle  est  à  toi. 

■.ady  Macbeth. 

Macbeth  ! 

illacheth. 

Que  me  veux-lu? 

Lady  Macbeth. 

Je  veux  voir  ton  courage, 
Eprouver  ce  grand  cœur  dont   les  hommes  sont  vains  1 
Si  la  valeur  n'est  pas  un  mensonge,  un  mirage, 
Ton  bras  doit  accomplir  les  ordres  des  destins. 
Là,  près  de  nous,  étendu  sur  sa  couche, 
Git  un  mortel  qui  d'un  mot  de  ta  bouche 

Aura  vécu. 
Son  front  blanchit  et  sa  joue  est  fanée. 
Sois  sans  pitié!  Sa  vie  est  condamnée. 
C'est  un  vaincu! 
Qu'il  meure!...  Et  l'Ecosse  est  à  nous. 

Macbeth. 

Frapper  Duncan!  ...  mon  roi!  ...  mon  hôte!  ... 

liady  Macbeth. 

Ton  maître!  devant  qui  tu  fléchis  les  genoux, 

0  Macbeth,  toi  si  grand,  loi,  mon  roi,  mon  époux! 

Quand  tu  devrais  à  tous  parler  la  tète  haute  !  ... 


(  4!26  ) 

Macbeth. 


Plus  tard!  ... 


Lady  Macbeth. 

Honle  sur  toi  !  Là-bas,  en  ton  palais, 
Un  vieillard  porte  ta  couronne, 
Et  tu  courbes  le  front,  Macbeth,  devant  son  trône 
Comme  le  dernier  des  valets! 

Macbeth. 

Mon  heure  doit  venir  ! 

Lady  .Macbeth. 

Ton  heure?  elle  est  venue  ! 

Ouvre  les  yeux  :  le  sort 
A  conduit  sous  ton  toit  ce  l'antôme  qui  dort. 
N'entends-tu  pas,  Macbeth,  cette  voix  bien  connue 

Qui  le  condamne  à  mort  ? 

Macbeth. 

Sans  défense  !  ...  la  nuit  !  ...  mon  roi  !  .  .  non!  non 

Lady   Macbeth. 

Qui  jurais  d'être  roi  ! 
Il  faut  agir  et  tu  trembles  d'efifroi! 
Ah!  que  ne  dois-je,  moi,  frapper  et  sans  relâche! 
L'enfant  que  j'ai  nourri  périrait  torturé 

De  mes  mains,  si  je  l'avais  juré! 
Et  toi,  héros  vainqueur,  tu  fuis  devant  la  tâche? 
Macbeth,  tu  n'es  qu'un  lâche  ! 

Macbeth. 

Un  lâche  !  moi  !...  jamais  ! 


0  lâche! 


4-27  ) 


Lady   Macbeth. 

El)  bien  donc,  prends  ce  fer! 
J'ai  su  clore  les  yeux  à  tout  sou  entourage  ... 
Nul  ne  saura  jamais...  car  tout  dort...  Va,  courage! 

JMnebeth. 

Non,  non!  jamais  ! 

■.ady   Miicbetb. 

A  moi,  puissances  de  l'enfer! 
Je  l'ai  dit,  je  le  veux,  j'aurai  le  diadème  ! 
Si  Macbeth,  un  soldai,  craint  le  calice  amer 
Qui  donne  la  gloire  suprême. 
Eh  bien,  j'irai  moi-même  ! 


l  Elle  sort.) 


Les  sorcières. 

(Invisibles.) 


Gloire  à  Satan  en  ce  jour  d'allégresse  ! 
Fêtons  la  sœur,  la  nouvelle  prêtresse 

De  ses  autels. 
Gloire  à  Satan!  la  beauté,  c'est  l'immonde... 
Le  mal  est  roi,  c'est  le  maître  du  monde... 

Pauvres  mortels! 


(Lady  Macbeth  rentre.) 


Macbctb. 

Horreur!  de  sang  ta  main  est  pleine  ! 

Lady  Macbeth. 

Je  suis  reinel 


(  4^28  ) 
m.    —    LA   FOLIE 

(Le  palais  de  Macbeth.) 


Macbeth  est  roi.  L"Écosse  à  son  joug  asservie 
Maudit  la  guerre  et  les  combats. 

On  voit  par  les  chemins  des  pillards,  des  soldats 

Porter  misère  et  mort  oîi  florissait  la  vie, 

Semer  des  ruines  sous  leurs  pas... 

t.e  Récitant. 

En  son  royal  palais,  Macbeth,  muet  et  sombre, 
Le  désespoir  au  cœur,  tremble  pour  Tavcnir. 

La  reine  est  folle  :  elle  erre  ainsi  qu'une  ombre 
Par  le  Destin  vouée  au  poignant  souvenir. 
Et  seul,  Macbeth  succombe  à  ces  malheurs  sans  nombre 
O  mort,  lu  peux  venir! 


Les  ennemis  vont  nous  livrer  bataille: 

Tout  mon  royaume  est  l'enjeu  du  combat. 

Je  n'ai  jamais  connu  la  peur,  soldat; 

Roi  désormais,  je  doute  et  je  tressaille. 

La  honte  au  front,  je  vais  comme  un  bandit. 
Je  lis  dans  tous  les  yeux  le  mépris  et  la  haine... 
Et  ce  délire  afl'reux  qui  torture  la  reine! 
Je  suis  maudit  ! 

Vu  soldat. 

Monseigneur,  l'ennemi  dans  la  plaine  s'avance  : 
Nous  n'attendons  que  vous... 

(Eutrée  de  Lady  Macbeth.) 


(  429  ) 


Macbeth. 

La  reine!  laisse-nous... 


Voilà  le  châtiment  de  sa  mortelle  ofiFense! 

Le  remords  suit  le  crime  et  s'attache  à  ses  pas. 

Grand  Dieu  !  plutôt  la  mort  que  cette  horrible  enfance... 

Ses  beaux  yeux  sont  éteints  :  elle  ne  me  voit  pas. 

Lady  Macbeth. 

fDans  sa  folie.) 

•  Encore  cl  toujours  une  tache... 
•>    Quel  labeur  incessant  !... 
»   Qu'a  donc  la  reine  à  la  main  qu'elle  cache?... 
0   Du  sang!   « 

Vn   Soldat. 

Monseigneur,  les  Anglais  sont  proches... 

Macbeth. 

Qu'on  nous  laisse!. 
Mon  Dieu,  prenez  pitié  de  sa  grande  faiblesse. 
Mettez  un  terme  à  ses  maux  dans  la  mort... 


Lady  Macbeth. 

(Dans  sa  folie.) 


Macbeth,  tu  seras  roi  ! 


.Macbeth. 

Miilheur  !  fatal  remord  ! 


Lady  Macbeth. 

(Dans  sa  folie.) 


Là,  près  de  nous,  étendu  sur  sa  couche 
Gît  un  mortel  qui  d'un  mot  de  ta  bouche 
«   Aura  vécu...  « 


(  430   ) 


Un  Jiiolflat. 

Monseigneur,  venez  vite... 


Ah  !  va-t'en!  que  m'importe 
Que  je  vive  vainqueur  ou  je  meure  vaincu? 
La  vie  est  trop  amère  et  la  peine  est  trop  forte... 

Lady   Macbeth. 

(Dans  sa  folie.) 

«  Eh  bien  donc,  prends  ce  fer  !... 
»    Ah  !  lâche...  par  l'enfer  !... 
»   J'irai  moi-même  !  » 

Macbeth. 

Hclas  ! 

Lady  Macbeth. 

(Dans  sa  folie.) 


Ah  !  je  suis  reine  !  « 


;ElIe  meurt.) 


Macbeth. 

La  reine  est  morte  !...  Allons  chercher  la  mort! 

(Les  soldais  anglais  envahissent  le  palais.) 

Les  Soldats. 

Frappez  !  Sus  à  Macbeth  !  Qu'il  tombe  dans  l'arène  ! 
Mort  au  tyran  !  Frappez  !  Ferme!  Encore  un  effort! 

Chœur  de«i  soldats. 

Victoire  ! 
II  est  mort,  le  tyran  ! 
Son  crime  est  lave  dans  le  sang  : 
Honte  à  jamais  sur  sa  mémoire  ! 
Rendons,  amis,  couronne  et  gloire 
Aux  vaillants  fils  du  roi  Duncan  ! 


(  43i  ) 

LADY   MACBETH, 

LYRISCH-DRAMATISCH    GEDICHT    IN    URIE   ZANGEN. 

(Vertaald  door  Emmanuel  Hiel.) 
Peisonnen  : 

Lady   Macbetb. 
Macbetb. 


Voordrager  (Hecitant) 


Heksen. 
lirljgersbende. 


DlENSBODE. 

BOODSCHAPPER. 

HOPMAN. 

Krijger. 


I.  _  HOOGMOED. 

{Inleiding:  Slorm.) 


Yoordragcr. 

(Recitant.) 


De  bajert  braakt  verwoed  en  hcisclien  storm  en  donder, 
De  reizer  afgemat  dwaait  daar  aiigstbevcnd  onder, 

Hij  wcert  zich,  met  vergeefsche  kracht. 
Het  diep  gedreun  van  bliksniend  wild  gewemel 
Vermengt  zich  met  't  gekerni  van  aard'  en  hemel  : 

Het  heelal  slaakt  cen  schrikbre  klacht. 

N.  B.  De  aangereekende  verzen  "werden  niet  getoondicht. 


(432  ) 

Heksen. 

(lu  den  storm.) 

Scliuifelt  en  huilt  ihans,  gij,  geestcn  dcr  slormen. 
Dochters  der  duivels,  wespotten,  o  wormcn, 

Met  uw  getior  ! 
JVIct  al  uw  kampen,  uw  grimmig  vcrgrammen, 
Kunt  gij  ons  driftigc  smert  niet  vcrlammen, 

Maar  stout  en  fier, 
Is't  in  uw  liuiien,  uw  gramschap,  uw  kcrmen, 
Dat  we  de  kittlende  dranken  verwermen 

Voor  't  nienschenras... 
Jubelt  nu,  duivels  :  bel  heden  vcrblijde  u, 
Hier  komt  de  vrouwe,  die  wordt  ibans  gewijd  u, 

Uw  dienst  te  pas. 

(De  storm  bcdiiart  langzaam.) 

L,ady  Macbeth. 

De  stood  is  daar,  o  zon,  vcrdrijf  de  wolk  ! 

Uw  licht  vermelde,  als  een  verbeugde  tolk, 

De  zegepraal  van  Macbctb...  Dat  hij  keer! 

Hij  kcert  '...  le  Iraag  steeds  voor  mijn  liefde  weer 

De  stond  is  daar!  Hij  zond  cen  blij  bericht 

Van  zijnen  heldenmoed  en  beldenplicht. 

0,  Wacbelb  's  zegepraal  maakt  hem  zoo  groot 

Als  Koning,  ccdle  held,  beminlijkst  ecbtgcnoot! 

Gij,  die  ten  krijg  toch  immcr  de  eerste  waarl 

Voor  uwen  Vorst..  Voor  gcen  gevaar  vcrvaard, 

Moet  u,  o  Macbeth,  Held!  voor  geenen  boogmoed  schanicn! 

Gc  zijt  hier  weer...  o  gloei  nu  warni  mijn  bloed, 

'k  Heb  siechts  mijn  hort  voor  zooveci  heldenmoed. 

De  heerschappij,  den  rocm  bezittcn  onbckwamen  ! 

Maclivdi. 

Zoele  iicfstc,  zielcdroom! 

(Hekseu  verschijnen.) 


(  433  ) 

Lady  Macbeth. 

Zie,  zic,  ginds  in  mislen  doom, 
Monslers  door  de  hel  gebraakt  ! 

Eerste  Heks. 

Dolle  rofTels  waakt... 

Macbeth  naakt! 

Heil!  heil!  Rlacbelli,  hcil!  gij  Thaan  van  Glamis! 

T^veotle  Heks. 

Heil!  heil!  Macbeth,  heil!  dra  Thaan  van  Cawdor! 

Derde  Hoks. 

Heil!  heil!  Macbeth,  heil!  cens  Koning  hier! 

(Heksen  verdwijr.en.) 

liBdy  Macbeth. 

(Ter  zijde.) 

Koningin! 
Ik...  o  spreek,jiog  in  dien  zin... 

Zoete  looverkol... 
Koningin!...  ik?...  Ik!  mijn  hert  is  vol  ! 

HekMenrei. 

(Onziclitbaar.) 

Macbeth  is  groot,  aan  hem  behoor  de  troon  ! 
Machtig  is  hij,  en  wil  hij  de  kroon, 

Koning  is  hij! 
Heerschen  als  een  schoone  Koninginne, 
Zult  gij  stout,  een  trotsche  rijksvorstinne 

Aan  zijne  zij. 

E.ady  Macbeth. 

O,  Macbeth,  gij  zult  Koning  zijn,ja,  Koning,  hoorlge't  wel? 


(  43i  ) 

Macbeth. 

Ik  luislcr,  maar  of  ik  thans  droora  of  wake,  H  roert  me  fel, 

Geloof  te  licchten  aan  die  wondere  heksentaal... 
Nog  Iceft  Cawdor,  de  Koning  leeft...  't  is  waar,  'k  won  zegcpraai. 

(Fanfaren.) 

Bode. 

(Voordrager.) 

Op  'teenzaam  veld  vcrschijnt  ecn  lange  stoet... 
Van^dezer  vcstings  ziel  men  in  den  glocd 
Der  zon,  een  ruiterstroep,  met  slalen  vvapens,  glansen, 
Waarop  de  zonnevonken  wederkaatsend  dansen... 

Zic,  een  krijger  schier  vooruit, 
In  een  wolk  van  vioeiend  goud, 
Zwaait  hij,  als  een  vreê  besluif, 
Eene  blanke  vlag,  zoo  stoul  ! 
En  hij  schalt  op  zijn  klaroen... 
Mag  hij  zijn  intrcde  doen? 

Macbeth. 

Hij  kome! 

(lîoodschapper  komt  op.) 

Boodschapper. 

Groote  Macbeth,  Glamis,  Cawdor,  heil!  gegroet! 

Macbeth. 

Ge  noemt  Cawdor...  Hoc  dat? 

Boodschapper. 

Cawdor  is  dood.  Al  het  goed 
Van  dien  verrader,  hoort  u  toe...  als  wecrdig  loon. 


(  455  ) 

I.udy  Macketb. 

(Ter  zijde.) 

0,  die  voorzcgging! 

Boodschapper. 

En  aïs  gunstbctoon, 
Hoc,  onze  Koning,  moed  en  plicht  en  trouvv  waardccrt, 
Wordt  gij  nog  dczen  avond  met  zijn  komst  vcreerd. 

Macbeth. 

De  Vorsl  len  mijnenl? 

Lady  Macbeth. 

Wacbclh,  denk  aan  't  licksenwoord. 

Heksen. 

(Onziclitbaar.) 

Dcnk,  bij  n  koml  de  onde  Koning, 

Hij,  die  alleen  ganscb  uw  plannen  sloorl- 

Lady  Macbeth. 

Gulden  droom  ! 
Hier,  in  onze  woning: 

Heksen. 

.^ai'zcl  niel  !...  zonder  scbroom, 

Hem  geslacbl ... 

Hij,  hij  bracbt 
Toi  bij  u,  ja,  uw  loon  ! 

L.ady  Macbeth . 

Ha,  ha  ! 

De  kroon,  de  kroon  ! 


(436) 


II.  —  DE  MOORD. 

{Avond.  Bij  Macbeth.  Feesl  ter  eere  des  h'onings.) 

Krijgersrei. 

Waar  is  uw  léger,  Koning  der  Noren, 
Vroeger  zoo  stout  uitdagend  en  trotsch... 
Raven  verslinden  lijken,  verloren 
Liggend,  versiagen  door  lans  en  door  knods. 
Aïs  een  beroover,  aïs  kale  bandiet 
Vlucht  ge  naar  uw  siieeuwige  velden, 
Zegent  de  Satan  spottend  uw  helden?... 
Levé  lang  Duncan,  juicht  vreugdig  ons  lied  ! 

Hopman. 

(Verhaal.) 

Stll,  vrienden,  stil...  reeds  heerscht  de  zwarc  nacht, 
De  Koning  sluimert  zacht. 

De  nagalm  van  ons  lied  zou  zijnen  slaap  verstoieii... 
Weidra,  bij  't  uchtendgloren 

Verspreidt  de  zonnegloed  het  koestrcnd  licht. 

Dan  laten  wij  dees  gastvrij,  mild  gesticht. 

Ja,  morgen,  ja,  volbrengt  ge  weer  den  plicht... 

Ter  rust,  o  Krijgers,  thans  den  stap  gericht. 

Lady  Macbeth. 

Reeds  morgen  gaat  hij  hccn,  en  ncemt  de  krone  meJc, 
Den  dag,  won  't  noodiot  nae  geleidt  ter  Troningtredc. 


(437) 

Beksen. 

(Onzichlbaar.) 

Macbeth  is  groot,  verdient  den  troon, 
Machtig  is  hij  !  Wil  hij  de  kroon  ? 

Koning  is  hij  ! 
Hem  thans  ter  zijde,  Koningin, 
Heerscht  ge,  met  fierheid,  in  den  zin, 

Vorslin,  ja,  gij  ! 

Lady  Macbeth. 

0,  Macbeth  ! 

iMacbcth. 

Wal  will  gij  ? 

Lady  Macbeth. 

'k  Wil  zien  uw  mocd  ! 
Beproeven  uw  kloek  hert,  uw  manncnbloed, 
Zoo  trotsch...  En  is  't  geen  ijdel  woord,  geen  logen 
Die  dapperheid?  o,  dan  mij  niet  bedrogen  ! 
Daar  rust  hier  dicht  bij  ons,  op  't  lijdzaam  ledikanl. 
Een  sterveling,  dien,  met  een  teeken  van  uw  hand, 

De  dood  verbeidt. 
't  Vergrijsde  hoofd  en  de  ingevallen  wang 
Verwachten  reeds  den  doodslaap  lang  !... 

Wordt  Majesteit! 

Macbeth. 

Duncan  dooden?  Hij,  mijn  Koning!  Hij,  mijn  gast! 

Lady  Macbeth. 

Den  Heer,  voor  wien  ge  knielt?  Slaaf,  opgepast! 

0,  Macbeth!  gij,  zoo  groot,  mijn  Koning-Echtgenoot, 

Wanneer  ge  toi  elk  spreken  komt,  het  hoofd  omhoog. 

3"»*   SÉRIE,   TOME   XXVI.  29 


Ach,  later! 


(  438  ) 

Macbeth. 
I>ady  Macbeth. 


Schand,  ach,  overu!...  Hoe  snood, 
Wanneer  in  uw  paleis,  met  stervend  oog, 

Een  grijsaard  draagt  uw  kroon, 
Dan  knieit  en  kruipt  ge,  Macbeth,  voor  mijn  troon! 

Gelijk  een  knecht,  o  hoon! 


Mijn  uur  zal  slaan. 

L.ady  Macbeth. 

Uw  uur  is  daar! 
Rap,  open  de  oog.  Waar  tracht  ge  naar, 
Wanneer  het  lot,  die  slapersschim  u  bracht? 
En  hoort  ge  niet  die  stemme  :  Macbeth,  hem,  hem  wacht 

De  dood  ! 

Macbeth. 

Geen  verweer!  —  In  den  nachl!  —  Hij,  mijn  Vorst  !  — 
['t  Waar  te  snood! 

I^ady  Macbeth. 

Hoe  laf,  laf! 
Gij  kunt  Koning  zijn... 
Gij  moet  handlen...  Ha,  ge  schrikt,  ai,  voor  een  graf. 
0,  waarom  dood  ik  niet?  Hij  slaapt  daar  onbewust... 
H  Kind,  dat  ik  baren  zou,  in  pijn... 
Gekoestcrd,  driest  bemind,  en  heet  gekust, 
Het  stierf,  vermorzeld  door  mijn  hand, 
Indien  ik  had  den  moord  beraamd 
En  week...  Gij,  Held,  verwinnaar,  vlucht  beschaamd 
Voor  heldentaak  ?  Een  lafaard  zijt  gij...  0  't  is  schand! 


Een  lafaard?  Nooit! 


(  459  ) 

E.ady  Macbetb. 

Neem,  neem  dien  dolk. 
Met  drank  betooverde  ik  in  slaap  zijn  volk... 
Nooit  weet  het  iemand...  ailes  slaapt...  welaan,  heb  moed  ! 

Macbeth. 

Neen,  nooit!  Neen,  nooit! 

Lady  Macbeth. 

Dan  stort  ik  H  bloed, 

0,  Helsche  gloed, 
Ik  zweer  te  heerschen...  'k  Wil  den  Koningstaf... 
0,  Macbeth  vreest  een  krijger  bang,  de  kloeke  daad?...  't  is  iaf  ! 
De  kloeke  daad  geeft  ze  ons  niet  de  oppermacht? 
Welaan,  'k  ga  zelf,  het  word'  voibracht  ! 

(Lady  Macbeth  verdwijnt.) 

Heksen. 

(Onzichlbaar.) 

Glorie  den  booze!  juichend  vol  blijheid  : 
Eere  zijn  zuster,  dienend  in  vrijheid 

Den  helschen  geest  ! 
Glorie  den  booze!  Eer  aan  het  vuige... 
Koning  is  't  kwaad  nu,  dat  ieder  buige... 

Vreest,  volkren,  vreest! 

(Lady  Macbeth  binnen.) 

Macbeth. 

0,  GruM  el  !  bloedig  is  haar  hand... 

Lady  Macbeth. 

Ik  heb  den  Koningsband! 


(  440  ) 


III.  —  KRANKZINNIG. 

[Macbeth' s  Palets.) 

Rei. 

Macbeth  is  vorst!.-.  Lijdt  Schotland  onder  't  juk, 

't  Volk  vervloekt  den  zwaren  oorlogsdruk. 

Roovers  plundren,  ach,  de  woeste  bende, 

Waar  het  leven  vroeger  bloeide,  brengt  thans  dood...  ellende. 

Toordrager. 

In  zijne  Koningsburcht  heerscht  Macbeth  somber,  stora... 
Het  hert,  vol  wanhoop,  blikt  hij  naar  't  verleden  om, 
Dan  beeft  hij  voor  de  toekonist...  De  Koningin 

Is  krank  van  zin. 
Ze  dwaalt,  als  schim,  gejaagd  'lijk  door  een  drora 
Schrikbeelden...  Macbeth,  ja,  bezwijkt  gansch  onder  't  rampendom. 

En  kermt  :  o  dood  !  o  kom  ! 


De  vijands  leevren  ons  den  slag, 

Mijn  rijk  verspeel  ik  in  een  dag. 

De  vrees  kende  ik  niet,  als  soldaat, 

Thans  Koning,  ach,  'k  beef  voor  mijn  kwaad. 

De  schand  op  't  hoofd  beef  ik  als  een  gemeen  bandîet, 

'K  ontwaar  ten  allen  kant  slechts  haat  die  mij  bespiedt. 

En  dan  dit  gruwlijk  wee...  dat  zoekt 

En  martelt  onze  Koningin...  —  Ik  ben  gevloekt  ! 

Een  krijger. 

Heer,  de  vijands  naadren  felgewapend,  wee  l 

(Lady  Macbeth  yerschijnt.) 


(  Ai[  ) 


niaobetli. 

De  Koningin  !  Laat  ons  met  vreê  ! 
Ziedaar  de  strafder  schrikiijke  euveldaad... 
De  knaging  voigt  de  zonde,  waar  ze  ook  gaat. 
0,  God  !  de  dood  waar  beter  dan  heur  kwaal . . . 
Doof  is  haar  oog,  doof  is  haar  liefdestraal. 

L.ady  Macbeth. 

(Krankzinnig.) 

Weg,  gevloekte  viek!  Bloed...  blijft  gc,  bloed? 

Of  ik,  ach,  steeds  mijn  banden  wasschen  moet?. 

Bloed!  Bloed!  blijft  ge,  bloed? 

Krijger. 

Heer,  het  Engelsch  loger  is  nabij  ! 

illacbetb. 

0,  Laat  me,  laat  mij  ! 


God,  God,  heb  medelij 
Met  hare  krankheid,  gun  haar  snel  den  dood. 

Eiady   Macbeth. 

(Krankzinnig.) 

Mijn  Held!  mijn  Koning!  mijn  lieve  echtgenoot. 

Macbeth. 

Ramp!  ramp!  o  rampberouw! 

Lady  Macbeth. 

(Krankzinnig.) 

Daar,  daar,  o  Macbeth,  schouw, 
Daarsiaapt  een  man  op  't  Icdikant... 
Die,  door  een  tccken  van  uw  hand, 
Wee,  heeft  geleefd  ! 


(  442  ) 

Krijger. 

0,  Heer,  haast  u  ! 
Macbeth. 

Verdwijn,  voort!  voort!  wat  geeft 
Het  of  ik  win,  of  vallen  moet  gedood' 
Het  leven  is  te  zuur,  het  leed.te  groot. 

Lady  .llacbeth. 

(Krankzinnig.) 

Welaan,  neern  dan  dees  staal  ! 

Ge  wijkt  mijn  eedgemaal? 

Hoe  laf!  ...  Ik  zelf  bega  de  daad. 

Macbeth. 

Wee!  wee!  haar  kranken  zin. 

Laily  Macbeth. 

(Krankzinnig.) 

Heisa!  'k  ben  Koningin! 


(Ze  sterft.) 


Macbeth. 

De  Koningin  is  dood...  Hier  hoeft  geen  raad, 
Ten  slrijd  dan  tôt  ter  dood. 

lEngelsche  krijgers  stormea  in  het  palets.) 

K.rijger8. 

Stoot,  stoot,  stoot! 
Doodt,  Macbeth,  doodt. 
Hij  valle  vioekcnd  neer  ! 

Toile  Rei. 

Victorie  ! 

Roem  en  eer! 
Met  zijn  vuig  bloed 
Heeft  hij  geboet 
De  euvcldaad, 

Hoon  en  haat! 

Aan  Duncan's  rein  memorie, 
Heil,  heil  en  glorie! 
Heil  zijnen  zonen! 
Heil!  hunne  dapperheid  !  die  zuUen  wij  bckronea  ! 


(  443  ) 


OUVRAGES  PRÉSENTÉS. 


Delbœuf  (7.).  Des  prépositions  en  grec.  Gand,  1893  ; 
extr.  in-8»  (19  p.). 

—  Deux  cas  de  diagnostic  chirurgical  posé  au  moyen  de 
l'hypnose.  Paris,  1895;  extr.  in-8°  (7  p.). 

Piot  {Charles).  Correspondance  du  cardinal  de  Granvelle, 
tome  X.  Bruxelles,  1893;  vol.  in-4». 

Harlez  (Le  chev.  C.  de).  Les  deux  méthodes  linguistiques, 
par  Fr.  Scerbo.  Bruxelles,  1893;  extr.  in-8°  (3  p.). 

Chestret  de  Haneffe  [Le  baron  J.  de).  Études  historiques  et 
archéologiques  sur  l'ancien  pays  de  Liège,  II.  Liège,  1893; 
in-8''  (91  p.). 

Mesdach  de  ter  Kiele  (Ch.).  Le  procureur  général  Faider, 
discours  prononcé  à  l'audience  solennelle  de  rentrée  de  la  Cour 
de  cassation  de  Belgique,  le  2  octobre  1893.  Bruxelles,  1893; 
in-8°(ll  p.). 

Doneux  {A.).  Les  principes  de  la  physique  du  globe, 
tomes  I-lII.  Paris,  1893;  3  vol.  in-18. 

Kurth  [Godefroid).  Les  corporations  ouvrières  au  moyen  âge. 
Bruxelles,  1895;  in-18  (52  p.). 

Félix  [D'  Jules).  Chaudfontaine  thermal.  Projet  de  transfor- 
mation de  la  commune  de  Chaudfontaine  en  une  station 
thermale  et  hydrolhérapique.  Liège,  1893;  in-S"  (15  p.). 

Petermann  [A  )  et  Graftiau.  Recherches  sur  la  composition 
de  l'atmosphère,  seconde  partie.  Bruxelles,  1893;  extr.  10-8". 

Frederichs  [Jules).  Les  derniers  travaux  sur  l'histoire  et 
l'historiographie  de  la  bataille  de  Courtrai.  Gand,  1895; 
extr.  in-8'  (31  p.). 


(  iU  ) 

Frederichs  {Jules).  De  slag  van  Kortrijk  (H  juli  1302),  naar 
het  hoogduitsch  van  generaal  Kôhler,  uitgebreid  en  gewijzigd. 
Gand,  1893;  extr.  in-S"  (43  p.). 

—  Note  sur  le  cri  de  guerre  des  Matines  brugeoises.  Bru- 
xelles, 1893;  extr.  in-S»  (12  p.) 

de  la  Vallée  Poussin  (Ch.-J.).  Mémoire  sur  l'intégration  des 
équations  diflFérenlicIles.  Bruxelles,  1893;  extr,  in-8'' (82  p.). 

Van  der  Stricht  (O.).  La  signification  des  cellules  épilhé- 
liales  de  l'épididyme  de  Lacerta  vivipara.  Paris,  1 893  ; 
extr.  in-8°  (3  p.). 

—  Nature  et  division  niitosique  des  globules  blancs  des 
mammifères,  léna,  1893;  extr.  in-S»  (12  p.). 

Eekhoud  {Georges).  Au  siècle  de  Shakespeare,  Bruxelles, 
[1893];  petit  in-S"  (170  p.). 

Érasme.  Bibliolheca  Erasmiana  :  Répertoire  des  œuvres 
d'Érasme,  1",  2*  et  3*  séries.  Gand,  1895;  2  vol.  in-i". 

Orlroy  [F.  Van).  L'œuvre  géographique  de  Mercator.  Bru- 
xelles, 1895;  extr.  in-8''  (93  p.). 

Lamotte  {G.).  Étude  historique  sur  le  comté  de  Rochefort. 
Namur,  1895;  in-8'' (580  p.). 

Goeij  {Roger  de).  Hendrik  Lovendale,  drama  in  vijf  bedrij- 
ven.  Bruxelles,  1895;  in^»  {li  p.). 

Remy  {L.)  et  Sugg  {le  D'  E.).  Recherches  sur  le  bacille 
d'Eberth-Gaffky.  Caractères  distinctifs  du  bacille  de  la  fièvre 
typhoïde,  première  partie.  Gand,  1895;  in-S"  (152  p.,  pi). 

Lagasse  {Ch.).  Sur  le  choix  du  meilleur  système  d'alimen- 
tation d'eau  pour  une  grande  agglomération.  Bruxelles,  1891; 
extr.  in-8''  (24  p.). 

—  Le  progrès  familial.  Bruxelles,  1892;  extr.  in-S"  (9  p.). 
Lahaye  [Léon).  Cartulaire  de  la  commune  d'Andenne,  tome  I", 

2*  livraison.  Namur,  1895;  vol.  in-8''. 

Bastin  {A.).  Contribution  à  l'étude  du  pouvoir  bactéricide 
du  sang.  Louvain,  1895;  extr.  gr.  in-8°. 


(  445  ) 

Chapeaux  {Marcellin).  Contribution  à  l'élude  de  l'appareil 
de  relation  des  hydroméduses,  Liège,  1892;  extr.  in-S". 

Marbaix  [H.  dé).  Etude  sur  la  virulence  des  streptocoques. 
Louvain,  1893;  extr.  gr.  in-8°. 

Renard  (Edy.).  Trois  ans  de  séjour  à  la  clinique  ophthalmo- 
logique  universitaire  de  M.  le  professeur  Fuchs,  à  Vienne. 
Bruxelles,  1892;  in-8°  (98  p.). 

Commission  royale  des  anciennes  lois  et  ordonnances  de  la 
Belgique.  Coutumes  des  petites  villes,  tome  VI;  par  Giiliodts- 
Van  Severen.  1893;  in-4°. 

Bollandistes  {Les).  Catalogus  codicum  hagiographicorum 
latinorum  in  Bibliothcca  nationali  Parisiensi,  tome  III  et 
indices.  Bruxelles,  1893;  in-8'. 

Congrès  international  d'anthropologie  criminelle.  Actes  du 
troisième  congrès,  tenu  à  Bruxelles  en  1892.  Bruxelles,  1895; 
vol.  gr,  in^". 

Ministère  de  l'intérieur  et  de  l'Instruction  publique.  Recen- 
sement général  de  la  population  au  31  décembre  1890,  tomes  I 
et  II.  1895;  2  vol.  in-i». 

Bruxelles.  Conservatoire  royal  de  musique.  Annuaire, 
dix-septième  année.  1893;  in-S". 

Gand.  Kon.  vlaamsche  Académie.  De  roi  van  het  booze 
beginsel  op  het  middelceuwsch  tooneel,  door  Ernest  Soens.  — 
Kalender  en  gezondheidsregels  getrokken  uiteen  handschrift, 
door  Alberdingk-Thijm.  1895;  2  vol.  in-8». 

Geubloux.  Association  des  anciens  élèves  de  l'Institut  agri- 
cole de  l'État.  Journal,  quatrième  année,  première  livraison. 
1895;  in-8°. 

Namur.  Société  archéologique.  Table  des  annales,  volumes 
XII-XVIII.  1895;  in-S". 

Termonde.  Cercle  archéologique.  Annales,  tome  IV,  qua- 
trième livraison.  In-8°. 


(  446  ) 


Allemagne  et  Autriche-Hongrie, 

Fritsch  (Karl).  Ein  neues  Universalstativ  fur  astronoraische 
Fcrnrohre.  Vienne,  1895;  extr.  in-4"'  (4  p.). 

Saxe-Cobourg  et  Gotha  [Prince  Philippe  de).  Une  médaille 
conïraëmoralive  de  la  fondation  et  de  rachèvement  de  la  ville 
de  Sullanije  (1305-1513).  Bruxelles,  1891;  in-8"  (14  p.). 

—  Curiosités  orientales  de  mon  cabinet  numismatique,  II. 
Bruxelles,  1895;  in-8»  (16  p.). 

Dulczynski  [Le  chevalier  Alfred  von).  Der  Inseclenflug. 
Vienne,  1895  ;  extr.  in-8°  (22  p.). 

Toinek{W.).  Mappy  Staré  Prahy:  1200,  1548,  1419.  Prague, 
1892;  9  f.  in-plano. 

Kuhn  [Moriz).  Ueber  die  Beziehung  zwischen  Druck,  Volu- 
men  und  Teraperatur  bei  Gasen.  Vienne,  1893;  in-18. 

Beulin.  Akademie  der  Wissenschaflen.  Abhandlungen,  1892. 
^1-4°. 

Bonn.  Verein  von  Allerthumsfreundeu.  Jahrbiieher,  94.  Heft. 
1895;iii-8°. 

Breslau.  Verein  fur  Geschichte  und  Alterthum  Schlesiens. 
Zeitschrift,  27.  Band.  Scriptorcs,  Band  15.  1895;  1  vol.  in-8'' 
et  1  vol.  in-4». 

Bru  m.  IVatur for schender  Verein.  Verhandlungen,  Bd.XXX, 
1891.  —  X.  Bericht  der  meteorologische  Commission,  1890. 
2  vol.  in-8». 

Brdnswick,  Verein  fur  Naturwissenschaft.  7.  Jahresbericht, 
1889-91.  In-8''. 

Dresde.  Gesellschaft  fur  Heilkunde.  Jahresbericht,  1892-95. 
In-8». 

Dresde.  Verein  fur  Erdkunde.  XXIII.  Jahresbericht,  1893. 
ln-8". 

Francfort.  Physikalischer  Verein.  Jahresbericht,  1891-92. 
In-8°. 


(  447  ) 

Francfort-sur-le-main.  Senckenbergische  Naturforschende 
Gesellschaft.  Bericht,  1895.  Katalog  der  Reptilien,  Teil  I.  In-8°. 

Fribourg-en-Brisgad.  Université.  Thèses  de  1892-93. 120  br. 

GiEssEN.  Oberhessische  Gesellschaft  fur  Natur-  und  Heil- 
Icunde.  29.  Bericht.  1895;  in-8». 

GiEssEN.  Université.  Thèses  de  1892-95.  35  brochures. 

GoTTiNGUE.  Gesellschaft  der  Wissenschaften.  Nacbrichten. 
1 893  ;  in-8°. 

Hambourg.  Handels  Bureau.  Tabellarische  Uebersichlen. 
1892;  in-4». 

Inimsbruck.  Zeitschrift  fur  Tirol.  57.  Heft.  1 893  ;  in-S". 

KiEL.  Gesellschaft  fur  Geschichte.  Zeitschrift,  22.  Band. 
1892;  in-8». 

KiEL.  Université.  Thèses  de  1892-93.  45  brochures. 

Leisnig.  Geschichts-  und  Alterthums-Verein.  Mittheilungen, 
9.  Heft.  1893;in-8°. 

Metz.  Académie  des  sciences  et  des  lettres.  Mémoires, 
1889-90  et  1892-93.  In-8". 

Prague.  Académie  tchèque  des  sciences,  des  lettres  et  des 
beaux-arts.  Bulletins  (Philosophie  et  histoire.  —  Sciences 
mathématiques  et  naturelles.  —  Philologie),  tomes  I-III.  — 
Almanach,  I-III.  —  Historicky  Archiv,  u°  1.  1891-92. 

Prague.  K.  K.  Sternwarte.  Beobachtungen  im  1892.  In-4''. 

Ratisbonne.  Flora,  botanische  Zeitung,  1892,  75.  und  76. 
Jahrgang. 

TuBiNGUE.  Université.  Thèses  de  1892-93.  40  brochures. 

Ulm.  Verein  fur  Kunst.  Mittheilungen,  4.  1893;  in-4". 

Vienne.  K.  K.  Central-anstalt  fier  Météorologie,  Jahrbùcher, 
1891.  In-i". 

Amérique. 

Mmjbridge  {Eadweard).  Descriptive  zoopraxography,  or  the 
science  of  animal  locomotion.  Philadelphie,  1893;  in-18. 


(  448  ) 

Arimjo  Porto-Alegre  {Manoel  de).  Colombo,  poema.  Rio- 
de-Janeiro,  1892;  in-S». 

Perdra  (la  Silvn  {J.-M.).  Christovam  Colombo  e  o  descobri- 
mento  da  America.  Rio-de-Janeiro,  1892,  vol.  in-8°. 

Willson  {Edmund  B.).  Sermon  preached  march  5.  Salem, 
1893;  in-8°. 

Boston.  American  academy  of  arts  and  sciences.  Memoirs, 
XII,  4.  Proccedings,  vol.  XIX,  1892. 

Cambridge.  Observaturyof  Harvard  collège.  Ann^ls  vol.  XIX,  2, 
1895;  in-4°. 

Guatemala.  Direccion  de  estadistica.  Memoria,  compreen- 
diendo  los  trabajos  relativos  al  aîïo  de  1892.  1895;  10-8". 

Madison.  Washburn  06sen;afor»/.  Publications,  vol  VI,  1892; 
in-8°. 

Mexico.  Ministerio  de  fomento.  Boletin  semcslral  de  esta- 
distica, 1891  y  1892.  —  Estadistica  gênerai  de  la  Republica 
mexicana,  aiïo  VII,  1891  (Ant.  Penafiel).  5  vol.  in-4'. 

MiNNEAPOLis.  Geological  and  natural  hislory  survey  of 
Minnesota.  Bulletin,  n"  8,  1895.  —  Report  for  1891.  In-8». 

Philadelphie.  Historical  Society.  The  Pennsylvania  maga- 
zine of  bistory  and  biography,  vol.  XVII,  n°^  1  and  2,  1893; 
in-8». 

—  Philosopliical  Society.  Proccedings,  vol.  XXXI,  n"  140, 
in-8°.  —  Transactions,  XVII,  3;  XVIII,  1.  In-4''. 

—  Academy  of  natural  sciences.  Proccedings,  1893,  part  I, 
in-8'>. 

Rochester.  Academy  of  science.  Proccedings,  volume  II,  2, 
1895;  in-S". 

Saint-Louis.  Academy  of  sciences.  Transactions,  vol.  VI, 
2-8.  1892-93;  in-8«. 

Saint-Louis.  Missouri  botanical  garden.  Fourth  annual 
Report,  1893;  in-8". 

Salem.  Essex  Instilute.  Historical  collections,  vol,  23,  Si  el 
27-29.  In-8''. 


(  449  ) 

San  Francisco.  Culifornia  Acadeniy  of  sciences.  Occasional 
papers,  III. 

San  Francisco.  Zoe  :  A  biological  Journal,  vol.  \  and  II, 
1890-91;2  vol.  in-8°. 

WASfiiNGTON.  Department  of  the  Interior  :  U.  S.  geological 
Survey.  Minerai  ressources.  1891.  —  Bulletin,  n°'  82-86; 
90-96.  —   Monographs,    vol.   XVII,   XVllI,   XX,   and   atlas. 

—  XI'"  annual  report,  1891, 

Washington.  Historical  Association.  Annual  report,  1891. 
In-8». 

Washington.  National  Academy  of  sciences.  Memoirs, 
vol.  II-V.  1883-91;  in-4». 

Washington.  Smilhsonian  Institution.  Annual  report,  1890. 

—  Contributions  lo  Knowledge  :  842.  —  Miscellaneous  collec- 
tions, vol.  XXXIV.  In-4». 

Washington.  U.  S.  National  Muséum.  Bulletin,  n"*  39  and  40. 

—  Proceedings,  vol.  XIV.  1891;  in-8». 


France. 

Pagart  d'Hermansart.  Les  grands  baillis  d'Aubriiicq  et  du 
pays  de  Brédenarde  sous  la  domination  française  1692-1790. 
Saint-Omer,  1893;  extr.  in-8°  (40  p.). 

Albert  I"  de  Monaco.  Résultats  des  campagnes  scientifiques, 
fasc.  5  et  6.  Monaco,  1893  ;  2  cah.  in-4°. 

Bouglon  {le  6"°  R.  de).  Les  reclus  de  Toulouse  sous  la  Ter- 
reur. Registres  officiels  contenant  les  citoyens  emprisonnés 
comme  suspects,  1"  fascicule.  Toulouse,  1893;  in-8''  (168  p.). 

Cornu  {A  )  Détermination  de  l'étalon  provisoire  interna- 
tional. Paris,  1893;  extr.  in-4''  (14  —  xxxv  p.). 

Duponchel  {A.).  Principes  de  cosmogonie  rationnelle.  Paris, 
1893;  in-4°(10p.). 


(  450  ) 

Amagat  [E.-H.).  Mémoires  sur  l'élasticité  et  la  dilatabilité 
des  fluides  jusqu'aux  très  hautes  pressions,  i"  partie.  Paris, 
d893;  extr.  in-S"  (140  p.). 

—  Recherches  sur  l'élaslicité  des  solides  et  la  compressi- 
bilité  du  mercure.  Paris,  1891  ;  extr.  in-8°  (40  p.). 

Paris.  Bureau  international  des  poids  et  mesures.  Travaux 
et  Mémoires,  tome  VIII,  1895;  in-4°. 


Grande-Bretagne,  Irlande  et  Colonie  britanniques. 

Adélaïde.  Royal  Society  of  South  Australia.  Transactions, 
vol.  XVI,  part  2;  XVII,  1,  1893;  in-8°. 

Adélaïde.  Ohservatory.  Meteorologlcal  Observations,  1884-5, 
4893;  in-fol. 

LivERPOOL.  Biological  Society.  Proceedings,  vol.  VII,  1895; 
in-8°. 

Melbourne.  Royal  Society  of  Victoria.  Proceedings  vol.  IV, 
part  2,  1892;  in-8°. 

Oxford.  Radcliffe  Ohservatory,  Results  of  observations, 
1886-87,  vol.  XLIV  and  XLV.  2  vol.  in-8». 

Ottawa.  Royal  Society  of  Canada.  Proceedings  and  Trans- 
actions, vol.  X,  1892.  1895;  in-4°. 

—  Geological  Survey  Catalogue  erabracing  the  systemalic 
collection  of  minerais,  1895;  in-8''. 

Wellington.  New  Zealand  Institute.  Transactions  and 
proceedings,  vol.  XXV,  1893;  in-8^ 


Italie. 

Galileo  Galilei.  Opère,  edizione  nazionale  sotlo  gli  auspicii 
di  S.  M.  il  Rc  d'Italia,  vol.  III,  parte  prima.  Florence,  1892; 
vol.  in-i". 


(  ^Sl  ) 

Furse  {le  baron  Edouard- Henri).  Mémoires  nuniismaliqucs 
de  l'ordre  souverain  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  illustrés  avec 
les  médailles  et  monnaies  frappées  par  les  grands  maîtres  de 
l'Ordre,  deuxième  édition.  Rome,  1889;  vol.  in-4°. 

Bologne.  Accademia  rfe//e  scîe/^(ze. Memorie,  série  5,  tomo  II. 

Brescia.  Aleneo.  Commentari  per  1892.  In-S». 

MoDÈNE.  RegiaAccademiadiscienzeJeltere  ed  arf i.  Memorie, 
vol.  VIII,  1892.  In-4». 

Rome.  Società  italiana  délie  scienze.  Meraorie,  tomo  IX. 
Naples,  1895;  in-4«. 

Rome.  R.  Comitalo  geotogico  d'Ilalia.  Bollettino,  1892.  In-8°. 

Vékone.  Accademia  d'agricoUura,  arti  e  commercio.  Memo- 
rie,  vol.  LXVIII  e  LXIX,  fasc.  1°.  1893;  in-8». 

VicENCE.  Accademia  oiimpica.  Atti,  1891  e  1892.  2  vol.  in-8°. 


Pays-Bas. 

Eeden  (F.  W.  Van).  Flora  Batava,  livraisons  501  et  302, 
1895;  2  cah.  in-4». 

La  Haye.  Koninklijke  Bibliotheek.  Verslag  voor  1892.  In-8''. 

Maestricht.  Société  historique  et  archéologique.  Publica- 
tions, tome  XXIX,  1892.  In-8°. 

Utrecht.  Genootschap  van  kunsten,  enz.  Verslag  en  Aan- 
teekeningen,  1892.  In.8». 


Pays  divers. 

Madrid.  Almanaque  nautico  para  1895.  1895.  In-8°. 
Manila.  Observatorio  meteorologico.El  magnetisrao  terrestre 
en  Filipinas  (Ricardo  Cirera).  1893;  vol.  in-4°. 
DoRPAT.  Université.  Thèses  de  1892/95.  60  broch. 


(  452  ) 

DoKPAT.  Nalurforscher  Gese//scAa/Ï.Sitzungsberichte,1892, 
I.Heft.  1893;  in-8°. 

Helsingfors.  Bureau  géologique.  Beskrifning  lill  Kartbladct 
n°'  22,  23,  24.  2.  br.  et  2  cartes. 

Helsingfors.  Société  des  sciences.  Observations,  volumes 
III-V,  IXetX,  1890-91.  In-4». 

CoiRE.  IVaturforschende  Gese^/sc/mA.Jahres-Bericht,  1891-93. 
ln-8°. 

Association  géodésique  internationale.  Comptes  rendus  des 
sciences  de  la  dixième  conférence  générale,  réunie  à  Bruxelles 
en  1892.  —  Rapport  sur  les  triangulations;  par  le  général 
Ferrero.  2  vol.  in-4''. 

Stockholm.  Académie  royale  des  sciences.  Handlinger, 
Bd.  XXli-XXIV.  —  Bihang,  Bd.  XIV-XVII.  —  Ofversigt, 
XLVI-XLIX.  —  Observations  météorologiques,  1885-88.  — 
Lefnadsteckningar,  Bd.  III,  1.  —  Astronomiska  iaktagelser 
och  undersokningar,  Bd.  IV.  —  Observations  faites  au  cap 
Thordsen,  Spitzberg,  tomes  I  et  II.  —  Cari  Wilhelm  Scheeles 
Bref  och  Anteckningar  (A.-E.  Nordenskiôld.  1885-92). 
Christiania.  Société  des  sciences.  Forhandlinger. 
Upsal.  Société  royale  des  sciences.  Nova  acla,  vol.  XV, 
fasc.  I.  1892;  in-4°. 


BULLETIN 


DE 


L'ACADÉMIE  ROYALE  DES  SCIENCES, 

DES 

LETTRES  ET  DES  BEAUX-ARTS  DE  BELGIQUE. 
1895.— NHl. 


CLASSE  DES  SCIENCES. 


Séance  du  4  novembre  1895. 

M.Ch.Van  Bambeke,  directeur,  président  de  l'Académie. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Mourlon,  vice-directeur;  P.-J.  Van 
Beneden,  le  baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  G.  De- 
walque,  E.  Candèze,  Brialmont,  Éd.  Dupont,  C.  Malaise, 
F.  Folie,  Alph.  Briart,  Fr.  Crépin,  J.  De  Tilly,Alph.  Gil- 
kinet,  G.  Van  der  Mensbrugghe,  W.  Spring,  Louis  Henry, 
P.  Mansion,  J.  Delbœuf,  P.  De  Heen,  C.  Le  Paige, 
Ch.  Lagrange,  F.  Terby,  J.  Deruyts,  membres;  E.  Catalan, 
Ch.  de  la  Vallée  Poussin,  associés;  J.-B.  Masius,  L.  Errera, 
J.  Neuberg,  correspondants. 

3°"  série,  tome  XXVI.  30 


(  4U  ) 
CORRESPONDANCE. 

M.  le  Minisire  de  rinlérieur  et  de  rinslruclion  publique 
prie  la  Classe  de  lui  soumellre  une  liste  double  de  candi- 
dats pour  la  composition  du  jury  qui  sera  chargé  de  juger 
la  neuvième  période  du  concours  quinquennal  des  sciences 
physiques  et  mathématiques  (1889-1893).  —  Celte  élection 
aura  lieu  dans  la  prochaine  séance  de  décembre. 

—  Le  même  Ministre  envoie,  pour  la  bibliothèque  de 
l'Académie,  un  exemplaire  des  ouvrages  suivants  : 

1*  Notice  sur  la  désinfection  publique; 

2°  Archives  de  biologie,  tome XIII,  1"  fascicule; 

3°  Bulletin  du  Cercle  des  naturalistes  hutois,  1895,  n°  2; 

4°  Actes  du  troisième  Congrès  international  d'anthropo- 
logie criminelle  tenu  à  Bruxelles  en  ^892  [Biologie  et 
sociologie). 

—  Remerciements. 

—  M.  Dupont  fait  hommage,  au  nom  des  auteurs,  de 
l'ouvrage  suivant  publié  sous  le  patronage  du  Musée  royal 
d'histoire  naturelle  de  Belgique  :  Catalogue  général  des 
hémiptères,  par  L.  Lethierry  et  G.  Severin.  —  Tome  I. 
Héiéroptères.  —  Pentatomidae. 

—  M.  Eug.  Ferron,  de  l'Institut  royal  grand-ducal  de 
Luxembourg,  fait  hommage  d'un  exemplaire  imprimé  de 
son  Mémoire  anal i/ tique  sur  les  divers  systèmes  suivis  pour 
établir  les  équations  fondamentales  de  la  théorie  de  la 
lumière. 

—  Remorciemenls. 


{  *SS  ) 

—  La  Classe  prend  nolificalion  de  la  morl  d'un  de  ses 
associés,  M.  Dionys-Rudolphe-Joseph  Stur,  ancien  direc- 
teur de  rinslitul  impérial  de  géologie  à  Vienne,  décédé  en 
la  même  ville,  le  9  octobre  dernier. 

—  M.  P.  Slroobant,  astronome  adjoint  à  l'Observatoire 
royal  de  Belgique,  demande  le  dépôt  dans  les  archives  de 
l'Académie  d'un  billet  cacheté  portant  en  suscription  :  Sur 
une  nouvelle  pendule  de  précision.  —  Accepté. 

—  Le  conseil  de  l'Université  impériale  de  Kazan  invite 
l'Académie  à  prendre  part  à  la  célébration  du  centième 
anniversaire  de  naissance  du  célèbre  géomètre  russe, 
Nicolas  Lobalchewsky. 

—  Sur  sa  demande,  M.  Lucien  Donny  sera  remis  en 
possession  du  manuscrit  de  sa  note  sur  la  Germination 
parasitaire  chez  les  graminées. 

—  Travail  manuscrit  à  l'examen  : 

Sur  de  nouveaux  procédés  permettant  de  déceler  les  huiles 
végétales  et  animales;  par  W.  De  la  Royère,  ingénieur, 
répétiteur  à  l'Université  de  Gand.  —  Commissaires  : 
MM.  Henry  et  Spring. 


RAPPORTS. 


La  Classe  entend  la  lecture  du  rapport  de  MM.  Masius 
et  C.  Vanlair  sur  une  note  de  M.  J.-P.  Metzler  :  Le  choléra, 
le  mal  de  mer  et  l'hypocondrie.  —  Dépôt  aux  archives. 


(  456  ) 


Sur  les  cubiques  gauches;   par   Cl.   Servais. 

Rappot'l  <fe  ]UM,   Ve  Faigs  et  IVettbcfg. 

«  Dans  son  mémoire  sur  les  imaginaires  en  géométrie^ 
M.  Servais  a  démontré  le  théorème  suivant  : 

Si  A  et  A'  sont  deux  points  conjugués  de  Cinvolution 
centrale  marquée  sur  une  cubique  gauche;  p^,  p.^,  les  centres 
des  coniques  inscrites  dans  la  développable  osculatrice  et 
situées  dans  les  plans  osculateurs  en  A,  A';  M  et  M'  ;  N  et  N' 
les  points  de  contact  des  couples  de  plans  osculateurs  menés 
par  [i^^  p„r,  ces  plans  déterminent  sur  l'intersection  des 
plans  osculateurs^  en  A,  A',  des  couples  de  points  M,  et  Mi; 
Nj  et  Nî,  dont  les  milieux,  A,,  Ai,  sont  situés  sur  les  tan- 
gentes à  la  courbe  en  A',  A  (§  ViJf,  n°  4). 

La  note  actuelle  est  consacrée  à  l'exposé  des  consé- 
quences que  l'on  peut  déduire  de  ce  théorème. 

La  première  propriété  consiste  en  ce  que  le  conjugué 
harmonique  de  A'  par  rapport  à  MM'  est  identique  au 
conjugué  de  A  par  rapport  au  couple  NN'. 

L'auteur  désigne  ce  point  par  Q  et  démontre  diverses 
propriétés  que  possède  ce  point. 

Il  nous  paraît  inutile  de  répéter,  dans  notre  rapport,  les 
énoncés  des  théorèmes  démontrés  par  M.  Servais.  Ceux-ci 
sont  établis  d'une  manière  fort  simple  et  élégante. 

Nous  pensons  donc  que  la  note  actuelle  forme  un  com- 
plément intéressant  du  travail  soumis  antérieurement  à  la 
Classe  par  l'honorable  professeur  de  Gand;  il  nous  semble 
qu'elle  devrait  être  réunie  au  mémoire  que  nous  venons  de 
rappeller,  sous  un  titre  unique,  en  indiquant  dans  une 
note  la  date  de  la  présentation  à  l'Académie. 


(  ^187) 

C'est  dire  que  nous  proposons  bien  volontiers  à  la 
Classe  d'ordonner  l'impression  du  présent  travail,  comme 
elle  l'a  fait  pour  le  premier,  dans  le  recueil  des  Mémoires 
in-S".  » 

La  Classe  adopte  cette  proposition. 


Sur  Cœil  pinéal,  Cépiphyse,  la  paraphyse  et  les  plexus  cho- 
roïdes du  troisième  ventricule;  par  P.  Francotte. 

Rapport  de  MË,  Éd.  Van  Benedenf  premier  cotntnitaaire, 

«  En  1890,  M.  Selenka  a  publié,  dans  le  Biologisches 
Centralblatt,  un  résumé  des  recherches  faites  par  lui,  chez 
divers  Reptiles,  sur  le  développement  des  organes  qui 
naissent  de  la  voûte  des  deux  premières  vésicules  céré- 
brales. Il  y  décrit,  sous  le  nom  de  paraphyse,  un  organe 
qui,  procédant  du  prosencéphale,  sous  la  forme  d'un  diver- 
ticnle  très  semblable  à  l'ébauche  pinéale,  serait  au  cer- 
veau antérieur  ce  que  l'épiphyse  est  au  thalaraencéphale. 
A  l'en  croire,  la  paraphyse  aurait  échappé  jusque-là  à 
l'attention  des  embryologistes. 

Dans  la  note  qu'il  adresse  à  l'Académie,  sous  le  litre 
de  :  Note  sur  l'œil  pinéal,  l'épiphyse,  la  paraphyse  et  les 
plexus  choroïdes  du  troisième  ventricule,  M.  Francotte, 
professeur  à  l'Université  de  Bruxelles,  conteste  à  Selenka  la 
priorité  de  la  découverte  de  la  paraphyse;  il  établit,  par 
des  citations  tirées  d'un  travail  publié  par  l'Académie  en 
1887,  et  d'un  mémoire  présenté  comme  thèse  d'agrégation 
à  l'Université  de  Bruxelles,  en  1888,  qu'il  a  observé  et  fait 


(  458  ) 
connaître  les  principaux  stades  du  développement  de  la 
paraphyse  bien  avant  la  publication  de  Selenka.  Il  a  très 
nettement  distingué  l'ébauche  de  la  paraphyse  de  celle  de 
répiphyse;  mais,  d'accord  en  cela  avec  Hoffmann  et  Slrahl, 
il  l'a  considérée,  lors  de  sa  première  publication,  comme 
représentant  l'ébauche  des  plexus  choroïdes  du  troisième 
ventricule.  Il  a  changé  d'opinion  sur  la  signification  de 
l'organe  pendant  l'impression  de  sa  thèse  d'agrégation; 
parmi  les  propositions  annexées  au  mémoire,  il  s'en  trouve 
une  dans  laquelle  l'auteur  affirme  que  l'ébauche  dont  il 
s'agit  n'intervient  en  rien  dans  la  genèse  des  plexus  cho- 
roïdes, qu'elle  constitue  un  organe  rudimentaire  comparable 
à  une  vésicule  oculaire  primitive.  Tant  chez  la  Couleuvre 
à  collier  que  chez  les  Lacertiens,  l'Orvet  et  les  Oiseaux,  la 
paraphyse  a  été  observée  sous  la  forme  d'un  cul-de-sac,  qui 
s'accroît  d'avant  en  arrière,  débouche  à  la  limite  entre  le 
prosencéphale  et  le  thalamencéphale,  reste  superposé  aux 
plexus  choroïdes  du  troisième  ventricule  et,  à  un  certain 
moment,  se  termine  en  arrière  dans  la  concavité  de 
l'ébauche  épiphysaire,  sous  l'œil  pinéal. 

M.  Francotte  estime  que,  dans  sa  note  de  1890, 
M.  Selenka  n'a  rien  ajouté  de  nouveau  à  ce  que  l'on  con- 
naissait déjà  de  l'évolution  de  la  paraphyse;  il  n'a  fait 
que  donner  un  nom,  d'ailleurs  bien  choisi,  à  un  organe 
connu,  mais  mal  dénommé.  On  se  tromperait  néanmoins 
si  l'on  entendait  attribuer  à  M.  Francotte  seul  la  décou- 
verte de  l'organe  dont  il  s'agit  :  Hoffmann  et  Strahl  ont  vu, 
comme  M.  Francotte,  l'ébauche  de  la  paraphyse;  mais, 
comme  il  a  été  dit  plus  haut,  eux  aussi  ont  cru  voir  dans 
cet  organe  le  début  des  plexus  choroïdes  ihalamencépha- 
liques. 


(  459  ) 

Après  avoir  revendiqué  ses  droits  de  priorité  sur  la 
découverte  de  la  paraphyse,  iM.  Francolle  procède  à  la 
description  d'une  série  de  phologrammes,  destinés  à  nous 
éclairer  plus  complètement  sur  l'origine  et  sur  l'histoire 
de  cet  organe,  chez  Lacerta  muralis,  Lacerta  vivipara, 
Anguis  fragilis  et  Trnpidonolus  natrix,  il  conclut  de  ses 
nouvelles  recherches  que  la  paraphyse,  primitivement 
formée  aux  dépens  du  cerveau  antérieur,  devient  secon- 
dairement une  dépendance  du  cerveau  intermédiaire.  Elle 
naît  sous  une  forme  identique  à  celle  des  vésicules  ocu- 
laires primitives,  et  ne  serait,  comme  l'œil  pinéal  et  l'épi- 
physe,  qu'un  œil  dégénéré.  Cette  interprétation  me  paraît 
fort  sujette  à  caution.  De  ce  que  l'ébauche  de  la  paraphyse 
ressemble  à  celle  de  l'œil  pinéal,  on  n'est  pas  fondé  à 
conclure  à  la  fonction  visuelle  primitive  de  cet  organe  rudi- 
mentaire;  à  conclure  de  cette  manière,  on  en  arriverait 
à  voir  des  yeux  partout  et  à  doter  nos  ancêtres  de  richesses 
encombrantes.  Avouons  franchement  que  les  faits  con- 
nus ne  nous  permettent  pas  de  présumer  la  fonction  de 
l'organe  rudimentaire  que  Selenka  a  dénommé. 

Dans  la  seconde  partie  de  son  mémoire,  M.  Francotte 
s'occupe  du  développement  de  l'œil  pinéal  et  de  l'épiphyse. 
Dans  ses  travaux  antérieurs,  il  a  soutenu  l'opinion  d'après 
laquelle  l'œil  pinéal  se  formerait  aux  dépens  de  la  môme 
ébauche  primitive  que  l'épiphyse,  tant  chez  l'Orvet  que 
chez  les  Lézards.  La  portion  distale  du  diverticule  primitif 
donnerait  naissance  à  la  vésicule  oculaire;  la  portion  pro- 
ximale  deviendrait  le  pédicule  pinéal.  Béraneck  et 
Leydig,  à  la  suite  de  leurs  recherches  sur  le  développe- 
ment des  Lézards,  admettent  au  contraire  l'indépendance 
primitive  de  Tœil  pinéal  :  il  naîtrait  de  la  voûte  du  thala- 


(  460  ) 
mencéphale  non  pas  un,  mais  deux  diverticules  très  voisins 
l'un  de  l'autre;  l'antérieur,  plus  volumineux,  produirait 
l'œil  pinéal;  le  postérieur,  plus  réduit,  engendrerait  la  tige 
épiphysaire.  Ch.  Hill  a  constaté,  chez  Coreyonus  albusy 
deux  évaginalions  conlignés,  très  semblables  à  celles  que 
Béraneck  et  Leydig  ont  observées  chez  les  Lézards.  Il  fal- 
fait  donc  s'attendre  à  voir  constater,  chez  l'Orvet,  les 
mêmes  formations.  M.  Francotte  a  repris  ses  recherches 
sur  le  développement  de  l'encéphale  de  cet  animal  et  y  a 
trouvé,  en  effet,  les  deux  ébauches  que  Leydig  et  Béraneck 
ont  observées  chez  les  Lacertiens. 

Chose  singulière,  il  se  présente  chez  l'Orvet  des  varia- 
lions  individuelles  assez  étendues:  il  arrive,  chez  certains 
embryons,  que  les  deux  diverticules  se  trouvent  confondus 
en  une  seule  et  même  formation.  Au  début  de  ses  études, 
M.  Francotte  avait  eu  sous  les  yeux  un  embryon  de  cette 
dernière  catégorie. 

Dans  la  troisième  partie  de  son  mémoire,  M.  Francotte 
s'occupe  du  nerf  optique  pariétal,  qu'il  a  découvert  con- 
curremment avec  Béraneck.  Il  est  parvenu  à  imprégner 
les  librilles  du  nerf  par  la  méthode  de  Golgi. 

La  communication  de  M.  Francotte  est  à  la  fois  une 
revendication  de  priorité  et  un  exposé  de  recherches 
nouvelles  sur  un  sujet  d'un  haut  intérêt.  La  réclamation 
est  faite  en  termes  mesurés  et  ne  peut  donner  lieu  à 
aucune  discussion.  Le  travail  mentionne,  en  outre,  une 
série  de  faits  nouveaux,  pour  l'intelligence  desquels  des 
figures  sont  indispensables. 

En  conséquence,  j'ai  l'honneur  de  demander  à  la  Classe 
de  décider  l'impression,  dans  le  Bulletin  de  la  séance,  de 
la  note  de  M.  Francotte.  Je  propose,  en  outre,  de  faire 


(  4-6d  ) 
reproduire  les  photogrammes  qui  accompagnent  le  texte 
par  le  même  procédé  qui  a  été  adopté  pour  les  travaux 
antérieurs  de  l'auteur.  » 

M.  Van  Bambeke,   second  commissaire,  se  rallie  à  ces 
conclusions,  et  la  Classe  les  adopte. 


Action  de  la  chaleur  sur   la  dypnone; 
par  M.  Maurice  Delacre. 

Happot't  lie  n.  Eiouis  Henry,  pretnieê'  conttnigauive . 

«  Envisagé  au  point  de  vue  objectif,  le  mémoire  de 
M.  Delacre  est  consacré  à  rendre  compte  de  l'action  de  la 
chaleur  sur  la  dypnone. 

La  dypnone  est  une  acétone  non  saturée,  de  formule 
assez  complexe  ^^_p>  CH  =  CH-CO-CgHs  dérivée  de  l'acé- 
tophénone  CH3 - CO - CgHy ,  acétone  non  saturée,  que 
M.  Delacre  a  fait  connaître  précédemment  et  dont  il  a  déjà 
obtenu  un  bon  nombre  de  dérivés  qui  ont  fait  l'objet  de 
communications  présentées  à  l'Académie  et  insérées  dans 
ses  Bulletins. 

Au  milieu  d'autres  produits  accessoires,  la  distillation 
de  la  dypnone  fournit,  dans  certaines  conditions,  un  com- 
posé cristallin,  fusible  à  108%5  et  répondant  à  la  formule 
CjsH.A  le  même  qu'ont  obtenu  deux  chimistes  allemands, 
MM.  Engler  et  Dengler,en  soumettant,  en  vase  clos,  l'acé- 
tophénone  à  l'action  de  la  chaleur,  et  dont  ils  ont  aban- 
donné l'élude  à  M.  Delacre. 


(  462  ) 
En  solution  alcoolique,  ce  corps  s'oxyde  spontanément 
à  l'air  et  se  transforme  pen  à  peu  en  un  produit  cristallin 
nouveau,  insoluble  dans  la  plupart  des  dissolvants  ordi- 
naires, fondant   vers  230°  et    répondant   à   la   formule 

M.  Delacre  expose  avec  détail  les  faits  qu'il  a  constatés 
en  étudiant  l'action  de  la  chaleur  sur  la  dypnone. 

Il  serait  difficile  de  résumer  ces  expériences,  comme 
aussi  l'ensemble  des  considérations  qui  servent  de  cadre  à 
ces  constatations  expérimentales  et  qui  en  marquent  la 
place,  le  but  et  l'importance  dans  l'ordre  des  recherches 
entreprises  par  M.  Delacre  pour  éclairer,  par  une  synthèse 
méthodique  et  progressive,  la  constitution  de  la  benzine. 

J'ai  la  persuasion  que  le  travail  de  M.  Delacre  sera  lu 
avec  intérêt  par  les  chimistes  qui  s'occupent  de  la  résolu- 
tion de  ce  problème  aussi  difficile  qu'important  de  philo- 
sophie naturelle. 

J'ai  l'honneur  de  proposer  à  l'Académie  d'insérer  le 
mémoire  de  M.  Delacre  dans  les  Bulletins.  j> 

M.  Spring,  second  commissaire,  s'étant  rallié  aux  con- 
clusions du  rapport  de  son  savant  confrère,  la  Classe  les 
adopte. 


Slas'  Atomic  Weight  Déterminations;  by  E.  Vogel. 

Rapport  de  n,    W.  Sprittg,  pt'etnier-  cotntniaaaifB . 

«  F^es  admirables  travaux  de  noire  éminent  et  regretté 
confrère,  J.-S.  Stas,  sur  les  poids  atomiques,  ont  déplu, 
l'Académie  le  sait,  aux  savants  qui  aiment  voir  dans  l'hypo- 


(  463  ) 
thèse  de  Prout  sur  l'unllé  de  la  matière  plus  qu'une  simple 
conception  de  l'esprit.  On  a  fait  valoir  surtout,  contre  les 
conclusions  qui  découlent  logiquement  de  ces  travaux,  des 
considérations  théoriques;  la  seule  attaque  basée  sur  des 
faits  a  été  produite  par  J,-B.  Dumas,  quand  il  a  montré  que 
l'argent  jouit  de  la  propriété  de  dissoudre  des  gaz,  notam- 
ment de  l'oxygène  et  que,  par  conséquent,  il  s'était  glissé 
une  erreur  dans  le  poids  de  ce  métal  déterminé  par  Stas. 
Notre  confrère  a  prouvé,  d'une  manière  péremptoire,  dans 
un  mémoire  aujourd'hui  publié,  que  celte  erreur  est  cepen- 
dant absolument  «  sans  aucune  influence  sur  les  conclu- 
»  sions  déduites  de  ses  travaux,  puisque  l'écart  qui  en 
n  résulte,  '/sssoo  ^'"  Poids  de  l'argent,  se  confond  absolu- 
»  ment  avec  l'erreur  inévitable  dans  les  expériences  de 
»  cette  nature  ». 

Stas  n'a  pas  voulu  répondre  aux  objections  théoriques 
qu'on  lui  a  présentées  :  les  discussions  philosophiques  lui 
répugnaient,  l'Académie  ne  l'a  pas  oublié.  Ses  adversaires 
ont  donc  pu  se  mouvoir  librement,  et  aujourd'hui  même 
l'Académie  reçoit  de  M.  E.  Vogel,  de  Alameda  (U.  S.  A.), 
un  article  étrange,  tendant  à  restaurer  l'hypothèse  de 
Prout.  Je  dis  étrange,  parce  que  l'auteur  y  affirme,  d'une 
manière  explicite,  que  Slas  aurait  entrepris  ses  expériences 
avec  une  idée  préconçue,  c'est-à-dire  exclusivement  pour 
ruiner  l'hypothèse  de  Prout  ;  qu'il  aurait  retenu  de  ses 
résultats  uniquement  ceux  qui  inlîrmaient  celte  hypothèse 
et  qu'il  aurait  tu  ceux  qui  la  confirmaient.  Celte  affirma- 
tion peu  aimable  surprendra  bien  certainement  tous  ceux 
qui  ont  eu  le  bonheur  de  juger  et  d'apprécier  l'honnêteté 
inébranlable  de  noire  conlrère,  ainsi  que  l'élévation  et 
l'intégrité  de  son  caractère  de  savant. 

L'auteur  invoque  de  plus  ce  qu'il  appelle  a  les  expé- 


(  464  ) 

riences  de  G.  Hinrichs  »  pour  mettre  en  doute  l'exacti- 
tude même  des  nombres  publiés  par  Slas.  D'après  ce  qu'il 
m'a  été  donné  de  lire  dans  les  Comptes  rendus  de  l'Aca- 
démie des  sciences,  Hinrichs  n'a  fait  aucune  expérience; 
il  a  uniquement  traduit  graphiquement,  à  une  échelle 
disproportionnée,  certains  résultats  de  Stas  et,  prolongeant 
la  courbe  obtenue  au  delà  des  limites  permises  par  la  rai- 
son, il  en  a  conclu  que  si  Stas  avait  opéré  sur  des  prises 
d'essai  d'argent  et  de  plomb  convenablement  choisies,  il 
aurait  trouvé  la  loi  de  Prout  confirmée.  Je  ne  rappellerai 
pas  la  réponse  que  j'ai  cru  devoir  donner  à  l'article  de 
M.  Hinrichs  (I),  mais,  ceci  a  plus  de  poids,  je  dirai  que 
M.  van  der  Plaats,  d'Utrecht,  a  obtenu  l'insertion  aux 
Comptes  rendus  d'un  travail  dans  lequel  il  montre,  d'une 
manière  irréprochable,  que  les  considérations  de  M.  Hin- 
richs sont  sans  aucune  valeur  scientifique  pratique. 

Les  choses  étant  telles,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  si 
M.  Vogel,après  avoir  déclaré,  avec  M.  Hinrichs,  les  nombres 
de  Stas  inexacts,  cherche  à  expliquer  pourquoi  ils  ne  sont 
pas  d'accord  avec  l'hypothèse  de  Prout.  Il  affirme  gratuite- 
ment que  la  raison  de  la  discordance  observée  se  trouve 
dans  une  variation  des  poids.  «  The  cause  of  the  great  dis- 
»  crepancis  is  the  variation  of  weight  wich  the  distin- 
»  guished  experiments  would  sureley  hâve  discovered  if, 
t>  instead  of  endeavoing,  as  he  bas  done,  to  establish  the 
»  weight  in  favor  of  wich  he  was  prejudiced,  he  had 
»  impartially  considered  ail  the  expérimental  resulls  obtai- 
»  ned  »,  variations,  ose  dire  l'auteur,  que  les  délicates 


(i)  Voir  Bull.  del'Acad.  roy.  de  Belgique,  3«  sér.,  t.  XXVI,  p.  83, 
J893. 


(  465  ) 

expériences  auraient  fait  découvrir  si  Stas  avait  tenu 
compte  de  tous  les  résultats  obtenus,  et  non  seulement  de 
ceux  qui  étaient  favorables  à  son  préjugé. 

On  le  voit,  M.  Vogel,  pour  sauver  l'hypothèse  de  Proul, 
met  en  question  ou  bien  le  principe  de  la  conservation  de  la 
matière,  ou  bien  les  lois  des  proportions  définies.  Quand 
on  fait  une  si  grave  affirmation,  on  serait  au  moins  bien 
venu  en  l'appuyant  sur  des  expériences  montrant  que 
les  immortelles  recherches  de  Lavoisier,  de  de  Laplace  et 
d'autres  maîtres  ont  servi  à  répandre  une  erreur  dans  la 
science. 

Je  ne  demanderai  pas  si,  en  niant  la  constance  des  poids 
ou  mieux  de  la  masse,  M.  Vogel  ne  ruine  pas  plus  la  valeur 
de  l'hypothèse  de  Prout,  qu'il  se  propose  de  sauver  cepen- 
dant, que  Stas  ne  l'a  fait  en  montrant  que  les  corps  simples 
ne  se  forment  pas  par  la  condensation  de  masses  différentes 
d'une  matière  primitive?  Encore  moins  ai-je  besoin  d'ana- 
lyser ou  de  faire  connaître  la  suite  de  la  note  de  M.  Vogel 
dans  laquelle  il  a  recours  à  des  considérations  également 
gratuites  sur  ce  qu'il  nomme  Vélasticité  moléculaire  pour 
calculer  a  les  proportions  exactes  »,  selon  lui,  des  résultats 
de  Stas,  mises  cependant  en  doute  plus  haut,  et  montrer 
qu'elles  s'accordent  avec  l'hypothèse  de  Prout. 

En  un  mot,  l'article  de  M.  E.  Vogel  ne  me  paraît  pas 
bien  utile  pour  la  science,  et  pas  même  pour  l'hypothèse  de 
Prout;  néanmoins,  j'ai  l'honneur  de  proposer  à  la  Classe 
son  insertion  dans  le  Bulletin  de  la  séance,  d'abord  au  nom 
de  la  tolérance  scientifique  et  de  la  liberté  de  discussion, 
et  ensuite  afin  de  permettre  de  juger,  en  connaissance  de 
cause,  si  je  ne  me  suis  pas  trompé  dans  l'appréciation  du 
travail  de  M.  E.  Vogel.  » 


(  466  ) 


Hapttot't  de  .fff.  ÊjOtti»  Kfsnfy,  aeconti  comnUatairc. 

d  Le  rapport  de  mon  savant  confrère,  M.  Spring,  met 
parfaitement  en  lumière  l'esprit  et  la  valeur  du  mémoire 
de  M.  E.  Vogel;  je  me  rallie  pleinement  à  sa  conclusion; 
je  suis  persuadé  que  si  l'Académie  avait  encore  l'honneur 
de  compter  Stas  au  nombre  de  ses  membres  vivants,  il 
serait  le  premier  à  réclamer  la  publication  dans  nos 
recueils  d'un  semblable  document. 

Avant  de  terminer,  je  demande  à  faire  une  observa- 
tion. 

Prout  admettait  bénévolement  que  les  poids  atomiques 
des  éléments  chimiques  sont  des  multiples  exacts  de  celui 
de  l'hydrogène,  et  il  en  concluait  que  l'hydrogène  est  la 
maieria  prima  dont  nos  corps  simples  seraient  des  conden- 
sations d'ordre  divers.  Les  travaux  de  Stas,  que  personne 
n'admire  et  n'élève  plus  haut  que  moi,  ont  démontré, 
aussi  rigoureusement  que  le  permet  l'expérience  humaine 
dans  les  temps  présents,  que  les  poids  atomiques  n'ont 
aucun  diviseur  commun. 

Stas  a  ruiné  l'hypothèse  de  Prout;  nos  éléments  ne  sont 
pas  de  l'hydrogène  condensé,  celui-ci  n'est  pas  et  ne  peut 
pas  être  la  maieria  prima,  s'il  en  existe  une. 

Quant  à  vouloir  tirer  des  travaux  de  Stas  un  argument 
contre  l'idée  de  Vanité  de  la  matière^  il  faut,  à  mon  sens, 
y  renoncer. 

Je  ne  dis  pas  que  cette  idée  n'est  pas  en  relation  avec 
la  question  de  la  fixation  précise  des  poids  atomiques;  si 
l'on  parvenait,  en  eflFet,  à  constater  que  les  poids  atomiques 


(  467  ) 
sont  des  multiples  exacts  de  l'unité  ou  d'une  de  ses  frac- 
tions, il  y  aurait  là  une  forte  présomption  en  faveur  de 
l'idée  de  l'unité  de  la  matière  et  de  l'individualisation  de 
la  matière  première. 

Mais  du  fait  de  la  non  existence  de  ce  diviseur  commun 
il  n'y  a  rien  à  conclure,  en  logique  et  en  vérité,  contre 
l'idée  elle-même. 

L'unité  de  la  matière  est  une  doctrine  ontologique  qui 
repose  sur  d'autres  considérations  que  les  relations  numé- 
riques des  poids  atomiques. 

C'est  par  les  corps  composés  que  nous  apprenons  fré- 
quemment à  connaître  les  corps  simples. 

L'analogie  générale  que  l'on  constate,  sous  divers  rap- 
ports fondamentaux,  entre  ces  deux  classes  d'espèces  chi- 
miques, quant  à  la  manière  d'être  et  la  manière  d'agir, 
rend,  selon  moi,  l'idée  générale  d'une  matière  primordiale 
unique,  sinon  certaine,  au  moins  vraisemblable  et  fort  pro- 
bable. 

J'aurai,  j'espère,  l'occasion  de  m'en  expliquer  plus  tard 
d'une  manière  complète. 

Quoi  qu'il  en  soit,  j'ai  tenu  à  rétablir  sur  ce  point  de 
philosophie  générale,  dont  l'intérêt  égale  l'importance,  ce 
que  je  crois  être  la  vérité  scientifique.  > 

La  Classe  vote  l'impression  au  Bulletin  de  la  traduction 
en  langue  française  du  travail  de  M.  Vogel. 


(  468  ) 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


Au  Secrétaire  de  r Académie  royale  des  sciences. 
Bruxelles  [Belgique). 

Monsieur, 

Les  travaux  de  réminenl  chimiste,  dont  les  conclusions 
exercent  encore  une  profonde  influence  sur  la  science, 
ayant  été  publiés  par  l'Académie  royale,  je  vous  envoie 
cet  article  qui  aura,  je  crois,  un  intérêt  spécial  pour 
vous.  Il  n'est  malheureusement  pas  écrit  en  français,  mais 
comme  plusieurs  membres  possèdent  sans  doute  les  deux 
langues,  j'ose  espérer  que  pour  cette  raison  on  ne  lui 
refusera  pas  l'attention,  puisqu'à  des  résultats  appuyés 
sur  une  autorité  de  premier  ordre  j'oppose  l'évidence,  et 
que  j'y  établis  un  fait  nouveau  d'une  importance  fonda- 
mentale. 

Agréez,  Monsieur,  mes  hommages  respectueux. 

Votre  serviteur, 

E.  VOGEL. 


Alameda  (Californie),  États-Unis  d'Amérique,  22  septembre  1893. 


(  469  ) 


Les  déterminations  des  poids  atomiques  de  Stas; 
par  E.  Vogel  (Alameda  :  U.  S.  A.) 

Stas  a  conclu  de  ses  expériences,  entreprises  surtout 
pour  résoudre  la  question  de  savoir  si  l'hypothèse  de 
Proul  est  fondée,  «  qu'il  n'existe  pas  de  commun  diviseur 
B  entre  les  poids  atomiques  des  éléments.  »  Il  a  regardé 
cette  hypothèse  comme  une  pure  illusion  et  les  éléments 
comme  des  matières  distinctes,  sans  relation  simple  de 
poids  entre  elles. 

Cette  opinion  ne  fut  pas  d'abord  partout  acceptée;  elle 
exerça  néanmoins  une  grande  influence.  Sa  valeur  est 
devenue,  avec  le  temps,  de  plus  en  plus  incertaine  et 
l'hypothèse  de  Prout  a  regagné  du  terrain.  Les  conclusions 
de  Stas  étant  basées  sur  l'exactitude  universellement 
reconnue  de  ses  expériences;  mettre  ces  conclusions 
en  doute,  c'était  réellement  mettre  en  question  l'exacti- 
tude elle-même  des  déterminations.  Les  expériences  de 
G.  Hinrichs  ont  conduit  dernièrement  à  rendre  suspecte 
la  rigueur  des  poids  atomiques  de  Stas.  Les  suppositions 
faites  par  Stas  lui-même  mettent  hors  de  conteste  que 
tous  ses  poids  atomiques  sans  exception  sont  faux.  li  a 
trouvé  que  si  l'on  précipite  presque  tout  l'argent  d'une 
solution  de  nitrate  par  du  chlorure  de  potassium,  il  reste 
néatimoins  i  à  2  milligrammes  d'argent  en  solution  par 
litre,  argent  qui  se  trouve  précipité  par  l'addition  du  sel 
aussi  bien  que  par  celle  du  nitrate  d'argent.  Cette  manière 
de  procéder  consistait  à  ajouter  du  sel  jusqu'à  cessation  de 

S"*    SÉRIE,    TOME    XXVI.  31 


(  470  ) 
toul  précipité,  et  il  dit  (')  :  «  Je  regarde  moi-même 
»  comme  certain  que  celte  méthode  comporte  une  erreur 
»  constante  qui,  dans  les  conditions  présentes,  atteint  un 
»  maximum...  Si,  comme  je  le  pense,  il  est  prouvé  un 
»  jour  que  ma  méthode  est  fautive,  ma  déclaration  four- 
»  nira  les  éléments  nécessaires  pour  corriger  mes  résul- 
»  tats.  »  On  verra  que  cette  prévision  était  complètement 
fondée.  Mais  admettre  que  l'inexactitude  des  rapports  est 
négligeable,  implique  nécessairement  qu'on  croit  à  l'exac- 
titude des  poids,  alors  qu'elle  est  bien  loin  de  la  vérité. 
Les  poids  ne  sont  pas  faiblement,  mais  grandement  faux. 
Dans  le  cas  de  l'argent,  par  exemple,  le  poids  107,93 
est  trop  faible  de  0,7o  (H  =  unité)  par  rapport  au 
chlorure  et  au  chlorate,  et  de  0,163  par  rapport  à  l'argent 
métallique,  et  comme  la  détermination  d'un  poids  est 
intimement  liée  à  celle  des  autres,  de  l'inexactitude  de 
l'une  résulte  l'inexactitude  de  toutes. 

La  cause  des  grandes  différences  est  la  variation  de 
poids;  et  si  l'éminent  savant,  au  lieu  de  se  laisser  guider 
par  une  idée  préconçue  qu'il  voulait  établir  malgré  tout, 
avait  sincèrement  accepté  les  faits  qui  se  passaient  sous 
ses  yeux,  il  l'aurait  infailliblement  découvert.  «  On  croira 
»  difficilement,  écrit-il  (**),  que  dans  ce  long  et  pénible 
»  labeur  auquel  je  me  suis  livré,  j'ai  obtenu  successive- 
»  ment  les  résultats  les  plus  disparates  selon  le  corps 
»  examiné  et  mes  moyens  d'investigation.  Parfois  les 
»  résultats  s'accordaient  entièrement  avec  la  loi  de  Prout: 
»  c'était  notamment  le  cas  pour  les  poids  atomiques  du 


(*)  Aro.\stein,  pp.  59  et  29S. 

(••)  Chein.  News.  Oct.  5^'  1861,  p.  181. 


(  471  ) 
i>  plomb,  de  l'argent,  du  sodium  et  du  calcium,  déterminés 
»  par  rapport  au  poids  atomique  du  carbone  ;  d'autres  fois 
»  ils  étaient  en  complet  désaccord  avec  la  loi,  comme  dans 
»  le  cas  du  plomb  par  rapport  au  poids  atomique  de  l'azote 
j>  et  du  soufre,  de  l'argent  par  rapport  à  l'azote  et  au 
»  chlore,  du  potassium  par  rapport  à  l'oxygène  et  au 
»  chlore...  Je  puis  affirmer,  sans  crainte  d'être  contredit, 
»  que  tout  chimiste  qui  s'est  livré  à  des  recherches  de  ce 
»  genre,  a  rencontré  les  mêmes  difficultés  et  les  mêmes 
»  contradictions,  s'il  a  pris  la  peine  de  varier  ses  méthodes, 
»  et  s'il  a  déterminé  le  poids  d'un  élément  par  rapport  à 
»  deux  ou  trois  corps  différents.  Sous  ce  rapport,  l'incerli- 
»  tude  la  plus  décourageante  m'a  constamment  accompa- 
»  gné  dans  mes  recherches.  » 

Il  est  inconcevable  qu'en  dépit  de  la  concordance  qu'il 
a  observée  avec  la  loi  de  Prout  et  sans  avoir  trouvé 
la  cause  du  désaccord,  qui  n'est  autre  chose  que  la 
variation  du  poids,  Stas  ait  déclaré,  sans  réserve,  que  la 
loi  de  Prout  est  une  illusion.  Son  opinion  radicale  est 
injustifiable,  dans  ces  conditions,  et  sa  manière  de  faire 
est  si  entachée  de  partialité,  qu'il  n'a  retenu  que  les 
résultats  qui  concordent  approximativement  alors  qu'évi- 
demment un  accord  complet  ne  pouvait  exister,  ses  poids 
atomiques  n'étant  que  la  moyenne  de  résultats  diffé- 
rents. Les  observations  non  concordantes,  il  les  a  soigneu- 
sement ignorées  et  exclues. 

Que,  nonobstant  l'habileté  extraordinaire  et  le  soin  de 
ses  déterminations,  on  ne  peut  considérer  ses  poids  ato- 
miques comme  définitifs,  se  trouve  prouvé  par  la  présomp- 
tion que  si  l'on  prend  l'argent  et  le  chlorure  de  potassium 
dans  les  proportions  de  poids  voulues  par  l'hypothèse  de 
Prout,  telle  qu'il  la  comprenait  alors,  l'argent  se  trouve 


(  472  ) 

toujours  en  excès;  c'est  là  l'expression  d'une  confiance 
dans  Texactitude  des  poids  qu'il  s'agissait  précisément  de 
déterminer.  Cette  présomption  est  arbitraire  et  fausse,  car 
le  chlorure  pris  dans  la  proportion  indiquée  est  aussi 
souvent  alors  en  excès  que  l'argent. 

Enfin,  les  preuves  et  les  confirmations  de  ces  résultats 
ne  brillent  que  par  leur  absence.  Un  moyen  de  contrôle 
des  plus  importants  était  cependant  sous  la  main.  Il  est  vrai 
qu'en  ne  l'employant  pas,  on  pouvait  escamoter  des  diffi- 
cultés embarrassantes,  des  contradictions  très  désagréables; 
et  c'est  peut-être  là  l'unique  raison  de  ce  silence  voulu. 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  moyens  d'arriver  à  la  vérité  ont 
ici  été  négligés  d'une  manière  signiflcative.  Pourquoi 
M.  Stas  n'a-t-il  pas  converti  les  chlorates  de  potassium 
et  de  sodium  en  nitrates,  ainsi  que  l'a  fait  Penny,  et  ainsi 
qu'il  l'a  fait  lui-même  pour  les  chlorures?  L'expérience, 
au  dire  de  Penny,  n'offre  aucune  difficulté,  et  elle  aurait 
donné  le  moyen  de  déterminer  la  très  importante  propor- 
tion centésimale  de  0  dans  les  chlorates  alcalins.  Elle 
aurait  en  outre  révélé  la  petite  variation  de  poids  dans 
KCl,  variation  qu'on  n'observe  pas  dans  NaCl. 


Calcul  des  proportions  exactes  d'après 
les  déterminations  de  Stas. 

Quand  à  une  solution  de  chlorure  alcalin  on  ajoute 
du  nitrate  d'argent  jusqu'à  ce  que  celui-ci  soit  légère- 
ment en  excès,  il  y  aura  évidemment  précipité  si  l'on 
ajoute  de  nouveau  du  chlorure.  Mais  l'expérience  démontre 
que  l'addition  de  nitrate  produit  également  un  précipité; 
le  trouble  ne  cesse  que  sous  l'influence  d'une  proportion 


(  "3) 
suffisante  de  l'un  des  réactifs.  Il  y  a  donc  deux  manières 
d'arrêter  la  précipitation,  et  aux  quantités  nécessaires  de 
réactif,  Mulder  a  donné  les  noms  de  «  limite  du  sel  » 
et  «  limite  de  l'argent  ».  La  moyenne  entre  ces  deux 
limites  représente,  d'après  cet  expérimentateur,  la  véri- 
table et  exacte  proportion  entre  le  sel  et  l'argent.  Cette 
conclusion  est  fausse  et  le  problème  mérite  l'attention. 

Les  expériences  de  Stas  de  1872  et  1874  (*)  ont  établi 
que  AgCI  caséeux  ou  pulvérulent  se  dissout  dans  l'eau 
pure  à  raison  de  13  milligrammes  par  litre,  et  que  ce 
chlorure  dissous  n'est  précipité  que  par  trois  fois  son 
équivalent  de  nitrate  d'argent  ou  de  chlorure  alcalin.  Stas 
a  en  même  temps  observé  la  différence  d'aspect  des  deux 
précipités.  Quand  on  l'obtient  par  le  chlorure,  il  est  opaque, 
jaune  et  brillant;  celui  obtenu  par  l'argent  est  blanchâtre 
et  translucide.  Ce  dernier  a  donc  les  qualités  extérieures 
de  AgCl  précipité.  La  raison  de  cette  différence  n'a  pas 
été  recherchée.  Voici  une  explication  qui  se  présente 
naturellement. 

Stas  a  toujours  ajouté  les  chlorures  en  excès  à  .sa  solu- 
tion d'argent.  Les  produits  de  la  réaction  entre  KCI  et 
AgNOs  sont  KNO3  et  AgCI.  Quand  on  ajoute  KCI  à  un 
mélange  contenant  KNO3  et  AgCI  dissous,  3  KCI  réagissent 
sur  un  KNO3  et  forment  le  composé  3  KCI  -h-  K;  le  résidu 
NO5  mis  en  liberté  va  se  fixer  sur  Ag  de  AgCI  et  donne 
ainsi  AglNOg,  tandis  que  Cl  en  liberté  se  combine  à  K  de 
5  KCI  H-  K.  Il  y  a  alors  dans  la  solution  4  KCI,  dont  une 
molécule,    réagissant  sur   AgNOg    nouvellement   formé, 


(*)   ^nn,   de  chim.  et  de  phys.,  t.  XXV,   p.  22,  et  t.  III  (1874), 
pp.  145  et  289. 


(  474  ) 
précipite  le  chlorure  d'argent  qui  était  dissous,  et  la  «  limite 
du  sel  »  est  atteinte  lorsqu'il  ne  reste  plus  de  AgCl  à 
précipiter.  Mais  comme  5  KCl  sont  nécessaires  pour  préci- 
piter un  AgCI,  cet  excès  n'est  évidemment  précipité  que 
par  3  AgNOg.  La  différence  d'aspect  des  deux  précipités 
s'explique  par  la  présence  de  3  KCl  -f-  K. 

Le  réactif  devant  être  en  triple  excès  pour  que  l'une  ou 
l'autre  des  deux  limites  soit  atteinte,  il  est  évident  que  la 
conclusion  de  Mulder  est  erronée;  car  il  résulte  néces- 
sairement de  ce  fait  que  la  moyenne  adoptée  sera  trop 
grande.  C'est  pour  ce  motif  que  la  dernière  détermination 
de  Stas,  celle  de  1882,  est  la  plus  inexacte,  car  il  l'a  faite 
d'après  la  conclusion  de  Mulder.  En  1860,  il  s'était  con- 
tenté de  chercher  la  limite  du  sel,  et  avait  trouvé  la  pro- 
portion 69,105;  en  1882,  il  trouva  69,11903  ("),  ce  qui 
donne  une  différence  de  0,01603.  Or  69,103  —  0,01603 
=  69,08697,  chiffre  qui  représente  presque  exactement  la 
proportion  réelle. 

Quand  on  établit  les  poids  moléculaires  au  moyen  des 
nombres  entiers,  les  volumes  moléculaires  étant  Ag  =  52  ; 
KCl  et  iNaCl  =  16;  LiCl  =  8;  NH4CI  =  4  volumes,  on 
trouve  que  le  nombre  de  molécules  représentées  par 

Ag 108      est  3,I50d56 

KCl 74,5  est  3,128346 

NaCI 58,5  est  3,152913 

LiCI 42,5  est  3,129 

NH4CI    ....     55,5  est  5,13425 

C'est  pourquoi,  avec  les  chlorures  de  potassium  et  de 


(*)  Ann.  de  chim.  et  dephys.  t.  VII  (1886),  p.  515. 


(47J5) 

lilhiiim,  l'argeni  esl  en  excès,  tandis  que  pour  les  chlorures 
de  sodium  et  d'ammonium,  c'est  le  sel. 

La  solution  de  nitrate  d'argeni,  à  laquelle  Slas  ajoutait 
le  chlorure  sec,  était  constituée  par  un  minimum  de 
35  litres  et  un  maximum  de  50  litres  d'eau.  Le  minimum 
dp  AgCI  soluble  était  donc  35  x  0^013  =  0^455  et  le 
maximum  50  x  0^015  =  0^65.  Ces  quantités  corres- 
pondent respectivement  à  0^',3425  et  0^',4893  d'argent. 
Dans  toutes  les  expériences  de  Slas,  l'excès  à  précipiter, 
multiplié  par  3,  était  de  beaucoup  inférieur  à  la  quantité 
de  AgCl  soluble  qui  existait  dans  l'eau.  Comme  la  quantité 
de  réactif  nécessaire  à  la  précipitation  esl  la  même  pour 
le  sel  et  l'argent,  et  comme  AgCI  réellement  dissous  était 
toujours  inférieur  à  trois  fois  la  quantité  soluble,  le  sel 
ajouté  nous  offre  dans  tous  les  cas  une  mesure  pour  l'excès 
réel,  que  cet  excès  soit  d'ailleurs  constitué  par  le  sel  ou  par 
l'argent. 

F^a  précipitation  du  chlorure  d'argent  dissous  exige  trois 
fois  l'équivalent  de  sel  ou  d'argent  ;  mais  quand  cette  quan- 
tité de  KCl  a  été  ajoutée,  il  y  a  dans  la  solution  4  KCI  à 
cause  de  la  décomposition  d'un  KiNOg,  et  l'excès  n'est  plus 
un  tiers,  mais  un  tiers  moins  g  x  J  =  ^.  Dans  le  cas  de 
KCl  et  de  LiCI,  pour  lesquels  l'argent  est  en  excès,  on 
obtiendra  la  véritable  proportion  en  défalquant  de  l'argent 
l'excès  observé  réduit  à  |^.  Pour  déterminer  la  proportion 
KCl  :  Ag,  Slas  a  fait  six  séries  d'expériences;  lui-même  a 
écarté  la  première;  voici  donc  le  résultat  des  cinq  autres. 

Deuxième  série  :  69,35822  KCl;  100,54012  Ag;  excès 
de  Ag  0,1775  x  %  =  0,15162;  proportion  69,35822 
X  100:  100,3945  =  69,0857. 


(  4.76  ) 

Troisième  série  :  18,453  KCI;  26,75062  Ag;  excès  de 
Ag  0,0469  X  II  =  0,04006;  proportion  18,455  x  100  : 
26,71056  =  69,085. 

Quatrième  série  :  3,83415  KCI  ;  3,55823  Ag;  excès  de 
Ag  0,0097  X  l-g  ==  0,008285;  proporlion  3,85415x100  : 
5,55  =  69,0845. 

Cinquième  série  :  16,81259  KCI  ;  24,37227  Ag;  excès 
de  Ag  0,0429  X  ~=  0,03644;  proportion  16,81239 
X  100  :  24,35583  =  69,0855. 

Sixième  série  :  7,25682  KCI;  10,51995  Ag;  excès  de 
Ag  0,0 194  X  I  =0,01657;  proportion  7,25682  x  100: 
10,50358  =  69,0904. 

La  moyenne  entre  tous  ces  résultats  est  69,0862,  KCI 
occupe  16  volumes;  mais,  comme  le  démontre  le  poids 
spécifique,  il  est  formé  par  condensation  de  1  volume  en 
deux  tiers,  par  conséquent  son  poids  n'est  pas  1,  mais 
J|||.  Mais  l'excès  de  sel  en  solution,  déterminé  par  titrage, 
est  proportionnel  au  nombre  des  molécules,  quel  que  soit 
d'ailleurs  leur  poids,  et  quand  son  équivalent  est  déduit 
de  l'argent,  on  obtient  la  proportion  correspondant  au 
poids  =  1 . 

Pour  les  quantités  LiCI  =  42,5  et  Ag  =  108,  l'excès 
d'argent  est  si  petit  que  la  réduction  de  l'excès  observé  à  ^ 
ne  l'influence  pas  d'une  manière  appréciable.  Les  trois 
observations  de  Stas  donnent  :  25,771 56  LiCI  ;  65,4896  Ag  ; 
excès  de  Ag  0,0121  x  ^8  =  0^0^034;  proporlion  25,77156 
X  100  :  65,47926  =  59,558.  Stas  a  trouvé  le  même 
chiffre. 


(477  ) 

Comme  tous  ses  rapports  peuvent  se  calculer  à  l'aide  de 
ces  résultats,  on  peut  conclure  que,  par  analogie  avec 
3  KCI  +  K,  il  y  a  formation  des  composés  3  LiCI  -+-  Li; 
3NaCI  -h  Na;3NH4CI  -h  NH4. 

Avec  NaCI  et  iNH4CI,  le  sel  est  en  excès;  l'excès  égal  à 
l'argent  sera  donc  plus  petit  et  il  faut  le  réduire  de  777-^, 
OU  au  ^;  la  proportion  réelle  s'obtient  en  défalquant  du 
sel  employé  l'excès  ainsi  réduit. 

Voici  le  résultat  des  dix  observations  de  Stas  pour 
NaCI  :  85,03122  NaCI;  156,98096  Ag;  excès  de  NaCI 
0,06516  X  H  =0,06278;  proportion  84,96844  x  iOO: 
156,98096=54,1266.  En  1 860,  Slas  avait  trouvé 54,2078; 
en  1882,  il  aboutit  à  54,2046.  S'il  était  vrai,  comme  il 
l'aflirme,  que  l'argent  est  toujours  en  excès,  il  est  de  toute 
évidence  que  le  chiffre  de  1882  aurait  été  supérieur  à  celui 
de  1860,  comme  c'est  le  cas  de  KCI,  et  non  pas  inférieur. 

Voici  maintenant  le  résultat  des  neuf  dernières  observa- 
tionsde  Stas  pour  NH4CI  :  1 26,25085  NH4CI;  254,82766 Ag; 
excès  de  NH4CI  =  0,154608  X  {|  =  0,14897;  propor- 
tion 126,10186  X  100  :  254,82766  =  49,4852.  Stas  a 
obtenu  49,5944. 

La  proportion  exacte  de  NaCI  est  la  seule  qui  puisse 
servir  immédiatement  à  la  détermination  des  poids  molé- 
culaires, car  ce  chlorure  est  le  seul  qui  occupe  16  volumes 
sans  condensation  en  deux  tiers.  Ce  fait  résulte  de  l'exac- 
titude même  de  toutes  les  expériences  :  les  poids  molécu- 
laires de  Stas  donnent  pour  100  NaCIOs  =  54,9296  NaCI; 
Penny  a  trouvé  par  voie  analytique  54,9295.  La  transfor- 
mation du  chlorate  et  du  chlorure  en  nitrate  donne  pour 
100  NaCIOs:  79,8823  NaNOj;  pour  100  NaCI  :  145,4132 
NaNOj;  la  proportion  pour  cent  de  NaCI  en  NaCIOj  est 
donc  79,8823  x  100  :  145,4152  =  54,9347;  en  la  calcu- 
lant au  moyen  des  nombres  entiers,  on  obtient  54,95292. 


(  478  ) 

Le  rapport  exact  Ag  :  NaCI  est  54,1259,  et  54,95292 
se  combinant  avec  45,06708  0,  54,1259  :  54,93292 
X  45,06708  =  44,40504  exprime  l'oxygène  qui  se  trouve 
combiné  à  tous  les  chlorures,  les  bromures  et  les  iodures, 
correspondante  100  Ag. 

100  Ag  ==  69,08674  KCI  +  44,40504  0  donne  la  pro- 
portion pour  cent  60,8738  KCI  -^-  39,1262  0  =  100.  De 
100  KCIO3  Penny  a  obtenu  82,5  KNO3.  Si  ce  poids  repré- 
sentait du  chlorure  ou  du  chlorate,  et  si  le  chiffre  était 
exactement  82,50388,  il  se  combinerait  avec  82,50388  : 
60,8738  X  39,1262  =  53,028620.  En  ajoutant  ce  résultat 
à  82,50388,  on  obtient  135,5325.  Enfin,  en  multipliant  ce 
dernier  chiffre  par  [|||,  on  trouve  135,654,  ce  qui  repré- 
sente la  quantité  de  nitrate  que  Stas  a  obtenue  de  100  KCI. 
Le  poids  de  ce  chlorure  étant  j^^  au  lieu  de  1,  le  nombre 
des  molécules  dans  un  poids  déterminé  est  de  :^^  plus 
grand  que  dans  le  même  poids  de  KCIO5.  82,50388  X 100  : 
135,654  donne  la  proportion  centésimale  60,81936  KCI; 
la  moyenne  entre  ce  chiffre  et  la  proportion  centésimale 
réelle  60,8738  est  60,84658;  et  si  la  varialion  existe  réel- 
lement, on  doit  arriver  à  ce  chiffre.  Or  il  a  été  trouvé  non 
seulement  par  Stas,  mais  par  tous  les  autres  expérimenta- 
teurs. Il  y  a  là,  à  notre  avis,  une  démonstration  irréfutable 
de  la  petite  variation  de  poids  que  subit  KCI. 

Dans  un  composé  occupant  4  volumes,  le  poids  des 
éléments  est,  par  suite  de  la  variation,  plus  grand  que  dans 
un  composé  qui  occupe  16  volumes,  et  au  moyen  de  la 
proportion  de  NH4CI,  qui  occupe  4  volumes,  on  peut  déter- 
miner le  poids  du  chlore.  A  cet  effet,  on  calcule  le  poids 
correspondant  à  4  volumes  au  moyen  du  poids  de  Toxygène 
dans  le  chlorate,  qui  occupe  16  volumes  g|  X  44,40504 
=  44,88253;  de  cette  quantité  '^~  ou  16,83095  exprime 


(479) 
le  poids  de  NHiCt  la  proporlion  exacte  49,479  —  16,85095 
donne  le  poids  du  chlore  occupant  4  volumes  =  52,648; 
ce  qui  pour  16  volumes  donne  |^^  X  512,648  =  52,508. 
Les  poids  de  l'oxygène  et  de  l'ammonium  étant  bien  établis, 
celui  du  chlore  est  également  certain.  Dittmar  et  Mac 
Arthur  ont  prouvé  (')  qu'en  chauffant  le  bichlorure  de  pla- 
tine PtCla  jusqu'au  point  de  fusion  du  plomb,  on  obtient 
le  monochlorure  PtCl.  Cela  étant,  la  vérification  expéri- 
mentale du  poids  de  Cl  en  KCI  et  PtCI  doit  être  très  pos- 
sible, et  dès  lors  on  peut  déterminer  directement  les  poids 
de  K  et  Pt,  indépendamment  de  tout  autre  poids. 

Les  poids  de  Br  et  de  I  peuvent  se  déterminer  à  l'aide 
du  chlore  et  de  l'oxygène  d'une  quantité  de  chlorate  obte- 
nue avec  100  Ag.  Stas  a  trouvé  dans  100  AgBrOs  20,55  0, 
et  il  a  obtenu  au  moyen  de  100  Ag,  une  quantité  de  bro- 
mure de  174,081  ;  par  conséquent,  03  =  44,4765.  Sa  pro- 
portion pour  cent  de  0  est  presque  rigoureusement  exacte, 
mais  celle  de  AgBr  est  trop  élevée  à  cause  de  la  variation 
de  poids.  La  proportion  centésimale  0  =  20,54012  donne 
44,40504  0  combiné  à  175,9076  AgBr. 

Dans  100  AglOj  Stas  a  trouvé  16,9747  0  et  ses  syn- 
thèses donnent  100  Ag  =  217,5552  Agi,  avec  lesquels  se 
combine  O3  =  44,4757.  Les  proportions  centésimales 
85,05808  Agi  -+- 16,961920  donnent  44,405040  combiné 
à  217,5875  Agi.  Les  chiffres  déduits  des  synthèses  sont 
donc  trop  élevés,  et  la  différence  est  due  à  la  variation  de 
poids;  avec  des  poids  plus  grands,  la  proporlion  centési- 
male de  0  aurait  été  plus  petite,  et  ceux  de  Stas  sont  déjà 
trop  grands. 


(*)  Journ.  Soc.  Chem.  Induslry,  vol    Vf,  p.  805. 


(  480  ) 

100  Ag  donnent  132,84522  AgCI  (Slas  donne  le  chiffre 
132,8445).  Celte  quantité  de  chlorure  est  constituée  par 
100,53522  Ag  et  32,308  Cl.  Comme  100  Ag  seulement  ont 
été  employés,  la  différence  0,53522  s'explique  par  la  varia- 
tion de  poids.  Br  est  173,9076  —  100,53522  =  73,37238; 
I  est  217,3875  —  100,53522  =  116,85228. 

K  et  69,08674  —  32,308  =  36,77874,  ce  qui  avec 
73,37237  Br  donne,  par  rapport  à  1 00  Ag,  1 10,151 12  KBr. 
Le  résultat  plus  élevé  de  Stas  est  dû  à  la  variation  de  poids. 

100  Ag  étant  combinés  dans  le  chlorate  avec  44,4050406, 
si  0  =  8,  le  NjOg  correspondant  est  ||  X  44,40504 
=  57,35651.  En  ajoutant  100,53522  Ag,  on  obtient 
157,89173  AgNjOe.  Stas  ne  donne  que  157,472,  et  la 
différence  entre  ces  deux  chiffres  est  due  à  une  variation 
de  poids.  On  trouve  la  même  variation  dans  PbNsOe,  mais 
dans  KNjOc  et  NaNjOg  elle  est  double. 

Calcul  des  proportions  diaprés  les  nombres  entiers. 

Les  données  expérimentales  fondées  sur  les  observa- 
lions  de  Stas  correspondent  rigoureusement  aux  poids 
publiés  le  3  novembre  1884  dans  Nature  (p.  45).  Afin 
de  montrer  la  raison  et  la  réalité  des  variations  de  poids, 
il  est  indispensable  d'expliquer  comment  je  suis  arrivé  aux 
poids  dont  je  me  sers.  Tous  ont  été  calculés  d'après  les 
nombres  entiers  de  la  colonne  S;  ils  sont  exacts  dans  la 
mesure  de  l'exactitude  de  ces  nombres  entiers  eux-mêmes. 
Chacun  de  ceux-ci  représente  le  poids  de  9  molécules  à 
l'élat  gazeux;  ils  sont  uniquement  basés  sur  l'expérience. 
Or,  des  recherches  minutieuses  ont  prouvé  que  plusieurs 
doivent  être  corrigés,  les  nombres  entiers  des  éléments 


(  48i  ) 
suivants  étant  F  =  57;  Yt=  136;  La  =  140;  Ce=U4; 
Di  =  148;  Yb  =  i74. 

La  loi  d'Avogadro  nous  apprend  que  des  volumes  égaux 
de  gaz  contiennent  des  nombres  égaux  de  molécules. 
Quoique  cela  soit  vrai  pour  un  état  déterminé,  il  est 
cependant  manifeste  que  cette  donnée  ne  peut  pas  servir 
à  la  détermination  des  poids  moléculaires.  Personne 
n'ignore,  en  effet,  qu'un  volume  gazeux  de  soufre,  pris  à 
une  haute  température,  est  52,  tandis  qu'à  une  tempéra- 
ture plus  basse  il  est  96.  Par  conséquent,  alors  que  pour 
un  certain  état  des  volumes  égaux  de  gaz  contiennent 
chacun  5  molécules,  la  molécule  de  soufre  est  constituée 
à  une  haute  température  par  le  composé  S.2,  et  à  une  tem- 
pérature moins  élevée  par  Sj^î-  De  la  même  façon,  on  a 
0  =  16  =  3O2  ;  0  =  24  (ozone)  =  3O3  ;  N  =  14  ==  3N3. 

Il  est  évident  que  le  nombre  des  molécules  contenues 
dans  l'unité  de  volume  est  fonction  de  l'élasticité  molécu- 
laire. Cette  élasticité  est  différente,  non  seulement  pour 
les  différents  éléments,  mais  encore  pour  les  divers  états 
d'un  même  élément.  Il  y  a  quatre  classes  d'éléments  diffé- 
rant par  l'élasticité  moléculaire.  Les  gaz  élémentaires  con- 
tiennent 3  molécules  dans  un  volume  gazeux;  le  brome 
liquide  contient  le  même  nombre  de  molécules  en  2  vo- 
lumes non  gazeux,  l'unité  étant  le  volume  du  poids  spéci- 
fique en  rapport  avec  celui  de  l'eau  =  1  ;  de  sorte  qu'un 
volume  gazeux  =  2  volumes  non  gazeux.  Les  métaux 
alcalins  ont  seuls  une  plusgrande élasticité  moléculaire,  car 
3  molécules  =  4  volumes  non  gazeux.  Pour  tous  les  autres 
éléments,  l'élasticité  est  plus  petite;  le  volume  gazeux 
contient  3  molécules,  mais  chacune  de  celles-ci  est  cepen- 
dant, dans  tous  les  cas,  un  agrégat  de  2  ou  de  plusieurs 
molécules  simples.  Cl,  Br  et  l  diffèrent  sous  ce  rapport  des 


(  482  ) 
gaz  élémentaires  :  ils  sont  constitués,  comme  la  chaleur 
spécifique  le  démontre,  par  condensation  en  deux  tiers, 


c'est-à-dire  |  -*-  |  -+-  I  =  'l  volume  ou  3  molécules. 

Les  molécules  élémentaires  de  Mg,  Sr,  Ba,  Pb,  Ag  et  Cs 
sont  également  constituées  par  condensation  en  deux  tiers, 
mais  il  y  a  ultérieurement  combinaison  à  volume  constant. 
Dans  ce  cas,  le  poids  moléculaire  =  5  molécules  occupe 
deux  volumes  au  lieu  d'un  seul.  Lorsqu'il  y  a  combinaison 
avec  condensation,  il  y  a  d'abord  combinaison  à  volume 
constant  1:1=2  volumes,  suivie  de  condensation  2-4-1 
=  2  volumes.  L'élasticité  moléculaire  du  poids  d'un 
volume  devient  par  là  égale  à  celui  de  deux. 

Il  y  a  une  relation  intime  et  directe  entre  les  variations 
de  l'élasticité  moléculaire  et  les  changements  de  poids;  à 
chaque  augmentation  d'élasticité  correspond  une  diminu- 
tion proportionnelle  dans  le  poids  des  molécules,  la  masse 
étant  constante,  de  sorte  que  les  molécules  atteignent  le 
maximum  de  leur  poids  dans  l'état  gazeux.  On  a  trouvé 
que  le  poids  de  9  molécules  des  gaz  élémentaires,  qui  est 
toujours  représenté  par  un  nombre  entier,  est  9  :  9,4 
quand  ils  occupent  un  volume  de  16  volumes  non  gazeux, 
et  l'unité  H  =  1  est  dans  ce  cas  :  1  —  ^g  =  0,9574468. 
Du  rapport  à  l'état  gazeux  il  suit  que  pour  8  volumes 
le  poids  est  9  :  9,3;  pour  4  volumes  9 :  9,2;  pour  2  volumes 
9  :  9,1  =  1  volume  gazeux  ;  pour  32  volumes  9  :  9,S;  pour 
64  volumes  9  :  9,6,  etc.  Si  l'on  fait  9,4=  9  -+-  x,  il  faut 
augmenter  x  de  0,1  chaque  fois  que  le  volume  est  doublé; 
pour  l'état  non  gazeux,  il  faut  l'augmenter  de  0,05  puisque 
1  volume  gazeux  =  2  volumes  non  gazeux.  En  cas  de  con- 
densation, la  masse  s'accroît  de  \;  par  conséquent,  x  aug- 
mente de  0,05  pour  l'état  gazeux  et  de  0,025  pour  l'étal 
non  gazeux. 


(  485  ) 

L'élasticité  des  métaux  alcalins  étant  5  molécules,  4  vo- 
lumes, 9  -+■  X,  qu'on  peut  appeler  le  coefficient  de  varia- 
tion, est  pour  cette  classe  d'éléments  et  l'état  de  16  volumes, 
9,5.  Pour  les  six  corps  simples  dont  les  molécules  sont 
constituées  par  condensation,  le  coefficient  est  de  9,34166, 
chiffre  intermédiaire  entre  9,5  et  9,4;  le  0,05  dû  à  la 
condensation  est,  par  suite  de  la  combinaison  ultérieure  à 
volume  constant,  réduit  à  0,05  X  g  =  0,04166.  Pour  tous 
les  autres  éléments,  c'est-à-dire  pour  le  plus  grand  nombre, 
l'élasticité  moléculaire  est  inférieure  à  celle  des  gaz  élé- 
mentaires, et  9  -h  X  est  pour  tous  9,6;  c'est  aussi  le 
coefficient  de  Cl,  Br  et  I,  j;  =  0,4  ayant  augmenté  de  moi- 
tié par  suite  de  la  condensation. 

De  ces  données  on  peut  déduire,  au  moyen  des  nombres 
entiers  de  la  colonne  S,  le  poids  de  la  molécule  simple  de 
tous  les  éléments  et  de  tous  les  composés  dans  tous  leurs 
états.  Si  S  représente  le  nombre  entier  de  la  colonne  S,  ce 
poids  est  donné  par  S  :  9  -+-  x.  Pris  à  l'état  de  16  volumes 
sans  condensation,  9  -+-  x  est 

9.5  pour  Li,  Ca,  Na,  K,  R; 
9,54166  pour  Mg,  Sr,  Ba,  Pb,  Ag,  Cs; 
9,4pourH,  N,  0,  F; 

9.6  pour  tous  les  autres  éléments. 

Pour  8  volumes,  on  doit  diminuer  de  0,05  le  9  -^  x  de 
16  volumes;  les  poids  sont  alors  ceux  de  l'état  non  gazeux; 
pour  4  volumes,  la  diminution  est  de  0,1  ;  tandis  que  pour 
52  ou  64  volumes,  etc.,  il  faut  augmenter  9  h-  x  de  0,05 
chaque  fois  que  le  nombre  des  volumes  est  doublé.  En  cas 
de  condensation,  la  diminution  ou  l'augmentation  de  9  h-  x 
est  de  0,025. 

Voici  maintenant  les  résultats  de  Stas  calculés  d'après 
les  nombres  entiers.  Dans  l'argent  5  volumes,  non  gazeux 


(  484  ) 
sont  condensés  en  2  volumes  qui  contiennent  5  Agj,  et  le 
poids  moléculaire  est  32  =  3  Ag  48.  Le  poids  d'une  molé- 
cule simple,  exprimé  en  unités  H,  est  324  :  9,39166 
=  54,49768.  Cela  étant,  400  Ag  =  2,898663  molécules. 
Si  nous  exprimons  ce  chiffre  par  n,  dOO  Ag  sont  équi- 
valents aux  poids  suivants  du  chlorate,  qui  n'occupe 
que  16  volumes  :  (524  x  «)  :  9,34166  =  100,53522  Ag 
-4-  {\00  X  n)  :  9,6  ==  32,308  Cl  =-  132,8432  AgCl 
-I-  (24  X  6  X  n)  :  9,4  ==  44,40504  Oe-  Stas  a  trouvé 
100  Ag  =  132,8445  AgCI. 

100  Ag  se  combinent  avec  (243  x  «)  :  9,6  =  73,3724  Br 
+  100,53522  Ag  =  173,9076  AgBr  ;  et  avec  (387  x  n)  : 
9,6  =  116,8524  I  h-  100,53522  Ag  =  217,3876  Agi.  Ces 
chiffres  indiquent  les  quantités  de  bromure  et  d'iodure 
qu'on  trouve  dans  les  bromates  et  les  iodates  en  cherchant 
la  proportion  centésimale  de  0. 

L'équivalent  de  KCIOe  pour  100  Ag  est  (118  x  n)  :  9,3 
=  36,77874  K  -^  32,308  C  1=69,08674  KCI +44,40504  Oc- 
D'après  les  données  de  Stas,  on  obtient  69,0862  KCl. 

L'élasticité  moléculaire  de  KCl  à  l'état  libre  est  3  molé- 
cules =  4  volumes;  3x4  =  8  volumes  =  Z...^;  2x8 
=  16  volumes  3  (KC1)6.  L'augmentation  de  masse  due  à 
la  condensation  est,  par  suite  de  la  combinaison  ultérieure 
à  volume  constant,  -^^  (9  -+-  a- =  0,025),  et  le  poids  d'une 
molécule  simple  est  118  :  9,30833  =  12,67681  K  +  107  : 
9,60833=  11,13642  Cl  =23,81323  KCl.  Le  poids  molé- 
culaire du  nitrate  est  3(KN30e)8  =  32  volumes  sans  conr 
densation;  le  poids  d'une  molécule  simple  est  118  :  9,35 
=  12,62058  K  -4-  (3  X  62)  :  9,45  =  19,68254  N3O6 
=  32,30512  KNsOe  et  100  KCl  correspondent  à  (32,50512 
X  100)  :  25,81525  =  155,652  KN-^Oe.  Stas  a  obtenu 
155,6455. 


(  485  ; 

L'équivalent  de  iXaCIOe  pour  100  Ag  est  (70  X  n)  :  9,5 
=  21,8179  Na  +  52,308  Cl  =54,1259  NaClH-44,405040c. 
D'après  les  données  de  Stas,  on  obtient  54,1 266  NaCi.  La 
molécule  simple  de  NaCI  est  54,1259  :  n=  18,672715. 

L'élasticité  naoléculaire  du  nitrate  est  4  volunries  =  5  mo- 
lécules; 3x4  =  8  volumes  =  3.. .3;  2x8  =  16  volumes 
=  3...6;  2  X  16  =  32  volumes  =  3(NaN50o),2.  9  h-  x 
étant  0,025,  l'augmentation  de  masse  par  condensation 
est  32  volumes -^^  =  0,004166;  par  conséquent,  le 
poids  d'une  molécule  simple  est  70: 9.5541 66=7,4833  Na 
+  (5x62)  :  9,4541 66=19,67394  N506=27,i5724  NaNsOg 
et  lOONaCI  correspondent  à  (27,15724x100)  :  18,672715 
=  145,4581  NaNsOc-  Stas  a  obtenu  145,4526. 

N3H4CI  occupe  4  volumes  et  100  Ag  correspondent  à 
(5  X  18  X  '0  :  9,4  —  0,1  =  16,85095  H4N3  -t-  (107  x  ")  : 
9,6  —  0,1  =  52,6481  Cl  =  49,479  H4iN3CI.  D'après  les 
données  de  Slas,  on  obtient  49,4852 

LiCI  occupe  8  volumes  et  100  Ag  correspondent  à 
(22  X  «)  :  9,5  —  0,05  =  6,89412  Li  -^-  (107  x  n)  :  9,6 
_  0,05  =  52,4771 7  Cl  =  59,57129  LiCI.  D'après  les  résul- 
tais de  Stas,  on  trouve  59,558. 

Les  poids  de  AgNgOe  et  de  PbNsOe  correspondent  à 
l'état  de  5x8  =  16  volumes;  à  savoir  100  Ag  =  (524x«)  •" 
9,54166  -t-  0,025  =  100,26689  Ag  -h  (5  x  62  x  n)  :  9,4 
-+-  0,025  =  57,20458  N,0,  =  157,47127  AgNsOe-  Stas  a 
trouvé  157,472. 

Le  poids  moléculaire  de  Pb  occupe  16  volumes  et  le 
poids  de  la  molécule  simple  est  506:  9,541 66— 52,756467, 
donc  100  Pb  =  5,052855  molécules.  Si  nous  représentons 
ce  chiffre  par  m,  100  Pb  rapportent  (506  x  m)  :  9,54166. 
H-  0,025  =  99,7551  Pb  -+-  (5  x  62  x  m)  :  9,4  h-  0,025 
=60.2469  i\306=  159,98  PbN306.  Slas  a  trouvé  159,9704. 

5""    SÉRIE,   TOME   XXVI.  52 


(  480  ) 

l/acide  nilrique  à  l'élal  de  16  volumes  sans  conden- 
sation est  (5  X  02  X  «0  :  9,4  =  60,4071,  dont  les  | 
on  46,7668  apparliennenl  à  Og  ;  par  conséquent,  O4 
=  51,177866  =  (5  X  o2  X  ni)  :  9,4,  qui,  en  se  comhi- 
naMtà(48  X  m)  :  9,6  =  15,26416  S  donnent  pour  100  Pb 
146  442027  PbS04.  Le  chiffre  de  Stas  :  146,4275  est  trop 
|)i'lil  parce  que  son  plomb  contenait  des  traces  de  métaux 
alcalins  et  qu'il  n'a  pas  corrigé  l'inexaclilude  qui  devait 
en  résulter. 

Le  poids  spécifique  de  AgS  est  7,02,  ce  qui,  multiplié 
par  32,  donne  224s',64.  La  molécule  simple  est  2s%7o9; 
donc  le  poids  moléculaire  est  3  (AgS),?  =  32  volumes. 
L'élasticité  moléculaire  est  4  volumes  =  3  molécules; 
3x  4  =  8  volumes  =  3.. .5;  8x5  =  16  volumes  =  5...,,; 
5  X  16  =  52  volumes  =  5(AgS)wj7.  L'élasticité  moléculaire 
des  gaz  élémentaires  est  4  volumes=3...2;  dans  AgS  l'élas- 
ticité et,  par  conséquent,  le  ()oids  spécifique  sont  réduils 
de  moitié,  et  les  32  volumes  équivalent  par  rapport  au 
|)oids  à  16  volumes.  Il  y  a  condensation  en  Ag,  el  de  la 
condensation  finale  de  AgS  résulte,  par  rapport  à  9  -4-  x, 
une  augmentation  de -^^Ç-.  Donc  100  Ag  équivalent  à 
(524  xn)  :  9,34166  +  o'.0 125  =  100,4009  Ag+  (48  x  "): 
9,6125  =  14,4745  8=  114,8754  AgS.  Stas  a  obtenu 
114,8522;  Coake  donne  114,888;  enlin  Berzelius,  Svan- 
berg  el  Slruve  114,875. 

Le  poids  spécifique  de  LiNjOe  est  2,442,  ce  qui  multiplié 
par  52,  donne  78'''',144.  La  molécule  simple  pèse  is',5268 
el  le  poids  moléculaire  52  volumes  =  5(LiN30c)i8-  L'élas- 
ticité moléculaire  est  4  volumes  =  5  molécules;  3x4  =  8 
vo!umes  =  3  ..5;2x  8  =  16volumes  =  3...6;3x16  =  32 
volumes  =  3;^LiN30c)i8- 


(  487  ) 

Par  suite  des  deux  condensations,  la  masse  de  l'unité  de 
volume  est  doublée.  L'élasticité  moléculaire  4  volumes 
=  5  molécules  est  deux  fois  aussi  grande  que  celle  de  N 
et  (le  0;  par  conséquent,  le  poids  spécifique  est  réduit  de 
moitié,  et  les  52  volumes  sont,  sous  le  rapport  du  |>oids, 
équivalents  à  16  volumes.  L'augmentation  de  9  -i-  x  pour 
16  volumes  est  pour  la  condensation  finale  — ^  et  pour 
celle  qui  la  précède  -j^;  par  conséquent,  100  Ag  équi- 
valent à  (22xw)  :  9,5270855  =  6,85714  Li  +  (5  x  62  x  n): 
9,4270855  =  57,19175  NjOg  =  64,02889  LiNjOe;  et 
iOO  LiCI  donnent  (64,02889x1 00):  59,57 126  =162,6284 
LiNjOc.  Stas  a  obtenu  162,5955. 

Le  poids  spécifique  de  NaBr  est  2,952,  ce  qui,  mul- 
tiplié par  8,  donne  25^',216.  La  molécule  simple  pèse 
2s^2755;  par  conséquent,  le  poids  moléculaire  est  8  vo- 
lumes =  5  (NaBr)^,  et  l'élasticité  moléculaire  4  volumes 
=  5  molécules,  comme  pour  Na.  Donc  9  -f-  .x  est  9  :  (9,5 
—  0,05  -H  0,025)  et  100  Ag  équivalent  à  (70  x  n)  :  9,275 
=  21,8767  Na  -+-  (245  x  n)  :  9,575  =  75,564  Br 
=  95.4407  iNaBr-  Stas  a  obtenu  95,44062  ('). 

Le  poids  spécifique  de  HiNjEr  est  2,579,  ce  qui, 
nuiliiplié  par  8,  donne  19^',052.  La  molécule  simple 
pèse  2=',1654;  le  poids  moléculaire  est  donc  8  volumes 
=  5  (H4N3Br)3,  et  l'élasticité  moléculaire  4  volumes 
=  5  molécules  ;  elle  est  donc  deux  fois  aussi  grande 
que  celle  de  H4N3,  et  par  conséquent  le  poids  spécifique 
est  diminué  de  moitié;  les  8  volumes  ne  comptent  donc, 
par  rapport  au  poids,  que  comme  4  volumes;  et  9  -t-  a;  est 
pour  114^3  =  9,5.  En  ajoutant  ^^  pour  la  condensation 


(■)    V/i«.  dechim.  et  de  pliys.,  l.  VII  (18G6),  p    817. 


(  488  ) 
finale,  on  voit  que  100  Ag  équivalent  à  (3  X  18  X  n)  : 
9,3125  =   16,80836   H4N5   +   (243    x    «)   :   9,5125 
=  74,0473   Br  =  90,85566   H4N3Br.   Stas  a  obtenu 
90,831  (*). 

Le  poids  spécifique  de  AgBr  est  6,5534,  ce  qui,  multi- 
plié par  16,  donne  IOP',65.  Le  poids  de  la  molécule  simple 
est  4^',15;  le  poids  moléculaire  est  donc  16  volumes 
=  3  (AgBrjg,  et  les  2  volumes  contiennent  3  molécules, 
comme  c'est  le  cas  pour  le  brome.  Les  synthèses  de  Stas 
démontrent  que,  dans  le  bromure  et  l'iodure,  l'argent  ne 
subit  pas  de  condensation;  9  -h  x  est  donc  pour  16  volumes 
=  9,34166  —  0,0166  et  100  Ag  =  (324  x  n)  :  9,325 
=  100,7149  Ag  -f-  73,3724  Br  =  174,08733  AgBr;  et 
100,7149  Ag+1 16,8524  1  =  217,5673  AgL  Stas  a  trouvé 
174,081  pour  le  bromure  et  217,5345  pour  l'iodure. 

Le  brome  ne  subit  pas  de  condensation  dans  KBrel 
100  Ag  correspondent  à  (118  x  w)  :  9,3  =  36,77874  K 
-4-  (243  x  w)  :  9,6  -  0,025  =  73,564  Br  =  1 1 0,34274  RBr. 
Slas  a  trouvé  110,3463, 

Nous  avons  examiné  toutes  les  observations  de  Slas. 
Il  ne  nous  reste  qu'à  formuler  la  conclusion  qui  résulte  de 
nos  investigations.  La  voici  : 

Il  aurait  été  difficile  de  faire  un  choix  d'expériences  plus 
malheureux  pour  la  détermination  des  poids  moléculaires; 
mais  les  données  si  minutieusement  exactes  que  Stas  nous 
a  fournies  sont  inappréciables  quand  il  s'agit  de  prouver  la 
variation  de  poids.  Le  plus  exigeant  ne  pourrait  demander 
une  plus  complète  évidence  pour  ce  fait  important  et  fon- 
damental. 

(*)  Ann  dechim.etdeplnja.,  t.  Vil  (1886),  p.  517. 


(  489  ) 


Déterminations  chronométriques  relatives  à  la  régénéra- 
tion des  nerfs  ;  par  C.  Vanlair,  professeur  à  TUniversilé 
de  Liège. 

Les  différentes  phases  de  la  régénération  des  nerfs  sont 
aujourd'hui  suffisamment  connues  pour  qu'on  puisse  se 
faire  une  idée  assez  nette  de  l'ensemble  du  processus.  On 
sait  qu'à  la  suite  de  toute  section  nerveuse  il  se  produit  en 
premier  lieu  un  travail  de  prolifération,  une  sorte  de  dra- 
geonnement  très  actif  dans  la  portion  libre  du  bout  cen- 
tral. Les  fibres  nouvelles  issues  de  cette  prolifération  se 
mettent  ensuite  à  croître  dans  le  sens  périphérique,  tout 
en  se  multipliant  à  leur  tour.  De  ces  jeunes  éléments,  les 
uns  se  développent  dans  une  direction  parallèle  à  l'axe  du 
cordon,  tandis  que  d'autres,  affectant  un  trajet  oblique, 
perforent  la  gaine  lamelleuse  des  névricules  et,  leur  exode 
une  fois  accompli,  forment  un  véritable  manchon  nerveux 
autour  des  faisceaux  primitifs. 

Lorsque  ces  deux  espèces  de  fibres  ont  dépassé  le  moi- 
gnon central,  elles  se  confondent  —  sans  cesser  de  pour- 
suivre leur  multiplication  —  en  une  masse  neuro-con- 
jonctivale  feutrée,  laquelle  constitue,  avec  le  renflement 
terminal  du  segment  supérieur,  ce  que  l'on  a  désigné  sous 
le  nom  de  névrome  de  régénération.  Certaines  fibres  restent 
comme  égarées  dans  le  lacis  inextricable  dont  se  compose 
la  formation  névromateuse.  D'autres  réussissent  à  s'en 
dégager,  mais  pour  se  perdre  latéralement  dans  les  tissus 
circonvoisins.  Il  en  est  enfin  qui,  plus  favorisées,  rencon- 
trent le  moignon  périphérique,  pénètrent  dans  la  voie  toute 


(  490  ) 
tracée  que  leur  offrent  les  espaces  endoneuriaux  élargis 
par  l'atrophie  dégénérative  des  vieux  éléments,  et  finissent 
par  atteindre  avec  ces  derniers  l'extrémité  terminale  du 
nerf. 

Si,  au  lieu  d'être  très  rapprochés  Tun  de  l'autre,  les 
deux  moignons  restent  séparés  par  un  intervalle  assez 
considérable,  le  processus  ne  diffère  pas  essentiellement 
de  celui  qui  vient  d'être  décrit.  Seulement,  ici,  le  renfle- 
ment névromaleux  se  résout,  avant  d'atteindre  le  moignon 
périphérique,  en  un  tractus  plus  ou  moins  ténu,  com- 
posé de  fibres  qui  tendent  à  se  paralléliser.  Kl  même 
lorsque  le  filament  présente  une  certaine  longueur,  ses 
éléments  affectent  une  disposition  plus  ou  moins  fascicu- 
lée;  en  sorte  que  déjà  avant  sa  jonction  avec  le  segment 
périphérique  on  peut  y  constater  parfois  l'existence  de 
névriciiles  rudimentaires  (1). 

Mais  si,  considérée  <lans  ses  grandes  lignes,  l'évolution 
analomique  du  processus  n'offre  plus  guère  d'obscurité, 
la  fixation  du  temps  employé  à  son  accomplissement  et 
surtout  celle  de  la  durée  comparative  de  ses  différentes 
phases  n'ont  pas  encore,  jusqu'à  présent,  fait  l'objet  d'une 
étude  méthodique. 

El  cependant,  pour  ne  parler  que  de  ses  applications 
cliniques,  cette  détermination  n'est  pas  sans  présenter 
une  assez  grande  importance,  il  est  en  effet  des  circon- 
stances où  la  fonction  d'un  nerf  accidentellement  divisé 
tarde  à  se  rétablir.  A  un  moment  donné,  le  chirurgien  devra 


(1)  Vanlair,   De  la  réycnération   des   nerfs   périplieriques   par    le 
procédé  de  la  suture  tuhulaire.  Archives  dk  Biologie,  p.  371),  188'2. 


(  '19I  ) 
donc  se  demander  s'il  peut  encore  compter  sur  un  retour 
spontané  de  l'aclivilé  nerveuse  ou  s'il  lui  faut  délinilive- 
ment  renoncer  à  cet  espoir.  Dans  la  ()remière  éventualité, 
l'inlervenlion  opératoire,  surtout  si  elle  doit  consister  en 
une  section  nouvelle,  serait  absolument  inopportune,  car 
elle  aurait  pour  résultat  inéluctable  de  retarder  et  peut-être 
d'ajourner  indéfiniment  le  rétablissement  de  la  fonction. 
Dans  le  second  cas,  au  contraire,  toute  temporisation  serait 
préjudiciable  au  malade,  puistju'eile  lui  ferait  attendre  inu- 
tilement une  guérison  facile  à  obtenir  par  une  opération 
nouvelle.  Car  souvent  il  suffira,  en  pareille  circonstance, 
de  diviser  le  nerf  à  nouveau  ou  de  faire  disparaître  un 
enclavement  cicatriciel  pour  rendre  possible  l'achèvement 
du  travail  réparateur. 

Au  point  de  vue  physiologique.,  les  évaluations  dont  il 
s'agit  soulèvent  également  une  question  intéressante:  celle 
de  l'influence  des  milieux  ou,  si  l'on  veut,  des  conditions 
mécaniques  susceptibles  d'accélérer  ou  de  ralentir  la  crois- 


Pour  arriver  expérimentalement  à  la  détermination  (jlo- 
bale  du  temps  nécessaire  h.  la  reproduction  complète  d'un 
nerf,  on  dispose  de  deux  méthodes  :  la  méthode  histologique 
et  la  méthode  pfiijsiologiqiie. 

La  première  consisterait  à  prati(iuer  simultanément  sur 
une  série  d'animaux  la  section  d'un  nerf  déterminé,  tou- 
jours le  même;  puisa  sacrilier  les  animaux  néviotomisés 
à  des  dates  assez  rapprochées  et  régidièrement  échelonnées 
pour  soumettre  ensuite  les  nerfs  à  un  examen  comparatif 
minutieux.  Dans  les  cas  où  la  présence  des  fibres  nouvelles 
serait  constatée  jusque  dans  les  ramifications  terminales 
du  nerf,  la  solution  serait  donnée  par  la  mesure  du  temps 
le  plus  court  écoulé ,entre  l'opération  et  l'autopsie. 


(  492  ) 

Mais  cette  façon  de  procéder  offre  d'assez  grandes 
difficultés  pratiques.  El  d'autre  pari,  on  peut  se  demander 
si  l'on  est  bien  en  droit  de  considérer  l'existence  d'un 
certain  nombre  seulement  de  fibres  vivantes  dans  l'extré- 
mité tout  à  fait  périphérique  du  nerf  comme  l'indice 
positif  d'une  restitution  complète,  et  par  suite  d'un  réta- 
blissement fonctionnel  intégrai 

La  seconde  méthode  échappe  à  ces  objections.  Pour  les 
nerfs  moteurs,  il  suffira  en  effet  d'explorer  fréquemment 
le  domaine  musculaire  ressortissant  au  cordon  sectionné, 
le  retour  des  mouvements  marquant  exactement  le  terme 
du  processus.  Mais  s'il  s'agit  d'un  conducteur  centripète  et 
que  l'on  prenne  pour  base  les  variations  de  la  sensibilité, 
le  résultat  ne  saurait  être  obtenu  d'une  façon  aussi  simple 
et  aussi  directe;  car  il  faut  ici  tenir  compte  de  l'enche- 
vêlremenl  habituel  des  territoires  cutanés  sensitifs.  Il 
devient  alors  nécessaire  de  procéder  à  une  étude  préalable 
toute  particulière  de  ces  diverses  circonscriptions.  Dans 
les  recherches  que  j'ai  faites  naguère  sur  la  distribution 
tégumentaire  du  sciatique  chez  le  chien  (1),  je  suis  par- 
venu à  délimiter,  à  côté  de  certaines  zones  desservies  à  la 
fois  par  les  deux  poplilés  (zones  mixtes),  une  surface  assez 
restreinte  exclusivement  innervée  par  le  sciatique  poplité 
interne.  Cette  région,  sorte  de  territoire  réservé,  est  le 
coussinet  plantaire.  C'est,  en  effet,  la  seule  partie  du  pied 
qui,  sauf  de  rarissimes  exceptions,  devient  complètement 
insensible  quand  on  pratique  la  section  du  poplité  interne 
à  la  partie  moyenne  ou  inférieure  de  la  cuisse.  Si  donc, 


(1)   Recherches  critiques  et  expérimentales  sur  l'innervât toti  indirecte 
de  la  peau.  Archives  de  biologie,  t.  VII,  i886. 


(  493  ) 
en  opérant  sur  le  scialique,  on  constate  à  un  moment 
donné  que  le  coussinet  perçoit  de  nouveau  les  impressions 
douloureuses,  ou  peut  être  assuré  que  les  fibres  nouvelles 
ont  réellement  pénétré  jusqu'à  l'extrémité  périphérique  du 
nerf.  Ceci  est  d'autant  plus  vrai  que,  par  une  circonstance 
toute  spéciale  et  particulièrement  avantageuse  pour  ce 
genre  de  recherches,  cette  même  partie  est  celle  qui  tou- 
jours, ainsi  qu'on  le  verra  plus  lard,  se  ranime  en  dernier 
lieu,  alors  même  que  la  division  du  poplité  interne  aurait 
provoqué  l'anesthésie  de  toute  la  surface  plantaire.  En 
conséquence,  il  suffira  d'explorer  à  de  courts  intervalles, 
après  la  section  du  poplité  interne,  la  zone  dont  il  s'agit 
pour  fixer  —  et  cela  d'une  manière  indubitable  —  le 
moment  précis  où  s'est  définitivement  accomplie  la  restau- 
ration du  nerf. 

La  méthode  physiologique  est  encore  susceptible  d'une 
autre  application.  Il  existe  des  nerfs  dont  l'importance  est 
telle  que  leur  destruction  bilatérale  pratiquée  coup  sur 
coup  entraîne  fatalement  la  mort.  Tel  est  le  cas  pour  !e 
pneumogastrique.  Mais  si,  au  lieu  de  faire  simultanément 
la  section  des  <leux  neifs,  on  opère  cette  double  division 
à  des  époques  différentes,  on  peut  obtenir  une  survie 
véritablement  illimitée,  il  faut  seulement,  pour  cela,  que 
l'intervalle  ménagé  entre  les  deux  sections  soit  assez  long 
pour  permettre  la  reproduction  du  nerf  priujilivement 
divisé.  Pour  déterminer  la  durée  globale  du  laps  néces- 
saire à  la  régénération,  on  n'aurait  simplement  qu'à  couper 
sur  une  série  d'animaux  d'abord  l'un  des  pneumogastriques, 
puis  l'autre,  en  laissant  entre  les  deux  sections  des  inter- 
valles variables  d'abord  très  longs,  puis  de  plus  en  plus 
réduits,  et  à  noter  le  délai  minimum  au  bout  duquel  la 


(  494  ) 
survie  aura  élé  réalisée.  Ce  délai  correspondra  exacleinenl 
au  temps  requis  pour  la  régénéralion  du  nerf. 

Ces  nnêmes  mélhodes  peuvent  encore  servir  à  l'évalua- 
tion chronomélrique  des  différents  stades  de  la  régénéra- 
lion.  Mais  l'application  cesse  d'en  être  aussi  simple. 

Le  procédé  histologiqiie  exigerait  ici  non  seulement 
l'examen  des  extrémités  terminales,  mais  encore  celui  de 
toute  la  lor)gueur  du  nerf,  y  compris  les  changements  qui 
s'opèrent  au  voisinage  même  de  la  section.  Car  il  n'existe 
pas  d'autre  moyen  de  constater,  pour  chacun  des  nerfs 
opérés,  les  progrès  accomplis  depuis  l'instant  de  la  section. 
Celte  circonstance,  jointe  à  l'obligation  d'expérimenter 
sur  un  très  grand  nombre  d'animaux,  rend  la  mélhode 
histologique  à  peu  près  impraticable. 

La  mélhode  physiologique  ne  comporte  pas  les  mêmes 
inconvénients.  Elle  nécessite  toutefois  des  opérations  assez 
compliquées.  Ici,  en  effet,  la  simple  section  devient  insuf- 
fisante, il  faut  encore  y  recourir,  mais  en  la  réduisant  pour 
ainsi  dire  au  rôle  de  témoin.  Supposons  qu'il  s'agisse  d'ex- 
périmenter sur  le  sciatique  considéré  comme  nerf  sensilif. 
Tandis  que,  d'un  côté,  le  poplilé  interne  d'un  animal  sera 
soumis  à  une  section  simple  en  ayant  soin  de  réaliser  une 
coaplation  aussi  parfaite  que  possible,  on  pratiquera  sur 
le  poplilé  interne  de  l'autre  membre  des  névrotomies  ou 
des  névreclomies  de  niveau,  de  nombre  et  (ïétendue 
variables  suivant  la  phase  dont  on  se  propose  de  déter- 
miner la  durée. 

Pour  fixer  les  idées,  désignons  par  D  la  durée  globale  de 
la  reproduction.  Appelons  d  le  temps  consacré  à  la  proli- 
fération el  à  l'expansion  exodique  des  fibres,  d'  le  laps 
qui  correspond  à  la  formation  et  à  l'achèvement  du  Iracius 


(  «8) 

intercalaire,  et  (î  celui  qu'emploient  les  élémenls  nouveaux 
à  parcourir  dans  toute  son  étendue  la  portion  périphérique 
du  nerf. 

Étant  admis  que  par  une  juxtaposition  immédiate  des 
bouts  la  longueur  du  tractus  intermédiaire  et  par  consé- 
quent la  valeur  ded'se  trouvent  réduites  à  zéro,  si  l'on  vient 
à  pratiquer  sur  le  sciaiique  droit,  par  exemple,  deux  sec- 
tions à  des  niveaux  différents  en  utilisant  comme  témoin 
le  sciatique  gauche  divisé,  lui,  en  un  seul  point,  que  l'on 
note  ensuite  de  part  et  d'autre  le  moment  où  la  restaura- 
tion fonctionnelle  est  devenue  complète,  et  la  différence 
des  dates  indiquera  la  durée  du  travail  préliminaire  qui 
s'accomplit  dans  le  bout  central  immédiatement  après  la 
section,  c'est-à-dire  la  valeur  de  d. 

Pour  arriver  à  connaître  celle  de  d',  il  suffira  de  prati- 
quer d'un  côté  une  section  simple  avec  coaptation  exacte 
des  deux  bouts,  et  de  l'autre  une  résection  plus  ou  moins 
étendue  en  maintenant  les  moignons  à  une  distance  déter- 
minée. En  comparant  les  délais  nécessaires  à  la  réeslhésia- 
tion  complète  de  l'un  et  de  l'autre  nerf,  on  obtiendra  la 
valeur  de  d'  pour  un  écartement  donné. 

Veut-on  savoir  enfin  avec  quelle  rapidité  les  fibres  nou- 
velles se  propagent  dans  le  bout  périphérique,  on  divisera, 
par  exemple,  le  poplité  interne  droit  à  la  partie  supérieure 
de  la  cuisse  et  le  poplité  interne  gauche  près  du  jarret,  de 
manière  à  établir  entre  les  deux  sections  une  différence 
de  niveau  de  plusieurs  centimètres.  Puis  on  attendra  le 
retour  complet  de  la  sensibilité  à  droite  et  à  gauche  en 
notant  avec  soin  l'intervalle  séparant  les  deux  restaura- 
tions. Cet  intervalle  une  fois  connu,  on  arrivera,  par  un 
calcul  des  plus  simples,  à  fixer  la  vitesse  de  progression 
des  fibres  nouvelles  dans  le  segment  périphérique.  La  troi- 


(  496  ) 
sifiine  et  dernière  inconnue  d  sera  par  là  même  déter- 
minée. 

Je  ne  veux  pas  prétendre  que  celle  méthode  clironomé- 
Iriquesoità  l'abri  de  toul  reproche.  Il  est  évident  que  l'un 
ou  l'autre  des  temps  successils  de  la  reproduction  sera 
tantôt  activé,  tantôt  ralenti  par  des  conditions  générales 
individuelles  dont  l'influence  ne  saurait  être  numérique- 
ment appréciée. 

Il  peut  se  faire  aussi  que,  malgré  les  soins  donnés  à 
l'opération,  la  juxtaposition  des  nmignons  ne  soit  pas  aussi 
parlaile  dans  un  cas  que  dans  l'autre;  ou  bien  encore  que 
le  traumatisme,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  provoque 
une  réaction  locale  plusou  moins  intensesuivant  l'animal  sur 
lequel  on  opère.  On  n'est  pas  non  plus  en  droit  d'affirmer 
que  la  croissance  centrifuge  des  fibres  dans  le  segment 
périphérique  suit  une  marche  absolument  régulière.  Il  est 
même  certain,  d'après  mes  propres  observations,  que  celle 
propagation  s'efl'ectue  avec  beaucoup  moins  de  rapidité 
dans  les  ramifications  extrêmes  du  nerf  que  dans  la  por- 
tion proximale  du  segment  périphérique  :  pour  n'en  citer 
qu'un  exemple,  la  réeslhésialion  du  coussinet  plantaire  ne 
s'opère  d'habilude,  dans  les  expériences  sur  le  sciatique, 
qu'avec  une  remarquable  lenteur. 

Mais  parmi  ces  circonstances  difl'érenliellcs,  il  en  est 
plusieurs  que  l'on  peut  considérer  comme  négligeables, 
attendu  qu'elles  se  rencontrent  dans  tous  les  essais  de 
vivisection.  Ce  ne  sont  pas,  au  surplus,  des  causes  d'erreur  : 
en  raison  ménje  de  leur  contingence,  elles  communiquent 
à  l'ensemble  des  résultats  un  caractère  d'objectivité  sans 
lequel  ces  derniers  ne  présenleraienl  qu'une  valeur  pure- 
ment théorique.  Quant  au  l'ait  de  la  progression  inégale 
des  fibres,  il  n'empêche  uullemcnl  d'établir  une  moyenne; 


(  '^97  ) 
et  si  l'on  veut  d'aillenrs  une  précision  plus  grande,  rien 
n'empêche  de  décomposer  le  processus  :  on  pourra  tou- 
jours, comme  je  l'ai  fait  en  plusieurs  circonstances,  évaluer 
séparément  la  vitesse  dans  le  tronc  du  nerf  et  dans  ses 
ramifications  tout  à  fait  terminales;  il  sufllra  pour  cela  de 
suivre  de  très  près  les  progrès  de  la  réestlié^iation. 

On  ne  saurait  se  dissimuler  non  plus  —  et  ceux  qui  se 
sont  livrés  à  ce  genre  de  recherches  ne  manqueront  pas 
d'en  faire  la  remarque  —  que  l'exploration  de  la  sensibilité 
laisse  souvent  place  au  doute.  J'ai  constaté  personnelle- 
ment, de  la  façon  la  plus  positive,  qu'à  quelques  jours  et 
même  parfois  à  (]uelques  heures  d'inlervalle,  des  parties  qui 
semblaient  réesthésiées  perdaient  à  nouveau  leur  impres- 
sionnabililé  pour  ne  la  recouvrer  qu'un  certain  temps 
après.  Mais  ces  variations  ne  portent  jamais  que  sur  des 
périodes  relativement  courtes  et  ces  incertitudes  passagères 
n'arrivent  pas  à  fausser  les  résultats  généraux  de  l'obser- 
vation. 

Voici  maintenant  la  relation  des  expériences  que  j'ai 
pratiquées  en  m'en  tenant  à  la  méthode  physiologique,  la 
seule  qui  m'ait  paru  répondre  aux  exigences  du  pro- 
gramme. 

I.  —  Évaluation  de  la  durée  totale  du  délai  requis 
pour  1.1  reproduction  d'un  nerf. 

Cette  première  série  d'expériences  a  porté  : 

1°  Sur  un  nerf  moteur  :  le /acïa/j 

2°  Sur  un  nerf  dont  la  section  bilatérale  simultanée  est 
incompatible  avec  l'existence  :  le  pneumogastrique  ; 

3°  Sur  un  nerf  mixte  étudié  en  tant  que  conducteur 
sensilif  :  le  sciaiique. 


(  498  ) 

1"  Nerf  facial. 
Les  recherches  onl  élé  faites  sur  le  lapin  adulle. 

Expérience  I.  —  Le  14  novemhre  1888,  le  facial  droit 
est  divisé  au  sortir  de  la  parotide,  la  section  portant  seu- 
lement sur  les  deux  branches  inférieures  du  nerf  (1).  Les 
bouts  sont  exactement  suturés.  A  la  suite  de  cette  opéra- 
lion,  on  constate  que  les  vibrisses  du  côté  droit  sont 
réellement  devenues  immobiles,  que  la  moitié  droite  des 
deux  lèvres  est  frappée  d'inertie  et  que  la  narine  droiie 
est  affaissée. 

Le  15  juin  1889,  donc  sept  mois  après  la  section  du 
nerf,  on  observe  pour  la  première  fois  quelques  légers 
mouvements  darTs  les  régions  primitivement  paralysées. 
Un  mois  plus  tard,  chez  l'animal  au  repos,  on  remarque 
encore  une  certaine  dépression  de  la  narine  droite  et  les 
moitiés  droites  des  lèvres  restent  encore  entr'ou vertes. 
Mais  les  régions  primitivement  inertes  présentent  déjà  des 


(1)  Ici,  comme  dans  la  plupart  des  expériences  ultérieures,  le  nerf 
a  élé  divisé  sous  la  narcose  morphino-chloroformique  ou  simplement 
morphinique.  Le  funicule  nerveux  a  clé  tranché  nettement  et  d'un 
seul  coup,  après  la  pose  préalable  d'un  fil  de  soie  sublimée  destiné 
à  la  suture.  J'ai  donné  la  préférence  à  la  soie  parce  que  le  catgut 
aurait  pu,  par  sa  dissolution  prématurée,  céder  à  la  force  rétractile 
du  nerf  et  maintenir  par  là  même  insufïlsamment  les  deux  bouts.  La 
coaplation,  dans  les  cas  où  elle  était  indiquée,  a  toujours  été  exécutée 
de  la  façon  la  plus  soigneuse.  Toujours  enfin  les  muscles  et  la  peau 
ont  été  suturés  séparément,  soit  au  fil  de  soie,  soit  au  catgut,  et  la 
plaie  a  été  badigeonnée  au  collodion  iodoformé. 


(  499  ) 
mouvements  volonlaires  et  réflexes  qui  toutefois  n'oul 
pas   la    même   inslanlanéilé   m   la   même   étendue   qu'à 
gauche. 

Il  s'est  donc  |)roduil  ici  un  iélablissen)enl  lonclionnel  à 
peu  près  complet  après  un  intervalle  de  huit  mois. 

Expériences  II  et  III.  —  Le  14  novembre  1888,  sur 
deux  lapins  adultes,  on  pratique  la  section  des  branches 
inférieures  du  facial  et  l'on  juxtapose  soigneusement 
les  bouts.  Les  animaux  succombent  le  14  juin  et  le 
lo  juillet  1889  sans  qu'on  ail  observé  le  moindre  retour  de 
la  motiiilé.  Ici  donc,  après  des  intervalles  de  six  mois  et 
demi  et  de  sept  mois  et  demi,  les  fibres  nouvelles  n'avaient 
pasencoreatleinl  les  muscles  énervés,oudu  moins  n'avaient 
pas  nmené  leur  restauration  fonctionnelle. 

D'après  cela,  on  peut  fixer  à  huit  mois  environ  le  délai 
minimum  requis  pour  la  revivificatiou  du  facial. 

La  dislance  entre  le  point  sectionné  et  les  lèvres  était 
en  moyenne  de  7  centimètres.  La  reproduction  s'opère 
donc  à  raison  de  9  millimètres  environ  par  mois,  soit 
5  décimillimèlres  par  jour.  On  verra  plus  loin  que  celte 
vitesse  est  très  notablement  inférieure  à  celle  que  j'ai  con- 
stalée  pour  d'aulres  nerfs,  notamment  pour  le  vague  et  le 
scialique.  Cette  difl'érence  provient  sans  doule  de  ce  que 
le  facial,  presque  aussitôt  après  son  émergence  paroti- 
dienne,  se  résout  en  des  ramifications  extrêmement 
nombreuses  et  dirigées  dans  tous  les  sens.  Certaines 
observations  —  que  l'on  trouvera  mentionnées  ulté- 
rieurement —  permettent  en  effet  d'attribuer  à  cette  cir- 
constance une  influence  défavorable  sur  la  progression 
centrifuge  des  fibres.  Il  est  vraisemblable  aussi  que  la 
reconstitution  des  plaques  motrices  —  dont  on  n'a  pas  à 


(  500  ) 
tenir  compte  pour  le  scialiiiue  en  tant  que  nerf  sensilif  — 
exige   un   temps  assez   long  et  retarde  par  là  même  la 
restauration  fonctionnelle. 

2°  Nerf  pneumogastrique  (1). 

Expérience  IV.  —  Sur  un  chien  adulte,  le  27  juin  1889, 
on  pratique  la  section  du  vago-sympalhique  rfroï7  au  lieu 
d'élection,  c'est-à-dire  vers  le  milieu  du  cou.  Les  bouts 
sont  soigneusement  suturés. 

Un  an  plus  tard,  on  soumet  le  pneumogastrique  gauche 
à  la  même  opération,  laquelle  ne  provoque  aucun  accident 
sérieux.  Tenu  en  observation  pendant  les  dix  mois  sui- 
vants, l'animal  ne  présente  pendant  toute  celle  période 
aucun  phénomène  morbide. 

Chez  le  même  animal,  le  5  août  1891,  j'ai  soumis  à  une 
seconde  section  le  pneumogastrique  droit.  Après  quelques 
troubles  initiaux,  le  sujet  s'est  complètement  rétabli. 
Six  mois  et  demi  plus  tard,  sa  santé  était  encore  parfaite. 

Les  deux  vagues  avaient  donc  subi  l'un  et  l'autre  une 
restitution  assez  complète  pour  permettre  une  survie  illi- 
mitée. 

Quelles  sont  maintenant  les  inductions  chronométriques 
que  Ton  peut  tirer  de  ce  fait?  On  sait  que  dans  la  vagolomie 
double  opérée  coup  sur  coup,  l'animal  succombe  —  à  très 
peu  d'exceptions  près  —  à  une  lésion  pulmonaire  occa- 
sionnée non  par  la  suspension  définitive  de  l'influence  iro- 

(1)  On  trouvera  le  détail  de  ces  expériences  —  considérées  à 
un  autre  point  de  vue  —  dans  un  travail  intitulé  :  Survie  après  la 
division  successive  des  deux  vagues,  publié  dans  les  Bulletins  de  V Aca- 
démie royale  de  Belgique,  3«  sér.,  t.  XXV,  1893,  page  240. 


{  501  ) 
phiquH  (lu  vague,  mais  par  la  paralysie  laryngée.  Celle-ci 
permet  aux  corps  étrangers  venus  des  voies  digeslives  de 
pénétrer  dans  le  larynx  et  dans  les  bronches,  et  la  présence 
de  ces  corps  étrangers  amène  rapidement  une  broncho- 
pneumonie  mortelle.  Or,  c'est  le  récurrent  qui  préside  à 
l'action  des  muscles  protecteurs  des  voies  respiratoires. 
Lors  donc  que  l'animal  survit  à  la  destruction  successive 
des  deux  vagues,  c'est  que  l'un  des  deux  récurrents  au 
moins  s'est  complètement  régénéré.  Il  y  a  lieu  en  consé- 
quence de  prendre  ici  pour  utiique  base  de  nos  calculs 
chronométriques  la  longueur  du  récurrent  depuis  le 
point  de  section  jusqu'au  larynx. 

Chez  le  chien  dont  il  vient  d'être  question,  cette  distance 
était  de  25  centimètres  pour  le  côté  droit  et  de  32  centi- 
mètrespnurifcôlégauche, différence résultantnon  pasd'une 
inégalité  dans  le  niveau  des  sections,  mais  de  cette  circon- 
stance que  le  récurrent  droit  se  réfléchit  sous  la  sous-cla- 
vière,  alors  que  du  côté  gauche  il  doit  contourner  la  crosse 
aortique. 

D'autre  ()art,  ainsi  qu'il  a  été  dit,  le  délai  observé  embras- 
sait un  peu  plus  d'une  année  pour  le  pneumogastrique 
droit,  un  peu  moins  de  dix  mois  pour  le  pneumogastrique 
gauche.  D'après  cela,  si  l'on  confond  tous  les  stades  du 
processus  pour  obtenir  une  évaluation  globale,  on  arri- 
vera à  cette  conclusion  que  la  reproduction  du  vague 
s'opère  avec  ime  vitesse  d'un  peu  moins  de  trois  centi- 
mètres par  mois,  ou,  si  l'on  veut,  de  près  d'un  millimètre 
par  jour  (1). 

(i)  Celle  évaluation  ne  dépasse  nullement  celle  que  j'ai  obtenue 
pour  le  scialique.  il  n'est  donc  pas  exact  de  dire,  comme  l'a  fait 
Vulpian,  que  le  pneumogastrique  se  reproduit  beaucoup  plus  lente- 
ment que  les  autres  nerfs. 

3°"    SÉRIE,    TOME    XXVI.  33 


(  502  ) 

Si  l'on  compare  la  rapidité  de  cette  marche  avec  la  len- 
teur relative  de  la  reproduction  du  facial,  on  doit  en  con- 
clure que  les  conducteurs  centrifuges  croissent  beaucoup 
plus  vile  dans  le  premier  nerf  que  dans  le  second.  Il  est 
bien  vrai  que  le  récurrent  renferme  des  fibres  trachéales 
serisitives  don!  la  restitution  participe  peut-être  au  réla- 
hlissement  fonctionnel,  et  qu'en  raison  du  trajet  plus  court 
qu'elles  ont  à  parcourir  et  de  l'absence  des  plaques 
motrices,  ces  fibres  exigent  moins  de  temps  que  les  filets 
musculaires  pour  effectuer  leur  restauration  intégrale. 
Mais  leur  imporlance,  au  point  de  vue  de  la  préservation 
du  poumon,  est  loin  d'égaler  celle  des  ramifications  qui 
président  à  l'innervation  motrice  des  cordes  vocales. 

Expérience  V.  —  Le  12  juin  1890,  chez  un  chien  adulte, 
le  vago-sympathique  druit  est  divisé  au  milieu  du  cou,  puis 
exactement  suturé.  Pas  d'accidents. 

Le  5  avril  1891,  donc  environ  dix  mois  après  la  vago- 
lomie  droite,  on  fait,  dans  les  mêmes  conditions,  la  section 
du  neri  gauche.  Six  mois  plus  tard,  la  santé  de  l'animal  ne 
laissait  encore  rien  à  désirer.  , 

A  cette  épo(|ue,  le  vague  droit  est  de  nouveau  divisé  en 
vue  de  constater  si  la  reproduction  du  pneumogastrique 
gauche  s'était  ou  non  effectuée  dans  l'intervalle. 

L'animai  succombe  à  celte  seconde  opération. 

Le  récurrent  droit,  le  seul  qui  se  fût  reprotluit,  mesurait 
54  centimètres  depuis  le  point  de  section  jusqu'à  l'extré- 
mité supérieure  du  larynx.  Sa  restauration  ayant  été  con- 
statée après  un  laps  de  dix  mois,  on  trouve  qu'ici  la  revivi- 
fication  du  nerf  a  progressé  à  raison  d'un  peu  plus  de 
3  centimètres  par  mois. 

Il  convient  toutefois  de  remarquer  que,  dans  les  expé- 


(  505  ) 
riences  précédentes,  la  régénération  pouvait  être  achevée 
depuis  assez  longtemps  déjà  lorsque  je  l'ai  constatée  :  en 
sorte  que  le  délai  observé  ne  correspondrait  pas  exacte- 
ment au  minimum  du  temps  nécessaire  à  la  reproduction. 
Il  importait  donc  de  procéder  sur  d'autres  chiens  à  des 
vagoiomies  doubles,  en  laissant  entre  les  deux  sections  des 
intervalles  moins  considérables. 

Les  expériences  suivantes  ont  été  instituées  pour  élu- 
cider ce  point. 

Expérience  VI.  —  Le  10  juin  1891,  la  section  du  pneu- 
mogastrique droit  est  pratiquée  au  milieu  du  cou.  Pas 
d'accidents.  Le  17  octobre  1891,  le  nerf  gauche  est  divisé 
à  son  tour.  Aussitôt  après  l'opération,  l'animal  est  pris  de 
dyspnée  asphyxique  et  succombe  le  lendemain  à  un  œdème 
bilatéral.  La  longueur  du  récurrent  droit  était  ici  de  56  cen- 
timètres. On  voit  qu'un  délai  de  quatre  mois  et  demi  n'a 
point  suffi  pour  en  opérer  la  reproduction. 

Expérience  VU.  —  Le  15  avril  1891,  on  fait  la  section 
du  pneumogastrique  droit  au  milieu  du  cou.  L'animal  sup- 
porte bien  l'opération.  Le  16  octobre  de  la  même  année, 
le  vague  gauche  est  coupé  à  son  tour.  L'animal  meurt 
quatre  jours  plus  tard  d'une  broncho- pneumonie  bila- 
térale. 

Le  nerf  droit  ne  s'était  donc  pas  reproduit  après  une 
attente  de  six  mois.  Le  récurrent  droit  mesurait  ici  52  cen- 
timètres. 

Expérience  VI U.  —  [.e  24  avril  1889,  section  du  vago- 
sympalhique  droit  au  lieu  d'élection. 

L'opération  occasionne  une  dyspnée  assez  intense,  accora- 


(  504  ) 

pagnée  bientôt  d'un  flux  diarrhéique.  L'animal  finit  néan- 
moins par  se  rétablir.  Le  2  décembre  de  la  même  année, 
on  procède  à  la  section  du  nerf  gauche.  Le  lendemain  de 
celte  opération,  le  chien  est  emporté  par  une  stase  hémor- 
ragique du  poumon  droit.  Un  délai  de  près  de  sept  mois 
et  demi  n'a  donc  pas  été  suffisant  pour  obtenir  la  revivifi- 
cation  du  récurrent  droit,  dont  la  longueur  était  ici  de 
28  centimètres. 

On  doit  induire  de  tous  ces  faits  que  la  reproduction  du 
pneumogastrique  ou  plutôt  du  récurrent,  depuis  le  milieu 
du  cou  jusqu'à  son  extrémité  laryngienne,  exige  un  laps 
variant  entre  sept  mois  et  deiid  et  dix  mois.  Mais  il  reste 
encore  à  savoir  si  avec  un  délai  de  dix  mois  l'on  peut  tou- 
jours compter  sur  la  restauration  complète  du  nerf.  L'ex- 
j)érience  suivante  permet  de  résoudre  cette  question  par 
la  négative. 

Expérience  IX.  —  Le  27  juin  1889,  on  sectionne  le 
pneumogastrique  droit  au  milieu  du  cou.  Le  20  juin  1890, 
donc  un  an  plus  tard,  le  pneumogastrique  gauche  est 
divisé  à  son  tour.  Au  bout  de  quelques  jours  l'animal  se 
met  à  vomir  et  à  tousser  ;  il  gagne  de  la  diarrhée  et  meurt 
le  sixième  jour  après  l'opération.  Le  récurrent  droit 
mesurait  ici  24-  centimètres. 

5°  Nerf  sciatique. 

[)ans  toutes  les  expériences  dont  il  va  être  question,  je 
n'ai  considéré  la  régénération  comme  complète  qu'à  dater 
du  moment  où  le  coussinet  plantaire  lui-même  a  récupéré 
partout  sa  sensibilité  normale.  Je  me  suis  servi,  comme 
moyen  d'exploralion,  du  coiiraul  faradique  et  quelquefois 
aussi,  en  guis'  de  contrôle,  des  piqûres  à  l'aiguille. 


(  503  ) 

Chez  certains  animaux,  j'ai  pratiqué  de  simples  névroto- 

mies  avec  alfrontemenl  des  bouts.  Chez  d'autres,  le  nerf 

a  subi  soit  une  simple  section,  soil  une  rescision  plus  ou 

moins  étendue,  mais  en  maintenant  les  bouts  à  dislance. 

Première  série.  —  Section  simple  avec  coaptalion. 

La  division  du  nerf  a  été  généralement  pratiquée  au 
milieu  de  la  cuisse,  la  distance  moyenne  entre  le  lieu  de 
la  section  et  le  coussinet  plantaire  pouvant  être  évaluée  à 
30  centimètres. 

Pour  les  six  sections  opérées,  le  délai  de  reproduction 
a  varié,  en  chiffres  ronds, de  huit  à  treize  mois;  la  moyenne 
a  été  de  onze  mois.  La  régénération  du  nerf  a  donc  marché 
avec  une  vitesse  de  prés  de  trois  centimètres  :  soit,  plus 
exactement,  ^\73  par  mois,  chitire  presque  identique  à 
celui  qu'ont  fourni  mes  recherches  sur  la  reproduction  du 
vague. 

Ici  se  place  une  observation  intéressante  en  ce  qu'elle 
met  en  pleine  lumière  l'influence  qu'exercent  les  conditions 
mécaniques  sur  la  reproduction  des  nerfs.  Si  l'on  compare 
en  effet  les  dates  respectives  de  la  revivificalion  des  orteils 
et  du  coussinet,  on  trouve  entre  les  deux  termes  un  écart 
relativement  considérable  que  l'on  peut  évaluer  en  moyenne 
à  trois  mois.  El  cependant  le  coussinet  —  dont  la  réesthé- 
siation  s'opère  toujours  en  dernier  lieu  —  occupe  un 
niveau  plus  élevé  (de  2  '/2  centimètres  environ)  que  l'ex- 
trémité des  orteils.  D'autre  part,  j'ai  vu  constamment  la 
surface  plantaire,  celle  sur  laquelle  repose  le  coussinet,  se 
ranimer  avant  les  orteils  et  par  conséquent  beaucoup  plus 
tôt  que  le  coussinet  lui-même.  D'où  l'on  doit  conclure  que 
la  position  excentrique  de  ce  dernier  apporte  à  la  jiéné- 


(  506  ) 

iralion  des  fibres  nouvelles  un  obstacle  mécanique  qui 
reste  longtemps  insurmontable. 

Une  autre  remarque  faite  sur  un  de  mes  cbiens  mérite 
également  de  fixer  l'attention.  Ayant  pratiqué  sur  le  scia- 
tique  régénéré  une  seconde  section  à  1  centimètre  au  des- 
sous du  premier  niveau,  j'ai  vu  la  deuxième  restauration 
s'opérer  eu  un  temps  sensiblement  plus  court  que  la  pre- 
mière. Alors  que  celle-ci  avait  exigé  un  délai  de  dix  mois, 
l'autre  n'a  demandé  que  sept  mois  et  demi.  Il  semble, 
d'après  cela,  qu'un  premier  effort  de  régénération  rende 
plus  facile  le  travail  nécessaire  à  une  restauration  ulté- 
rieure. 


Seconde  série 


Sutures  à  distance. 


La  plupart  du  temps,  l'opération  a  été  pratiquée  sur  le 
tronc  tout  entier  du  nerf,  quelquefois  seulement  sur  le 
poplité  interne. 

Tronc  du  scialique. 

J'ai  consigné  dans  le  tableau  ci-dessous  les  résultats  de 
ces  expériences. 


EXPÉRIENCES. 

DISTANCE   DES   BOUTS. 

DURÉE  DU   DÉLAI. 

X. 

Centimètres. 

Va 

Mois. 

14»/, 

XI. 

f  V. 

12 

XII. 

^ 

19  Vi 

XIII. 

"2 

21 

XIV. 

;i 

28'/, 

(307) 

Ainsi  qu'on  pouvait  le  prévoir,  la  réeslliésiation  se 
trouve  relardée  par  la  disjouclion  des  deux  bonis  el  s'eiîec- 
lue,  en  ouire,  avec  d'aulant  plus  de  lenteur  que  l'écarte- 
ment  des  moignons  est  plus  considérable  :  on  voit  en  effet 
que  le  délai  a  varié  du  simple  au  double  pour  une  diffé- 
rence de  V2  à  5  centimètres. 

Je  dois  cependant  faire  observer  qu'au  point  de  vue 
chronomélrique,  les  résultats  des  névreclomies  sont  assez 
inconstants.  Chez  certains  animaux  où  la  résection  avait 
porté  sur  une  longueur  de  5  centimètres,  la  réesthésialion 
faisait  encore  défaut  après  un  intervalle  de  trente  et  un 
mois.  Chez  d'autres,  la  revivification  du  nerf  ne  s'est 
jamais  effectuée.  Enfin,  je  ne  suis  parvenu  en  aucun  cas  à 
obtenir  un  succès  complet  lorsque  les  bouts  ont  été  main- 
tenus à  une  distance  de  4  centimètres. 

Dans  tous  les  essais  névrectomiques,  j'ai  eu  l'occasion 
de  constater  un  fait  assez  |)arliculier.  Alors  que  dans  les 
sections  simples,  le  retour  parfait  de  la  sensibilité  suit 
ordinairement  d'assez  près,  pour  une  région  donnée,  l'ap- 
parition des  premiers  indices  du  rétablissement  fonction- 
nel, il  s'écoule  constamment  entre  les  deux  périodes,  dans 
les  cas  de  résection,  un  inlervalle  relativeinenl  long.  De 
plus,  à  mesure  que  s'accroît  la  dislance  des  moignons  on 
voit  augmenter  la  durée  de  ce  même  intervalle.  Pour  une 
résection  de  Va  cenliinèlre,  par  exemple,  l'écart  ne  dépasse 
guère  six  mois,  tandis  qu'il  atteint  en  moyenne  une  dizaine 
de  mois  lorsque  la  solution  de  continuité  est  de  2  centi- 
mètres, [/explication  de  celte  particularité  doit  être  cher- 
chée, sans  aucun  doute,  dans  la  persistance  prolongée 
d'une  insuffisance  numérique  des  libres.  Plus  l'éloignemenl 
des  moignons  sera  considérable,  moins  grand  sera  le 
chiffre  inilial  des  fibres  nouvelles  qui  réussissent  à  gagner 


(  508  ) 
le  bout  périphérique;  et  c'est  seulement  quand  une  mul- 
tiplication ultérieure  de  ces  fibres,  soit  dans  le  tractus 
intercalaire,  soit  dans  le  segment  périphérique  lui-même, 
aura  comblé  le  déchet,  que  la  région  primitivement 
anervée  pourra  récupérer  sa  sensibilité  normale. 

Poplité  inlerne. 

Expériences  XV  etXVL  —  Deux  chiens  ayant  subi  une 
résection  de  1  centimètre,  avec  fixation  (Jes  bouts  à  cette 
même  distance,  ont  retrouvé  la  sensibilité  complète  du 
coussinet  plantaire  après  des  délais  respectifs  de  dix  et  de 
onze  mois.  Les  distances  entre  les  points  de  section  et  le 
coussinet  étaient  de  30  et  de  28  cenlimèlres.  La  division 
du  poplité  inlerne  avait  élé  pratiquée  au  milieu  de  la 
cuisse,  en  un  point  où  ce  nerf  se  trouvait  encore  accolé  au 
poplité  externe. 

IL  —  Détermination  clironométrique  des  diflérenles  phases 
dn  processus  régénérateur. 

Il  n'était  possible  ici  d'arriver  à  un  résultat  valable 
qu'en  comparant  les  sciatiques  droit  et  gauche  d'un  même 
animal.  Encore  convenait-il  de  s'assurer  préalablement  si 
les  deux  nerfs,  soumis  au  même  traitement,  se  comportent 
d'une  manière  identique  au  point  de  vue  de  la  réesthésia- 
tion.  Pour  cela,  j'ai  pratiqué  chez  un  chien,  à  la  même 
hauteur  et  à  la  même  date,  la  seclion  bilatérale  du  scia- 
tique  dont  j'ai  eu  soin  d'affronter  exactement  les  bouts,  et 
j'ai  vu,  en  suivant  pas  à  pas  les  progrès  de  la  sensibilité, 
celle-ci  reparaître  presque  simullanémcnl  dans  les  régions 
correspondantes  des  deux  extrémités.   On  peut  ainsi  con- 


(  509  ) 

sidérer  comme  suffisamment  comparables  les  données 
chronomélriques  lournies  par  la  siclion  des  sciaiiques 
droit  et  gauche^d'un  même  animal. 


i"  Délai  affecté  à  la  prolifération  initiale 
et  à  l'expansion  exodique  des  fibres. 

Pour  arriver  à  cette  détermination,  il  fallait,  toutes 
choses  égales  d'ailleurs,  établir  une  différence  nnmérique 
entre  les  sections  pratiquées  à  droite  et  à  gauche.  Il 
importait  aussi,  afln  de  simplifier  autant  que  possibi<^  le 
problème,  de  supprimer  de  part  et  d'autre  la  formation 
d'un  traclus  intercalaire,  et  cela  en  opérant  une  intime 
coaptation  des  deux  bouts. 

Ce  programme  a  été  réalisé  dans  les  expériences  sui- 
vantes. 

Expérience  XVII.  —  Le  18  juillet  1888,  le  poplité 
interne  dfoit  est  coupé  en  un  seul  point,  tandis  que  du 
côté  gauche  le  même  nerf  est  divisé  en  trois  endroits 
différents,  de  centimètre  en  centimètre.  Le  niveau  de  la 
section  unique  correspond  aussi  exactement  que  possible 
à  celui  de  la  section  su|)érieure  de  l'autre  côté. 

La  distance  entre  la  section  la  plus  élevée  et  le  cous- 
sinet plantaire  était  de  28  cenlimèlres. 

Le  3  décembre  de  la  même  année,  on  constate  déjà  au 
membre  droit  le  retour  de  la  sensibilité  dans  la  face  plan- 
taire des  orteils  et  du  pied.  Mais  le  coussinet  reste  encore 
absolument  insensible.  Du  côté  gauche,  la  sensibilité  n'a 
pas  encore  atteint  le  niveau  du  coussinet. 

Le  10  janvier  1889,  le  tubercule  latéral  interne  du 


(  540  ) 
coussinel  droit  commence  à  réagir,  L'aneslhésie  du  cous- 
sinet gauche  est  toujours  complète  (1). 

Le  29  mars,  l'éminence  latérale  externe  du  coussinet 
droit  est  devenue  sensible  à  son  tour. 

Le  7  avril,  le  lubcrculc  médian  du  même  coussinet 
réagit  faiblement.  A  gauche,  le  tubercule  latéral  interne 
commence  à  se  sensibiliser. 

Le  17  avril,  on  n'observe  d'autre  changement,  à  droite, 
qu'une  réeslhésiation  plus  marquée  du  tubercule  médian. 
Le  coussinet  gauche  est  toujours  insensible  dans  ses 
portions  médiane  et  externe. 

Le  7  juin,  il  existe  encore  une  différence  très  appré- 
ciable, du  côté  droit,  entre  le  tubercule  médian  et  les 
tubercules  latéraux.  Du  côté  gauche,  la  tubérosilé  latérale 
interne  manifeste  une  légère  sensibilité. 

Le  28  septembre,  le  tubercule  médian  du  coussinet 
droit  est  devenu  presque  aussi  impressionnable  que  les 
autres.  A  gauche,  pas  de  changement. 

Le  A  novembre,  la  réesthésialion  du  coussinel  droit  est 
complète.  A  gauche,  la  sensibilité  reste  toujours  limitée 
au  tubercule  latéral  interne. 

Le  4  décembre,  l'animal  succombe  accidentellement. 

Par  le  fait  de  ce  décès  inattendu,  l'expérience  n'a  pu 


(1)  Pour  celle  observa  lion  comme  pour  les  suivantes,  l'examen  du 
membre  a  été  pratiqué  beaucoup  plus  fréquemment  que  ne  le  ferait 
supposer  le  nombre  relativement  restreint  des  dates  qui  s'y  trouvent 
spécifiées.  Ces  dernières  correspondent  seulement  aux  époques  où 
l'on  a  pu  constater  quelque  changement  significatif,  FI  eût  été  superflu 
de  mentionner  celles  où  l'exploration  n'a  fourni  que  des  résultats 
négatifs  ou  douteux,  et  celles  également  qui  n'ont  été  marquées  par 
aucune  modification  appréciable  dans  l'état  de  la  sensibilité. 


(  5il  ) 
être  poursuivie  jusqu'au  boul.  Elle  ne  saurait  donc  fournir 
de  données  différentielles  relatives  au  délai  nécessaire  à 
la  réeslhésialion  complète  du  coussinet.  Mais,  à  défaut  de 
ce  repère,  on  peut  comparer  le  début  de  la  sensibilisation, 
à  droite  et  à  gaucbe,  des  parties  homologues  du  coussinet. 
Or,  le  tubercule  latéral  interne  du  côté  gauche  n'a 
commencé  à  réagir  que  trois  mois  environ  après  celui  du 
côté  droit.  Il  a  donc  fallu  tout  ce^laps  de  temps  pour  voir 
s'effectuer  la  prolifération  des  bouts  inférieurs  des  deux 
tronçons  du  poplilé  gauche.  Ce  qui  permet  d'évaluer 
approximativement  à  quarante-cinq  jours  le  délai  requis 
pour  l'accomplissemenl  de  la  première  phase  du  processus 
dans  une  simple  section  nerveuse. 

Expérience  XVIII.  —  Le  1"  février  1892,  on  fait  la 
section  simple  du  poplilé  interne  droit.  A  gauche,  le  même 
nerf  est  divisé  en  deux  points  distants  de  2  centimètres 
l'un  de  l'autre. 

Ici  encore  on  a  fait  en  sorte  que  la  section  proximale 
de  gauche  occupât  le  même  niveau  que  la  section  unique 
de  droite. 

La  distance  entre  ce  point  et  le  coussinet  était  de 
36  centimètres. 

\\  juillet  1892.  A  droite,  la  portion  de  la  face  infé- 
rieure du  pied  et  la  surface  plantaire  des  orteils  —  insen- 
sibilisées par  l'opération  —  commencent  à  réagir,  le 
coussinet  restant  inexcilable. 

A  gauche,  la  moitié  antérieure  de  la  plante  du  pied,  la 
face  plantaire  des  orteils,  et  à  plus  forte  raison  le 
coussinet  ne  fournissent  encore  aucun  signe  de  sensibilité. 

2  août.  A  droite,  le  tubercule  latéral  interne  du  cous- 
sinet présente  déjà  une  certaine  impressionnabilité. 


(  512  ) 

A  gauche,  la  plante  du  pied  et  les  orteils  sont  redevenus 
sensibles. 

\"  septembre.  Le  tubercule  externe  du  coussinet  droit 
ainsi  que  la  pointe  antérieure  de  la  tubérosité  médiane 
réagissent  au  courant,  mais  seulement  lorsque  l'excitation 
esi  énergique. 

A  gauche,  le  tubercule  interne  a  cessé  d'être  insensible. 

16  octobre.  A  droite,  la  sensibilité  du  coussinet  est 
devenue  générale;  mais  elle  reste  encore  assez  faible  dans 
la  région  réeslhésiée  en  dernier  lieu.  A  gauche,  l'impres- 
sionnabilité  de  la  tubérosité  interne  s'accuse  davantage;  le 
tubercule  médian  réagit,  mais  seulement  dans  une  partie 
de  son  étendue,  la  portion  culminante  du  tubercule  et  sa 
partie  postérieure  demeurant  toujours  insensibles. 

Le  tubercule  externe  e>l  également  inexcitable. 

24  novembre.  A  droite,  le  coussinet  est  partout 
impressionnable,  mais  encore  inégalement.  A  gauche,  le 
tubercule  externe  commence  à  se  sensibiliser;  la  partie 
calcanéenne  de  l'éminence  médiane  ne  donne  encore 
aucune  réaction. 

28  décembre.  Les  deux  coussinets  sont  partout  exci- 
tables. Mais  on  constate  encore  une  différence  très  sensible 
dans  leur  degré  d'impressionnabilité. 

26  février  1893.  Les  deux  coussinets  ont  atteint  le 
même  degré  de  sensibilité. 

On  voit,  d'après  les  notations  chionologiques  qui 
précèdent,  que  le  début  de  la  réesthésiation  du  coussinet, 
—  ou  plus  exactement  de  la  réesthésiation  des  parties 
homologues  de  celte  région,  —  a  été  constaté  un  mois  plus 
tard  pour  le  côté  gauche  que  pour  le  côté  droit. 

Dans  la  première  expérience,  l'intervalle  avait  été  de 
quarante-cinq   jours.    Lécart    lient   sans  doute  à  cette 


(  Î*I3  ) 

circonstance  que,  chez  le  premier  animal, on  avail  pratiqué 
trois  sections  au  lien  de  deux,  et  cela  à  une  moindre 
dislance.  On  sait,  en  effet,  qu'un  certain  nombre  de  fibres 
nouvelles  s'égarent  avant  d'atteindre  le  segment  périphé- 
rique, si  faible  que  soit  l'intervalle  entre  les  deux  bouts  : 
la  multiplicité  des  sections  entraînera  donc  toujours  un 
déchet  que  le  bourgeonnement  ultérieur  des  fibres  ne  par- 
viendra à  combler  qu'au  prix  d'une  perte  de  temps  plus 
ou  moins  considérable.  D'autre  part,  la  brièveté  relative 
des  tronçons  réduit  ici  le  champ  de  prolifération  des  élé- 
ments nouveaux  :  de  là  un  abaissement  du  nombre  des 
fibres  susceptibles  de  participer  à  la  revivification  péri- 
phérique et,  par  suite,  un  retard  inévitable  dans  la  restau- 
ration des  parties  anervées  du  coussinet. 

Pour  ce  qui  regarde  la  réesthésiation  totale  du  coussinet, 
on  constate  également  une  différence  d'un  mois  et  quelques 
jours  entre  les  deux  côtés.  Mais  il  a  fallu  un  temps  à  peu 
près  double  pour  que  le  coussinet  gauche  atteignît  le 
même  degré  de  sensibilité  que  le  droit.  Ce  retard  tient 
sans  doute  encore  à  la  déperdition  nerveuse  qui  s'est  faite 
au  niveau  de  la  seconde  section,  laquelle  n'a  pu  être 
compensée  que  par  une  prolifération  tardive. 

En  combinant  les  données  relatives  aux  réesthésialions 
partielle  et  totale  du  coussinet  chez  les  deux  chiens  opérés, 
on  arrive  à  une  moyenne  d'environ  quarante  jours. 

2°  Vitesse  du  parcours  dans  le  segment  intercalaire. 

Pour  évaluer  cette  vitesse,  il  suffit  de  pratiquer  d'un 
côté  une  division  simple  du  nerf  avec  coaplation  des  Itoiits, 
et  de  l'autre  une  rescision  ou  même  une  simple  section 


(  5U  ) 
avec  maintien  des  moignons  à  une  distance  déterminée; 
puis  de  comparer  les  délais  endéans  lesquels  seffeclue  de 
part  et  d'autre  lafréinnervation  des  extrémités. 

Expérience  XIX.  —  Le  4  avril  1888,  iJ  est  procédé  du 
côté  droit  à  une  division  simple  du  poplité  interne  avec 
juxtaposition  des  segments.  A  gauche,  au  même  niveau,  on 
divise  également  le  nerf,  mais  en  s'abstenant  ici  de  rappro- 
cher les  deux  moignons,  dont  l'écartement  —  causé  par 
la  rétraction  —  se  trouve  être  précisément  d'un  centi- 
mètre. 

La  distance  entre  le  niveau  de  la  section  et  le  coussinet 
est  de  27  centimètres. 

Le  8  septembre  de  la  même  année,  la  face  plantaire  du 
pied  et  des  orteils  droits  commence  à  réagir,  le  coussinet 
restant  inexcitable.  A'gauche,  on  voit  persister  l'anesthésie 
complète  des  orteils  et  d'une  grande  partie  de  la  plante, 
ainsi  que  du  coussinet. 

7  novembre  1888.  L'application  du  courant  ne  révèle 
encore  aucune  sensibilité  dans  le  coussinet  droit;  du  côté 
gauche,  les  orteils  et  la  face  plantaire  du  pied  sont  devenus 
excitables;  mais  le  coussinet  demeure  insensible  dans 
toute  son  étendue. 

Pendant  les  mois  suivants,  il  ne  se  produit  aucun  chan- 
gement bien  appréciable. 

13  mars  1889.  A  droite,  on  cooslate  une  certaine 
inipressionnalùliié  dans  le  pourtour  du  coussinet.  A  gauche, 
cette  dernière  région  est  toujours  anervée. 

17  avril.  Le  coussinet  droit  réagit,  mais  encore  fai- 
blement, dans  toute  son  étendue.  A  gauche,  la  région 
basale  du  coussinet  donne  quelques  signes  de  sensibilité. 

7  juin.  A  droite,  le  coussinet  a  récupéré  partout  soq 


(  SIS  ) 

excilabililé  normale;  à  gauche,  loule  la  surface  du  coussi- 
net est  devenue  sensible,  mais  à  un  plus  faible  degré  qu'à 
d  roi  le. 

26  juin.  La  sensibilité  du  coussinet  gauche  atteint  à  son 
tour  son  taux  physiologique. 

L'animal  meurt  le  25  octobre  1889. 

F.nlre  les  phases  identiques  de  la  réinnervatioa  par/îe//e 
du  coussinet  il  s'est  donc  écoulé  un  intervalle  d'un  peu 
plus  d'un  mois.  Pour  la  réesthésiation  totale,  la  différence 
a  été  de  1  mois  et  21  jours,  et  pour  la  restauration  par- 
faite, de  19  jours. 

En  établissant  la  moyenne  entre  les  deux  premiers 
résultats,  ceux  qu'il  convient  surtout  de  prendre  en  con- 
sidération, on  trouve,  en  chiffre  rond,  tin  peu  moins  de  un 
mois  et  demi.  L'écartement  des  deux  bouts  mesurant  à 
gauche  1  centimètre,  on  voit  qu'ici  les  libres  nouvelles  ont 
marché  dans  le  segment  intercalaire  avec  une  vitesse  d'un 
peu  moins  de  2  '/a  décimillimètres  par  jour. 

Expérience  XX.  -  Le  28  janvFer  1892,  le  poplité 
interne  droit  est  divisé  vers  le  milieu  de  la  cuisse  et  les 
deux  bouts  sont  maintenus  rapprochés  par  une  suture. 
A  gauche,  on  pratique  sur  le  même  nerf  une  résection  de 
1  centimètre  en  gardant  les  bouts  à  cette  distance. 

Il  existait  entre  la  section  et  le  coussinet  un  intervalle 
de  29  centimètres. 

1"  juillet.  A  droite,  la  face  plantaire  des  orteils  et  du 
pied  anesthésiée  par  l'opération  est  redevenue  sensible; 
le  coussinet  reste  complètement  inexcitable.  A  gauche,  les 
orteils  et  le  coussinet  sont  encore  insensibles,  mais  la  par- 
tie de  la  plante  située  derrière  le  coussinet  commence  à 
réagir. 


(  ol6  ) 

26  juillet.  Les  doux  lubérosilés  latérales  du  coussi- 
net droit  sont  excitables;  l'éminence  médiane  elle-même 
présente  une  certaine  impressionnabilité,  mais  seulement 
tout  à  fait  à  son  pourtour.  A  gauche,  l'état  ne  s'est  point 
modifié,  sauf  que  la  plante  du  pied  tout  entière,  y  compris 
les  orteils,  est  redevenue  sensible. 

10  août.  A  droite,  la  sensibilité  s'est  étendue  à  la  plus 
grande  partie  du  tubercule  médian  du  coussinet;  il  reste 
cependant  encore  une  zone  insensible  occupant  la  portion 
la  plus  proéminente  de  cette  tubérosité.  A  gauche,  tout  le 
coussinet  reste  anervé. 

25  août.  Une  légère  sensibilité  commence  à  se  mani- 
fester à  gauche  dans  le  lubercule  interne  du  coussinet, 
ainsi  qu'au  pourtour  du  tubercule  médian. 

La  zone  insensible  du  coussinet  droit  a  diminué 
d'étendue. 

15  septembre.  Au  coussinet  droit,  la  surface  insen- 
sible est  réduite  à  quelques  millimètres  carrés.  A  gauche, 
les  tubercules  externe  et  médian  sont  toujours  inexci- 
tables. 

16  octobre.  A  droite,  le  lobe  médian  du  coussinet 
réagit  partout,  mais  encore  plus  faiblement  dans  sa  zone 
centrale  qu'ailleurs.  A  gauche,  pas  de  changement. 

10  novembre.  A  droite,  la  réesthésiation  de  la  zone 
centrale  des  coussinets  est  à  peu  près  parfaite.  A  gauche, 
le  lubercule  médian  s'est  sensibilisé  dans  la  plus  grande 
partie  de  sa  surface;  le  centre  cependant  reste  encore 
anervé,  ainsi  que  l'éminence  latérale  externe. 

28  décembre.  A  droite,  la  réinnervation  est  parfaite. 
A  gauche,  le  coussinet  réagit  partout;  mais  il  existe  encore 
une  diflérence  ass(z  marquée,  comme  degré,  entre  les 
deux  coussinets. 


(517) 

15  janvier  1893.  La  sensibilité  est  normale  des  deux 
côtés. 

Les  délais  différentiels  ont  donc  été  les  suivants:  un 
mois  pour  la  réesthésiation  partielle  ou,  si  l'on  veut,  le 
début  de  la  sensibilisation  du  coussinet;  deux  mois  et 
douze  jours  pour  la  réesthésiation  totale;  dix-sept  jours 
pour  la  réinnervation  parfaite. 

La  moyenne  entre  les  deux  premiers  délais  peut  donc 
être  évaluée  à  une  cinquantaine  de  jours,  ce  qui  donne 
encore  ici  une  vitesse  de  2  décimillimètres  par  jour  pour 
le  parcours  dans  le  segment  intercalaire.  ^ 

Expérience  XXI.  —  Le  16  mai  1888,  même  opération 
que  dans  l'expérience  XX.  La  dislance  entre  la  section  et 
le  coussinet  mesure  ici  15  centimètres. 

30  juillet.  On  constate  une  légère  sensibilité  dans  les 
orteils  à  droite.  A  gauche,  les  réactions  sont  nulles. 

10  septembre.  Les  deux  orteils  médians  ont  récupéré 
leur  sensibilité  normale.  Les  orteils  de  gauche  sont  tou- 
jours inexcilables. 

L'animal  meurt  quelques  jours  plus  tard  (le  15  sep- 
tembre). 

L'expérience  est  donc  restée  ici  forcément  imparfaite. 
On  peut  seulement  en  conclure  que,  quarante  jours  envi- 
ron après  la  réesthésiation  des  orteils  droits,  celle  des 
orteils  gauches  ne  commençait  pas  encore  à  se  manifester. 
Si  donc,  à  défaut  d'observations  portant  sur  le  coussinet, 
on  adopte  pour  base  des  calculs  l'intervalle  en  question, 
en  le  majorant  des  quelques  journées  supplémentaires 
qu'eût  exigées  sans  doute  la  réinnervation  des  orteils 
gauches,  on  arrive  encore  à  attribuer  aux  fibres  nouvelles 
une  vitesse  d'un  peu  plus  de  2  décimillimètres  par  jour 
dans  le  segment  intercalaire. 

3""*    SÉRIE,   TOME    XXVI.  34 


(518) 

Expérience  XXII.  —  Au  lieu  de  faire  ici  une  simple 
section  d'un  côté  et  une  résection  de  l'autre,  on  pratique 
une  rescision  à  droite  comme  à  gauche,  mais  en  enlevant 
à  droite  un  segment  de  1  centimètre  et  à  gauche  un 
tronçon  de  2  centimètres. 

L'cpéralion  a  été  faite  le  8  janvier  1892. 

La  distance  entre  le  niveau  supérieur  des  résections  et 
le  coussinet  était  de  35  centimètres. 

20  juillet.  A  droite,  on  constate  la  sensibilisation  de 
la  face  plantaire  des  orteils  et  de  toute  la  plante  du  pied, 
hormis  le  tiers  antérieur  de  la  surface  située  derrière  le 
coussinet.  Celui-ci  est  encore  tout  à  fait  insensible.  A 
gauche,  on  n'observe  aucune  apparence  de  réesthésiation 
dans  ces  mêmes  parties. 

\^'  septembre.  A  la  patte  droite,  la  sensibilité  a  envahi 
toute  la  surface  plantaire,  sauf  un  espace  d'environ 
2  centimètres  derrière  le  coussinet.  A  gauche,  les  orteils 
commencent  à  réagir,  ainsi  que  la  région  postérieure  de  la 
plante.  Des  deux  côtés  le  coussinet  se  montre  encore 
insensible. 

6  octobre.  Toute  la  surface  plantaire  droite  est  exci- 
table, à  l'exception  d'une  zone  très  étroite  située  immédia- 
tement derrière  le  coussinet.  A  gauche,  la  plante  ne  réagit 
encore  que  dans  sa  moitié  calcanéenne. 

Pendant  la  (in  d'octobre,  le  mois  de  novembre  et  une 
partie  de  décembre,  on  n'observe  aucun  changement  bien 
appréciable.  Durant  cette  période,  le  sujet  a  considérable- 
ment maigri;  le  train  de  derrière  présente  une  véritable 
atrophie  et  ne  soutient  plus  qu'imparfaitement  l'animal 
qui  se  laisse  choir  à  chaque  instant.  Il  semble  donc  que  la 
régénération  ail  subi,  pendant  ces  quelques  mois,  un  temps 
d'arrêt  par  le  fait  de  la  dénutrition  générale  et  locale. 


(  519  ) 

28  décembre.  A  dioile,  l'élal  ne  s'esl  pas  modifié; 
le  coussinet  resle  toujours  complètement  insensible.  A 
gauche,  la  zone  excitable  s'étend  jusqu'à  la  moitié  de  la 
siiiface  plantaire  derrière  le  coussinet. 

3  février  1893.  Les  deux  coussinets  sont  encore  insen- 
sibles, A  droite  la  zone  réeslliésiée  s'est  encore  étendue  : 
elle  atteint  presque  la  base  calcanéenne  du  coussinet.  A 
gauche,  il  reste  encore  derrière  le  coussinet  une  région 
insensible  occupant  à  peu  près  le  tiers  antérieur  de  l'es- 
pace séparant  le  coussinet  du  talon. 

17  février.  La  sensibilité  de  la  surface  plantaire  située 
en  arrière  du  coussinet  est  devenue  complète  à  droite;  à 
gauche,  elle  arrive  à  3  4  centimètres  de  la  base  de  cette 
éminence. 

8  mars.  A  droite,  toute  la  surface  du  tubercule  latéral 
externe  du  coussinet  commence  à  réagir.  A  gauche,  la 
base  seulement  de  cette  tubérosilé  ainsi  que  celle  de 
l'éminence  médiane  donnent  également  des  signes  de  sen- 
sibilité. Mais  toujours  il  reste  à  gauche  une  zone  anesthé- 
siée  —  de  2  centimètres  environ  —  derrière  le  coussinet. 

16  mars.  Le  coussinet  droit  est  sensible  dans  toute  son 
étendue.  11  en  est  de  même  du  coussinet  gauche.  Ici  tou- 
tefois le  bord  calcanéen  et  la  zone  plantaire  qui  l'avoisine 
en  arrière,  et  dont  les  dimensions  ne  dépassent  plus  1  cen- 
timètre, se  montrent  encore  anesthésiés. 

28  mars.  La  réesthésiation  est  complète  à  gauche  comme 
à  droite. 

Si  l'on  compare  les  dates  de  la  sensibilisation  totale  de 
la  zone  plantaire  située  derrière  le  coussinet,  on  trouve 
une  différence  de  30  jours,  chifîre  légèrement  inférieur  à 
celui  que  j'ai  noté  dans  l'expérience  XXI  pour  la  réesthé- 
siation des  orteils.  D'où  il  résulte  que  les  fibres  nouvelles 


(  520  ) 

auraient  marché  dans  le  segment  intercalaire  à  raison  de 
2,8  décimillimèlres  par  jour. 

Maison  constate  un  écart  beaucoup  moins  considérable 
pour  la  réinnervation  totale  du  coussinet;  ici  l'intervalle 
n'a  pas  dépassé  treize  jours;  on  pourrait  même  le  réduire 
à  huit  jours,  si  l'on  faisait  abstraction  du  retard  observé 
pour  l'espace  presque  linéaire  occupé  par  le  bord  calca- 
néen  de  l'éminence  médiane  du  coussinet  gauche.  Le  délai 
différentiel  a  donc  été  presque  insignifiant,  bien  que  la 
dislance  entre  les  deux  bouts  fût  de  1  centimètre  à  droite 
et  de  2  centimètres  à  gauche. 

Pour  expliquer  celle  sorte  d'anomalie,  il  me  paraît 
indispensable  de  rappeler  ici  certaines  données  relatives  à 
la  régénération  des  nerfs.  Toutes  les  observations  cliniques 
et  la  plupart  des  faits  expérimentaux  semblent  confirmer 
cette  proposition  que  la  restauration  fonctionnelle  s'ac- 
complit d'autant  plus  promptement  que  les  bouts  du  nerf 
divisé  sont  plus  rapprochés  l'un  de  l'autre.  Autrement  dit, 
la  rapidité  de  la  guérison  serait  en  raison  inverse  de  la 
distance  qui  sépare  les  deux  moignons.  L'analyse  appro- 
fondie du  procès  régénérateur  montre  cependant  que  celle 
règle  n'a  rien  d'absolu.  Elle  ne  s'applique  en  réalité  qu'aux 
cas  ordinaires,  c'est-à-dire  à  ceux  où  la  reproduction  du 
nerf  se  trouve  abandonnée  à  elle-même.  Il  est  bien  vrai 
que  si  l'on  divise  ou  résèque  un  tronc  nerveux  dans  toute 
son  épaisseur,  sans  user  d'aucun  artifice  opératoire,  la 
restauration  se  fera  d'autant  moins  attendre  que  l'inter- 
valle entre  les  segments  sera  moins  considérable.  Mais  si, 
au  lieu  de  laisser  les  deux  moignons  complètement  isolés 
l'un  de  l'autre,  on  les  fixe  par  une  suture  à  distance,  on 
verra  déjà,  comme  Assaky  et  d'autres  l'ont  démontré,  la 
régénération  s'achever  après  un  plus  court  délai.  Que  l'on 


(  5-^1  ) 

interpose,  ainsi  que  je  l'ai  fait  moi-même,  un  drain  d'os 
décalcifié  entre  les  deux  bouts,  et  la  restauration  s'effec- 
tuera avec  plus  de  promptitude  encore.  Il  suffira,  en 
d'autres  termes,  d'entourer  les  éléments  nouveaux  d'une 
sorte  de  tutelle  pour  activer  leur  progression  centri- 
fuge (1). 

Or,  chez  le  chien  qui  fait  le  sujet  de  l'expérience  XXH, 
on  n'avait  pas  sectionné  le  scialique  tout  entier,  mais  seu- 
lement le  faisceau  constituant  le  poplité  interne  :  en  sorte 
que  le  poplité  externe  demeuré  intact  a  pu  non  seulement 
servir  de  guide  aux  fibres  nouvelles,  mais  encore  et  surtout 
maintenir  devant  elles  une  voie  largement  ouverte  en 
empêchant  à  ce  niveau  l'oblitération  de  l'interstice  aponé- 
vrotique.  Dans  ces  conditions,  il  a  fallu  certainement,  pour 
obtenir  à  droite  comme  à  gauche  la  jonction  des  deux 
bouts,  moins  de  temps  que  si  l'on  avait  pratiqué  la  section 
du  tronc  même  du  sciatique  (2).  D'où  cette  conséquence 
que  l'écart  chronométrique  entre  la  restauration  du  cous- 
sinet gauche  et  celle  du  coussinet  droit  a  dû  se  traduire 
par  un  chiffre  plus  faible  ou,  si  l'on  veut,  par  un  rappro- 
chement relatif  des  dates  différentielles. 

D'autre  part,  dans  mes  essais  sur  la  tubo-suture,  j'ai 
pu  me  convaincre  que  la  partie  inférieure  du  traclus  nou- 
veau, lorsque  celui-ci  mesurait  une  certaine  étendue,  ten- 


(1)  De  la  régénération  des  nerfs  périphériques  par  le  procédé  de  la 
suture  tubulaire.  Archives  de  biologie,  t.  III,  1882,  p.  486. 

(2)  Il  résulle  en  effet  des  expériences  XV  et  XVI,  comparées 
aux  expériences  X  et  XI,  que  la  restauration  après  résection  s'ac- 
complit avec  plus  de  rapidité  lorsque,  au  lieu  de  névrectomiser  le  tronc 
même  du  sciatique,  on  se  contente  de  pratiquer  une  rescision  d'égale 
étendue  sur  le  poplité  interne. 


(  522  ) 
dail  à  se  névriculiser  à  la  façon  d'un  nerf  normal,  alors 
que  sa  partie  supérieure  conservait  la  structure  confuse 
d'un  produit  névroiiiateux.  Cette  fasciculation  régulière 
du  segment  distal  du  tractus,  caractérisée  par  la  rectifica- 
tion et  la  parallélisation  des  libres,  est  évidemment  de 
nature  à  faciliter  leur  progression.  Il  s'ensuit  que  la 
seconde  portion  du  funicule  mettra  moins  de  temps  à 
s'organiser  que  la  première,  de  telle  sorte  que  le  laps 
employé  à  la  formation  du  segment  intercalaire  ne  sera 
nullement  proportionnel  à  la  dislance  des  deux  bouts.  A 
vrai  dire,  celte  donnée  ne  s'applique  qu'aux  cas  où  le 
tractus  en  question  trouve  devant  lui  un  espace  libre. 
Mais  c'est  précisément  ce  qui  se  produit  quand,  au  lieu 
de  trancher  le  nerf  tout  entier,  on  se  borne  à  diviser  un 
des  faisceaux  du  tronc  nerveux.  Elle  ne  concerne  pas  non 
plus  ceux  où  l'écartement  des  moignons  dépasse  2  centi- 
mètres, comme  c'était  le  fait  pour  plusieurs  des  expé- 
riences relatives  au  délai  global.  On  doit  tenir  compte,  en 
effet,  dans  ces  derniers  cas,  de  la  condensation  progressive 
du  tissu  conjonctif  qui  tend  à  combler  l'interstice.  Plus 
on  s'éloignera  du  moment,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  du 
niveau  supérieur  de  la  section,  plus  cette  masse  deviendra 
résistante  et  plus  les  fibres  nouvelles  auront  de  peine  à  la 
traverser.  H  en  résulte  que  si  les  libres  progressent  avec 
une  plus  grande  rapidité  dans  la  région  moyenne  d'un  long 
segment  intercalaire,  elles  reperdront  et  au  delà  cette 
avance  loisqu'il  s'agira  pour  elles  de  franchir  la  partie 
inférieure  du  tractus  en  question. 

L'anomalie  apparente  rencontrée  chtz  notre  chien  ne 
fait  donc,  en  somme,  (juc  justifier  une  lois  de  plus  l'im- 
portance du  rôle  attribué  aux  influences  purement  phy- 
siques dans  l'évolution  régénératrice  des  nerfs. 


(  523  ) 

Si  l'on  écarle  les  chiffres  relatifs  à  la  réeslhésiation  du 
coussinet  chez  noire  animal  par  la  raison  qu'ils  indiquent 
la  vitesse  des  lihres  dans  la  seconde  partie  seulement  et 
non  dans  l'ensemble  du  segment  intercalaire,  on  arrive 
à  une  moyenne  d'un  peu  plus  de  2  V2  décimillimètres  par 
jour. 

50  Progression  des  fibres  clans  le  segment  périphérique. 

Pour  déterminer  cette  vitesse,  j'avais  à  pratiquer  des 
deux  côtés  une  section  simple  avec  coaptation  parfaite, 
mais  à  des  niveaux  différents. 

Expérience  XXllL  —  Le  31  octobre  1888,  le  poplité 
interne  gauche  est  divisé  vers  le  milieu  de  la  cuisse;  à 
droite,  la  section  porte  sur  le  tibial  postérieur,  à  peu  près 
au  milieu  de  la  jambe. 

La  distance  entre  la  section  gauche  et  le  coussinet 
plantaire  était  de  25  centimètres.  A  droite,  elle  mesurait 
16  72  centimètres.  Il  existait  donc  entre  les  deux  sections 
une  différence  de  niveau  de  8  V2  centimètres.  En  d'autres 
termes,  le  bout  périphérique  gauche  comptait  8  '/2  centi- 
mètres de  plus  que  le  droit. 

A  la  patte  droite,  le  coussinet  seul  se  montre  anesthésié  ; 
à  gauche,  l'insensibilité  occupe  un  espace  un  peu  plus 
étendu. 

7  juin  1889.  Le  pourtour  du  coussinet  droit,  à  l'excep- 
tion de  la  pointe  du  tubercule  médian,  commence  à  réagir, 
tandis  que  le  coussinet  gauche  reste  totalement  insensible. 

29  juillet.  Le  coussinet  droit  a  récupéré  partout  sa 
sensibilité;  mais  il  faut  user  d'un  courant  énergique  pour 
obtenir  la  réaction.  A  gauche,  le  pourtour  seul  du  cous- 
sinet manifeste  une  légère  sensibilité. 


(  524  ) 

A  partir  de  ce  moment,  la  réeslhésiation  cesse  de  pro- 
gresser; l'animal  très  amaigri  est  pris  de  diarrhée  et 
succombe  le  9  janvier  1890. 

De  cette  expérience  incomplète,  on  peut  seulement 
conclure  que  la  réinnervation  partielle  du  coussinet  gauche 
s'est  opérée  cinquante-deux  jours  après  celle  de  son  con- 
génère. Les  fibres  nouvelles  ont  donc  marché  dans  le  bout 
périphérique  avec  une  vitesse  de  1'"'",6  par  jour. 

Expérience  XXIV.  —  Le  10  février  1892,  on  coupe  le 
faisceau  du  scialique  formant  le  poplité  interne  gauche  à 
la  partie  supérieure  de  la  cuisse.  A  droite,  le  même  nerf 
est  divisé  à  4  centimètres  plus  bas.  La  distance  de  la  pre- 
mière section  au  coussinet  était  de  56  centimètres. 

5  juillet.  A  droite,  la  plante  du  pied  tout  entière, 
au-dessus  du  coussinet,  fournil  des  signes  positifs  de  sen- 
sibilité. Le  coussinet  lui-même  et  les  orteils  sont  encore 
anervés.  A  gauche,  la  plante  du  pied  se  montre  encore 
inexcilable. 

26  juillet.  La  plante  et  les  orteils  droits,  à  l'exclusion 
du  coussinet,  réagissent,  mais  encore  assez  faiblement.  A 
gauche,  les  orteils,  le  coussinet  et  le  tiers  antérieur  de  la 
plante  sont  insensibles. 

1"  août.  Le  coussinet  droit  sent  légèrement  dans  le 
tubercule  latéral  interne.  A  gauche,  les  orteils  médians, 
le  tiers  antérieur  de  la  plante  et  le  coussinet  sont  encore 
totalement  insensibles. 

10  août.  La  base  du  cône  médian  du  coussinet  droit 
commence  à  se  sensibiliser.  Pas  de  changement  à  gauche. 

15  septembre.  A  droite,  le  tubercule  externe  et  la 
partie  culminante  du  lobe  médian  du  coussinet  droit  sont 
encore  inexcitables.  A  gauche,  ou  observe  la  réeslhésiation 


(  525  ) 

de  loule  la  plante,  des  orteils  médians  et  du  pourtour  du 
coussinet. 

16  octobre.   A  droite,  le  coussinet  réagit  dans  toute 
son  étendue,  mais   moins  fortement  dans  sa  région  cen 
traie.  A  gauche,  les  tubercules  latéraux  sentent  nettement 
mais  l'éminence  médiane  reste  encore  anervée. 

i*'  novembre.  Pas  de  changement  à  droite.  A  gauche 
le  centre  seul  du  tubercule  médian  se  montre  inexcitable 

24  novembre.  Le  coussinet  gauche  tout  entier  com- 
mence à  réagir,  mais  encore  plus  faiblement  qu'à  droite 

3  février  1893.  La  réesthésialion  atteint  le  même  degré 
à  droite  et  à  gauche. 

En  comparant  ici  les  notations  chronologiques,  on 
trouve  pour  la  réesthésiation  générale  des  orteils  une  dif- 
férence de  49  jours  :  d'où  l'on  doit  conclure  que  les  libres 
ont  progressé  dans  le  bout  périphérique  à  raison  de 
Qnim  g2  par  jour.  Pour  la  réinnervation  tolale  du  coussinet, 
le  laps  différentiel  n'a  pas  dépassé  59  jours,  ce  qui  donne 
une  vitesse  de  1  millimètre  par  jour. 

Enfin,  en  ce  qui  concerne  la  restauration  sensitive 
parfaite  de  la  surface  du  coussinet,  pour  laquelle  le  délai 
a  été  de  70  jours,  on  arrive  au  chiffre  de  O'"™,^?  par 
jour. 

Expérience  XXV .  —  Le  14  novembre  1888,  le  péronier 
est  divisé  au  milieu  de  la  cuisse  à  droite,  tandis  qu'à 
gauche  la  section  porte  sur  l'endroit  précis  où  le  nerf 
contourne  le  péroné.  La  distance  entre  les  deux  sections 
est  de  5  centimètres. 

On  constate  après  l'opération,  des  deux  côtés,  l'anesthé- 
sie  de  toute  la  face  dorsale  du  pied  y  compris  celle  des 
orteils  et  du  bord  externe. 


(  526  ) 

25  février  1889.  Le  dos  du  pied  gauche  a  déjà  récu- 
péré sa  sensibilité  qui  resle  seulemeiil  assez  faible  vers 
son  bord  externe.  A  droite,  cette  partie  est  encore  insen- 
sible dans  la  région  des  orteils  et  dans  toute  sa  zone 
externe. 

25  nriars.  Le  bord  externe  du  pied  gauche  est  rede- 
venu aussi  sensible  que  le  reste.  A  droite,  l'extrémité  des 
orteils  et  le  bord  externe  sont  encore  inexcilables. 

24  avril.  La  réesthésiation  est  générale  à  droite  comme 
à  gauche;  seulement  il  existe  encore  une  ditTérence  notable 
dans  le  degré  d'impressionnabililé  des  deux  surfaces,  au 
moins  pour  la  région  des  orteils. 

29  juin.  On  ne  constate  plus  de  différence  entre  les 
deux  côtés  au  point  de  vue  de  l'intensité  des  réactions 
sensilives. 

De  ceci  l'on  peut  conclure  que  la  réesthésiation  totale 
a  exigé  pour  s'accomplir  un  laps  de  deux  mois,  soit  une 
vitesse  de  0""",8  par  jour,  et  que  la  restauration  parfaite 
s'est  exécutée  à  raison  de  0"'"',76. 

En  établissant  une  moyenne  entre  toutes  les  données 
fournies  par  les  expériences  XXIII,  XXIV  et  XXV,  on 
arrive  au  chiffre  rond  de  1  millimètre,  lequel  se  trouve 
être  très  notablement  supérieur  à  celui  qui  représente  la 
vitesse  observée  pour  les  deux  autres  phases  du  processus. 

Si  maintenant  l'on  compare  entre  elles  les  indications 
relatives  aux  deux  dernières  phases  de  la  régénération 
nerveuse,  on  constate  que  les  fibres  nouvelles  parcourent 
le  bout  périphérique  avec  une  vitesse  à  peu  près  quin- 
tuple de  celle  qui  règle  leur  marche  dans  le  segment 
intercalaire. 

L'explication  ou,  si  l'on  veut,  la  justification  de  cet  écart 
doit  être  cherchée  dans  une  différence  de  milieu. 


(  527  } 

Enlrc  les  deux  segmenls,  les  éléments  de  nouvelle  for- 
malion  errenl  pour  ainsi  dire  sans  guide  dans  l'espace 
inleraponévrolique  ;  ils  accomplissent  des  détours  inu- 
tiles, comme  le  démontrent  du  reste  la  structure  feutrée 
du  névrome  et  les  flexuosités  des  faisceaux  nerveux.  La 
masse  conjonctive  qui  s'organise  dans  l'intervalle  des  bonis 
vient  encore  accroître,  par  sa  réticulation  capricieuse, 
l'obstacle  opposé  à  la  croissance  en  ligne  droite  des  élé- 
ments nerveux  qui  doivent  péniblement  chercher  leur 
voie  au  milieu  de  cet  inextricable  lacis.  Dans  le  bout  péri- 
phérique, au  contraire,  ils  rencontrent  des  interstices  recli- 
lignes  tout  prêts  à  les  recevoir,  et  l'on  comprend  qu'ils  s'y 
propagent  avec  une  facilité  et  par  conséquent  aussi  avec 
une  rapidité  beaucoup  plus  grandes. 

Cela  est  tellement  vrai  que  si,  par  une  circonstance 
fortuite,  le  segment  distal  du  nerf  vient  à  subir  une  altéra- 
tion structurale  plus  ou  moins  profonde,  qu'il  présente,  par 
exemple,  un  certain  degré  de  sclérose  cicatricielle  résultant 
d'une  lésion  locale,  la  marche  des  fibres  dans  le  bout 
périphérique  s'en  trouvera  ralentie  et  le  retard  é(  rouvé 
par  elles  sera  parfois  assez  considérable  pour  renverser  en 
quelque  sorte  l'ordre  naturel  de  leur  progression.  Au  lieu 
de  voir  se  réesthésier  en  premier  lieu  celui  des  deux 
coussinets  qui  théoriquement  devrait  se  sensibiliser  avant 
l'autre,  c'est  au  contraire  la  restauration  du  second  cous- 
sinet qui  se  produira  tout  d'abord. 

Témoin  le  fait  suivant  qui  me  semble  absolument 
démonstratif. 

Expérience  XXVI.  —  Le  5  mars  1888,  dans  le  but  de 
fixer  le  temps  nécessaire  à  la  prolifération  initiale,  j'avais 
coupé  le  poflité  interne  droit  en  un  seul  point  et  le  poplité 


(  528  ) 
interne  gauche  en  trois  points  différents;  les  deux  tronçons 
mesuraient  ici  chacun  i  centimètre.  La  coaptation  avait 
été  faite  avec  le  même  soin  des  deux  côtés. 

10  janvier  1889.  A  droite,  le  coussinet  est  encore  abso- 
lument insensible;  à  gauche,  sa  surface  est  déjà  légèrement 
excitable. 

13  mars.  Le  coussinet  droit  réagit  faiblement,  mais 
nettement,  excepté  dans  la  partie  culminante  et  la  pointe 
antérieure  du  tubercule  médian. 

A  gauche,  la  sensibilité  est  devenue  très  vive  dans  toute 
l'étendue  du  coussinet. 

17  avril.  A  droite,  la  surface  tout  entière  du  coussinet 
donne  des  signes  de  sensibilité,  mais  cependant  encore 
moins  récusés  qu'à  gauche. 

28  juin.  Les  deux  coussinets  réagissent  aussi  vivement 
l'un  que  l'antre. 

11  y  avait  dans  ces  résultats  quelque  chose  de  para- 
doxal :  on  devait  s'attendre  à  une  réeslhésiation  plus 
prompte  du  coussinet  droit,  puisque  de  ce  côté  le  nerf 
n'avait  subi  qu'une  simple  section.  Mais  l'animal  portait  au 
membre  droit  une  [raclure  consolidée  des  os  du  métatarse 
en  un  point  \oisin  de  l'articulation  tarso-métatarsienne, 
fracture  que  décelait  la  présence  d'un  cal  volumineux 
avec  une  déviation  très  apparente  de  l'extrémité  du  pied. 
Les  ramifications  pédieuses  du  tibial  postérieur,  altérées 
dans  leur  structure  et  déviées  de  leur  direclion  normale 
par  le  lait  de  la  fracture,  devaient  naturellement  présenter 
une  résistance  anormale  à  la  propagation  des  fibres.  Ainsi 
s'expliquait  tout  naturellement,  par  des  circonstances 
purement  physiques,  la  remarquable  interversion  constatée 
chez  notre  animal. 


(  529  ; 

Il  m'a  paru  intéressant  de  comparer  les  données  ressor- 
tissant à  la  durée  individuelle  des  diverses  phases  du  pro- 
cessus avec  celles  qui  se  rapportent  à  la  reproduction  prise 
dans  son  ensemble,  une  concordance  môme  approximative 
des  chiffres  devant  fournir  la  preuve  mathématique  de  leur 
exactitude. 

ï>a  moyenne  du  temps  affecté  à  la  prolifération  initiale 
et  à  l'expansion  exodique  a  été  évaluée  à  quarante  jours.  La 
vitesse  moyenne  du  parcours  dans  le  segment  périphérique 
s'élève  à  \  millimètre.  Si  l'on  adopte  le  chiffre  de  50  cen- 
timètres comme  exprimant  la  longueur  moyenne  de  la 
portion  du  nerf  située  en  dessous  de  la  section,  on  arrive 
à  un  total  de  trois  cent  quarante  jours.  Or,  j'ai  constaté  que, 
pour  le  pneumogastrique  ramené  à  une  longueur  de  30 cen- 
timètres, le  délai  global  minimum  était  de  trois  cents  jours, 
et  que  le  sciatique,  en  attribuant  les  mêmes  dimensions  à  son 
segment  distal,  exigeait  également  une  dizaine  de  mois  pour 
effectuer  sa  régénération  complète.  La  différence  entre  les 
résultats  fournis  par  les  deux  groupes  d'expériences  est 
donc  seulement  de  quarante  jours,  différence  négligeable 
si  Ion  songe  qu'il  suffirait,  pour  en  renverser  les  termes, 
de  majorer  d'un  centimillimètre  la  vitesse  des  fibres 
dans  le  bout  périphérique. 

Ceci  s'applique  aux  sections  simples  avec  coaplalion  des 
bouts. 

Lorsque  les  segments  restent  écartés,  il  faut  tenir 
compte,  en  plus,  de  la  marche  des  éléments  nerveux 
dans  le  système  intercalaire.  Admettons  de  part  et  d'autre 
la  distance  d'un  centimètre  pour  rendre  possible  la  compa- 
raison. La  vitesse  desfibresquivont  du  bout  central  au  bout 
périphérique  atteignant  2  décimillimètres  par  jour,  le  laps 
nécessaire  à  la  jonction  nerveuse  des  deux  segments  pourra 


(  530  ) 
êlre  évalué  à  une  quarantaine  de  jours  :  ce  qui  portera  à 
trois  cent  seplante-cinq  jours  le  délai  affecté  à  l'ensemble 
de  la  reproduction.  Et  l'on  a  vu  précédemment  que  pour  le 
sciatique,  la  durée  globale  moyenne  du  processus  était 
d'environ  quatre  cents  jours,  lorsque  les  bouts  se  trou- 
vaient écartés  l'un  de  l'autre  d'un  cenlimèlre. 

Ici  encore  les  deux  résultats  ne  diffèrent  que  d'une 
quantité  négligeable. 

Il  y  a  donc  lieu  de  considérer  comme  véritablement  adé- 
quates les  données  numériques  relatives  aux  trois  pbases 
du  procès  régénérateur,  dont  la  détermination  consti- 
tuait le  principal  but  de  mes  recherches.  — 

Mais,  indépendamment  des  observations  sur  lesquelles 
sont  basées  ces  évaluations  chronométriques,  j'ai  pu  noter 
au  cours  de  mes  investigations  quelques  laits  d'ordre  sub- 
sidiaire qui  me  paraissent  présenter  un  certain  intérêt. 

Si  l'on  suit  pas  à  pas  les  progrès  de  la  réesthésiation  du 
pied  après  la  section  du  poplité  interne,  on  constate  que 
cette  dernière  s'effectue  dans  un  ordre  régulier  indiqué 
dans  les  propositions  suivantes  : 

1"  La  plante  du  pied  lout  entière, y  compris  la  face  infé- 
rieure des  orteils, se  ranime  constamment  avant  le  coussi- 
net (i). 

2"  Toujours  ou  presque  toujours  la  partie  culminante 
du  lobe  médian  du  coussinet  est  celle  qui  se  réeslhésie  en 
dernier  lieu.  D'ordinaire  aussi,  c'est  par  la  tubérosité 
interne  que  commence  la  restauration  sensilive. 


(î)  Cette  règle  n'a  comporté  qu'une  seule  exception,  et  encore 
très  relative  :  celle  qui  s'est  présentée  chez  le  chien  soumis  à  l'ex- 
périence XXII.  Ici,  en  effet,  il  restait  encore  à  la  face  plantaire  du  pied, 
derrière  le  coussinet  gauche,  une  petite  zone  insensible  alors  que  le 
coussinet  lui-même  avait  récupéré  toute  son  excitabilité. 


(  ^31  ) 

3°  Entre  le  débul  de  la  réinntMvalion  du  coussinet  et  le 
retour  de  la  sensibilité  dans  toute  sa  surface,  il  s'écoule 
généralement  un  laps  proportionnellement  plus  long  que 
pour  les  autres  parties  de  la  jambe  ei  du  [)ied. 

C'est  encore  dans  une  intervention  des  conditions  méca- 
niques qu'il  convient  de  chercher  la  raison  de  ces  particu- 
larités. 

J'ai  déjà  fait  voir,  après  Ranvier,  que  la  direction  des 
fibres  nouvelles  est  uniquement  déterminée  par  l'état 
physique  des  milieux.  Je  puis  ajouter  maintenant  que 
la  rapidité  de  leur  progression  dépend  des  mêmes  cir- 
constances. Toutes  les  fois  qu'en  suivant  le  trajet  des 
anciens  faisceaux  les  fibres  nouvelles  seront  obligées  de 
changer  avec  eux  de  direction,  on  les  verra  subir  un  temps 
d'arrêt  ou  tout  au  moins  un  ralentissement  marqué  dans 
leur  évolution  centrifuge,  c'est-à-dire  que  la  croissance  des 
libres  s'effectue  avec  d'autant  plus  de  rapidité  que  leur 
parcours  est  plus  direct.  Ce  qu'on  pourrait  exprimer  sous 
une  forme  plus  concrète  en  disant  que  les  éléments  nou- 
veaux aiment  à  pousser  droit  devant  eux.  Lors  donc  qu'il 
leur  arrivera  de  rencontrer  en  chemin  une  bifurcation 
nerveuse,  au  niveau  surtout  d'une  émission  collatérale,  ils 
passeront  beaucoup  plus  facilement  dans  le  faisceau  direct 
que  dans  les  branches  qui  s'en  détachent.  Si  le  coussinet 
tarde  tant  à  se  sensibiliser,  c'est  que  précisément  il  occupe 
une  position  en  quelque  sorte  excentrique;  et  bien  que  les 
libres  nouvelles  aient  à  fournir  un  trajet  sensiblement  plus 
long  pour  atteindre  l'extrémité  des  orteils,  on  voit  la 
réesthésiation  de  ces  derniers  organes  s'opérer  beaucoup 
plus  tôt  que  celle  du  coussinet. 

Il  semble,  en  outre,  que  cet  arrêt  —  imposé  par  l'angula- 
lion  des  filets  collatéraux  —  ait  pour  effet  de  déprimer  la 
vitalité  des  fibres,  attendu  qu'il  s'écoule  un  intervalle  rela- 


(  532  ) 
livement  considérable  entre  le  début  et  rachèvemenl  de 
la  restauration  sensitive  du  coussinet.  Peut-êire  aussi  que 
la  compacité  relative  du  tissu  dont  se  compose  la  masse 
du  coussinet  exerce  de  son  côté  une  influence  inhibitrice 
sur  la  progression  des  éléments  nerveux. 

Quant  à  la  restauration  tardive  de  la  portion  culminante 
du  lobe  médian  du  coussinet,  elle  s'explique  tout  naturel- 
lement par  cette  circonstance  que  les  fibrilles  destinées  à 
la  zone  en  question  viennent  de  la  profondeur  (1),  et 
qu'elles  ont,  par  suite,  un  plus  grand  es|)ace  à  parcourir 
pour  en  atteindre  la  surface. 

Enfin,  c'est  bien  évidemment  à  la  direction  légèrement 
oblique  en  dehors  du  nerf  plantaire  qu'il  y  a  lieu  d'attri- 
buer la  réesthésiation  précoce  du  tubercule  interne  du 
coussinet. 

Conclusions. 

Chez  le  chien,  et  sans  doute  aussi  chez  l'homme,  la  régé- 
nération nerveuse  idéale,  —  j'entends  par  là  celle  qui 
s'opère  dans  des  conditions  telles  qu'aucun  obstacle  acci- 
dentel n'en  vienne  entraver  la  marche,  —  s'effectue,  au 
moins  pour  les  nerfs  à  long  trajet  direct,  avec  une  régu- 
larité chronologique  presque  parfaite. 

En  ne  considérant  que  le  délai  global  requis  pour  une 
restauration  complète,  on  peut  évaluer  la  vitesse  moyenne 
des  fibres  à  \  millimètre  par  jour. 

Si  l'on  fait  porter  les  déterminations  sur  la  durée  rela- 
tive de  chacune  des  phases  du  processus,  on  arrive  aux 
chiffres  suivants: 


(1)  Voira  ce  sujet  mes  expériences  sur  l'innervation  indirecte  de 
lu  peau.  {Archives  de  bioloyie,  t.  VII,  1886,  pp.  519  et  520.) 


(  533  ) 

Le  temps  moyen  nécessaire  à  rachèvemenl  du  premier 
slade  (prolifération  initiale  et  expansion  exodiqiie)  est 
d'environ  quarante  jours.  Celui  qui  répond  aux  deux  autres 
phases  varie  naturellement  d'après  la  distance  des  bouts 
dans  le  cas  de  résection  et  d'après  la  longueur  du  segment 
périphérique.  Mais  si,  par  le  calcul,  on  ramène  les  évalua- 
lions  à  une  base  commune,  on  trouve  que,  pour  une  résec- 
tion d'un  centimètre,  les  fibres  nouvelles  marchent  dans  le 
système  intercalaire  à  raison  de  2  '/a  décimillimètres  par 
jour.  Si  la  distance  entre  les  moignons  s'élève  à  2  centi- 
mètres, la  vitesse  augmente  dans  une  proportion  très  sen- 
sible. Si,  au  contraire,  l'écartement  des  bouts  dépasse  cette 
dernière  limite,  la  marche  moyenne  des  libres  se  ralentit, 
et  cela  à  peu  près  en  raison  directe  de  la  longueur  de 
l'intervalle. 

Quant  à  la  progression  des  éléments  nouveaux  à  travers 
le  bout  périphérique,  elle  se  fait  avec  une  vitesse  de 
1  millimètre  par  jour,  vitesse  de  beaucoup  supérieure  à 
celle  de  leur  parcours  dans  le  segment  intercalaire.  Cette 
différence  a  sa  raison  d'être  dans  les  conditions  mécaniques 
au  milieu  desquelles  s'accomplissent  la  croissance  et  la 
propagation  des  fibres. 

C'est  aux  mêmes  influences  qu'il  convient  de  rapporter 
certaines  particularités  assez  remarquables  observées  au 
cours  de  la  reproduction  du  poplilé  interne,  à  savoir  :  1°  la 
réesthésiation  de  la  face  plantaire  des  orteils  avant  celle  du 
coussinet;  2°  l'ordre  topographique  constant  dans  lequel 
s'opère  la  sensibilisation  de  cette  dernière  partie;  3°  la  lon- 
gueur relative  du  délai  qui  sépare  le  début  de  la  restaura- 
lion  sensitive  du  coussinet  de  sa  réinnervation  totale. 


3"*    SÉRIE,    TOME    XXYI.  35 


(  SU) 


Action    de   la   chaleur   sur   la  dypnone  ; 
par  Maurice  Delacre. 

Dans  une  précédente  communicalion  (*),  j'ai  décrit  la 
dypnone  ™3>  CH  =  CH  .  CO  .  C^H^  et  démontré  que 
c'est  un  premier  pas  vers  la  chaîne  benzinique  qui  se  forme 
par  l'action  de  l'acide  chlorhydrique  gazeux  sur  l'acéto- 
phénone.  Frappé  de  la  facilité  avec  laquelle  cette  acétone 
donne  naissance  à  la  triphényibcnzine  par  différentes  réac- 
tions, j'ai  été  amené  à  étudier  la  genèse  de  cet  hydrocar- 
bure; cette  étude  m'occupe  depuis  plus  de  cinq  ans.  Suffi- 
samment développée,  elle  constituerait  une  donnée 
importante  pour  l'histoire  de  la  benzine.  En  effet,  aucune 
réaction  n'a  permis  encore  d'arriver  à  un  noyau  benzi- 
nique d'une  façon  graduelle,  en  saisissant  le  point  exact  où 
la  chaîne  se  ferme,  et  permettant  de  conclure  delà  consti- 
tiiiion  d'une  chaîne  arborescente  à  celle  d'une  chaîne  hexa- 
gonale. 

Poursuivant  donc  la  solution  de  ce  problème,  je  me  suis 
attaché  à  étudier  l'action  du  zinc-éthyle  sur  la  dypnone; 
j'ai  commencé  par  là,  à  cause  de  la  possibilité  que  j'entre- 
voyais de  modérer  l'action  du  réactif  et  de  l'étudier  gra- 
duellement. Ces  recherches  m'ont  ainsi  conduit  à  la  série 
des  dypnopinacones;  les  trois  dypnopinacones  isolées  jus- 
que maintenant  et  les  sept  dypnopinacolines,  donnent  par 
diverses  réactions  de  la  triphényibcnzine.  Une  partie  de  ce 


{')   Biill.  de  V.'lcad.  roy.  dr  Belgique,  5^sér.,  t.  XXII,  p.  470,  1890. 


(  53S  ) 
travail  a  été  publiée  clans  ce  recueil;  je  présenterai  bientôt 
à  l'Académie  une  seconde  communication  sur  ce  sujet 

Bien  que  désireux  de  poursuivre  aussi  loin  que  possible 
ces  recherches,  qui  demanderont  certainement  encore  une 
longue  série  d'années  pour  conduire  au  résultat  que  j'es- 
père, je  ne  me  suis 'pas  privé  de  chercher  à  résoudre  en 
mêm<;  temps  la  question  de  la  synthèse  de  la  benzine  d'une 
manière  plus  simple,  f.e  zinc-élhyle,  em|)!oyé  pour  la  pré- 
paration des  dypnopinaconcs,  n'est  pas  seulement  un  agent 
de  déshydratation,  c'est  avant  tout  un  hydrogénant,  et 
j'avais  espéré  atteindre  le  but  plus  facilement,  quoique 
d'une  manière  moins  sûre,  en  me  servant  d'un  réactif  sim- 
plement déshydratant,  tel  que  HCI.  Ces  tentatives  ont  été 
jusqu'aujourd'hui  absolument  infructueuses;  malgré  de 
nombreux  essais,  il  m'a  été  impossible  d'isoler  par  ce 
moyen  un  intermédiaire  entre  l'acétophénone  et  la  (riphé- 
nylbenzine.  C'est  à  la  suite  de  ces  insuccès  que  je  me  suis 
demandé  si  la  conception  de  M.  Baeyer  pour  la  synthèse 
de  la  benzine  était  bien  exacte  ;  il  est  vrai  que  l'oxyde  de 
mésiiyle  (par  simple  analogie  avec  la  dypnone)  constitue  un 
premier  intermédiaire;  mais  la  phorone  constitue-t-elle  un 
second  degré  pour  arriver  à  une  chaîne  cyclique?  C'est  ce 
qui  n'est  pas  encore  prouvé,  et  qui  me  paraît  actuellement 
sujet  à  caution;  à  tel  point  que  je  me  suis  proposé  d'étudier 
la  formation  de  la  benzine  à  partir  de  la  dypnone,  sans 
addition  d'une  molécule  nouvelle  d'acétophénone. 

J'ai  fixé  mon  choix  sur  l'action  de  la  chaleur.  C'est  en 
octobre  1892  que  commençaient  ces  recherches  ;  j'obtenais 
un  produit  cristallisé  en  magnifiques  paillettes  fondant  à 
lOS^S,  et  donnant  spontanément  à  l'air,  en  solution  alcoo- 
lique, un  produit  blanc  pulvérulent;  j'analysai  ces  produits, 
mais  ces  résultats  isolés  ne  me  parurent  pas  motiver  la 
publication  d'une  note  spéciale.  Sur  ces  entrefaites,  parut, 


(  536  ) 
dans  les  Bulletins  de  la  société  chimique  de  Berlin,  un  tra- 
vail de  MM.  C.  Engler  et  L.  Dengler  (*),  décrivant  le  pro- 
duit en  paillettes  nacrées  fondant  à  109°.  Les  auteurs  le 
préparent  en  soumettant  l'acétophénone  à  l'action  de  la 
chaleur  en  vase  clos;  or,  d'après  leurs  recherches,  il  se 
forme  ainsi  de  la  dypnone,  il  n'y  a  donc  rien  d'étonnant  à 
ce  que  nous  ayons  obtenu  l'un  et  l'autre  le  même  produit. 
Cependant,  outre  les  recherches  des  savants  allemands,  les 
quelques  essais  que  je  mentionne  plus  loin  prouvent  que 
ce  produit  cristalisé  est  bien  un  dérivé  de  la  dypnone  plu- 
tôt que  l'acétophénone.  M.  C.  Engler,  avec  une  courtoisie 
parfaite  à  laquelle  je  me  plais  à  rendre  hommage,  a  bien 
voulu  m'abandonner  l'étude  de  ce  corps;  je  tiens  à  lui 
témoigner  ici  toute  ma  gratitude. 

Le  résultat  de  l'action  de  la  chaleur  sur  la  dypnone 
dépend  essentiellement  des  conditions  dans  lesquelles  on 
opère;  la  présente  note  a  pour  objet  seulement  de  les  pré- 
ciser. 

Dans  les  premiers  essais  (**)  j'ai  opéré  la  distillation  de 
la  dypnone  dans  une  cornue;  en  distillant  très  lentement, 
on  obtient  principalement  de  la  triphénylbenzine;  c'est  le 
résultat  que  j'ai  mentionné  dans  mon  premier  travail;  les 
produits  liquides  passant  avant  n'avaient  pas  attiré  mon 
attention. 

En  reprenant  cet  essai  l'an  dernier  et  distillant  un  peu 
plus  rapidement,  j'ai  obtenu  un  mélange  semi-solide  qui 
contenait  le  corps  décrit  par  MM.  Engler  et  Dengler;  ce 
moyen  paraissait  même  très  avantageux  pour  préparer 
cette  substance,  mais  des  essais  ultérieurs  n'ont  pas  con- 
duit à  des  résultats  constants. 


C)   Berkhte  Jahrg.,  XXVI,  p.  1444. 

("j  Bull,  de  l'A  Cad.  rot/,  de  Belgique,  o«  scr.,  t.  XX,  p.  464,  1888. 


(  S57  ) 

Enfin,  on  peut  arriver  à  distiller  rapidement  la  dypnone 
dans  une  cornue  sans  qu'elle  subisse  de  décomposition 
nolable;  c'est  ainsi  que  j'ai  distillé  ISO  grammes  de  dyp- 
none dans  une  cornue  de  oOO  centimètres  cubes  avec  un 
triple  bec  de  Bunsen;  il  reste  à  peine  10  à  15  grammes  de 
résidu  gommeux.  Le  produit  distillé  était  liquide  et  conte- 
nait quelques  gouttelettes  insolubles;  j'ai  ajouté  de  l'acide 
acétique  pour  rendre  le  mélange  homogène,  puis  distillé 
dans  le  vide.  A  part  un  peu  de  triphénylbenzine  restée 
comme  résidu,  je  n'ai  pu  isoler  que  de  la  dypnone,  et  une 
petite  quantité  d'acélophénone. 

Je  n'ai  pas  continué  mes  essais  de  cette  manière.  Ceux 
que  je  viens  de  mentionner  suffisent  à  prouver  qu'il  faut, 
pour  obtenir  des  résultats  constants,  observer  strictement 
les  mêmes  conditions;  cela  n'est  guère  possible  dans  une 
cornue.  Tous  les  essais  suivants  ont  été  faits  dans  un 
simple  ballon  à  distillation  dont  le  col,  de  20  centimètres 
de  haut,  possède  en  son  milieu  un  tube  incliné  légèrement 
qui  sert  de  réfrigérant  et  débouche  dans  un  tube  à  essais 
où  s'accumulent  les  produits  condensés.  La  température 
est  donnée  par  un  thermomètre  plongeant  dans  la  masse; 
on  chauffe  sur  une  simple  toile  métallique  (*). 

Première  série  d'expériences.  —  a)  98  grammes  de  dyp- 
none sont  chauffés  à  3o0°;  il  distille  pendant  ce  temps  un 
liquide  qui  contient  dans  les  premières  portions  de  l'eau, 
mais  devient  bientôt  homogène;  après  quatre  heures,  on 
élève  la  température  à  410°  jusqu'à  ce  qu'il  ne  distille  plus 
rien,  on  recueille  42  grammes  de  produit  liquide. 


(*)  Le  dégagement  de  gaz  est  un  fait  constant  dans  les  essais  que 
je  mentionne  dans  la  suite  de  ce  travail;  je  ne  me  suis  pas  occupé  de 
les  caractériser. 


(  538  ) 

b)  250  grammes  de  dypnone;  en  chauffant  à  o80''-400° 
jusqu'à  ce  qu'il  ne  distille  plus  rien,  on  recueille  86  gram- 
mes de  produit  desséché  à  CaCl^.  Le  résidu  chauffé  dans 
une  cornue  donne  un  peu  d'un  produit  liquide  qui  n'a  pas 
été  déterminé  et  de  triphénylbenzine;  il  reste  dans  la  cor- 
nue 85  grammes  de  charbon. 

Le  produit  liquide  obtenu  dans  les  opérations  de  ce 
genre,  dont  je  viens  de  mentionner  deux  types,  était  celui 
dont  rétude  m'intéressait  et  auquel  j'attachais  à  ce  moment 
de  l'importance,  espérant  trouver  une  réaction  analogue  à 
celle  du  dypnopinalcolène  ou  des  dypnopinacolines.  Son 
étude  ne  m'a  pas  permis  d'en  isoler  les  constituants,  et 
moins  encore  de  lui  assigner  un  rôle  précis  dans  l'étude 
que  je  poursuis. 

Ce  mélange,  privé  par  CaCI'^  des  gouttes  d'eau  qu'il  con- 
tient, bout  sans  arrêt  de  90-200°,  en  laissant  un  résidu 
d'acide  benzoïque;  il  possède  une  oJeur  forte  et  spéciale, 
et  s'empare  du  brome  avec  une  grande  énergie. 

La  partie  bouillant  à  185"- 200  est  probablement  com- 
posée en  grande  partie  d'un  mélange  d'hydrocarbures  â 
point  d'ébullition  inférieur  et  d'acide  benzoïqiif,  car, 
traitée  par  KOH,  elle  bout  presque  toute  .'ous  185". 

La  portion  bouillant  à  160-185",  rectifiée  plusieurs  fois, 
a  donné  à  l'analyse  les  chiffres  consignés  en  I;  le  même 
échantillon  traité  par  KOH  et  rectilié  a  servi  à  l'analyse  IL 

Substance     ....        0,1554  0,0902 

Eau 0,1132  0,07:24 

i  0,4389  0,289.^ 

Acide  carbonique  .     .     j  ^  q^^^  ^  ^^q^q 

C«/o 89,19  «••>,52 

H"/, 9,29  8,92 


(  539  ) 

Ces  analyses  suftisenl  à  démonlrer  que  le  corps  analysé 
n'élail  pas  pur;  elles  conduisent  à  98,48  el  98,24  au  lieu 
de  100,  el  cela  mènerait  à  une  substance  oxygénée  dont 
la  loimule  aurait  une  grandeur  manifestement  trop  furie, 
vu  son  point  d'ébuliition.  Des  rectifications  dans  un  appa- 
reil à  boules  n'ont  pas  conduit  à  un  résultat  plus  satis- 
faisant. 

Les  résidus  des  reclificalions  précédentes,  traités  par 
l'acide  acétique  et  la  phényihydrazine,  ont  donné  de  belles 
aiguilles  légèrement  jaunes. 

I.  fus.  151°  —  a  été  préparé  uniquement  avec  les  pro- 
duits bouillant  sous  160". 

II.  fus.  155°. 

Substance    ....        0,0988         0,148-2 

Eau 0,0600         0,0876 

(  0,286-2         0,4294  ,^   ,^   , 

Acide  carbonique  .     .     j  ^^^^^^^         ^^  ,3^^^^         C"H'*N 

C  -/o 80,^22  79,f)0  80,00 

H  "/o 6,75  6,56  6,6 

Cette  hydrazone  ne  peut  être  identidée  à  celle  de  l'acé- 
lophénone  qui  fond  à  105°,  ni  à  celle  de  la  phénylacétaldé- 
hyde  qui  fond  à  58°. 

Deuxième  série  d'expériences.  —  La  dernière  série 
d'expériences  que  j'ai  eflectuées  a  eu  principalement  pour 
but  d'étudier  le  rôle  du  composé  cristallisé  isolé  antérieure- 
ment. Les  recherches  dans  cette  voie  sont  encore  ina- 
chevées, mais  je  crois  qu'il  est  bon  de  les  mentionner  pour 
montrer  en  quoi  elles  diffèrent  de  celle  de  MiM.  Engler  el 
Dengler. 


(  UO  ) 
75  grammes  de  dypnone  sonl  chauffés  comme  précé- 
demment à  300"  pendant  un  nombre  d'heures  variable, 
inscrit  dans  la  deuxième  colonne  du  tableau  ci-après.  Pen- 
dant ce  temps,  il  distille  une  quantité  de  liquide  indiquée 
dans  la  troisième  colonne  en  centimètres  cubes  ou 
grammes.  Le  produit  ainsi  chauffé  est  distillé  au  bain  de 
chlorure  de  zinc  sous  la  pression  de  16  millimètres;  on 
sépare  par  fractions  ainsi  qu'il  est  indiqué. 


1 

1 

j 

1 

Î 

î 

'S 

Î 

j 

■M 

I. 

31 

!2 

12 

33 

3 

4 

12 

? 

II 

o| 

(j 

9 

24         11 

2 

4 

12 

4 

(4,9) 

III. 

9 

8 

8 

IT  (4,8) 

7(3,3) 

i 

6 

17 

7 

IV. 

30 

40 

8 

8  (2) 

6 

22 

H 

40(2,9) 

V. 

50 

10 1 

-' 

6 

6 

4 

8 

30 

10 

Jusqu'à  200°  il  passe  d'abord  un  produit  liquide,  puis  de 
l'acide  benzoïque;  plus  on  chauffe  longtemps  et  plus  la 
quantité  de  liquide  diminue;  dans  l'opération  1  la  fraction 
complète  est  liquide.  Il  semi-solide,  111  et  les  suivantes,  de 
plus  en  plus  solide.  Cette  diminution  du  liquide,  qui  est 
probablement  un  hydrocarbure,  est  intéressante. 

Les  fractions  200-220  et  220''-2o0»  renferment  le  pro- 


(  541  ) 
duil  cristallisé   menlionné   précédemmenl.  On  peut  voir 
que  son  poids,  indiqué  entre  parenthèses,  passe  par  un 
maximum  à  l'opération  III  et  diminue  ensuite  à  mesure 
qu'augmente  la  triphénylbenzine  (290-540°). 

Pour  isoler  le  produit  solide,  on  en  sépare  la  dypnone 
par  fillration  dans  le  vide  et  on  le  fait  cristalliser  dans 
l'alcool  à  l'abri  de  l'air.  Les  analyses  que  j'ai  faites  sont 
d'accord  avec  celles  de  MM.  Engler  et  Dengler  pour  l'aire 
adopter  la  formule  O^W^O. 

Substance   ....        0,1692         0,1827 

Eau 0,0864         0,0956 

.,         .  (  0,5386         0,5791 

Ac.de  carbonique.     .     |  ^  ^^^^         ^^^^^^ 

Calculé. 

C»/o 87,57  87,19         87,27 

H  •/„ 5,67  5,65  5,45 

Le  produit  qui  a  servi  à  ces  analyses  l'an  dernier  fon- 
dait à  108°,5,  celui  dont  je  viens  de  mentionner  la  prépa- 
ration par  essorage  fond  à  IIO^S. 

La  détermination  cryoscopique  conduit  à  la  formule 
moléculaire  en  C*^. 

Benzine  17,5798  gr.       Cong.  2»,903 

2»,900       moyenne  2°,902 

Substance  .  .  .  0,2259  0,5577  0,5105  0,6509  0,7677 
Congélation  .  .  2°,58  2",404  2%21  2°,055  1°,868 
Poids  moléculaire.        202  206  212  209  213 

La  solution  alcoolique  de  C'^H'-O  dépose  peu  à  peu  un 
produit  blanc  insoluble  et  dont  l'existence  a  été  seulement 
mentionnée   par  les  savants  allemands.   Ce  produit  est 


II. 

0,0987 

0,0458 

0,2878 
0,0064 

C"H«0' 

81,29 

81,35 

5,16 

5,08 

(  542  ) 
formé  de  1res  petites  aiguilles;  il  fond  vers  250° et  est  inso- 
luble dans  la  plupart  des  dissolvants  ordinaires;  il  commu- 
nique aux  chlorures  d'acélyle  et  de  benzoyle  une  magnifique 
coloration  vert-émeraude  et  se  dissout  mieux  à  chaud 
qu'à  froid  dans  ces  véhicules.  Il  cristallise  également  assez 
bien  dans  l'aldéhyde  benzoïque;  la  solution  prend  une 
iielle  coloration  rougeâtre  fluorescente. 

I. 

Substance    ....        0,1418 

Eau 0,0655 

,  .^         ,      .  \  0,41  S3 

Acide  carbonique  •     •     )  n  oo88 

C«/„ 81,56 

H  »/o 5,13 

L'analyse  I  a  été  faite  avec  un  produit  obtenu  par  conser- 
vation à  l'air  d'un  mélange  d'alcool  de  C'^H'^O  pur;  on  a 
lavé  soigneusement  à  l'alcool  bouillant.  Le  produit  de 
l'analyse  11  a  été  cristallisé  dans  le  chlorure  de  benzoyle. 

Dans  mes  premières  expériences,  faites  le  plus  souvent 
au  contact  de  l'air,  j'avais  cru  devoir  attribuer  un  rôle  à  ce 
produit  dans  la  formation  de  la  triphénylbenzine;  aussi 
avais-je  essayé  sur  lui  l'action  de  la  chaleur  en  en  distillant 
5  grammes  à  feu  nu;  cela  n'a  donné  qu'une  substance 
charbonneuse,  à  part  un  peu  d'acide  benzoïque  et  d'un 
liquide  mobile.  Mes  dernières  expériences  m'ont  démontré 
que  ce  corps  ne  se  forme  pas  en  quantité  appréciable  dans 
l'action  de  la  chaleur  seule  sur  la  dypnone,  et  que  par 
conséquent  il  n'intervient  pas  dans  la  synthèse  dont  je 
poursuis  l'étude. 

La  fraction  SSO^-SBO  est,  dans  les  premières  opérations, 
formée  principalement  du  C'^'H'^O;  lorsque  l'on  chauffe 


(5i5) 
plus  longtemps,  au  lieu  d'èlre  cristalline,  elle  est  antiorphe 
et  de  consistance  semi-solide. 

Les  fractions  suivantes  sont  formées  de  triphénylbenzine. 

Le  résidu  III  est  brun-acajou  ;  il  ne  contient  pas  de  char- 
bon, et  se  réduit  facilement  en  poudre  cristalline;  en  IV 
et  V  la  masse  est  noire,  bien  qu'il  paraisse  encore  possible 
d'en  retirer  de  la  triphénylbenzine. 

Il  serait  prématuré,  sans  aucun  doute,  de  vouloir  tirer 
de  ces  expériences  une  conclusion  certaine.  Cependant 
deux  faits  semblent  corrélatifs  :  d'une  part  l'augmentation 
de  la  Iriphénylbenzine,  d'autre  part  la  diminution  de 
C'H'^O  et  du  produit  liquide  distillant  avant  l'acide  ben- 
zoïque.  Si  l'on  se  rappelle  les  analyses  données  plus  haut 
du  corps  volatil  vers  170°,  n'est-il  pas  permis  de  prévoir 
une  réaction  comme  celle  qui  suit  : 

Avant  de  terminer  celte  note,  je  mentionnerai  deux 
produits  qui  pourraient  devenir  intéressants  pour  mes 
recherches;  il  répondent  à  la  formule  minimum  C^H'^O  et 
fondent  tous  deux  à  162°- 163".  L'un  s'obtient  par  distilla- 
tion de  l'isodypnopinacoline  a,  l'autre,  comme  produit 
secondaire,  dans  la  préparation  de  la  dypnone  au  moyen  du 
zinc-élhyle.  Tous  deux  possèdent  des  réactions  nettement 
différentes. 

Université  de  Gand,  laboratoire  de  chimie  analytique. 


ELECTION. 

La  Classe  se  forme  en  comité  secret  pour  procéder  à  la 
discussion  des  litres  des  candidats  aux  places  vacantes  et 
à  la  présentation  de  candidatures  nouvelles. 


(  544  ) 
GL4SSE   DES    LETTRES. 


Séance  du  6  novembre  1895. 

M.  Ch.  Loomans,  vice-directeur,  occupe  le  fauteuil. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marghal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Alph.  Wauters,  A.  Wagener,  P.Wil- 
lems,  S.  Bormans,  Ch.  Piot,  Ch.  Polvin,  J.  Stecher, 
T.-J.  Laray,  L.  Vanderkindere,  AI.  Henné,  le  comte  Goblet 
d'Alviella,  F.  Vander  Haeghen,  J.  Vuyisteke,  Ém.  Banning, 
A.  Giron,  le  baron  J.  de  Cheslret  de  Haneffe,  memôres; 
Alph.  Rivier,  associé;  G.  Kurlh,  Mesdach  de  ter  Kiele  et  le 
chevalier  Descarnps,  correspondants. 

M.  Gevaert,  membre  de  la  Classe  des  beaux-arts,  assiste 
à  la  séance. 


CORRESPONDANCE. 


M""'  Leemans,  née  de  Virieu,  annonce  la  mort  de  son 
mari,  M.  le  docteur  Leemans,  ex-directeur  du  Musée  royal 
néerlandais  des  antiquités,  à  Leyde,  associé  de  la  Classe, 
décédé  à  Leyde  le  14  octobre  1893. 

Une  lettre  de  condoléance  sera  adressée  a  M""'  veuve 
Leemans. 

—  M.  Giron  remet  pour  V Annuaire  de  1894  le  manu- 
scrit de  sa  notice  sur  Ch.  Faider,  ancien  membre  de  la 
Classe.  —  Remerciements. 


(  545  ) 

—  M.  le  Minisire  fie  l'Intérieur  et  de  l'Inslruclion 
publique  envoie,  pour  la  Bibliolhèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  des  ouvrages  suivants  : 

1  °  Bibliothèque  de  la  Compagnie  de  Jésus  :  Bibliogra- 
phie, tome  IV  ; 

2°  Annales  de  la  Société  d'archéologie  de  Bruxelles, 
tome  VII,  4*  livraison; 

3"  Bethléem  sive  Cœnobii  Bethleemitici  canonicorum 
regularium  ordinis  sancti  Auguslini;  par  F.  Timmermans. 

—  Remerciements. 

—  M.  le  secrétaire  perpétuel  présente,  au  nom  de  la 
Commission  de  la  Biographie  nationale,  le  second  fasci- 
cule du  tome  XII  de  la  Biographie,  qui  sera  incessamment 
distribué. 

Ce  fascicule  clôt  la  lettre  L  et  comprend  une  Table 
alphabétique  des  notices  contenues  dans  les  douze  pre- 
miers volumes, 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  Miscellanées  chinois;  par  le  chevalier  C.  de  Harlez; 

2"  Des  gardes  champêtres.  Discours;  par  M.  Detroz; 

5°  a)  Deux  stubers  d'Ernest  d'Aspremont-Unden;  h)  Les 
monnaies  de  Philippe  II  frappées  à  Maeslricht  en  1580  et 
après,  etc.;  c)  Moyens  à  employer  pour  vulgariser  la  science 
numismatique;  parle  vicomte  B.  de  Jonghe; 

4°  a)  Essais  littéraires,  o"  recueil;  b)  Letteroefeningen 
van  het  taalminnend  genootschap  ;  par  les  Sociétés  de  litté- 
rature française  et  de  littérature  flamande  du  petit  sémi- 
naire de  Saint-Trond  (présentés  par  G.  Monchamp,  avec 
une  note  qui  figure  ci-après). 

—  Remerciements. 


(  546  ) 

—  Travaux  manuscrits  à  l'examen  : 

i°  La  frontière  linguistique  en  Belgique  et  dans  le  nord 
de  la  France  (grand  prix  de  Slassarl).  Revision  de  la 
seconde  partie,  par  God.  Kurlh.  —  Commissaires  :  MM.  Le 
Roy,  Willems  et  Vanderkindere; 

2°  Étude  historique  sur  l'organisation,  les  droits,  les 
devoirs  et  l'influence  des  corporations  d'ouvriers  et  d'artistes 
chez  les  Romains,  par  P.-J  Wallzing  (revision).  —  Con)- 
missaires  :  MM.  Wagener,  Willems  et  Vanderkindere. 


NOTE    BIBLIOGKAPHIQUE. 

J'ai  l'honneur  de  faire  hommage  à  la  Classe  de  deux 
volumes  d'essais  littéraires,  publiés  par  les  Sociétés  de 
littérature  française  et  de  littérature  flamande  du  petit 
séminaire  de  Saint-Trond.  Antérieurement,  ces  Sociétés 
(elles  se  recrutent  parmi  les  élèves  des  classes  supérieures) 
ont  fait  paraître  chacune  deux  recueils  de  ce  genre,  et  le 
public  lettré  les  a  accueillis  avec  faveur.  A  notre  époque, 
où  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  des  jeunes  gens  à  l'âme 
blasée,  on  est  bien  aise  de  constater  qu'il  en  est  aussi  qui 
sont  épris  de  l'idéal.  Et  si  l'une  ou  l'autre  de  ces  composi- 
tions laisse  voir  des  traces  de  juvénilité,  les  Zoïles  seront 
seuls  à  gourmander  les  jeunes  auteurs  : 

Quod  si  deficiant  vires,  audacia  ccrte 

Laus  erit:  in  magnis  el  voluisse  sat  est  (1). 


(1)  Properce,  1.  M,  eleg.  10. 


(347) 
Dans  ces  pièces,  d'ailleurs,  il  y  a  bien   plus  que  des 
bonnes  inlenlions,  el  nous  croyons  que  parmi  ces  écrivains 
de  dix-huit  à  vingt  ans,  plus  d'un  pourrait  dire  avec  le 
poète  que  nous  venons  de  citer  : 

Surge,  anime,  ex  humili  ;  jam,  carmina,  sumlte  vires  : 
Piérides,  magni  nune  erit  oris  opus  (1). 

Georges  Monchamp. 


RAPPORT. 


La  Classe  entend  la  lecture  du  rapport  de  MM.  Wauters 
el  Vander  Haeghen,  sur  une  lettre  du  Cercle  archéologique 
du  pays  de  Waes,  relative  à  la  reproduction  de  la  grande 
carte  d'Europe  de  Mercator  (édition  de  '1572).  —  Copie  de 
ce  rapport  sera  transmise  à  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et 
de  l'Instruction  publique. 


(1)  Properce,  I.  II,  eieg.  10. 


(  548  ) 


CLA^SSE   l>ES  BEA^UX-ARTS. 


Séance  du  9  novembre  1895. 

M.  Ad.  Samuel,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  J.  Stallaert,  vice-direcleur ; 
Éd.  Félis,  Ernest  Slingeneyer,  A.  Gevaert,  God.  Guffens, 
Jos.  Schadde.  Th.  Radoux,  Jos.  Jaquet,  J.  Demannez, 
P.-J.  Clays,  G.  De  Grool,  Gustave  Biot,  Henri  Hymans, 
Th.  Vinçotte,  H.  Beyaerl,  Alex.  Markelbach,  Max.  Rooses, 
J.  Robie,  G.  Huberti,  A.  Hennebicq,  Éd.  Van  Even, 
membres-,  le  comte  Jacques  de  Lalaing,  Alb.  De  Vriendt  et 
P.  Génard,  correspondants. 

M.  Ad.  Pauli,  indisposé,  s'excuse  de  ne  pouvoir  assister 
à  la  séance. 


CORRESPONDANCE. 

M.  le  Ministre  de  l'intérieur  et  de  l'Instruction  publique 
et  M.  le  Ministre  des  Affaires  Étrangères  ont  remercié  pour 
les  invitations  qui  leur  ont  été  adressées  pour  la  séance 
publique  du  29  octobre  dernier. 

M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  avait  fait  savoir  qu'il  assis- 
terait à  celle  solennité. 

—  MM.  Florimond  van  Duyse,  René  van  Bastelaer  et 
Paul    Busschmann,    lauréats  du  concours  annuel  de   la 


(  549  ) 
Classe,  remercient  pour  les  distinctions  qui  leur  ont  été 
accordées. 

—  M.  le  comte  Henri  Delaborde,  associé,  fait  hommage 
d'une  notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  feu  le  graveur 
Henriquel,  notice  qu'il  a  lue  dans  la  séance  publique 
annuelle  de  l'Académie  des  beaux-arts  de  l'Institut. 

—  Remerciements. 


COMMUNICATION  ET  LECTURE. 


ISofe  sur  un  portrait  du  Musée  d'Anvers;   par   Pierre 
Génard,  correspondant  de  l'Académie. 

En  1884,  le  Musée  d'Anvers  fit  l'acquisition  d'un  por- 
trait au  sujet  duquel  différents  articles  parurent  dans  les 
journaux  et  les  feuilles  artistiques. 

Le  personnage  représenté  est  un  homme  du  monde  —  on 
en  fit  à  tort  un  jésuite  —  placé  près  d'une  colonne;  il  est 
habillé  de  noir  et  se  détache  sur  un  fond  gris  avec  dra- 
peries jaunâtres. 

Celte  toile,  exposée  à  côté  du  portrait  de  Scaglia,  d'An- 
toine Van  Dyck,  offre  plus  d'un  rapport  avec  cette  dernière 
œuvre. 

Quel  est  le  personnage  représenté?  Il  paraît  qu'on  s'en 
inquiéta  fort  peu,  car  nous  n'avons  vu  nulle  part  qu'on  se 
soit  préoccupé  de  cette  question.  Un  examen  attentif  du 
tableau  nous  prouva  qu'il  n'était  pas  impossible  de  la 
résoudre.  En  effet,  sur  le  [)iédeslal  de  la  colonne  sont 
peints  des  armoiries  d'or  à  la  croix  engrelée  de  gueules; 

3"*    SÉP.IE,    TOME    XXVI.  56 


(  550  ) 
brisure  :  dans  le  franc  canton  à  dexlre,  une  hure  de 
sanglier  de  sable,  —  incontestablement  les  armoiries  d'un 
membre  de  la  famille  de  Hennin  ou  Haynin. 

En  consultant  les  inscriptions  funéraires  de  la  cathé- 
drale d'Anvers,  nous  trouvons  mentionné  le  tombeau 
d'un  riche  seigneur  qui  porte  des  armoiries  identiques. 

Sous  la  statue  de  l'apôtre  saint  Paul,  on  lisait  autrefois 
l'inscription  suivante  : 

D.  0.  M.  S. 
D.  Adrianus  de  Hemsin 

NOBld-I  GENERE  ORIUNDUS  H.  S.  E. 

QUI    DOMI    ET     FORIS    SEMPER     PROBUS 

IN    ADVERSIS    CONSTANS 

MANSUETUS  AC  PlUS 

AD    WELIOREM    VITAM    TRANSIIT 

DIE  VIII  Decembris  CI3.DC.XIV. 

DEFUNCTO  LECTOR  FAVE  ET  PREC1BUS  JUVA. 

Cet  Adrien  de  Hennin,  originaire  du  Cambrésis,  laissa 
plus  d'une  trace  de  son  passage  à  Anvers.  Serait-ce  lui 
que  représente  le  portrait?  Nous  n'oserions  l'assurer,  mais 
du  Icslamenl  que  le  hasard  vint  mettre  entre  nos  mains, 
résulte  clairement  que  ce  seigneur  fut  un  protecteur 
éclairé  des  beaux-arts. 

Adrien  de  Hennin  était  fils  de  Claude.  Il  épousa  Barbe 
de  Creton  et  testa  pour  la  première  fois  le  17  novem- 
bre 1607,  devant  Jacques  Marchand  et  Salomon  Druet, 
notaires  publics  et  royaux  à  Valenciennes;  il  renouvela 
cet  acte  à  Anvers,  le  18  août  1612,  devant  le  notaire 
Pierre  Fabri. 

Dans  ce  testament,  qu'il  modifia  plus  tard,  Adrien  de 
Hennin  demandait  la  sépulture  dans  l'église  Notre-Dame 
d'Anvers,  et  que  «  a  ung  des  pilliers  delà  ditte  nef  d'icclle 


(  551   ) 
église,  au  plus  près  de  sa  sépulture,  soit  mis  et  érigé  une 
imaige  d'ung  des  douze  apostres  taillée  en  pierre  »  ;  c'est 
le  monument  que  nous  venons  de  citer  plus  haut  et  qui 
lut  orné  de  la  statue  de  saint  Paul. 

En  remplacement  d'une  largesse  de  huit  mille  florins 
à  l'église  Saint-Géry,  à  Cambrai,  pour  a  subvenir  aux 
frais  de  la  construction  et  édification  de  la  croisure  d'icelle 
esglise  »  il  donna  21 ,000  florins  pour  parfaire  cette  «  croi- 
sure »  payables  par  sommes  de  3,000  florins;  en  cas  de 
refus  cl  non-acceptation  desdits  legs,  ces  largesses 
devaient  être  changées  en  8,000  florins  pour  la  construc- 
tion de  l'église  de  Saint-Vaasi,  à  Cambrai,  5,000  florins 
pour  l'achèvement  du  chœur  de  l'église  des  Dominicains, 
à  Anvers,  et  4,000  florins  pour  l'achèvement  de  la  nef  de 
l'église  des  Carmes  dans  celte  dernière  ville;  si  le  chœur  de 
l'église  des  Dominicains  ne  devait  plus  être  bâti,  4,000  flo- 
rins passaient  à  la  construction  de  l'église  du  cloître  des 
frères  Auguslins  d'Anvers.  La  date  de  la  construction 
de  plusieurs  éditices  remarquables  est  révélée  ainsi  à  la 
fois  et  nous  mettra  à  même  de  faire  plus  lard  quelques 
iniéressantos  découvertes  archéologiques. 

La  branche  de  la  famille  de  Hennin  à  laquelle  apparte- 
nait le  testateur  était  assez  nombreuse.  Du  testament 
résulte  qu'Adrien  de  Hennin  avait  plusieurs  frères  et 
sœurs;  d'abord  : 

i"  Claude  de  Hennin,  qui  eut  un  fils  qui  porta  le  même 
nom  et  vécut  à  Anvers; 

2"  Antoine  de  Hennin,  ci-devant  pasteur  à  Ypres,  plus 
tard  chanoine  à  Cambrai; 

3"  Jacques  de  Hennin  ; 

4°  Catherine  de  Hennin; 

5"  Anne  de  Hennin,  qui  épousa  un  sieur  Van  der 
Bequen  et  laissa  une  fille; 


(  552  ) 

Il  avait  un  cousin  nommé  Simon  de  Hennin,  fils  de  Jean. 

De  tous  ces  personnages,  deux  ont,  comme  nous  l'avons 
dit,  vécu  à  Anvers:  Adrien  et  son  neveu  Claude,  fils  de 
Claude. 

C'est  donc  l'un  de  ces  deux  derniers  seigneurs  que 
nous  croyons  voir  représenté  dans  le  portrait  du  Musée; 
comme,  de  l'avis  de  plusieurs  commissions  d'artistes,  cette 
œuvre  est  remarquable,  même  réputée  «  un  très  beau 
Van  Dyck,  »  nous  nous  sommes  permis  de  signaler  notre 
découverte  à  la  Classe  des  beaux-arts,  dont  quelques-uns 
des  membres  ont  été  consultés  lors  de  l'acquisition  de  ce 
tableau. 


Extrait  des  ProtocoUes  du  notaire  P.  Fabri,  1611-14. 

Le  dix-huyliesme  jour  d'Aougsl  l'an  xvi'=  et  douze,  com- 
parut en  sa  personne,  honnourable  homme  Adrien  de  Hennin, 
filz  de  feu  aussy  honnourable  homme  Claude  de  Hennin, 
demourant  en  cesle  ville  d'Anvers,  lequel,  joyssant  de  ses  bons 
sens,  mémoire  et  entendement,  a  dit  et  déclairé,  que  de  sa 
certaine  science,  franche  et  libre  volunté,  il  a  approuvé  et 
confirmé,  approuve  et  confirme,  par  cesles,  le  testament  et  les 
dispositions  de  dernière  volunté  que  par  cy-devant,  le  dix- 
scpliesme  jour  de  Novembre  l'an  mil  six  cens  et  sept,  il  a  fait 
et  passé  par-devant  Jacques  Marchant  et  Salomon  Druet, 
notaires  publicqz  et  royaulx  à  Valenchicnncs,  et  avec  eulx 
Marc  Le  Cat,  hommes  de  fief,  veuillant  et  requérant  qu'icelluy 
son  testament  sortisse  son  plain  et  entier  effect  en  tous  ses 
poinctz  et  clausules,  saulif  que,  s'il  vient  à  trespasser  en  ceste 
ville,  il  requiert  que  son  corps  mort  soit  enterré  en  la  nef  de 
l'esglise  Noslre-Dame  et  que  à  ung  des  pilliers  de  la  dittc  nef 
d'iccUe  esglise,  au  plus  près  de  sa  sépulture,  soit  mis  et  érigé 
une  imaige  d'ung  des  douze  Apostres  taillée  en  pierre.  Item 


(  553  ) 

en  lieu  des  hiiyl  mil  florins  que  par  le  dit  testament  il  a 
donné  et  légué  à  la  fabricquc  de  l'esglise  de  Sainct-Géry  à 
Cambray,  pour  subvenir  aux  fraix  de  la  eonstruclion  et  édifica- 
tion de  la  eroisure  d'ieelle  esglise,  il  donne  et  lègue  par  cestes 
la  somme  de  vingt-et-ung  mil  florins  à  vingt  patars  le  florin, 
pour  parfaire  la  ditte  eroisure,  et  ce  que  de  la  ditte  somme 
sera  de  surplus,  estre  employé  à  la  construction  de  la  nef  de 
la  ditte  esglise,  payable  la  ditte  somme  de  vingt-et-ung  rail 
florins  par  trois  mil  florins  àchascun  coup  après  que  Messieurs 
les  chanoines  ou  administrateurs  de  la  ditte  esglise  Sainct- 
Géry  auront  fait  apparoir  et  soulïisaraent  reluyre  chascun 
payement  de  trois  mil  florins  avoir  esté  employé  en  œuvre  de 
massonnerie  et  carpentaige  bonne  et  suftisante  servant  à  la 
ditle  eroisure  et  nef,  si  seront  les  dits  chanoines  ou  adminis- 
trateurs tcnuz  et  subjeclz  de,  cndedens  ung  an  après  le  décès 
de  luy  donateur,  déclairer  s'ilz  acceptent  la  ditte  donation  à  la 
cliarge  susdilte  ou  non,  et  en  cas  de  refuz  et  nonacceptation, 
seront  les  dits  vingt-et-ung  mil  florins  distribuez  et  donnez, 
scavoir  huyt  mil  florins  en  avancement  de  la  construction  de 
l'esglise  parochiale  de  Sainct-Vaast  au  dit  Cambray,  item  cincq 
mil  florins  en  advancement  de  la  construction  du  chœur  de 
l'esglise  des  Frères-Prescheurs  ou  Dominicains  en  ceste  ville 
d'Anvers,  en  cas  que  lors  icelluy  chœur  ne  fut  faict  et  basty, 
item  quatre  mil  florins  à  avancement  du  bastiment  de  la  nef 
de  l'esglise  des  Carmes  en  ceste  ditte  ville,  et  les  restans  quatre 
mil  florins,  ensemble  les  dits  quatre  mil  florins  destinez  à 
basiir  le  ehœur  de  Tesglise  des  Frères-Prescheurs,  en  cas 
qu'icelluy  chœur  lors  fust  basty,  pour  le  bastiment  d'esglise 
au  cloistre  des  Frères  Augustins  en  ceste  ditte  ville  d'Anvers, 
et  en  cas  que  la  ditte  donation  au  prouffit  de  la  ditte  esglise 
Sainct-Géry  soit  acceptée,  le  dit  donateur  vcult  et  entend  que 
Sire  Anlhoine  de  Hennin,  son  frère,  liccntié  en  théologie  et 
par  cy-devant  pasteur  à  Ypre  et  à  présent  chanoine  à  Noslre- 
Dame  au  dit  Cambray,  et  nul  aultre,  aura  la  superintendance 
du  bastiment  et  ouvraige  à  en  faire,  et  par  son  trespas,  Symon 


(  554  ) 

de  Hennin,  filz  de  Jehan,  son  cousin,  dcmouranl  au  dit  Cam- 
bray,  auquel,  en  ce  regard  et  s'il  vient  à  cmprendre  la  dilte 
charge,  il  donne  et  lègue  trois  cens  florins  telz  que  des^us,  Item 
le  dit  Adrien  de  Hennin  donne  et  lègue  aux  couvents  des  dits 
Frères  Augustins  et  des  Sœurs  de  l'Annonciation  en  cesie  ditte 
ville,  à  chascun  vingt  florins,  à  la  charge  de  prier  et  dire  par 
chaseun  couvent  ung  service  ou  obit  pour  son  âme,  Item  à 
Damoiselle  Marguerite  vandcr  Bequen,  fille  de  sa  sœur  Anne, 
il  donne  et  lègue  deux  cents  livres  de  gros  monnoye  de 
Flandres,  moyennant  qu'elle  ne  se  marie  sinon  du  gré  et  par 
consentement  du  dit  Sire  Anthoine,  son  fi  ère,  et  point  aultre- 
ment,  Item  à  Damoiselle  Catherine  de  Hennin,  sa  sœur,  une 
rente  de  cincquante-ung  florins  par  an  qu'il  al  sur  la  maison 
ditte  den  HoUanlschcn  Thui/n,  assise  en  reste  ville  près  la 
Mallestrate  et  vingt  florins  par  an  sur  la  maison  ditte  Teste  de 
Sarasin  en  la  Corfcnjjeuslrate,  saulf  que  le  ca|)ital  des  dilles 
rentes  sera  déduict  à  la  somme  de  deniers  comptants  que  par 
son  dit  testament  il  a  légué  à  sa  dilte  sœur  Catherine,  et  que 
après  le  décès  d'icelle  les  dittes  deux  rentes  appartiendront  et 
succéderont  aux  deux  plus  jeusnes  filles  de  la  ditte  Damoiselle 
Anne  de  Hennin,  sa  sœur,  Et  au  lieu  du  droict  que  Damoiselle 
Barbe  de  Creton,sa  femme,  polroit  avoir  ans  dittes  deux  renies, 
aura  icelle  sa  femme  et  luy  donne  et  lègue  une  rente  de 
septante-six  florins  par  an  qu'il  a  sur  la  maison  dilte  le  Griffon 
à  Cambray,  donne  et  lègue  en  oultre  à  icelle  sa  femme  tous 
ses  accouslremens  et  argenterie  ou  vaisselle,  et  plus,  sa  vie 
durante,  et  en  cas  qu'elle  ne  se  remarie  point,  trois  cens  florins 
par  an  qu'il  a  en  huyt  parties  sur  des  aultres  maisons  à  Cam- 
bray, lesquelz  il  veult  et  ordonne  que  après  le  décès  ou 
remariement  de  sa  dilte  femme  appartiendront  à  ses  frères  et 
sœurs,  tant  germains  que  demy-germains,  ou  à  leurs  enfans 
par  re|)résenlalion,  Ilem  il  veult  et  ordonne  que,  s'il  se  trouve 
que  six  mcncaudcs  de  terre  des  douze  mcncaudes  gisans  en 
deux  pièces  autour  de  Valenciennes  que  par  son  dit  teslament 


(  555  ) 

il  a  donné  à  Jacques  de  Hennin,  son  frère,  apparlicnssenl  et 
dcussent  suyr  à  la  ditte  Damoisellc  Barbe,  sa  femme,  icelluy 
Jacques,  en  lieu  des  mcsmes  six  mencauldes,  aura  et  luy  donne 
cl  lègue  par  cestes  cent  livres  de  gros  monnoye  de  Flandres, 
Plus  il  vcult  et  enlend  que  tous  ses  anllres  frères  cl  sœurs  et 
leurs  enffans,  les  représentants,  laissent  à  Claude  de  Hennin, 
aussy  son  frère,  et  à  Claude  de  Hennin,  son  filz,  paisiblement 
et  sans  dcstourbicr  quelconque,  joyr  et  possesser  des  terres 
et  censés  que  at  au  villaige  de  Beaumez  en  Artois,  à  Liévin  en 
Artois  susdit,  ensemble  des  terres  à  Cautin  gouvernance  de 
Duay,  et  si  quelcun  de  ses  dits  aultres  frères  et  sœurs  ou 
leurs  enfans  à  ce  s'opposassent,  ou  aus  dits  Claude,  père  et  filz, 
donnassent  quelque  empeschement,  qu'icelluy  ou  ceulx  qui 
s'opposeroicnt  perdionl  et  auront  moins  chascun  trois  cens 
livres  de  gros  de  la  somme  et  deniers  comptans  que  par  son 
dit  testament  à  eulx  est  et  sont  donnez  et  léguez,  desquelles 
dittes  censés  et  terres  à  Beaumez,  Liévin  et  Cautin  la  ditte 
Barbe  sa  femme  joyra,  et  luy  lairronl  son  dit  frère  Claude  et 
son  filz  joyr  sa  vie  durant  et  usufructuairemcnt  de  la  moitié 
des  fruictz  et  proufïitz  que  en  proviendront,  si  comme  icelle 
sa  femme  j)areillement  joyra  sa  vie  durant  et  usufructuaire- 
ment  comme  dessus  de  tous  auItrcs  fiefz  que  durant  leur  dit 
mariaige  plus  sont  et  seront  acqucstcz,  selon  la  coustume  des 
lieux  là  ou  iceulx  sont  et  seront  assis  et  gisans,  Donne  et 
lègue  au  surplus  le  dit  Adrien  de  Hennin  à  la  ditte  Damoisellc 
Barbe,  sa  femme,  la  somme  de  deux  cens  cincquanle  livres  de 
gros  monnoye  de  Flandres  en  deniers  comptans,  plus  trois 
lictz  à  son  cliois,  six  oreillicrs.  six  couvertes,  douze  pairs  de 
linceulx,  toutes  les  nappes,  serviettes,  l'estain  et  ouvraige  de 
euyvre,  tout  servant  à  mesnaige,  que  après  son  Irespas  à  sa 
maison  mortuaire  il  aura  délaissé,  le  tout  pardessus  le  douaire 
à  elle  pourparlé  par  leur  traicté  de  mariaige.  Ce  que  dessus  le 
dit  Adrien  de  Hennin  dit  et  déclaire  estre  son  codicile  et 
disposition  de  dernière  volunté,  veuillant  et  requérant  que 


(  556  ) 

avec  son  dit  testament  (pour  aultanl  que  ce  n'est  contraire)  il 
subsiste  et  soit  de  valeur,  soit  par  droict  ou  forme  de  testa- 
ment, codicii,  donation  à  cause  de  la  mort,  ou  par  telle  aultre 
forme  et  manière  que  mieulx  subsister  et  valoir  poira,  réser- 
vant à  soy  à  le  changer,  augmenter,  diminuer,  casser  et 
révocquer  comme  bon  luy  semblera,  requérant  au  surplus  à 
nous,  notaires,  sur  ce  estre  fait  et  délivré  instrument  publicq 
ung  ou  plusieurs.  Que  fut  ainsy  faicl  et  passé  à  sa  maison 
assise  à  la  ruediite  Coepoorlstrate  enla  ditte  ville  d'Anvers,  par- 
devant  nous  Pierre  Smit  dit  Fabri  et  Pierre  Wouters,  notaires 
et  tabellions  publicqz  approuvez  et  admis  par  le  Conseil  pro- 
vinciel  de  Leurs  Allèzes  ordonné  en  Brabant,  résidens  au  dit 
Anvers,  en  présence  de  Abraham  de  Hertogbe,  marchant  et 
bourgeois  de  ceste  ville  et  de  Remy  Marsille  filz  de  Martin, 
,  comme  tesmoingz  ad  ce  requiz  et  priez. 

P.  Fabri  IVotarius  ss'.  Adrian  de  Hennin. 

P.  Wouters  IVots  ad.  Abraham  de  Hertoghe. 

Remy  Marsille. 


ELECTIONS. 


La  Classe  se  forme  en  comité  secret  pour  prendre  con- 
naissance de  la  liste  des  candidatures  aux  places  vacantes 
présentées  par  les  sections. 


(  ,^57  ) 


OUVRAGES  PRESENTES. 


Harkz  {Le  chevalier  C.  de).  Miscellanées  chinois.  [1893]; 
extr.  in-S"  (22  p.). 

.  (le  Jonghe  {Le  vicomle  Baudouin).  Deux  slubers  d'Ernest 
d'.Aspremonl-Lynden,  comte  de  Reckheim  (i  605-36).  Bruxelles, 
1893;  extr.  in-8'' (8  p.). 

—  Les  monnaies  de  Philippe  II  frappées  à  Maestricht  en 
1580  et  après,  à  propos  d'un  sol,  patard  ou  trentième  de 
daelder  forgé,  en  1S80,  dans  cet  atelier  monétaire.  Amsterdam, 
[1893];  extr.  in-8'' (5  p.). 

—  Moyens  à  employer  pour  vulgariser  la  science  numisma- 
tique. Bruxelles,  1895;  extr.  in-S"  (4  p.). 

Timmennuns  (F.).  Bethléem  sive  Coenobii  Bethleemilici 
canonicorum  regulariuni  ordinis  sancti  Auguslini.  Louvain, 
1893;  in-8°. 

Detroz.  Des  gardes  champêtres.  Discours  prononcé  à  l'au- 
dience solennelle  de  rentrée  de  la  Cour  d'appel  de  Liège,  le 
2  octobre  1893.  in-8°  (62  p.). 

Congrès  flroisièmej  international  d'anthropologie  criminelle, 
tenu  à  Bruxelles  en  1892.  Actes.  Rruxelles,  1893;  in-8°. 

Bibliothèque  de  la  Compagnie  de  Jésus  :  Bibliographie, 
tome  IV,  nouvelle  édition,  par  C.  Sommcrvogel,  S.  J.  Bruxelles, 
Paris,  1893;  vol.  in-4°. 

Ministère  de  l' Agriculture,  de  l'Industrie  et  des  Travaux 
publics.  Notice  sur  la  désinfection  publique.  Bruxelles,  1893; 
in-8''  (54  p.). 

Bruxelles,  Musée  royal  d'histoire  naturelle  de  Belgique. 
Catalogue  général  des  hémiptères;  par  L.  Lethierry  et  G. 
Scverin, tome  V  :  Hétéroplères, Penlatomidae. Bruxelles,  1893; 
iii-8''. 


(  558  ) 

Bruxelles,  Société  d'archéologie.  Annales,  tome  VII,  qua- 
trième livraison.  1893;  in- 8". 

Gand.  Kon.  vlaainsclie  Académie.  Gcbruik  der  naamvallen, 
tijden  en  wijzen  in  den  «  Héliand  »;  door  J.  Van  de  Ven.  1893; 
in-S". 

Archives  de  biologie,  tome  XIII,  fascicnle  1.  Gand;  in-8°. 

Huy.  Cercle  des  naturalistes.  Bulletin  n°  2,  1893.  In-8°. 

Saint-Tro.nd.  Séminaire.  Essais  littéraires,  5°*  recueil.  Liège, 
1893;  in-8°. —  Lelteroefeningen  van  het  laalminnend  genoot- 
schap,  3"*  bundel.  Saint-Trond,  1893;  vol.  in-8». 


Allemag.\e  et  Autriche-Hongrie. 

Lessku  {F.).  Bekanntmachung  einer  neucn  Inlelgraformel. 
Debreckzin,  1893;  in-i"  (5  p.). 

Tischner  [Augusi).  L'astronomie  et  les  astronomes.  Leipzig, 
1893;  10-8»  (44  p.). 

Pertsch  {D''  Wilhelm).  Die  orientalischen  Handschriften  der 
hcrzoglichen  Bibliotliek.  zu  Gotha,  mit  Ansnahmc  der  Persi- 
selien,  Turkischen  und  Arabischen.  Gotha,  1893;  in-8''(66  p.). 

Bergbohm[Julius).  Entwurf  einer  ncuen  Integrairechnung 
auf  Grund  der  Potential-Logarilhmal-  und  Numcralrechnung, 
2.  Hefl.  Leipzig,  1893;  in-8°. 

Berlin,  Verein  fur  Geschichte  der  Mark  Brandenburg. 
Forschungcn,  Band  VI,  2.  1893;  in-8°. 

Hanovre.  Historischer  Verein  fiir  Niedcr-Sachsen.  Zeit- 
schrift,  1893.  In- 8». 

Klagenfurt.  Landes-Muséum.  Jahrbuch,  Heft  19  und  20. 
Diagramme  der  Beobachtungen.  1889.  In-8o. 

Magdebourg,  Nulurwissenschafllicher  Verein.  Abhandlun- 
gen,  1892,  In-8», 

WiESBADEN.  IVassauischer  Verein  fur  IVaturkunde.  Jahr- 
bùcher,  Jahrgang  4G.  1893:  in-8". 


(  559  ) 

VVuRZBOURG.  Historischer  Verein.  Jahres-Bericht,  1890  uiul 
J89I.  _  Archiv,  54.  und  55.  Band.  ln-8». 


France. 


Delaborde{Le  comte  Henri).  Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  M   Henriquel.  Paris,  1895;  in-4°(19  p.). 

Paris,  Bulletin  scientifique  de  la  France  et  de  la  Belgique^ 
tome  XXV,  1"  partie.  1893;  in-8°. 


Grande-Bretagne,  Irlande  et  Colonies  britanniques. 

Coghlan  (T.-A.).  A  statistical  account  of  the  seven  colonies 
of  Australasia.  Sydney,  1893;  vol.  {0-8". 

Brisbane.  Royal  Society  of  Queensland.  The  proceedings 
vol.  IX.  1893;in-8» 

Brisbane.  Royal  geographical  Society.  Proceedings,  vol.  VllI. 
1895;  in-8". 

Halifax.  JVova  Scotian  Institule  of  science.  The  proceedings, 
vol.  I,  2.  1892;  in-8". 

Londres.  Royal  Instorial  Society.  Transactions,  new  séries, 
vol.  VU.  1895;  in-8». 

Sydney.  Association  for  the  advancement  of  science.  Report 
of  the  fourth  meeting,  held  at  Hobart,  1892.  10-8". 

Department  of  mines.  Geological  map  of  new  South  Wales 
(Pittinan).  1895;  2  feuilles  in-plano. 


Pays  divers. 

Hildebrandsson  [H.]  et  Hagstr'ôm  (K.-L.).  Des  principales 
i.'iclhodes  employées  pour  observer  et  mesurer  les  nuages. 
Ipsiil,  1895;  in-8°(54  p.). 


(  560  ) 

Pihl  [0. -  A. -L.).  On  occuUing  micrometers  and  their  value 
as  applied  lo  exact  astronomical  measurements.  Christiania, 
1895^0-4"  (71  p.). 

Kammermann{A.).  Résumé  météorologique  de  l'année  1892 
pour  Genève  et  le  Grand-Saint-Bernard.  Genève,  1885;  in- 8° 
(156  p.). 

Bergen.  Muséum.  Aarbog  for  1892.  In-S". 

Berne.  Société  helvétique  des  sciences  naturelles.  Matériaux 
pour  la  carte  géologique,  septième  livraison.  Beitrage  zur 
Karte,  Lieferung  21  und  32,  mit  Atlas  und  Karte  Blatt  XI 
1895;  iu-4°. 

Copenhague.  Institut  météorologique.  Annuaire  pour  1890, 
"2'^'  partie,  et  1892,  1"  partie.  In-i". 

MiTAu.  Gesellschaft  fiir  Litteratur  und  Kunst.  Silzungs- 
Berichle,  1892.  In-8». 


BULLETIIN 

L'ACADÉMIE  ROYALE  DES  SCIENCES, 

DES 

LETTRES  ET  DES  BEAUX-ARTS  DE  BELGIQUE. 
i893.  —  JNo  12. 


CLASSE  DES  SGIEIVGES. 


Séance  du  2  décembre  1895. 

M.  Ch.Van  Bambeke,  directeur,  président  de  l'Académie. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MiM.  Mourlon,  vice-directeur  ;  P.-J.  Van 
Beneden,  le  baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  G.  De- 
walque,  E.  Candèze,  A.  Brialmont,  Éd.  Dupont,  Edouard 
Van  Beneden,  C.  Malaise,  F.  Folie,  Alpli.  Briart,  Fr.  Cré- 
pin,  J.  De  Tilly,  Alfr.  Gilkinel,  G.  Van  der  Mensbrugghe, 
W.  Spring,  Louis  Henry,  P.  Mansion,  J.  Deibœuf,  P.  De 
Heen,  C.  Le  Paige,  Ch.  Lagrange,  F.  Terby,  J.  Deruyls, 
membres;  E.  Catalan,  Cb.  de  la  Vallée  Poussin,  associés; 
J.-B.  iMasius,  A,  Renard,  L.  Errera,  J.  Neuberg  et  Alb. 
Lancasler,  correspondants. 

3""*    SÉRIE,   TOME    XXVI.  37 


(  56^2  ) 

M.  Van  Bambeke,  en  ouvrant  la  séance,  fait  savoir  que 
le  28  novembre  dernier  a  eu  lieu,  à  l'École  noilitaire, 
rinaugiiralion  du  monument  élevé  au  lieutenant  général 
Liagre.  Il  ajoute  que  îe  général  Brialmont  a  rappelé,  dans 
un  brillant  discours,  les  services  rendus  à  l'Académie  par 
son  ancien  secrétaire  perpétuel.  Bien  que  le  général 
De  Tilly  ail  déjà  remercié  le  président  du  Comité,  c'est  un 
devoir  pour  l'Académie,  dit  M.  Van  Bambeke,  d'exprimer 
à  celui-ci  toute  sa  reconnaissance.  —  Applaudissements. 

M.  Van  Bambeke  offre,  en  même  temps,  au  nom  de 
M.  Brialmont,  un  exemplaire  de  son  discours,  pour  la  biblio- 
Ibèque  de  l'Académie.  —  Bemerciements. 


COBBESPONDANCE. 

F.e  comité  pour  la  manifestation  qui  a  eu  lieu  récem- 
ment à  Berlin,  en  l'bonneur  de  M.  Bud.  Virchow,  associé 
de  l'Académie,  fait  hommage  d'un  exemplaire  en  bronze  de 
la  médaille  qui  a  été  frappée  à  cette  occasion.  —  Remer- 
ciements. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique  envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un 
exemplaire  de  l'ouvrage  suivant  : 

La  Cellule,  tome  IX,  second  fascicule.  —  Remercie- 
ments. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

1°  Les  Juifs  russes.  Extermination  et  émancipation,  avec 
une  lettre-préface  de  Th.  Mommsen  ;  par  Léo  Errera; 


(  563  ) 

2°  A.  A  seqnel  to  Eiiclid;  B.  A  trealise  on  the  analytkal 
geomelrij  ;  par  feu  John  Casey.  Nouvelles  éditions  consi- 
(lérablemenl  augmentées  par  Patrick  Dowling  et  J.  Neu- 
berg  (présentés  par  M.  Paul  Mansion,  avec  une  note  qui 
ligure  ci-après); 

5"  Essai  sur  runificalion  internationale  de  l'heure; 
par  J.  de  Rey-Pailhade; 

4°  Sur  quelques  modifications...  à  l'obtention  de  cultures 
pures  de  saccharomi/ces,  par  J.  Van  Laer; 

5°  De  l'utilité  des  collections  d'histoire  naturelle  régio- 
nale ;  par  Emile  Hublard  ; 

6°  Rapport  du  jury  chargé  de  conférer  le  prix  Guinard 
de  10,000  francs  pour  la  période  quinquennale  1887-1892. 
Extrait  du  Moniteur  offert  par  F.-A.  Robyns,  lauréat  du 
concours. 

—  Remerciements. 

—  Travaux  manuscrits  à  l'examen  : 

i°  Quelques  essais  d'embryologie  pathologique  expéri- 
mentale (communication  préliminaire)  ;  par  P.  Francotte. 
—  Commissaires  :  MM.  Plateau,  Éd.  Van  Beneden,  Van 
Bambeke  ; 

2°  Nouvelle  synthèse  graduelle  de  la  benzine  ;  par 
Maurice  Delacre.  —  Commissaires  :  MM.  L.  Henry  et 
W.  Spring  ; 

3°  Formation  de  l'opale  noble  par  l'action  de  l'acide 
hydrofluosilicique  sur  le  verre;  par  G.  Cesàro.  —  Com- 
missaires :  MM.  de  la  Vallée  Poussin  et  W.  Spring; 

4°  Constitution  du  camphre  et  de  ses  dérivés;  par 
C.  Gillet.  —  Commissaires  :  MM.  W.  Spring  et  L.  Kenry; 

5°  La  température  du  moût  de  vin  pendant  la  fermen- 
tation; par  Chavée-Leroy.  —  Commissaires  :  MM.  Gilkinel 
et  L.  Henry. 


(  564  ) 


NOTE    BIBLIOGRAPHIQUE. 

J'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Académio,  de  la  part  de 
MM.  Dowling  el  Neuberg,  de  nouvelles  éditions,  considé- 
rablement augmentées,  de  deux  ouvrages  de  feu  J.  Casey, 
F.  R.  S  :  A  scqiiel  to  Euclid  el  Analytic  Geomelry.  Une 
partie  considérable  des  additions  introduites  dans  ces  deux 
traités,  classiques  aujourd'hui  en  Angleterre,  est  relative  à 
la  géométrie  récente  et  est  due  à  notre  confrère  M.  Neu- 
berg, dont  la  compétence  en  cette  matière  est  exception- 
nelle. La  théorie  des  invariants,  des  coniques,  est  aussi 
traitée  dans  la  deuxième  édition  de  VAnah/tic  Geometry 
de  Casey  d'une  manière  plus  complète  que  dans  les  autres 
manuels.  P.  Mansion. 


ÉLECTIONS. 


La  Classe  procède  au  renouvellement  de  sa  Commission 
spéciale  des  linances  pour  l'année  1894;  les  membres  sor- 
tants sont  réélus.  M.  Mourlon  remplacera  M.  Maus, 
décédé. 

Elle  s'occupe  ensuite  de  la  formation  d'une  liste  de 
quatorze  noms  pour  le  choix,  par  le  Gouvernement,  du  jury 
chargé  de  juger  la  neuvième  période  quinquennale  du  con- 
cours des  sciences  mathématiques  et  physiques  qui  sera 
close  le  31  décembre  prochain.  —  Cette  liste  sera  commu- 
niquée à  M.  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique. 


(  565  ) 

JUGEMENT  DU  CONCOURSDE  LA  CLASSE  POUR  1895. 

Conformément  à  rarlicle38  du  règlement  général,  il  est 
donné  lecture  des  rapports  sur  deux  des  mémoires  soumis 
au  concours  pour  l'année  actuelle.  La  Classe  se  prononcera 
dans  sa  prochaine  séance  sur  les  conclusions  de  ses  rap- 
porteurs.   

RAPPORTS. 

Sur  l'avis  exprimé  par  M.  Éd.  Van  Beneden,  la  Classe 
autorise  M.  P.  Francotte  à  ajouter  un  posl-scriptiim  à  son 
travail  sur  l'œil  pariétal,  etc. 

—  La  Classe  décide  le  dépôt  aux  archives  : 
r  D'une  note  de  M.  Jouveneau  {Sur  un  phénomène 
optique  nouveau  que  l'on  doit  observer  si  l'éther  ne  parti- 
cipe pas  au  mouvement  de  la  Terre); 
2°  Du  rapport  fait  sur  ce  travail  par  M.  Ch.  Lagrange. 


Sur  l'ordre  de  substitution  de  l'/ujdrogène  par  le  chlore 
dans  l'oxyde  de  méthyle  et  le  méthylal;  par  A.  De  Sonay, 
assistant  au  laboratoire  de  chimie  générale  de  l'Univer- 
sité de  Louvain. 

KapporI  dv  n.  tjottis  iient'y,    pfeênier  cointni»»niê'e, 

<  Les  composés  monocarbonés  sont  les  plus  simples 
de  tous  ceux  que  forme  le  carbone;  ce  sont,  peut-on  dire, 
les  microbes  de  la  chimie  organique. 

C'est  dans  les  organismes  les  plus  simples,  à  quehiue 
règne  qu'ils  appartiennent,  fju'il  convient  d'étudier   les 


(  566  ) 
faits  qui  consliluenl  l'aclivilé  intime  des  êtres  du  monde 
créé  et  les  lois  qui  la  régissent. 

A  mon  sens,  l'exposé  méthodique  de  la  chimie  du  car- 
bone, tant  au  point  de  vue  descriptif  qu'au  point  de  vue 
dynamique  ou  réactionnel,  doit  s'ouvrir  par  les  dérivés 
monocarbonés. 

Malgré  les  travaux  nombreux  et  importants  dont  ils  ont 
été  l'objet  jusqu'ici,  notre  connaissance  des  composés 
monocarbonés  est  bien  loin  encore  d'être  complète,  et 
leur  catalogue  présente  de  nombreuses  et  graves  lacunes. 

J'en  ai  repris  l'élude  depuis  quelques  années,  autant  que 
mes  moyens  et  mes  forces  me  le  permettent,  c'est-à-dire 
dans  une  mesure  relativement  restreinte.  A  diverses 
reprises,  j'ai  eu  l'honneur  de  faire  connaître  à  l'Académie 
le  résultat  de  mes  recherches  sur  ce  terrain. 

Dois-je  dire  combien  je  suis  heureux  d'accueillir  les 
rares  collaborateurs  que  les  circonstances  m'amènent  pour 
recueillir  avec  moi  des  matériaux,  dans  l'ordre  objectif, 
pour  l'édification  de  la  chimie  rationnelle  de  l'atome  du 
carbone? 

Mon  assistant,  M.  De  Sonay,  ayant  à  préparer  une  dis- 
sertation pour  l'obtention  du  titre  de  docteur  en  sciences 
chimiques,  je  lui  ai  confié  la  tâche  d'étudier  l'action  du 
chlore  sur  l'oxyde  de  méthyle,  dans  le  but  de  déterminer 
l'ordre  de  substitution,  dans  ce  composé,  de  l'hydrogène 
par  le  chlore. 

Cette  question  se  rattache  de  fort  près  à  la  question 
plus  générale  des  modifications  que  détermine,  dans  l'apti- 
tude réaclionnelle  d'un  élément  donné,  le  voisinage  d'élé- 
ments étrangers  qui  constituent  avec  lui  la  molécule.  On 
aperçoit  tout  de  suite  toute  l'importance  qu'a  la  résolution 
de  ce  problème  au  point  de  vue  de  la  dynamique  des  élé- 
ments à  l'état  de  combinaison. 


(  567) 

Étant  constitué  de  deux  groupements  méthyle  -  CH3, 
distincts,  mais  identiqurs,  reliés  par  un  atome  d'oxygène, 
le  problème  de  l'ordre  successif  de  chloruration  se  pré- 
sente, dans  l'oxyde  de  mélhyie,  dans  les  conditions  de 
maximum  de  simplicité.  A  l'étude  de  ce  composé  sous  ce 
rapport,  M.  De  Sonay  a  joint  spontanément  celle  du 
méthylal,  au  même  point  de  vue. 

La  question  de  l'action  du  chlore  sur  l'oxyde  de  mélhyie 
n'est  pas  nouvelle.  Elle  fut  l'objet  d'un  travail  magistral 
de  Regnault,  en  1839,  à  l'aurore  de  la  théorie  des  substi- 
tutions. Regnault  fit  connaître  un  dérivé  bichloré,  un 
létrachloré  et  l'aboutissant  final  de  cette  réaction,  le  dérivé 
perchloré. 

Trente-huit  ans  plus  tard,  en  1877,  M.  Friedel  signala 
le  premier  terme  de  la  série,  l'oxyde  de  méthyle  mono- 
chloré H5C-O-CH2CI,  le  plus  malaisé  de  tous  à  obtenir 
directement,  l'attaque  de  l'oxyde  de  méthyle  par  le  chlore 
étant,  à  l'origine,  fort  vive  et  délicate  à  conduire. 

J'ai  moi-même  indiqué,  il  y  a  peu  d'années,  une  méthode 
commode  et  expéditive  pour  préparer  ce  dérivé  mono- 
chloré,  à  savoir  l'action  de  l'acide  chlorhydriquc  gazeux  sur 
le  méthanal  en  solution  aqueuse  en  présence  de  l'alcool 
mélhylique.  C'est  ce  composé  qui,  en  fait,  a  été  le  point  de 
départ  des  recherches  de  iM.  De  Sonay.  Elles  en  ont  été 
ainsi  singulièrement  facilitées  et  abrégées;  par  là,  en  effet, 
est  supprimée  la  période  la  plus  diflicile  de  la  chloruration 
de  l'oxyde  de  méthyle,  période  d'ailleurs  sans  intérêt,  puis- 
qu'elle ne  peut  aboutir  qu'à  un  dérivé  unique  de  son 
espèce.  Le  problème  de  la  localisation  du  chlore  dans  la 
molécule  de  l'oxyde  de  méthyle  ne  se  pose  pour  la  pre- 
mière fois  qu'à  l'occasion  du  dérivé  bichloré. 

PHPI 

A  part  le  dérivé  penlacidoré  0  <nri   ^,  qu'il  n'est  pas 


(  568  ) 
parvenu  à  isoler,  M.  De  Sonay  a  obtenu  la  série  complète 
(le  chloruration  à  partir  de  l'oxyde  de  méthyle   mono- 
chloré : 

a)  Un  dérivé  hichloré  bouillant  à  'I00''-103»; 

b)  Un  dérivé  iricbloré  bouillant  à  ISO^-ISS"; 

c)  Un  dérivé  lélrachloré  bouillant  à  145"'; 

(/)  Finalement  le  dérivé  percbloré  bouillant  à  98°. 

Il  était  absolument  nécessaire  de  se  renseigner  sur  la 
constitution  de  ces  composés.  Dans  ce  but,  M.  De  Sonay 
s'est  adressé  à  leur  décomposition  par  l'eau  et  à  la  nature 
des  produits  qui  en  résultent. 

Trois  sortes  de  chaînons  peuvent  dériver  du  groupe- 
ment oxy-méthylc  0  -  CHj  par  chloruration 

0-CHjCl 
0-CHCIj 
0  CCI3. 

L'j  groupement  monochloré  0  -  CH2CI  est  méUnjlé- 
nique ;  par  l'action  de  l'eau,  il  doit  donner  de  l'aldéhyde 
méihylique  H2C  =  0.  Le  groupement  bichloré  O-CHCL 
esl  méthénylique  ow  for  mi  que  ;  l'eau  doit  le  transformer 
en  acide  formique. 

Cela  étant,  M.  De  Sonay  prouve  que  l'élher  méihylique 
bichloré,  qui  donne  exclusivement  de  l'aldéhyde  for- 
mique, se  constitue  exclusivement  du  dérivé  symétrique 
p. /GHjCl 

Le  dérivé  trichloré  qui  en  résulte  par  l'action  ultérieure 
du  chlore  ne  peut  être  que  0<pu  J.. 

Quant  au  dérivé  lélrachloré,  qui  fournit  de  l'acide  for- 
mique, il  est  constitué  en  presque  totalité  par  le  dérivé 

cv\c\ 
symétrique  <^<rj|Qp  deux  fois  bichloré. 


(  569  ) 

Les  dérivés  penlachloré  et  hexachloré  sont  chacun 
uniques  de  leur  espèce. 

De  l'ensemble  de  ces  constatations  résulte  cette  consé- 
quence générale  que  le  chlore,  en  entrant  dans  la  molé- 
cule de  l'oxyde  de  méthyle,  remplace  de  préférence  l'hy- 
drogène du  chaînon  carboné  le  plus  riche  en  cet  élément. 

cwc\ 

Le  dérivé  bichloré  dissymétrique  0<r.„    -  n'a  pas  pu 

être  constaté;  quant  au  dérivé  tétrachloré  dissymétrique 

m 

aussi,  0<  pri  çx-,  il  ne  se  forme  qu'en  minime  quantité. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  faire  remarquer  ce  que  présente 
d'intéressant,  sous  d'autres  rapports,  la  série  de  chlo- 
ruralion  de  l'oxyde  de  méthyle,  et  j'arrive  à  la  seconde 
partie  du  travail  de  l'auteur,  concernant  le  mélhylal. 

Le  mélhylal  renfermant  deux  groupements  -  CH3  fixés 
sur  le  groupement  >  CH,  par  l'intermédiaire  de  l'oxygène, 
la  question  de  l'ordre  de  substitution  du  chlore  à  l'hydro- 
gène dans  ce  composé  est  plus  complexe  et,  à  certain 
point  de  vue,  plus  intéressante  encore  (|ue  dans  l'oxyde 
de  méthyle. 

M.  De  Sonay  nous  fait  connaître,  dès  à  présent,  deux  de 
ces  dérivés  de  chloruration  : 

fl.  Le  mélhylal  monochloré,  bouillant  à  95°; 

b.  Le  mélhylal  bichloré,  bouillanl  ù  127°. 

L'action  de  l'eau  sur  ces  composés  lui  a  permis,  ici 
encore,  d'en  délerminer  la  structure. 

Donnant   exclusivement   de    l'aldéhyde    formiqtie,    ils 

répondent  respectivement  aux    formules  H2C  <^Qru' 

^1    u  r  y  O'^rLiLl 
et  H,G<Q(.j^-(,,. 

Dans  le  mélhylal,  comme  dans  l'oxyde  de  méihyle,  le 
chlore  exerce  donc  de  préférence  sou  action  substituante 
sur  les  chaînons  carbonés  les  plus  riches  en  hydrogène. 


(370) 

Le  mélhylal  bichloré  symétrique  H2C  <  r)pii^(-|  ren- 
ferme exclusivement  le  groupement  méthylène  >CH2, 
mais  dans  des  conditions  diverses:  dans  l'un,  l'hydrogène 
est  exclusivement  sous  l'influence  de  l'oxygène;  dans  les 
deux  autres,  il  est  sous  l'influence  simultanée  de  l'oxygène 
et  du  chlore. 

Il  eût  été  intéressant  de  connaître  sur  lequel  de  ces 
groupements  le  chlore  exercerait  désormais  son  action. 

Il  est  regrettable  que  l'état  de  la  santé  de  M.  De  Sonay 
ne  lui  ait  pas  permis  de  pousser  jusque-là  ses  recherches 
et  d'aborder  la  résolution  de  ce  problème.  Je  fais  des 
rœux,  qui  seront  certainement  partagés  par  l'Académie, 
afin  qu'il  puisse  reprendre  plus  tard  ce  travail  interrompu 
justement  au  point  où  il  paraît  ofl"rir  le  plus  vif  intérêt.  Je 
tiens  à  faire  remarquer  en  même  temps  que  ces  recherches 
sont  vraiment  du  genre  de  celles  que  l'on  peut  qualilier 
de  pénibles;  de  plus,  alors  que  Ton  est  entré  dans  la  phase 
d'une  chloruration  avancée,  elles  ne  peuvent  guère  se  faire 
qu'en  été,  au  moment  où  l'on  est  gratifié  d'un  plein  soleil. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  mémoire  de  M.  De  Sonay  consti- 
tue, dans  son  état  actuel,  une  contribution  intéressante 
et  d'une  importance  réelle  à  l'étude  des  composés  mono- 
carbonés. 

J'ai  l'honneur  de  proposer  à  l'Académie  d'en  décider 
l'impression  dans  ses  Bullelins.  » 

M.  Spring,  second  commissaire,  se  rallie  bien  volontiers, 
dit-il,  aux  conclusions  de  son  éminent  confrère. 

La  Classe  décide  l'impression  au  Bulletin  du  travail  de 
M.  De  Sonay. 


(  571  ) 

Sur  de  nouveaux  procédés  permetlanl  de  déceler  les  huiles 
végétales  et  animales;  par  W.  De  la  Iloyère,  ingénieur, 
répétiteur  à  l'Université  de  Gand. 

napt'ot'l  tte  9i .    r.oui«  MÊeitry,  premie»'  conttttissaii'e, 

<r  Les  solutions  aqueuses,  fort  étendues,  de  fuchsine, 
décolorées  par  les  alcalis  caustiques,  reprennent  leur 
coloration  primitive  par  les  acides. 

Sur  ce  fait,  M.  De  la  Royère  a  basé  une  méthode  propre 
à  déceler  la  présence  des  huiles  grasses,  végétales  et  ani- 
males, dans  les  huiles  minérales. 

Celles-ci  ne  modiflent  pas  la  solution  décolorée  de  la 
fuchsine;  les  huiles  grasses,  au  contraire,  font  réapparaître 
instantanément  la  coloration  primitive. 

Le  procédé  opératoire  est  des  plus  simples  et  le  réactif 
d'une  remarquable  sensibilité. 

Celui-ci  consiste  en  une  solution  d'un  72  gramme  de 
fuchsine  dans  un  litre  d'eau,  liqueur  rendue  incolore  par 
la  soude  caustique  en  quantité  strictement  suffisante. 

L'essai  se  pratique  comme  il  suit  : 

On  verse  dans  une  soucoupe  ou  une  capsule  de  porce- 
laine quelques  gouttes  de  l'huile  à  examiner;  puis  on  y 
fait  tomber  deux  gouttes  du  réactif  et  l'on  agite  vivement 
à  l'aide  d'une  baguette  en  verre,  La  coloration  rose  appa- 
raît instantanément  et  va  en  s'accentuanl  au  cours  du 
temps;  elle  est  durable;  son  intensilé  est  d'ailleurs  en 
rapport  avec  la  richesse  de  l'huile  minérale  en  huile 
grasse;  elle  apparaît  encore, selon  l'auteur, dans  un  pétrole 
qui  ne  renferme  qu'une  quantité  d'huile  grasse  comprise 
entre  3  et  1/4  -/o- 

Les  huiles  grasses  examinées  sont  celles  de  co!z;i,  de 
chanvre,  de  lin,  d'olive,  d'arachide,  d'œillette,  de  coton,  d(; 


^  372) 
palme,  de  ricin,  de  croton,  (Kainande,  de  sésame,  de  pied 
de  bœuf,  de  foie  de  morue,  elc. 

Ce  n'esl  pas  la  première  fois  que  la  fuchsine  apparaît 
dans  le  domaine  de  l'analyse;  l'inlensilé  de  sa  coloralion, 
la  facililé  avec  laquelle  celle-ci  disparaît  pour  réapparaître 
ensuite,  font,  à  mon  sens,  de  ce  corps,  un  des  réactifs 
appelés  à  rendre  les  services  les  plus  signalés. 

On  peut  juger  quel  parti  avantageux  vient  d'en  tirer 
M.  De  la  Royère  pour  l'essai  des  huiles  minérales. 

J'ai  lu  son  mémoire  avec  un  intérêt  qui  sera  partagé 
par  tous  les  chimistes  (]ui  s'occupent  de  cette  sorte  de 
recherches;  j'ai  pu  constater  par  des  expériences  person- 
nelles l'exactitude  de  ses  assertions  en  plusieurs  points. 
Je  ne  fais  aucun  doute  de  croire  que  toutes  méritent  une 
pleine  confiance. 

J'ai  l'honneur  de  proposer  à  l'Académie  de  décider  l'in- 
sertion dans  le  Bulletin  du  mémoin)  de  M.  De  la  Royère.  » 

M.  W.  Spring,  second  commisf=aire,  se  rallie  bien  volon- 
tiers aux  conclusions  du  rapport  de  son  éminent  confrère. 

La  Classe  décide  l'impression  au  Bullelin  de  la  note  de 
M.  De  la  Royère. 


Contribution  à  la  faune  des  Diptères  fossiles  de  Cambre 
tertiaire;  par  F.  Meunier. 

Rapiiori  de  M.  Dupottt,  ftt'etnie»'  cotntnis»nii'e. 

«  C'est  à  M.Candèze,  second  commissaire,  qu'il  appar- 
tiendra d'apprécier  dans  ce  travail  la  valeur  des  tableaux 
laxonomiques|et  l'originalité  des  dessins,  avec  une  compé- 
tence d'autant  plus  grande  «pie  notre  savant  confrère 


(  573  ) 
s'occupe  spécialement  de  l'élude  des  Diptères.  Je  n'abor- 
derai que  l'examen  de  quelques  points  de  vue  séparés. 

La  rédaction  du  titre  même  du  mémoire  —  et  elle  se 
retrouve  en  plusieurs  endroits  du  texte  —  semble  tout 
d'abord  indiquer  une  connaissance  tout  au  moins  peu 
sûre  de  la  géologie,  car  des  organismes,  par  le  fait  qu'ils 
proviennent  de  «  l'ambre  tertiaire  »,  sont  forcément  a  fos- 
siles ». 

On  lit,  dans  le  travail  de  M.  Meunier,  à  propos  des 
Diptères  découverts,  suivant  ses  expressions,  dans  «  les 
terrains  liasiques  et  jurassiques  de  l'époque  secondaire  >, 
l'appréciation  suivante  :  «  Les  observations  qui  ont  rap- 
D  |»ort  aux  Diptères  sont  insuffîsantes,  parce  qu'elles  ont 
»  été  faites  avec  des  documents  souvent  très  incomplets 
»  et  par  des  spécialistes  n'ayant  pas  les  connaissances 
»  zoologiques  et  géologiques  indispensables  pour  se  livrer 
ï  avec  succès  à  des  recbercbes  paléontologiques.  » 

Or,  parmi  les  auteurs  ainsi  appréciés,  (ignrenl  notam- 
ment, dans  les  listes  des  ouvrages  cités  par  M.  Meunier,  le 
nom  de  Geinitz,  qu'il  n'est  pas  admissible  d'entendre  qua- 
lifier de  cette  manière. 

Ce  n'est  pas  le  seul  nom  respecté  de  la  science  entière 
que  nous  voyons  traiter  avec  désinvolture. 

Dans  une  première  note  de  bas  de  page,  l'auteur  déclare 
(|u'il  ne  s'occupera  pas  des  travaux  de  Heer  et  de  Loew 
pour  des  motifs  qu'il  indiquera  dans  une  note  critique. 
On  trouve,  en  effet,  dans  une  autre  note  de  bas  de  page, 
l'extrait  d'une  lettre  adressée  à  l'auteur  par  un  savant  très 
autorisé  et  relative  aux  tiavaux  d'Oswald  Hecr  sur  les 
Diptères  fossiles.  Mais  c'est  dans  le  corps  du  travail  que 
nous  trouvons  l'exposé  des  motifs  qui  ont  fait  écarter 
Loew,  le  savant  considéré  comme  l'un  des  premiers  Dip- 
lérologistes  du  temps,  et  dont  les  publications  sont  la  base 


(574) 

des  connaissances  sur  les  Diptères  de  l'ambre  de  la  Bal- 
tique :  a  Le  mémoire  de  Loew,  dit  M.  Meunier,  a  été 
B  rédigé  au  moyen  de  riches  matériaux  d'études,  mais 
»  malheureusement  il  ne  mentionne  ordinairement  que 
»  des  citations  de  familles  et  de  genres,  et  n'est  accom- 
»   pagné  d'aucune  figure  facilitant  l'explication  du  texte.  » 

W.  Meunier  ne  s'occupe  cependant  à  son  tour  que  de 
familles  et  de  genres. 

Voici  une  dernière  citation  qui  expose  les  vues  de 
l'auteur  sur  le  développement  des  règnes  organiques  : 
«  Enfin  nous  déclarons  que  nous  partageons  les  idées 
»  actuelles  sur  les  belles  doctrines  du  transformisme  [en 
V  note  :  nous  parlons  du  transformisme  restreint  et  sem- 
»  blable  à  celui  de  l'illustre  paléontologiste,  M.  A.Gaudry), 
»  tout  en  disant  qu'elles  ne  sont  encore,  dans  l'état  de  la 
»  science,  que  de  très  séduisantes  hypothèses  présentant 
»  d'immenses  hiatus;  dont  la  solution  ne  pourra  se  faire 
»  que  lorsque  l'homme  aura  plus  profondément  scruté 
»  les  merveilleuses  entrailles  du  globe,  en  se  basant  sur 
»  des  observations  concluantes,  et  non  sur  d'ingénieuses 
D  mais  simples  vues  philosophiques,  » 

Le  travail  qui  nous  est  soumis,  eût-il  quelque  valeur 
entomologique,  réclamerait  évidemment  d'importants 
complémenls  de  préparations  et  de  méditations. 

Je  ne  saurais  engager  l'Académie  à  le  publier.  » 


napitoft  tie  Hïï.  f'antlèz^,   dettaciènte  coinntissaire, 

«  L'auteur  annonce  dans  la  préface  une  vue  d'ensemble 
sur  les  Diptères  kainozoïqiies,  ce  qui  ferait  supposer  qu'il 
donne  une  revue  ou  une  liste  des  espèces  ou,  au  moins, 
des  genres  reconnus  comme  existant  dans  l'ambre. 


(875) 

Un  lel  travail  sérail  utile  si  la  critique  des  espèces  y 
était  faite,  ou  si  les  espèces  connues  étaient  décrites  de 
nouveau  d'après  les  types,  et  accompagnées  de  ligures 
originales  bien  dessinées. 

Notons  qu'une  liste  bibliographique  a  déjà  été  donnée 
en  1892  par  M.  Scudder,  où  (igurenl  les  travaux  de  Lœw, 
lesquels  contiennent  la  plus  grande  partie  des  espèces 
connues. 

M.  Meunier  commence  par  exclure  les  travaux  de  Lœw, 
bien  que  ce  dernier  soit  considéré  à  juste  titre  comme  l'un 
des  premiers  diptérologistes  de  l'époque.  Il  n'est  pas  per- 
mis de  mettre  de  côté  des  travaux  aussi  importants. 

Je  suis  même  d'avis  qu'il  serait  indispensable,  avant 
d'écrire  l'histoire  des  Diptères  de  l'ambre,  de  revoir  les 
types  de  Lœw  qui  se  trouvent  au  musée  de  Berlin,  de  les 
redécrire  au  besoin  et  de  les  figurer.  Sans  ce  travail  pré- 
liminaire, une  vue  d'ensemble  sur  les  Diptères  de  l'ambre 
est  imparfaite. 

Au  dire  de  l'auteur,  ses  tableaux  présenteront  des 
diagnoses  simples  et  rigoureuses.  Or,  les  phrases  qui  en 
tiennent  lieu  ne  sont  ni  des  diagnoses,  ni  même  des 
tableaux  dichotomiques  comme  leur  faciès  le  ferait  croire 
à  première  vue. 

M.  Meunier  choisit,  pour  les  tableaux  de  familles  et  de 
genres,  les  diagnoses  de  Schiner  {Fauna-austriaca);  il  les 
traduit  littéralement,  et  les  numéros  qui  se  trouvent  en 
tête  de  ces  phrases  leur  donnent  l'apparence  de  tableaux 
dichotomiques,  rien  de  plus. 

Je  passe  aux  planches. 

Celles-ci,  au  nombre  de  dix-sept,  contiennent  soixante 
et  une  figures  d'ailes,  d'antennes  et  parfois  de  têtes,  non 
dénommées. 


(  S76) 

Ces  dessins  sont  destinés  à  compléter  les  diagnoses  du 
tableau  des  genres. 

Cependant,  deux  genres  cités  dans  cette  table  font 
défaut,  ce  sont  :  1"  le  genre  Holopogon,  décrit  en  1847 
par  Lœw,  qui  ne  l'a  pas  figuré,  et  2°  le  genre  Paleoascia 
Meunier,  1893,  nouveau  genre  créé  pour  les  Ascia  fossiles 
qui  diffèrent  des  AsrAa  actuels. 

Ce  dernier  eût  été  particulièrement  à  sa  place  dans  les 
dessins. 

Mais  ces  figures  n'ont  pas  été  faites  d'après  nature. 
Elles  ont  été  copiées  —  pour  la  plupart  au  moins,  —  dans 
l'ouvrage  de  Meigen,  dont  les  six  volumes  ont  paru  de 
1820  à  1827.  Un  certain  nombre  de  ces  dessins  ont  été 
mal  ou  incomplètement  reproduits.  On  est  étonné  d'y  voir 
figurer  le  genre  Diaplwrus  (fig.  38),  qui  n'est  pas  men- 
lionne  dans  le  tableau  et  dont  on  ne  connaît  du  reste 
aucun  représentant  fossile.  A  noter  aussi  le  manque  de 
méthode  dans  le  choix  des  dessins. 

Par  exemple,  pour  le  genre  Pipunciilus,  une  seule 
espèce  fossile  a  été  décrite  assez  clairement  pour  pouvoir 
la  comparer  à  une  espèce  actuellement  existante,  apparte- 
nant à  la  première  section  établie  par  Meigen.  M.  Meunier 
a  figuré,  à  propos  de  ce  genre,  une  antenne  et  une  aile 
appartenant,  l'une  à  une  espèce  de  la  première  section, 
l'autre  à  une  espèce  de  la  troisième. 

Le  travail  de  M.  Meunier  est  loin  d'ajouter  quoi  que  ce 
soit  à  nos  connaissances  sur  les  Diptères  fossiles,  et  je  suis 
d'avis  qu'il  ne  doit  pas  figurer  dans  les  publications  de 
l'Académie.  » 

La  Classe  décide  que  le  travail  de  M.  Meunier  sera 
déposé  dans  les  archives  de  l'Académie. 


(S77  ) 


COMMUNICATIONS   ET   LECTURES. 


Essai  sur  les  variations  de  latitude;  par  F.  Folie, 
membre  de  l'Académie. 

CHAPITRE    PREMIER. 

Expression  complète  des  variations  de  latitude. 

Durant  la  première  moitié  du  siècle,  on  ne  connaissait 
ù  l'axe  du  monde  qu'un  mouvement,  celui  de  précession 
et  de  nutation,  ou  du  moins  ce  mouvement  était  le  seul 
qu'on  fît  entrer  dans  les  formules  de  réduction  de  la  posi- 
tion des  astres  à  leur  lieu  moyen. 

Les  formules  de  Laplace  renfermaient  bien  les  expres- 
sions de  deux  autres  mouvements  de  cet  axe  :  celles  de 
la  nutation  initiale  ou  eulérienne,  et  celles  de  la  nutation 
diurne. 

Mais,  quant  à  la  première,  le  grand  géomètre  avait  dit  : 
«  Si  elle  était  sensible,  on  le  reconnaîtrait  par  les  varia- 
lions  journalières  de  la  hauteur  du  pôle;  et,  puisque  les 
observations  les  plus  précises  n'y  font  reconnaître  aucune 
variation  de  ce  genre,  il  en  résulte  qu'elle  est  insen- 
sible (')  »  ;  et,  quant  à  la  seconde  :  a  Nous  pouvons  négli- 
ger les  deux  premiers  termes  de  cette  expression  (c'est-à- 
dire  la  nutation  diurne),  parce  qu'ils  sont  insensibles  en 


(*)  Méc.  cet.,  1"  partie,  liv.  V,  art.  4. 

5°"    SÉRIE,   TOME    XXVI.  38 


(  578  ) 
eux-mêmes,  et  que  d'ailleurs  ils  n'augmentent  point  par 
l'intégration  f).  » 

Bessel  a  voulu  rechercher  si  la  nutation  initiale  n'était 
pas  sensible;  W.  Struve  également.  Mais  c'est  Peters  qui, 
le  premier,  est  parvenu  à  en  démontrer  l'existence  au 
moyen  des  variations  apparentes  de  la  hauteur  du  pôle, 
qu'il  avait  observées  à  Poulkova,  quoiqu'il  n'énonce  lui- 
même  qu'avec  beaucoup  de  réserve  le  résultat  qu'il  avait 
obtenu  {**). 

Nyrén  l'a  suivi  dans  cette  voie,  mais  il  a  été  peu  satis- 
fait de  la  concordance  entre  ses  résultais  et  celui  de 
Peters  (***). 

D'autres  astronomes  également,  Downing  ('^),  van  de 
Sande-Bakhuysen  (^),  etc.,  se  sont  occupés  de  celte 
recherche;  enfin  elle  a  suscité  des  travaux  très  remar- 
quables de  la  part  des  astronomes  américains,  parmi 
lesquels  nous  aurons  à  citer  en  première  ligne  Chandler, 
Comstock,  Gould  et  Ne\vcomb(^''). 

Aujourd'hui  encore,  la  question  fait  l'objet  d'études 
poursuivies  depuis  plusieurs  années  suivant  un  plan  et 
dans  un  but  déterminés,  et  peut-être  n'est-elle  pas  encore 
sur  le  point  d'être  résolue. 

Quant  à  la  seconde  nutation,  négligée  par  Laplace,  nul 
astronome  ne  s'en  est  occupé;  tous  ont  pensé  qu'elle  est, 
en  réalité,  absolument  insensible,  et  l'un  des  géomètres 
modernes   les    plus    éminents  a   même   démontré   tout 


(■)  ii/e'c.  cél.,  l"^'  partie,  liv.  V,  art.  A. 

(*■)  Bull,  de  l'.Jcad.  de  Saint- Peter sbour y,  1844. 

("*)  Mcm.  de  l'Acad.  de  Saint-Pétersbourg,  t.  XIX,  1871. 

C)   Monthly  Notices,  vol.  XL. 

(V)   Aslr.Naehr.,  1891. 

(^')   Voir  surtout  A slronomical  Journal,  1890-181)5. 


(  ^79  ) 

récemment  qu'il  en  est  ainsi  pour  une  Terre  solide  (*),ce 
que  j'avais,  du  reste,  déclaré  moi-même  depuis  très  long- 
temps (")• 

Aussi,  l'existence  de  la  nulalion  diurne  étant  pour  moi 
amplement  démontrée  (*'*),  j'en  ai  conclu  à  la  fluidité 
du  globe  sous  son  écorce  solide;  et,  par  suite,  à  l'inexacti- 
tude de  la  période  de  305  jours,  attribuée  par  les  astro- 
nomes à  la  nutation  initiale,  période  qui  ne  serait  cor- 
recte que  si  la  Terre  était  solide. 

J'ai,  le  premier,  cherché  la  longueur  réelle  de  cette 
période,  en  m'aidant  des  déterminations  faites  par  Peters, 
par  Nyrén,  par  Downing  et  par  moi-même,  de  l'angle 
compris,  à  un  moment  donné,  entre  le  méridien  de  l'axe 
instantané  et  celui  du  lieu  d'observation  ('^);  et  j'avais 
trouvé,  au  lieu  de  la  période  de  305  jours,  une  période  de 
337  jours,  qui  faisait  très  bien  concorder  entre  eux  ces 
difl'érents  angles  f  ). 

Cette  période,  cependant,  était  encore  beaucoup  trop 
courte.  Chandler  en  a  déterminé  une  de  427  jours,  et  je 
pense  que  cette  détermination  est  la  plus  cerlaineque  nous 
possédions  jusqu'à  présent.  C'est  elle  qui,  appliquée  aux 
observations  de  Peters,  m'a  fourni  les  meilleurs  résultats, 
supérieurs  même   de  beaucoup  à  ceux  que  Chandler  a 


(*)  TissEUAXD,  Mec.  céL,  t.  II,  p.  4-25. 

("*)  Théorie  des  mouvements  diurne^  annuel  et  séculaire  de  l'axe 
du  Monde.  Mém.  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  t.  XLV,  lf<84.. 

(*")  Annuaire  pour  i890,  p.  292.  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de 
Belgique,  1895. 

('^)  Annuaire  pour  1892. 

(^)  Il  est  vrai  que  la  détermination,  faite  par  Downing,  de 
l'angle  P  est  entachée  d'une  erreur  de  180»,  comme  me  l'a  fait 
remarquer  M.  Niesten,  l'astronome  anglais  ayant  appliqué  par 
mégarde  aux  colalitudes  de  Greenwich    la   formule  des  latitudes. 


(  580  ) 

déduits  de  sa  formule,  dans  laquelle  il  a  introduit  un 
terme  annuel  de  variation  de  la  latitude  {'). 

La  longueur  de  cette  période  de  427  jours,  comparée  à 
celle  de  305  jours  qui  serait  exacte  pour  une  Terre  solide, 
est  un  argument  décisif  en  faveur  de  la  fluidité  intérieure 
de  celle-ci,  comme  en  laveur  de  l'existence  de  la  nutation 
diurne  {*'). 

Fait  surprenant,  lorsque  je  voulus  réduire  les  excel- 
lentes observations  de  latitude  faites  à  Honolulu,  une 
période  de  398  jours  parut  cependant  y  satisfaire  mieux 
que  la  période  de  427  jours  de  Chandier,  comme  on  le 
verra  dans  un  travail  de  M.  Niesten,  qui  a  calculé  avec 
le  plus  grand  soin  ces  observations. 

Lorsque  je  publiai  la  réduction  des  observations  de 
Honolulu  (""),  ma  conviction  relativement  à  la  période  de 
Chandier  n'était  pas  encore  faite;  elle  ne  l'a  été  que  quand, 
dans  le  courant  de  la  présente  année,  j'appliquai  aux 
observations  de  Peters  l'une  et  l'autre  période  successive- 
ment. 

Pourquoi  donc  la  période  de  598  jours  donnait-elle  de 
meilleurs  résultats  que  celle  de  4-27  dans  la  réduction  des 
observations  de  Honolulu? 

Voici,  je  pense,  l'explication  de  ce  fait. 

Comme  on  le  verra  dans  la  suite  de  cet  essai,  j'avais 
toujours  cru,  jusqu'à  présent,  à  l'invariabilité  de  la  hau- 
teur du  pôle  d'inertie  ('^),  ne  pouvant  soupçonner  aucune 
raison  théorique  d'une  variation  annuelle  de  cette  hauteur, 


(')  ^«/iMa/repour  1891,  p.  271. 
(**)  Annuaire  pour  1891,  p.  272. 

(***)   Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  décembre  i892,  Annuaire 
pour  1893,  p.  515. 

('^)  Ibid.  et  Annales  de  la  Société  scientifique  de  Bruxelles,  1893. 


(381  ) 
aflirmée  depuis  plusieurs  années  par  Comslock  et  Chandier, 
lorsqu'un  travail  récent  du  premier  de  ces  astronomes  sur 
la  latitude  de  Washburn  Observalory  (Madison)  m'obligea 
à  reconnaître  cette  variation  annuelle,  qui  s'y  manifeste 
de  la  façon  la  plus  indiscutable. 

C'est  encore  au  moyen  de  la  fluidité  intérieure  du  globe 
que  je  parvins  à  m'expliquer  théoriquement  cette  variation. 

M.  Helmert  avait  déjà  recherché  l'efl^et  que  produirait, 
sur  le  déplacement  du  pôle  d'inertie,  l'accumulation  d'une 
grande  quantité  de  neige  sur  les  continents  de  l'hémi- 
sphère boréal,  et  avait  trouvé  que  cet  efl'et  était  absolu- 
ment insensible,  mais  toujours  dans  l'hypothèse  d'une 
Terre  solide  (*). 

J'ai  trouvé  que,  même  si  l'on  suppose  à  l'écorce  ter- 
restre une  épaisseur  égale  à  la  dixième  partie  du  rayon  de 
la  Terre,  l'accumulation  d'une  masse  de  neige  représen- 
tant 30  centimètres  de  hauteur  d'eau  sur  la  partie  du  conti- 
nent boréal  comprise  entre  les  parallèles  de  55"  et  de  70°, 
produirait  une  déviation  du  pôle  d'inertie  de  0".06  vers 
l'Amérique  du  Nord. 

Peut-être  ai-je  supposé  une  masse  de  neige  un  peu  trop 
considérable  ;  mais,  d'autre  part,  j'ai  donné  également  une 
épaisseur  beaucoup  trop  grande  à  l'écorce  et  négligé  la 
neige  qui  tombe  entre  55°  et  60°  de  latitude. 

La  démonstration  de  ce  dernier  point  ne  sera  peut-être 
pas  superflue. 

Admettons  que  les  neiges  qui  tombent  en  Amérique, 
entre  les  méridiens  de  235°  et  de  285°  de  longitude  E  de 
Greenwich,  sont  équilibrées  par  celles  qui  tombent  en 
Europe  et  en  Sibérie  entre  les  méridiens  de  55°  et  de  105°. 


(•)   Hohere  Geodasie,  B.  Il,  5,  423. 


(  S82  ) 

Il  restera  à  considérer  les  quantités  de  neige  accumulées 
en  Sibérie,  entre  les  méridiens  de  105°  et  de  135°,  et,  en 
Europe,  entre  ceux  de  15°  et  de  55°,  celles  qui  tombent 
au  delà  du  parallèle  de  135°  étant  censées  équilibrées  par 
celles  qui  tombent  sur  le  Groenland. 

On  ne  commettra  pas  d'erreur  bien  sensible  en  suppo- 
sant que  la  quantité  de  neige  qui  s'accumule  dans  ces  deux 
régions  est  la  même;  car  si  celte  quantité  est,  d'une  part, 
plus  considérable  en  Europe  à  raison  de  son  étendue  et  de 
la  hauteur  probablement  plus  grande  de  la  neige,  d'autre 
pari,  le  climat  y  est  plus  doux,  et  l'on  doit  faire  abstraction 
de  la  Baltique  et  des  mers  avoisinantes. 

Le  centre  de  gravité  des  neiges  qui  tombent  en  Sibérie 
est  sur  le  méridien  de  120°;  en  Europe,  sur  celui  de  55°. 

Le  centre  de  gravité  de  la  masse  totale  tomberait  donc 
vers  le  septante-septième  degré  de  longitude  E  de  Green- 
wich;  mais  ce  calcul  approximatif  ne  nous  servira  qu'à 
lixer  les  idées,  et  c'est  à  l'astronomie  qu'incombera  la 
recherche  de  ce  dernier  méridien. 

Calculons  celte  masse  de  neige  N,  en  supposant  que 
celle  qui  s'acccumule  depuis  le  commencement  de 
l'automne  jusqu'au  cœur  de  l'hiver  équivaut  à  une  hauteur 
d'eau  de  O^.oO. 

La  superficie  sur  laquelle  elle  tombe  comprend  70°  en 
longitude,  soit  les  ~  de  la  zone  comprise  entre  5b°  et 
70°  de  latitude,  ou  0.04347tR2,  R  désignant  le  rayon  de  la 
Terre;  d'oîi  la  masse  IV  =  aii^rÊôo  "^  ^^• 

Prenons  l'épaisseur  de  l'écorce  égale  à  j^,  valeur  certai- 
nement exagérée,  et  sa  densité  égale  à  3. 

La  mécanique  démontre  que  l'addition  d'une  masse  N 
de  latitude  <I>  sur  un  sphéroïde  de  moments  d'inertie  C,  A, 
a  pour  efifel  de  déplacer  le  pôle  d'inertie  d'un  angle 
A  (J>  =  2  c=h  ^'"  -  ^^*'  ^^^  l'anliméridien  de  N. 


(  583  ) 
A  défaut  (le  données  plus  précises,  admettons  que,  pour 
l'écorce  comme  pour  la  Terre,  — ^==  0.005;  la  valeur 


1000  NR*  .  NR* 

sin:24'  =  136.5 

G       C  C 


C  =  ^frhh  =  ù/r'drih  ==  —  R«(l  —  0.9^)  =  0.98;rR\ 

La  valeur  de  l'angle  est  donc  oTsWgtToOÔ-' 
laquelle,  réduite  en  secondes,  donnera 


A*  =  0".Oo85. 

Le  pôle  d'inertie,  qui  est  le  point  de  référence  dans  nos 
formules  rappelées  ci-dessus,  s'avancerait  donc,  depuis 
l'été  jusqu'en  hiver,  de  0".06  vers  l'Amérique  du  Nord, 
selon  les  données  précédentes,  et  il  reculerait  d'autant,  en 
sens  inverse,  du  cœur  de  l'hiver  au  cœur  de  l'été.  L'ampli- 
tude de  ce  mouvement  est  probahlement  bien  plus  consi- 
dérable; car  nous  avons  attribué  à  l'écorce  une  épaisseur 
exagérée. 

Sans  pouvoir  préciser  aucunement  l'effet  de  l'accumu- 
lation des  neiges  en  Sibérie  pendant  l'hiver,  il  ne  semble 
donc  pas  douteux  que  cet  effet  ne  soit  appréciable. 

Admettons,  en  conséquence,  que  le  pôle  d'inertie  de  la 
Terre  s'avance,  pendant  l'hiver,  vers  l'Amérique  du  Nord 
sur  le  méridien  de  iOO"  environ  de  longitude  W.  de 
Greenwich. 

Il  en  résultera  qu'en  hiver  les  hauteurs  du  pôle  (d'inertie) 
vont  augmenter,  en  tous  les  points  de  l'hémisphère  boréal 
situés  sur  ce  méridien,  d'une  quantité  précisément  égale  à 
ce  déplacement  du  pôle,  et  diminuer  de  la  même  quantité 
dans  l'hémisphère  austral  (relativement  au  pôle  austral, 


(  584-  ) 
bien  entendu);  qu'en  été,  cette  augmentation  ou  celte  dimi- 
nnlion  de  la  hauteur  du  pôle  sera  remplacée  par  une 
diminution  ou  une  augmentation;  que  les  phénomènes 
inverses  se  passeront  sur  le  méridien  de  280°  de  longitude 
W  de  Greenwich; 

Que,  sur  les  autres  méridiens,  les  variations  de  la  hau- 
teur du  pôle  auront  lieu  dans  le  même  sens,  mais  seront 
amoindries  en  raison  du  cosinus  de  l'angle  compris  entre 
ces  méridiens  et  celui  des  pôles  d'inertie; 

Qu'elles  seront  nulles,  par  conséquent,  sur  le  méridien 
perpendiculaire  à  ce  dernier. 

Il  serait  extrêmement  difficile,  à  cause  du  peu  de  données 
certaines  que  nous  possédons  relativement  aux  quantités 
de  neige  qui  tombent  dans  les  latitudes  un  peu  élevées, 
d'en  déterminer  le  centre  de  gravité.  C'est  à  l'astronomie 
de  rechercher  quelle  peut-être  la  position  de  ces  deux 
méridiens  sur  lesquels  les  variations  de  la  hauteur  du  pôle 
(d'inertie)  sont,  ou  un  maximum  (positif  ou  négatif),  ou 
absolument  nulles. 

Il  existe  donc  une  cause  annuelle  de  variations  réelles 
de  la  hauteur  du  pôle  (d'inertie),  qui  produira  ses  plus 
grands  effets  sur  le  méridien  suivant  lequel  a  lieu  le 
déplacement  annuel  de  ce  pôle  (méridien  d'inertie),  et 
n'en  produira  aucun  sur  le  méridien  perpendiculaire.  Et 
pour  pouvoir  déterminer,  d'une  manière  un  peu  précise, 
les  effets  de  cette  cause,  il  est  indispensable  que  des 
déterminations  de  latitude  soient  effectuées,  non  seulement 
en  des  points  distants  en  longitude  de  180%  mais  en 
d'autres  points  encore,  à  90°  de  distance  surtout,  et  dans 
les  deux  hémisphères. 

Retournons  maintenant  à  notre  point  de  départ,  et 
recherchons  pour  quelle  raison  une  période  de  la  nutation 
initiale  estimée  égale  à  598  jours  a  donné  de  meilleurs 


(  585  ) 
résultais  dans  la  réduction  des  observations  de  Honolulu 
que   la   période   plus  exacte   de  Chandier,   qui   est    de 
427  jours. 

Indépendamment  des  variations  apparentes  de  latitude 
occasionnées  par  la  nulation  initiale,  il  peut  y  avoir  à 
Honolulu  des  variations  réelles  dues  au  déplacement  du 
pôle  d'inertie. 

Et  ces  variations,  les  apparentes  aussi  bien  que  les 
réelles,  se  produiront  en  sens  inverse  à  Berlin,  comme  les 
observations  l'ont  parfaitement  confirmé.  Or,  les  varia- 
tions apparentes  ayant  une  période  de  4-27  jours,  les 
réelles  une  période  de  365,  la  combinaison  des  deux  sem- 
blera donner  une  période  unique  de  396  jours,  approchant 
très  fort  de  la  période  de  398  jours  qui  m'avait  paru 
vérifier,  mieux  que  celle  de  Chandier,  les  déterminations 
de  la  nulation  initiale  faites  (*)  par  différents  astronomes. 

M.  Preston  a  trouvé,  pour  les  variations  de  latitude 
qu'il  a  observées  à  Waïkiki  (Iles  Sandwich),  une  période 
de  386  jours,  intermédiaire  également  entre  la  période  de 
Chandier  et  l'année  (**). 

Ces  résultats  semblent  confirmer  l'existence  de  varia- 
tions annuelles  de  latitude,  révélées  déjà,  pour  plusieurs 
astronomes,  et  particulièrement  pour  Comstock,  Gould  cl 
Chandier,  par  un  grand  nombre  d'observations,  mais  dont 
nous  avions  douté  jusqu'à  ce  jour,  parce  qu'on  ne  leur 
assignait  aucune  cause  bien  plausible. 

Cette  cause,  nous  l'avons  trouvée  dans  l'accumulation 
des  neiges  hivernales,  combinée  avec  l'hypothèse  de  la 
fluidité  intérieure  du  globe. 

(*)  On  a  vu  que  l'une  de  ces  déterminations  est  erronée  de  180". 
(**)  Astronnmkal  Journal,  n"  50fi.  p.  137. 


(  586  ) 

Si,  comme  cela  ne  nous  semble  pas  douteux,  telle  est 
bien  la  source  des  variations  réelles  de  la  latitude,  voilà  un 
nouvel  argument  en  faveur  de  la  fluidité  intérieure  du 
globe  et  de  l'existence  de  la  nutation  diurne. 

Aux  trois  mouvements  de  l'axe  du  monde  établis  par 
Laplace  (précession  et  nutation  bradiéenne,  nutation  ini- 
tiale, nutation  diurne),  mais  dont  il  a  négligé  les  deux 
derniers,  comme  insensibles,  dans  le  développement  de 
ses  formules,  il  est  donc  opportun  d'en  ajouter  un  qua- 
trième, le  mouvement  annuel  du  pôle  d'inertie. 

Les  expressions  des  variations  A0  et  AX  du  plan  de 
l'équateur  (perpendiculaire  à  l'axe  d'inertie),  provenant 
des  trois  mouvements  considérés  par  Laplace,  peuvent 
s'écrire 

I         A9  =  Nq  —  ysin(y-+-/^-+-(5)  -+-  ^(SâSin^Jî)  -+-  i],cosi2v), 
I  siiieA).  =  N>— ri'os(-;>  +  ;<-+-(3)  — ;'(ï,sin^2»  — i:,cos2^), 

si  nous  désignons  par  Ne  la  nutation  en  obliquité,  N;^  la 
précession  et  la  nutation  en  longitude,  par  y  et  (3  les  con- 
stantes de  la  nutation  initiale  (en  supposant  nul  son 
second  terme,  qui  a  B  —  A  pour  facteur),  par  v  le  coefficient 
de  la  nutation  diurne.  2^  et  S,  sont  des  fonctions  dont  on 
trouvera  plus  loin  les  expressions. 

Ces  formules  prennent  le  pôle  d'inertie  comme  point 
de  référence. 

Parmi  tous  les  géomètres  qui  ont  traité  du  mouvement 
de  rotation  de  la  Terre,  un  seul  a  cru  devoir  préférer  le 
pôle  instantané,  afin  d'éliminer  les  termes  de  la  nutation 
initiale. 

J'ai  démontré  la  double  incorrection  de  ce  procédé  : 
incorrection  analytique  d'abord,  incorrection  astronomique 


(  587  ) 
plus  grave  surtout;  car  le  pôle  instantané,  variant  ù 
la  surface  de  la  Terre,  ne  permet  plus  de  définir  le  méri- 
dien, ni,  par  conséquent,  l'heure,  dont  la  notion  est  fondée 
sur  celle  d'un  plan  absolument  fixe  à  la  surface  de  la 
Terre  (*). 

Montrons  jusqu'où  peut  aller  cette  dernière  incorrection, 
dont  les  astronomes  ne  semblent  pas  encore  avoir  reconnu 
l'importance. 

Le  coefficient  de  la  nulation  initiale  approche  de  O'M  ; 
celui  de  la  variation  annuelle  de  latitude  est  peut-être  plus 
considérable  pour  certains  observatoires;  admettons  qu'il 
soit  égal  aussi  à  0".l  au  maximum,  c'est-à-dire  que  la 
distance  du  pôle  d'inertie  au  pôle  géographique  soit  égale, 
en  hiver  par  exemple,  à  O'M.  Il  arrivera  un  moment  où, 
sur  le  même  méridien,  le  pôle  instantané  sera  distant  du 
pôle  d'inertie  de  O'M  dans  le  même  sens  et  à  la  même 
saison;  en  sorte  que  le  pôle  instantané  ou  astronomique 
s'écartera  de  0".2  du  pôle  géographique. 

Pour  un  observatoire  situé  à  une  latitude  0  sur  le  méri- 
dien perpendiculaire  à  celui  qui  passe  par  ces  trois  pôles, 
l'azimuth  AA  du  méridien  aslronomique  sera  donné  par 
AA=0".2sectt»,  c'est-à-dire  à  0".52  déjà  sous  la  latitude 
de  51",  quantité  qui  n'est  certes  pas  négligeable. 

Or,  six  mois  après,  l'azimut  du  méridien  aslronomique 
sera  à  peu  près  égal  et  de  signe  contraire,  car  la  demi- 
période  de  la  nutation  initiale,  qui  est  de  212  jours  envi- 
ron, ne  diffère  pas  beaucoup  de  la  moitié  de  l'année. 


(*)  Acta  Mathtmalica,  4892.  Annuaire,  1893.  Voir  aussi:  W.  Foer- 
STER,    Ueber    die   Ragcn-Acnderungen   der   Erdaxc,    (Mitteil.    der 

VEREI.\.  VON   FrEUDEN   DER    ASTRONOMIE,   ttcft  8   U.  9,  S.    131.) 


(  588  ) 

Entre  les  deux  méridiens  astronomiques  déterminés  à 
ces  deux  époques,  il  y  a  donc  un  écart  de  0".6;  et  l'on 
constatera,  entre  les  AR  d'une  même  étoile,  observées  dans 
le  méridien  astronomique  à  ces  deux  époques,  une  diffé- 
rence correspondant  à  cet  écart  azimulal,  et  qui  n'est 
certes  pas  assez  peu  sensible  pour  pouvoir  être  négligée. 

Mais,  afin  de  pouvoir  en  tenir  compte  dans  la  réduction 
des  observations,  il  faut  en  revenir  aux  formules  qui  pren- 
nent un  pôle  fixe  comme  point  de  référence. 

La  question,  du  reste,  est  bien  tranchée  aujourd'hui. 
Dans  le  tome  II  de  sa  Mécanique  céleste,  M.  Tisserand 
(quoiqu'il  ait  adopté  la  définition  de  la  latitude  relative- 
ment au  pôle  instantané  (*),  ce  qui  me  semble  une  inconsé- 
quence) a  donné  les  formules  de  la  nutalion  en  les 
rapportant,  comme  Laplace,  au  pôle  d'inertie. 

S'il  avait  jugé  que  le  choix  du  pôle  instantané  fût  préfé- 
rable, il  n'eût  certes  pas  manqué  d'adopter  ce  dernier 
comme  point  de  référence,  et  serait  resté  conséquent  avec 
sa  définition  de  la  latitude. 

Aux  trois  mouvements  précédents,  nous  avons  à  ajouter 
celui  du  pôle  d'inertie  à  la  surface  de  la  Terre. 

Afin  de  pouvoir  représenter  ce  mouvement,  nous  pren- 
drons pour  point  de  référence  le  pôle  géographique,  point 
fixe,  servant  à  déterminer  le  méridien  et  l'heure,  et  qui  est 
le  lieu  moyen  des  pôles  d'inertie. 

Et  nous  pourrons  nous  borner  à  calculer  ce  mouve- 
ment le  long  du  méridien  d'inertie  même,  puisque, 
comme  nous  l'avons  vu,  il  suffira,  en  obliquité,  de  le  pro- 
jeter sur  un  autre  méridien  quelconque  pour  en  connaître 
la  valeur  sur  celui-ci,  en  obliquité  également. 

(*)  Page  580,  fin. 


(  589  ) 

Il  n'est  pas  douteux  que  le  premier  méridien  (celui  qui 
passe  par  l'axe  principal  X)  ne  se  déplace  également  en 
vertu  de  la  même  cause. 

Mais,  dans  cette  étude  sur  les  variations  de  latitude, 
nous  ne  nous  occuperons  nullement,  n'ayant  aucune 
donnée  numérique  sur  laquelle  nous  puissions  nous 
appuyer,  du  mouvement  annuel  des  axes  principaux 
autres  que  l'axe  polaire. 

Dès  lors,  il  n'y  aura  aucune  modification  à  faire  subir 
aux  formules  précédentes,  qui  représentent  tous  les  mou- 
vements du  pôle  d'inertie,  à  l'exclusion  de  son  mouvement 
annuel,  et  ce  dernier  s'introduira  parla  variation  annuelle 
de  latitude  qu'il  occasionne. 

C'est  seulement  quand,  par  l'étude  suivie  de  ces  varia- 
tions, combinée  avec  celle  de  la  répartition  des  neiges  sur 
l'hémisphère  boréal,  on  sera  parvenu  à  se  faire  une  idée 
un  peu  exacte  de  la  masse  de  ces  neiges  et  de  la  position 
de  leur  centre  d'inertie,  que  l'on  pourra  aborder  avec 
succès  1  élude  des  variations  annuelles  des  trois  axes  prin- 
cipaux d'inertie  de  l'écorce  terrestre. 

Mais  elle  n'est  nullement  indispensable  dans  un  travail 
sur  les  variations  de  latitude. 

11  ne  nous  reste  donc  qu'à  faire  entrer  dans  nos  formules 
l'expression  de  ces  variations,  réservant  pour  la  suite  de  ce 
travail  l'étude  de  Tinfluence  qu'elles  peuvent  exercer  sur 
la  position  apparente  des  astres. 

Désignons  par  p'  la  valeur  maxima  (positive  ou  négative) 
du  déplacement  du  pôle  d'inertie  relativement  au  pôle 
géographique,  sur  un  méridien  dont  nous  désignerons  par 
M  la  longitude  occidentale  par  rapport  au  méridien  de 
Greenwich,  pour  le  cas  du  maximum,  par  180°  -h  M  pour 
le  cas  du  minimum  ;  de  sorte  que  cette  dernière  longitude 


(  590  ) 
est  celle  du  demi-méridien  sur  lequel  tombe  le  centre  de 
gravité  des  neiges  accumulées  pendant  l'hiver  sur  l'hémi- 
sphère boréal. 

Au  cœur  de  l'hiver,  c'est-à-dire  au  moment  où  celle 
accumulation  est  le  plus  considérable,  on  doit  donc 
avoir,  sur  le  méridien  M,  A<ï>  =  p',  et,  au  cœur  de  l'été, 
A<t>=  —  p,  en  appelant  û$  la  variation  réelle  de  lati- 
tude sur  ce  méridien. 

Cette  variation  n'est  probablement  pas  une  fonction 
continue  du  temps;  elle  doit  être  à  peu  près  nulle  pendant 
quelques  semaines,  en  hiver  comme  en  été.  Il  n'est  pas 
possible  cependant  de  la  représenter  autrement  que  par 
une  fonction  continue  dont  la  période  est  l'année,  et  dont 
la  forme  sera  p'  cos  ( — A  +  0),  forme  qu'ont  déjà  employée 
Comstock  et  Chandler  dans  leurs  formules  empiriques; 
A  ne  nous  semble  pas  devoir  s'écarter  beaucoup  de  300° 
sur  notre  hémisphère,  de  120°  sur  l'hémisphère  opposé. 

Pour  un  lieu  de  longitude  occidentale  G  par  rapport  à 
Greenvvich,  la  formule  serait  : 

p'cos(M  —  G)cos( — A-t-O)     ou     pcos( — A-*-©). 

Si  l'on  trouve  une  valeur  de  A  voisine  de  300°  et  p 
positif  sur  notre  hémisphère,  c'est  que  le  pôle  (d'inertie) 
se  trouvera,  en  hiver,  à  moins  de  90°  de  longitude 
(E  ou  W)  de  Greenwich;  si  la  valeur  de  p  est  négative 
dans  les  mêmes  conditions,  c'est  qu'il  sera  à  plus  de  90° 
de  ce  point. 

Le  coefficient  p  sera  nul,  comme  il  a  déjà  été  dit,  pour 
G  =  M±90°. 

Lorsque  les  observations  de  latitude,  faites  sur  un  grand 
nombre  de  méridiens  différents,  seront  de  nature  à  nous 
indiquer  approximativement  sur  lequel  de  ces  méridiens 


(  591   ) 
les  variations  annuelles  sont  nulles,   nous  connaîtrons 
approximativement  la   valeur  de  M,  qu'il  serait  difficile 
d'établir  à  priori. 

Occupons-nous  maintenant  de  la  recherche  des  formules 
propres  à  déterminer  ces  variations,  en  négligeant  toujours 
les  mouvements  annuels  des  axes  principaux  x  et  y,  et 
dans  le  cas  des  observations  méridiennes  seulement;  et 
considérons  en  premier  lieu  le  passage  supérieur. 

Il  importe  d'abord  de  remarquer  que  les  formules  (I) 
sont  celles  du  mouvement  du  pâle  d'inertie,  que  nous 
appellerons  simplement  pôle,  comme  nous  appellerons 
équaleur  le  grand  cercle  perpendiculaire  à  l'axe  d'inertie; 
lorsqu'il  s'agira  de  leurs  positions  moyennes,  nous  y  ajou- 
terons le  qualific:itif  géographique. 

Soit  <ï>  la  hauteur  (constante)  du  pôle  géographique  en 
un  certain  lieu;  la  hauteur  du  pôle  (d'inertie)  y  sera, 
d'après  ce  que  nous  venons  de  voir,  <î>  -+-  p  cos  ( —  A  -f-  0), 

Pour  un  passage  supérieur,  nous  aurons 

z  =  <{.  -t-  c  cos  ( —  A  -+-  O)  —  S, 

0  étant  la  déclinaison  apparente  de  l'étoile  rapportée  à 
l'équateur  (perpendiculaire  à  l'axe  d'inertie),  comme  nous 
venons  de  le  faire  remarquer  au  sujet  des  formules  (I). 

Si  B„  est  la  déclinaison  apparente  calculée  par  les  astro- 
nomes, qui  ne  tiennent  compte,  dans  leur  calcul,  que  des 
termes  Ng  et  N^  de  ces  formules,  nous  aurons  à  écrire 

AS  étant  la  variation  en  déclinaison  qui  provient  de  la 
nutation  initiale  et  de  la  nutation  diurne,  et  qui  est  égale, 


(  592  ) 

en  général,  à 

Aâ=  —  rcos{U  -+-  Po  —  a) 
-f-  V  j  cos « (cos  'ifli  —  sin 2'j;2:,)  -+-  sin a (sin SyZ^  -t-  cos ^ySi)  j  (*). 

Pour  les  réductions  d'une  seule  étoile,  celte  formule 
s'écrit  plus  simplement 

Aâ^= —  r  cos(U-t-[3  —  a)  ■+■  V  cos (253  —  a)2j  —  ysin(25J  —  a)2,; 

et,  dans  le  méridien,  selon  qu'il  s'agit  d'un  passage  supé- 
rieur ou  inférieur, 

Aâ  =  ^:  'ycos{n  4-  p)  -+-  y'cos(2L  -+-  a)^^  —  vsin(2L  -t-  a)  2,. 

Rappelons  que,  dans  ces  formules, 
\t  représente  9  h-  U,  (f  =  f  +  L,  (3  =  ,80  -t-  L, 
/  =  308''  par  an  (période  de  Chaudler)('); 
Y  et  V  sont  les  coefficients  numériques  de  la  nuiation  ini- 
tiale et  de  la  nutation  diurne;  Sj  et  X^  désignant  les  fonc- 
tions suivantes,  exprimées  en  longitudes  vraies  : 

2,  =  -  4.155  — 0.1 34 cos Q  +  0.558  cos20 

-t-  0.82 cos 2C -+-  0.14cos(2(C—  Q)  —  0.15cos((C—  r'). 
^2  =  —  0.1 80  sin  Q  -*-  0.590  sin^O 

+  0.888sin2C  -+-  0.18sin(2(;—  Q), 

en  négligeant  les  termes  inférieurs  à  0.1  (**). 

Pour  un  passage  supérieur,  nous  aurons  donc,  en  appe- 
lant <[>„  la  latitude  astronomique  égale  à  z  -h  8,,  : 

•fo  =  *  -4-  p  ces  ( —  A  -»-  O)  -+-  y  cos  {it  -+-  p) 
-t-  vsin(2L  -4-  a)  2,  —  vcos(2L  -*-  ix)l^, 


(*)   annuaire  de  l'Observatoire  de  Belgique,  1893,  p.  280. 
(**)  Loc.  cit.,  p.  312,  où  CCS  expressions  sont  plus  complètes. 


(  593  ) 

ou,  en  faisant 

psinA  =  r,     pcosA  =  s,     ysinp==M,     rcos(3  =  v, 

ysin(2L -+- a)  =  f,     i/cos(2L -t- a)  =  ij  : 

(1)^  =  <i,  H-scosO  -+-  rsinO  -+-  vcosit  —  t^sin/ï-+-  Ç2,  —  tfij. 

Soit  <ï>„  la  moyenne  des  latitudes  astronomiques 
observées, 

*o  "tm  =  W>        *  *m  =  ^» 

on  aura  enfin 
n  =  z  -*-  scosQ  ■*-  rsinO-H  rcos/f  —  usimt  -*-  Ç2i  —  *i^i- 

Pour  un  passage  inférieur,  on  s'assurerait  aisément 
qu'il  sulTit  de  changer  les  signes  de  i  et  de  r\. 

C'est  au  moyen  de  celle  simple  remarque  que  j'ai  pu 
déterminer  la  nutalion  initiale  indépendamment  de  toute 
erreur  de  réduction  (*),  comme  Chandier  l'a  fait  égale- 
ment (*'). 

Il  est  à  remarquer  que,  pour  la  réduction  de  la  décli- 
naison d'une  étoile,  on  aurait  des  équations  absolument 
analogues. 

Cette  équation  renferme  déjà  7  inconnues;  elle  est 
cependant  encore  fort  incomplète  :  elle  devrait  renfermer, 
en  effet,  surtout  quand  il  s'agit  de  calculer  un  terme 
annuel,  la  correction  de  la  constante  de  l'aberration  ainsi 
que  la  parallaxe;  puis,  s'il  s'agit  d'une  étoile  de  très  forte 
déclinaison,  les  termes  du  second  ordre  de  l'aberration 
systématique,  qui  deviennent  sensibles  dans  ce  cas  (***); 


(")   Annuaire  pour  1892. 
(*')  Astronomical  Journal,  n»  287,  1893. 

(•")  Au  moyen  de  ces  termes,  nous  avons,  le  premier,  déduit  des 
observations  de  Gyldcn,  par  un   calcul  direct,  la  direction  et  la 
3°"   SÉRIE,    TOME    XXVI.  39 


(  594  ) 
enfin,  si  l'on  voulait  en  faire  usage  pour  le  calcul  de  la 
nulalion  diurne,  la  correction  des  termes  en  20  de  la 
formule  de  Peters,  termes  dont  le  cotiricient  n'est  certai- 
nement pas  le  même  pour  l'écorce  que  pour  la  Terre 
solide. 

Il  faut  donc  arriver  à  réduire  le  nombre  des  incon- 
nues. 

Tout  d'abord,  on  laissera  de  côté  la  dernière  ainsi  que 
les  deux  inconnues  relatives  à  la  nulation  diurne,  et  enfin 
la  parallaxe  et  l'aberration  systématique. 

Restent  encore  six  inconnues. 

Nous  pensons  qu'il  est  possible  de  les  réduire  à  cinq 
dès  aujourd'hui,  et  à  quatre  dans  un  avenir  assez  rap- 
proché. 

Quant  à  la  nutalion  initiale,  les  deux  inconnues 
M  =  Y  sin  [ii  et  u  =  y  cos  p  se  réduisent  à  une  seule  y, 
en  admettant  que  l'angle  p  est  connu,  ce  que  l'on  verra 
confirmé  ci-dessous. 

El  quant  au  terme  annuel,  les  inconnues  r  =  p  cos  A, 
5=p  cos  A  pourront  bientôt  être  réduites  à  la  seule 
inconnue  p,  car  A  ne  tardera  pas  à  être  connu  avec  une 
approximation  suffisante. 

Cherchons  à  déterminer  a  priori  la  valeur  de  l'angle  p. 

Dans  ce  but,  nous  recourrons  à  un  certain  nombre  de 
déterminations  qui  en  ont  été  faites  en  employant  la 
période  de  Chandier. 

vitesse  du  mouvement  systématique.  Nous  avons  trouvé,  pour  l'as- 
cension droite  de  l'Apex,  277»,  valeur  qui  concorde  parfaitement 
avec  celle  que  l'on  a  déduite  des  mouvements  propres  des  étoiles;  et, 
pour  la  vitesse  projetée  sur  l'équateur,  une  valeur  égale  au  double 
de  celle  de  la  Terre.  {Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  1895.) 


(  595  ) 
1°  Nous  avons  donné  (*)  les  valeurs  suivantes  de  la 
constante  de  la  nutation  initiale  et  de  Tangle  P,  déduites 
des  jR   de  la  polaire   observées   par   Struve  à  Dorpat, 
l'origine  étant  le  1"  avril  de  chaque  année  : 

Années.     ...        1825  .1824  1825 

r 0.080  0.075  0.083 

p 257°  247»  254° 

On  en  déduit,  pour  le  1"  avril  1824,  [3  =  246»;  et 
pour  le  {"janvier,  en  adoptant  la  période  de  Chandler, 
169°;  valeur  qui,  ramenée  à  Pouikova,  devient  : 

p  =  165».5         Pouikova  1824  0. 

2°  Des  observations  de  Pelers,  en  y  appliquant  la 
période  de  Chandler,  j'ai  déduit  : 

p  =  l«.5         Pouikova  1842.0. 

5°  Nyrén  a  trouvé,  mais  en  appliquant  la  période  de 
305  jours,  ce  qui  rend  la  détermination  beaucoup  moins 
sûre,  et  en  faisant  usage  des  observations  de  W.  Struve 
dans  le  premier  vertical  : 

^  =  224"         Pouikova  1850.0. 

À"  Newcomb  a  donné  p  =  0  pour  1 864.94  Washington  ; 
d'où 

p=    18».5  pour  1865.0  Washington 
etp  =  271"     pour  1865.0  Pouikova. 


(*)  Annuaire  de  l'Obs.  de  Belg.,  1891,  pp.  2-16  et  suivantes  et 
p.  271.  Nous  ferons  remarquer  que  les  observations  portant  seule- 
ment sur  un  intervalle  de  temps  de  Irois  mois,  l'erreur  provenant 
de  l'inexactitude  de  notre  période  est  insignifiante. 


^  Ji96  j 

5"  Des  dix  années  d'observation  de  la  latitude  de  Green- 
wich,  résumées  par  Downing,  j'ai  déduit  : 

1868.0  p  =  278".3  Greenwich  =  248».3  Poulkova 
1875.0  p  =  351  ".8         —        =32!».5        — 

6°  Des  observations  de  Honolulu,  M.  Nieslen  a  déduit: 

1891  0  ^  =  300°  Honolulu  =  153».2  Poulkova. 

Comme  les  deux  déterminations  résultant  des  observa- 
lions  de  Downing  ne  concordent  entre  elles  qu'à  13°  près, si 
l'on  admet  l'accroissement  annuel  de 308°,  concordance  déjà 
fort  belle  cependant,  nous  en  prendrons  la  moyenne,  soit 

p  =  285»  1870.5  Poulkova 
ou  ^  =  151°  1870.0        —      (*). 

Nous  voici  en  présence  de  cinq  résultats  qui  peuvent 
nous  inspirer  confiance.  Ils  sont  tous  rapportés  à  Poul- 
kova. 

N°  1  N»  2  N"  3  N"  4  N"  5 

Années       1824.0        1842.0        1865.0        1870.0        1891.0 
165".5  1».5  271»  131»  153» 

Pour  vérifier  jusqu'à  quel  point  ils  concordent  entre  eux, 
nous  passerons  de  l'un  à  l'autre  en  s\ipposant  un  accrois- 
sement de  300°  -f-  X. 


(*)  On  en  déduirait  27»  pour  1872.0,  tandis  que  Downing  donne 
175».  Si  la  différence  n'est  pas  de  180»,  cela  tient  à  ce  que  Downing 
avait  fait  usage  de  la  période  de  SOS  jours.  (Voir  la  note  antérieure 
sur  ce  sujet.) 


(597) 
Les  différeoles  combinaisons  nous  donneronl,  par 

1  et  2:  1G5.5 -t- i8x  =  561.5,  x  =  'I0».9 

1  et  5  :  165.0 -4- 41  x  =  571.0,  a;  =    9*.9 

1  et  4  :  165.5 -t- 46  x  =  631.0,  a;  =  10''.0 

1  et  5  :  165.S -t-67x  =  747.5,  x  =  llM 

2  et  5  :       1.5 -t- 25  x  =  211.0,  x=   9».2 
2  et  4  :       1.5  +  28  x  =  371.0,  x  =  13».2 

2  et  5  :       1.5 -t- 49a:  =  553.0,     x  =  ll».5 

3  et  4:  2710-*-    5  x  =  431.0,     .r  =  Sa-.O 

3  et  5  :  271.0  -t-  26  x  =  613.0,     x  =  13M 

4  et  5  :  151.0 -t- 21  x  =  313.0,     x=    8».7. 

L'une  de  ces  valeurs  est  absolument  à  rejeter,  si  l'on 
admet  que  la  période  de  Chandler  approche  de  l'exacti- 
tude :  c'est  celle  de  oS"  résultant  de  la  combinaison  des 
détermination  3  et  4. 

Mais  il  n'est  guère  possible  de  décider  d'après  ce 
tableau  si  c'est  5  ou  4-  qu'il  faut  rejeter. 

Si  on  les  rejette  loutes  deux,  il  ne  restera  que  les 
valeurs 

xr^rrlO^O,     ll°.l,     11  ".ô;     moycHne  :  1 1 '.1 . 

Si  l'on  ne  rejette  que  la  combinaison  des  détermina- 
tions 5  et  4,  qui  sont  séparées  entre  elles  d'un  intervalle 
de  cinq  ans  seulement,  on  a  : 

x  =  10".9,  9".9,  lO^O,  IIM,  90.2,   15<'.2,  ll°.5,  15M,  8«.7^ 
moyenne  :  x  =  10°.9. 

Si  l'on  rejette  enfin  la  détermination  4  seule,  qui 
semble  la  moins  sûre,  comme  nous  le  verrons,  on  trouve 
x  =  i0°.9. 

On  peut  donc  considérer  avec  confiance  la  valeur  de 


(  598  ) 
311"  (au  lieu  de  308°,  Chandier)  comme  celle  de  l'accrois- 
semenl  annuel  de  l'angle  (3  ;  ce  qui  répond  à  une  période 
de  425  jours  (au  lieu  de  427)  que  Chandier  lui-même  et 
d  autres  astronomes  avaient  considérée  comme  la  véri- 
table. 

Si  maintenant  on  cherche  à  déterminer  l'angle  ê  pour 
Pouikova  1890.0  au  moyen  de  chacune  des  déterminations 
précédentes  et  de  l'accroissement  annuel  de  311°,  on 
trouve  que  la  valeur  déduite  de  la  quatrième  détermina- 
tion est  en  discordance  complète  avec  les  autres.  Ces  der- 
nières donnent 

t2-2°.5,     IGO^S,     125°     et     182";     moyenne  150»  (*)• 

Et  pourGreenwich,  1890.0,  (3==  120°. 

Cette  valeur  paraît  exacte  à  une  vingtaine  de  degrés 
près  et  pourra  servir  à  éliminer  l'inconnue  [3  de  l'équa- 
tion pour  une  époque  et  un  lieu  quelconques,  en  employant 
l'accroissement  annuel  de  31 1°,  et  celui  de  1°  par  degré  de 
longitude  occidentale  par  rapport  à  Greenvvich. 

Un  fait  important  et  très  satisfaisant  ressort  de  cette 
discussion  :  c'est  que  la  période  de  la  nutation  initiale  est 
bien  constante,  quoi  qu'en  aient  pu  dire  quelques  astro- 
nomes et  physiciens  des  plus  éminents,  puisqu'elle  nous  a 
fourni  des  résultats  concordants  depuis  1 824  jusqu'en  1891 . 

La  recherche  de  la  nutation  initiale  n'est  toutefois  pas 
terminée  encore;  la  constante  angulaire  n'en  est  pas  suffi- 
samment connue,  la  constante  numérique  moins  encore. 

Le  second  terme  de  la  nutation  initiale,  qui  entre  dans 


(*)  En  parlant  de  la  valeur  de  Nyrén,  §  ==  224»  Pouikova  1850.0, 
on  trouverait,  pour  1890,84°  qui  diffèrent  de  66»  de  notre  moyenne. 


(  599  ) 
les  formules  de  Laplace  et  que  nous  avons  provisoirement 
négligé  parce  qu'il  a  B  —  A  pour  facteur,  esl-il  insen- 
sible? 

Sa  recherche  serait,  en  (ous  cas,  actuellement  préma- 
turée. 

Indépendamment  de  la  variation  apparente  de  latitude 
qui  en  provient,  et  de  la  variation  réelle  produite  par  le 
déplacement  annuel  du  pôle  d'inertie  à  la  surface  de  la 
Terre,  exisle-t-il  des  variations  séculaires,  comme  Pergola 
croit  l'avoir  démontré  (*)  ? 

Cette  importante  question  encore  ne  sera  pas  résolue 
avant  longtemps.  Pour  pouvoir  l'aborder  avec  succès,  il 
faudra  avoir  obtenu  des  déterminations  de  latitude  exemptes 
des  deux  grandes.causes  d'erreur  que  nous  venons  de  citer, 
et  de  celle  qui  réside  dans  l'inexactitude  probable  de  la 
constante  de  l'aberration  (**). 

Jo  laisse  de  côté  la  nulalion  diurne,  dont  la  période  la 
plus  importante  est  semestrielle,  qui  n'a  qu'un  coefTicient 
numérique  v  =  0".0o  environ,  et  qu'on  pourrait  introduire 
dans  le  calcul  en  prenant,  de  plus,  la  longitude  orientale 
du  premier  méridien  L  égale  à  0  ou  12  heures  pour  Green- 
vi'ich. 


(*)  Dcterminazionc  délia  lalitudinc  di  Capo  dcl  Monte. 

(**)  Comme  la  période  de  l'aberration  est  également  annuelle,  afin 
d'éviter  que  les  coclïicients  de  sa  corrcclion  ne  soient  à  peu  près  les 
mêmes  que  ceux  de  la  variation  réelle  de  la  latitude,  ce  qui  condui- 
rait à  une  quasi-indétermination,  il  sera  très  utile  de  faire  porter  les 
observations  sur  des  étoiles  dont  l'ascension  droite  est  voisine  de  celle 
qui  résulte  de  la  formule  cos  (Q-t-P)  =±sin  (O  —  A),  dans  laquelle 
cos  (O  -+-  P)  représente  symboliquement  le  facteur  périodique  de 
l'aberration  en  déclinaison. 


(  600  ) 


CHAPITRE  II. 

Expressions  complètes  des  variations  de  coordonnées  des 

ASTRES  PAR  RAPPORT  A  l'ÉQUATEUR  GÉOGRAPHIQUE. 

Nous  avons  démontré  précédemment  que  l'on  ne  peut 
pas,  sans  se  mettre  en  contradiction  avec  la  délinition 
capitale  de  l'heure,  prendre  pour  point  de  référence,  dans 
les  formules  astronomiques,  le  pôle  instantané  de  rotation 
de  la  Terre,  puisque  ce  pôle  déterminerait  un  méridien 
qui  se  transporterait,  en  deux  cents  jours  environ,  de  sa 
position  extrême  orientale  à  sa  position  extrême  occiden- 
tale, ou  vice  versa,  et  que  l'amplitude  de  ce  mouvement 
dépendrait,  pour  chaque  observatoire,  de  la  latitude  de 
celui-ci. 

En  admettant  l'invariabilité  du  pôle  géographique  à  la 
surface  de  la  Terre,  nous  avons  donné  les  formules  com- 
plètes de  la  nutation  de  ce  pôle,  que  nous  supposions  être 
le  pôle  d'inertie. 

Depuis  lors,  comme  on  l'a  vu,  nous  avons  été  amené  à 
reconnaître  une  variation  réelle  du  pôle  d'inertie,  que  nous 
avons  expliquée  par  l'accumulation  des  neiges,  pendant 
l'hiver,  sur  les  continents  de  l'hémisphère  boréal,  com- 
binée avec  l'hypothèse,  bien  démontrée  aujourd'hui,  de 
la  fluidité  intérieure  du  globe  au-dessous  de  son  écorce 
solide. 

Les  preuves  astronomiques  de  cette  fluidité  intérieure 
sont  les  suivantes  : 

a.  C'est  en  partant  de  cette  hypothèse  que  nous  avons 
démontré  l'existence  et  déterminé  les  constantes  de  la 
nutation  diurne: 


(  601  ) 

b.  Comme  conséquence  de  celle  exislence,  nous  avons, 
le  premier,  conclu  que  la  période  de  la  nulalion  iniliale, 
évaluée  correclement  à  505  jours  pour  une  Terre  solide, 
devrail  êlre  irop  courle; 

c.  Nous  avons  enfin  déduit  de  la  fluidité  intérieure  du 
globe  que  l'accumulation  des  neiges  hivernales  sur  notre 
hémisphère  a  pour  effet  de  déplacer  le  pôle  d'inertie  vers 
l'Amérique  du  Nord,  et  expliqué  ainsi  ces  variations 
annuelles  de  latitude  que  Comslock,  Gould  et  Chandier 
avaient  inlroduiles  empiriquement  dans  leurs  formules. 

Nous  nous  proposons  d'exposer  ici,  aussi  complètement 
que  possible,  les  formules  des  variations  de  coordonnées 
des  étoiles,  en  tenant  compte  des  trois  nutalions  de  l'axe 
d'inertie  (nulation  bradiéenne,  natation  eulérienne  et 
nutation  diurne)  ainsi  que  du  mouvement  du  pôle  d'inertie 
dont  nous  avons  démontré  l'existence. 

Nous  appellerons  pôle  géographique  la  position  moyenne 
occupée  par  le  pôle  d'inertie  entre  ces  deux  positions 
extrêmes. 

Les  observations  témoignent  que  la  distance  du  pôle 
d'inertie  au  pôle  géographique  ne  doit  guère  excéder  0".2. 

Il  en  résulte  que  nos  précédentes  formules,  qui  se  rap- 
portent, en  toute  rigueur,  au  pôle  d'inertie,  sont  appli- 
cables au  cas  où  le  pôle  géographique  est  pris  comme  point 
de  référence,  à  la  condition  d'y  faire  entrer  la  variation 
que  nous  venons  de  prouver. 

A  la  vérité,  la  cause  qui  produit  cette  variation  a  égale- 
ment pour  effet  de  déplacer  les  axes  des  moments  d'iner- 
tie A  et  B;  mais  elle  n'altérerait  la  valeur  de  ceux-ci  que 
dans  une  proportion  minime. 

La  seule  conséquence  appréciable  qui  en  résulterait 
serait  un  déplacement   périodique  du   premier  méridien 


(  fi02  ) 
^l  s'accuserait  seulement  dans  les  formules  qui  renferment 
sa  longitude,  c'est-à-dire  surtout  dans  celles  de  la  nulalion 
diurne.  C'est  là,  pour  cette  théorie,  une  source  nouvelle  de 
difficultés  que  nous  chercherons  à  éliminer  dans  les  appli- 
cations. 

Ici  nous  pourrons,  vu  la  petitesse  des  termes  que  nous 
cherchons,  supposer  B  =  A  pour  l'écorce,  en  sorte  que  la 
position  de  l'axe  X  est  indifférente. 

Soit  1  l'angle  que  fait,  à  un  instant  quelconque,  avec  le 
premier  méridien  passant  par  cet  axe,  le  méridien 
d'inertie,  dans  le  sens  duquel  s'avance  le  pôle  d'inertie  de 
l'été  à  l'hiver;  les  projections  de  la  vitesse  de  rotation  n 
de  la  Terre  autour  des  trois  nouveaux  axes  z,  x,  y,  seront 

ncosA^  =  n,     wcoslA*,     nsinlA*, 

AO  représentant,  à  cet  instant,  la  distance  du  pôle 
d'inertie  au  pôle  géographique. 

Les  composantes  /  et  m  de  la  vitesse  de  rotation  autour 
des  axes  primitifs  principaux  des  X  et  des  Y  étant  très 
petites,  leurs  projections  autour  des  nouveaux  axes  x  et  y, 
qui  ne  s'écartent  des  premiers  que  d'une  quantité  de 
l'ordre  A<ï),  resteront  égales  à  ces  composantes  mêmes. 

Les  trois  vitesses  angulaires  /,  m,  n  se  conservent  donc 
sans  altération  autour  des  nouveaux  axes  qui  ont  pour 
pôle  le  pôle  géographique. 

Et  nos  formules  précédentes,  dans  lesquelles  nous  con- 
sidérions le  pôle  géographique  comme  un  pôle  d'inertie 
invariahie,  sont  applicahles  au  nouveau  cas  que  nous 
considérons;  mais  nous  avons  à  y  ajouter  les  termes  pro- 
venant des  deux  vitesses  nouvelles  que  nous  venons  de 
trouver. 


(  603  ) 
Celles-ci  produisent  des  variations  en  obliquité  et  en 
longitude  données,  comme  on  sait,  par 

do 

—  =  »A<i)  ( —  ces  I  cos })  -4-  sin  I  si  n  y) 


0) 


=  —  n  cos(I  ■+■  y)  At. 

dp 
—  sinâ  —  ==  nA<i)  (cosl  sin?  -+■  sini  cosp) 

=  n  sin(I  ■+■  y)  A*. 

A<ï>  pourra  se  représenter  par  f  cos  ( — A-hO)  Du  moins 
n'esl-il  pas  possible  de  représenter  autrement  cette  fonc- 
tion, quoiqu'elle  soit  peut-être  discontinue,  en  ce  sens 
qu'elle  pourrait  ne  pas  varier  durant  un  certain  temps, 
au  cœur  de  l'été  comme  au  cœur  de  l'biver. 

La  substitution  de  cette  valeur  et  celle  d'une  somme  de 
cosinus  à  leur  produit,  dans  les  formules  précédentes, 
donneront  : 

dô  nil        <j>  -*-l  —  A  -+-  O  y  -♦- 1  4-  A  —  O  ) 

—  = { cos h  cos 

dt  '■Il  2  2  i 

(2)     ; 

d^  nii  ,     a-i-I  — A-t-0        .    f -H  1 -f- A  —  ©j 

—  sinô— -=  —  sm --t-sin— — — - 

dt  "I  {  2  2 

L'intégration  donnerait  lieu,  comme  on  le  voit  immé- 
diatement, à  des  termes  d'une  période  bidiurne. 

Mais  ces  termes  sont  tellement  faibles  que  l'astronomie 
ne  pourrait  les  déterminer  séparément. 

Nous  devrons  donc  ici  négliger,  comme  l'a  fait  Laplace, 
le  mouvement  du  soleil  vis-à-vis  du  mouvement  diurne; 
et  nous  pourrons  admettre  de  plus,  pour  la  même  raison, 
que  le  premier  de  ces  mouvements  a  une  vitesse  uniforme. 


(  604  ) 
L'intégration  donnera  alors  simplement 

t(   .    «>-t-I  —  A-4-0        .    ji-ï-I-f-A—  O 

Ae  = {sm H  sin 

4|  2  2 

i 

(5)    \  =  —  -sin(î)-t-l)cos( — A -f-o);  et,  de  même, 

—  sineA-^  =  —  -  005(53 -♦-I)cos(—A-t-0). 

D'où  l'on  tire,  en  appelant  yj  l'angle  horaire  de  l'astre, 
égal  à  t  —  a,  et  en  faisant  =  L-f-f,  L-4-  I  =  M: 

A^  =  —  -  cos  { — Ah-  O)  cos  (M  -4-  >/), 

cot(?Aa=      â^^^( — A-4-0)  sin  (!Vl-4-iy)  (*). 

Dans  le  méridien,  selon  qu'il  s'agit  d'un  passage  supé- 
rieur ou  d'un  passage  inférieur,  on  a  vj  =  0  ou  >?  =  12  heu- 
res ;  et,  par  conséquent, 

/  î 


(S). 


Ac?  =  ^  -  cosM  cos( — A-»-0), 


cotJAa  =  =b  -sin M  cos( — A-*-0), 


les  signes  supérieurs  et  inférieurs  se  rapportent  aux  pas- 
sages de  même  nom. 

Lorsque  les  latitudes  sont  déterminées  au  moyen  des 
déclinaisons  observées,  on  voit  qu'on  pourra  éliminer  les 
variations  annuelles  de  latitude  par  la  combinaison  : 

1°  De  deux  observations  pour  lesquelles  les  longitudes 
du  Soleil  diffèrent  entre  elles  de  180°; 

(*)  L'omission  au  terme  indépendant  de  tg  S  est  voulue,  comme 
nous  l'avons  dit,  {Annuaire  pour  1893,  p.  510.) 


(  60.^  ) 

2°  De  deux  observations  faites  à  la  même  date  en  deux 
lieux  dont  les  longitudes  diffèrent  entre  elles  de  180°. 

Cette  variation  annuelle  de  la  latitude  produit  donc  des 
effets  analogues  à  ceux  de  la  nutation  initiale,  ce  qui 
résulte  de  ce  que  sa  période  est  diurne,  comme  celle  de 
cette  dernière. 

Mais  elle  a,  sur  la  nutation  initiale,  cet  avantage  pré- 
cieux que,  sa  période  étant  exactement  connue,  on  peut 
éliminer  cette  variation  par  la  combinaison  de  deux  obser- 
vations laites  à  six  mois  de  dislance. 

Les  termes  qui  précèdent  sont  à  ajouter  à  ceux  que 
nous  avons  développés  dans  une  notice  antérieure  (*). 

Dans  le  résumé  qui  suit,  nous  commencerons  par  repro- 
duire les  formules  qui  résultent  de  celles  de  Peters,  si  l'on 
y  substitue,  comme  nous  avons  démontré  qu'il  faut  le  faire 
dans  une  intégration  rigoureuse,  au  facteur  j^,  employé 
uniformément  dans  tous  ses  termes,  le  facteur 

et  comme  —  sin6A<ï>  intervient  dans  les  formules  de  réduc- 
tion plutôt  que  —  A6,  c'est  celte  première  expression 
dont  nous  donnerons  la  valeur  numérique. 

Indépendamment  de  celle  modification  exigée  par  la 
rigueur,  nous  en  introduirons  une  autre,  fort  avantageuse 
en  pratique  :  nous  convertirons  les  longitudes  moyennes 
de  la  Lune,  dont  Peters  a  fait  usage,  en  longitudes  vraies, 
en  nous  bornant  à  écrire 

sin  ^         sin  ^_  sin  sin 

C=      2(r  +  o.ii      (^4-r')-o.n       (5f  — r'). 

ces  cos  ces  ces  ^ 


(*)  Annuaire  pour  1893. 


(  606  ) 

Nous  nous  sommes  assuré  que  les  termes  en  cos(3C,— F'), 
qui  ne  sont  pas  négligeables  dans  les  formules  de  Peters, 
disparaissent  ainsi  presque  entièrement,  comme  le  font,  du 
reste,  ceux  en  (3  0„  —  T). 

Les  formules  de  Peters,  ainsi  modi-fiées,  seront  (1900) 

Ao  =  9.2'24cosQ  — 0.090cos2Q-4-0.553cos20 
-\-  0.009  CCS  (O  -♦-  r)  —  0.007  ces (2©  —  Q) 
-+-  0.003  cos(30  —  r)  -+-  0.092  ces  2(; 
-+-0.018cos(2C  — Q). 
(6)    /  —  sineA^  =  wl -t- 6.868  sinQ  — 0.082  sin2Q -4- 0.508  sin 2© 

—  0.051  sin(©  —  r)  -♦-  0.008sin(o  +  r) 

—  0.005  sin (2©  —  Q)  -+-  0.002*  sin (3©  —  r) 
-t- 0.088 sin2C  —  0.028 sin(C  —  r') 
H-  0.01 56  sin (2C-Q)-*- 0.005  sin  (C-t-r') 

A  ces  formules,  qui  se  rapportent  au  pôle  ou  à  l'équa- 
teur  géographique,  nous  avons  encore  à  ajouter  celles  de 
la  nutation  initiale,  de  la  nutation  diurne  et  de  la  varia- 
tion annuelle  de  la  latitude. 

Nous  donnerons  ces  dernières  directement  en  AK  et  en 
déclinaison  (*)  : 


(7) 


àS  =  —  ycos  {il  H-p+i})  — vsin(L'. 
A  +  ©). 
■+-fj)  —  vsin(L' 


cos(M-i-ij)  CCS 


col  ^Aa  =       y  sin  {it 


2)ï)S, -4-vcos(L'-t-2i?)2i 


2.})Sj  — >'C0s(L'^-2.,)X, 


sin(M-t-ij)  cos  (— A-4-©). 


(*)  Pour  le  calcul  des  deux  premiers  termes,  voir  V Annuaire 
pour  1893,  pp.  309-3  H. 


(  «07  ) 

Dans  ces  formules,  y,  v  el  i  sonl  les  coefficients  respec- 
tifs de  la  nulation  initiale,  de  la  nutalion  diurne  et  de  la 
variation  annuelle  de  latitude,  P  =  po  -•-  '^>  Po  ^^^^^  ""^ 
constante  arbitraire,  L  la  longitude  orientale  du  premier 
méridien  par  rapportai!  lieu  d'observation;  L'  =  2L  ■+•  a^ 
n  =  t  —  a,t  désignant  l'heure  sidérale;  M  el  A  sont  des 
constantes;  M  ==  I  -+-  L  variera,  comme  p,  avec  la  longi- 
tude de  l'observatoire;  S,  el  S.2  sont  des  fonctions  dont 
nous  avons  donné  antérieurement  les  expressions  en  longi- 
tudes vraies. 

A  ces  termes,  nous  ajouterons  encore  les  expressions 
que  nous  avons  trouvées  de  ceux  du  second  ordre,  prove- 
nant, soil  de  la  nutation,  soit  de  l'aberration,  soit  de  leur 
combinaison,  soil  enfin  de  la  combinaison  de  l'aberration 
annuelle  et  de  l'aberration  systématique  (*). 

Au  moyen  de  ce  dernier  terme,  nous  avons  pu  déduire 
des  hauteurs  du  pôle  observées  par  Gyidén  à  Pouikova,  la 
direction  {A\  =  277°)  et  la  vitesse  (double  de  celle  de  la 
Terre)  du  système  solaire  (**). 

C'est  la  première  lois  que  ces  quantités  sonl  détermi- 
nées directement  par  le  calcul. 

Nous  représentons  par  A„a,  A„ô  la  réduction  au  lieu  vrai, 
par  A«,  A5  lescoefficienlspériodiquesdela  réduction  au  lieu 
apparent  due  à  l'aberration  annuelle,  par  Aa  =  A„a-t-/cAa, 
A8  =  A„5  +  kXs  les  termes  du  premier  ordre  delà  réduc- 
tion complète  au  lieu  apparent;  ceux  du  second  ordre 


(*)  Nous  avons  donné  ces  expressions  dans  notre  Traité  des  réduc- 
tions stellaircs,  el  sommes  parvenu  depuis  lors  à  les  mettre  sous  une 
forme  plus  simple. 

(**)  BiiU.  de  l'Acad,  roy.  de  Belgique,  1895. 


(  608  ) 
seront 

A*(y=  — icot(?(Aaf-t-A: cosOAâ— |sin2Jcos*<y(A^a)'. 

A*jc=- (i— ico.sV)AaA(î— tg(îcot0A/i. 

sin2(î 

Les  termes  périodiques  de  l'aberralion  systématique 
sont,  si  l'on  désigne  par  h!  sa  constante  réduite  (à  l'équa- 
teur),  par  A'  VM  de  l'Apex  : 

!A'§  =  /:'sin(Jsin(A'  —  a)A|j,. 

r  2                I 

a;  =  k'sec§    cos(A'  —  a) A ^— ; sin (A'  —  a) Aj 

I  sinJo                         J 

Les  formules  (6),  (7),  (8)  représentent,  comme  nous 
l'avons  fait  remarquer  dans  l'article  cité  (*),  le  mouvement 
du  ciel  par  rapport  à  Véquateur  géographique  considéré 
comme  fixe;  et  leur  application  à  de  bonnes  observations 
confirmera  cette  fixité. 

Maintenant  que  nous  avons  prouvé  la  variabilité  même 
du  pôle  d'inertie,  qui  était  considéré  comme  le  centre  du 
mouvement  du  pôle  instantané,  nous  pouvons  répéter,  avec 
plus  de  confiance  encore,  les  lignes  qui  terminent  cet 
article;  nous  y  substituerons  seulement  le  nombre  trois  au 
nombre  deux,  dans  la  mention  des  nutalions  à  courte 
période,  en  considérant  comme  telle  dans  les  formules, 
conformément  à  la  remarque  que  nous  en  avons  faite,  la 
variation  annuelle  du  pôle  d'inertie  : 

«  On  a  vu  que  la  théorie  rigoureuse  de  la  nutation 


(*)  vc/miuaiVe  pour  1893,  p,  307. 


(  609  ) 

n  exige  impérieusement  que  l'on  prenne  le  pôle  géogra- 
»  phique  comme  point  de  référence,  et  que,  par  suite,  on 
»  ajoute  aux  formules  habituellement  employées  par  les 
»  astronomes  les  trois  nutations  à  courte  période. 

»  Après  avoir  lu  ces  quelques  pages,  les  astronomes- 
»  géomètres  se  demanderont,  non  sans  un  certain  éton- 
»  nement,  comment  ils  ont  pu  se  laisser  entraîner,  par 
»  Oppoizer,  à  perdre  de  vue  la  saine  interprétation  que 
»  nous  venons  de  donner  des  formules  d'Euler  et  de 
»  Laplace,  et  à  substituer  en  conséquence  la  notion  com- 
»  pliquée  du  pôle  astronomique,  dont  on  n'est  pas  en 
»  mesure  de  fixer  la  position,  à  la  notion  simple  et  bien 
»  définie  du  pôle  géographique.  » 

Il  y  a  dans  les  formules  (7)  et  (8)  bien  des  inconnues, 
sans  nous  occuper  de  celles  qu'il  y  aurait  à  introduire 
dans  les  formules  (6),  où  les  coefficients  des  termes  dépen- 
dant des  longitudes  du  Soleil  et  de  la  Lune  devront  être 
modifiés  à  raison  de  la  fluidité  intérieure  du  globe,  ni  de 
la  correction  inévitable  de  la  constanle  de  l'aberration, 
dans  le  calcul  de  laquelle  il  n'a  pas  encore  été  tenu 
compte  ni  des  trois  nutations  à  courte  période  (7),  ni  de 
l'aberration  systématique  (8). 

Quant  à  la  nutalion  initiale  et  à  la  variation  annuelle 
du  pôle  d'inertie,  nous  répéterons  ce  que  nous  avons 
dit  de  la  première  et  confirmé  par  les  applications  :  c'est 
qu'on  les  déterminera,  en  éliminant  toutes  les  autres 
corrections,  par  l'observation  de  passages  supérieurs 
et  inférieurs  consécutifs. 

Pour  la  nutation  diurne,  il  faudrait  surtout  pouvoir 
observer,  à  six  heures  d'intervalle,  des  étoiles  distantes  de 
quelques  minutes  seulement  du  pôle. 

Nous  laisserons  celle-ci   provisoirement  de  côté;  elle 

3""   SÉRIE,    TOME    XXVI.  40 


(  (îiO  ) 

est,  pensons-nous,  moins  considérable  que  les  deux 
autres,  et,  surtout,  elle  touche  de  beaucoup  moins  près  à 
la  grande  question  à  l'ordre  du  jour  :  celle  des  variations 
de  latitude. 

Occupons-nous  donc  spécialement  des  termes  suivants 
de  la  formule  (7)  : 

(9)  Aâ  =  —  r  cos  (/<  -f-  (3  -+-  n)  —  -  cos  (M  -+-  n)  cos  (A  -t-  ©), 

(10)  colc?Aa=      r^in('/-+-(3-H") -+--sin(M-f-w)cos(Â-+-0), 

et  plus  particulièrement  de  la  formule  (9),  qui  se  rapporte 
au  mode  d'observation  le  plus  usité  pour  la  détermination 
des  latitudes,  et  qui  s'écrira  pour  le  passage  supérieur, 
observé  dans  ce  mode  : 

(M)         A^=  — r  cos(/f-4-  p)  — -cosMcosf— A  h- O). 

Cette  formule  renferme  cinq  inconnues,  y,  v,  t.,  (3,  /cos M 
et  A;  y,  i  et  A  sont  constantes  pour  tous  les  observatoires, 
à  la  condition  de  faire  varier  A  de  480°  pour  l'hémisphère 
austral;  ^  augmentera  de  1°  par  degré  de  longitude  occi- 
dentale; M  de  même,  et,  par  suite,  i  cos  M  variera  d'un 
observatoire  à  l'autre. 

t  est  égal  à  Y»  T  étant  la  période  de  la  nutation  ini- 
tiale. 

Nous  venons  de  la  déterminer  aussi  exactement  que 
possible  par  les  observations,  de  même  que  l'angle  Ç>;  le 
nombre  des  inconnues  se  réduirait  ainsi  à  trois,  parmi 
lesquelles  l'une,  A,  ne  tardera  pas  à  être  connue.  Il  ne 
restera  plus  alors  que  les  inconnues  y  et  /cos  M.  Encore 


(  ()M    ) 
pourra-t-on  éliminer  celle  dernière  par  la  combinaison  de 
couples  d'observations  faites  à  six  mois  d'intervalle. 

Il  sera  intéressant  toutefois  de  la  déterminer  dans  plu- 
sieurs observatoires  différant  entre  eux  en  longitude  de 
une  à  six  heures,  ou  davantage;  on  pourra  ainsi  lixer 
approximativement  la  position  du  méridien  d'inertie,  sur 
lequel  les  variations  annuelles  de  latitude  seront  un  maxi- 
mum (positif  on  négatif),  tandis  qu'elles  seront  nulles  sur 
le  méridien  perpendiculaire  à  ce  dernier. 

Il  va  de  soi,  comme  nous  l'avons  fait  remarquer,  que 
ces  variations  annuelles,  comme  celles  qui  proviennent  de 
la  nutalion  initiale,  sont  égales  et  de  signes  contraires  sur 
deux  méridiens  opposés,  puisque  (3  et  M)?  diffèrent  de  180"; 
celle  déduction  a  été,  on  le  sail,  parfaitement  confirmée 
par  les  déterminations  simultanées  de  latitude  qui  ont  été 
effectuées  à  Berlin  et  à  Honolulu. 

Cherchons  la  formule  complète  de  réduction  de  ces 
observations,  abstraction  faite  toutefois  des  erreurs  pro- 
bables que  nous  avons  signalées  dans  la  réduction  au  lieu 
apparent,  que  nous  supposerons  correcte. 

La  formule  (H)  s'écrira,  en  appelant  <ï>  la  hauteur  du 
pôle  géographique,  z  la  distance  zénithale  observée,  et 
en  posant  y  sin  (3  =  u,  y  cos  (3  =  y,  ^  cos  M  sin  A  ==  r, 
2  cos  M  cos  A  =  s,  £  -J-  0  =  <î)„  qu'on  appelle  la  latilude 
astronomique  •• 

(12)       <i)  ==  <^„  +  usinit  —  vcos/t  —  rsinO  —  .scosQ- 

Si  nous  faisons  <ï)„  =  4)^  h-  «,  <^  =  ^^  ^  z,  nous 
obtiendrons 

0  ==  ;}  -+-  M  sin/?  —  fcos/f  —  rsin©  —  s  cos©  —  z, 
équation  à  cinq  inconnues,  en  admettant  que  t  soit  connu. 


(  612  ) 
Si  |3  l'est  aussi,  le  nombre  des  inconnues  se  réduira  à 
quatre,  et  l'on  aura  (11) 

(j5)      0  =  n  —  rco^i't  +  P)  —  rsin©  —  scos©  — z. 

Quand  A  sera  aussi  connu,  en  posant  ^  cos  M  = /i,  on 
aura  simplement 

(i4)  c  =  n  —  y  cos(<f  -t-  p)  —  //cos( —  A  -t-  ©). 

Telle  est  la  forme  simple  que  l'on  pourra  bientôt  donner 
à  l'expression  des  variations  de  latitude. 

Comme  il  a  été  dit,  toutes  nos  formules  se  rapportent 
au  pôle  ou  à  l'équateur  géographique. 

On  aura  remarqué  l'importance  que  nous  attachons  à  ce 
point. 

Et  on  la  comprendra  aisément  si  l'on  songe  que,  seul,  le 
pôle  géographique  permet  de  définir  un  méridien  fixe,  et 
que  de  cette  fixité  dépend  la  détermination  correcte  de 
l'heure  et  de  l'ascension  droite. 

Aussi  l'une  des  premières  nécessités  d'un  observatoire 
où  l'on  veut  déterminer  avec  précision  les  AX,  est-elle  une 
bonne  mire  très  stable,  dont  on  puisse  considérer  l'azimut 
comme  absolument  constant. 

Ce  procédé  est  beaucoup  plus  sûr  que  celui  qui  consiste 
à  déterminer  l'azimut  de  la  mire  par  des  observations  de 
la  polaire,  puisqu'on  ne  possède  pas  de  formules  correctes 
pour  leur  réduction  :  la  variation  annuelle  du  pôle,  la 
nutation  diurne,  l'aberration  systématique,  la  correction 
indubitable  de  la  constante  de  l'aberration,  autant  de 
quantités  qui  n'entrent  pas  dans  ces  formules  et  qui 
doivent  y  entrer,  comme  nous  venons  de  le  démontrer. 


(615) 

Nous  ne  parlons  pas  de  |la  nulation  initiale,  puisque  les 
astronomes  prennent  le  pôle  astronomique  pour  point  de 
référence.  Mais  à  quel  prix,  nous  l'avons  dit  :  au  prix 
d'une  détermination  incorrecte  de  l'heure,  puisque  le  pôle 
instantané  ne  détermine  pas  un  méridien  fixe. 

Aussi,  tandis  que  nous  avons  pu  effectuer  une  détermi- 
nation très  exacte  de  la  nutation  initiale  en  utilisant  les 
observations  de  la  polaire  à  Dorpat,  où  F.-W.  Struve  a 
certainement  fait  usage  d'un  méridien  fixe,  n'avons-nous 
rien  pu  tirer  à  cet  égard  des  observations  de  Pouikova,  où 
l'on  déduit  l'azimut  de  la  mire  des  observations  journa- 
lières, en  négligeant  la  nulation  initiale,  c'est-à-dire  en 
prenant  pour  point  de  référence  le  pôle  instantané. 


CONCLUSION. 

Pour  déterminer  exactement  l'heure  et  pour  avoir  des 
formules  de  réduction  absolument  correctes,  il  faut  en 
revenir  au  pôle  géographique  et  aux  formules  de  Laplace, 
qui  sont  aussi  celles  de  Poisson,  Peters,  Serret  et  Tisse- 
rand, complétées  par  les  termes  dont  nous  avons  donné 
ci-dessus  les  expressions  (7)  et  (8). 

Et  le  premier  soin  de  l'astronome  doit  être  la  détermi- 
nation des  constantes  qui  entrent  dans  celles-ci. 

C'est  seulement  quand  ces  constantes  seront  assez 
exactement  connues  qu'on  pourra  décider  si  le  pôle  géogra- 
phique est  sujet  à  des  variations  séculaires,  comme  croit 
l'avoir  établi  Fergila,  l'un  des  promoteurs  des  recherches 
sur  les  variations  de  latitude,  et  si  l'écorce  terrestre  est 
plastique,  comme  le  pensent  W.  Thomson  et  G.  Darwin. 


(  614 


Bolides  remarquables  dans  la  nuit  du  6  au  7  novembre  i893  ; 
par  F.  Folie,  membre  de  TAcadémie. 

Dans  la  nuit  du  6  au  7  de  ce  mois,  j'ai  aperçu  à  Uccle, 
vers  W  '/2  heures,  un  très  beau  bolide  descendant  verli- 
calementau  travers  du  carré  de  Pégase. 

Je  n'en  aurais  pas  entretenu  l'Académie,  si  je  n'avais 
reçu,  peu  de  jours  après,  une  lettre  du  baron  Fallon,  habi- 
tant le  château  de  Roumonl,  près  Baconfoy,  lettre  dans 
laquelle  il  me  signalait  plusieurs  bolides  aperçus  dans  la 
même  nuit  :  l'un  à  2  heures  du  matin,  dans  la  Grande 
Ourse;  un  autre  à  2''55'",  entre  les  deux  Ourses;  un  troi- 
sième à  4  heures  du  malin,  près  de  l'étoile  polaire;  le 
bruit  de  la  détonation  de  ce  dernier  était  très  perceptible, 
et,  au  même  instant,  le  bolide  s'est  dispersé  en  étincelles. 

Deux  d'entre  eux  étaient  assez  brillants  pour  éclairer 
tous  les  environs. 

Un  grand  nombre  d'étoiles  filantes  ont  été  vues  égale- 
ment la  même  nuit. 

Comme  la  date  du  6  au  7  n'est  pas  mentionnée  parmi 
celles  qui  ont  été  signalées  comme  remarquables  par  leurs 
bolides,  j'ai  cru  utile  de  publier  ces  observations  fort 
intéressantes. 

Je  mentionnerai  également  une  observation  du  même 
genre,  faite  le  30  octobre  par  M.  Pascal  Lohest,  à  Ouffel. 

Il  a  vu,  malgré  le  temps  pluvieux,  une  lueur  qui  n'a 
duré  que  quelques  secondes,  dans  la  direction  du  nord; 
elle  était  probablement  produite  par  un  bolide  d'un  vif 
éclat. 


(6IS) 


Recherches  sur  les  composés  monocarbonés; 
par  Louis  Henry,  membre  de  l'Académie. 

VI.  —  Action  des  hydracides  halogènes  sur  le  mélhanal. 

Le  mélhanal  H2C  =  0,  comme  tel  ou  en  solution 
aqueuse,  à  l'état  d'hydrate  H^C-IOHja,  représente  une 
base  métallique,  mais  une  base  faible,  l'hydrogène  seul 
communiquant  au  carbone  du  groupement  W2e//j?//è«e  HoG  < 
le  caractère  positif.  Les  hydracides  halogènes  doivent,  par 
conséquent,  réagir  sur  ces  composés  comme  sur  les  oxydes 
et  les  hydroxydes  métalliques  basiques,  avec  toute  la  diffé- 
rence qu'il  y  a  entre  une  base  faible  et  une  base  forte. 

Je  trouve  dans  l'action  de  l'acide  bromhydrique  sur  ces 
combinaisons  le  type  de  ce  genre  de  réaction. 

Je  regrette  de  n'avoir  pas  été  à  même  d'examiner  l'ac- 
tion de  HBr  sur  le  mélhanal  lui-même.  J'ai  mis  en  expé- 
rience son  polymère,  l'oxy-mélhylène  (H2C  =  0)„  et  la 
sohilion  de  CH2  =  0  dans  l'eau  ("),  qui  équivaut  à  l'hydro- 
xyde  H^G  -  (OHJa. 

A.  Oxyméthylène.  —  On  lait  arriver  de  l'acide  brom- 
hydrique gazeux  et  sec  sur  de  l'oxymélhylène,  placé  dans 
un  ballon  à  fond  plat. 

L'absorption  est  aisée  et  s'accompagne  d'un  notable 
dégagement  de  chaleur.  L'oxymélhylène  disparaît  succes- 


[*)  De  40  o/o  de  Mercklin  et  Losekann. 


(616) 

sivemenl  et  se  transforme  en  un  liquide  lourd,  de  couleur 
rougeâtre,que  surmonte  une  couche  aqueuse,  d'eau  saturée 
d'acide  HBr. 

Le  produit  de  la  réaction  est  de  l'oxyde  de  mélhyle 

HaC  -  Br 
bibromé  symétrique       >  0 . 

H2C  -  Br 

2  H^C  =  0  +  2HBr  =  11,0  +  {HJC)^OBr^. 

Le  rendement  peut  être  regardé  comme  intégral  : 
50  grammes  d'oxyméthylène,soit  une  molécule-gramme  de 
mélhanal  H2G  =  0,  m'ont  fourni  HO  grammes  de  produit 
chargé  d'acide  HBr;  la  théorie  en  demande  102. 

On  agite  le  produit  brut  avec  quelques  fragments  de 
carbonate  potassique  calciné  pour  le  débarrasser  à  la  fois 
de  l'eau  et  de  l'acide  bromhydrique,  et  on  le  soumet  à  la 
distillation  qui  le  fournit  à  l'état  de  pureté  dès  la  preujière 

rectification. 

H2C  -  Br 
Uoxu-bi-bromure  de  méthylène        >  O  ou    Voxyde    de 
^  ^  H^C-Br 

mélhyle  bibromé  symétrique  (')  constitue  un  liquide  inco- 
lore, d'une  odeur  piquante,  d'une  saveur  piquante  et  dou- 
ceâtre. 

Sa  densité  à  20"  est  égale  à  2,2015.  Il  bout,  sons  la 


(*)  Voxyde  de  mélhyle  bibromé  symétrique  figure  déjà  dans  le 
grand  Traité  de  Beilstein  (3"  édition),  t.  I,  p.  293,  comme  ayant  été 
obtenu,  à  l'aide  de  la  réaction  que  je  viens  d'indiquer,  par  un  chi- 
miste russe,  M.  Tischtschenko.  On  n'y  indique  que  son  point  d'ébul- 
lition:  liS'S  à  Ibl-S. 

Je  ne  connais  ce  travail,  publié  en  russe,  que  par  cette  indication 
sommaire. 


(617  ) 
pression  de  756  millimètres,  fixe  à  154"-155",  loule  la 
colonne  mercurieile  dans  la  vapeur. 

Refroidi  dans  un  mélange  de  neige  carbonique  et  d'élher, 
il  se  congèle  vers  —  SSMO"  el  se  prend  en  une  masse 
cristalline,  blanche,  feuilletée,  fusible  à  —  34%  très  dure. 

Sa  densité  de  vapeur  a  été  trouvée  égale  à  6,90. 

Substance Oe%i708 

Pression  baroinrtrique 707""" 

Mercure  soulevé 547"™ 

Tension  de  la  vapeur 21'0™™ 

Volume  de  la  vapeur 90",6 

Température 100° 

La  densité  calculée  est  7,04. 

I/oxy-bromure  de  méthylène  est  insoluble  dans  l'eau  au 
fond  de  laquel'i  il  tombe;  il  s'y  détruit  dès  la  température 
ordinaire,  lentement,  en  se  dissolvant  et  en  donnant  de 
l'acide  bromhydrique  et  du  méthanal. 

Avec  les  alcools,  il  réagit  énergiquement;  avec  l'alcool 
mélhylique,  il  fournil  du  mélhylal. 

Sa  réaction  avec  le  phénol,  stimulée  par  un  léger  échauf- 
femenl,  est  d'une  violence  extrême  :  il  se  dégage  abon- 
damment de  l'acide  bromhydrique,  et  l'on  obtient  une 
masse  solide,  très  dure,  rougeâtre. 

L'oxy-bromure  de  méthylène  est  insoluble  dans  l'acide 
sulfurique  H.2SO4,  au  fond  duquel  il  tombe;  il  y  reste  de 
plus  inaKaqué,  du  moins  à  la  température  ordinaire.  On 
sait  avec  quelle  facilité  les  élhers  simples,  et  notamment 
H  C 
uV>0»  sonl  absorbés  et  dissous  dans  l'acide  sulfurique; 

cette  propriété  a  disparu  totalement  dans  le  dérivé  bi- 
bromé  de  ce  composé. 


(6t8) 
L'analyse  de  ce  produit  a  donné  les  résultats  suivants  : 

I.  0^',5216  de  substance,  chauffés  avec  de  l'eau,  au  bain 
d'eau,  en  vase  clos,  ont  fourni  0«',5925  de  bromure  d'ar- 
gent. 

II.  O^'.SIOO  de  substance,  dans  les  mêmes  conditions, 
ont  fourni  0^',9406  de  bromure  argenlique. 

Ces  chiffres  correspondent  à 


Trouvé  o/o. 

I.                        II. 

Calculé  o/o. 

78,40            78,47 

78,45 

Br  .     .     .     . 

Une  remarque  au  sujet  de  ce  composé,  quant  à  la  vola- 
tilité : 

Il  y  a  une  correspondance  parfaite  en  ce  qui  concerne 
la  volatilité  entre  l'oxyde  de  méihyle  d'une  part  et  ses 
dérivés  chlorés  et  bromes,  mono-  et  bi-substitués;  d'autre 
part,  entre  ces  dérivés  chlorés  et  bromes  eux-mêmes. 

||»C>0     Éb.-23->  iW>0Éb.-23.y 

)83"v  )l08"\ 


\43°/  \  70'/ 


CHsCI-Sd»  Œ^Bv  +  i' 

Différence  +  27° 

•^'J;!!;  >  0  60.  '"■™'>0  85.-87- 

Différence  +  23°  —  27° 

C,c,i^>0  lO.»  BrCH;>^  ^^^ 

Différence  52»  ou  20°  X  2. 


(  «19  ) 

B.  Ihjdroxyde  de  mélhijlène  U^C  -  (OHja-  —  Dans  la 
solulion  aqueuse  du  mélhanal  —  à  40  "K  —  maintenue 
dans  un  mélange  réfrigérant  de  sulfate  sodique  et  d'acide 
chlorhydrique,  on  lait  arriver  jusqu'à  saturation  de  l'acide 
biomhydrique  gazeux.  Le  liquide  devient  rougeâtre  et  il 
s'y  forme  une  couche  inférieure  d'un  produit  plus  dense  et 
insoluble.  Celui-ci  représente  le  produit  de  la  réaction  de 
l'acide  bromhydrique  sur  l'bydroxyde  de  méthylène 

H,C  -  (0H)„  +  HBr  =  H,C  <  g  "  +  11,0. 

Il  n'en  reste  que  peu  dissous  dans  la  couche  aqueuse 
saturée  d'acide  bromhydrique;  de  100  grammes  de  solu- 
lion aldéhydique,  j'en  ai  recueilli  120  grammes,  au  lieu 
de  148  qui  représentent  le  rendement  théorique;  cela 
équivaut  à  81  "/o- 

La  solution  aldéhydique  nécessite  d'ailleurs  une  énorme 
quantité  de  gaz  bromhydrique  pour  être  saturée;  100  gr. 
en  absorbent  220  grammes,  dont  une  grosse  moitié,  soit 
112  grammes,  se  fixe  sur  l'eau. 

L'analyse  de  ce  produit  a  donné  les  résultats  suivants  : 

\.  0^',3286  de  produit  (*),  après  avoir  été  chauffés  avec 
de  l'eau  en  tube  scellé,  ont  fourni  0«',6320  de  bromure 
d'argent. 

IL  0^9321  de  subslancp,dans  Us  mêmes  circonstances, 
ont  fourni  0^',5471  de  bromure  argentique. 

Ces  chiffres  correspondent  à 


Br 


Trouvé  o/o. 
1.            ^^"        IL 

Calculé  »/< 

72,5f.              7-2,28 

72,07 

(*)  Il  s'agit. du  produit  tel  qu'on  le  retire  directement  de  la  solu- 
tion du  méthanal,  après  saturation  par  l'acide  bromhydrique. 


(  620  ) 

J'appellerai  provisoirement  ce  corps  Vhydroxy-bromure 
de  méthylène. 

V! Iiydroxy -bromure  de  méthylène  constitue  un  liquide 
incolore,  mais  jaunissant  rapidement  à  l'air  et  à  la  lumière, 
d'une  forte  odeur  piquante  et  répandant  dans  l'air  ordi- 
naire des  fumées  d'acide  bromhydrique. 

Sa  densité  à  12°,5  est  égale  à  1,92U. 

Refroidi  dans  un  mélange  réfrigérant  de  neige  carbo- 
nique et  d'étlier,  il  se  congèle  vers  -72"  en  une  masse 
solide,  microcrislalline. 

il  est  insoluble  dans  l'eau,  au  fond  de  laquelle  il  tombe 
et  où  il  disparait,  à  la  longue,  dès  la  température  ordi- 
naire. 

Ce  corps  présente  peu  de  stabilité.  Abandonné  dans  un 
exsiccateur,  sur  de  la  chaux  vive,  dès  la  température 
ordinaire,  il  disparaît  en  laissant  un  résidu  solide  de 
méthanal  polymérisé. 

Soumis  à  l'action  de  la  chaleur,  sous  la  pression  ordi- 
naire, il  se  décompose  rapidement.  Dès  20°,  il  se  dégage 
de  l'acide  bromhydrique  abondamment;  la  plus  grande 
partie  du  liquide  passe  de  14.0"  à  i55°.  Ce  produit  n'est 
autre  chose  que  le  composé  précédent,  Voxy-bromtire  de 
méthylène  {H^Q^OBro.  On  y  a  trouvé  79,01  7o  de  brome, 
au  lieu  de  78,43  7o>  que  deujande  la  formule.  L'hydroxy- 
bromure  de  méthylène  renfermant  les  éléments  de  HgC  =  0 
et  de  HBr,  composés  dans  lesquels  la  chaleur  le  dédouble 
virtuellement,  on  s'explique  aisément  la  formation  de  ce 
produit  méthylénique  condensé. 

Ce  composé  est  incompatible  avec  l'eau;  au  contact  de 
ce  liquide,  au  fond  duquel  il  tombe,  il  se  décompose  rapi- 
dement en  acide  bromhydrique  et  en  méthanal. 

Sa  réaction  sur  les  alcools  présente  un  intérêt  parti- 


(  621  ) 
culier.  Avec  une  quantité  d'alcool  suffisante,  sous  Taclion 
d'une  faible  chaleur,  elle  aboutit  linalemenl  à  donner  de 
l'eau,  le  bromure  du  radical  de  l'alcool  réagissant  et  le 
mélhylal  correspondant  : 

H,C  <  ^f  +  3[nO(CJI,„+,)]  =  ^"^O  +  C.,H2„+,Bi- 

+  II,C  =  {OC„H,„+.V 

Cette  réaction  est  d'autant  plus  vive  que  le  poids  molé- 
culaire de  l'alcool  est  plus  faible. 

Elle  est  à  son  maximum  d'intensité  avec  l'alcool  méthy- 
lique;  les  deux  liquides  commencent  par  se  dissoudre  l'un 
dans  l'autre;  leur  réaction  s'établit  déjà  à  froid  ;  le  mélange 
s'échauffe  et  se  met  à  bouillir.  Le  refroidissement  le  sépare 
en  deux  couches.  L'eau  en  précipite  provisoirement  un 
liquide  piquant, plus  dense  et  insoluble,qui  n'est  autre  que 

orFî 
H2C<  g      ^;  en  même  temps  il  se  dégage  du  gaz  CHsBr. 

Par  une  ébullilion  quelque  peu  prolongée  de  la  masse,  il 

ne  se  forme,  outre  ce  bromure  méthylique,que  du  méthy- 

lal   H2C={0CH3)2,  si  aisément  reconnaissable  par  son 

pointd'ébullition,42°,et  son  insolubilité  dans  l'eau  chargée 

de  CaCla- 

J'ai  encore  essayé  les  alcools  éthylique,  propylique  et 
isobulylique.  Avec  celui-ci,  la  réaction  ne  s'accomplit  que 
sous  le  secours  de  la  chaleur. 

Quoi  qu'il  en  soit,  celte  réaction  présente  deux  phases 
successives  : 

a.  Dans  la  première,  il  se  forme  un  élher  mélhylique 
mixte  monobromé  et  de  l'eau  : 


n,c  <  ^l^  +  Hoc„H,„,.  =  H.C  <  g^^""-+'  +  ii.o. 


(  622  ) 

L'hydroxy-bromure  de  méthylène  se  comporte  dans  celle 
circonstance  comme  un  véritable  acide  (*). 

b.  Dans  la  seconde  phase,  la  réaction  s'établit  entre  cet 
éther  monobromé  et  l'alcool  présent  pour  former  du  mé- 
Ihylal  en  même  temps  qu'un  éther  bromhydrique  par  la 
réaction  de  l'acide  HBr  sur  l'alcool  : 

Ces  phénomènes  se  constatent  aisément  dans  la  réaction 
de  ce  composé  sur  l'alcool  propylique  primaire.  J'ai 
mélangé  30  grammes  d'hydroxy-bromure  de  méthylène  avec 
20  grammes  d'alcool  propylique;  ce  sont  des  quantités  à 
peu  près  équimoléculaires.  Les  deux  liquides  se  dissolvent 
l'un  dans  l'autre  en  s'échauffant  modérément.  Ils  ont  été 
chauffés  au  bain  d'eau,  pendant  quelque  temps,  dans  un 
appareil  à  reflux.  Par  le  refroidissement,  le  liquide  se 
sépare  en  deux  couches,  dont  l'inférieure  est  la  plus  con- 
sidérable. La  supérieure  se  constitue  en  partie  d'eau. 
Soumise  à  la  distillation,  l'inférieure  passe  en  grande  partie 
à  iSo"  sous  la  pression  ordinaire.  C'est  de  l'oxyde  de 

Br 

propyle  et  de  méthyle  monobromé  H2C<qj^  jj    mélangé 

d'une  certaine  quantité  de  méthylal  bi-propylique  HaC - 
(OC3H7),. 

L'analyse  de  ce  produit,  que  la  constance  de  son  point 


(*)  C'est  évidemment  ainsi  que  se  forme  l'cther  mclhyliquc  mono- 
bromé H2C<QQ[^_  dans  la  réaction  de  l'acide  HBr  sur  le  méthanal  en 
solution  aqueuse  en  présence  de  l'alcool  mclhyliquc.  Voir  ma  notice, 
Bulletins,  etc.,  t.  XXV,  3«  série,  p.  443,  1893. 


(  623  ) 
d'ébullilion   (135°)  aurait  pu    faire  regarder  comme  un 
composé  défini,  a  fourni  les  résultats  suivants  : 

I.  0^'^,2588  ont  donné,  après  avoir  été  chauffés  avec  de 
l'eau  en  tubes  scellés,  0^%2470de  bromure  d'argent. 

II.  0*',5204  du  même  produit,  dans  les  mêmes  condi- 
tions, ont  donné  O^"",  3216  de  bromure  d'argent. 

Ces  chiffres  correspondent  à  la  composition  centésimale 
suivante  : 

I.  II. 

Bro/o 40,74  41,30 

Le  bromure  de  méthylène  oxy-propylique  HoG  <r\r  ri 
renferme  52,28  "/o  de  brome. 

Un  mélange  formé  de  trois  molécules  de  ce  composé 
avec  une  molécule  de  méthylal  bi-propylique 


OQH./s       '    ^  OC3H, 

répond  à  40,  60  "/o  de  brome. 

Chauffé  dans  un  appareil  à  reflux  avec  de  l'alcool  pro- 
pylique,  ce  mélange  se  transforme  en  bromure  de  pro- 
pyle  et  métliylal  bi-propyliqiie.  Ce  sont  les  deux  seuls 
composés  que  l'on  obtient  en  chauffant  un  mélange 
d'hydroxy-bromure  de  méthylène  et  d'alcool  propylique 
en  excès,  au  moins  trois  molécules.  Le  bromure  de  pro- 
pyle  bout  à  70°;  le  méthylal  bi-propylique,  à  137°;  celte 
différence  de  volatilité,  jointe  à  l'insolubilité  du  premier 
de  ces  composés  dans  l'acide  sulfurique  qui  absorbe  aisé- 
ment le  second,  permet  de  les  séparer  aisément. 

L'action  de  l'alcool  éthylique  sur  CHalOHjBr  est  ana- 
logue à  celle  de  l'alcool  propylique,  mait  plus  vive.  Dès 


(  624  ) 
la  température  ordinaire,  le  mélange  équimoléculaire  des 
deux  composés,  d'abord  homogène,  se  sépare  à  la  longue 
en  deux  couches  :  l'inférieure,  la  plus  considérable,  est  un 
mélange  de  H2C<q[.jj^  éb.  vers  +  105°  et  de  mélhy- 
lal  bi-élhylique  H2C=(OC2H2)  -éb.+  ST";  la  supérieure 
est  surtout  constituée  par  de  l'eau. 

L'hydroxy-bromure  de  méthylène  est  insoluble  dans 
l'acide  sulfurique,  au  fond  duquel  il  tombe;  il  s'en  sépare 
inaitaqué,  du  moins  à  la  température  ordinaire.  Dans  le 
produit  qui  avait  été  agité  avec  de  l'acide  sulfurique,  et  qui 

était  devenu  rouseâlre  et  légèrement  fumant,  on  a  trouvé 

OH 
72,18  °lo  de  brome.  La  formule  H2C<jjj,   en  demande 

72,07  "/o. 

Ce  produit  renferme  les  éléments  du  méthanal  et  de 
l'acide  bromhydrique,  H2OO  + HBr.  Quelle  en  est,  en 
réalité,  la  signification  chimique? 

Est-ce  une  combinaison  moléculaire,  un  bromhydrale 
d'oxyde  de  méthylène  analogue  au  composé  que  forme 
l'acide  HCl  en  s'ajoutant  à  l'oxyde  de  méthyle,  com- 
posé décrit  par  M.  Friedel  (*)?  Ou  bien  est-ce  une  véritable 
combinaison  chimique  atomique,  l'hydroxy-bromure  de 
méthylène,  c'est-à-dire  l'alcool  mélhylique  mono-bromé 

"2C<oH- 

Je  ferai  remarquer  avant  tout  qu'il  ne  peut  y  avoir  de 
doute  sur  la  nature  du  produit  qui  résulte  de  l'action  de 
l'acide  HBr  sur  l'oxy-méthylène  (H  C  =  0)^. 


(*)   Bulletins  de  la  Société  chimique  de  Paris,  t.  XXIV,  pp.  ICO  el 

241  (1875). 


(  6-28  ) 

Ce  corps,  quoique  produit  d'une  réaction  imparfaite 
(le  HBrsur  (H2C  =  0)„,  est  bien  une  combinaison  cbimique 
atomique;  le  fait  est  trop  évident  pour  s'arrêter  à  le 
démontrer.  Cela  étant,  et  tenant  compte  en  même  temps 
de  la  différence  d'aptitude  réaclionnelle  qui  existe  entre 
les  aldébydes  et  leurs  polymères,  dans  le  cas  présent 
entre  H2C  =  0aq  et  les  polymères  du  niélhanal,  on  ne 
peut  admettre  que  le  produit  de  l'action  de  HBr  sur 
HjC  =--  0  aq  soit  une  combinaison  moléculaire  HoC  =  0, 
HBr,  un  produit  de  juxtaposition,  alors  que  celui  qui 
résulte  de  l'action  de  ce  même  agent  sur  l'oxy-mclbylène 
est  un  produit  de  réaction,  une  combinaison  cbimique 
proprement  dite. 

Le  composé  que  je  viens  de  décrire  représente,  à  mon 
sens,  une  véritable  espèce  cbimique,  l'bydroxy-bromure  de 
méthylène  ou  Valcool  mél/njlique  monobrome  H2C<r^„. 

Le  voisinage  du  brome  détermine  dans  l'bydroxyle  -OH 
une  modification  profonde:  d'alcool  qu'il  est  dansHsC-OH, 
il  devient  ici  acide;  j'ai  montré  le  caractère  étliéritiant  de 
ce  com|)osé  sur  les  alcools;  c'est  un  nouvel  et  intéressant 
exemple  de  la  soliclarilé  fonctionnelle  dans  les  composés 
carbonés.  Le  radical  mélbyle  H3C,  de  positif  qu'il  est 
comme  tel,  devient  négatif  à  la  suite  du  remplacement 
de  H  par  Br,  1  en  poids  par  80;  entre  l'alcool  méthylique 
et  son  dérivé  monobromé,  il  y  a  au  fond  les  mêmes  diffé- 
rences qu'entre  la  soude  ou  la  potasse  caustique  et  l'acide 
hypochloreux,  qu'entre  l'alcool  méthylique  et  l'acide 
forraique. 


II5C  -  OH 

K  -  OH 

HOC  -  OH 

CI -OH. 

l.BrC  -  OH 

3°"   SÉRIE,    TOME    XXVI.  4i 


(  6:26  ) 

Je  dois  faire  remarquer  loulefois  que  ce  composé,  que 
j'assimile  à  l'alcool  mélhylique  monobromé,  manifeste  vis- 
à-vis  de  certains  réactifs  auxquels  les  composés  hydroxylés 
sont  en  général  fort  sensibles,  une  véritable  inertie,  du 
moins  dès  la  température  ordinaire;  ainsi  en  est-il  de 
l'acide  sulfurique  concentré,  du  chlorure  d'acétyle,  du 
tribromure  et  du  pentachlorure  de  phosphore. 

On  est  habitué  à  regarder  comme  incompatible  vis- 
à-vis  du  même  atome  de  carbone  la  présence  des  corps 
halogènes  et  de  Thydroxyle  -  OH,  J'avoue  que  ce  principe, 
auquel  il  serait  fait  ici  une  exception,  me  gêne  peu;  le 
radical  méthylène  H2C<  renfermant  deux  atomes  d'hydro- 
gène est  le  plus  positif  de  tous  les  radicaux  hydrocarbonés 
polyatomiques,  et  en  cette  qualité  est  susceptible  de  retenir 
plus  fortement  que  tout  autre  les  deux  radicaux  OH  et  Br; 
ceux-ci,  d'ailleurs,  n'y  tiennent  qu'avec  une  force  relative- 
ment faible,  puisque  la  chaleur  détruit  si  aisément  ce 
système 

II,C<  pJ/  =  H,C  =  0  +  nBr, 

pour  le  ramener  à  son  générateur  HaC^O  et  HBr.  Il  en 
serait  ici  comme  des  hydroxyles  multiples  qui,  dans  cer- 
taines circonstances  de  composition,  notamment  dans  le 
voisinage  de  radicaux  négatifs  accumulés,  sont  retenus 
d'une  manière  stable,  du  moins  à  la  température  ordi- 
naire, sur  le  même  atome  de  carbone.  Exemples  :  djC 
-CH(OH)2;(OH)3C-C(OH)5;etc. 

Ces  incompatibilités  de  (OH)  et  Br,  CI,  etc.,  de  OH  et  OH 
ne  constituent  que  des  principes  d'une  vérité  relative;  les 
élever  plus  haut  est,  à  mon  sens,  sortir  de  la  vérité  des 
faits. 


(  027  ) 
Je  ne  voudrais  cependant  pas  leur  enlever  loul  crédit, 
comme  je  l'ai  fait  autrefois  au  pseudo-principe  de  Timpos- 
sihilité  de  maintenir  fixés  sur  le  même  atome  de  carbone 
deux  groupements  CAz. 

La  responsabilité  de  ce  prétendu  principe  me  paraît 
devoir  être  attribuée  à  M.  Ad.  Ciaus,  qui  est  néanmoins  un 
chimiste  de  grand  mérite.  Voici  ce  qu'on  lit  dans  un  de  ses 
mémoires  (Licbig''s  Annalen  der  Chemie,  t.  CXCI,  p.  34-, 
1878)  : 

Œ  Die  in  den  folgcnden  Aufsâtzen  beschriebenen  Unter- 
»  suchungen  baben  raich  zu  der  Ueberzeugung  gefiihrt, 
»  esalseinealIgemeingultigeCesetzmassigkeitanzusehen, 
»  dass  nicbl  mchr  als  eine  Cyangruppe  an  dasselbe  Koiilen- 
»  stoffatom  angelagert  werden  kann  und  dass  in  den 
»  Fallen,  in  denen,  sei  es  auf  den  Wege  der  Substitution 
»  sei  es  aul"  deiu  der  Addition,  eine  Ankettung  mebrerer 
»  Cyangruppen  an  das  niimiiche  KohlenstolTatom  ver- 
»  sucbl  vvird,  enlweder  eine  Umiagerung  im  Moleciil, 
»  oder  ein  Zerfall  des  Moleciils,  oder  auch  unler  bestimm- 
»   len  Umstànden  gar  keine  Reaction  einlritl.  » 

De  là,  cette  proposition  a  passé  dans  des  livres  classiques. 
Voici  ce  que  je  lis  dans  l'ouvrage,  excellent  d'ailleurs, 
de  M.  Laubenbeimer,  Grundzuge  der  organischen  Chemie 
(1884): 

a  Es  isl  sehr  bemerkensvverth  dass  es  nicbt  gelingl, 
B  mebr  als  eine  Cyangruppe  mit  demselben  Kohlen- 
»  stoffatom  zu  verbinden  und  dass  in  den  Fallen,  in 
»  denen,  eine  Ankettung  melirerer  Cyangruppen  an  das 
D  nâmiicbe  KobienstofTatom  versuciit  wird,  enlvveder  eine 
»  Umiagerung  im  Molekiil,  oder  ein  Zerfall  des  IMolekiiles, 
»  oder  gar  keine  Réaction.  So  giebt  z.   R.   Aetbyliden 


(  628  ) 
»  Chlorid  CH5-CHCI2  bei  Einwirkung  von  Cyankalium 
»  das   Nilril   der   Bernsleinsàure   das   Aelhylen   Cyanid 


CH2-CIV 
I  .   » 


En  1886,  j'ai  fait  connaître  le  bicijanure  de  méthylène 
H2C<pij  ou  dinUrile  maloniqiie  {').  Par  là  même  était 
démontrée  expérimentalement  la  fausseté  de  cette  soi- 
disant  loi.  Un  peu  plus  tard,  mon  fils,  M.  Paul  Henry,  a 
fait  connaître  divers  dinitriles  et  notamment  le  dinilrile 
isosuccinique  CH3-CH  <  ^u  ou  bicyanure  d'élhylidène{*'). 

Les  erreurs  sont  difficiles  à  extirper;  il  est  étrange  et 
regrettable  de  voir  figurer  encore  celte  proposition  dans 
des  ouvrages  récents  du  plus  grand  mérite,  et  notamment 
dans  Die  Syntheiischen  Darstellungs  McUtoden  der  Kohlen- 
stoffverbindungen  de  K.  EIbs,  tome  I,  p.  152  (année  1889), 
et  dans  la  troisième  édition  du  grand  Trailé  de  Chimie 
organique  de  Beilstein,  tome  I,  p.  So. 

J'examinerai  dans  une  prochaine  communication  l'action 
des  acides  chlorhydrique  et  iodbydrique  sur  le  méthanal. 


(')  Comptes  rendus,  t.  Cil,  p.  ISDl. 

('*)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  des  sciences  de  Belgique,  t,  XVIII,  3«  série, 
1889.  —  Paul  Henrv,  Sur  quelques  dérivés  du  nitrilc  malonique, 
pp.  670  et  suivantes. 


(  629 


Sur  l'ordre  de  substitution  de  r/iydrogène  par  le  chlore 
dans  l'oxyde  de  mét/iyle  et  le  méthylal;  par  A.  De  Sonay, 
assistant  au  laboratoire  de  chimie  générale  de  l'Univer- 
sité de  Louvain. 

En   1836,    Malagnli   entreprit   l'éttide  de  l'action  du 

H  (' 

chlore  sur  l'éther  mélhylique  simple  uY^OO-  Les  expé- 
riences qu'il  (it  dans  ce  but  restèrent  sans  résultat, 
l'appareil  dont  il  se  servit  ayant  fait  explosion. 

Regnault  reprit  ce  travail  en  i859(**),  afin  de  voir  si 
tout  l'hydrogène  de  cet  éther  peut  élre  remplacé  par  du 
chlore.  A  cet  elTel,  il  fit  arriver  avec  précaution  dans  un 
grand  ballon  deux  courants  bien  secs,  l'un  de  chlore, 
l'autre  d'éther  méthylique.  Il  obtint  ainsi  le  dérivé 
bichloré  C2H4CI2O  et  le  tétrachloré  C2H2CI4O. 

En  1877,  M.  Friedel  (*'*)  lit  connaître  le  dérivé  mono- 
substitué  C2H5CIO. 

A  l'invitation  de  M.  le  professeur  Louis  Henry,  j'ai  exa- 
miné l'action  du  chlore  sur  l'éther  méthylique,  et  je  me 
suis  efforcé  d'en  compléter  la  série  de  chloruration. 

En  même  temps,  j'ai  entrepris  de  rechercher  l'action  du 

chlore  sur  le  méthylal  :  H2C  <r\rv[' 

iMalaguti,  en  étudiant  le  forméthylal  ('"),  fît  agir  le 
chlore  sur  le  méthylal;  il  n'en  obtint  aucun  dérivé  de 


(*)  Annales  de  chimie  et  de  physique,  t.  LXX,  1859,  p.  579. 

(••)  Ibid.,  t.  LXX,  p.  590. 

("*)  Comptes  rendus,  t.  LXXXIV,  p.  248. 

(")  Annales  de  chimie  et  de  physique,  t.  LXX,  p.  390. 


(  630  ) 
subslilulion,  el  conclut  à  la  décomposition  de  ce  corps  en 
acide  foiinique  et  sesquiciilorure  de  carbone,  par  l'action 
du  chlore. 

Mes  recherches  sur  le  mélhylal  ont  été  fructueuses;  j'ai 
déjà  obtenu  les  deux  premiers  dérivés  chlorés  de  ce  com- 
posé :  le  méthylal  monochloré  et  le  mélhylal  bichloré. 

PREMIÈRE  PARTIE. 

Dérivés  chlorls  de  l'éther  méthylique  0<^rT^. 

LH3 

J'ai  pris  comme  point  de  départ  l'élher  méthylique 
raonochloré  0<  ru'^  obtenu  tout  d'abord  par  M.  Friedel. 
Je  l'ai  préparé,  par  la  méthode  indiquée  par  M.  Louis 
Henry  (*),  c'est-à-dire  en  saturant  d'acide  chlorhydrique 
gazeux  et  sec  un  mélange  d'alcool  mélhyli(iue  et  d'aldé- 
hyde rormi(]uo  en  solution  aqueuse  (**),  renCermé  dans  un 
vase  plongeant  dans  un  mélange  réfrigérant.  L'opération 
est  très  simple;  l'élher  méthylique  monochloré  vient  sur- 
nager; après  décantation,  il  est  distillé. 

Le  rendement  de  cette  opération  est  très  favorable  :  j'ai 
toujours  obtenu  80  7o  environ  de  la  quantité  théorique 
totale.  En  traitant  le  liquide  résidu  par  du  chlorure  de 
calcium  en  grande  quantité,  on  parvient  encore  à  extraire 
une  certaine  quantité  d'élher  monochloré,  ce  qui  porte  à 
85  7o  le  rendement  final. 

L'élher  méthylique  monochloré  bout  vers  SS^-Gl".  Sa 
densité  à  10"!  est  1,0623. 

(*)  Extrait  des  Bull,  de  l'Acad.  roi/,  de  Ddijique,  o«  série,  t.  XXV, 
Ti»5,  pp.  459-449  (1895). 

{**)  Solution  aqueuse  de  40  "/o  de  Mcrcklin  et  Lôsekann. 


(  631  ) 

Cl 
Action  du  chlore  sur  H2C<q^jj  .  —  L'élher  mélhy- 

lique  monochloré  a  été  placé  dans  un  ballon  en  communi- 
cation avec  un  appareil  à  reflux;  j'y  ai  fait  arriver  un  cou- 
rant lent  de  chlore  sec. 

Les  phénomènes  qui  se  passent  alors  sont  analogues  à 
ceux  observés  par  Malaguli  (*)  et  par  M.  Louis  Henry  (**) 
lors  de  la  préparation  de  l'acétate  de  méthyle  bichloré 

n  n 

HC  <n\r  r\   cl  monochloré  UX  <r  „  n  • 
^CçjHsOa  -        C2H3U0 

Au  début,  le  chlore  est  entièrement  absorbé  et  commu- 
nique au  liquide  une  teinte  jaunâtre.  Celui-ci  ne  larde  pas 
ù  s'échauffer,  distille  et  coule  sur  les  parois  du  vase; 
(le  l'acide  chlorhydrique  se  dégage  en  grande  quantité. 
J'avais  d'abord  opéré  en  exposant  le  ballon  complètement 
à  la  lumière  directe  et  autant  que  possible  au  soleil;  mais 
dans  ces  conditions,  la  réaction  est  beaucoup  trop  vive  et 
détermine  inévitablement  l'explosion  de  l'appareil:  c'est  ce 
qui  m'est  arrivé  plusieurs  fois  au  commencement  de  mes 
recherches.  Ces  explosions  sont  accompagnées  de  particu- 
larités assez  intéressantes,  me  paraît-il,  pour  être  relatées  : 
une  flamme  livide  apparaît  subitement  dans  le  tube 
adducteur  du  gaz,  l'appareil  se  remplit  en  même  temps 
d'abondantes  fumées  blanches  d'acide  chlorhydrique  et  le 
liquide  esl  presque  chaque  fois  complètement  décoloré. 

Lors  de  la  plus  forte  explosion  qui  soit  survenue,  il  y 
a  eu  carbonisation;  le  ballon  s'est  rempli  de  fumées  noires, 
et  le  liquide  noirci  s'est  enflammé;  en  même  temps,  le 
tube  adducteur  du  chlore  et  le  col  du  ballon  se  sont  brisés 


(■)  Annales  de  chimie  et  de  physique,  t.  LXX,  p.  390. 

(•*)   Bulletin  de  l'Acwl.  roy.  de  Belgique,  2«  série,  t.  XXXV,  p.  717. 


(  632  ) 

el  ont  élé  projetés  violemment  aux  alentours.  Pour  éviter 
ce  désagrément,  j'ai  placé  en  avant  du  récipient  un  écran 
afin  d'intercepter  les  rayons  directs  du  soleil;  le  liquide 
s'échauiïe  encore  fortement,  au  point  de  devoir  refroidir 
le  ballon  en  le  plongeant  dans  un  bain  d'eau  maintenue 
froide. 

J'ai  fait  passer  du  chlore  pendant  un  temps  assez  long, 
en  ayant  toujours  soin  de  ne  le  laisser  arriver  que  lente- 
ment, bulle  à  bulle.  Après  en  avoir  arrêté  le  courant,  j'ai 
retiré  insensiblement  l'écran  pour  éviter  l'accès  subit  de 
la  lumière  qui  décolore  rapidement  et  complètement  le 
liquide  resté  jaune  durant  l'opération. 

A  divers  moments  de  la  réaction,  j'ai  pesé  le  ballon 
renfermant  le  produit,  dans  l'intention  d'arrêter  la  réac- 
tion après  le  passage  d'un  atome-gramme  de  chlore;  mais 
après  une  légère  augmentation  de  poids  (10  grammes), 
j'ai  constaté  dans  les  pesées  suivantes  une  perte  progres- 
sive et  très  sensible,  en  rapport  d'ailleurs  avec  la  diminu- 
tion du  volume  du  liquide. 

Ayant  recueilli  le  gazqui  se  dégage,j'ai  constatéqu'outre 
l'acide  chlorhydrique,  il  s'échappe  encore,  en  grande 
quantité,  du  chlorure  de  méthyle. 

Le  liquide  ainsi  obtenu  est  soumis  à  la  distillation  : 
l'acide  chlorhydrique  est  d'abord  chassé,  puis  il  passe  une 
certaine  quantité  d'éther  raéthylique  monochloré  non 
attaqué.  Le  thermomètre,  après  être  resté  stationnaire 
vers  60°,  monte  rapidement  jusque  90°  et  de  là  insensi- 
blement jusque  HO".  Cette  dernière  portion  est  recueillie 
el  laissée  quelques  heures  en  contact  avec  du  carbonate 
de  potassium  calciné,  pour  la  débarrasser  de  l'acide  chlor- 
hydrique qu'elle  renferme. 

Après  quoi,  le  liquide  est  soumis  à  de  nouvelles  rectifi- 


(  633  ) 
calions  qui  donnenl  nnalemenl  un  produit  bouillant 
vers  \0^°-\0'3°.  A  la  (in  de  chaque  distillation,  le  liquide 
brunit,  cliarbonnc  et  dégage  de  l'aldéhyde  forraique,  aisée 
à  reconnaître  à  son  odeur  piquante  et  au  dépôt  blanc  que 
son  polvmère  dépose  à  l'intérieur  du  tube  réfrigérant. 

Partant  de  H2C<  q^jt  ,  deux  dérivés  bichlorés  peuvent 
théoriquement  s'obtenir  suivant  que  l'hydrogène  du  frag- 
ment CH,  ou  OCH3  est  remplacé  par  le  chlore,  de  façon  à 
avoir  les  éthers  HC  <  ^^S^]  ou  0  <  ^fj^^]  ^^K 

Pour  déterminer  la  nature  du  dérivé  bichloré  formé,  je 
me  suis  basé  sur  l'instabilité  de  ces  corps  en  présence  de 
l'eau,  et  je  suis  parti  de  ce  fait  que  a  là  où  il  y  a  le  frag- 
ment CH2,  il  y  a  formation  d'aldéhyde  formique;  et  là  où 
il  y  a  le  fragment  CH,  il  y  a  formation  d'acide  formique.  » 
Le  dérivé  ([5)  devait  donc  me  donner  de  l'aldéhyde  méthy- 
lique  exclusivement;  le  dérivé  (a),  de  l'acide  formique. 

Action  de  l'eau,  IhO.  —  Le  produit  placé  avec  de  l'eau 
dans  une  ampoule  scellée  a  été  chauffé  plusieurs  lieures 
au  bain  d'eau.  Au  bout  de  ce  temps,  le  corps,  d'insoluble 
qu'il  était,  a  complètement  disparu.  Quand  on  ouvre 
l'ampoule,  de  l'acide  chlorhydrique  s'échappe  en  assez 
grande  quantité.  Le  liquide  obtenu  est  placé  dans  un 
exsiccateur  sur  de  la  chaux;  celle-ci  enlève  l'acide  chlor- 
hydrique qu'il  renferme. 

A  la  distillation  :  \.  il  se  dégage,  avec  les  premières 
quantités  d'eau,  de  l'aldéhyde  formique  en  grande  quan- 
tité; le  produit  est  recueilli.  IL  La  seconde  portion  du 
produit  distillé  est  mise  à  part  pour  y  chercher  la  présence 
de  l'acide  formique. 

L  La  première  portion  est  placéedans  un  exsiccateur  sur 


(  634  ) 

de  l'acide  sulfurique;on  obtient  (inalement  une  poudre 
blanciie  :  c'est  de  l'aldéhyde  polymériséc.  Traitée  par  une 
solution  ammoniacale  d'oxyde  d'argent,  il  s'est  précipité 
de  l'argent  qui,  en  se  déposant  sur  les  parois  du  tube,  a 
formé  un  miroir  métallique. 

II.  I.a  seconde  portion  peut  renfermer  de  Tacide  chlor- 
hydrique  et  de  l'acide  formique  en  dissolution  dans  l'eau. 
Je  l'ai  saturée  par  du  carbonate  sodique  pur  :  une  vive 
effervescence  accompagne  le  départ  de  l'acide  carbonique; 
après  neutralisation  complète,  j'ai  évaporé  lentement  le 
liquide;  il  m'est  resté  une  poudre  blanche  pouvant  être  un 
mélange  de  chlorure  et  de  formiate  de  sodium. 

Je  l'ai  traitée  par  de  l'alcool  anhydre;  le  formiate  devait 
s'y  dissoudre  et  le  chlorure  rester  à  l'étal  insoluble.  La 
liqueur  alcoolique  n'a  laissé  aucun  dépôt  solide  à  la  distil- 
lation;  je  conclus  de   là  à  l'absence   d'acide   formique. 

En  conséquence,  le  dérivé  obtenu  est  le  composé  symé- 

r'FT  PI 
trique  {(3)  :  0  <ru"Yl'  *^^i^  obtenu  par  Regnault. 

Propriétés.  —  L'éiher  mélhylique  bichloré  bout  à 
lOO^-lOS"  sous  la  pression  de  753  millimètres,  toute  la 
colonne  mercurielle  plongeant  dans  la  vapeur.  Par  la  dis- 
tillation, il  se  dégage  de  l'aldéhyde  formique. 

C'est  un  liquide  limpide,  incolore,  assez  peu  mobile, 
plus  ou  moins  épais.  Sa  densité  à  20°  est  égale  à  1,515.  Ce 
corps  exhale  une  odeur  piquante  et  excite  le  larmoiement. 
Il  fume  à  l'air  parce  que,  comme  l'a  déjà  fait  remarquer 
M.  L.  Henry  pour  l'acétate  de  méthyle  monochloré  (*),  la 
vapeur  d'eau  le  décompose  et  forme  de  l'acide  chlorhydrique 

(*)  Bulletin  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  2«  série,  t.  XXXV,  p.  719. 


(  65o  ) 
qui  se  dégage.  Ces  vapeurs,  qui  renferment  aussi  de  l'aldé- 
hyde formique,  en  se  répandant  dans  l'atmosphère,  irritent 
lorlemenl  les  yeux. 

Sa  saveur,  d'abord  faiblement  sucrée,  fait  aussitôt  place 
à  une  sensation  de  picotement  qui  devient  de  plus  en  plus 
intense. 

Ce  corps  brûle  avec  une  flainme  jaune,  colorée  en  vert 
sur  les  bords. 

Placé  dans  un  mélange  réfrigérant  de  sulfate  de  sodium 
et  d'acide  chlorhydrique,  il  n'a  pu  être  congelé. 

L'analyse  a  donné  les  résultats  suivants  (méthode  de 
Carius)  : 

I.  0s%4884  de  substance  ont  donné  i6',l980  de  chlorure 
d'argent. 

H.  0^',4981  de  substance  ont  donné  1  ^',2001  de  chlorure 
d'argent. 

Trouvé. 
Calculé.  I.  II. 

Chlore.     .     .       02,17  »/„        61,65  "/o        61,85  V, 

La  densité  de  vapeur  a  été  déterminée  par  la  méthode 
(l'Hoffman;  elle  a  été  trouvée  égale  à  3,94. 


Substance 

0BSO774 

Pression  alniosphérique.     . 

761-°' 

Mercure  soulevé    .... 

564°"» 

Tension  de  la  vapeur.     . 

197""" 

Volurac  de  la  vapeur.     .     . 

80«,4 

Température 

100° 

La  densité  calculée  est  : 

3,97. 

Action  de  l'acide  bromhydrigiie  sur  l'ét/ier  mélhylique 
bichloré.  —  J'ai  essayé  de  substituer  le  brome  au  chlore 


(  636  ) 
afin  d'obtenir  le  composé  bibromé  correspondant.  A  cet 
effet,  j'ai  chauffé  au  bain  d'eau  une  ampoule  scellée  ren- 
fermant le  produit  et  de  l'acide  bromhydrique  en  solution 
concentrée. 

Le  produit  obtenu,  lavé  à  l'eau  alcaline,  décanté  et  des- 
séché sur  du  chlorure  de  calcium,  a  été  soumis  à  la  distil- 
la lion. 

Mais  je  n'ai  obtenu  que  de  l'eau  et  de  l'aldéhyde  for- 
mique  CHaOqui  se  polymérisait  en  arrivant  dans  le  flacon 
récepteur.  L'élher  méthylique  bichloré  n'avait  pas  été 
atteint  par  le  brome;  l'eau  l'avait  décomposé. 

Action  de  l'alcool  mélhijlique.  —  J'ai  pris  une  molécuie- 

c\\  n 

gramme  du  produit  0  <ruY|i  so'^  ^'^  grammes,  et 
trois  molécules  d'alcool  méthylique,  ou  96  grammes.  Le 
mélange  de  ces  corps  a  été  introduit  dans  un  petit  ballon 
communiquant  avec  un  réfrigérant  ascendant  et  chauffé 
au  bain-marie  pendant  quelques  heures.  Il  se  dégage  de 
l'acide  chlorhydrique  et  du  chlorure  de  mélhyle  en  assez 
grande  quantité. 

Deux  couches  se  forment  ;  on  les  sépare  à  l'aide  d'un 
enfonnoir  à  robinet. 

La  couche  inférieure  est  complètement  soluble  dans 
l'eau  :  c'est  un  mélange  d'alcool  méthylique  et  d'éther 
méthylique  bichloré  non  attaqué. 

La  couche  supérieure  est  lavée  à  l'eau  alcaline,  décan- 
tée, puis  desséchée  sur  du  carbonate  de  potasse  :  ce  con- 
tact doit  durer  un  certain  temps  alin  de  débarrasser  le 
liquide  de  l'acide  chlorhydrique  resté  dissous  et  très  diffi- 
cile à  éliminer  complètement.  Soumis  à  la  distillation,  ce 
liquide  passe  entièrement  entre  40°  et  30°.  En  même 
temps,  il  se  dégage  une  grande  quantité  d'aldéhyde  for- 


(  t)37  ) 
mique.  En  le  recliliant,  on  oblienl  facilement  un  produit 
qui  bout  fixe  vers  42".  C'est  du  mélliylal  CH,  <  QQfj'- 
Je  n'ai  obtenu  qu'une  faible  quantité  de  ce  corps,  ce  qui 
s'explique  par  ce  fait  que,  pendant  l'opération,  le  mélliylal 
est  détruit  par  l'acide  chlorbydrique  et  transformé  en 
cblorure  de  mélbyle  qui  se  dégage: 

"^^  <  0GU3  ■*■  cm  ==  "^^  <  on  -*-  -^^"^^'• 

Action  du  métlujlale  de  sodium.  —  Dans  un  ballon  placé 
sous  un  réfrigérant  ascendant  et  renfermant  550  grammes 
d'alcool  mélbylique,  j'ai  introduit  peu  à  peu  25  grammes 
de  sodium.  La  liqueur  étant  refroidie,  j'y  ai  laissé  tomber 
goutte  à  goutte  60  grammes  d'élber  mélhyliquc  bicliloré. 
La  réaction  est  très  vive  et  s'accompagne  d'une  grande 
élévation  de  température.  Aussi  faut-i!  refroidir  énergi- 
quement.  Cbaqne  goutte  d'éther  bichloré  détermine,  en 
tombant  dans  l'alcool  sodé,  un  bruissement  avec  projection 
du  liquide.  Celui-ci  blancbit  par  la  formation  du  chlorure 
de  sodium  qui  se  précipite. 

Le  produit  est  filtré  pour  éliminer  le  sel  qui  s'est 
déposé;  puis  il  est  soumis  à  la  distillation  fractionnée  : 

4.  Une  partie  passe  de  40°  à  55°,  le  thermomètre  res- 
tant quelque  temps  stalionnaire  vers  45°. 

2°  La  seconde  partie  passe  de  60°  à  70"  et  reste  assez 
fixe  vers  6G°.  C'est  de  l'alcool  méthylique  que  l'on  rectifie. 

La  première  portion  est  soumise  à  de  nouvelles  distil- 
lations, qui  donnent  définitivement  un  produit  bouillant 
fixe  à  42".  C'est  du  méthylal  CH,  <  qq}]^  j'en  ai  isolé 
55  grammes  à  l'étal  de  pureté.  Je  n'ai  pas  jugé  néces.saire 


(  658  ) 
d'en  déterminer  la  densité  de  vapeur,  la  réaction  étant 
tout  à  fait  concluante. 

La  réaction  qui  se  passe  dans  celle  opération  me  paraît 
être  la  suivante:  il  se  forme  d'abord,  par  la  réaction  du 
méthylate  sodique,de  l'oxyde  de  méthyle  bioxymélhylé: 

CIÏ.CI       NaOCH^  _    j.  p,  Cil,  -  OCH, 

Celui-ci,  avec  l'alcool  méthylique,  se  dédouble  en  eau  et 
en  raélhylal  : 

CH,  -  OCll,      HO  -  CH3  _  H  0  +  ^CH   <-  ^^"^ 
/lc//o»  de  riodiire  de  sodium.  —  J'avais  espéré  obtenir 

CVi   I 

de  celle  façon  le  dérivé  biiodé  correspondant  :  0  <  /-u"j' 
Dans  un  ballon,  j'ai  introduit  130  grammes  d'iodure  de 
sodium,  que  j'ai  dissous  dans  cinq  fois  son  poids  d'alcool 
méthylique.  Après  l'avoir  placé  sous  un  réfrigérant  ascen- 
dant, j'y  ai  laissé  tomber  goutte  à  goutte  SO  grammes 
d'éther  mélhylique  bichloré.  La  réaction  se  fait  à  froid; 
elle  s'accompagne  d'un  grand  dégagement  de  chaleur  qui 
nécessite  le  refroidissement  du  ballon. 

Après  filtration  et  séparation  dVi  NaCI  formé,  le  liquide 
obtenu  est  distillé: 

1.  Une  première  partie  bout  de  40' à  5C°;  rectiliée, 
elle  donne  du  méthylal  bouillant  à  42°; 

2°  Une  seconde  portion,  brunie  par  de  l'iole,  distille 
au  delà  de  50°.  Desséchée  sur  du  carbonate  de  potasse, 
elle  se  déshydrate  et  se  décolore;  rectifiée,  elle  ne  produit 
que  de  l'alcool  méthylique. 


(  639  ) 

La  formation  du  mclhylal  est  due,  sans  nul  doulc,  à  la 
(H  I 
réaction  du  dérivé  biiodé  0<rii'i  sur  l'alcool  mélhylique  : 

0  <  ^[]^J  +  4(110  —  CII3)  =  2111  +  H,0  +  2CH,  <  q[:[[\ 

Éther  méthylique  trichloré. 

On  dirige  dans  l'élher  bichloré  un  courant  de  chlore 
sec.  Les  faits  se  passent  comme  dans  la  préparation  du 
dérivé  bichloré.  Seulement  la  réaction  est  beaucoup  moins 
vive  dès  son  début.  Un  faible  dégagenient  de  chaleur 
marque  encore  le  commencement  de  l'action,  qui  va  s'alfai- 
blissanl  graduellement.  Aussi  faut-il  exposer  le  produit 
entièrement  à  la  lumière  directe,  afin  de  faciliter  et 
d'achever  la  substitution  du  chlore  à  l'hydrogène.  Aucune 
explosion  n'est  à  craindre.  Le  liquide  obtenu  est  traité  par 
le  carbonate  de  potassium  calciné  et  soumis  à  la  distil- 
lation. 

Le  thermomètre  s'élève  rapidement  jusque  vers  105°,  et 
de  là  insensiblement  jusque  155",  avec  un  long  arrêt 
vers  i  30°. 

J'ai  recueilli  et  rectifié  la  partie  du  liquide  qui  passe 
jusque  115°  :  c'est  de  l'éther  bichloré  non  encore  attaqué. 

La  seconde  portion  est  soumise  à  de  nouvelles  distilla- 
lions,  destinées  à  séparer  les  éthers  bi-  et  trichlorés  qui 
s'y  trouvent  mélangés. 

On  obtient  définitivement   un   liquide  qui    bout   fixe 

à  lo0°-152°;  c'est  de  l'élher  trichloré  0  <  q^q^- 

C'est  un  liquide  limpide  et  incolore,  épais  et  visqueux. 
Il  possède  ui;e  odeur  piquante  qui  fait  larmoyer.  Sa  saveur 
piquante  pioduil  la  sensation  d'une  brûlure  qui  persiste 
assez  longtemps,  il  fume  à  l'air,  mais  beaucoup  moins  que 
l'élher  bichloré. 


(  640  ) 

Insoluble  dans  l'eau,  il  se  dissout  1res  bien  dans  l'alcool, 
l'élher,  la  benzine,  le  sulfure  de  carbone. 

Placé  dans  un  mélange  rélVigéranl  de  neige  et  de  sel 
marin,  il  ne  se  congèle  pas. 

Sa  densité  à  10»1  est  1,50G6. 

L'éther  mélhylique  trichlorô  bout  fixe  à  130°-132%  sous 
la  pression  de  765  millimètres,  toute  la  colonne  mercu- 
rielle  étant  dans  la  vapeur. 

A  la  (in  de  la  distillation,  il  se  dégage  de  l'aldéhyde  for- 
mique  et  le  produit  charbonnc. 

Les  analyses  de  ce  produit  ont  donné  les  résultats  sui- 
vants (méthode  de  Carius)  : 

I.  0e^3099  de  substance  ont  donné  0"',8921  de  chlo- 
rure d'argent. 

il.  0s^286l  de  substance  ont  donné  Os',8214  de  chlo- 
rure d'argent. 

III.  0s%3257  de  substance  ont  donné  0«%930I  de  chlo- 
rure d'argent. 

De  là,  il  résulte  : 


Trouvé. 


Chlore. 


Calculé.  1.  II.  m. 

ri,25»/,       7 1,1  S"/,       TI.OS"/»       71,0870 


La  densité  de  vapeur,  déterminée  par  la  méthode  d'Hoff- 


le  iiuuved  égaie  a  u,v.i. 
Poids  de  la  substance  .     .     . 

0e%056l 

Pression  barométrique    .     . 

770-" 

Mercure  soulevé     .... 

G45™» 

Tension  de  la  vapeur  .     .     . 

^27n.m 

Volume  de  la  vapeur  .     .     . 

71  «2 

Température 

100' 

La  densité  calculée  est  de  5,13. 


^  C41  ) 
Deux  élheis  mélhyliques  irichlorés  sont  possibles  ; 

CH  C\ 
venant  de   l'éllier   bichloré  symétrique  0  <  priVi»   '^ 

dérivé  b  est  seul  possible. 

Éther  méthylique  tétrachloré. 

J'ai  repris  l'action  du  cblore  sur  le  dérivé  trichloré.  La 
lumière  diiïuse  ne  sulTil  plus  pour  continuer  la  chlorura- 
tion  du  produit.  J'ai  dû  exposer  le  ballon  au  soleil  et 
même  le  cbaufTer  pour  faciliter  la  réaction. 

C'est  un  li<juide  incolore,  épais,  visqueux;  il  fume  très 
peu  à  l'air  quand  il  est  pur  et  possède  une  odeur  très  irri- 
tante, plus  accentuée  encore  que  ses  précédents.  11  est 
insoluble  dans  l'alcool,  l'élber,  la  benzine,  le  sulfure  de 
carbone. 

Placé  dans  un  mélange  réfrigérant,  il  ne  se  congèle  pas. 
Sa  densité  à  18"  est  1,6337. 

Il  bout  vers  145",  sous  la  pression  de  761  millimètres 
et  distille  sans  décomposition. 

Les  analyses  que  j'en  ai  faites  m'ont  donné  : 

L  0s%5500  de  substance  ont  donné  le%0909  de  chlo- 
rure d'argent. 

IL  0^^5272  de  substance  ont  donné  i«%0200  de  chlo- 
rure d'argent. 

D'où: 


Calculé. 
Chlore.     .     .       77,17  «/o 

3""   SÉRIE,   TOME    XIVI.  42 


(  ()42  ) 
La  densité  de  vapeur,  délerminée  par  la  mélhode  d'Hoff- 
man,  a  été  trouvée  égale  à  6,22. 

Pression  barométrique     .     .     .  770°"° 

Substance 0<5',0590 

Mercure  soulevé GOl""" 

Tension  de  la  vapeur  .  .  11 9°"" 

Température 100° 

Volume  de  la  vapeur  ....  G4",8 
La  densité  calculée  est  de  0,35. 

Deux  dérivés  létrachlorés  peuvent  se  présenter  :   le 

CHCI 
dérivé  symétrique  0  '^ruri'*^^  'c  dérivé  dissymétrique 

O  /  CCI3  ^ 

"  ^  CHsCr 

L'action  de  Tean  indiquera  encore  auquel  de  ces  deux 

produits  j'ai  eu  affaire. 

Action  de  l'eau.  —  Le  liquide  a  été  placé  dans  un  bal- 
lon sous  un  réfrigérant  à  reflux  et  chauffé  avec  de  Peau 
pendant  plusieurs  heures.  Au  bout  de  ce  temps,  l'élher 
s'est  dissous  dans  l'eau.  Pendant  l'opération,  il  se  dégage 
une  grande  quantité  d'acide  chlorhydrique.  Après  refroi- 
dissement du  liquide,  il  s'est  déposé  au  fond  du  vase  de 
petits  cristaux,  en  faible  quantité. 

Je  les  ai  séparés  par  filtralion,  puis  séchéssurdu  papier 
à  filtrer  et  placés  dans  un  exsiccateur  à  l'acide  sulfurique. 
Ils  ont  une  forte  odeur  camphrée,  sont  insolubles  dans 
l'alcool.  J'en  ai  déterminé  le  point  de  fusion  :  182°.  Ce 
vvont  des  cristaux  de  sesquichlorure  de  carbone:  CaCle. 

Le  liquide  liltré  a  été  distillé,  —  il  passe  entre  100°  et 
110**,  —  puis  saturé  par  du  carbonate  de  sodium  pur. 

Celui-ci  neutralise  l'acide  chlorhydrique  dissous  et 
l'acide  formique  qui  esta  rechercher;  l'eau  a  été  évaporée; 
il  reste  une  poudre  blanche,  mélange  de  chlorure  et  de 


(  643  ; 
formiate  de  sodium.  Traité  par  l'alcool,  le  formiale  se  dis- 
sout; on  filtre,  le  chlorure  reste  sur  le  filtre.  L'alcool  est 
ensuite  distillé;  j'en  ai  finalennenl  obtenu  une  niasse 
épaisse  qui,  desséchée  sur  l'acide  sulfurique,  donne  une 
poudre  blanche  que  les  réactions  suivantes  ont  prouvé 
être  du  formiate  de  sodium  : 

i"  Avec  l'acide  sulfurique  concentré  à  chaud,  il  s'est 
dégagé  un  gaz  qui  brûle  avec  une  flamme  bleue;  c'est  de 
l'oxyde  de  carbone  CO  ; 

2°  Chaufl"é  avec  une  solution  concentrée  de  nitrate 
d'argent,  j'ai  obtenu  d'abord  un  précipité  blanc  d'un  sel 
argentique,  qui  noircit  rapidement  en  se  décomposant; 
l'argent  est  mis  en  liberté  et  donne  un  miroir  brillant  d'ar- 
gent métallique  sur  les  parois  du  tube;  c'est  du  formiate 
d'argent  ; 

5°  Chaufl"é  avec  une  solution  concentrée  de  chlorure 
raercurique  HgCla,  j'ai  obtenu  un  précipité  blanc  de 
HgjCIg,  chlorure  mercureux,  par  réduction; 

4°  Par  addition  de  sesquichlorure  de  fer,  FegCle,  elle 
prend  une  coloration  rouge  vif  de  formiale  ferrique,  qui 
devient  jaune  par  addition  d'acide  chlorhydrique. 

Le  dérivé  tétrachloré,  sous  l'action  de  l'eau,  s'est  donc 
dédoublé  en  sesquichlorure  de  carbone  et  acide  formique. 

CCI3 

Donc,  puisqu'il  se  forme  I      ,  le  produit  doit  être  un 

CLI3 

mélange  de  0  <  ^^u  l..  et  0  <  ç^ç\- ,  celui  ci  en  majeure 
partie. 


Éther  MÉTHYLIQUE  HEXACHLORÉ  0  <  çç,' 


'5 

J'ai  repris  l'action  du  chlore  sur  le  dérivé  tétrachloré 
C2H2CI4O,  sous  l'inlluence  de  la  lumière  solaire  et  de  la 
chaleur. 


(  64.4  ) 

J'ai  distillé  le  produit;  le  thermomètre  s'arrête  peu 
vers  110°,  puis  monte  rapidement  jusque  140°  et  s'élève 
à  150°,  qu'il  ne  dépasse  pas.  J'ai  continué  à  faire  agir  le 
chlore  quelque  temps  encore  et  de  nouveau  distillé;  le  ther- 
momètre s'arrête  à  98°.  Redislillé,  le  point  d'ébullilion  est 
tombé  à  90°.  A  d'autres  distillations,  j'ai  successivement 
obtenu  des  températures  d'ébullilion  de  85°  et  79°.  J'en 
conclus  que  ce  produit  se  décompose  par  distillation. 

Les  analyses  que  j'ai  faites  m'ont  démontré  que  c'était 
l'éther  perchloruré  :  C^  Clg  0. 

I.  0^',5214  de  substance  par  la  méthode  de  Carius,  ont 
donné  1«',0866  de  chlorure  d'argent. 

II.  0^',2456  de  substance,  par  la  même  méthode,  ont 
donné  0",8275  de  chlorure  d'argent. 

De  là,  il  résulte  : 


Trouvé. 

Calculé. 

T            ""^       IL 

84,18% 

85,91  »/o        83,92% 

Chlore  .     . 

J'avais  tout  d'abord  dosé  le  chlore  dans  cet  éiher  par  le 
nitrate  d'argent  et  l'eau,  sans  intervention  d'acide  nitrique; 
une  partie  du  produit  restée  insoluble  a  été  inattaquée. 

Les  résultats  obtenus  sont  : 

I.  0^',4683de  substance  ont  donné  0^\5371  de  chlorure 
d'argent. 

II.  0^',4429  de  substance  ont  donné  0=',5123  de  chlo- 
rure d'argent. 

Delà: 

Trouvé. 

1.  11. 

Chlore.     .     .    .         29%  28,76% 

Ces  chiffres  m'expliquent  la  décomposition  que  subit  le 
corps:  CaCIgO  devient  CCI2O,  qui  se  décompose  dans  l'eau 


(  645  ) 
et  donne  2HCI  el  C0(0II)2  el  formation  du  lélraclilorure 
de  carbone,  CCI4,  insoluble. 

En  effet,  le  chlore  contenu  dans  CCI2O  correspond 
à  34  7o  de  la  quantité  totale  de  chlore  de  C2CI0O.  Or,  les 
résultats  obtenus  dans  les  deux  dernières  analyses  me 
donnent  un  rendement  de  29  %,  <!"'  ^^l  précisément 
les  54  °/o  de  la  quantité  totale  de  chlore.  Ces  chiffres  me 
montrent  que  la  partie  décomposée  par  l'eau  est  seule 
analysée  et  correspond  à  CCI^O. 

La  partie  restée  insoluble  dans  l'eau  répand  une  odeur 
aromatique.  Soumise  à  la  distillation,  elle  bout  fixe  à  77°: 
c'est  donc  du  tétrachlorure  de  carbone  :  CCI4. 

L'élher  hexachloré  a  déjà  été  obtenu  {*)  par  Regnault. 

C'est  un  liquide  incolore,  épais;  son  odeur  est  extrême- 
ment vive  el  suffocante.il  irrite  fortement  les  yeux.  Sa 
saveur  est  brûlante. 

Sa  densité  à  IS-'Sest  i,5o8. 

Il  bout  à  98°  et  se  décompose  partiellement  par  la  distil- 
lation en  COCI2  et  CCI4. 

Sa  densité  de  vapeur  a  été  trouvée  égale  à  4,73. 


Pression  barométrique    . 

7G3'"- 

Substance 

Oe',0517 

Mercure  soulevé     .     .     . 

G38™™ 

Tension  de  îa  vapeur  .     . 

125™™ 

Volume  de  la  vapeur  .     . 

G9",2 

Température     .... 

100» 

Calculée,  elle  est  de  8,75,  dont  la  moitié  est  4,37,  ce 
qui  prouve,  comme  le  fait  remarquer  Regnault,  que 
l'élher  perchloré  chauffé  ne  répond  plus  à  l'élher  mélhy- 


(*)  Annales  de  chimie  et  dephysique,  t.  LXXI,  pp.  596-405  (1839). 


(  646  ) 

iique  primitif;  mais  sa  molécule  est  dédoublée  en  COCI2  ei 
en  lélraehiorure  de  carbone  CCI4. 

J'ai  encore  continué  raclion  du  chlore  sur  ce  produit. 

Finalement  j'ai  obtenu  un  liquide  qui,  traité  par  la 
potasse  pour  en  éliminer  l'acide  clilorhydrique  resté 
dissous,  bout. vers  77''-79°.  Je  l'ai  reconnu  être  du  tétra- 
chlorure de  carbone. 

COiN'CLUSION. 

L'action  du  chlore  sur  l'élhcr  méthylique  donne  les 
divers  degrés  de  cbloruration  suivants  : 


0<^JÎ^  Éb.        -25» 


Cil 


^<Ch'^^  Éb.     59°-6i» 

«<cll:cl  Éb.403«-104o 

0<cHa  Éb.  150» 

«<cl!cl:  Éb.  4450 

0<ccl:  Éb.  98» 


Différence. 


83° 


45» 
27» 
15» 
47» 


On  voit  que  le  point  d'ébullition  s'élève  d'une  quantité 
qui  va  en  diminuant  pour  chaque  nouvel  atome  de  chlore 
qui  remplace  un  aiome  d'hydrogène. 

Arrivé  à  CoCIcO,  le  point  d'ébullition  baisse  subitement 
jusque  98°,  ce  qui  provient  de  l'absence  de  l'hydrogène. 


(  6"  ) 

Le  dérivé  peiUachloré  n'a  pas  été  obtenu,  ce  que  j'allri- 
bue  à  son  inslabililé,  venant  de  ce  fait  que  l'un  des  atomes 
de  carbone  ne  renlerme  plus  d'hydrogène.  Le  chlore,  sur 
C2H2CI4O,  enlève  directemeul  les  deux  atomes  d'hydrogène 
restants  pour  donner  l'hexachloré. 

Enfin,  tous  ces  corps  se  font  remarquer  par  une  odeur 
très  forte  qui  va  en  augmentant  dans  la  série;  ce  qui  con- 
firme le  fait  que  la  présence  du  chlore  et  de  l'oxygène  dans 
un  même  point  des  composés  carbonés,  leur  communique 
une  odeur  insupportable. 

DEUXIÈME  PARTIE. 
Dérivés  chlorés  du  méthylal  H.jC  <  QrY{l' 

Aclion  du  chlore  sur  le  mélhylal.  —  Dans  un  ballon 
placé  sous  un  réfrigérant  ascendanl,j'ai  inlroduitSoOgram- 
mes  de  mélhylal.  Un  courant  de  chlore  sec  arrive  lenle- 
menl  dans  le  liquide.  Les  mêmes  faits  que  ceux  qui  sont 
énumérés  dans  mes  opérations  précédentes  se  constatent 
encore  ici. 

Le  chlore  arrivant  bulle  à  bulle  jaunit  d'abord  le  méthy- 
lal en  s'y  dissolvant;  la  réaction  ne  tarde  pas  à  se  produire. 
Le  liquide  s'échauffe  fortement  et  se  décolore;  de  l'acide 
chlorhydrique  se  dégage  en  très  grande  quantité.  La  réac- 
tion est  plus  rapide  et  plus  énergique  encore  que  celle  qui 
accompagne  la  formation  de  l'élher  méthylique  bichloré. 
Aussitôt  que  de  légères  fumées  blanches  apparaissent 
au-dessus  du  liquide  et  s'élèvent  dans  le  col  du  ballon,  il 
est  nécessaire  de  modérer  l'action  du  chlore  en  intercep- 
tant les  rayons  lumineux  par  un  écran  et  en  refroidissant, 
au  besoin,  le  ballon. 


(  648  ) 

Au  commencement  de  ces  expériences,  j'ai  eu  quelques 
explosions  en  tout  semblables  à  celles  qui  se  produisent 
par  l'action  du  chlore  sur  l'élher  méthylique  mono- 
chloré. 

Comme  précédemment, à  divers  moments  de  l'opération, 
j'ai  pesé  le  ballon,  pour  m'arrèter  après  l'introduction  d'une 
molécule-gramme  de  chlore.  Mais  la  perte  de  volume  —  qui 
est  très  sensible  pendant  l'opération  —  m'avait  prévenu 
pour  les  pesées  suivantes  :  chaque  fois,  j'ai  constaté  une 
perte  de  poids. 

J'ai  recueilli  alors  le  gaz  qui  s'échappait,  dans  une  solu- 
tion de  soude  caustique.  Outre  l'acide  chlorhydrique  qui  se 
dissolvait,  de  nombreuses  bulles  de  gaz  venaient  crever  à 
la  surface.  J'y  ai  facilement  reconnu  le  chlorure  de  méthyle, 
remarquable  par  sa  combustibilité  avec  flamme  verte. 
Après  quelques  heures  de  traitement,  le  liquide  est  soumis 
à  la  distillation.  Après  le  départ  de  l'acide  chlorhydrique, 
le  thermomètre  s'élève  rapidement  jusque  lOo".  La  partie 
recueillie  vers  celte  température  a  été  lavée  à  l'eau  pour 
enlever  l'acide  chlorhydrique  et  le  mélhylal  qui  aurait  pu 
y  rester. 

La  couche  inférieure  est  séparée  par  un  entonnoir  à 
robinet  et  laissée  quelques  heures  en  contact  avec  du  car- 
bonate de  potassium  calciné,  qui  enlève  l'eau  et  l'acide 
chlorhydrique. 

Le  produit,  soumis  à  de  nouvelles  distillations,  donne  un 
liquide  bouillant  vers  9o". 

Des  550  grammes  de  méthylal  dont  j'étais  parti,  j'ai 
obtenu  200  grammes  de  produit;  soit  donc  une  dimi- 
nution (le  plus  d'un  tiers.  Cette  perte  provient  surtout 
du  chlorure  de  méthyle  dégagé  durant  le  cours  de  l'opéra- 
tion. 


(  649  ) 
Deux  dérivés  monochlorés  distincts  pouvaient  s'être 
formés  : 

P)     CH,  <0CH3. 

L'action  de  l'eau  m'a  encore  ici  renseigné  sur  la  nature 
du  produit  obtenu. 

Le  dérivé  a  en  présence  de  l'eau  doit  donner  de  l'acide 
formique,  puisqu'il  renferme  le  radical  méthényle  ^CH; 
le  dérivé  (3),  renfermant  le  groupement  >CH2  donnera  de 
l'aldéhyde  formique. 

Le  produit  a  été  chauffé  avec  de  l'eau  dans  un  ballon 
sous  un  réfrigérant  ascendant,  pendant  quelques  heures. 
Pendant  l'opération,  il  se  dégage  de  l'acide  chlorhydrique 
en  grande  quantité. 

Le  liquide  obtenu  a  été  traité  par  le  carbonate  de 
sodium,  comme  dans  les  opérations  précédentes,  afin  d'y 
reconnaître  la  présence  d'acide  formique.  Je  n'ai  pu  con- 
stater que  la  présence  de  l'aldéhyde  formique  seule.  Il  n'y 
a  donc  que  le  groupement  oxy-mélhy!e  OCH5  qui  ail 
été  attaqué  et  transformé  en  OCH^CI.  Donc  le  méthylal 

OCH2CI 
I3    • 


monochloré  est  le  dérivé  P  :  CH2  <rvpM^ 


Propriétés.  —  C'est  un  liquide  limpide  et  incolore, 
quelque  peu  épais.  Il  possède  une  odeur  piquante;  un 
flacon  ouvert  pendant  quelques  instants  dans  une  pièce,  y 
répand  des  vapeurs  qui  irritent  fortement  les  yeux  et  font 
larmoyer.  Sa  saveur  est  brûlante.  Il  fume  à  l'air,  la  vapeur 
d'eau  qui  s'y  trouve  en  suspension  se  combinant  aux 
vapeurs  qu'émet  le  liquide.  Il  bout  à  95°. 


(  650  ) 

Il  brûle  avec  une  flamme  jaune  colorée  en  vert  sur  les 
bords.  Placé  dans  un  mélange  réfrigérant,  il  ne  se  congèle 
pas.  Sa  densité  à  12"8  est  1,3053. 

Ce  corps  esl  insoluble  dans  l'eau,  soluble  dans  l'alcool, 
l'élber,  le  chloroforme,  la  benzine  et  le  sulfure  de  car- 
bone. 

L'analyse  de  ce  produit  a  donné  les  résultats  suivants  : 

I.  0^',2757  de  substance,  par  la  méthode  de  Carius,  ont 
donné  Os',5625  de  chlorure  d'argent. 

II.  0s',3154de  substance,  par  la  même  méthode,  ont 
donné  0^^4155  de  chlorure  d'argent. 

III.  0s%3467  de  substance,  par  la  même  méthode,  ont 
donné  O^'A^M  de  chlorure  d'argent. 

De  là  il  résulte  : 

Trouvé. 


Chlore. 


Calculé. 
32,48  "/„ 


32,59  Vo 


II. 

52,43  "/„ 


III. 

32,47  «/„ 


La  densité  de  vapeur  calculée  esl  3,818. 
Lesdonnées  de  la  densité  de  vapeur  trouvée  sont 


Pression  barométrique    .     . 

761°"» 

Poids  de  la  substance.     .     . 

Os',0509 

Mercure  soulevé     .... 

CIO-"" 

Tension  de  la  vapeur  .     . 

142™"' 

Volume  de  la  vapeur  .     .     . 

.        75'%4 

Température 

100» 

Ce  qui  donne  3,82 

Action  du  méllujlale  de  sodium,  CH3  —  ONa.  —  Dans  un 
ballon  placé  sous  un  réfrigérant  à  reflux  et  renfermant 
une  solution  de  méthylate  de  sodium  dans  l'alcool  raéthy- 


(  651  ) 
lique,  j'ai  laissé  tomber  goulle  à  gonlte  40  grammes  de 
mélhylal  chloré  :  H2C<Q/^'r,-    . 

Le  liquide  s'échauffe  l'orlemenlel  doit  être  bien  refroidi  ; 
il  se  forme  du  chlorure  de  sodium  qui  se  dépose  et  il  sur- 
nage une  couche  d'élher  en  solution  dans  l'alcool  méthy- 
lique. 

Le  tout  a  été  soumis  à  la  distillation. 

L  Une  première  partie  bout  de  40°  à  55",  avec  arrêt 
vers  45°. 

IL  Une  seconde  partie  bout  de  55"  à  70°;  celle-ci  est 
reclidée;  c'est  de  l'alcool  mélhylique. 

La  première  est  traitée  par  le  sodium,  qui  prend  l'alcool 
pour  former  du  mélhylate  de  sodium.  L'élher  resté  inal- 
laqué  est  redistillé;  on  obtient  ainsi  un  liquide  qui  bout 
fixe  à  42°.  C'est  du  méthylal. 

J'espérais  obtenir  par  cette  réaction  l'oxyde  de  méthyle 
HjC  — OCH3 
bi-oxyméthylé  symétrique  :         >  0  à  la  suite  du 

II,C  — OCII3 
OPH  C\ 
remplacement  du  chlore  de  H2C<Qpu-      par  le  grou- 
pement OCH3  du  mélhylate  CH3  —  ONa;  mais  ce  corps 
paraît  instable  en  présence  de  l'alcool  méthylique,  qui  le 
transforme  en  méthylal  et  en  eau  : 

H,C  -  OCH3      onCH3  _  H  0  ^  t)CH  <-  ^^"^ 

Méthylal  bichloré. 

J'ai  continué  l'action  du  chlore  sur  le  méthylal  mono- 
chloré. L'appareil  doit  être  exposé  complètement  aux 
rayons  du  soleil,  parce  que  la  lumière  diffuse  ne  donne 
aucun  résultai. 


(  m'i  ) 

On  peut  également  chauffer  le  produit  pour  faciliter  la 
substitution.  Après  plusieurs  distillalions,  j'ai  obtenu  de  ce 
liquide  un  produit  qui  bout  vers  127°  :  c'est  le  dérivé 
bichloré. 

Trois  dérivés  bichlorés  peuvent  se  présenter  : 

«)    CHCK^^IJf; 

OCILCI. 
p)      LU,  <  0CfI,Cl' 

>      P„     .  OCIICi, 

L'action  de  l'eau  permet  de  déterminer  la  nature  du 
composé  formé  :  les  dérivés  a  et  y  avec  l'eau  doivent 
donner  de  l'acide  formique;  le  dérivé  P),  de  l'aldéhyde 
formique  exclusivement. 

Dans  ce  but,  j'ai  chauffé  au  bain-marie,  dans  une 
ampoule  scellée,  une  certaine  quantité  de  produit  bichloré 
avec  de  l'eau.  Au  bout  de  quelques  heures,  le  produit  était 
complètement  dissous.  En  ouvrant  l'ampoule,  il  s'échappe 
une  grande  quantité  d'acide  chlorhydrique.  Le  liquide  est 
soumis  à  la  distillation  :  il  se  dégage  d'abord  des  vapeurs 
d'acide  chlorhydrique,  puis  un  liquide  épais:  c'est  de  l'eau 
chargée  d'aldéhyde  formique.  Placé  sous  un  exsiccateur 
à  l'acide  sulfurique,  il  m'a  donné  une  poussière  blanche  : 
c'est  de  l'aldéhyde  polyraérisée. 

Le  liquide  resté  dans  le  ballon  peut  renfermer  de  l'acide 
chlorhydrique  et  de  l'acide  formique  (s'il  y  en  a).  Je  l'ai 
neutralisé  par  le  carbonate  de  sodium;  la  masse  fait  forte- 
ment effervescence  :  preuve  de  la  présence  d'une  grande 
quantité  d'acide  chlorhydrique.  Après  neutralisation  com- 
plète, j'ai  évaporé  le  liquide  à  siccité;  il  reste  un  sel 
blanc  pouvant  être  du  chlorure  et  du  formiale  de  sodium. 


(  653  ) 
Je  l'ai  desséché  cl  iraîlé  par  l'alcool;  le  Ibrmiale  de  sodium 
devant  s'y  dissoudre,  le  chlorure  y  est  insoinhe.  La  liqueur 
est  fiilroe  et  lalcool  est  éliminé  par  distillation.  Rien 
n'est  resté  dans  le  ballon,  donc  absence  de  formiate  de 
sodium. 

Le  produit  examiné  ne  renfermait  pas  d'acide  lormique. 
Donc  le  fragment  OCH3  seul  a  été  attaqué,  et  la  formule 
du  composé  formé  est  CIL2  <()Qfj'(^|  • 

C'est  un  liquide  incolore,  plus  ou  moins  visqueux, 
bouillant  à  127°.  11  possède  une  odeur  piquante.  Sa  saveur 
est  brûlante.  Il  donne  des  fumées  à  l'air. 

Il  est  insoluble  dans  l'eau,  soluble  dans  l'alcool,  l'élber, 
le  chloroforme,  la  benzine,  le  sulfure  de  carbone.  Sa  den- 
sité à  IS-'O  est  1,4803. 

Les  analyses  que  j'en  ai  faites  m'ont  donné  les  résultats 
suivants  : 

1.  0=':3U2  de  substance,  par  la  méthode  de  Carius,  ont 
donné  0,GI94  de  chlorure  d'argent. 

IL  0"',34G4  de  substance,  par  la  même  méthode,  ont 
donné  0,Gb'OG  d'AgCI. 

De  là,  il  lésulte  : 

Trouvé. 

Calculé.        r^         ïir 

Chlore  .     .     .       48,9G  %         48,90  "/o         48,87  "/o 
La  densité  de  sa  vapeur  a  été  trouvée  4,98. 


{mtn 


Pression  barométrique    .     .     .  758" 

Substance OB^OoîiO 

Tension  de  la  vapeur  .     .     .     .  155°" 

Mereure  soulevé GSô""» 

Volutue  de  la  vapeur  ....  63",2 

Température 100" 

Calculée,  elle  est  de  5,01. 


(  C^U  ) 

Ce  travail  a  été  fait  au  laboratoire  de  M.  le  professeur 
Louis  Henry,  à  Louvain. 

Je  suis  heureux  de  pouvoir  ici  témoigner  à  mon  savant 
maître  ma  vive  reconnaissance  pour  ses  bienveillants  con- 
seils. 


Sur  de  nouveaux  procédés  permettant  de  déceler  les  huiles 
végétales  et  animales;  par  W.  De  la  Royère,  ingénieur, 
répclileur  à  l'Université  de  Gand. 

Le  travail  que  j'ai  l'honneur  de  présenter  à  l'Académie 
n'est  qu'une  première  communication  relative  à  une  étude 
que  je  fais  en  ce  moment  sur  les  huiles  industrielles,  et  au 
cours  de  laquelle  j'ai  été  amené  à  trouver  un  nouveau 
réactif,  la  rosaniline  en  solution  alcaline,  permettant  de 
caractériser  d'une  manière  très  nette  et  instantanée  une 
huile  végétale  ou  animale. 

La  sensibilité  du  réactif  est  telle  qu'il  permet  de  décou- 
vrir de  minimes  quantités  d'huile  grasse  mélangée  à  une 
huile  minérale. 

Ce  résultat  m'a  semblé  suffisamment  intéressant  pour 
en  faire  l'objet  d'une  communication  à  l'Académie,  d'au- 
tant plus  que  c'est,  je  crois,  la  première  fois  que  l'on  pro- 
pose l'emploi  d'une  couleur  dérivée  du  goudron  de  houille 
comme  moyen  d'investigation  dans  l'analyse  qualitative 
des  huiles. 


(  655  ) 


Préparation  du  réactif. 

On  dissout  un  demi-gramme  de  fuchsine  (chlorhydrate 
de  rosanihne)  dans  un  demi-litre  d'eau  distillée  portée  à 
l'ébullition;  on  ajoute  ensuite,  goutte  à  goutte,  une  solu- 
tion de  sonde  caustique  à  50  %  environ  jusqu'à  complète 
décoloration,  en  évitant  avec  soin  de  rendre  la  solution  trop 
alcaline,  ce  qui  nuirait  à  la  sensibilité  du  réactif  (1);  enfin 
on  porte  le  volume  à  un  litre  par  addition  d'eau  distillée. 
On  conserve  pour  l'usage  dans  des  (laçons  bien  bouchés. 

Lorsqu'on  emploie  le  réactif  que  je  viens  de  décrire,  on 
n'obtient  qu'un  résultat  négatif  avec  les  huiles  minérales 
neutres. 

Les  huiles  végétales  et  animales,  agitées  avec  le  réactif, 
en  observant  les  précautions  que  j'énumère  plus  loin, 
prennent  instantanément  une  coloration  rose  plus  ou 
moins  foncée. 

Enfin,  les  mélanges  de  pétroles  et  d'huiles  grasses, 
traités  de  la  même  manière,  prennent,  sous  l'action  du 
nouveau  réactif,  une  coloration  rose  qui  se  produit  gra- 
duellement, et  qui  finit  par  être  d'autant  plus  foncée  qu'il 
y  a  plus  d'huile  non  minérale  en  présence. 

Les  huiles  minérales  de  provenance  russe  ou  améri- 
caine, mentionnées  dans  le  tableau  suivant,  sont  celles 
sur  lesquelles  ont  porté  mes  essais.  Elles  m'ont  conslam- 

(1)  On  peut  employer  l'ammoniaque  au  lieu  de  la  soude  caustique, 
mais  il  convient  de  donner  la  préférence  à  celte  dernière.  En  effet, 
j'ai  remarque  que  le  réactif  prépare  à  l'ammoniaque  ne  se  conserve 
pas  aussi  bien  ;  il  perd  assez  rapidement  une  partie  de  son  alcalinité 
et  tend  à  prendre  alors  une  coloration  rose. 


(  656  ) 
ment  donné  des  résultats  conformes  à  ceux  énoncés  plus 
haut. 


DÉSIGNATION   DE  L'HUILE   MINÉRALE. 


Huile  de  pétrole  russe  raffinée.    .    .    . 
Diverses  huiles  de  pétrole  du  commerce 

Huile  minérale  russe  raffinée  .... 

Huile  de  naphle 

Distillât  russe 

Huile  minérale  dite  Huile  soleil  .    .    . 

—  dite  Colzaline  .... 

—  russe  no  1 

—  russe  n»  2  

—  cjlindrine  rouge  n»  1    . 

—  —       rouge  extra  . 

—  —       verte   .   .    . 

—  américaine 

—  verte  d'Ecosse,  etc.  .    . 


0,8i4 

0,8t)0 
0,865 
0,875 
0,885 
0,900 
0,910 
0,868 
0,867 
0,877 
0,888 
0,902 
0,908 


/0,9J0 
/0,898 


(  637  ) 

Les  huiles  non  minérales  qui  ont  été  essayées  sont  les 
suivantes  :  huiles  de  colza,  de  chanvre,  de  lin,  d'olive, 
d'arachide,  d'œilletle,  de  colon ,  de  palme,  de  ricin,  de 
croton,  d'amande,  de  sésame,  de  pied  de  bœuf,  de  foie  de 
morue,  etc.  Ces  huiles,  épurées  ou  non,  donnaient  la  réac- 
tion annoncée  plus  haut. 

J'ai  de  même  essayé  la  graisse  de  bœuf  et  de  mouton, 
le  saindoux,  les  acides  palmitique,  stéarique  et  oléique  du 
commerce. 

Dans  tous  ces  cas,  j'ai  toujours  obtenu  avec  le  réactif 
des  colorations  roses  d'une  intensité  remarquable. 

Enfin,  dans  une  nouvelle  série  d'expériences,  j'ai  opéré 
sur  les  graines  des  huiles  végétales.  Quelques-unes  des 
huiles  mentionnées  ci-dessus,  telles  que  les  huiles  de  lin, 
de  chanvre,  d'œillette  et  de  colza,  ont  été  extraites  par 
compression  de  leurs  graines  après  mouture  de  celles-ci. 
Une  partie  de  chacune  de  ces  huiles  a  été  purifiée  par  l'a- 
cide sulfurique,  puis  lavée  à  grandes  eaux  et  enfin  filtrée 
après  repos  et  décantation. 

Voici  maintenant  comment  il  convient  d'opérer  un  essai. 
On  se  sert  d'une  soucoupe  ou  d'une  capsule  en  porcelaine, 
dans  laquelle  on  verse  deux  ou  trois  gouttes  de  l'huile  sou- 
mise à  l'analyse;  on  y  fait  tomber  deux  gouttes  du  réactif, 
on  agite  vivement  à  l'aide  d'une  baguette  de  verre,  et  l'on 
voit  apparaître  instantanément  une  coloration  rose  qui, 
dans  la  grande  majorité  des  cas,  est  très  intense  et  ne  fait 
qu'augmenter  après  un  certain  laps  de  temps,  surtout  pour 
les  huiles  de  lin,  de  colza,  d'arachide,  de  palme,  d'olive  et 
de  pied  de  bœuf,  ainsi  que  pour  l'acide  oléique. 

Cette  coloration,  pour  toutes  les  huiles  végétales  et  ani- 
males soumises  aux  expériences,  se  maintient  pendant 
plusieurs  heures  et  même  pendant  plusieurs  jours. 

S"'    SÉRIE,   TOME   XXVI.  43 


(  658  ) 

Les  huiles  minérales  neutres  Irailées  de  la  même  manière 
ne  donnent  lieu  à  la  production  d'aucune  coloration  rose. 
Néanmoins,  lorsqu'un  pétrole  est  resté  acide  par  suite  d'un 
lavage  défectueux,  il  donne,  avec  la  solution  alcaline  de 
rosaniline,  une  coloration  rose  qui  n'est  cependant  jamais 
aussi  intense  que  dans  le  cas  d'une  huile  non  minérale.  Je 
me  suis  assuré  de  ce  fait  par  une  expérience  plusieurs  fois 
répétée  sur  des  échantillons  différents.  Ayant  essayé  une 
huile  minérale  à  l'aide  du  procédé  nouveau  et  après  avoir 
constaté  qu'aucune  coloration  rose  ne  se  produisait,  je  l'ai 
agitée  avec  quelques  gouttes  d'acide  sulfurique.  Un  nouvel 
essai  avec  la  rosaniline  m'a  donné  nne  coloration  rose  très 
appréciable.  Cette  huile  acide  a  été  ensuite  vivement  agitée 
et  battue,  d'abord  avec  de  l'eau  pure,  puis  avec  de  l'eau 
rendue  alcaline  par  un  peu  de  soude,  ensuite  avec  de  l'eau 
de  baryte  pour  enlever  les  dernières  traces  d'acide  sulfu- 
rique, et  finalement  avec  de  l'eau  pure.  Après  repos  el 
séparation,  cette  huile  minérale,  redevenue  parfaitement 
neutre,  ne  donnait  plus,  en  présence  du  réactif,  aucune 
coloration  rose. 

Ces  faits  prouvent  que  le  procédé  nouveau  que  j'indique 
pour  découvrir  une  huile  végétale  ou  animale  au  sein  d'une 
huile  minérale,  pourra  servir  aussi  à  s'assurer  de  la  par- 
faite neutralité  de  cette  dernière,  même  lorsque  les  autres 
indicateurs  de  l'acidité  ne  donnent  que  des  résultats  dou- 
teux, comme  je  l'ai  moi-même  maintes  fois  expéri- 
menté. 

Aucun  de  ces  résultats  n'est  modifié  si,  au  lieu  d'opérer 
à  la  température  ordinaire,  on  fait  les  essais  à  la  tempéra- 
ture du  bain-marie. 

Si  l'on  a  affaire  à  une  huile  de  couleur  foncée,  il  convient 
de  la  diluera  l'aide  d'un  dissolvant  incolore  et  sans  action 


(  659  ) 

chimique  sur  l'huile  et  sur  le  réactif,  tel  que  le  sulfure  de 
carbone,  la  benzine,  etc. 

J'ai  déjà  dit  que  l'intensité  de  la  coloration  rose  observée 
est  d'autant  plus  forte  que  la  quantité  d'huile  grasse  pré- 
sente dans  une  huile  minérale  est  plus  grande.  Cette 
coloration  est  encore  fort  appréciable  lorsqu'un  pétrole  ne 
renferme  plus  que  des  quantités  d'huile  grasse  comprises 
entre  3  %  et  74  °/o-  Dans  ce  cas,  l'apparition  du  phéno- 
mène, tout  en  n'étant  pas  instantanée,  se  manifeste  tou- 
jours après  un  temps  très  court. 

Le  tableau  suivant  donne  quelques  résultats  des  expé- 
riences qui  ont  été  faites  avec  les  principales  huiles 
examinées. 


DÉSIGNATION 

de 
l'huile  minérale. 

1 

DÉSIGNATION 

de  l'huile  grasse 

mélangée  à  l'huile  minérale. 

■S 

H 

< 
Ol 

TEMPS       1 

approximatif  1 

poar 

développer 

la  coloration. 

3 

30" 

Huile  minérale  russe  raffinée. 

0,873 

Huile  de  colza  .... 

2 
1 
3 

1' 

1  à  2' 
1' 

Huile  minérale  russe  raffinée. 

0,863 

Huile  de  lin 

2 
i 
3 

1  à  2' 

30" 

Huile  de  pétrole  russe  raffinée. 

0,8-24 

Huile  de  chanvre   .    .    . 

2 
i 

411" 

30" 

Huile  minérale  américaine.    . 

0,903/ 

/o,907 

Huile  d'oeillette  .... 

2 

W 
50" 

(  660) 


DÉSIGNATION 

«5 

DÉSIGNATION 

^ 

TEMPS 

•M 

approximatif 

de 

H 

de  l'huile  grasse 

^ 

pour 

z 

•g. 

développer 

l'huile  minérale. 

a 

mélangée  à  l'huile  minérale. 

< 

la  coloration. 

3 

30" 

Huile  minérale  américaine.    . 

0,885/ 

/o,890 

Huile  de  ricin    .... 

■^ 

1 

1' 

3 

30" 

Huile  minérale  russe  raffinée. 

0,875 

Huile  de  pied  de  bœuf    . 

\ 
3 

1' 
l'30" 

30"  à  1' 

Huile  minérale  russe  raffinée. 

0,S6o 

Huile  de  foie  de  morue  . 

( 

2 
1 
3 
2 

1' 
Quelques 

Huile  de  pétrole  russe  raffinée. 

0,824 

Acide  oléique    .    .    .    .  < 

( 

1 

2 

secondes 
20" 

Huile  minérale  russe  raffinée. 

0,875 

Huile  de  palme .... 

1 

Va 
3 

30" 
30" 

Huile  minérale  russe  raffinée. 

0,86a 

Huile  d'arachide    ... 

2 
1 

1' 
î 

II  est  entendu  que  le  temps  nécessaire  à  la  production 
de  la  couleur,  indiqué  dans  le  tableau  qui  précède,  se  rap- 
porte à  des  maximums  d'intensité. 

Je  crois  qu'il  serait  prématuré,  dans  l'état  actuel  de  la 
question,  d'interpréter  d'une  manière  déflnitive  les  faits 
annoncés  dans  cette  note. 


(661  ) 

Cependant  il  semble  résulter  des  expériences  décrites, 
que  les  huiles  végétales  et  animales,  toutes  plus  ou  moins 
acides,  mises  en  contact  avec  la  solution  de  rosaniline, 
neutralisent  une  partie  de  l'alcali  et  mettent  ainsi  en 
liberté  une  quantité  correspondante  d'un  sel  de  rosaniline 
(jui  apparaît  alors  avec  sa  coloration  rose  plus  ou  moins 
intense. 

Indépendamment  de  la  rosaniline  en  solution  alcaline, 
j'ai  trouvé  que  d'autres  couleurs  dérivées  du  goudron  de 
houille  pouvaient  être  employées  comme  réactifs  plus  ou 
moins  sensibles  des  huiles  non  minérales.  Je  citerai  entre 
autres  l'acide  picrique,  la  purpurine,  l'acide  rosolique  et 
l'éosine.  Je  suis  occupé  à  déterminer  dans  quelles  condi- 
tions il  convient  de  faire  usage  de  ces  réactifs,  et  j'espère 
avoir  l'honneur  de  pouvoir  communiquer  de  nouveaux 
résultats  à  l'Académie. 

J'exprime  ici  toute  ma  reconnaissance  à  M.  le  profes- 
seur Rottier,  directeur  du  laboratoire  de  chimie  indus- 
trielle de  l'École  spéciale  du  Génie  civil,  pour  la  bien- 
veillance qu'il  n'a  cessé  de  me  montrer  au  cours  de  ce 
travail. 


(  662  ) 
CLASSE  DES  LETTRES. 


Séance  du  4  décembre  1895. 

M.  Ch.  Loomans,  vice-directeur,  occupe  le  fauteuil. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Alph.Waulers,  A.Wagener,P.  Wil- 
lems,  S.  Bormans,  Ch.  Piot,  Ch.  Polvin,  T.-J.  Lamy, 
G.  Tiberghien,  L.  Vanderkindere,  Alex.  Henné,  le  comte 
Goblet  d'Alviella,  F.  Vander  Haeghen,  J.  Vuylsteke, 
Ém.  Banning,  A.  Giron,  membres;  Alph.  Rivier,  associé; 
Paul  Fredericq,  Mesdach  de  ter  Kiele,  le  chevalier 
Descamps,  D.  SIeeckx  et  P.  Thomas,  correspondants. 

M.  J.  Stecher  écrit  qu'il  regrette  de  ne  pouvoir  assister 
à  la  séance. 


CORRESPONDANCE. 


M.  le  Ministre  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique 
prie  la  Classe  de  lui  soumettre  une  liste  double  de  candi- 
dats pour  la  composition  du  jury  qui  sera  chargé  de  juger 
la  douzième  période  du  concours  triennal  de  littérature 
dramatique  en  langue  française. 

—  Le  même  Ministre  envoie,  pour  la  bibliothèque  de 
l'Académie,  un  exemplaire  des  ouvrages  suivants  : 
1°  Scènes  de  la  vie  judiciaire;  par  Edmond  Picard  ; 


(  663  ) 
2°  Bulletin  de   Folklore,   1892,   deuxième  semestre; 
1893,  deuxième  fascicule.  —  Remerciements. 

—  M.  le  Ministre  de  l'Agriculture,  de  l'Industrie  el  des 
Travaux  publics  envoie  un  exemplaire  du  Rapport  sur  les 
sociétés  de  secours  mutuels  pendant  les  années  4888-1890^ 
—  Remerciements. 

—  Hommages  d'ouvrages  : 

i°  Essais  et  études,  1"=  série  (1861-1875),  par  Emile  de 
Laveleye;  offert  par  M""*  de  Laveleye; 

2°  A.  Rapport  historique  sur  les  cinquante  premières 
années  du  petit  séminaire  de  Saint-Trond ;  B.  Un  corres- 
pondant belge  de  Descartes  :  le  père  François  Fournet,  S.J.; 
par  Georges  Monchamp,  correspondant  de  l'Académie; 

3"  Geschiedenis  tan  liet  nederlandsche  volk;  door  P.-J. 
Blok,  deel  II  (présenté  par  Paul  Fredericq,  avec  une  note 
qui  figure  ci-après); 

A"  A.  Adud-ISirar,  roi  d'Ellassar;  B.  Les  inscriptions 
du  pseupo-Smerdis  et  de  l'usurpateur  Nidintabel,  fixant  le 
calendrier  perse  ;  par  Jules  Oppert; 

5°  Le  domicile  de  secours;  par  H.  Pascaud; 

6°  De  l'application  de  la  suggestion  hypnotique  à  la 
pédagogie;  parle  D'  L.  Peelers; 

7°  A.  Les  grands  domaines  et  les  villas  de  l'Entre- 
Sambre-et-Meuse  sous  l'empire  romain;  B.  Les  bagues 
franques  et  mérovingiennes  du  Musée  de  Namur;  par 
Alfred  Bequet; 

8°  Freya,  poème  lyrique;  B.  Cromlechs  et  dolmens  de 
Belgique;  C.  Les  Èburons  à  Limboitrg  :  le  véritable 
Aduatuca;  par  E.  Harroy; 

9°  De  la  revision  constitutionnelle;  discours  prononcé 


(  664  ) 

à  la  Cour  d'appel  de  Gand;  par  M.  le  procureur  général  de 
Gamond; 

iO°  Les  sentences  indéterminées  et  la  législation  belge; 
par  Paul  Ollel; 

i\°  Un  artiste  brainois  :  André  de  Broecq ;  par  Erne&l 
Mallhieu; 

1 2°  Rapport  du  jury  chargé  de  conférer  le  prix  Guinard 
de  10,000  francs,  pour  la  période  quinquennale  1887-1892. 
Extraits  du  Moniteur,  offerts  par  F.-A.  Robyns,  lauréat  du 
concours; 

15°  Roses  et  violettes; pur  Alexis  Lemaitre. 

—  Reraerciemenls. 

L'  «  American  philosophical  Society  »,  à  Philadelphie^ 
annonce  que  le  prix  Henry  M.  Phillips  sera  décerné 
en  1895. 

Les  travaux  doivent  être  soumis  avant  la  fin  de 
Tannée  1894. 

Un  prix  de  500  dollars  est  affecté  à  chacune  des  ques- 
tions suivantes  : 

1.  T/ie  sources,  formation,  and  dévelopment,  of  whatis 
generally  designated  the  Common  Law  of  England  ; 

2,  The  tlieory  ofthe  Slate,  Irealed  historically,  and  upon 
principle,  ivith  a  discussion  of  the  varions  schools  of 
classical,  mediœval,  and  modem  thoug/it,  upon  the  subject; 

5.  The  hislorical  and  doctrinal  relations  of  the  Roman 
Law  and  the  English  Law,  illustrated  by  parallels  and 
contrasts. 

Les  travaux  doivent  être  inédits  et  accompagnés  d'un 
pli  cacheté  avec  devise  et  nom  d'auteur. 

Les  mémoires  de  concours  qui  ne  sont  pas  écrits  en 
anglais  doivent  être  accompagnés  d'une  traduction  dans 
celle  langue. 


(  665  ) 

—  La  Classe  renvoie  à  l'examen  de  MM.  Wagener  el 
VVillems  un  travail  inlilulé  :  Remarques  sur  quelques 
passages  de  Térence  el  de  Sénèque,  par  P.  Thomas,  corres- 
pondanl  de  l'Académie. 


NOTE   BIBLIOGRAPHIQUE. 

J'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Classe  des  lettres,  au  nom  de 
l'auteur,  le  deuxième  volume  de  l'Histoire  du  peuple  des 
Pays-Bas  [Geschiedenis  van  liet  JSederlandsc/ie  volk)  par 
M.  P.-J.  Blok,  professeur  à  l'Université  de  Groningue  (1), 
dont  j'ai  présenté,  l'année  dernière,  la  première  partie  à 
l'Académie  (2). 

Ce  volume  embrasse  toute  l'histoire  des  Pays-Bas 
depuis  le  XIV%  siècle  que  l'auteur,  à  la  suite  de  M.  Vander- 
kiodere,  appelle  «  le  siècle  des  Artevelde  »,  jusqu'à  la 
veille  des  guerres  religieuses  du  XVl^  siècle. 

L'auteur  trace  d'abord  un  tableau  remarquable  du 
développement  des  institutions  communales  dans  toutes 
nos  principautés.  Il  raconte  ensuite  leur  annexion  par  les 
princes  de  la  maison  de  Bourgogne  et  par  les  Habsbourg, 
leurs  héritiers,  en  y  rattachant  l'histoire  du  Pays  de  Liège, 
resté  Étal  autonome.  Il  termine  par  des  éludes  sur  les 
institutions  centrales  du  XV"  et  du  XVl"  siècle,  sur  la 
situation  de  la  noblesse,  de  l'Église,  du  commerce  et  de 
l'industrie,  des  aris,  des  lettres  et  des  sciences. 


(i)  Groningue,  J.-B.  Wolters,  1893,  in-S",  580  pages. 
(2)  Séance  du  iô  juin  1892,  Voir  les  Bulletins,  5"=  série,  t.  XXIIF, 
pp.  848-849. 


(  666  ) 

Comme  dans  le  premier  volume,  M.  le  professeur  Blok 
a  ajouté  un  savant  appendice  sur  les  sources  de  l'histoire 
des  Pays-Bas  pendant  la  période  correspondante  (1500- 
1559). 

Ce  second  volume,  plus  nourri  et  plus  réussi  encore  que 
le  précédent,  intéressera  davantage  les  historiens  belges, 
parce  que  ce  sont  surtout  les  principautés  méridionales  des 
anciens  Pays-Bas  qui  forment  le  centre  de  l'œuvre.  Pour 
la  première  fois,  nous  avons  ici  une  histoire  complète  de 
toutes  nos  régions  du  Nord  et  du  Midi  qui,  jusqu'aux 
guerres  religieuses,  forment  un  ensemble  inséparable,  ce 
que  les  historiens  modernes  ont  presque  toujours  perdu 
de  vue  jusqu'à  présent. 

Paul  Fredericq. 


ÉLECTION. 


La  Classe  procède  au  renouvellement  de  sa  commission 
spéciale  des  finances  pour  l'année  1894, 
Les  membres  sortants  sont  réélus. 

—  Elle  s'occupe  ensuite  de  la  formation  d'une  liste  de 
dix  noms  pour  le  choix,  par  le  Gouvernement,  du  jury 
chargé  de  juger  la  douzième  période  du  concours  triennal 
de  littérature  dramatique  en  langue  française. 

Cette  liste  sera  envoyée  à  M.  le  Ministre  de  l'Intérieur 
et  de  l'Instruction  publique. 


.  667  ) 
RAPPORT. 


Sur  les  corporations  d'artistes  et  d'ouvriers  à  Rome; 
mémoire  couronné  par  la  Classe  en  1889  (revision),  par 
M.  Walizing. 

Hapito»'!  de  m.    %\'age»tcti'y  pfcntief  cotntnia^air». 

«  Dans  sa  séance  du  6  mai  1889,  la  Classe  des  lelires  a 
décerné  un  prix  de  huit  cents  francs  à  M.  Walizing,  à  celle 
époque  professeur  à  l'Alhénée  de  Liège,  pour  son  mémoire 
sur  les  corporalions  ouvrières  chez  les  Romains.  Mais, 
d'après  les  conclusions  de  voire  premier  rapporteur,  aux- 
quelles s'élaienl  ralliés  MM.  Willems  el  Vanderkindere,  il 
fui  décidé  que  le  travail  de  M.  Walizing, avant  de  pouvoir 
figurer  dans  les  publications  de  l'Académie,  devrait  être 
non  seiilemeni  revisé  au  point  de  vue  de  la  forme,  mais 
aussi  sérieusement  remanié  et  surtout  écourlé  dans  cer- 
taines parties. 

D'un  autre  côté,  d'accord  avec  vos  rapporteurs,  vous 
avez,  Messieurs,  engagé  l'auteur,  d'abord  à  compléter  son 
mémoire  par  un  recueil  de  toules  les  inscriptions  connues 
relatives  aux  collèges  romains  et  par  une  table  détaillée 
des  matières;  ensuite,  à  donner  à  son  travail  une  trame 
plus  serrée  et  à  supprimer  un  grand  nombre  de  notes,  en 
rejetant  à  la  fin,  sous  forme  d'appendice,  la  liste  des  cor- 
porations, avec  des  explications  sommaires  sur  la  nature 
de  chaque  métier. 

Le  mémoire  de  M.  Walizing  nous  revient  aujourd'hui, 
après  un  délai  de  quatre  ans,  remanié  et  complété  d'après 
les  désirs  de  la  Classe. 


(  668  ) 

Tl  comprend  acluellemenl  trois  parties  principales  : 
i"  le  mémoire  proprement  dit;  2°  le  recueil  des  inscrip- 
tions; 3"  les  indices. 

Dans  sa  forme  nouvelle,  le  travail  qui  nous  est  soumis 
comprend  près  du  triple  des  pages  dont  il  se  composait 
primitivement. 

M.  Wallzing  n'a  pas  jugé  nécessaire  de  tenir  compte, 
d'une  manière  ahsolue,  de  toutes  les  modifications  récla- 
mées par  votre  premier  rapporteur.  Celui-ci  considérait 
comme  peu  utile  la  partie  du  chapitre  I"  où  l'auteur 
avait  cru,  pour  mieux  marquer  le  caractère  propre  des 
corporations  professionnelles,  devoir  s'étendre  assez  lon- 
guement sur  les  collèges  religieux,  les  clubs  politiques  et 
les  cercles  d'amusement. 

Mais,  dans  sa  lettre  d'envoi  à  la  Classe,  M.  Waltzing 
demande  grâce  pour  l'ensemble  du  chapitre  préliminaire. 
Il  est,  dit-il,  si  souvent  question  de  toutes  ces  corporations 
dans  la  suite  du  mémoire,  que  les  détails  qui  les  concer- 
nent devraient  nécessairement  être  insérés  ailleurs  si  on 
les  retranchait  de  l'introduction.  Il  lui  paraît  donc  préfé- 
rable de  les  réunir  dans  la  première  partie  de  son  travail. 

I/auleura  peut-être  raison,  et  je  n'insiste  pas. 

La  seconde  partie,  oij  les  collèges  d'artisans  sont  étu- 
diés en  leur  qualité  d'associations  privées,  a  été  maintenu, 
sauf  l'adjonction  des  faits  nouveaux  constatés  depuis  1889, 
et  les  quelques  modifications  indiquées  dans  le  rapport  de 
vos  commissaires. 

Parmi  ces  modifications,  il  en  est  une  qu'il  me  sera 
permis  de  rappeler, 

A  l'exemple  de  MM.  Waddington-Lebas  et  de  Rossi, 
M.  Waltzing  avait  cru  trouver  à  Hiérapolis  une  institution 


(  669  ) 
charitable,  organisée  par  une  corporation  de  teinturiers 
en  pourpre.  Il  se  basait  sur  l'inscription  suivante  : 

xQ'.-ïé'knie  xal  tw  o-oveSptw 
tTiç  Ttpoaoeiai;  twv  Tiop'-pupo- 
pâtpwv  X.T.X. 

Or,  dans  mon  rapport,  j'avais  fait  remarquer,  confor- 
mément à  ce  que  j'avais  déjà  dit  en  1868,  dans  la  Revue 
de  l'instruction  publique  en  Belgique,  qu'on  ne  pouvait 
pas  raisonnablement  admettre  l'existence  d'un  comité  de 
l'indigence  des  teinturiers  en  pourpre,en  supposant  même 
qu'on  eût  le  droit  de  donner  au  mot  Tipocroeia,  qui  ne 
se  trouve  pas  dans  les  dictionnaires,  la  signiflcation  d'mrfi- 
gence. 

Je  proposais,  en  conséquence,  d'après  les  indications 
d'une  autre  inscription  d'HiérapoIis,  découverte  par  moi, 
de  remplacer  ttï;  -poorôsiaç  par  tt.ç  Trposopîaç,  ce  qui 
substituait  à  cet  étrange  comité  d'indigence,  un  bureau 
chargé  de  la  présidence  des  teinturiers.  Eh  bien,  la  même 
inscription  d'HiérapoIis  a  été,  depuis  1868,  revue  par 
M.  Ramsay,  le  célèbre  auteur  de  VHistorical  geographij  of 
Asia  Minor,  et  celui-ci,  sans  connaître  ma  conjecture,  a 
déclaré  dans  VAmerican  Journal  ofArc/ieology,  III,  p. 348, 
qu'il  avait  vu  sur  la  pierre  les  mots  -rriç  Tuposopiaç.  Ce 
que  j'avais  supposé  en  1868  a  donc  été  pleinement  con- 
lirmé  par  l'original. 

Le  premier  chapitre  de  la  troisième  partie,  où  l'auteur 
examine  le  rôle  des  collèges  d'artisans  considérés  comme 
institutions  officielles,  a  été  complètement  remanié.  Ce  que, 
dans  ces  deux  cents  pages,  M.  Waltzing  a  réuni  de  faits 
de  tout  genre  est  vraiment  étonnant.  D'ailleurs,  comme 


(  670) 

ces  faits  ont  été  toujours  soigneusement  contrôlés  oi 
groupés  avec  ordre,  ils  nous  donnent  une  idée  parfaite- 
ment claire  de  la  nature  précise  des  services  publics  conGés 
à  ces  collèges. 

Ainsi  que  nous  l'avions  demandé,  l'auteur  a  résumé  le 
paragraphe  relatif  à  Vannona,  en  ne  conservant  que  les 
détails  indispensables  à  l'intelligence  du  rôle  des  collèges 
attachés  à  cette  partie  de  l'administration. 

Les  chapitres  II-V,  sur  lesquels  nous  n'avions  pas  cru 
devoir  présenter  d'observations  critiques,  ont  été  mainte- 
nus sans  subir  de  changements  importants. 

Le  premier  appendice  du  mémoire  de  M.  Waltzing 
comprend  le  recueil  de  toutes  les  inscriptions  grecques  et 
latines  relatives  aux  corporations  romaines  que  l'auteur 
a  pu  rassembler.  Il  comprend  environ  neuf  cents  pages. 
L'ordre  suivi  est  celui  du  Corpus  inscriptionum  lalina- 
rum,  c  est-à-dire  l'ordre  géographique.  Avant  d'adopter 
celle  classification,  l'auteur  avait  bien  voulu  me  demander 
mon  avis  personnel.  Je  n'ai  pu  que  l'engager  à  se  con- 
former au  système  du  Corpus,  qui  a  été  généralement 
approuvé. 

Ce  que  le  Corpus  spécial  de  M.  Waltzing  a  coûté  de 
recherches,  malgré  les  recueils  similaires  déjà  élaborés 
par  MM.  Trangolt  Schiess  et  Liebenam,  ceux-là  seuls 
peuvent  s'en  rendre  compte  qui  ont  entrepris  eux-mêmes 
de  composer  des  recueils  de  ce  genre. 

L'auteur  a  eu  la  bonne  fortune  d'être  aidé  dans  son 
travail  par  des  savants  de  premier  ordre.  MM.  Eugène 
Bormann,  Otto  Hirschfel  et  Karl  Zangemeisler  ont  eu,  en 
effet,  la  grande  amabilité  de  compléter  et  de  revoir  les 
inscriptions  qui  n'ont  pas  encore  paru  dans  le  C.  /.  L. 
(Ombrie,  France,  Belgique,  Allemagne).  M.  Bormann  a 
même   poussé  la  complaisance  jusqu'à  communiquer  à 


(671  ) 

iM.Wallzing  les  numéros,  que  les  inscriptions  de  l'Ombrie 
porteront  dans  le  Corpus  (XI,  2). 

Nous  croyons  que  le  vaste  recueil  forme  par  M.  Walt- 
zing  sera  très  favorablement  accueilli  par  les  savants  de 
tous  les  pays  et  deviendra  en  quelque  sorte  une  œuvre 
classique. 

Et  cependant,  malgré  le  zèle  étonnant  dont  l'auteur  a 
fait  preuve,  il  n'a  pas  réussi  à  recueillir  d'une  façon  com- 
plète toutes  les  inscriptions  relatives  à  l'objet  de  son 
mémoire. 

Dans  un  volume  très  intéressant,  récemment  publié  à 
Vienne  sous  le  titre  bizarre  û'Eranos  Vinci obonensis^  à 
l'occasion  du  quarante-deuxième  Congrès  de  philologues 
allemands  qui  vient  d'avoir  lieu  dans  celte  ville,  on  trouve, 
aux  pages  276  et  suivantes,  un  article  de  M.  J.  Oehiersur 
les  Corporations  de  f  Asie-Mineure  et  de  la  Syrie.  Nous 
apprenons  par  cet  article  que  l'Académie  de  Vienne  va 
probablement  faire  paraître  sous  peu  un  Corpus  inscrip- 
tionum  Asiœ  Minoris,  et  que  M.  Oebler,  appelé,  avec 
d'autres,  à  rassembler  les  matériaux  de  ce  Corpus,  a  eu 
l'occasion  de  recueillir  toutes  les  inscriptions  grecques  de 
TAsie-Mineure  et  de  la  Syrie  qui  se  rapportent  aux  corpo- 
rations. Eh  bien,  dans  le  travail  de  M.  Oehier,  je  n'ai  pas 
relevé  moins  de  vingt-cinq  inscriptions  qui  ne  se  trouvent 
pas,  je  crois,  dans  le  Recueil  de  M.  Waltzing. 

Ces  inscriptions  concernent  l'industrie  de  la  laine  (êpto- 
TikuToi,  Xavâpt-oi,  PaçeiTç,  yva^peLç);  du  lin  (kivoopyoi,  Xivû^oi, 
XivoTTwXai);  du  bronze  (yjxk-Kzïq,  yjxkxo-zuTzoi) ;  l'orfèvrerie 
(âpyupoxô-ot.);  l'armurerie  (jj.a'^a'.po-o'.oO;  l'architecture 
(o^xo5ô{jio!,);  la  fabrication  de  tentes  ( a-xriverTai ) ;  le  com- 
merce par  caravanes  (<Tuvoo{a)  ;  les  bouviers  (PouxôÀot,)  ;  les 
jardiniers  (x-ifiiioupoi);   les  portefaix  ( o-axxo'^ôpo!.  duo  loù 


(  672) 

[xexp-riTOU,  (7.>.t|aeveirTai,  cpopr/iyol  'A^xX-rjUiao-raC ,  (p.Tiepl  tôv 
,3erxov) . 

Parmi  ces  inscriptions  non  mentionnées  par  M.  Walt- 
zing,  plusieurs  offrent  un  sérieux  intérêt.  Ainsi  à  Flavio- 
|)olis,en  Cilicie,  on  a  découvert  une  inscription  chrétienne 
du  Ili"  siècle,  où  l'on  fait  un  vœu  pour  le  salut  de  !a 
modeste  corporation  (eûreXeç  ffuvépy.ov)  des  foulons,  et  où 
l'on  demande  pardon  à  Dieu  pour  les  péchés  commis. 

Ainsi  encore,  on  constate  qu'à  Abydos,  les  fabricants  de 
lentes  et  les  ouvriers  figurent  dans  une  inscription  com- 
raémorative  à  côté  de  l'assemblée  du  peuple  {^~r\u.oq)  et 
des  Romains  établis  à  llion. 

^otons  encore  qu'à  propos  d'une  contestation  qui 
s'était  élevée  à  Sardes  entre  un  entrepreneur  de  bâtisses 
et  ses  ouvriers,  le  magistral  s'adresse  au  collège  des 
constructeurs  de  maisons  (oûoo6pi.o'.)  pour  lui  demander 
communication  du  règlement  public  (orijudata  xavovuà)  qui 
détermine  les  obligations  réciproques  des  entrepreneurs  et 
des  constructeurs.  Des  articles  de  ce  règlement,  qui  méri- 
terait une  étude  spéciale,  sont  mentionnés  dans  le  Code  de 
Juslinien(IV,59,VIlI,10,  12§9). 

Si  la  Classe,  comme  je  l'espère,  ordonne  l'impression  du 
mémoire  de  M.  Waltzing,  celui-ci  ne  manquera  certaine- 
ment pas  de  tenir  compte  de  l'article  de  M.  Oehier. 

Le  deuxième  appendice  du  mémoire  revisé  contient  les 
Indices.  La  haute  utilité,  je  dirai  même  la  nécessité  de 
faire  suivre  un  Corpus  d'une  série  d'index  nombreux  et 
détaillés,  a  été  démontrée  par  le  C.  L  L. 

Yoici  la  liste  de  ceux  qui  sont  annexés  au  mémoire  et 
au  Recueil  de  M.  Waltzing  :  4°  Collèges  professionnels, 
a)  de  Rome  et  d'Ostie,  b)  de  l'Italie  et  des  provinces; 
2»  Collèges  militaires  et  collèges  de  vétérans;  3°  Collèges 


(  675  ) 

religieux  privés;  4°  Collèges  funéraires;  5°  Collèges  dont 
la  nature  est  incertaine;  6"  Composition,  hiérarchie  et 
administration  des  collèges;  7°  Fonctionnaires  et  servi- 
teurs des  collèges;  8°  But  et  rôle  des  collèges;  9"  Religion 
et  funérailles;  iO°  Finances. 

A  ceux  qui  aiment  à  pénétrer  dans  la  vie  intime  des 
corporations  ouvrières  de  l'antiquité,  les  index  de  M.  Walt- 
zing  fourniront  une  mine  en  quelque  sorte  inépuisable  de 
renseignements  authentiques. 

Qu'il  me  soit  permis  de  citer  un  seul  exemple  à  l'appui 
de  ce  que  je  viens  de  dire.  Sous  la  rubrique  Culte  des  morls, 
nous  trouvons,  au  n°  9,  la  liste,  assurément  très  curieuse, 
des  nombreuses  fondations  qui  recommandaient  d'apporter 
sur  la  tombe  des  défunts,  à  des  époques  déterminées,  des 
roses,  des  violettes  ou  des  couronnes.  Quelques-unes  de 
ces  fondations  sont  perpétuelles.  Généralement,  détail 
caractéristique,  on  y  stipulait  qu'à  toutes  les  personnes 
qui,  aux  jours  indiqués,  apporteraient  sur  les  lombes  des 
couronnes  ou  des  fleurs,  on  distribuerait  des  sportules  en 
pain  et  en  vin. 

A  Ossigi,  dans  la  Bétique,  un  soldat  de  la  huitième 
cohorte  prétorienne  supplie  ses  collègues  et  ceux  qui  leur 
succéderont  de  veiller  à  ce  qu'une  lampe  perpétuelle  brûle 
sur  la  tombe  de  sa  fille,  a  afin,  dit-il,  que  pareil  malheur 
n'arrive  à  aucun  de  vous  ». 

M,  Waltzing  a  compris  dans  ses  Indices  non  seulement 
des  collèges  mentionnés  dans  les  inscriptions,  mais  aussi 
ceux  que  nous  ne  connaissons  que  par  les  auteurs.  C'est 
une  idée  heureuse  que  nous  approuvons  pleinement. 

Indépendamment  de  ses  index,  le  mémoire  de  M.  Walt- 
zing contient  ou  contiendra  la  table  des  villes  (noms 
anciens  et  modernes)  où  les  inscriptions  ont  été  trouvées; 

S""*    SÉRIE,   TOME   XXVI.  44 


(  674  ) 
une  liste  des  recueils  cités  à  côté  du  C.  I.  L.  ;  une  liste  de 
concordance  entre  ces  divers  recueils  partiels  et  \e Corpus; 
enfin  une  table  des  matières. 

Celle-ci  n'a  pas  encore  été  faite  et  n'a  pu  l'être;  il 
est,  en  effet,  évident  qu'on  ne  pourra  renvoyer  aux  pages 
du  mémoire  et  de  ses  appendices  que  lorsque  le  tout  sera 
imprimé. 

A  vrai  dire,  la  rédaction  du  travail  de  M.  Waltzing,  telle 
qu'elle  nous  est  soumise,  n'est  pas,  à  tous  égards,  définitive. 
Il  reste  à  faire  passim  de  petites  retouches,  à  supprimer 
un  assez  grand  nombre  de  notes  devenues  inutiles  à  cause 
du  Recueil  des  inscriptions  et  des  Indices,  à  en  ajouter 
quelques  autres.  Mais  nous  pouvons,  je  crois,  nous  en 
rapporter  à  l'auteur  pour  opérer  ces  divers  changements 
dans  le  cours  de  l'impression. 

En  résumé,  je  suis  d'avis  que,  moyennant  les  légères 
réserves  que  je  viens  d'indiquer,  le  mémoire  de  M.  Walt- 
zing, dans  sa  forme  actuelle,  peut  figurer  dans  un  des 
recueils  de  nos  publications  académiques. 

Ce  sera,  si  je  ne  me  trompe,  le  travail  de  beaucoup  le 
plus  complet  publié  jusqu'ici  sur  les  corporations  romaines, 
et  il  fera,  je  n'en  doute  pas,  honneur  à  la  Belgique. 

Assurément,  de  nouvelles  inscriptions  viendront  se 
joindre  à  celles  que  contient  le  Recueil  de  M.  Waltzing; 
quelques-unes  des  assertions  du  mémoire  seront  pro- 
bablement contestées.  Mais  il  n'en  constituera  pas  moins 
un  standard  work,  destiné  à  faire  époque  dans  l'histoire 
des  corporations.  » 

La  Classe  a  adopté  ces  conclusions,  auxquelles  ont  sous- 
crit MM.  Willems  et  Vanderkindere. 


(  675) 


COMMUNICATIONS  ET  LECTURES. 


De  l'emploi  des  termes  «  style  gothique  d  et  a  style  ogival  »; 
par  Alphonse  Wauters,  membre  de  l'Académie. 

Je  n'ai  pas  l'inlenlion  de  m'élendre  longuement  sur 
cette  question,  qui  a  déjà  occupé  tant  d'hommes  voués  au 
cuite  des  beaux-arts  et  désireux  d'en  éclaircir  les  origines: 
Faut-il  dire  le  style  gothique  ou  le  style  ogival?  Ce  dernier 
terme,  qui  semblait  avoir  pris  faveur  en  France  et  en 
Belgique,  paraît  dédaigné  aujourd'hui,  et  l'emploi  du  mol 
gothique  devient  de  plus  en  plus  général,  bien  que,  hâtons- 
nous  de  le  dire,  on  ne  l'emploie  qu'à  regret.  C'est  ce  dont 
convient,  entre  autres,  l'un  de  ceux  qui  se  sont  occupés 
des  productions  du  moyen  âge  :  je  veux  parler  de  Louis 
Gonse,  l'auteur  du  splendide  in-folio  publié  récemment  à 
Paris,  sous  le  titre  de  l'Art  gothique  {Vâùs,  Quentin).  Ni 
au  propre,  ni  au  figuré,  on  ne  peut  en  admettre  l'usage. 
Qu'y  a-l-il  de  commun  entre  la  nation  gothique,  dont  la 
domination  s'est  éteinte  en  Italie  au  VP  et  en  Espagne 
au  VIll®  siècle,  et  la  triomphante  architecture  qui,  sortie 
de  l'Ile-de-France  au  Xlh  siècle,  se  répandit  rapidement  en 
Belgique,  en  Angleterre,  sur  les  bords  du  Rhin,  pénétra 
plus  tard  en  Italie  et  en  Espagne,  et  domina  dans  ces  diffé- 
rentes contrées  jusqu'à  l'époque  où  reprit  faveur  le  mode 
de  construire  adopté  par  l'antiquité.  On  ne  saurait  établir 


(676) 
de  rapports  entre  elles;  en  effet,  on  ne  saurait  trouver 
aucune  ressemblance  entre  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  les 
cathédrales  d'Amiens,  de  Reims  et  de  Cologne,  et  les 
temples  plus  modestes,  plus  simples,  élevés  à  la  religion 
chrétienne  au  temps  où  une  partie  de  l'Europe  obéissait  à 
des  rois  goths.  Les  Espagnols  sont  bien  plus  dans  le  vrai 
lorsqu'ils  réservent  le  nom  de  gothique  pour  les  édifices 
d'architecture  romane  {\). 

Au  figuré,  l'emploi  du  mol  gothique  est  plus  défectueux 
encore.  Dire  d'un  monument,  d'un  objet  d'art,  qu'il  est 
gothique,  c'est  sous-entendre  qu'il  est  d'un  goût  suranné, 
d'une  manière  qui  est  tombée  dans  le  discrédit,  C'est  ainsi 
que  l'entendaient  les  meilleurs  écrivains  de  la  France,  et 
c'est  la  signification  que  donnent  à  ce  mot,  entre  autres, 
Boileau,  Félibien  et  d'autres  auteurs  de  l'époque  de 
Louis  XIV.  On  ne  désignait  pas  de  la  sorte  les  productions 
de  style  ogival  seulement;  comme  l'indique  le  Dictionnaire 
de  Trévoux  (t.  III,  col.  277),  on  enveloppait  dans  la  même 
réprobation  toutes  les  productions  de  l'art  au  moyen  âge, 
aussi  bien  les  plus  anciennes,  «  massives,  pesantes  et  gros- 
sières, »  que  les  plus  récentes,  «  plus  délicates,  plus  légères 
et  d'une  hardiesse  à  donner  de  l'étonnement  ».  L'ancienne 
architecture  gothique,  ajoutent  les  auteurs  du  Dictionnaire, 
est  celle  que  les  Golhs  ont  apportée  du  nord.  Inutile  de 
le  faire  remarquer,  ce  dernier  membre  de  phrase  n'a  rien 
d'exact.  En  fait  d'art,  les  Goths  n'ont  rien  amené  de  la 
Germanie,  et  les  édifices  qui  ont  été  construits  à  l'époque 


(1)  Demnin,  Encyclopédie  des  beaux-arts  plastiques,  t.  I,  p.  iS.  Le 
même  peuple  désigne  les  édifices  d'architecture  gothique,  c'est-à-dire 
ogivale,  par  l'épithète  A'aleman.  Ibidem,  p.  789. 


(677  ) 

de  leur  domination,  dans  le  midi  de  l'Europe,  sont  dus 
probablement  à  des  artistes  de  celte  contrée,  de  même 
que  rarchileclure  lombarde  est  née  plus  lard,  dans  la  vallée 
du  Pô,  non  pas  à  la  suite  de  l'invasion  des  Lombards,  mais 
comme  conséquence  du  réveil  de  l'arcbileclure,  et  de  la 
prospérité  de  l'Italie  du  Nord  dans  les  temps  qui  suivirent 
la  domination  de  ce  peuple  et  la  réunion  du  royaume  des 
Lombards  à  la  monarchie  carlovingienne. 

Je  ne  parlerai  pas  de  l'opinion  qui  lait  de  l'Allemagne 
la  patrie  du  style  ogival  (1),  si  ce  n'est  pour  proclamer  que 


(1)  Voir  HoPE,  Histoiri;  de  l'arclntccture,  t.  I.  Quelques  pages  de 
Boisserée,  qui  ont  été  traduites  en  français  et  publiées  dans  la  Revue 
universelle  des  arts  (t.  XVlll,  p.  526)  ont  propagé  cette  thèse,  mais 
les  arguments  que  l'auteur  cite  ne  seraient  plus  admis  de  nos 
jours.  Signalons  ici,  au  nombre  des  ouvrages  où  la  même  opinion 
est  défendue,  celui  de  Demnin,  que  nous  avons  cite  plus  haut,  et  où 
Ton  peut  relever  des  assertions  singulières.  Ainsi,  pour  assurer  à 
TAllemagnc  la  gloire  d'avoir  vu  naître  le  style  ogival,  on  y  rencontre 
les  lignes  suivantes  :  «  Les  plus  anciennes  constructions  ogivales  exé- 
cutées en  Europe  sont  :  l'église  de  Mulcborn,  en  Thuringe,  élevée 
en  99Sj  l'inlérieur  delà  cathédrale  de  Naun  bourg,  bâtie  dans  les 
dernières  années  du  X«  siècle;  la  cathédrale  de  Hlinden,  achevée 
en  1000;  rinlérieur  de  la  cathédrale  de  Mersbourg,  terminée  sous 
Henri  11,  de  1015  à  1021,  et  les  baies  de  la  cathédrale  de  Paderborn, 
qui  datent  de  1080  environ;  sans  compter  les  cathédrales  de  Schwe- 
rin,  de  Brandenbourg.  de  Dobbern,  et  autres  constructions  en  terres 
cuites,  souvent  ornées  de  parties  émaillées,  et  dort  les  portions 
gothiques  appartiennent  presque  toutes  à  la  seconde  moitié  du 
XI*  siècle.  Viennent  ensuite  le  portail  de  Saint-Denis,  achevé  en 
1 140;  celui  de  Chartres  en  1145,  etc.  »  (Demmn,  (oc.  cit.,  t.  f,  p.  838.) 
Pour  montrer  le  danger  qu'il  y  a  à  édifier  des  considérations  de  ce 
genre  et  les  réduire  complètement  à  néant,  il  suffît  d'observer  que 
les  fameuses  cathédrales  en  ogive  de  Schwerin,de  Brandenbourg,  etc., 


(  678) 
celle  opinion,  jadis  si  répandue,  n'est  plus  guère  admise 
aclueilement,  et  que  la  cathédrale  de  Cologne,  autrefois 
reconnue  comme  le  type  du  style  allemand  et  chrétien, 
n'est  plus  considérée  que  comme  une  imitation,  imitation 
admirable  du  reste,  des  grandes  églises  du  nord  de  la 
France. 

Je  n'entreprendrai  pas  de  discuter  ici  comment  l'archi- 
lecture,dans  la  seconde  partie  du  moyen  âge,  a  pris  un  tout 
autre  caractère  en  adoplanl  l'emploi  de  l'ogive  comme 
courbe  génératrice  ;  je  me  bornerai  à  faire  remarquer  que 
l'usage  de  l'ogive  imprime  un  caractère  tout  spécial  aux 
monuments  de  celle  époque  :  d'un  coup  d'œil,  le  specta- 
teur peut  caractériser  un  édifice  de  ce  genre  sans  que  rien 
vienne  égarer  son  appréciation.  Ensemble  et  détails,  tout 
porte  le  même  caractère;  si  des  formes  cintrées  ou  qua- 
drangulaires  se  montrent  dans  quelques  détails,  elles  sont 
tellement  noyées  dans  les  ogives  qu'elles  ne  produisent 
aucun  contraste  choquant. 

Je  dois  cependant  faire  remarquer  que  l'architecture 
romane-ogivale,  ou  de  la  transition,  présente,  sous  un 
rapport,  un  caractère  essentiellement  différend  de  celle 


ne  peuvent  être  du  commencement  du  Xlh  siècle,  puisqu'à  celle 
époque  le  sol  sur  lequel  elles  s'élèvent  ne  connaissait  pas  la  foi 
chrétienne.  Le  christianisme  n'y  a  été  importé  qu'après  l'an  il47, 
lorsque  les  Allemands  s'emparèrent,  sur  les  Slaves, de  Brandenbourg, 
et  de  1 148  à  1 160,  lorsqu'ils  firent,  sur  le  même  peuple,  la  conquête 
du  Mecklembourg  (voir  De  Borcgraeve,  Histoire  des  colonies  belges 
en  Allemagne,  pp.  112  et  143),  Quant  aux  autres  églises  citées,  l'his- 
toire de  leur  édification  devrait  être  soigneusement  étudiée.  Ici  on 
confond  évidemment  le  temps  de  leur  édification  première  et  celui  de 
leur  reconstruction  en  style  ogival. 


(  679  ) 
que  l'on  a  appelée  ogivale-primaire.  Dans  celle  dernière, 
toutes  les  voiiles  d'un  leinple,  même  celles  du  chœur  et 
de  la  nef  centrale,  sont  en  ogive,  ce  qui  donne  à  l'édifice 
une  élévation,  une  hardiesse  que  l'on  ne  soupçonnait  pas 
d'abord.  La  voûte  en  ogive  jouissant  de  la  propriété 
d'exercer  centre  ses  appuis  une  poussée  bien  moindre  que 
la  voûte  en  plein  cintre  (1),  celle  hardiesse  offrait  moins 
de  danger,  d'autant  plus  que  l  on  substitua  au  système  des 
conireforts-pilaslres  soutenant  l'extérieur  des  murailles, 
de  puissants  arcs-boutants  qui,  en  assurant  la  solidité  des 
monuments,  ajoulèrenl  une  nouvelle  beauté  à  leur  aspect. 
Que  l'on  contemple  tous  nos  édifices  de  style  roman,  on  y 
remarquera,  à  côté  d'une  absence  complète  ou  presque 
complète  d'arcs-boulants  de  l'espèce,  un  genre  tout  diffé- 
rend de  voûtes.  Celles-ci  n'ont  été  construites  que  dans 
les  derniers  siècles,  en  remplacement  de  plafonds  ou  de 
voûtes  en  bois.  Exemples  :  Notre-Dame  de  Tournai, 
Soignies,  Nivelles,  Maestricht.  Parfois,  comme  à  Sainte- 
Gudule  et  à  Notre-Dame  de  la  Chapelle  à  Bruxelles,  une 
voûte  à  arc  à  tiers-point  est  superposée  à  une  colonnade 
romane;  mais,  dans  ce  cas,  c'est  que  le  style  s'est  modifié 
pendant  la  construction  de  l'édifice.  Le  directeur  des 
travaux  a  harmonisé  le  style  nouveau  avec  les  construc- 
tions dues  à  ses  devanciers. 

Rien  donc  n'est  plus  propre  à  désigner  le  style  qui  a 
régné  dans  l'Europe  occidentale  du  XII'  au  XVI*  siècle  que 
le  nom  de  style  ogival,  et  c'est  avec  regret  que  l'on  verrait 
en  répudier  l'emploi.  J'ai  dit  plus  haut  les  raisons  qui  sont 


[i)  Demainet,  Mémoire  sur  l'archilcclure  des  églises,  p.  18. 


(  680  ) 

contraires  à  l'usage  du  mot  gothique  (i).  Il  en  est  une 
autre  sur  laquelle  on  me  permettra  de  reproduire  quelques- 
uns  des  arguments  que  j'ai  déjà  fait  valoir  ailleurs  et 
dans  une  autre  assemblée  (2).  C'est  que  le  mot  :  style 
gothique  serait  plus  rationnellement  adopté  pour  désigner 
l'architecture  romane  des  premiers  temps,  c'est-à-dire 
celle  du  V*  siècle  et  des  siècles  qui  suivirent. 

Au  déclin  de  l'Empire  romain,  ses  provinces  furent  en 
proie  aux  plus  terrihies  fléaux,  à  la  guerre  et  à  la  dévasta- 
lion.  Elle  furent  parcourues  en  tous  sens  par  des  tribus 
germaniques  qui  s'y  disputèrent  la  domination  et  qui  ne 
ménagèrent  pas  les  populations  vaincues.  Une  quantité 
d  édifices,  tant  sacrés  que  profanes,  furent  incendiés  ou 
détruits.  Mais  ces  mêmes  tribus,  bientôt  converties  au 
christianisme,  ne  tardèrent  pas  à  s'approprier  les  bienfaits 
de  la  vie  matérielle,  telle  que  les  Romains  la  comprenaient, 
et  en  même  temps  à  relever  et  à  orner  pour  leur  propre 
usage  les  monuments  qui  avaient  d'abord  souffert  de  leurs 
attaques.  Le  peuple  qui  se  distingua  le  plus  dans  cette 
œuvre  réparatrice  fut  le  peuple  goth,  dont  la  domina- 
lion  s'exerça  pendant  quelques  générations  depuis  le 
détroit  de  Gibraltar  jusqu'au  Danube  et  de  l'embouchure 
de  la  Loire  jusqu'en  Sicile  :  à  l'ouest  du  Rhône,  sous  le 


(1)  L" Allgemeine  Encyclopàdie  der  Wisscnschaficn  und  Kmist, 
d'Erscti  et  Gruber,  t.  I,  pp.  75-76  (Leipzig,  1892,  in-4»),  emploie 
encore  le  mot  golhischc  Buukunst.  T/œ  Encyclopediu  Britannica 
(neuvième  édition,  Edimbourg,  1 879,  in-^»,  1. 1)  se  tait  sur  cet  emploi 
du  mot  gothique. 

(2)  Dans  la  séance  de  la  Société  d'archéologie  de  Bruxelles,  du 
18  avril  1889.  Voir  Annales  de  la  Société  d'archéologie  de  Hruxelles, 
t.  III,  p.  217. 


(  681  ) 

nom  deVisigolhs  ou  Golhs  occidenlaiix;  à  l'esl  de  ce  fleuve, 
sous  celui  d'Ostrogolhs  ou  Golhs  orientaux.  Deux  rois 
surtout  contribuèrent  à  la  grandeur  de  celte  race  :  le  roi 
des  Visigolhs  Euric,  qui  soumit  à  ses  lois  l'Espagne,  et 
qui  régna  de  465  à  484,  et  le  roi  des  Oslrogoths  Tliéo- 
doric,  qui  gouverna  l'Italie  de  493  à  526. 

Euric  joua  un  rôle  marqué  dans  l'œuvre  de  répara- 
tion dont  je  viens  de  parler.  Il  fil  bâtir  notamment  deux 
églises  dans  la  ville  de  Clermont  en  Auvergne,  la  pre- 
mière dédiée  à  saint  Laurent  et  saint  Germain,  la  seconde 
à  saint  Julien  [i);  on  se  servit  dans  cette  occasion  de 
l'architecture  des  Romains,  de  l'architecture  à  colonnes. 
Celte  architecture  romaine,  il  ne  faut  pas  s'y  tromper,  c'est 
l'art  romain  de  la  décadence,  tel  qu'on  le  pratiquait  alors  à 
Rome  et  à  Ravenne;  c'est  l'art  qui  distingue  les  plus 
anciennes  basiliques  chrétiennes  et  qui  conserve  la  trace 
indélébile  de  son  origine  dans  le  nom  même  qui  lui  est 
resté  attaché  à  travers  les  siècles,  Vart  roman,  en  un 
mol. 

J'ai  signalé  un  fait  qui  prouve,  d'une  manière  inconles- 
lable,  que  les  Golhs  ont  contribué  à  le  répandre  dans  la 
Gaule  septentrionale,  dont  Clovis  avait  achevé  la  conquête 
peu  d'années  après  la  mort  d'Euric,  et  qui  jouissait,  sous 
le  règne  des  fils  de  ce  prince,  d'une  tranquillité  relative. 
L'église  Saint-Pierre-le-Vif,  depuis  appelée  Sainl-Ouen,  à 
Rouen,  fut  construite  vers  l'an  536  par  «  une  main 
gothique,  »  manu  gothica,  en  pierres  équarries,  et  avec  un 
art  admirable  [miro  opère),  par  ordre  du  roi  de  France 
Clotaire  I".  C'est  ce  que  nous  apprend  un  ancien  auteur 


(1)   Historia  I-rancortim,  L.  Il,  c.  20. 


(  682  ) 
appelé  Frédégide,  qui  vit  encore  debout  celte  construc- 
tion (1).  Par  ce  terme  de  mnnus  gothka,  main  gothique, 
l'écrivain  désigne  évidemment,  il  est  inutile,  je  crois,  d'en 
faire  la  remarque,rintervention  d'un  ou  de  plusieurs  archi- 
tectes venus  des  pays  soumis  alors  aux  Goths,soit  de  l'Italie, 
soit  de  l'Espagne,  soit  de  la  partie  de  la  Gaule  qui  avait 
les  mêmes  maîtres  que  cette  dernière  contrée.  Ces  archi- 
tectes n'étaient  probablement  pas  golhs  d'origine,  mais 
étaient  compris  parmi  les  sujets  des  rois  de  celte  nation, 
et  appartenaient,  selon  toute  apparence,  à  l'ancienne  popu- 
lation, plus  habituée  aux  arts  de  la  paix  que  ses  domina- 
teurs. 

Ij'exemple  de  Clotaire  l^""  eut  des  imitateurs.  A  la  même 
époque,  nous  voyons  un  haut  dignitaire  ecclésiastique, 
dont  la  domination  spirituelle  s'étendait  sur  une  partie  de 
notre  pays,  solliciter  également  pour  ses  travaux  d'art 
l'intervention  d'hommes  du  Midi.  Dans  une  lettre  adressée 
par  Rufus,  évêque  â'Oclodurum,  aujourd'hui  Martigny-en- 
Valais,  à  Nicetius,  évêque  de  Trêves,  le  premier  de  ces 
prélats  annonce  au  second  qu'à  sa  demande  il  lui  envoie 
des  artistes  qu'il  avait  mandés  d'Italie  sous  la  foi  de  la 
promesse  faite  pour  leur  sécurité  {harum  porlîlores  arti- 
fices, de  partibus  llaliœ  accitos  ac  sacramenloriim  lega- 
tioni  seciiritale  traditos,  ad  vos,  Ueo  ducente,  transmisi).  Il 
déclare  avoir  chargé  du  soin  de  les  accompagner  le  prêtre 
Amabilis,  et  ajoute  que  s'il  avait  pu  les  suivre,  il  n'en 
aurait  été  empêché  ni  par  la  longueur  de  la  distance  à 
parcourir,  ni  par  l'état  déplorable  des  chemins,  ni  par  la 


(i)   Jeta  suncloriun,  t.  IV  seplembrix,  p.  818. 


(  ()83  ) 
masse  des  eaux  tombées  du  ciel  (ou  les  plaies),  ni  par 
crainte  des  brigandages  (1). 

Ce  Nicetius,  qui  songeait  à  orner  son  église  el  ne  recu- 
lait pas  devant  les  immenses  sacrifices  que  lui  imposait  le 
concours  d'artistes  venus  de  pays  éloignés,  vivait  au 
milieu  du  VI*  siècle  (de  532  à  563),  et  Rufus  est  cité 
comme  ayant  assisté  en  541  au  concile  d'Orléans,  en  549  à 
ceux  tenus  dans  la  même  ville  et  à  Clermonl  en  Auvergne. 
Trêves  fut  embellie  par  les  soins  de  Nicetius,  comme 
l'attestent  ces  deux  vers  que  le  poète  contemporain  Fortu- 
natlui  adresse  : 

Templa  vetusla  Dei  renovasti  in  culinme  prisco 
El  floret  senior,  te  réparante,  domiis. 

La  ville  se  relevait  alors  des  dévastations  que  les  Francs 
y  avaient  commises  en  s'en  emparant  au  siècle  précédent, 
et  était,  en  même  temps  que  Metz,  Tournai  et  Maestricht, 
une  des  cités  d'où  la  foi  cbrélienne  commençait  à  se 
propager  dans  les  campagnes  environnantes.  L'interven- 
tion d'un  évêque  du  Valais  s'explique  par  le  fait  que  cette 
contrée  est  contiguë  à  l'Italie,  alors  possédée  par  les 
Oslrogoths,  et  avoisine  la  vallée  du  Pô.  Or,  c'est  au  nord 
de  ce  fleuve,  de  l'autre  côté  des  Alpes,  que  l'on  trouve  la 
grande  cité  de  Milan,  un  des  centres  de  la  civilisation 
romaine  dans  l'Italie  septentrionale,  et  la  ville  de  Côme, 
dont  les  habitants,  sous  le  nom  de  magislri  comacini  ou 
commacini,  avaient  la  réputation  d'être  maçons  habiles, 
comme  on  le  voit  dans  la  Loi  des  Lombards  (I.  I,  tit.  9, 
§  9  et  10). 


(1)  Du  CfiESfiE,  f/isloriœ  Francoriim  scnptores,  l.  I.  p.  863.  —  Dom 
Bouquet,  Rfcucil  des  historiens  de  France,  t.  IV,  p.  7S. 


(  684  ) 

Les  deux  lexles  dont  je  viens.de  me  servir  en  témoignent. 
Dans  la  Gaule  septentrionale,  à  Trêves  comme  à  Rouen, 
c'est  à  un  pays  possédé  et  habité  par  les  Golhs  que 
les  chefs  de  l'épiscopat  demandèrent  des  hommes  en  état 
de  rendre  aux  monuments  religieux  leur  ancienne  splen- 
deur, ou  d'en  construire  de  nouveaux  dignes  de  rivaliser 
avec  les  anciens.  Sur  les  bords  de  la  Moselle,  on  faisait 
appel  aux  Italiens,  comme  sur  ceux  de  la  Seine  on  deman- 
dait la  coopération  d'un  Goth.  C'est  un  fait  qui  n'offre  rien 
d'extraordinaire  en  lui-même.  Notre  pays  et  les  contrées 
voisines  sortaient  à  peine  des  calamités  qu'avaient  entraî- 
nées des  incursions  dévastatrices,  et  enfin  une  invasion  à 
main  armée;  quoi  d'étonnant  que  les  arts,  et  l'architecture 
en  particulier,  y  fussent  délaissés?  L'Italie,  au  contraire, 
s'était  relevée  de  ses  désastres  sous  le  règne  du  puissant 
Théodoric;  comme  l'atteste  la  correspondance  du  célèbre 
Cassiodore,  l'un  des  ministres  de  ce  prince  (I),  on  y  avait 
pris  fréquemment  des  mesures  pour  réparer  les  dégâts 
causés  aux  édifices  publics.  Ravenne,  où  Théodoric  avait 
sa  résidence  habituelle,  ainsi  que  Rome,  la  capitale  de  la 
catholicité,  s'embellissaient  constamment  de  monuments 
somptueux.  Ici  la  situation  était  tout  autre,  et  l'on  com- 
prend qu'elle  se  soit  maintenue  telle  après  l'invasion  de 
l'Italie  par  les  Lombards  en  560,  sinon  dans  les  campagnes, 
du  moins  dans  les  villes  principales  de  ce  pays. 

Celte  circonstance  est  d'autant  plus  importante  à  établir 
que,  au  VII'  siècle,  on  constate  l'opposition  dans  la  Gaule 


(i)  J'ai  accumule  les  preuves  de  ce  fait  dans  un  travail  intitulé  : 
L'architecture  romane  dans  ses  divo-ses  transformations,  dans  les 
Annales  de  la  Société  d'aiiciiéoi.ogie  de  Bruxelles,  loc.  cit.,  p.  242. 


(  685  ) 
(l'un  double  arl  archileclural,  l'arl  romain,  et  l'art  gaulois, 
que  l'on  juge  bien  inférieur  au  premier.  Le  mode  romain 
se  reconnaissait  à  l'emploi  d'un  appareil  extrêmement 
régulier.  Comme  on  le  remarquait  à  la  cathédrale  de 
Cahors,  élevée  par  saint  Didier  de  637  à  660,  ce  temple 
fut  élevé,  «  suivant  la  manière  des  anciens,  en  pierres 
»  équarries  et  polies,  non  pas  suivant  le  mode  gallican 
»  en  usage  dans  le  pays,  mais  à  l'imitation  des  vieilles 
»  enceintes  de  murailles,  en  pierres  grandes  et  carrées  (1).» 
l/église  Saint-Ouen,  à  Rouen,  qui  fut  incendiée  par  les 
Normands  en  842,  et  dont  nous  avons  signalé  la  construc- 
tion au  VI'  siècle,  était  également  en  pierres  équarries 
{quadris  lapiclibus).  C'est  évidemment  l'élégant  mode 
architectural  que  l'on  remarque  dans  les  fortifications 
encore  existantes  de  Carcassonne,  de  Bordeaux,  ou  de 
mainte  autre  cité  romaine,  cet  arl  dont  la  tradition 
subsista  longtemps  en  Italie.  L'histoire  de  l'Angleterre  à 
cette  époque  fournit  aussi  des  preuves  nombreuses  des 
mêmes  faits.  Le  vénérable  Bède,  dans  son  Histoire  ecclésias- 
tique, en  fournit  d'autant  plus  irrécusables  qu'il  était 
contemporain.  A  cette  époque,  on  construit  des  églises 
à  la  romaine;  on  se  rend  à  Rome  pour  assurer  le  succès 
des  entreprises  tentées  dans  ce  but.  C'est  encore  dans  le 
style  romain  [rnore  Romanoriim,)  qu'était  bâtie  l'ancienne 
cathédrale  de  Cantorbéry,  d'après  le  moine  Gervais  (2). 


(i )  Denique  primam  inibi  more  antiqimrum  basilicarum  praecipiens 
quadris  et  dedolatis  lapidibns  œdi/icavit,  non  quidem  7iostro  gallicano 
more,  sed  sicut  antiqiiorum  murorxim  ambitus  magnis  quadrisque  saxis 
extrui  solet  fundamentis.  Dom  Bouquet,  toc.  cit.,  t.  lit,  p.  551. 

(2)  De  combustioiie  et  rcparatione  ecclcsiœ  Dorobernensis ,  dans 
TwvsDEN,  Hisloriœ  Anglicœ  scriptores  X,  t.  II,  col.  1289. 


(  686  ) 

En  opposition  avec  le  style  roman,  le  mode  gaulois  se 
reconnaissait  au  choix  moins  sévère  des  matériaux,  à 
l'irrégularité  de  leur  disposition  dans  la  maçonnerie.  On 
doit  donc  y  rattacher  les  constructions  pour  lesquelles  on 
n'a  employé  que  des  lits  de  briques  et  quelquefois  un  blo- 
cage irrégulier,  et,  en  particulier,  les  murs  primitifs  de 
l'abbaye  Saint-Bavon  de  Gand,  formés  de  tout  ce  que  l'on 
a  pu  rassembler  en  pierres,  briques,  tuiles,  morceaux  de 
plomb,  etc.,  le  tout  noyé  dans  un  mortier  extrêmement 
dur,  et  tellement  solide  que  l'on  a  pu  établir  sur  et  à  tra- 
vers ces  débris  d'autres  constructions  qui  n'en  ont  pas 
ébranlé  la  solidité. 

Il  est  facile  de  comprendre  comment  la  nécessité  où 
Ton  se  trouva,  dans  le  nord  des  Gaules,  d'entreprendre 
rapidement  des  travaux  de  défense  contre  les  incursions, 
et  le  peu  de  ressources  qu'olTrait  une  contrée  où  la  civili- 
sation n'avait  fait  que  de  rares  progrès,  durent  maintenir 
longtemps  l'emploi  d'un  art  plus  primitif.  L'emploi  de 
Vopus  gallicum  s'était  répandu  en  Italie,  et  dans  plus  d'une 
église  de  ce  pays  on  a  constaté  l'existence,  à  l'intérieur  des 
maçonneries  régulières,  d'un  noyau  intérieur  en  blocage, 
formé  de  gros  cailloux  et  de  débris  de  pierres,  liés 
ensemble  par  un  mortier  hydraulique  d'une  dureté  excep- 
tionnelle. Cette  manière  de  bâtir  resta  longtemps  en 
vigueur  dans  la  Belgique,  et  j'en  ai  vu  un  exemple  frap- 
pant lorsqu'on  démolit,  il  y  a  peu  d'années,  les  premières 
travées  de  la  nef  de  l'ancienne  église  de  Laeken,  dont  on 
n'a  conservé,  comme  on  ne  l'ignore  pas,  que  les  dernières 
travées,  outre  la  partie  postérieure.  Celte  église  est  de  siyle 
gothique  primaire  et  est  construite  en  partie  de  pierres  du 
pays,  de  petite  dimension,  très  bien  appareillées.  Ces 
pierres  ne  constituent   qu'un  revêtement  extérieur,  au 


(687) 

milieu  duquel  existe  un  blocage  du  genre  de  ceux  dont  je 
viens  de  parler.  Il  est  à  regretter  qu'au  cours  des  travaux 
de  démolition  et  de  réparation  de  la  nef  on  n'ait  pas  songé 
à  laisser  apparente  la  disposition  primitive.  C'était  une 
occasion,  occasion  qui  se  rencontre  rarement,  de  montrer 
comment  on  bâtissait  jadis  dans  notre  pays. 

En  Belgique,  le  dualisme  en  matière  archileclonique 
put  également  se  manifester.  Car  c'est  une  grosse  erreur 
de  croire  qu'à  celte  époque  on  ne  construisit  chez  nous 
ou  à  nos  portes  que  peu  de  chose.  Au  VIP  siècle  surloul, 
on  y  vit  s'élever  un  grand  nombre  de  constructions,  sinon 
somptueuses,  du  moins  considérables.  C'est  alors  que  s'or- 
ganisèrent les  chapitres  de  chanoinesses  de  Nivelles,  de 
Maubeuge,  de  Mouslier,  d'Andenne;  les  abbayes  de  Sainl- 
Vaast,  de  Saint-Amand,  de  Saint-Omer,  de  Lobbes,  de  Sta- 
velot,  de  Prum,  d'Echlernach,  de  Saint-Trond,  etc.  Les 
châteaux  de  Herslal,  de  Jupille,  de  Chèvremont,  étaient 
aussi  sans  doute  luxueux  et  vastes,  et  les  demeures 
des  évêques  ne  leur  cédaient  en  rien  sous  l'un  et  l'autre 
rapport.  Le  palais  de  Liège,  notamment,  semble  avoir 
été  tout  à  fait  remarquable,  a  Le  toit  en  était  couvert 
»  de  tuiles  de  diverses  couleurs,  des  fenêtres  nombreuses 
»  et  garnies  de  vitres  y  répandaient  une  lumière  abon- 
j>  dante,sur  les  voûtes  un  habile  pinceau  y  avait  prodigué 
j>  les  dessins  et  les  couleurs,  des  lambris  garnissaient  les 
»  murailles  décorées  de  peintures  (1).  x>  A  en  juger  par  le 
haut  rang  des  personnalités  qui  en  furent  les  fondateurs, 
par  l'importance  de  leur  dotation,  les  abbayes  et  les  autres 
établissements  nouveaux  furent  souvent  en  état  d'entre- 


(i)  PiRENNE,  Sedulius  de  Liège  (dans  les  Mémoiues  de  l'Académib 

ROYALE  DE  BELGIQUE,  Ïn-S»,  t.  XXXIII),  p.  48. 


(  688  ) 
prendre  de  grands  travaux,  et  il  nous  en  serait  resté  plus 
d'un  témoignage  sans  les  ravages  exercés  dans  notre  pays 
par  les  guerres  et  par  l'action  continue  du  temps. 

Dans  tous  les  cas,  il  subsiste  un  témoignage  frappant 
des  progrès  qu'avait  accomplis  l'art  de  bâtir  au  temps  de 
Charlemagne.  Dans  une  lettre  écrite  à  ce  prince  par  le 
pape  Adrien  I",  dans  les  années  774  à  781,  le  souverain 
pontife  prie  le  monarque  de  faire  en  sorte  que  les  poutres 
accordées  par  Charles  pour  la  restauration  de  l'église  Saint- 
Pierre,  de  Rome,  soient  prêtes  au  l"'  août(l).  Il  demande 
en  outre  l'envoi  d'un  maître  architecte  qui  fût  en  état 
d'inspecter  le  temple  et  de  le  remettre  dans  son  ancien 
état,  et  d'examiner  surtout  la  toiture  ou  la  partie  supé- 
rieure de  l'édifice  (2). 

De  ce  qui  précède  on  peut  conclure  que  l'impulsion 
donnée  en  Gaule  à  l'art  de  l'architecture  vint  surtout  de 

(1  )  Sîcul  direxisli  nobis  nostram  pelilionem  adhnpleri  pro  trabibus 
ad  restaurationcm  sanclœ  ecclesiœ,  poscimus  vestram  a  Deo  promotam 
exccllentiam,  ut  Icaletidis  Augusti  hic  ad  limina  Beati  Pétri,  fauloris 
vestri,  si  ficri  potest,  paralœ  inveniantur,  ut  cxinde  sempiterna  memo- 
ria  vestra  et  hic  et  in  futurum  permaneat.  Du  Chesmî,  Hisloriœ  Fran- 
corum  scriptores,  t.  11!,  p.  784.  —  Dom  Bouquet,  Recueil  des  historiens 
de  France,  t.  V,  p.  559. 

(2)  Ad  renovandum  in  basiUca  Benti  Pétri  apostoli,nulritoris  vestri, 
prius  nobis  umim  dirigite  magistrum,  qui  considerare  dcbeat  ipsius 
ligamen,  quid  ibidem  necesse  fuerit,  et  sicut  unliquilus  fuit,  ita  valeat 
renovari.  Et  tune  per  vestrœ  regalis  prœcellentiœ  jussione  dirigelur  ipso 
magister  in  parlibus  Spoletœ,  et  demandationem  ibidem  de  ipso  faciat 
ligamine,  quod  in  prœdicla  hypochartesi,  hoc  est  camerado,  necesse 
fuerit,  quia  in  noslris  finibus  taie  ligamen  minime  rcpcritur. 

Et  pro  hoc  sanctissimus  frater  noster  Walcharius  archiepiscopus 
nnnc  minime  faligatur  venire,  dum  ipsum  ligamen  per  semetipsum 
siccetur,  quia,  dum  viride  est,  non  audimus  cxinde  opéra  qualiacumque 
faccrc. 


(  689  ) 
l'Italie.  Les  restes,  qui  subsistent  encore,  à  Trêves,  de 
l'ancienne  ca'''0(irale  et  que  l'on  attribue  à  l'évéque 
Nicétius,  en  sont  encore  un  témoignage,  notamment  les 
puissantes  colonnes  de  granit  qui  faisaient  partie  de  cette 
construction  et  qui  ont  été  encastrées  dans  les  murailles 
lors  de  la  réédification  du  temple  au  XI^  siècle.  Pour  les 
autres  basiliques  élevées  dans  le  pays  et  en  Angleterre,  on 
s'efforça  d'adopter  la  même  ornementation.  Une  des  plus 
curieuses  constructions  du  VHP  siècle  était,  sans  contre- 
dit, l'abbaye  de  Saint-Riquier,  dans  le  Ponthieu;  élevé  à 
la  limite  des  deux  pays,  la  France  et  l'Angleterre,  dans  un 
site  qui  était  à  celte  époque  très  fréquenté  par  le  com- 
merce, Saint-Riquier  fut  orné  par  son  possesseur, 
Engilbert,  parent  de  Cbarlemagne,  de  tout  ce  qui  pouvait 
rendre  ce  monument  imposant  et  remarquable.  D'après  la 
vue  que  l'on  en  a  conçervée,  l'église  abbatiale  était  remar- 
quable par  son  double  chœur,  occupant  les  extrémités  de 
la  nef.  Des  coupoles,  des  baies  et  des  arcades  cintrées  en 
formaient  extérieurement  la  décoration.  Dans  des  con- 
structions plus  modestes,  telles  que  l'église  Saint-Saturnin 
à  Saint-Vandrille  (dans  la  Seine-Inférieure),  tout  est 
simple  :  un  seul  vaisseau  en  forme  de  croix  et  dont  les 
bras  sont  arrondis,  des  embrasures  laissant  pénétrer  à 
l'intérieur  un  jour  douteux,  l'appareil  en  pierre  ou,  en 
partie,  Vopiis  spîcatum.  C'est  le  temple  populaire,  l'ora- 
toire des  campagnes,  par  opposition  aux  cathédrales  et  aux 
monastères  luxueux.  On  a,  par  ces  exemples,  une  idée 
sommaire  de  ce  qu'était  l'architecture  au  VII*  et  au 
VHP  siècle. 

Je  crois  en  avoir  dit  assez  pour  établir  que  le  nom  de 
gothique  ne  convient  pas  à  Tarchiteclure  du  moyen  âge. 
C'est  un  terme  que  l'on  doit  réserver  à  l'art  roman  dans 

3"*    SÉRIE,    TOME    XXVI.  45 


(  690  ) 
sa  première  effervescence,  lorsque  de  Raveiineet  de  Rome 
il  s'éiendil  dans  toute  l'Europe  occidentale,  sous  l'influence 
des  rois  golhs.  L'Italie  et  l'Espagne  et  une  grande  partie 
de  la  France  méridionale  doivent  renfermer  encore  des 
temples  bâtis  à  cette  époque  et  qui,  à  cause  de  leur  situa- 
lion  retirée,  de  la  pauvreté  des  localités  où  ils  se  trouvent, 
ont  échappé  à  la  fois,  d'une  part,  aux  guerres  et  aux 
révolutions,  et,  d'autre  part,  à  la  manie  de  reconstruction 
et  de  réparation  qui  a  indirectement  ou  insciemment 
causé  tant  d'actes  de  vandalisme. 


D'un  catalogue  général  des  bibliothèques  publiques;  par 
F.  Vander  Haeghen,  membre  de  l'Académie. 

Messieurs  et  très  honorés  Confrères, 
La  bibliographie  a, depuis  un  demi-siècle  surtout,  rendu 
de  grands  services;  des  matériaux  considérables  sont  mis, 
grâce  à  elle,  à  la  disposition  des  chercheurs  érudits  qui 
s'efforcent  de  frayer  des  voies  nouvelles  à  la  science, 
à  l'histoire,  à  la  littérature.  Pourtant,  les  spécialistes 
les  plus  rompus  au  travail  ne  peuvent  embrasser  qu'au 
prix  d'investigations  longues  et  souvent  frayeuses  la  série 
entière  des  ouvrages  ayant  trait  à  une  spécialité.  Des  diffi- 
cultés plus  grandes  encore  se  présentent  lorsqu'il  s'agit 
de  connaître  les  dépôts  publics  où  se  rencontrent  des 
livres  devenus  rares  par  suite  de  circonstances  qui  peu- 
vent variera  l'infini. 

Les  bibliothécaires,  que  leurs  fonctions  astreignent,  en 
vue  de  faciliter  les  éludes  d'autrui,  à  des  explorations  de 
toute  nature  dans  le  vaste  domaine  de  la  bibliographie, 
savent  le  mieux  combien  de  temps  et  de  peines  il  faut 
sacrifier  à  certaines  recherches. 


(  691  ) 

La  dilficullé  de  conlrôler  un  texte  ou  de  recueillir  le 
témoignage  d'un  écrivain  dont  l'œuvre  n'est  plus  repré- 
sentée que  par  un  nombre  restreint  d'exemplaires,  n'existe 
pas  seulement  lorsqu'il  s'agit  d'auteurs  anciens;  pour  tel 
livre  ou  brochure  de  date  relativement  récente,  on  fait 
appel,  parfois  en  vain,  à  dix,  vingt  dépôts  publics  et  davan- 
tage. Ces  recherches  pénibles  et  forcément  dispendieuses, 
alors  même  qu'elles  aboutissent,  conservent  le  grave 
inconvénient  de  ne  pas  laisser,  dans  la  généralité  des  cas, 
de  traces  durables  parmi  cet  ensemble  de  publications 
bibliographiques  patiemment  accru,  qui  forme  le  patri- 
moine de  la  science  moderne. 

Un  progrès  considérable  serait  réalisé  par  la  publication 
immédiate  des  catalogues  manuscrits  des  bibliothèques. 

Sous  ce  rapport,  l'administration  du  Brilish  Muséum  a 
donné  l'exemple.  Il  y  a  déjà  plusieurs  années  que  cet 
important  établissement  scientifique  a  entrepris  l'impres- 
sion du  catalogue  de  ses  collections.  Toutefois,  celte 
publication,  patronnée  à  grands  frais  par  le  gouvernement 
britannique,  eût-elle  reçu  son  entier  achèvement  —  ce  qui 
n'est  pas  prochain,  —  ne  pourrait  représenter  qu'une 
minime  partie  des  richesses  bibliographiques  de  la  seule 
Europe.  Il  est  évident,  en  effet,  que  des  lacunes  considé- 
rables persistent  et  persisteront  toujours  dans  toute  biblio- 
thèque, si  largement  pourvue  de  ressources  pécuniaires 
qu'on  puisse  la  supposer. 

Il  faut  que  les  catalogues  de  tous  les  dépôts  de  l'Europe 
soient  imprimés. 

Or,  pourquoi  ne  publie-t-on  pas  ces  catalogues? 

\°  Parce  que  les  répertoires  existant  dans  les  biblio- 
thèques, bien  que  suffisants  pour  les  besoins  ordinaires  du 
service,  sont  généralement  trop  défectueux,  dans  leur  état 
actuel,  pour  être  livrés  à  l'impression,- 


(  69:2  ) 

2°  Parce  qiie  les  accroissements  apportent  perpétuelle- 
ment un  appoint  nécessitant  des  suppléments  d'inventaires 
sans  cesse  renouvelés;  et  cet  afflux  ininterrompu  d'œuvres 
et  d'acquisitions  nouvelles  complique  outre  mesure,  à 
notre  époque  de  production  enliévrée,  tout  essai  de  classi- 
fication méthodique; 

5°  Parce  qu'on  recule  devant  les  frais  qu'entraînent  les 
entreprises  de  ce  genre  :  tous  les  initiés  savent,  en  effet, 
que  le  catalogue  d'une  bibliothèque  même  médiocrement 
outillée,  nécessite  des  impressions  étendues  et  très  oné- 
reuses. Que  dire  lorsqu'il  s'agit  d'un  de  ces  immenses 
dépôts  comme  il  s'en  trouve  aujourd'hui  dans  la  plupart 
des  capitales? 

Mais  supposons  que  l'on  parvienne  à  surmonter  tous  ces 
obstacles  et  que  l'initiative  du  gouvernement  britannique 
soit  imitée  par  tous  les  dépôts  scientifiques,  la  question  ne 
serait  pas  pour  cela  résolue.  Nous  n'aurions  pas  encore  le 
Catalogue  des  catalogues,  desideratum  de  tous  les  zélés  du 
livre. 

Ce  qui  manquerait  toujours,  c'est  un  moyen  rapide 
d'information,  un  répertoire  général  qui  puisse  être  tou- 
jours accru,  c'est-à-dire  dont  le  cadre  fût  suffisamment 
élastique  pour  que  ni  additions  ni  relouches  n'en  altèrent 
les  dispositions  initiales. 

Un  catalogue  unique  servant  à  tous  les  travailleurs, 
résumant  ce  que  renferment  toutes  les  bibliothèques,  tou- 
jours ouvert  aux  accroissements,  tel  est  le  but  à  atteindre. 
Mais  une  pareille  simplification  de  travail,  la  suppression 
de  tant  de  frais  —  toujours  les  mêmes  pour  chaque  biblio- 
thèque —  sont-elles  choses  réalisables  ? 

Nous  pensons  pouvoir  résoudre  affirmativement  la  ques- 
tion, après  plusieurs  années  de  réflexion  et  des  expériences 
décisives.  Nous  nous  sommes  arrêté  à  un  système  coopéra- 


(  693  ) 

tir,  dont  le  caractère  pratique  n'échappera  à  aucun  de  ceux 
qui  se  sont  intéressés  à  la  question. 

Le  titre  de  chaque  ouvrage  serait  porté  sur  une  (iche 
séparée,  après  avoir  été  préalablement  communiqué,  en 
épreuve-placard,  à  tous  les  bibliotiiécaires  fédérés  qui 
indiqueraient  les  dépôts  où  se  conservent  des  exemplaires 
de  l'ouvrai^e  inventorié.  Chaque  dépôt  recevrait  un  nombre 
à  déterminer  de  chaque  fiche  et  demeurerait  libre  d'opérer 
simultanément  tels  systèmes  de  classification  que  l'on  juge- 
rail  utile,  procédant  par  ordre  de  date,  alphabétiquement, 
par  genre  de  matière  traitée,  noms  d'imprimeurs,  etc. 

Les  recherches,  si  ardues  aujourd'hui,  effectuées  en  vue 
de  constituer  des  répertoires  de  bibliographies  nationales 
ou  locales,  se  réduiraient  désormais  à  un  simple  travail  de 
classement.  D'autre  part,  les  garanties  de  conservation  se 
trouveraient  augmentées,  car  l'existence  d'un  livre  rare, 
une  fois  de  notoriété  publique,  il  ne  serait  plus  possible 
de  le  faire  disparaître  du  dépôt  où  il  s'est  trouvé  enregistré. 

Une  telle  entreprise  serait  d'utilité  universelle.  Aussi 
appartiendrait-il  aux  gouvernements  de  tous  les  pays  de 
l'Europe  où  la  science  et  l'étude  sont  en  honneur,  de 
subvenir,  proportionnellement  au  nombre  et  à  l'importance 
des  dépôts  affiliés,  aux  frais  de  ce  catalogue,  dont  la  réali- 
sation constituerait  en  somme  une  notable  économie  de 
temps  et  d'argent. 

Le  catalogue  universel  par  fiches  serait  imprimé  dans 
un  pays  neutre.  Le  bureau  de  rédaction  et  d'impression 
des  Bulletins  aurait  pour  siège  une  ville  possédant  un 
dépôt  de  livres  important  et  bien  organisé.  Le  bureau  qui, 
successivement,  s'adjoindrait  des  employés  de  diverses 
nationalités,  dépouillerait  tous  les  catalogues  anciens  et 
modernes,  ainsi  que  tous  les  recueils  bibliographiques. 


(  694  ) 

La  publication  en  projet  pourrait  débuter  dans  de  fort 
modestes  proportions;  mais,  une  fois  sa  viabilité  et  son 
caractère  pratique  affirmés  par  l'expérience,  une  large 
extension  serait  donnée  aux  travaux  du  Bureau  interna- 
tional de  bibliographie,  et  c'est  par  un  très  grand  nombre 
de  milliers  que  seraient  réparties  annuellement  les  fiches 
destinées  au  catalogue. 

Tel  est,  Messieurs  et  très  honorés  confrères,  exposé 
dans  ses  grandes  lignes,  le  projet  dont  la  réalisation  serait, 
pensons-nous,  une  rénovation  des  procédés  d'investigation 
et  des  moyens  d'étude. 

Les  détails  de  mise  en  pratique  seraient  aisément  arrêtés 
une  fois  le  principe  accepté.  Ce  qui  importerait  tout 
d'abord,  c'est  de  connaître  l'opinion  que  les  spécialistes 
professent  au  sujet  d'un  tel  projet. 

L'exposé  sommaire  que  nous  avons  fait  de  la  question, 
laisse  une  large  place  à  toutes  les  améliorations  ou  modi- 
fications que  l'expérience  personnelle  pourrait  suggérer. 

Semblables  à  l'avare  du  vieux  temps,  nous  n'avons  guère 
songé,  jusqu'à  présent,  à  accumuler  les  trésors  que  pour 
les  serrer  soigneusement  sur  les  tablettes  de  nos  biblio- 
thèques. Dans  notre  égoïsme  conservateur,  nous  paraissons 
oublier  que  ces  immenses  capitaux,  aujourd'hui  peu  uti- 
lisés, peuvent  et  doivent  produire  des  fruits  abondants  : 
hâtons  nous  donc,  si  c'est  possible  —  tout  en  continuant 
à  prendre  des  mesures  efficaces  contre  les  abus  —  de  les 
mettre  d'une  manière  complète  à  la  disposition  des  hommes 
d'étude,  par  la  publication  d'un  catalogue  universel. 

La  Classe  charge  MM.  Banning,  Fétis,  Vander  Haeghen 
et  Willems  de  lui  faire  un  rapport  sur  les  propositions  que 
renferme  la  lecture  précédente. 


(  695  ) 
CLASSE  DES  BEAUX-ARTS. 


Séance  du  7  décembre  1893. 

M.  Ad.  Samuel,  directeur. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents:  MM.  J.  Stallaerl,  vice  -  directeur  ; 
Éd.  Félis,  Ernest  Slingeneyer,  A.  Gevaert,  God.  Guffens, 
Jos.  Schadde,  Jos.  Jaquet,  J.  Demannez,  P.-J.  Clays, 
G.  Biot,  Henri  Hynoans,  Alex.  Markelbach,  Max.  Rooses, 
J.  Robie,  G.  Huberli,  A.  Hennebicq,  Éd.  Van  Even, 
membres;  F.  Lanreys,  Paul  de  Vigne  et  Alb.  De  Vriendl, 
correspondants. 

M.  le  directeur,  en  ouvrant  la  séance,  annonce,  au 
nom  de  la  famille,  la  mort  de  Charles-Auguste  Fraikin, 
membre  de  la  section  de  sculpture,  né  à  Hérenthals 
le  \A  juin  1817,  et  décédé  à  Schaerbeek  le  22  novembre 
dernier.  M.  Samuel  a  regretté,  dit-il,  qu'une  indisposition 
l'ait  empêché  de  représenter  la  Classe,  en  sa  qualité  de 
directeur,  aux  funérailles.  Il  remercie  M.  Marchal  d'avoir 
bien  voulu  parler  au  nom  de  l'Académie. 

Le  discours  de  M.  Marchal  paraîtra  dans  le  Bulletin  de 
la  séance. 

Une  lettre  de  condoléance  sera  adressée  à  1\I°"  veuve 
Fraikin  et  ses  enfants. 


(  696  ) 
CORRESPONDANCE. 


M.  le  Minisire  de  l'Inlérieiir  et  de  l'Inslruclion  publique 
envoie,  pour  la  bibliothèque  de  l'Académie,  un  exemplaire 
des  OEuvres  de  Grétrxjy  quinzième  livraison.  Colinette  à  la 
Cour,  comédie  lyrique  en  trois  actes,  publiée  aux  frais  du 
Gouvernement  par  la  Commission  académique  chargée 
d'éditer  les  œuvres  des  anciens  musiciens  belges.  — 
Remerciements. 

—  M.  le  Secrétaire  perpétuel  offre,  au  nom  de  la 
comtesse  Marie  de  Villermont,  un  exemplaire  de  son 
Histoire  de  la  coiffure  féminine.  Remerciements.  —  La 
note  lue  par  M.  Marchai,  en  présentant  ce  livre,  paraîtra 
dans  le  Bulletin  de  la  séance. 

—  M.  Verhelle,  lauréat  du  grand  concours  d'architec- 
ture de  1890,  envoie  de  Rome  son  deuxième  rapport 
semestriel  de  voyage.  —  Renvoi  à  la  section  d'architec- 
ture. 


Discours  prononcé  aux  funérailles  de  C.-A.  Fraikin, 
membre  de  la  Classe  des  beaux-arts,  par  le  chevalier 
Edmond  Marchai,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie 
royale  de  Belgique. 

Messieurs, 

C'(St  sous  l'impression  d'une  bien  vive  appréhension 
que  je  prends  la  parole  en  cet  instant  douloureux.  J'ai 
assumé,  au  nom  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  la  tâche 


(  697) 

de  rendre  un  dernier  hommage  à  l'un  des  membres  les 
plus  estimés  el  des  plus  considérés  de  la  Classe  des  beaux- 
arls,  à  l'un  des  plus  éminenls  représentants  de  noire  art 
national,  que  la  mort  vient  de  nous  enlever  après  d'hé- 
roïques souffrances,  supportées  avec  la  résignation  du 
chrétien  qui  a  vu  arriver  l'heure  de  l'Éternilé.  Je  sais  que 
les  courts  instants  dont  je  désirerais  disposer  me  manquent 
pour  m'aider  à  rendre  à  cet  hommage  le  caractère  que 
j'aurai  voulu  lui  donner  en  raison  de  la  si  belle  et  si  longue 
carrière  parcourue  par  notre  bien-aimé  confrère,  car 
l'heure  de  TÉternilé  pour  lui  aura  été  l'heure  de  l'Immor- 
talité. Puissent  les  sentiments  d'amitié  qui  m'ont  uni 
pendant  de  si  longues  années  à  celui  que  nous  pleurons 
en  ce  moment,  faciliter  ma  tâche  pour  rappeler  en  peu 
de  mots  ce  que  notre  confrère  a  été,  ce  qu'il  nous  a 
légué  en  fait  d'œuvres  sculpturales  qui  perpétueront 
le  souvenir  de  son  nom!  Puissiez-vous,  Messieurs,  en 
raison  de  l'estime  et  de  l'amitié  que  vous  professiez 
pour  celui  dont  nous  entourons  la  dépouille  mortelle, 
suppléer  d'esprit  et  de  cœur  aux  paroles  que  j'aurais 
encore  voulu  ajouter  pour  que  ce  suprême  hommage  fût 
digne  de  celui  à  qui  il  s'adresse. 

Charles-Augustin  Fraikin  est  né  à  Hérenthals  le  14 
juin  1817.  Il  venait  donc  d'atteindre  depuis  cinq  mois  à 
peine  sa  soixante-seizième  année  lorsque  la  mort  l'a 
frappé.  Il  était  le  plus  jeune  de  neuf  enfants,  dont 
l'éducation  fut  entourée  de  la  plus  vive  sollicitude, 
malgré  les  modestes  ressources  de  son  père  bien-aimé 
J.-B.  Fraikin,  d'origine  wallonne,  qui  exerçait  la  pro- 
fession peu  lucrative  de  notaire  de  campagne.  Contem- 
porain, à  peu  d'années  près,  de  Simonis,  des  frères  Geefs, 
de  Jeholte,  de  Du  Caju,  notre  confrère  était  doué  comme 


(  698  ) 
eux  de  ce  senlimeni  intuitif  du  beau,  du  grandiose,  de 
l'élégance  des  proportions  humaines  qui  constituent  l'art 
de  la  statuaire  dans  sa  plus  sincère  acception.  Comnie  ces 
illustres  maîtres  que  l'Académie  se  glorifie  d'avoir  comptés 
dans  ses  rangs,  il  a  su  se  créer  une  place  des  plus  bril- 
lantes dans  son  art  de  prédilection  ;  aussi  son  nom  est  déjà 
indélébilement  inscrit  parmi  cette  pléiade  d'artistes  que  je 
viens  de  citer  et  qui,  avec  les  Gallait,  les  De  Keyser,  les 
Navez,  les  Verboeckhoven,  les  Leys  et  tant  d'autres  encore, 
ont  reculé  jusque  dans  les  deux  Amériques  les  frontières 
de  la  renommée  artistique  de  la  Belgique.  Aussi  nous  ne 
saurons  jamais  oublier  qu'ils  ont  placé,  avec  les  savants  et 
les  littérateurs,  noire  chère  patrie  au  rang  des  nations  où 
brille  en  premier  lieu  la  haute  culture  des  idées. 

Né  loin  de  tout  grand  centre  d'activité  intellectuelle, 
orphelin  à  15  ans,  dénué  de  fortune,  Auguste  Fraikin 
montrait  déjà  dès  son  enfance  un  goût  des  plus  prononcés 
pour  les  arts.  Il  avait  à  peine  12  ans  lorsque  son  père, 
accédant  à  ses  désirs  et  à  une  vocation  déjà  fortement 
décidée,  l'amena  à  Anvers oij  il  parvint  à  le  faire  admettre, 
malgré  son  jeune  âge,  à  l'Académie  que  dirigeait  Mathieu 
Van  Brée.  Notre  confrère  sut  s'attirer  bientôt,  par  son 
application  et  l'ardeur  qu'il  mit  à  suivre  les  cours,  les 
sympathies  et  la  bienveillante  sollicitude  de  ses  profes- 
seurs. Sous  cette  puissante  égide,  ses  progrès  incessants 
lui  valurent,  dès  la  première  année,  d'être  élevé  d'emblée 
du  dernier  au  premier  rang  de  sa  classe.  C'était  alors  la 
peinture  qui  était  l'objet  de  ses  aspirations.  La  mort 
inopinée  de  son  père  vint  malheureusement  entraver 
ses  études  commencées  sous  d'aussi  heureux  auspices. 
Accédant  aux  sollicitations  de  son  frère  aîné,  qui  était 
devenu  son  tuteur,  Fraikin  parvint,  grâce  au  peu  de  latin 


(  699  ) 
qu'il  avait  appris  au  collège  d'Hérenlhals,  à  se  faire  accepter 
comme  élève  chez  le  pharmacien  Van  Tilborg,  à  Bruxelles, 
qu'il  abandonna  volontairement,  au  bout  de  peu  de  temps, 
à  la  suite  d'un  incident.  Il  avait  été  surpris  peignant  une 
aquarelle  dans  l'officine  en  ses  moments  de  repos.  Cet 
acte  bien  inoffensil"  avait  tellement  courroucé  son  maître 
que  Fraikin  jura  de  le  quitter.  Il  fut  immédiatement 
accueilli  chez  le  célèbre  pharmacien  et  chimiste  de  Hem- 
ptinne,  de  si  haute  et  vénérée  mémoire  dans  le  monde 
académique;  il  y  passa  trois  années  comme  praticien 
mais  sans  abandonner  la  peinture,  à  laquelle  il  consacrait 
ses  instants  de  liberté. 

Les  liens  de  la  plus  étroite  parenté  unissaient  de 
Hemptinne  à  notre  éminent  peintre  Navez  qui  dirigeait 
alors  l'Académie  de  Bruxelles.  Ce  fut  à  la  suite  d'un  inci- 
dent semblable  à  celui  qui  s'était  passé  chez  Van  Tilborg 
qu'Auguste  Fraikin  reçut,  au  lieu  d'une  admonition  immé- 
ritée, les  encouragements  du  célèbre  élève  de  David,  lequel, 
mis  en  présence  d'une  esquisse  de  notre  confrère,  encou- 
ragea fortement  celui-ci  à  continuer  à  peindre. 

La  lâche  de  Fraikin  fut  luborieuse  et  difficile.  Ses  pre- 
mières années  d'apprentissage  furent  des  plus  pénibles. 
S'il  a  su  se  roidir  contre  les  obstacles,  si  son  énergie  n'a 
jamais  faibli,  s'il  ne  s'e^t  laissé  abattre  ni  par  le  découra- 
gement, ni  par  l'adversité,  c'est  qu'il  a  toujours  ressenti 
ce  qui  s'appelle  le  réel  amour  de  l'art.  Aussi  a-t-il  eu  la 
satisfaction  d'atteindre  le  but  de  ses  efforts;  sa  vie  est 
un  enseignement  pour  les  jeunes  artistes.  Elle  prouve 
ce  dont  est  capable  celui  qui  est  mû  par  de  hautes 
aspirations  et  par  une  volonté  inébranlable.  En  voici  la 
preuve.  C'était  en  1842.  Guillaume  Geefs  venait  de  doter 
Bruxelles  d'une  œuvre  magistrale  :  on  venait  d'inaugurer 


(  700  ) 

sa  slatue  du  général  Belliard.  Fraikin,  qui  gérait  alors  une 
pharmacie  à  Genappe,  était  venu  le  même  jour  passer 
quelques  heures  à  Bruxelles  et  assistaiten  curieux  à  la  céré- 
monie. Envoyant  s'élever  sur  son  piédestal  la  plus  remar- 
quable production  de  la  sculpture  belge  de  celte  époque, 
l'émotion  ou  plutôt  l'amour  du  beau  suscita  en  notre 
vieil  ami  ce  cri  du  cœur  :  «  Il  me  semble  que  moi  aussi  je 
»  saurais  faire  cela!  »  Fraikin  avait  alors  25  ans.  Cette 
pensée  qui  semble  si  audacieuse  était  cependant  bien  natu- 
relle chez  celui  qui  ressentait  déjà  des  aspirations  gran- 
dioses; ce  sont  des  sentiments  semblables  qui,  le  plus 
souvent,  ont  été  le  promoteur  de  la  réalisation  de  grandes 
choses.  La  sculpture  venait  de  captiver  notre  confrère.  Il 
abandonna  immédiatement  Genappe  pour  venir  suivre  les 
cours  de  l'Académie  de  Bruxelles;  au  bout  de  six  mois  de 
courage,  de  persévérance,  il  parvint  à  être  classé  premier 
dans  le  cours  pour  la  figure  antique,  dans  lequel  Navez 
l'avait  placé  d'emblée.  La  même  année,  il  prenait  part  avec 
succès  à  l'Exposition  triennale  de  Bruxelles.  C'est  de  celle 
année  que  date  sa  «  Vénus  à  la  Colombe  »,  ce  sujet  si  gra- 
cieux, qui  fui  le  premier  essor  ou  plutôt  la  première  en- 
volée du  talent  de  Fraikin.  Trois  années  après  apparaissait 
son  a  Amour  captif  »,  l'une  des  gloires  du  Musée  de 
Bruxelles. 

Le  Gouvernement  ratifia  l'opinion  publique  en  donnant 
à  Fraikin,  peu  de  temps  après,  la  croix  de  chevalier  de 
l'Ordre  de  Léopold  ;  elle  lui  fut  remise  par  le  Roi  lui-même. 
Après  un  assez  long  voyage  en  Italie,  il  fut  élu  à  l'âge  de 
29  ans,  le  10  janvier  1846,  membre  de  la  Classe  des 
beaux-arts, 

il  n'entre  pas  dans  mes  intentions  d'énumérer  ici  tout 
ce  que  Fraikin  a  produit  depuis  cette  année  1842  qui  a 


(  701  ) 

VU  éclore  son  beau  talent.  Son  œuvre  est  considérable,  si 
considérable  même  qu'il  est  impossible  de  le  rappeler  en 
son  entier  dans  ces  instants  si  douloureux.  Ses  productions 
se  comptent  par  centaines;  elles  ornent  les  temples  reli- 
gieux, les  palais,  les  musées,  les  hôtels  de  ville,  les 
demeures  seigneuriales  el  bourgeoises  et  les  champs 
d'éternel  repos.  Je  ne  citerai  ici  que  son  monument  consa- 
cré à  notre  première  reine  Marie -Louise  dans  l'église 
d'Ostende.  Cette  œuvre  reflète  à  elle  seule  tout  ce  que 
celui  qui  l'a  conçu  renfermait  de  sentiments  élevés  en  son 
âme  d'artiste.  On  se  sent  profondément  ému  devant  ce 
marbre  tout  à  la  fois  sublime  el  touchant  d'expression- 

A  son  biographe  est  réservée  la  mission  de  parler  lon- 
guement de  la  vie  el  des  travaux  de  Fraikin,  ainsi  que 
des  hautes  distinctions  et  des  honneurs  que  les  souverains 
el  les  associations  artistiques  ont  accordés  à  notre  illustre 
confrère  (1). 

A  deux  reprises,  en  1870  el  en  1887,  l'unanimité  des 
suffrages  de  ses  confrères  appela  Fraikin  aux  fonctions  de 
directeur  de  la  Classe  des  beaux-arts. 

Fraikin  avait  l'amour  de  la  statuaire  dans  la  plus  haute 
acception.  Le  sentiment  des  proportions,  la  pureté  de  la 
ligne,  l'élégance  des  formes  ont  été  sa  constante  préoccu- 

(1)  Fraikin  était  commandeur  de  Tordre  de  Léopold,  comman- 
deur de  Tordre  royal  et  militaire  du  Ciirist  de  Portugal,  chevalier 
de  la  légion  d'honneur,  chevalier  de  Tordre  du  mérite  de  Saxe, 
membre  correspondant  de  l'Institut  de  France,  membre  effectif  du 
corps  académique  d'Anvers,  membre  honoraire  de  l'Académie  impé- 
riale et  royale  de  Vienne,  membre  non  résident  de  la  Société  de  la 
Trinité  de  Dallas  (Texas,  Amérique»,  membre  effectif  de  la  Com- 
mission royale  des  monuments,  membre  de  la  Commission  directrice 
des  Musées  royaux. 


(  702  ) 

palion.  Le  culle  du  beau,  du  vrai,  fui  l'objectif  de  toute  sa 
carrière.  Il  était  mû  par  ce  sentiment  si  élevé  qui  a  pré- 
sidé à  réclosion  des  grandes  œuvres  de  la  sculpture  grecque 
et  qui  a  immortalisé  celle-ci.  Aussi  professait-il  pour  l'art 
hellénique  une  admiration  et  une  vénération  sans  bornes. 
On  peut  donc  dire  de  notre  confrère  que  l'art  a  été  pour 
lui  un  sacerdoce.  Il  y  a  consacré  tous  ses  instants,  toute 
sa  vie.  Celle-ci  n'a  été  qu'un  labeur  constant.  Il  n'a  pas 
connu  le  repos,  car,  frappé  déjà  du  mal  qui  devait  l'em- 
porter, il  cherchait,  il  y  a  peu  de  temps  encore,  à  adoucir 
ses  souffrances  en  puisant  dans  le  travail  la  plus  suprême 
des  consolations. 

Fraikin  avait  souvent  songé  que  pour  nombre  d'artistes 
la  mort  amène  ordinairement  la  dispersion  de  tout  ce  qui 
constituait  leur  atelier,  de  ce  milieu  dans  lequel  ils  avaient 
passé  tonte  leur  existence.  Son  vœu  le  plus  cher  en  ce  sens 
a  été  noblement  compris  par  la  ville  d'Hérenthals.  Toutes 
les  répliques  de  ses  œuvres,  tous  ces  moulages  qui  garnis- 
saient jadis  sa  demeure  et  qui  auraient  pu  vous  rappeler 
plus  éloqiiemment  que  mes  paroles  ce  que  Fraikin  a  fait 
pour  l'art  belge,  toutes  ces  productions  constituent  actuel- 
lement, à  l'hôtel  de  ville  d'Hérenthals,  le  musée  Fraikin. 
Honneur  à  la  ville  d'Hérenthals  qui  a  rendu  ce  suprême 
hommage  au  plus  illustre  de  ses  enfants  ! 

Adieu,  cher  et  bien-aimé  confrère  et  ami,  ou  plutôt  au 
revoir  dans  ce  monde  meilleur  auquel  nous  aspirons  tous. 
Tu  as  bien  mérité  la  célébrité  qui  s'est  attachée  an  nom 
que  porte  déjà  noblement  ton  fils,  et  ton  souvenir  sera  pré- 
cieusement gardé  par  tes  amis  et  par  les  admirateurs  de 
ton  beau  talent. 


(  705) 


NOTE   BIBLIOGRAPHIQUE. 

J'ai  l'honneur  d'offrir  à  la  Classe  des  beaux-arls,  au 
non)  de  M"'  Marie  de  Villermonl,  iille  du  comle  de  Viller- 
monl  —  l'historien  que  le  monde  lettré  vient  de  perdre  — 
un  exemplaire  de  son  Histoire  de  la  coiffure  féminine.  Ce 
magnifique  volume  grand  in-8*,  de  822  pages,  sortant  des 
presses  de  la  maison  Ad.  Mertens,  à  Bruxelles,  est  orné 
d'une  chromolithographie,  de  vignettes,  de  gravures,  de 
dessins,  etc.,  la  plupart  dus  au  crayon  de  l'auteur.  Peu  de 
sujets,  tout  à  la  fois  littéraires  et  ariisliques,  pouvaient 
être  aussi  attrayants  à  élucider  pour  une  femme  que  l'His- 
toire de  la  coiffure  féminine  dans  tous  les  pays  et  à  toutes 
les  époques.  La  jeune  comtesse,  si  bien  connue  déjà  dans 
le  monde  des  arts,  vient,  délaissant  un  moment  ses  pin- 
ceaux, de  conquérir  définitivement  parla  plume  une  place 
qu'elle  occupera  dorénavant  avec  distinction  dans  le  monde 
des  lettres,  où,  au  surplus,  elle  était  déjà  avantageusement 
connue  par  plus  d'un  élégant  écrit. 

La  coiffure  de  la  femme  me  semble  dériver  des  causes 
qui  ont  présidé  à  la  formation  de  la  coiffure  de  l'homme. 
C'est  l'idée  de  domination  qui  semble  avoir  présidé  à  l'arran- 
gement de  la  partie  la  plus  élevée  de  l'atiifage  humain 
dès  les  temps  primitifs,  ainsi  qu'on  en  trouve  encore 
des  exemples  dans  les  peuplades  non  civilisées.  C'est  le 
sommet  de  sa  personne  que  l'homme  a  d'abord  songé  à 
orner  en  signe  de  commandement,  sans  se  préoccuper  du 
reste  de  son  individu.  C'est  là  qu'il  a  placé  la  marque  de 
son  autorité.  La  femme  a  instinctivement  imité  l'homme, 
mais  au  lieu  de  la  force  impérative,  elle  a  employé  toutes 


(  704  ) 
les  ressources  de  son  imagination,  pour  donner  à  sa  coiffure 
l'élégance,  le  charme  el  la  grâce  nécessaires  en  vue  d'arri- 
ver, sa  beauté  aidant,  à  la  conquête  et,  subséquemment,  à 
la  domination  de  celui  à  qui  la  nature  l'a  destinée.  D'abord 
simple  fleur,  plume  ou  coquillage  placé  dans  les  cheveux, 
la  coiffure  féminine  se  développe,  s'amplifie,  se  caractérise 
de  siècle  en  siècle,  se  simplifie  ou  prend  des  proportions  en 
dehors  du  vraisemblable,  selon  les  époques  et  les  mœurs.  La 
mode,  en  ce  genre  d'attifement,  suit  l'état  social  des  peuples: 
aux  mœurs  austères,  la  coiffure  simple  et  sévère  ;  aux  mœurs 
somptueuses,  la  coiffure  telle  que  la  France  en  a  offert  les 
effrayants  spécimens  au  temps  de  Louis  XV.  Arrivée  à  cet 
état,  la  coiffure  des  femmes  est  tout  à  la  fois  un  art  et  une 
science,  la  science  de  la  construction.  Les  échafaudages 
d'alors  étaient  de  réels  travaux  d'architecture  combinée. 
Citons  à  ce  sujet  les  célèbres  coiffures  à  frégate,  à  vaisseau 
de  haut  bord,  à  moulin  à  vent,  etc.,  pour  l'arrangement 
el  la  surveillance  desquelles  les  élégantes  du  milieu  du 
XVIII"  siècle  avaient  toujours  auprès  d'elles  un  servant 
armé  d'une  fourche  enrubannée;  il  était  chargé  de  sur- 
veiller et  de  soutenir  ou  redresser  au  besoin  le  produit 
fantastique  et  extravagant  qui,  combiné  avec  les  cheveux, 
omait  la  tête  des  belles  mondaines  de  la  cour  de  Louis  le 
Bien-Aimé. 

Je  ne  veux  pas  faire  ici  l'analyse  du  livre  de  M"'  de 
Villermont.  Je  laisse  aux  curieux  de  son  œuvre  la  sur- 
prise de  le  parcourir.  Ils  trouveront  dans  ces  huit  cent  et 
quelques  pages  l'histoire  pittoresque  et  anecdolique  de 
la  coiffure  féminine  depuis  le  voile  de  Sarah,  la  femme 
d'Abraham.  Le  livre  que  je  me  permets  de  mettre  sous  vos 
yeux  est,  comme  vous  le  jugerez,  empreint  de  ce  charme 
et  de  l'élégance  qui  distinguent  l'auteur. 


(70S  ) 

La  quantité  de  documcnls  accumulés  est  réellement 
effrayante,  et  la  plus  judicieuse  érudition  a  présidé  à  leur 
classement  chronologique.  On  ne  peut  que  féliciter  la 
jeune  comtesse  d'avoir  entrepris  d'écrire  cette  histoire,  qui 
intéressera  vivement,  non  seulement  les  admirateurs  de 
son  beau  talent,  mais  tous  ceux  qui  aiment  à  rendre  à  la 
femme  l'hommage  dû  à  sa  beauté  et  à  son  rôle  dans  la 
société. 

Edmond  Marghal. 


PROGRAMME  DE  CONCOURS  POUR  1895. 


La  Classe  s'occupe  de  la  formation  de  son  programme 
de  concours  pour  l'année  1895.  Ce  programme  sera  com- 
plété dans  la  prochaine  séance. 


ÉLECTIONS. 

La  Classe  procède  au  renouvellement  de  sa  Commission 
spéciale  des  finances  pour  l'année  1894.  Les  membres 
sortants  sont  réélus.  M.  Robie  remplacera  feu  Ch.  Fraikin. 

Elle  se  constitue  en  comité  secret  pour  prendre  connais- 
sance de  la  liste  des  candidatures  présentées  par  les  sections 
pour  les  places  vacantes.  Elle  arrête  définitivement  cette 
liste  après  adoption  de  candidatures  nouvelles. 


3'"*   SÉRIE,  TOME    XXVI.  46 


(  706  ) 
CLASSE  DES  SCIENCES. 


Séance  du  45  décembre  1893. 

M.  Ch.  Van  Bambeke,  directeur,  président  de  l'Aca- 
démie. 
M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  MM.  Mourion,  vice-directeur;  P.-J.  Van 
Beneden,  le  baron  Edm.  de  Selys  Longchamps,  G.  De- 
walquc,  E.  Candèze,  Brialmont,  Éd.  Dupont,  Edouard 
Van  Beneden,  C.  Malaise,  F.  Folie,  Alph.  Briart,  F.  Pla- 
teau, Fr.  Crépin,  Jos.  De  Tilly,  Alf.  Gilkinet,  G.  Van  der 
Mensbrugghe,  W.  Spring,  Louis  Henry,  P.  Mansion, 
J.  Delbœuf,  P.  De  Heen,  C.  Le  Paige,  Ch.  Lagrange, 
F.  Terby,  J.  Deruyts,  membres;  Ch.  de  la  Vallée  Poussin, 
associé;  Léon  Fredericq,  A.  Renard,  L.  Errera  et  Alb. 
Lancaster,  correspondants. 


CORRESPONDANCE. 

M.  le  comte  de  Borchgraved'Allena,  chef  du  cabinet  du 
Roi,  exprime  les  regrets  de  LL.  MM.  le  Roi  et  la  Reine  de 
ne  pouvoir  assister  à  la  séance  publique  de  la  Classe. 

MM.  les  Ministres  de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction 
publique,  de  la  Guerre,  des  Affaires  étrangères  et  le  Bureau 
de  l'Académie  royale  de  médecine  remercient  pour  les 
invitations  à  la  même  solennité. 


(  707  ) 

—  La  Classe  prend  nolKicalion  de  la  mort  de  sir  John 
Tyndall,  associé  de  l'Académie,  décédé  à  Hasiemere 
(Angleterre)  le  4  décembre  dernier. 

Une  lettre  de  condoléances  sera  adressée  à  M"*  veuve 
ïyndall. 

—  M.  Beaupain,  ingénieur  des  mines  à  Liège,  demande 
le  dépôt  d'un  pli  cacheté  dans  les  archives  de  l'Académie. 
—  Accepté. 

—  La  Classe  décide  le  dépôt  dans  les  archives  de 
nouvelles  notes  manuscrites  de  M.  Delaey. 

—  Travaux  manuscrits  à  l'examen  : 

i"  A.  Application  du  réfractomèlre  à  Vélude  des  réac- 
tions chimiques  ;  B.  Indices  de  réfraction  de  mélanges 
d'eau,  d'alcools  et  d'acides  gras;  par  J.  Verschaffeit, 
préparateur  adjoint  à  l'Université  de  Gand.  —  Commis- 
saires :  MM.  De  Heen  et  Van  der  Mensbrugghe; 

2°  Sclérotes  et  cordons  mycéliens;  par  Charles  Bommer 
lils.  —  Commissaires  :  MM.  Gilkinet,  Errera  et  Crépin. 


RAPPOBTS. 


Formation  de  l'opale  noble  par  l'action  de  l'acide  hydro- 
fluosilicique  sur  le  verre;  par  G.  Cesàro,  chargé  du 
cours  de  minéralogie  à  l'Université  de  Liège. 

Mtappafi  de  lU.  d«  la   Vallée  §^ou**it*,  pt'etnief  comtniêêaii'e . 

a  L'objet  de  ce  travail  est  l'élude  des  produits  résultant 
de  l'action  prolongée  de  l'acide  hydrofluosilicique  en  divers 
points  d'un  flacon  de  verre,  où  il  était  renfermé  depuis 
une  douzaine  d'années. 


(708) 

L'auteur  reconnaît  d'aliord  à  l'intérieur  du  verre  de 
petites  cavités  arrondies,  résultat  de  la  corrosion,  où  se 
trouvent  de  petites  masses  blanchâtres,  teslacées,  à  reflets 
irisés,  d'aspect  semblable  à  l'opale  noble;  rapprochement 
entièrement  confirmé  par  leur  composition. 

En  second  lieu,  des  cristaux  limpides,  hexagonaux, 
ayant  jusqu'à  1  millimètre  de  grandeur,  lesquels  sont 
implantés  sur  l'opale  ou  sur  le  bouchon  de  verre,  ou  au 
fond  du  flacon.  M.  Cesàro  démontre  par  l'examen  chimique 
que  les  cristaux  appartiennent  à  ce  fluosilicate  de  sodium 
NaaSiHe,  rencontré  fréquemment  aujourd'huf  dans  l'ana- 
lyse microchimique  des  minéraux  inattaquables  aux  acides 
ordinaires,  et  renfermant  un  silicate  sodique.  L'auteur  se 
livre  sur  ces  cristaux  à  une  étude  optique  détaillée  et 
qu'on  n'avait  pas  exécutée  jusqu'à  présent,  à  notre  con- 
naissance. H  détermine  notamment  leur  biréfringence  en 
employant  la  méthode  approximative  et  très  pratique  qu'il 
a  exposée  lui-même  dans  un  mémoire  antérieur  présenté 
à  la  Classe  (1). 

En  troisième  lieu,  M.  Cesàro  reconnaît  au  fond  du 
flacon  d'autres  petits  cristaux  limpides,  ayant  tantôt 
l'aspect  quadratique,  tantôt  l'aspect  hexagonal.  Les  essais 
chimiques  de  l'auteur  y  décèlent  un  fluosilicate  à  base  de 
potassium,  auquel  s'ajoute  probablement  un  peu  de 
sodium.  Le  fluosilicate  de  potassium  KaSiHg  est  donné 
comme  cubique  par  Boricky.  Tel  n'est  pas  celui  découvert 
par  M.  Cesàro.  A  la  suite  d'observations  des  plus  précises 
el  des  plus  délicates,  il  y  reconnaît  un  prisme  ortho- 
rhombique  dont  les  paramètres  fondamentaux  sont  à  peu 
près  1  :  1  :  V/3,  qui  donne  donc  tout  à  la  fois  une  forme 

(1)  Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  3«  sér.,  t.  XXVI,  1893, 
pp.  208-227. 


(  709  ) 
limite  du  système  hexagonal  et  du  système  quadratique. 
M.  Cesàro  le  fait  voir  avec  évidence  en  reproduisant  dans 
trois  figures  les  diverses  modifications  qui  donnent  tour  à 
tour  aux  cristaux  l'apparence  de  l'un  ou  de  l'autre  système. 
Le  caractère  orlhorhombique  de  la  substance  est  d'ailleurs 
parfaitement  établi,  tant  par  la  symétrie  des  modifications 
mesurées  au  goniomètre,  que  par  les  propriétés  optiques 
qui  sont  celles  d'un  corps  biaxique  négatif,  et  dont  les  axes 
d'élasticité  coïncident  avec  les  droites  paramétriques. 

Je  propose  très  volontiers  l'insertion  dans  les  Bultelins 
de  l'Académie  de  ce  travail  si  précis,  avec  la  reproduction 
des  figures,  et  je  propose  également  des  remerciements  à 
son  savant  auteur.  » 

M.  Spring,  second  commissaire,  s'étant  rallié  aux  con- 
clusions du  rapport  de  M.  de  la  Vallée  Poussin,  la  Classe 
adopte  les  propositions  de  ses  commissaires. 


JUGEMENT  DU  COlNCOURS  ANNUEL  DE  1893. 

SCIENCES    iUATHÉMATIQUES    ET    PHYSlf^WES. 

Deuxième  question. 

Apporter  une  contribution  importante  à  l'étude  des 
correspondances  que  l'on  peut  établir  entre  les  éléments 
géométriques  fondamentaux. 

Mtapitot't  a»  m.  Oe  Ttlly,  pfemie»-   contutiatnifm. 

«  Je  n'examinerai  pas  si  ce  Mémoire,  supposé  irrépro- 
chable dans  ses  déductions,  pourrait  constituer  une 
réponse  à  la  question  posée. 

Je  ne  m'arrêterai  pas  davantage  à  discuter  la  partie  que 


(710) 
l'on  pourrait  appeler  «  lilléraire  »  dans  le  Mémoire  dont  il 
s'agit. 

Je  me  bornerai  à  signaler  l'erreur  formelle,  capitale,  que 
ce  travail  contient,  et  qui  en  vicie  toutes  les  conclusions. 

On  la  découvre  aisément  à  la  page  62,  dans  les  passages 
suivants  : 

a  On  trouve... 

a4e  —  {p  —  r) (1) 


On  en  déduit 


-y<l (2) 


L'angle  e  tendra  vers  zéro,  et  à  cause  de  la  relation  (2), 
l'angle  y  tendra  vers  (3. 

L'angle  a  tend  aussi  vers  zéro,  en  vertu  de  la  rela- 
tion (1).  p 

On  voit  que  l'auteur  raisonne  sur  les  inégalités  comme 
si  c'étaient  des  égalités. 

Si,  au  lieu  de  (1)  et  de  (2),  on  avait  : 

«  =  f  —  (p  —  r), 

le  raisonnement  serait  inattaquable;  mais,  à  cause  des 
inégalités,  il  reste  évidemment  à  prouver  que  §  —  y  est 
une  quantité  positive,  démonstration  qu'on  ne  fera  pas. 

Je  propose  à  la  Classe  d'ordonner  le  dépôt  du  Mémoire 
aux  Archives.  » 

MM.  Le  Paige  et  Mansion  se  rallient  à  cette  proposition, 
qui  est  adoptée  par  la  Classe. 


(  711   ) 

Troisième  question. 

Poser  les  équations  du  mouvement  de  rotation  de  l'écorce 
solide  du  globe,  en  tenant  compte  des  actions  extérieures, 
du  frottement  de  l'écorce  sur  la  partie  fluide  du  noyau  et 
des  réactions  intérieures. 

Indiquer  le  mode  d'intégration  qui  pourrait  être  appli- 
qué à  ces  équations. 

La  Classe  se  prononcera  ultérieurement  sur  les  conclu- 
sions des  rapports  de  ses  commissaires. 


SCIENCES    IVATIJREI.E,ES. 

TROISIÈME    QUESTION. 

On  demande  de  nouvelles  recherches  morphologiques 
pouvant  éclairer  la  phylogénie  d'un  des  grands  embranche- 
ment des  Invertébrés. 

ttappot'l  <fe    M.  Éd.    Vai*    Beneilern,    pfemief    cotntnisêaifff, 

a  La  Classe  a  reçu  un  volumineux  mémoire  en  réponse 
à  la  question  suivante  portée  à  son  programme  de  concours 
pour  l'année  1893  : 

On  demande  de  nouvelles  recherches  morphologiques 
pouvant  éclairer  la  phylogénie  d'un  des  grands  embran- 
chements des  Invertébrés. 

Ce  mémoire  a  pour  devise  :  Toujours  tout  droit;  il  a 
pour  titre  :  Recherches  sur  divers  Opisthobranches. 

En  posant  la  question,  dont  je  viens  de  rappeler  les 
termes,  l'Académie  a  voulu,  tout  en  laissant  aux  auteurs 
une  entière  liberté,  tant  dans  le  choix  du  sujet  que  dans 


(712) 
la  manière  de  le  traiter,  obtenir  un  ensemble  de  recherches 
originales,  à  la  fois  analytiques  et  synthétiques,  sur  un 
groupe  important  du  règne  animal,  à  la  seule  exclusion 
des  Vertébrés. 

Deux  voies  se  présentent  à  celui  qui  se  propose  d'éclairer, 
par  de  nouvelles  études,  la  morphologie  et,  partant,  la 
phylogénie  d'un  groupe  naturel  :  l'une,  que  j'appellerais 
volontiers  la  voie  monographique,  conduit,  par  l'étude 
détaillée  et  approfondie  d'une  ou  d'un  petit  nombre  de 
formes  convenablement  choisies,  à  une  conception  plus 
complète  du  type  d'organisation  auquel  ces  formes  se 
rattachent.  Elle  nous  permet  de  pénétrer  plus  avant  dans 
la  connaissance  de  la  constitution  et  de  la  genèse  de  tout 
l'ensemble  des  organismes  auquel  appartiennent  la  ou  les 
formes  choisies;  en  nous  donnant  une  vue  plus  claire  du 
type  d'organisation,  elle  nous  permet  de  mieux  apprécier 
ses  origines  et  sa  filiation. 

La  méthode  comparative,  au  contraire,  cherche  à  déter- 
miner, par  l'analyse  morphologique  du  plus  grand  nombre 
possible  de  formes  d'un  même  groupe  naturel,  les  rapports 
analogiques  qui  existent  entre  ces  formes,  en  vue  d'arriver, 
par  une  appréciation  plus  exacte  des  ressemblances  et  des 
différences,  à  la  détermination  des  liens  phylogéniques  qui 
rattachent  entre  eux  les  divers  représentants  de  ce  groupe 
naturel.  Elle  vise  à  faire  mieux  connaître  les  variations 
d'un  type,  afin  de  déterminer  les  liens  génétiques  qui 
relient  entre  elles  les  formes  diverses  qui  réalisent  ce 
type. 

L'auteur  du  mémoire  que  nous  avons  à  analyser  et  à 
juger  a  choisi  la  seconde  méthode  :  son  travail  est  une 
étude  anatomique,  à  la  fois  descriptive  et  comparée,  des 
Mollusques  Gastéropodes  et  plus  particulièrement  des 
Euihyneures,  Opisthobranches  et  Pulmonés. 


(715) 

Dans  la  première  partie  de  son  œuvre,  il  fait  connaître 
i'analomie  d'un  grand  nombre  de  Mollusques  Opislho- 
branches  el  Pulmonés.  Ses  éludes  onl  porté  sur  une, 
parfois  sur  plusieurs  espèces  cboisies  dans  Irenle-six 
genres  différents,  dont  neuf  appartiennent  à  la  famille  des 
Bulléens, auxquels  il  rattache  les  Ptéropodes  Thecosomes; 
dans  ce  dernier  groupe,  il  a  étudié  les  genres  Limacina  el 
Clio;  il  a  fait  I'analomie  de  deux  genres  de  la  famille  des 
Aphysiens,  de  deux  Gymnosomes,  de  trois  genres  de  Pleu- 
robranchiens,  de  cinq  genres  de  Triloniens,  de  deux 
Doridiens,  de  trois  Éolidiens,  de  quatre  Élysiens,  enfin 
des  genres  Auricularia,  Chilina,  Amphibola  et  Siphonaria 
parmi  les  Pulmonés. 

L'exposé  descriptif  des  résultats  fournis  par  l'analyse 
analomique  est  fait  suivant  une  méthode  rigoureuse,  avec 
une  grande  sobriété  el  une  remarquable  concision.  L'auteur 
se  borne  à  signaler,  parmi  les  résultats  de  ses  recherches, 
les  faits  qu'il  considère  comme  nouveaux,  à  rectifier, 
quand  il  y  a  lieu,  les  erreurs  ou  les  inexactitudes  com- 
mises par  ses  devanciers,  à  exposer  ses  observations  per- 
sonnelles sur  les  points  controversés. 

Loin  de  rendre  compte,  pour  chacune  des  formes 
étudiées  par  lui,  de  tous  les  fails  que  l'analyse  à  laquelle  il 
s'est  livré  a  dû  lui  révéler,  il  ne  mentionne,  parmi  les  con- 
statations qu'il  a  faites,  que  celles  qui  lui  paraissent  avoir  de 
l'importance  au  point  de  vue  de  l'objectif  qu'il  poursuit  : 
éclaircir  la  phylogénie  des  Mollusques  Eulhyneures  et  plus 
particulièrement  des  Opislhobranches.  Mais  s'il  s'est  gardé 
d'allonger  ses  descriptions  au  delà  du  strict  nécessaire;  il 
a  eu  soin  de  consigner  ses  observations  dans  un  magni- 
fique atlas  qui  ne  comprend  pas  moins  de  vingt-cinq 
planches,  artislemenl  dessinées,  d'une  correction  et  d'une 


(  714  ) 

clarté  parfaites,  témoignant  d'une  sûreté  de  main  remar- 
quable. Tous  ces  dessins,  exécutés  à  la  plume,  sont  faits 
de  main  de  maître  et  vraiment  dignes  d'admiration. 

Dans  la  seconde  partie  de  son  mémoire,  l'auteur  discute, 
en  se  fondant,  d'une  part,  sur  l'ensemble  des  faits  acquis 
par  ses  devanciers,  d'autre  part,  sur  ses  recherches  per- 
sonnelles, les  relations  mutuelles  des  Opisthobranches  et 
les  rapports  entre  ces  Mollusques  et  les  autres  Gasté- 
ropodes, Pnlmonés  et  Streploneures.  Il  discute,  à  la  lumière 
des  faits  brièvement  résumés,  les  rapports  des  Tecli- 
branches  entre  eux,  des  Nudibranches  entre  eux,  puis  les 
rapports  entre  les  Tectibranches  et  les  Nudibranches. 

Il  cherche  à  distinguer  les  caractères  archaïques  de 
ceux  qui  paraissent  être  le  résultat  d'une  adaptation  ou 
d'une  spécialisation  et  arrive  à  déterminer,  dans  chaque 
groupe  et  dans  chaque  sous-groupe,  les  formes  les  plus 
primitives,  les  plus  voisines  des  formes  ancestrales.  11 
estime  que  les  Nudibranches  sont  plus  spécialisés  que  les 
Tectibranches  et  que,  parmi  ces  derniers,  les  Aclœon  sont 
les  plus  archaïques.  La  même  étude,  faite  chez  les  Pul- 
monés,  le  conduit  à  la  conclusion  que,  de  tous  les  Gasté- 
ropodes à  respiration  pulmonaire,  les  Auricularia  sont  les 
moins  spécialisés.  Comparant  ensuite  l'organisation  des 
Auriculaires  à  celle  du  genre  Actœon^  il  conclut  à  une 
affinité  originelle  entre  les  deux  groupes  réunis  sous  le 
nom  d'Euthyneures. 

V.  Jheving  a  soutenu  l'origine  diphylétique  des  Gasté- 
ropodes; l'auteur  du  mémoire  combat  cette  manière  de 
voir  et  cherche  à  démontrer  que  les  Opisthobranches  sont 
plus  spécialisés  que  les  Streptoneures;  ceux-ci,  conlraire- 
menl  à  l'opinion  généralement  admise,  seraient  les  plus 
archaïques  des  Gastéropodes. 


(  715  ) 

La  différence  essenlielle  entre  les  deux  grou[)es, 
Slreploneures  et  Eulhyneures,  résulterait  de  ce  que  la 
torsion  de  la  commissure  viscérale  que  l'on  constate 
chez  les  uns,  fait  défaut  chez  les  autres.  L'absence  de  la 
torsion  s'expliquerait  par  le  fait  qu'après  avoir  été  soumis 
à  la  même  torsion  que  les  Streptoneures,  les  Euthyneures 
ont  subi  une  délorsion  en  sens  contraire.  Dans  les  derniers 
chapitres  de  son  mémoire,  l'auteur  montre  comment,  à 
son  avis,  s'est  constituée  la  torsion  et  l'asymétrie  caracté- 
ristique des  Gastéropodes. 

Ses  conclusions  quant  à  la  systématique  des  Gasté- 
ropodes, l'auteur  les  formule  sous  la  forme  d'un  arbre 
généalogique  qui  n'a  et  ne  peut  avoir  d'autre  prétention 
que  d'exprimer,  par  une  formule  simple  et  expressive,  les 
idées  de  l'auteur  sur  la  classification  des  animaux  dont  il 
a  fait  l'étude.  La  valeur  de  ce  tableau  est  donc  en  raison 
directe  de  la  science  et  de  l'autorité  de  celui  dont  il  émane. 
Or,  il  saute  aux  yeux  que  l'auteur  du  mémoire  a  con- 
sacré de  longues  années  à  l'étude  des  Mollusques;  qu'il 
connaît  à  fond  leur  organisation,  qu'il  possède  d'une 
manière  complète  la  bibliographie  relative  à  son  sujet.  Si 
ses  idées  sur  la  classification  et  la  filiation  des  Mollusques 
ne  s'imposent  pas  d'emblée,  il  est  hors  de  doute  qu'elles 
seront  disculées  avec  déférence  par  les  spécialistes,  et 
prises,  en  tous  cas,  en  sérieuse  considération.  L'auteur 
doit  être  lui-même  un  spécialiste  et  une  autorité.  Aussi, 
je  me  garderai  de  discuter  ses  conclusions.  Tout  au  plus 
me  permettrai-je  de  regretter  que,  tant  dans  la  partie 
descriptive  que  dans  la  partie  synthétique  de  son  mémoire, 
l'auteur  n'ait  pas  accordé  une  plus  grande  attention  à 
certains  organes,  qu'il  ait  concentré  son  attention  sur  un 
nombre  assez  limité  d'appareils,  que  la  part  faite  à  l'analyse 


(716) 

microscopique  soil  fort  réduite,  qu'enfln  l'embryologie  soit 
pour  ainsi  dire  passée  sous  silence. 

Ces  réserves  ne  m'empêchent  nullement  de  donner  mon 
entière  approbation  au  mémoire  que  nous  avons  à  juger. 
J'estime  que  la  Classe  a  lien  de  se  féliciter  d'avoir  obtenu, 
en  réponse  à  la  question  posée,  un  mémoire  aussi  remar- 
quable à  bien  des  points  de  vue.  Je  n'hésite  donc  pas  à 
proposer  à  l'Académie  de  couronner  l'auteur  et  de  lui 
accorder  le  prix. 

Je  propose  en  outre  de  décider  l'impression  du  manu- 
scrit dans  le  recueil  des  Mémoires  in-4°.  La  reproduction 
des  planches  par  la  lithographie  exigerait  une  grosse 
dépense;  mais  ces  planches  se  prêtent  parfaitement  à  être 
rendues  par  un  procédé  photographique  peu  dispendieux, 
la  phototypie  ou  la  glyptographie.  Je  propose  à  la  Classe 
de  décider  l'impression  des  planches,  dans  les  conditions 
que  je  viens  d'indiquer.  Si  j'en  juge  par  une  note  manu- 
scrite jointe  aux  planches,  celte  décision  répondrait  com- 
plètement aux  vœux  de  l'auteur.  » 


ttapport  de  lU.    Plalentê,  dcuxiêinc  cotntnitsaifc 

«  Mon  savant  confrère,  M.  Éd.  Van  Beneden,  premier 
commissaire,  a  si  nettement  caractérisé  la  valeur  et  les 
tendances  du  mémoire  de  concours,  qu'il  serait  inutile  de 
faire  une  nouvelle  analyse  de  celui-ci. 

Comme  SI.  Van  Beneden,  j'estime  que  l'auteur  a 
répondu  à  la  question  de  façon  à  mériter  largement  le  prix, 
et  que  son  travail  est  de  nature  à  figurer  avec  honneur 
dans  les  pubhcalions  de  l'Académie.  » 


(717) 

Rapport  «fe  9i.    Van   Batnbeke,  t»'oi»iè*ne  cotntn4êta4»'». 

«  Comme  le  remarque  avec  justesse  notre  savant  con- 
frère M.  F.  Plateau,  le  premier  commissaire,  notre  savant 
confrère  M.  Éd.  Van  Benetlen  a  si  nettement  caractérisé 
la  valeur  et  les  tendances  du  mémoire  de  concours  portant 
pour  devise  :  Toujours  tout  droit,  qu'il  serait  inutile  de 
faire  une  nouvelle  analyse  de  ce  travail. 

Conformément  à  ce  que  dit  le  premier  commissaire  à  la 
tin  de  son  rapport,  j'estime  que  la  Classe  a  lieu  de  se  féli- 
citer d'avoir  obtenu,  en  réponse  a  la  question  posée,  un 
mémoire  aussi  remarquable  à  bien  des  points  de  vue. 

Je  n'hésite  donc  pas  à  me  joindre  à  mes  deux  savants 
confrères  pour  proposer  à  l'Académie  de  couronner 
fauteur,  en  lui  accordant  le  prix  attaché  à  la  question. 

Je  propose  également  de  décider  l'impression  du  travail 
ainsi  que  des  superbes  planches  qui  l'accompagnent.  » 

La  Classe,  adoptant  les  propositions  de  ses  commissaires, 
décerne  à  ce  travail  sa  médaille  d'or  de  six  cents  francs,  et 
en  décide  l'impression  dans  le  recueil  des  Mémoires  in-4°. 

L'ouverture  du  billet  cacheté  a  fait  connaître  comme 
auteur  M.  Paul  Pelseneer,  professeur  à  l'École  normale 
de  Gand. 

PRIX  CHARLES  LEMAIRE. 

(Phemière  période,  du  ^"  juillet  1891  au  50  juin  1893.; 
Happort  de  MU.  r«n  de»'  Metfbi'ugghe,  Briaft  et  Oe  Been, 

<  Un  arrêté  royal  du  28  février  1891  a  accepté,  au 
nom  de  l'Académie,  le  legs  de  25,000  francs  donné  à  la 
Classe  des  sciences  de  Belgique  par  testament  mystique 


(  7d8  ) 

de  M"'  Adélaïde  Lemaire,  domiciliée  à  Beaiimonl  et 
décédée  à  Paris,  le  2  décembre  1890.  Conformément  à  la 
volonté  de  la  testatrice,  les  revenus  de  cette  somme  ont 
été  affectés  à  la  formation  d'un  prix  de  1,420  francs  à 
décerner,  tous  les  deux  ans,  sous  le  nom  de  Prix  Charles 
Lemaire,  à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  publié  sur  des 
questions  relatives  aux  travaux  publics. 

Pour  la  première  période  du  concours  (du  1"  juillet 
d891  au  30  juin  1893),  la  Classe  a  reçu  les  ouvrages 
suivants  : 

1°  Mémoire  relatif  à  des  travaux  publics  excessivement 
importants  et  impérieusement  nécessaires.  —  Le  problème 
de  la  Montagne  de  la  Cour,  première  et  seconde  partie, 
avec  carte,  Gand  1893,  par  le  major  Inghels. 

2°  Les  fondations  à  l'air  comprimé  sans  incorporation 
de  fers  dans  les  maçonneries,  et  leur  application  à  la 
reconstruction  de  la  passe  navigable  du  barrage  de  Rivière, 
Bruxelles,  1892,  par  Paul  Christophe,  ingénieur  des  Ponts 
et  Chaussées. 

Les  commissaires  chargés  par  la  Classe  d'examiner  ces 
ouvrages,  ont  soulevé  la  question  de  savoir  s'ils  avaient  à 
s'enquérir  d'autres  travaux  du  même  genre,  publiés 
pendant  la  première  période  du  concours  ;  mais  cette 
question  est  tranchée  négativement  par  un  article  formel 
du  règlement  du  concours  Charles  Lemaire;  voici  cet 
article  : 

a  Le  délai  pour  la  remise  des  ouvrages  expirera  le 
»  30  juin  1895;  ils  devront  être  adressés,  francs  de  port, 
»  à  M.  le  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie,  au  palais 
»  des  Académies.  » 

En  conséquence,  les  commissaires  n'ont  eu  à  s'occuper 


(719) 
que  des  deux  ouvrages  dont  les  litres  se  Irouvenl  indiqués 
plus  haut. 

En  ce  qui  concerne  les  deux  brochures  du  major  Inghels, 
relatives  au  problème  de  la  Montagne  de  la  Cour,  à  Bru- 
xelles, l'auteur  y  traite  d'une  question  d'un  intérêt  pure- 
ment local;  lors  même  que  les  idées  et  les  plans  du  major 
Inghels  seraient  adoptés,  on  ne  serait  nullement  avancé 
pour  l'exécution  de  travaux  publics  du  même  genre  dans 
d'autres  localités  ;  ce  motif,  que  les  commissaires  regardent 
comme  péremploire,  a  fait  écarter  l'ouvrage  du  premier 
concurrent,  abstraction  faite  de  sa  rédaction  qui  est  fort 
loin  d'être  académique. 

Le  second  ouvrage  présenté  au  concours  est  un  mémoire 
déjà  imprimé  dans  les  Annales  des  travaux  publics,  t.  L, 
1892,  Le  travail  est  divisé  en  deux  parties;  dans  la  pre- 
mière, M.  Christophe  passe  en  revue  les  divers  procédés 
employés  jusqu'à  présent  pour  établir  les  fondations  dans 
l'eau  au  moyen  de  l'air  comprimé,  soit  pour  des  piles  de 
ponts,  soit  pour  des  barrages,  des  murs  de  quai  ou 
d'écluse,  etc.  Il  montre  clairement,  d'une  part,  les  incon- 
vénients des  anciens  procédés  qui  entraînaient  toujours 
l'abandon  d'une  partie  plus  ou  moins  grande  du  caisson 
métallique,  d'autre  part,  les  avantages  sérieux  des  procé- 
dés récents,  par  lesquels  on  cherche  à  réduire  au  minimum 
le  poids  des  fers  délaissés  dans  les  fondations.  Cette  ten- 
dance a  fait  recourir  successivement  aux  fondations  soit 
par  caissons  et  puits  en  maçonnerie,  soit  par  caissons- 
clochers  ou  clochers  mobiles,  soit  enfin  par  caissons- 
balardeaux. 

L'examen  comparatif  de  ces  divers  genres  de  caissons 
est  très  intéressant;  les  descriptions  de  l'auteur  sont  très 


(  720  ) 

concises,  bien  que  fort  claires,  et  les  dessins  qui  les  accom- 
pagnent répondent  pleinement  au  but  de  bien  faire  com- 
prendre le  texte. 

La  deuxième  partie  du  mémoire  est  destinée  à  rendre 
compte  des  travaux  de  reconstruction  de  la  passe  navi- 
gable de  Rivière,  sur  la  Meuse,  à  14  kilomètres  de  Dinant. 
Après  avoir  exposé  les  motifs  qui  rendaient  cette  recon- 
struction nécessaire  et  fait  connaître  les  différents  projets 
mis  en  avant  à  ce  sujet,  l'auteur  insiste  longuement  sur 
celui  qui  a  été  réellement  exécuté,  et  qui  était  fondé  sur 
l'emploi  d'un  caisson-batardeau;  il  entre  dans  tous  les 
détails  de  la  mise  en  œuvre,  des  fouilles  dans  le  gravier 
d'abord,  ensuite  de  la  maçonnerie  à  air  comprimé.  Enfin, 
dans  un  dernier  chapitre  non  moins  intéressant,  il  donne 
les  calculs  de  résistance  des  diverses  parties  du  caisson- 
batardeau,  et  arrive  à  la  conclusion  que  les  principales 
membrures  auraient  dû  avoir  des  dimensions  plus  fortes, 
et  que,  notamment  dans  le  sens  longitudinal,  sa  raideur 
n'était  pas  suffisante. 

Le  mémoire  de  M.  Christophe  est  donc  à  la  fois 
descriptif  et  critique  :  susceptible  d'une  application  géné- 
rale, il  pourra  être  consulté  très  utilement  pour  des  tra- 
vaux publics  analogues.  S'il  ne  contient  pas  d'idées 
absolument  originales,  il  témoigne  cependant  d'un  esprit 
fort  judicieux  et  d'une  grande  érudition. 

Après  mûre  délibération,  les  trois  commissaires  ont  été 
d'accord  pour  proposer  à  la  Classe  de  décerner  le  prix 
Charles  Lemaire  à  M.  Paul  Christophe,  ingénieur  des 
Ponts  et  Chaussées  à  Liège.  »  —  Adopté. 


(  72i  ) 


COMMUNICATION  ET  LECTURE. 


Formation  de  l'opale  noble  par  l'action  de  l'acide  hydro- 
(luosilicique  sur  le  verre;  par  G.  Cesàro,  chargé  du 
cours  de  minéralogie  à  l'Université  de  Liège. 

Dans  un  flacon  contenant,  depuis  une  douzaine  d'années, 
une  solution  d'acide  hydrofluosilicique,  j'ai  recueilli  quel- 
ques produits  intéressants  et,  entre  autres,  un  corps  iden- 
tique, comme  composition  et  comme  propriétés  physiques, 
ù  l'opale  noble. 

L'attaque  du  verre  s'est  faite  très  inégalement  :  la  partie 
située  au-dessus  du  niveau  du  liquide,  ainsi  que  la  partie 
inférieure  du  bouchon,  est  fortement  attaquée;  le  fond 
l'est  légèrement,  le  reste  des  parois  est  presque  inattaqué. 
L'attaque  se  fait  par  sphères  :  elle  commence  en  un  point 
et  continue  en  produisant  des  cavités  sensiblement  sphé- 
riques;  il  se  produit  ainsi  une  suite  de  cellules  dont  les 
centres  sont  à  un  ou  deux  millimètres  de  distance,  et  qui 
finissent  par  se  rejoindre.  Sur  la  paroi  immergée,  il  n'y  a 
que  quelques  cavités,  dont  une  très  nette. 

Les  cellules  qui  existent  à  la  partie  supérieure  du 
flacon  sont  remplies  d'une  matière  blanche,  translucide, 
se  moulant  dans  la  cavité  et  ressemblant  à  l'opale. 

Dans  ces  masses  opalescentes,  vers  l'intérieur  du  flacon, 
on  peut  recueillir  de  beaux  cristaux  limpides,  ayant  sou- 
vent plus  d'un  millimètre  de  largeur  :  ce  sont  des  prismes 

S"*  SÉRIE,   TOME   XXVi.  47 


(  722  ) 

hexagonaux  1res  nels,  porlanl  rarement,  el  peu  déve- 
loppées, les  faces  du  prisme  inverse,  d'un  prisme  dodéca- 
gonal,  ou  celles  d'un  dihexaèdre,  tantôt  direct,  tantôt 
inverse.  Ces  mêmes  cristaux  ont  été  trouvés  attachés  à  la 
partie  inférieure  du  bouchon;  ils  sont  parfaitement  ma- 
niables el  produisent  sur  les  doigts  l'impression  de  grains 
de  sable;  aussi  est-il  très  aisé  de  les  séparer  de  la  matière 
amorphe  friable  qui  les  entoure.  Sur  le  fond  du  flacon  se 
trouvent,  comme  incrustés,  outre  quelques  prismes  hexa- 
gonaux identiques  à  ceux  dont  nous  venons  de  parler, 
d'autres  cristaux  paraissant  être  des  prismes  hexagonaux 
allongés  suivant  la  hauteur  et  arrondis  sur  toutes  les 
arêtes. 

Enfin,  sur  le  fond  du  flacon,  mais  non  adhérents,  j'ai 
recueilli  d'autres  cristaux  tout  aussi  limpides  que  les  pré- 
cédents, mais  d'une  forme  toute  différente  :  les  plus 
simples  ont  la  forme  d'un  octaèdre  à  base  carrée  très 
aplati  suivant  l'axe  vertical. 

a)  Matière  ressemblant  à  C opale. 

La  matière  dont  il  a  été  parlé  en  premier  lieu  constitue 
des  masses  blanches,  translucides  sur  les  bords,  à  texture 
lestacée;  leur  partie  convexe  se  moule  dans  la  cavité 
formée  dans  le  verre;  leur  partie  concave  forme,  vers 
Tinlérieur  du  flacon,  une  géode  dans  laquelle  sont  venus 
s(!  déposer  les  prismes  hexagonaux  dont  il  a  été  parlé 
ci-dessus.  Les  fines  couches  sphériques  se  séparent  facile- 
ment; elles  présentent  de  beaux  reflets  irisés.  La  matière 
dont  il  s'agit  paraît  amorphe  au  microscope,  en  lumière 
polarisée;  lorsqu'on  la  chauffe  au  chalumeau,  elle  décré- 
pite, perd  de  sa  iranslucidité  el  ne  fond  pas;  quoique  très 


(  723  ) 
fragile,  elle  raye  fortement  le  spalh  d'Islande,  faiblement 
l'apatite.  Après  dessiccation  à  l'air,  on  en  a  pesé  0*',1  ;  an 
rouge  il  y  a  eu  une  perte  de  0'",0I  ;  le  résidu,  fondu  avec 
les  carbonates  alcalins,  a  donné  une  masse  entièrement 
soluble  dans  l'eau  ;  sa  composition  est  donc  : 

SiO*.     .     .     90 
H«0.     .     .     iO 


100 


C'est  précisément  la  composition  de  Vopale  noble  de 
Hongrie.  Au  point  de  vue  chimique,  elle  correspond  à 
l'acide  polysilicique 

0  SiO^  H*0  =  HO  —  Si  —  0  —  Si  —  0  —  Si  —  OH 

0  0  0 

obtenu  par  Fuchs  eu  desséchant,  en  présence  de  l'acide 
sulfurique  concentré,  le  précipité  produit  par  l'action^du 
fluorure  de  silicium  sur  l'eau  (*). 

La  formation  de  cet  acide  dans  les  conditions  que  nous 
examinons  est  d'ailleurs  très  plausible  :  si  l'on  compare, 
en  eflet,  les  cinq  formules  données  pour  les  différentes 
espèces  de  verre  {Dict.  de  Wurtz,  t.  III,  p.  680),  on  voit 
que  ce  corps  peut  toujours  être  représenté  par  3  SiO^.RO; 
de  sorte  que  la  réaction  très  simple  qui  aurait  donné 
naissance  à  l'opale,  serait  : 

G  SiO*.  Na'O.  CaO+2H'SiFi«=Na'SiFl*  -t-  CaSiFl"  +  2  (SSiOlH^O). 
verre  opale 


(*)  Théoriquement,  cet  acide  contient  9,1  »/»  d'eau.  Fuchs  a  trouvé 
de  9,1  à  9,6, 


(  724.  ) 

b)  Cristaux  hexagonaux  se  trouvant  dans  l'opale. 

Le  corps  hexagonal  est  solnble  dans  l'eau  chaude  et 
ciislallise,  par  l'évaporation,  en  reprenant  sa  forme  primi- 
tive; il  se  dissout  dans  l'acide  suMurique  concentré  en 
laissant,  après  calcination,  un  résidu  complètement  soluble 
dans  l'eau  ;  cette  solution  ne  contient  pas  de  potassium  et 
colore  fortement  la  flamme  en  jaune;  si,  à  une  goutte  de 
cette  solution,  on  ajoute  une  trace  de  chlorure  barylique 
cl  que  l'on  évapore,  on  obtient  des  cubes.  Chauffés  sur 
une  lame  de  platine,  ces  cristaux  hexagonaux  dégagent 
un  gaz  qui  dépose  de  la  silice  au  contact  de  l'eau. 

On  voit  que  l'on  a  affaire  au  fluosilkale  de  sodium 
Na^SiFIG. 

Les  prismes  de  fluosilicate  sodique  portent  rarement 
des  modifications  sur  les  arêtes;  d'ailleurs,  les  faces  ne 
sont  pas  réfléchissantes,  et  il  a  été  impossible  d'obtenir 
des  mesures  permettant  d'établir  la  forme  primitive.  Les 
faces  latérales  de  ces  prismes  portent  des  figures  caracté- 
ristiques :  stries  interrompues  parallèles  à  l'arête  verticale. 

Propriétés  optiques  du  fluosilicate  sodique.  —  Au 
microscope,  en  lumière  convergente,  on  obtient  une 
figure  d'interférence  uniaxe  très  nette;  la  double  réfrac- 
tion est  négative,  c'est-à-dire  que  l'axe  d'élasticité  maxima 
se  trouve  dirigé  suivant  l'axe  du  prisme.  J'ai  pu  mesurer 
la  biréfringence,  c'est-à-dire  la  dilîérence  entre  les  indices 
extrêmes,  en  employant  la  méthode  que  j'ai  exposée  dans 
un  mémoire  antérieur  [Bull,  de  CAcad.  royale  de  Belgique, 
5«  série,  t.  XXVI,  n°  8,  1893,  p.  208).  Un  petit  prisme 
très  net  a  été  d'abord  couché  sur  une  face  latérale;  il 
donnait  entre  les  niçois  croisés  le  jaune  du  deuxième 


(  725  ) 
ordre,  entre  les  niçois  parallèles  une  teinte  voisine  d'nn 
violet.  Le  relard  du  hiseau  de  quartz  employé  était  donné 
par 

R,=  152,71  —  îj,lôn. 

On  a  obtenu,  par  soustraction,  le  violet  fj  =  28,1  (*) 
pour  n  =  13,9;  de  sorte  que  R,  =  61,4;  R  —  R^  =  28,1 
et  R  =  89,5.  La  compensation  a  été  obtenue  pour 
n  ==  8,4,  ce  qui  donne  R  =  89,6.  Après  avoir  placé  le 
cristal  sur  sa  base,  on  a  mesuré  l'épaisseur  comprise  entre 
la  face  primitivement  placée  sur  la  lame  porte-objet  et  sa 
parallèle,  à  l'aide  de  la  platine  mobile  par  une  vis  micro- 
métrique; on  a  obtenu  e  =  22,6;  par  conséquent,  la 
biréfringence  est 

X  =  4. 

On  voit  que  la  biréfringence  est  très  faible;  c'est  celle 
de  l'apatite. 

Cela  signifie  que,  le  cristal  étant  négatif,  l'indice  ordi- 
naire surpasse  l'indice  extraordinaire  de  4  millièmes. 
L'indice  ordinaire  a  été  obtenu  par  la  méthode  du  duc  de 
Chaulnes,  qui  consiste,  comme  on  sait,  à  comparer  l'épais- 
seur réelle  du  cristal  à  son  épaisseur  apparente  lorsque  sa 
face  inférieure  est  vue  à  travers  le  cristal  :  celui-cf  étant 
placé  sur  sa  base,  la  première  correspondait  à  91  divisions 
de  la  vis  micrométrique,  la  seconde  à  70,  de  sorte  que 


i       91 
et 


^=^''^ 


=  -  =  1 ,296. 


(*)  Pour  les  unités  adoptées,  voir  loc.  cit.,  p.  210. 


(  726  ) 

c)  Cristaux  hexagonaux  incrustés  dans  le  fond  du  flacon. 

Ces  cristaux  sont  aussi  formés  de  fluosilicate  sodique;  les 
prismes  sont  allongés  suivant  la  hauteur,  et  portent  sur 
les  faces  latérales  les  stries  verticales  caractéristiques.  Les 
teintes  qu'ils  offrent  en  lumière  polarisée  sont  peu  homo- 
gènes, à  cause  du  peu  de  constance  de  l'épaisseur;  pour  la 
biréfringence,  on  a  obtenu  approximativement  X  =  4-. 

d)  Cristaux  à  apparence  quadratique. 

Ils  sont  aussi  formés  d'un  fluosilicate  soluble.  Ils  se 
dissolvent  dans  l'acide  sulfurique  concentré  avec  dégage- 
ment de  gaz.  Le  résidu  de  sulfate  présente  une  particula- 
rité singulière  :  après  fusion,  il  a  l'apparence  d'un  verre 
amorphe  parsemé  d'aiguilles  cristallines;  si,  sous  le 
microscope,  on  y  ajoute  une  goutte  d'eau  froide,  on  voit 
des  aiguilles  se  détacher,  nager  dans  le  liquide,  puis  se 
dissoudre;  pendant  celte  réaction,  la  masse  devient 
progressivement  claire  entre  les  niçois  croisés,  comme  si, 
sous  l'action  de  l'eau,  la  masse  se  dévitrifiail  et  cristalli- 
sait, avant  de  se  dissoudre.  Par  l'addition  d'une  goutte  de 
chlorure  platinique  en  solution  alcoolique,  on  voit  appa- 
raître, en  grande  abondance,  les  cristaux  caractéristiques 
de  chloroplatinate  potassique;  cependant  la  matière  colore 
la  flamme  en  jaune. 

Il  est  probable  que  les  bases  sont  la  potasse  et  la 
soude  (').  L'absence  du  calcium  a  été  certifiée  par  l'action 
des  sulfates  et  des  oxalates  alcalins. 

(*)  La  soude  pourrait  bien  provenir  d'un  mélange  superficiel  d'une 
petite  quantité  de  fluosilicate  de  sodium,  car  les  faces  des  cristaux  que 
nous  examinons  montrent,  au  microscope,  de  petites  excroissances. 
Cependant  le  fluosilicate  de  potassium  est  connu  en  cristaux  cubiques. 


(  727  ) 

Les  plus  simples  parmi  ces  cristaux  présenlenl  l'aspect 
d'octaèdres  quadratiques  (fig.  1);  mais  cette  forme  n'est 
qu'apparente  :  l'examen  optique  montre  que  la  substance 
est  biaxe.  Leurs  faces  donnent  des  images  très  peu  nettes 
et  les  mesures  ne  sont  qu'approximatives.  On  peut  les 
dériver  approximativement  d'un  prisme  orthorhombique 
de  90",  dans  lequel  ^  =  l^,  comme  l'indique  la  corres- 
pondance : 

Angles.  Calculés  {*).  Mesurés. 


mm 

90» 

88»    à89'i 

a, 

=  im  sur  /i' 

53»  8' 

54»    à  55» 

P 

=  6«6''  opp.  sur  p 

78°28' 

76»i  à  78» 

Y 

=  bht  adj. 

55°  8' 

51»^  à  o3°^ 

i" 

=  angle  qu'une  arête  basique  ' 

) 

de  roctaèdre 

fait  avec 

>  52°14',5 

51»  (au  micr 

une  arête  culminante.  . 

) 

Ces  cristaux  présentent  trois  types  différents  : 
Premier  type  (fig.  1).  Octaèdres  6*  simples.  Les  sec- 


FiG.  1 


(•)  On  a  :  a  =  Y  et  cot  |  =  2,  séc  ?  =  5,  séc  2  |  =  —  4. 


(  728  ) 
lions  xz  et  yz  sont  des  rhombes  de  420".  Au  microscope, 
on  aperçoit  toujours  des  traces  de  biseau  h^  sur  l'angle  ac, 
ce  qui  permet  d'orienter  le  cristal  dans  les  recherches 
optiques  qui  vont  suivre. 

Deuxième  type  (fig.  2).  Octaèdres  6*  modifiés  latérale- 
ment par  les  faces  m  du  prisme  primitif,  ainsi  que  par  /j< 
et  h^. 


Fig.  2. 


Troisième  type  (fig.  3).  Ce  type  présente  la  forme 
parfaitement  hexagonale.  Cette  particularité  provient  de 
ce  que,  comme  le  montre  le  tableau  ci-dessus,  «  ==  y.  Le 
développement  égal  des  faces  li^  et  6»  donne  donc  un 


(  729  ) 

fliliexaèdre  dont  l'axe  pseudo-sénaire  est  dirigé  horizonla- 
Icmenl  el  parallèlement  au  spectateur  (*). 

Le  corps  que  nous  examinons  présente  donc  cette 
curieuse  particularité  de  pouvoir  offrir  des  formes  rigou- 
reusement quadratiques,  en  même  temps  que  des  formes 
rigoureusement  hexagonales. 

Propriélés  optiques.  —  Il  m'a  été  impossible  de  tailler 
ces  cristaux  parallèlement  à  un  plan  principal  de  l'ellip- 
soïde d'élasticité  optique  ;  mais,  de  l'observation  faite  à 
travers  deux  faces  M  parallèles,  on  peut  déduire  plusieurs 
conséquences  importantes  sur  l'orientation  de  cet  ellip- 
soïde. 

La  biréfringence  de  la  face  b^  est  très  faible  :  pour  un 
cristal  d'épaisseur  e  =  47,47,  on  a  obtenu,  par  soustrac- 
tion, ^5=  28,1  pourn  =  3,75,  cequi  donne  R,,  =  li5,47 
et,  comme  R,  —  R  =  28,1,  R  =  85,57.  La  compensa- 
tion a  été  obtenue  pour  n  =  9,2,  ce  qui  donne  R  =  85,51 , 
puis  X  =  1,8:  la  section  faite  par  6^  dans  l'ellipsoïde 
inverse  est  donc  très  voisine  d'un  cercle. 

L'extinction  se  produit  sensiblement  suivant  l'arête  s 
(fig.  1);  il  est  facile  de  voir  que  cela  ne  peut  arriver  rigou- 
reusement que  si  l'ellipsoïde  est  de  révolution  autour  de  oc; 
on  en  conclut  que  les  élasticités  dirigées  suivant  y  el  z 
sont  sensiblement  égales,  et  qu'elles  diffèrent  plus  nota- 


(*)  Cette  particularité  est  indépendante  de  la  forme  de  la  base; 
elle  a  lieu  quelle  que  soit  la  longueur  de  l'axe  dirigé  suivant  y,  si 
£u=^5;  seulement,  quand  la  base  est  carrée,  la  section  passant 
par  l'axe  pseudo-scnairc  et  une  arête  culminante  du  dihexaèdrc  est 
un  rhombe  de  120». 


(  750  ) 

blement  de  celle  dirigée  suivant  x.  La  direction  d'extinc- 
tion dirigée  suivant  s  est  positive,  c'est-à-dire  que  le 
grand  axe  de  l'ellipse  de  section  ou  le  plus  grand  indice 
est  dirigé  suivant  s. 

En  lumière  convergente,  on  aperçoit  le  pôle  d'un  axe 
optique  incliné  sur  b^\  en  tournant  la  platine  jusqu'à  ce 
que  la  barre  noire  (*)  soit  parallèle  à  la  section  d'un  nicol, 
on  voit  que  cela  arrive  lorsque  l'arête  /  est  parallèle  à 
cette  section  et  que,  par  conséquent,  le  plan  des  axes 
optiques  est  g^. 

On  conclut  facilement  de  ce  qui  précède  que  les  axes 
d'élasticité  maxima,  moyenne  et  minima,  sont  dirigés 
respectivement  suivant  x,  y  et  z,  et  que  la  bissectrice 
négative  normale  à  /i*  est  la  bissectrice  aiguë. 

Examen  du  liquide. 

F.a  solution  d'acide  hydrofluosilicique,  après  traitement 
par  le  chlorure  de  potassium,  séparation  du  précipité, 
saturation  par  l'ammoniaque  et  traitement  par  Toxalate 
ammonique,  a  donné  un  précipité  d'oxalate  de  calcium. 
Le  fïuosilicate  calcique,  produit  par  l'attaque  du  verre, est 
donc  resté  en  solulion. 


(*)  Il  est  facile  de  dcmonlrcr  que  :  Pendant  la  rotation  de  la 
plalin",,  à  un  moment  quelconque,  la  trace  dit  plan  des  axes  optiques 
et  la  lantfente  menée  par  le  pôle  de  l'axe  visible  à  la  branche  hyperbo- 
lique qui  y  passe,  sont  également  inclinées  sur  la  sec/ion  d'un  nicol. 


(731  ) 


ÉLECTIONS. 


La  Classe  procède  aux  élections  aux  places  vacantes. 

La  proclamation  des  résultats  ainsi  que  des  résultats  des 
concours  aura  lieu  en  séance  publique. 


PRÉPARATIFS  DE  LA  SÉANCE  PUBLIQUE. 

Conformément  à  l'article  37  de  son  règlement,  MM.  Van 
Bambeke  et  L.  Fredericq  donnent  lecture  de  leurs  com- 
munications destinées  à  la  séance  publique. 


(  732  ) 


CLASSE  DES  SCIEUGES. 


Séance  publique  du  i6  décembre  1895, 

M.  Ch.  Van  Bambeke,  directeur,  président  de  i'Aca- 
démie. 

M.  le  chevalier  Edm.  Marchal,  secrétaire  perpétuel. 

Sont  présents  :  M.  Mourlon,  vice-directeur;  MM.  P.-J.  ' 
Van  Beneden,  G.  Dewalque,  E.  Candèze,  Brialmont, 
Éd.  Dupont,  Éd.  Van  Beneden,  C.  Malaise,  F.  Folie, 
Alph.  Briart,  Fr.  Crépin,  G.  Van  der  Mensbrugghe,  Louis 
Henry,  P.  Mansion,  J.  Delbœuf,  P.  De  Heen,  C.  Le  Paige, 
F.  Terby,  J.  Deruyts,  membres;  E.  Catalan,  Ch.  de  la 
Vallée  Poussin,  associés;  Léon  Fredericq,  L.  Errera, 
A.  Lancaster  et  Maurice  Delacre,  correspondants. 

Assistent  à  la  séance  : 

Classe  des  lettres.  —  MM.  Alph.  Wauters,  P.  Wil- 
leras,  Ch.  Polvin,  T.-J.  Lamy,  G.  Tiberghien,  Al.  Henné, 
E.  Banning,  L.  De  Monge,  A.  Giron,  membres;  Alph. 
Rivier,  associé. 

Classe  des  beaux-arts.  —  MM.  J.  Stallaerl,  vice- 
directeur;  Éd.  Fétis,  Ern.  Slingeneyer,  Godfr.  Guffens, 
Th.  Radoux,  Jos.  Jaquel,  J.  Demannez,  G.  De  Grool, 
Gustave  Biot,  Henri  Hymans,  Éd.  Van  Even,  membres. 


(735) 


Les  matériaux  de  Vorganisme  humain  ;  discours  par 
Ch.  Van  Bambeke,  directeur  de  la  Classe,  président  de 
l'Académie. 

Dans  un  livre  resté  célèbre,  Bichat,  Tillustre  fondateur 
de  l'anatomie  générale,  disait  :  a  Tous  les  animaux  sont  un 
assemblage  de  divers  organes  qui,  exécutant  chacun  une 
fonction,  concourent,  chacun  à  sa  manière,  à  la  conserva- 
tion du  tout.  Ce  sont  autant  de  machines  particulières  dans 
la  machine  générale  qui  constitue  l'individu.  Or,  ces 
machines  particulières  sont  elles-mêmes  formées  par  plu- 
sieurs tissus  de  nature  très  différente,  et  qui  forment  véri- 
tablement les  éléments  de  ces  organes.  La  chimie  a  ses 
corps  simples,  qui  forment,  par  les  combinaisons  diverses 
dont  ils  sont  susceptibles,  les  corps  composés...  De  même, 
l'anatomie  a  ses  tissus  simples,  qui,  par  leurs  combinai- 
sons..., forment  les  organes  (1).  » 

«  Quand  vous  voulez  n'avoir  que  des  notions  générales 
d'anatomie,  vous  pouvez  considérer  chaque  organe  en 
masse;  mais  il  est  absolument  nécessaire  d'en  isoler  les 
tissus,  si  vous  avez  envie  d'analyser  avec  rigueur  sa  struc- 
ture intime  (2).  » 

Nous  savons  aujourd'hui  que  les  tissus  dont  parle 
Bichat  sont  des  parties  complexes  qui  ne  représentent  pas 


(1)  Bicuât,    Anatomie  yéncrale,    nouvelle    édition.   Paris,    1821, 
page  48. 

(2)  Loc.  cit.,  page  M. 


(734  ) 

les  vraies  unités,  les  vrais  éléments  anatomiques  ;  mais  si 
nous  appliquons  à  ces  éléments  ce  qu'il  dit  des  tissus,  les 
lignes  qui  précèdent  écrites  au  début  du  siècle  n'ont  rien 
perdu  de  leur  actualité. 

J'ai  l'intention  de  donner  une  idée  générale  de  la  texture 
intime  de  l'organisme  humain,  d'esquisser,  à  grands  traits, 
le  mode  de  genèse  et  les  principaux  caractères  de  ses  élé- 
ments constitutifs. 

Il  importe,  pour  me  faire  mieux  comprendre,  de  jeter 
d'abord  un  coup  d'œil  sur  ce  qui  se  passe  au  bas  de 
l'échelle  animale.  Là,  nous  rencontrons  des  organismes 
d'une  simplicité  toute  primitive,  en  quelque  sorte  idéale  ; 
ils  consistent  en  une  petite  masse  de  dimensions  micro- 
scopiques, de  forme  sphériqueà  l'état  de  repos,  de  consis- 
tance molle,  semi-liquide,  de  composition  chimique  très 
compliquée;  la  petite  masse  renferme,  entre  autres  parties 
constituantes,  un  petit  corps,  le  plus  souvent  arrondi, 
distinct  du  reste  par  ses  propriétés  physiques  et  chimiques. 
La  petite  masse,  dans  son  ensemble,  porte  nom  cellule, 
de  xoîXoç,  creux,  parce  qu'on  considérait  autrefois  la 
cellule  comme  une  vésicule,  essentiellement  délimitée  par 
une  membrane;  fréquemment  une  vraie  membrane  fait 
défaut,  mais  le  mot  est  resté,  détourné  de  sa  signification 
première.  Au  risque  d'abuser  des  termes  scientifiques, 
j'ajouterai  que  la  substance  organisée  du  corps  cellulaire 
et  du  noyau  est  désignée  sous  le  nom  de  protoplasme, 
c'est-à-dire  première  substance  formée,  cl  qu'il  importe 
de  faire  une  distinction  entre  le  protoplasme  du  corps 
cellulaire,  le  cytoplasme,  et  le  protoplasme  du  noyau  ou 
caryoplasme. 

Les  anatomisles  ne  sont  pas  d'accord  sur  le  point  de 


{  735  ) 

savoir  si  le  protoplasme,  nolammenl  le  cytoplasme,  est 
homogène  ou  slrueluré,  et  ceux  qui  admettent  une  struc- 
ture la  comprennent  de  façons  différentes.  Je  nediscutenu 
pas  ici  cette  importante  question;  mais  je  liens  à  faire 
remarquer  que  les  auteurs  qui  en  ont  fait  une  élude  spé- 
ciale ont  souvent  eu  le  tort  de  vouloir  généraliser  les 
résultats  obtenus  par  eux.  En  effet,  les  caraclèresdu  proto- 
plasme, ses  caraclères  physiques  en  particulier,  ne  sont 
pas  les  mêmes  pour  toutes  les  cellules,  et,  pour  une 
cellule  donnée,  aux  diverses  époques  de  son  existence. 
Toutefois,  dans  la  majorité  des  cas,  on  peut  se  convaincre 
de  la  présence  d'une  véritable  structure,  consistant  en  une 
charpente  plus  dense,  quelle  que  soit  d'ailleurs  la  forme 
qu'elle  revêt,  et  en  une  subslance  intermédiaire  moins 
consistante. 

Quant  au  protoplasme  nucléaire  ou  caryoplasme,  il  est 
structuré,  à  part  quelques  rares  exceptions;  un  histologiste 
des  plus  autorisés,  Walther  Flemming,  met  même  en 
doute  l'existence,  à  l'état  normal,  de  noyaux  homogènes. 

Ajoutons  encore  qu'indépendamment  du  noyau,  on 
trouve,  au  sein  du  cytoplasme,  une  autre  formation,  la 
sphère  allractive  avec  son  corpuscule  central  ou  centro- 
some;  elle  est  destinée  à  jouer  un  rôle  actif,  au  moment 
de  la  division  cellulaire  dite  indirecte  ou  mitosique;  mais, 
comme  notre  savant  confrère.  Éd.  Van  Beneden,le  premier, 
en  a  fait  la  remarque,  elle  représente  très  probablement 
un  organe  permanent  de  la  cellule,  au  même  titre  que  le 
noyau  lui-même  (1), 

(1)  D'après  les  rcchcrclics  récentes  d'AucusTE  Bbai  er,  chez  les 
spcrmalocyles  de  la  forme  tmicalcns  d'Ascaris  me(jaloccphula,  le 
ccntrosomc  serait  primitivcmcut  renfermé  dans  le  noyau  cellulaire. 


(  736) 

La  cellule  est  vivante,  et  le  microscope  nous  permet 
d'assister  aux  diverses  manifestations  dont  elle  est  le  siège. 
S'agit-il  d'un  de  ces  êtres  inférieurs  auxquels  nous  venons 
de  faire  allusion,  d'une  Amibe,  par  exemple,  on  peut  voir 
l'organisme  en  miniature  émettre  des  prolongements,  par 
conséquent  changer  de  forme,  se  déplacer  aussi,  saisir,  à 
l'aide  de  ces  prolongements,  véritables  bras  rudimentaires, 
les  particules  à  sa  portée,  les  englober  dans  sa  substance. 

Voici  que  nous  constatons  un  phénomène  plus  intéres- 
sant encore  :  le  noyau  subit  des  transformations  spéciales, 
en  vertu  desquelles  il  se  partage  en  deux  parts  égales.  Le 
noyau  primitif  est  maintenant  remplacé  par  deux  noyaux, 
et,  autour  de  ces  jeunes  noyaux  comme  centres,  le  corps 
cellulaire  se  divise  à  son  tour.  Ainsi  la  cellule-mère  que 
nous  avions  d'abord  sous  les  yeux  a  donné  naissance  à 
deux  cellules-filles,  et,  si  nous  faisons  abstraction  des 
différences  de  volume,  ces  cellules  sont  en  tout  compara- 
bles à  celle  dont  elles  proviennent.  Notons,  en  passant, 
que  le  noyau,  ou  plus  exactement  certaines  parties  consti- 
tuantes du  noyau  servent  très  probablement,  sinon  de 
support  unique,  du  moins  de  principal  support  aux  pro- 
priétés héréditaires.  C'est  surtout  chez  les  êtres  sexués 
que  ce  fait  acquiert  de  l'importance. 

Les  phénomènes  auxquels  nous  venons  d'assister  nous 
fournissent  la  preuve  que  cet  organisme  élémentaire  appelé 
Amibe,  quoique  dépourvu  d'organes  véritables,  possède 
néanmoins  tous  les  attributs  d'un  organisme  plus  parfait  : 


{Zur  Kenntniss  der  Spcrmatogcnese  von  Ascaris  megaloccphala,  dans 
Archiv  f.  mikr.  Anat.,  Bd.  42,  1.  Hcft,  1893,  p.  155.)  Ceci  vient  à 
l'appui  de  l'opinion  émise  par  0.  Hertwig,  dans  son  livre  :  Die  Zelle 
und  die  Gcwebe,  p.  165. 


(737) 

ii  se  nourrit,  s'accroît,  se  meut,  se  multiplie;  seul,  le  pro- 
toplasme suffit  à  remplir  toutes  ces  fonctions. 

Les  jeunes  Amibes  issues  de  la  division  de  l'Amibe- 
mère  vont  se  diviser  à  leur  tour,  et  ainsi  de  suite  pour  les 
diverses  générations  qui  se  succèdent. 

Mais  supposons  que  les  cellules  nées  d'une  première 
cellule,  après  des  divisions  successives,  au  lieu  de  se 
séparer,  de  s'isoler  pour  vivre  d'une  vie  indépendante,  se 
groupent,  au  contraire;  il  en  résultera  un  amas,  un 
agrégat  de  cellules,  soit  plein  et  ressemblant  à  une  mûre, 
d'où  le  nom  de  morula,  soit  creux,  une  couche  cellulaire 
délimitant  une  cavité  centrale;  cette  sphère  creuse  s'appelle 
la  blaslule  ou  blastosphère.  L'organisme  pluricellulaire  de 
la  blastule  présente  ainsi  une  surface  externe  et  une 
surface  interne.  La  surface  externe,  correspondant  au  pôle 
dit  animal  des  cellules,  préside  surtout  aux  fonctions  ani- 
males, tandis  que  la  surface  interne  ou  basale  se  charge 
<le  l'absorption  et  de  la  digestion  des  substances  alimen- 
taires. Mais  toutes  les  cellules  délimitant  la  blastosphère  se 
ressemblent,  tontes  jouent  le  même  rôle.  Aussi  a-t-on 
comparé  ces  organismes  à  de  petites  républiques  où  tous 
les  citoyens  sont  égaux  ou  à  peu  près  égaux  entre  eux. 
Telles  se  présentent  les  colonies  de  Volvocines  et  certaines 
formes  larvaires  d'un  grand  nombre  d'animaux. 

En  remontant  un  peu  l'échelle  animale,  nous  trouvons 
une  forme  plus  complexe.  La  blastosphère,  pour  subvenir 
aux  besoins  de  l'organisme  en  voie  de  croissance,  s'inva- 
gine;  de  là  une  double  rangée  cellulaire,  l'une  externe, 
l'autre  interne.  L'interne,  formée  par  les  cellules  inva- 
ginées,  circonscrit  une  cavité  qui  s'ouvre  au  dehors  par  un 
orifice;  au  niveau  de  cet  orifice,  la  rangée  interne  se  con- 
tinue avec  la  rangée  externe  ;  celle-ci  délimite  la  surface 

3"°*   SÉRIE,   TOME    XXVI.  48 


(  738  ) 
du  corps.  La  division  du  travail  a  commencé.  Les  cellules 
de  la  ran'^ée  externe  président  surtout  aux  fonctions  dites 
animales,  motililé  et  le  reste;  dans  ce  but,  elles  sont  sou- 
vent munies  de  petits  appendices  filiformes,  susceptibles 
de  mouvements,  les  cils  vibratiles.  Les  cellules  internes 
ont  repris  le  rôle  que  remplissait,  dans  la  blastule,  Textré- 
mité  interne  ou  basale  des  cellules,  c'est-à-dire  qu'elles 
servent  à  l'absorption  des  aliments,  à  leur  digestion.  En 
effet,  la  cavité  délimitée  par  les  cellules  de  la  rangée 
interne  est  une  vraie  poche  digestive,  un  intestin  rudimen- 
taire.  Aussi  la  forme  organique  qui  nous  occupe  est-elle 
désignée  sous  le  nom  de  gastrula.  L'ouverture,  appelée 
blastopore,  par  l'intermédiaire  de  laquelle  la  poche  com- 
munique avec  l'extérieur,  fait  office  de  bouche  donnant 
accès  aux  substances  alimentaires,  et  c'est  aussi  par  cet 
orifice  unique  que  sont  éliminés  les  résidus  de  la  diges- 
tion. 

La  forme  larvaire  appelée  gastrula  se  rencontre,  plus  ou 
moins  modifiée,  dans  presque  tous  les  embranchements 
du  règne  animal,  et  dans  le  groupe  des  Cœlentérés 
(Méduses,  Actinies,  Anémones  de  mer),  par  exemple;  elle 
se  rapproche  beaucoup  de  la  forme  adulte  et  nage,  en 
tournoyant,  dans  le  liquide  qui  l'a  vue  naître. 

Déjà,  lors  de  la  formation  de  la  gastrula,  au  phénomène 
de  la  division  cellulaire  est  venu  se  joindre  un  principe 
nouveau  :  celui  de  Vinégalité  de  croissance.  Ensuite  de  cet 
accroissement  inégal,  naissent  des  replis,  les  uns  internes, 
les  autres  externes.  Comme  conséquence,  deux  nouvelles 
assises  cellulaires  apparaissent,  de  chaque  côté  de  la  ligne 
médiane,  entre  les  deux  couches  déjà  existantes;  de  vrais 
organes,  tels  notamment  le  système  nerveux  central  et  les 
organes  des  sens,  s'ébauchent;  l'organisation  se  complique 


(739) 

ail  fur  et  à  mesure;  en  même  temps,  la  division  du  travail 
physiologique  devient  de  pins  en  plus  grande. 

Dès  lors,  l'organisme  est  encore  une  république,  mais 
une  république  dont  les  citoyens  ne  sont  restés  ni  égaux 
ni  semblables;  ils  ont  fini  par  former  des  classes  ou,  si 
l'on  veuf,  des  corporations  pour  réaliser  les  avantages 
(le  la  division  du  travail  ;  par  suite  de  cette  division,  qui 
ira  s'accentuant,  ils  sont  respectivement  dans  un  état  de 
dépendance  mutuelle.  En  d'autres  termes,  les  cellules 
jouissent  bien,  jusqu'à  un  certain  degré,  d'une  vie  indépen- 
dante, mais  elles  sont  en  même  temps  soumises  aux  lois 
générales  de  l'organisme,  de  l'ensemble  dont  elles  foni 
partie. 

De  même  que  les  organismes  les  plus  simples  sont  des 
êtres  unicellulaires,  de  même  aussi,  —  l'embryologie  nous 
l'apprend,  —  tout  végétal,  tout  animal,  au  début  de  son 
existence  individuelle,  n'est  rien  de  plus  qu'une  cellule. 

L'homme  ne  fait  pas  exception  à  la  règle  commune.  Son 
organisme  pluricellulaire  si  compliqué,  avec  tous  ses 
divers  organes,  provient  d'une  seule  cellule.  Celle  cellule, 
c'est  Vovulc  fécotulé.  L'ovule  fécondé,  qui  renferme  les 
éléments  d'hérédité  apportés  par  les  deux  parents,  n'est 
pas  construit  autrement  que  l'ovule  d'autres  animaux.  A 
celle  phase  primordiale  de  son  existence,  le  futur  organisme 
humain  est  l'équivalent  des  êtres  les  plus  simples,  des 
êtres  monocellulaires.  Nous  avons  tous  passé  par  cette 
humble  phase. 

Guidés  par  l'analogie  et  en  nous  basant  sur  les  phéno- 
mènes bien  connus  dont  les  ovules  des  autres  Vertébrés, 
notamment  ceux  des  Mammifères,  sont  le  siège,  nous  pou- 
vous  afïirmer,  sans  crainte  de  nous  tromper,  que  l'ovule 
humain  subit  alors  une  série  de  transformations  qui  rap- 


{  710  ) 

nellenl  certains  Invertébrés  ou  certains  stades  du  dévelop- 
pement d'Invertébrés,  par  conséquent  d'animaux  très  infé- 
rieurs à  l'homme  et  aux  Vertébrés  en  général,  par 
l'ensemble  de  leur  organisation. 

D'abord  la  cellule  ovulaire  se  segmente,  pour  employer 
le  langage  des  embryologistes,  c'est-à-dire  qu'elle  engendre 
une  infinité  d'autres  cellules  qui  proviennent  des  divisions 
successives  de  la  première.  Cette  scission  répétée  aboutit  à 
des  formes  larvaires  que  nous  connaissons  déjà  :  à  une 
sphère  primitivement  pleine,  d'apparence  mûriforme,  la 
morula,  qui  se  creuse  ensuite  et  se  transforme  en  blastula 
ou  blastosphère. 

Il  existe,  en  effet,  une  relation  incontestable  entre  le 
développement  individuel  ou  l'ontogénie  et  le  développe- 
ment dans  la  série  ou  la  phylogénie.  En  suivant  l'orga- 
nisme animal  le  plus  élevé  depuis  sa  toute  première 
apparition  dans  le  sein  maternel  jusqu'à  sa  naissance,  nous 
le  voyons  se  métamorphoser,  traverser  des  phases  succes- 
sives qui  rappellent  les  phases  évolutives  de  la  série  animale 
considérée  dans  son  ensemble,  et  surtout  celle  du  groupe 
nuquel  il  appartient.  C'est  ce  que  l'on  énonce  en  disant  ; 
L'histoire  de  l'évolution  individuelle  d'un  être  est  une  répé- 
tition courte  et  abrégée,  une  récapitulation  en  quelque 
sorte  de  l'histoire  de  l'évolution  de  sa  race;  l'ontogénie  est 
une  courte  récapitulation  de  la  phylogénie. 

Je  le  sais,  certains  biologistes  nient  l'existence  de  ce  paral- 
lélisme, connu  sous  le  nom  de  loi  biogénétique  fondamen- 
tale. Récemment  encore,  le  savant  naturaliste  Cari  Vogt  a 
tâché  de  démontrer  que  la  prétendue  loi  n'est  qu'un 
dogme  (1).  Le  professeur  Paul  Hallez,  tout  en  se  rangeant 


(1)  Carl  Vogt,  Les  dogmes  scienlifîques.  Revue  scientifique,  1892. 


(  741  ) 

à  celte  manière  de  voir,  a  pourtant  soin  d'ajouter  :  «  Mais  le 
savant  professeur  genevois  me  parait  aller  trop  loin  en 
laissant  au  lecteur  Tinipression  qu'il  n'y  a  pas  de  lien  entre 
la  phylogénie  et  l'onlogénie.  Celle-ci,  en  vertu  de  la  irans- 
missibilité  des  caractères  par  l'hérédité,  doit  être  comme  un 
reflet  de  celle-là.  Si  les  rapports  de  la  phylogénie  et  de 
l'onlogénie  ne  sont  pas  simples,  s'ils  ont  été  mal  compris, 
exagérés  jusqu'à  l'absurde,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'ils  n'existent 
nullement  (1).  » 

Je  dois  me  contenter  de  glisser  rapidement  sur  le  déve- 
loppement ultérieur  de  la  blastosphère,  appelée  vésicule 
blastodermique  ou  blastoctjste,  quand  il  s'agit  de  l'œuf  des 
Mammifères.  En  un  point  de  la  surface  du  blastoderme,  — 
c'est  ainsi  qu'on  nomme  la  paroi  de  la  vésicule,  —  apparaît 
une  aire,  d'abord  arrondie,  puis  pyriforme,  et  qui,  s'étran- 
glant  bientôt  dans  son  milieu,  prend  ensuite  la  forme  d'un 
biscuit,  d'une  guitare.  On  appelle  cette  aire  :  aire  embivjon- 
naire,  écusson  embryonnaire;  c'est  là,  en  effet,  que  se 
montrent  les  premiers  linéaments,  les  premiers  organes  de 
l'embryon. 

A  ce  moment  de  l'évolution,  tous  les  Vertébrés  crànioles, 
c'est-à-dire  les  Vertébrés  pourvus,  plus  tard,  d'une  boîte 
cartilagineuse  ou  osseuse  renfermant  le  cerveau  (Poissons, 
Amphibicns,  Reptiles,  Oiseaux,  Mammifères),  se  ressem- 
blent ;  seules,  d'insignifiantes  particularités  de  forme,  de 
volume,  de  texture  les  séparent.  Chez  tous,  on  dislingue 
une  traînée  foncée,  en  rapport  avec  la  gastrulation  :  le 
sillon  primitif,  l'homologue  du  blastopore,   situé  sur  la 

(i)  Paul  Hallez,  Quelques  réflexions  sur  la  classification  embryolo- 
gique des  métazoaires  et  sur  la  nécessité  d'un  nouvel  embranchement 
des  cœlentérés.  (Revue  biologique  du  Nord  de  la  France,  t.  VI^ 
1893-94,  pp.  33-34  du  tirage  à  part.) 


(  742  ) 
ligne  médiane,  et  occupant  une  étendue  variable  de  la  partie 
postérieure  de  l'aire  embryonnaire.  Une  autre  traînée,  qui 
part  de  l'extrémité  antérieure  du  sillon  primitif,  est  le 
premier  indice  d'un  cordon  cellulaire  désigné  sous  le  nom 
de  corde  dorsale;  la  corde  dorsale  elle-même  constitue  la 
première  ébauche  de  la  colonne  vertébrale  future. 

A  celte  période  du  développement,  le  blastoderme  com- 
prend trois  feuillets  qui,  dans  le  langage  scientifique,  ont 
reçu  les  noms  d'ectoderme,  d'endoderme  et  de  mésoderme, 
ou,  plus  simplement,  feuillets  externe,  interne  et  moyen. 
Ces  feuillets  méritent  le  nom  d'organes  primaires  que  leur 
a  donné  l'illustre  von  Baer,  car  ce  sont  eux  qui  vont 
donner  naissance  à  tous  les  tissus,  à  tous  les  organes  du 
corps. 

Bientôt,  chez  tous  les  Vertébrés,  depuis  les  Poissons 
jusqu'aux  Mammifères,  l'un  des  trois  feuillets  du  blasto- 
derme, l'externe  ou  ectoderme,  à  la  suite  d'une  proliféra- 
tion cellulaire  locale  plus  active,  se  creuse,  au  niveau  de  la 
ligne  médiane  et  en  avant  du  sillon  primitif,  en  une  gout- 
tière, la  gouttière  médullaire,  délimitée  par  deux  bourrelets, 
les  bourrelets  médullaires  ou  replis  dorsaux.  Nous  assistons 
ainsi  à  la  première  apparition  du  système  nerveux  central. 
Chez  tous  également,  certains  Poissons  exceptés,  cette 
gouttière  se  ferme  ensuite  et  se  transforme  en  tube,  le  tube 
médullaire;  ce  dernier  ne  tarde  pas  à  se  partager,  à  son 
extrémité  antérieure,  en  trois,  puis  en  cinq  vésicules, 
premiers  indices  des  grandes  divisions  cérébrales.. 

En  même  temps  ont  apparu,  de  chaque  côté  du  tube 
médullaire,  des  segments  d'origine  mésodermique,  les 
segments  primitifs,  plus  improprement  désignés  sous  le 
nom  de  protovertèbres.  En  dehors  de  ces  segments,  le 
inésoderme  s'est  dédoublé  en  deux   lames,  les  lames  laté- 


(  743  ) 
raies,  bordant  une  cavité  sous  forme  de  fente,  la  future 
cavité  du  corps,  ou  cavité  coelomique. 

Ces  diverses  parties  constituantes,  tube  médullaire, 
segments  primitifs,  lames  latérales,  sont  délimitées  supé- 
rieurement par  la  partie  de  l'ecloderme  qui  s'est  séparée 
de  la  plaque  médullaire,  après  la  fermeture  de  la  gouttière 
médullaire  :  c'est  la  lame  coimée  ou  épidermique;  la  déli- 
mitation inférieure  est  représentée  par  la  portion  restante 
de  l'endoderme  primitif,  après  séparation  de  ce  feuillet  de 
la  corde  dorsale  et  de  la  partie  du  mésoderme  qui  lui 
doit  son  origine. 

Mais  j'oublie  que  je  dois  m'en  tenir  aux  grandes  lignes. 
Je  passe  donc  sous  silence  bien  d'autres  particularités 
intéressantes  de  l'aire  embryonnaire,  également  communes 
à  tout  le  groupe  des  Vertébrés,  depuis  le  crâniote  le  plus 
inférieur  jusqu'à  l'iiomme,  pour  m'occuper  de  la  destinée 
histologique  des  diverses  ébauches  que  nous  avons  main- 
itnant  sous  les  yeux. 

Aux  deux  principes  jusqu'à  ce  moment  à  l'œuvre  dans 
la  formation  de  ces  ébauches,  la  division  cellulaire  et 
l'accroissement  inégal,  vient  s'ajouter  un  nouveau  pro- 
cessus, celui  de  la  différenciation  histologique,  qui  est  une 
conséquence  de  la  division  du  travail.  Toutefois  son  inter- 
vention ne  diminue  en  rien  l'importance  des  autres 
principes  déjà  en  jeu.  La  division  cellulaire  notamment 
n'en  devient  que  plus  active,  et  l'on  peut  dire  qu'elle 
participe  en  quelque  sorte  à  la  différenciation  dont  il 
s'agit. 

Nous  avons  vu  la  division  cellulaire  faire  son  apparition 
dès  le  début  du  développement,  à  partir  de  la  segmenta- 
tion de  l'œuf.  Pendant  toute  la  durée  de  l'organisme,  à 


(  744  ) 
une  époque  où  l'inégalilé  de  croissance  n'a  plus  guère  de 
raison  d'être,  le  corps  et  les  divers  organes  ayant  acquis 
leur  forme  définitive,  la  division  cellulaire  persiste;  c'est 
elle  qui  préside  au  renouvellement  des  éléments  anato- 
miques  de  nos  tissus  et  de  nos  organes. 

Revenons  à  nos  organes  ébauchés.  Tous  sont  formés  de 
cellules.  Celles-ci  présentent  sensiblement  les  mêmes 
caractères.  Leur  forme  est  généralement  cubique  ou 
cylindrique;  une  minime  quantité  de  substance  intermé- 
diaire les  sépare.  Ce  sont  les  premières  pierres  du  futur 
édifice,  mais  pierres  microscopiques  et  vivantes  qui 
élaborent  elles-mêmes  le  ciment  interposé.  Partout  où  le 
besoin  s'en  fait  sentir,  elles  se  multiplient.  Contrairement 
aux  pierres  inertes  qui  servent  à  édifier  nos  bâtisses,  ce 
sont  elles  encore  qui,  en  se  transformant  ou  en  fabriquant 
certaines  substances,  vont  devenir  l'origine  des  matériaux 
si  variés  que  renferme  l'organisme  après  son  achèvement. 

Les  cellules  montrant  la  forme  et  l'aspect  dont  nous 
venons  de  parler  sont  dites  épithéliales  ;  aux  assises  ou  aux 
couches  qui  résultent  de  leur  groupement,  on  donne  le 
nom  d'épi  thé  Ihwis,  On  l'a  vu,  ce  caractère  épilhélial  appa- 
raît dès  les  premiers  stades  du  développement,  à  partir  de 
la  blastosphère;  il  persiste,  conservant  le  plus  souvent 
toute  sa  pureté,  dans  les  deux  feuillets  de  la  gastrula,  et 
nous  le  retrouvons  encore,  sans  qu'il  ait  subi  de  notables 
modifications,  dans  les  aires  embryonnaires  montrant  déjà 
les  principaux  organes  à  l'état  d'ébauche. 

Or,  comme  tous  les  éléments  constitutifs  de  l'organisme 
et  les  tissus  résultant  de  leur  agrégation,  si  éloignés 
fussent-ils  de  leur  forme  primordiale,  descendent  en  réalité 
de  ces  cellules,  on  peut  dire,  avec  Haeckel,  que  tous  sont 
d'origine  épithéliale,  et,  à  l'exemple  du  célèbre  professeur 


(  7^3  ) 

d'Iéna,  on  peut  les  désigner  sous  le  nom  de  tissus  apothé- 
lianx. 

«  Les  éléments  cellulaires  des  feuillets  possèdent,  dès 
le  début  de  leur  différenciation,...  la  propriété  d'évoluer 
dans  un  certain  sens.  Ils  le  font  en  obéissant  à  la  loi 
d'adaptation  fonctionnelle  en  vertu  d'une  plasticité  le  plus 
souvent  très  large,  mais  cependant  limitée  et  déterminée... 
Quand  les  limites  des  feuillets  sont  bien  acquises,  et  que 
ceux-ci  commencent  à  se  modeler  en  organes,  le  sort  de 
leurs  éléments  cellulaires  respectifs  est  déterminé  pour 
toujours  »  (1). 

En  formant  les  tissus  de  l'organisme,  les  cellules 
évoluent  de  façons  très  différentes.  Jl  en  est  qui  conservent, 
la  vie  durant,  leur  caractère  épitliélial,  parfois,  il  est  vrai, 
assez  notablement  modifié.  Ce  sont  spécialement  celles  qui, 
tapissant  les  surfaces  tant  externes  qu'internes  du  corps, 
constituent  les  épithéliums  de  revêtement;  de  même,  les 
cellules  qui,  dérivées  de  ces  épithéliums,  fournissent  les 
divers  produits  de  sécrétion,  d'où  le  nom  d'épithéliums 
glandulaires. 

D'autres  cellules,  soit  à  la  suite  d'actions  mécaniques, 
de  pressions  subies,  soit  en  vertu  d'un  mode  d'évolution 
spécial,  dévient  de  la  forme  primitive  pour  revêtir  des 
aspects  variés.  Ici  l'élément  épilhélial  s'allonge  notable- 
ment et  se  transforme  en  une  bandelette  homogène  et 
transparente.  Telles  les  fibres  cristallines  formant  la 
majeure  partie  de  la  minuscule  lentille  que  renferme  le 
globe  oculaire.  Ailleurs,  la  cellule,  en  perdant  son  carac- 
tère épithélial,  s'allonge  aussi,  mais  en  même  temps  le 
noyau  prolifère  activement,  sans  que  le  corps  cellulaire 


(1)  J.  Renal't,  Traité  d'histologie  pratique  (préface,  p.  xviii). 


(  746  )  # 

,)9r(icipe  à  la  division.  Les  éléments  formant  la  plus  grande 
masse  de  nos  muscles  en  fournissent  un  exemple.  Et 
remarquez  comme  la  transformation  subie  est  bien  adaptée 
au  rôle  à  remplir.  La  fibre  musculaire  ne  larde  pas  à  se 
mettre  en  rapport  avec  une  fibre  nerveuse,  sous  Tinfluenee 
de  laquelle  auront  lieu  ses  contractions.  Or,  l'influx  nerveux 
se  propagerait  moins  facilement  et  moins  uniformément 
si,  à  la  division  nucléaire,  avait  succédé  une  division  du 
cytoplasme  en  cellules  nettement  délimitées  (1). 

Ailleurs  encore,  des  cellules,  déjà  profondément  modi- 
fiées dans  leur  forme,  sont  munies  de  prolongements  plus 
ou  moins  nombreux.  S'agit-il  de  cellules  nerveuses,  certains 
de  ces  prolongements  acquièrent  une  longueur  considé- 
rable et  représentent  les  parties  essentielles  des  cordons 
appelés  nerfs. 

Souvent  les  cellules  sont  unies  entre  elles  par  l'inter- 
médiaire de  leurs  prolongements.  Le  phénomène  semble 
très  répandu  chez  les  plantes,  et,  pour  être  moins  fréquent, 
il  n'est  pas  rare  non  plus  dans  l'organisme  animal.  Dans 
la  plupart  des  cas,  sa  véritable  signification  est  encore 
discutée.  Heitzmann  et,  à  son  exemple,  quelques  autres 
anatomistes,  exagérant  la  valeur  de  cette  union,  ont  com- 
paré l'organisme  à  une  masse  multinucléée,  vaste  syncy- 
tium,  représentant,  dans  son  ensemble,  la  vraie  substance 
vivante,  contractile.  Une  telle  manière  de  voir  ne  saurait 
être  admise.  Non  seulement,  à  côté  de  cellules  reliées 
entre  elles,  il  en  est  d'autres  absolument  indépendantes, 
mais  toutes,  comme  le  remarque  von  Kôlliker,  conservent 
leur  individualité  cellulaire;  les  nombreuses  cellules  qui 
entrent  dans  la  constitution  de  l'organisme  n'ont  pas  la 

(I)  Voir  nolamnicnt  P.  Schiefferdecker  und  A.  Kossel,  Gewc- 
belehre,  Erste  Abtheilung,  zwcilcr  Band,  1891,  p.  140. 


(747) 
même  signification,  la  même  destination.  II  y  a  division 
du  travail;  les  organismes  supérieurs  sont  des  hétéroplas- 
tides  (1  ). 

Les  changements  de  forme  totale  de  la  cellule  s'accom- 
pagnent en  même  temps  de  modifications  de  texture  de 
rélémenl,  et  ces  modifications  elles-mêmes  marchent  de 
pair  avec  des  transformations  de  la  composition  chimique. 
A  mesure  que  les  cellules  se  spécialisent,  apparaissent 
souvent,  dans  le  corps  cellulaire,  soit  des  produits  élaborés 
par  le  protoplasme,  les  enclaves,  soit  des  produits  venus 
du  dehors,  les  inclusions.  Le  glycogène,  la  graisse,  le 
pigment  et  maintes  autres  substances  que  les  cellules 
renferment,  sont  ou  des  inclusions,  ou  des  enclaves.  A 
l'exemple  de  notre  savant  confrère  Éd.  Van  Beneden,  on 
peut  désigner  l'ensemble  de  ces  produits  sous  le  nom  de 
deutoplasme,  par  opposition  à  protoplasme. 

Le  protoplasme  montre  aussi  une  tendance  spéciale  à 
élaborer  des  fibrilles  de  nature  et  de  destination  très 
variées  :  fibrilles  contractiles,  comme  dans  les  éléments 
musculaires;  conductrices,  comme  dans  les  cellules  et  les 
fibres  nerveuses.  Dans  ces  cas,  elles  continuent  à  faire 
partie  intégrante  des  cellules  dont  elles  proviennent. 
D'autres  fibrilles,  de  nature  collagcne  ou  élastique,  surtout 
destinées  à  jouer  un  rôle  purement  mécanique,  se  séparent 
des  éléments  qui  leur  ont  donné  naissance.  Elles  sont 
caractéristiques  des  tissus  de  soulénement  des  organes,  et 
les  cellules  dont  elles  dérivent  sont  d'origine  mésoder- 
nu'que. 

A  côté  de  ces  transformations,  de  ces  adaptations  de 


(1)   Voir  V.  KÔLLiKER,  Handbuch  der  Gcwebclehrc  des  Menschcn, 
G.  Auflage,  1889,  pp.  8-9. 


(  748  ) 
l'élémenl  cellulaire,  il  en  est  d'autres  encore;  mais  il  serait 
oiseux  d'insister  davantage.  Aussi  bien  les  exemples  que 
je  viens  de  citer  suffisent  pour  démontrer  la  plasticité 
considérable  dont  les  cellules  sont  douées. 

Les  éléments  anatomiques  identiques,  de  même  nature, 
forment,  par  leur  réunion,  les  tissus  simples  ou  élémen- 
taires. On  y  range  :  le  tissu  épithélial,  tant  de  revêtement 
que  glandulaire,  le  tissu  nerveux,  le  tissu  musculaire,  les 
tissus  de  substance  conjonctive.  Souvent  on  y  ajoute  les 
humeurs  à  éléments  morphologiques,  savoir  le  sang,  la 
lymphe,  le  chyle,  auxquels,  il  faut  l'avouer,  la  dénomina- 
tion de  tissu  ne  convient  guère,  mais  que  certains  histo- 
logisles  considèrent  comme  des  tissus  à  substance  inter- 
cellulaire liquide. 

Les  tissus  simples  ou  élémentaires,  en  se  réunissant  en 
proportion  variable,  vont  former,  à  leur  tour,  les  organes. 
Jl  en  résulle  qu'on  trouve  le  même  tissu  élémentaire  dans 
des  régions  bien  distinctes,  et  souvent  très  éloignées  les 
unes  des  autres. 

Les  noms  donnés  aux  divers  tissus  nous  renseignent 
sur  leur  mode  d'intervention  dans  l'édification  des  organes 
auxquels  ils  appartiennent.  Sans  admettre,  à  l'exemple  du 
professeur  W.  His,  une  démarcation  absolument  nette,  au 
point  de  vue  de  leur  genèse,  entre  les  tissus  de  substance 
conjonctive  et  le  sang,  d'une  part,  et  tous  les  autres  tissus 
du  corps,  de  l'autre,  on  constate  néanmoins,  en  ayant 
simplement  égard  au  rôle  à  remplir,  une  sorte  d'opposition 
entre  ces  deux  catégories  de  tissus.  En  effet,  sans  parler 
du  sang,  les  tissus  de  substance  conjonctive,  la  dénomina- 
tion l'indique  d'ailleurs,  servent  de  moyens  d'union,  de 
soutien  à  tous  les  autres  tissus  du  corps;  partout  ils  rem- 
plissent les  intervalles  entre  ces  derniers,  sauf  dans  les 


(  749) 

centres  nerveux,  dont  la  charpente  a,  du  moins  parlielle- 
menl,  une  signification  différente.  Cette  destination  spéciale 
des  tissus  de  substance  conjonctive  nous  explique,  en 
partie,  la  grande  variabilité  de  leurs  caractères  physiques. 
On  y  rencontre  des  tissus  mous,  gélatiniformes,  comme  le 
tissu  muqucux,  à  côté  de  tissus  de  consistance  ferme, 
comme  les  tissus  cartilagineux  et  osseux,  l'ivoire  dentaire. 
Et  pourtant  tous  ces  tissus  forment  un  groupe  des  plus 
naturels;  il  existe  entre  eux  une  parenté  incontestable, 
comme  nous  l'apprennent  l'histoire  de  leur  genèse,  leur 
structure  intime,  l'existence  de  formes  intermédiaires  et 
la  substitution  des  diverses  variétés  de  tissus  conjonctifs 
les  unes  aux  autres. 

Outre  les  cellules  fixes,  qui  forment  la  majeure  partie 
de  nos  tissus  et  de  nos  organes,  il  existe  des  cellules 
mobiles. 

La  motilité  est  une  propriété  que  possède  toute  cellule 
à  son  origine,  aussi  longtemps  qu'elle  se  trouve,  comme 
on  dit,  à  l'état  de  protoblaste,  c'est-à-dire  qu'elle  est 
dépourvue  de  membrane.  Sans  doute,  la  motilité  s'observe 
encore,  —  pour  ne  parler  que  de  l'organisme  animal,  — 
chez  des  éléments  devenus  fixes,  limités  par  une  enveloppe 
cellulaire  et  adaptés  à  des  fonctions  spéciales  :  telle  la 
conlraciilité  musculaire.  Mais  nous  avons  en  vue  la  moti- 
lité avec  déplacement  et  celle  qui  consiste  en  la  préhension 
et  en  l'introduction,  dans  le  corps  de  la  cellule,  de  substances 
alimentaiies  ou  autres.  C'est  le  genre  de  motilité  que  nous 
avons  rencontré  chez  les  organismes  unicellulaires,  comme 
les  Amibes. 

Dans  l'organisme  complètement  développé,  indépen- 
damment des  globules  rouges  ou  hématies  qui,  chez  les 
Mammifères,  sont  des  éléments  profondément  transformés 


(  750  ) 

n'ayant  plus  la  valeur  de  cellules,  et  mus  passivement  clans 
les  voies  préformées  de  l'appareil  circulatoire,  on  trouve 
des  cellules  comparables  aux  Amibes.  Ce  sont  les  globules 
blancs,  leucoblasles  ou  leucocytes.  A  l'instar  des  Amibes, 
elles  émettent  des  prolongements  ou  pseudopodes,  soit 
dans  le  but  de  saisir  les  particules  à  leur  portée,  soit  dans 
celui  de  se  déplacer,  et  cela  parfois  à  travers  des  membranes 
et  des  tissus  peu  perméables.  Aussi  ne  les  rencontre-t-on 
pas  seulement  dans  le  sang  et  dans  la  lymphe,  leur  séjour 
habituel,  mais  dans  d'autres  régions  du  corps.  Eu  égard 
aux  propriétés  dont  elles  sont  douées,  on  les  appelle 
cellules  mobiles,  cellules  amiboïdes,  cellules  migratrices, 
cellules  errantes. 

Un  des  principaux  rôles  qui  leur  sont  échus  a  été  mis  en 
lumière  par  les  belles  recherches  d'un  savant  russe, 
Melchnikoff,  aujourd'hui  chef  de  service  à  rinslilul  Pasteur. 
Ici,  comme  dans  la  plupart  des  circonstances  où  il  s'agit 
de  résoudre  un  problème  biologique,  ce  n'est  pas  en 
s'adressant  directement  aux  organismes  supérieurs,  mais 
en  observant  d'abord  ce  qui  se  passe  chez  des  organismes 
inférieurs,  que  l'auteur  a  été  conduit  à  émettre  sa  remar- 
quable théorie,  connue  sous  le  nom  de  théorie  de  la  phagu- 
ci/lose.  Elle  doit  nous  arrêter  un  instant. 

Le  corps  des  Métazoaires  du  groupes  des  Invertébrés 
renferme,  tout  comme  celui  des  Vertébrés,  des  cellules 
mobiles,  et  elles  y  apparaissent  à  une  époque  précoce  du 
développement.  Chez  les  Oursins  et  les  Étoiles  de  mer, 
par  exemple,  déjà  au  slade  de  la  blastule,  des  cellules  se 
séparent  de  la  couche  délimitante  et  pénètrent  dans  la 
masse  gélatiniforme  qui  remplit  la  cavité  de  la  vésicule. 
En  général,  la  transparence  de  celle-ci  permet  d'observer 
celte  immigration  sur  le  vivant.  Pendant  l'évolution  ulté- 


(781  ) 

rieiire  de  la  larve  d'Échinoderme,  surtout  au  moment  ou 
cette  larve  se  transforme  en  Étoile  de  mer,  certaines  de 
ses  parties  constituantes,  celles  notamment  qui  ne  seront 
pas  transmises  à  l'animal  adulte,  subissent  un  développe- 
ment régressif.  Des  fragments  de  ces  parties,  sous  la 
forme  de  granulations  albuminoïdes  de  volume  variable,  se 
trouvent  bientôt  disséminés  à  l'intérieur  du  corps  larvaire. 
Or,  Melchnikoff  a  vu  les  cellules  errantes  s'emparer  de 
ces  granulations  et  les  englober  à  Taide  de  leurs  pseudo- 
podes. Mais  le  fait  intéressant  consiste  surtout  en  ceci  : 
les  particules  ne  sont  pas  seulement  entourées,  j'allais  dire 
avalées,  mais  aussi  digérées  par  les  cellules  migratrices. 
On  peut  voir  les  granulations  perdre  la  netteté  de  leur 
contour,  se  dissoudre,  et  enfin  être  assimilées.  De  là  le 
nom  de  phagocytes  donné,  par  Melchnikoff,  aux  cellules 
mobiles. 

La  découverte  faite,  par  le  savant  russe,  du  mode 
d'intervention  des  phagocytes  dans  les  métamorphoses 
larvaires,  ne  tarda  pas  à  recevoir  une  éclatante  confirma- 
tion par  les  recherches  de  plusieurs  biologistes,  qui  nous 
montrèrent  les  phagocytes  à  l'œuvre  dans  les  métamor- 
phoses des  Insecteset  des  Amphibiens.Metchnikoff  lui-même 
avait  déjà  attiré  l'attention  sur  la  présence,  à  l'intérieur  de 
cellules  amiboïdes,  de  fragments  de  fibres  nerveuses,  de 
fibres  musculaires,  dans  la  queue  du  têtard  en  voie  d'invo- 
lution,  alors  que  la  larve  va  se  transformer  en  Grenouille. 
Kn  contrôlant  ces  reherches,  le  D'  C.  De  Bruyne  a  vu  les 
cellules  pigmentaires  ou  chromatophores  de  la  peau  du 
têtard  se  comporter  comme  de  vrais  phagocytes  (1). 

(1)  C.  De  BRvynE,  Delà  Phagocytose.  III.  Annales  de  la  Société 
de  médecine  de  Gand,  1891. 


(  732  ) 

Fait  remarquable,  chez  les  Insectes  à  l'état  de  pupe, 
pendant  que  les  anciens  organes  deviennent  la  proie  des 
phagocytes,  les  organes  nouveaux  qui  s'ébauchent  en  des 
points  appelés  disques  imaginaux,  sont  respectés,  comme 
si  ces  disques  étaient  doués  d'une  vitalité  plus  grande,  qui 
leur  permet  de  résister  à  l'attaque  des  phagocytes. 

Metchnikoff  avait  émis  l'opinion  que  les  phagocytes 
semblent  choisir  certaines  substances  de  préférence  à 
d'autres,  et  que  celles  en  voie  de  destruction  constituent 
leur  aliment  de  prédilection.  II  voulut  fournir  la  preuve 
de  celte  manière  de  voir.  Les  expériences  auxquelles  il  se 
livra  dans  ce  but  furent,  en  effet,  démonstratives;  le 
choix  existe.  Mais  aujourd'hui  la  science  a  fait  un  pas  de 
plus;  elle  sait  la  cause  de  cette  sélection;  elle  explique 
pourquoi  certaines  substances  attirent,  pourquoi  d'autres 
repoussent  les  cellules  migrantes.  Celles-ci  aperçoivent  la 
différence  dans  la  composition  du  milieu,  à  condition 
toutefois  que  celte  composition  change  dans  une  propor- 
tion déterminée.  Nous  sommes  donc  en  présence  de  vrais 
phénomènes  de  sensibilité. 

Ce  fut  un  savant  botaniste,  Pfeffer,  qui,  le  premier, 
attira  rattenlion  sur  ces  faits.  Il  institua  ses  remarquables 
expériences  chez  plusieurs  cryptogames  :  fougères,  mousses, 
sélaginelles.  Il  établit  que  les  organes  femelles  attirent  les 
spermatozoïdes  dans  un  but  tout  autre  que  la  nutrition,  n 
il  désigna  toutes  ces  manifestations  de  sensibilité  aux  agents 
chimiques  par  le  nom  général  de  chimiotaxie  positive  ou 
négative. 

Beaucoup  de  faits  d'une  haute  importance  se  rattachant  à 
cette  question  ont  été  fournis  par  deux  savants  belges, 
MM.  Massart  et  Bordet.  Guidés  par  les  connaissances 
acquises  antérieurement,  ils  ont  porté  leurs  recherches  sur 


(7S3  ) 

l'influence  et  le  rôle  de  la  chimiotaxie  à  la  suite  d'injec- 
tions de  substances  virulentes  ou  infectieuses  (1). 

Ceci  nous  amène  à  envisager  un  autre  côté  du  rôle 
prophylactique  des  phagocytes,  et  ce  n'est  pas  le  côlé  le 
moins  important.  En  effet,  ces  cellules  migratrices  ne  se 
bornent  pas  à  débarrasser  l'organisme  des  éléments  et  des 
substances  en  voie  de  destruction,  déchets  désormais  inu- 
tiles et  pouvant  même  devenir  nuisibles;  elles  ne  sont  pas 
seulement,  comme  on  les  a  souvent  appelées,  les  balayeurs 
de  l'organisme,  elles  s'emparent  aussi  de  parasites  vivants, 
qu'elles  enlacent  et  qu'elles  dévorent.  Parmi  ces  parasites, 
se  rangent  ces  ennemis  minuscules  et  pourtant  si  à 
craindre,  les  microbes  pathogènes,  origine  des  maladies 
infectieuses. 

Combien  intéressantes  et  instructives  sont  les  expériences 
faites  par  Metchnikoff  et  d'autres  dans  le  but  d'élucider 
cette  question.  Elles  nous  font  assister  à  toutes  les  péri- 
péties de  la  lutte  entre  les  microbes  et  les  phagocytes,  lutte 
dans  laquelle,  suivant  les  circonstances,  tantôt  les  phago- 
cytes l'emportent,  tandis  que  d'autres  fois  ils  succombent. 

Je  sortirais  du  cadre  que  je  me  suis  tracé  si  j'insistais 
davantage,  mais  je  crois  en  avoir  dit  assez  pour  faire 
comprendre  la  haute  importance  du  rôle  des  cellules 
mobiles  dans  l'organisme. 

Si,  avec  Huxley,  nous  comparons  le  corps  à  une  armée, 
dans  laquelle  la  cellule  joue  le  rôle  de  soldai,  l'organe 
celui  de  la  brigade,  le  système  nerveux  central  celui  du 
quartier  général  et  du  télégraphe,  le  système  circulatoire 
celui  de  l'intendance,  nous  pourrons  ajouter  que  les  pha- 
gocytes sont  les  soldats  chargés  de  veiller  au  bon  entretien 

(1)  Jean  Massart  et  Charles  Bordet,  Recherches  sur  l'irritabilité 
des  leucocytes.  (Journ.  des  se.  méd.  et  nat.  de  Bruxelles,  1890.) 
3°"   SÉRIE,    TOME    XXVl.  4-9 


C  754  ) 

et  à  lâ  sécurité  du  camp.  Ce  sont  eux  qui  lont  disparaître 
les  déchets  inutiles  et  nuisibles;  ce  sont  eux  aussi  qui 
accourent  aux  rciranchements  quand  ceux-ci  sont  menacés, 
et  qui  se  jettent  sur  l'agresseur. 

J'ai  tâché  de  donner  une  idée  générale  du  mode  de 
genèse  et  de  la  nature  des  éléments  qui  entrent  dans  la 
structure  du  corps  humain.  Cette  structure,  ainsi  comprise, 
est  connue  sous  le  nom  de  théorie  cellulaire.  L'illustre 
Théodore  Schwann,  que  nous  pouvons  revendiquer  comme 
un  des  nôtres,  —  car  il  avait  fait  de  la  Belgique  sa  patrie 
d'adoption,  —  en  a  été  le  fondateur.  Schleiden  venait  de 
démontrer  que,  chez  les  végétaux,  tous  les  organes,  malgré 
leur  apparente  diversité,  procèdent  d'un  seul  et  même 
élément  analomique,  la  cellule.  Appliquant  au  règne 
animal  la  découverte  faite  par  le  célèbre  botaniste  dans  le 
domaine  des  plantes,  Schwann  prouva  que  la  cellule  est  le 
point  de  départ  de  tout  organisme;  que,  chez  l'animal 
comme  chez  la  plante,  tous  les  tissus  ont  une  origine  cel- 
lulaire; il  établit,  par  conséquent,  qu'un  même  mode  de 
développement  des  éléments  anatomiques  se  retrouve  chez 
les  animaux  aussi  bien  que  chez  les  végétaux.  [1  ramena 
ainsi  tous  les  faits  épars  avant  lui  à  des  lois  générales. 
Comme  le  disait  un  de  nos  confrères,  lors  de  la  splendide 
manifestation  dont  le  grand  biologiste  fut  l'objet  en  1878: 
«  Par  ses  admirables  recherches  microscopiques,  Schwann 
n'a  pas  seulement  mérité  le  titre  de  réformateur  de  Vana- 
tomie  générale  :  la  création  de  la  théorie  cellulaire  a  été 
pour  toutes  les  sciences  morphologiques  et  physiologiques 
le  début  d'une  ère  nouvelle  et  féconde  (1).  » 


(1)  Manifestation  en  l'honneur  de  M.  le  professeur  Th.  Schwann. 
—  Exposition  de  l'œuvre  scientifique  de  Schwann,  par  M.  Éd.  Van 
Beneden,  p.  56. 


(  7oS  ) 

Serail-il  \rai  que  celle  ère  est  close?  Serail-il  vrai  que 
la  cellule  ne  ri'irésenie  pas  rélément  anatomique  par 
excellence?  D'aucuns  le  prélcndenl;  mais,  j'ai  hâte  de 
l'ajoulcr,  jusqu'à  présent  les  tentatives  failes  dans  le  but 
de  renverser  la  théorie  cellulaire  et  de  la  remplacer  par 
une  théorie  nouvelle,  n'ont  guère  trouvé  d'écho  dans  le 
monde  scientifique.  Je  n'en  veux  citer  qu'un  exemple  ; 

Pour  Altmann,  les  unités  morphologiques  de  la  matière 
organisée  ne  sont  pas  les  cellules,  mais  les  granules  que  les 
cellules  renferment.  La  cellule  devient  ainsi  une  colonie  de 
granules,  les  bioblasles,  comme  les  appelle  l'auteur.  Dans  la 
nature  actuelle  existent  encore  des  bioblastes  à  l'état  de 
liberté,  les  bactéries.  D'après  leur  inventeur,  les  bioblasles 
ont  une  grande  importance  morphologique  et  physiolo- 
gique; ils  servent  de  support,  de  véhicide  à  l'oxygène; 
dans  l'organisme,  les  synthèses  et  les  décompositions  ont 
lieu  par  leur  intermédiaire. 

Cette  théorie,  comme  d'autres  théories  similaires,  prèle 
le  flanc  à  la  critique  :  ainsi,  il  n'est  pas  prouvé  que  les 
prétendus  bioblastes  se  rencontrent  dans  toute  cellule,  et 
que  partout  ils  sont  le  siège  des  fonctions  essentielles  de 
celle  dernière;  il  n'est  pas  prouvé  davantage  que  des 
granules  de  même  nature  que  ceux  que  les  cellules 
renferment  vivent  à  l'état  de  liberté;  tout  au  contraire,  on 
passe,  par  une  transition  insensible,  des  microorganismes 
les  plus  infimes,  tels  ceux  d'une  Zoogloée,  à  des  orga- 
nismes plus  volumineux,  par  exemple,  les  champignons 
de  la  levure,  dont  la  signification  cellulaire  n'est  pas 
douteuse,  et  qui,  dans  la  manière  de  voir  d'Allmann, 
consistent  en  des  colonies  de  bioblastes.  Ajoutons  à  cela 
que  la  nature  cellidaire  des  bactéries  est,  sinon  démontrée, 
du  moins  bien  près  de  l'être. 

Wiesner,  dont  la  ihéorie  des  plasomes  (par  abréviation 


(  736  ) 
pour  plasmosomes)  se  rapproche,  à  certains  égards,  de 
celle  d'AIlmann,  fait  remarquer  que  la  présence  plus  ou 
moins  constante,  à  rinlérieur  de  la  cellule,  d'individualités 
organisées,  telles  que  le  noyau,  les  corps  chlorophylliens,  les 
centrosomes,  etc.,  prouve  que  la  cellule  ne  représente  pas 
l'élémenl  ullime  de  la  matière  vivante.  Mais,  VV.  Flemming 
le  remarque  avec  justesse,  c'est  là  une  vérité  qu'accepte 
tout  biologiste  quelque  peu  au  courant  de  la  signification 
morphologique  et  physiologique  de  la  cellule;  seulement, 
dans  sa  forme  actuelle,  la  théorie  cellulaire  ne  considère 
pas  la  cellule  comme  étant  un  organe  rudimentaire,  mais 
bien  comme  représentant  un  organisme  élémentaire  {\), 
Cette  dénomination,  introduite  par  Brûcke,  se  justifie 
parfaitement.  La  cellule,  véritable  organisme  en  miniature, 
renferme  des  parties  constituantes  qui,  nonobstant  leurs 
dimensions  microscopiques,  méritent  le  nom  d'organes. 
Parmi  ces  organes  rudimenlaires,  le  plus  important  est, 
sans  contredit,  le  noyau  cellulaire.  De  curieuses  expé- 
riences, dites  de  mérotomie,  instituées  surtout  par  Balbiani, 
Brandt,  Gruber,  Nussbaum  et  Verworm,  en  fournissent  la 
preuve.  Elles  consistent  à  diviser  en  fragments  des  orga- 
nismes monocellulaires,  notamment  des  Infusoires.  Or, 
seuls  les  fragments  ou  mérozoïles  qui  contiennent  tout  ou 
partie  du  noyau,  sont  susceptibles  de  régénération;  ceux 
qui  ne  renferment  aucune  partie  nucléaire  ne  se  régé- 
nèrent jamais  en  un  individu  complet. 

En  résumé,  comme  l'ajoute  encore  Flemming,  après 
avoir  discuté  les  opinions  d'Altmann  et  de  Wiesner,  si  les 
travaux  de  ces  biologistes  ont  ouvert  des  horizons  nou- 


(1)  W.  Flemming,  Article  Zclle,  dans  Ergebnisse  der  Ânatomie 
und  Entwickelungsgeschichte,  1892,  p.  88. 


(  757  ) 
veaux,  ils  n'ont  nullement  ébranlé  la  théorie  cellulaire; 
ils  l'ont  simplement  enrichie  et  approfondie  (1). 

Je  lermifie.  De  la  courte  excursion  que  nous  venons  de 
faire  sur  le  terrain  de  l'histologie  et  de  l'histogenèse,  ressort 
un  fait  important  :  c'est  que,  pour  arriver  à  connaître  la 
structure  de  l'organisme  humain,  pour  acquérir  la  saine 
notion  du  mode  de  genèse,  des  caractères  de  texture  de 
nos  éléments  anatomiqucs  et  de  nos  tissus,  il  ne  suffît  pas 
d'étudier  cet  organisme  isolément,  à  l'exclusion  de  tous 
les  autres.  Les  résultats  ainsi  obtenus  ne  seront  jamais 
complets  pour  un  élément  anatomique  ou  un  tissu  donné, 
si  l'on  n'y  joint  en  même  temps  l'étude  des  parties  ana- 
logues, soit  dans  la  série  animale,  soit  même  dans  la  série 
organique  tout  entière. 

De  même  que  la  signification  des  organes  chez  l'homme 
nous  échapperait  sans  la  lumière  de  l'anaiomie  comparée, 
de  même,  en  histologie  générale,  les  divers  éléments,  les 
divers  tissus  nous  seraient  très  imparfaitement  connus,  si, 
en  même  temps  que  chez  l'homme  adulte  et  l'embryon 
humain,  nous  n'en  faisions  pas  l'analyse  histologique  dans 
la  série. 

C'est  qu'en  effet,  comme  l'a  dit  excellemment  un  grand 
anatomiste  contemporain.  Cari  Gegenbaur  :  «  L'orga- 
nisme humain  n'est  pas  isolé  dans  la  nature,  mais  il  n'est 
qu'un  terme  d'une  série  infinie,  dans  laquelle  la  connais- 
sance d'un  individu  quelconque  n'est  rendue  compréhen- 
sible que  par  celle  des  connexions  qui  l'unissent  aux 
autres  (2).  » 

(1)  Loc.  cit.,  p.  58. 

(2)  Carl  Gegenbaur,  Traité  d'anatomie  humaine,  traduit  par 
Charles  Julin.  Paris,  1889,  p.  3. 


(  758  ) 


Vautotomie  ou  la  mutilation  active  dans  le  règne  animal; 
par  Léon  Fredericq,  conespondanl  de  l'Académie. 

Une  observation  superficielle  de  la  nature  nous  porte  à 
concevoir  la  terre  comme  représentant  le  centre  de  l'uni- 
vers. C'est  l'idée  la  plus  simple,  celle  qui  a  été  adoptée  pen- 
dant une  grande  partie  de  l'antiquité  et  pendant  tout  le 
moyen  âge;  c'est  en  même  temps  l'idée  qui  flatte  le  plus 
notre  orgueil. 

Il  est  naturel  de  grelïer  sur  cette  conception  géocen- 
trique  du  monde,  l'idée  anthropocentrique,  qui  considère 
l'homme  comme  l'objet  principal  de  la  création,  pour 
l'utilité  ou  l'amusement  duquel  ont  été  tirés  du  néant  le 
soleil,  la  lune,  les  étoiles  et  tous  les  objets  animés  ou 
inanimés  que  l'on  rencontre  à  la  surface  de  la  terre.  Cette 
conception  primitive  de  la  nature  a  régné,  pour  ainsi  dire 
sans  contradiction,  jusqu'à  uneépoque  relativement  récente; 
et  de  nos  jours  encore,  bien  des  personnes  instruites  sont 
pénétrées  de  cette  conviction  optimiste,  que  tout  dans 
l'univers  a  été  calculé  et  machiné  à  l'avance  pour  notre 
commodité  exclusive. 

La  fable  de  la  Fontaine  le  Gland  et  la  Citrouille  est  très 
caractéristique  à  cet  égard.  Un  paysan  se  permet  de  criti- 
quer l'œuvre  du  Créateur  :  il  trouve  que  les  citrouilles 
feraient  meilleure  figure  au  haut  des  chênes  et  que  les 
glands  seraient  mieux  placés  à  terre;  puis  «  sous  un  chêne 
aussitôt  il  va  prendre  son  somme.  »  Il  est  réveillé  par  la 
chute  d'un  gland  qui  lui  tombe  sur  le  nez.  Heureusement, 


(  759  ) 
le  gland  est  pelil  el  ne  pcul  lui  faire  de  mal.  «  Dieu  fait 
bien  ce  qu'il  fait,  »  nous  dit  le  fabuliste.  S'il  a  placé  les 
grosses  citrouilles  à  lerrc  et  s'il  a  créé  les  glands  tout  petits, 
c'est  afin  que  les  fruits  du  chêne  ne  vinssent  pas,  en  tombant 
du  haut  de  l'arbre,  écraser  les  imprudents  qui  font  leur 
sieste  à  l'ombre. 

Fénelon  a  développé  la  même  idée  dans  une  langue 
admirable.  L'air,  nous  dit-il,  a  juste  la  densité  qui  convient 
le  mieux  à  nos  poumons.  L'eau  douce  a  été  créée  pour  nous 
désaltérer,  l'eau  salée,  pour  assaisonner  nos  aliments  et 
nous  permettre  de  les  consever  au  moyen  du  sel.  Les  miné- 
raux, les  plantes,  les  animaux  sont  faits  pour  noire  usage. 
Et  quant  à  la  voùle  céleste  el  aux  astres  brillants  dont  elle 
est  constellée,  «c'est  pour  nous  donner  un  beau  spectacle 
qu'une  main  toute-puissante  a  mis  devant  nos  yeux  de  si 
grands  et  de  si  éclatants  objets.  «  El  plus  loin  :  <n  Tout 
m'étonne,  j'usqu'au  moindre  moucheron.  Si  on  les  trouve 
incommodes,  on  doit  remarquer  que  l'homme  a  besoin  de 
quelques  peines  mêlées  avec  ses  commodités.  Il  s'amollirait 
et  s'oublierait  lui-même,  s'il  n'avait  rien  qui  modérât  ses 
plaisirs  et  qui  exerçât  sa  patience.  »  La  vermine  elle-même 
a  été  créée  pour  exciter  l'homme  à  lo  propreté  et  secouer 
sa  paresse. 

Cette  conception  des  «harmonies  providentielles»  de  la 
nature  nous  parait  aujourd'hui  enfaniine  et  passablement 
orgueilleuse.  Un  contemporain  de  la  Fontaine  et  de  Féne- 
lon, l'illustre  Descartes  se  moquait  déjà  de  ceux  qui  croient 
«  assister  au  conseil  de  Dieu».  •  C'est,  dit-il,  une  chose  pué- 
rile et  absurde  de  s'imaginer  que  Dieu,  à  la  façon  d'un 
homme  superbe,  n'aurait  point  eu  d'autre  fin,  en  bâtissant 
le  monde,  que  celle  d'être  loué  pur  les  liommes.  Il  n'aurait 


(  760) 

créé  le  soleil,  qui  est  plusieurs  fois  plus  grand  que  la  terre 
à  autre  fin  que  d'éclairer  l'homme,  qui  nen  occupe  qu'une 
petite  partie.  »  «  Que  de  choses,  ajoute  Descartes,  sont  main- 
tenant dans  le  monde,  ou  y  ont  été  autrefois  et  ont  cessé 
d'être,  sans  qu'aucun  homme  les  ait  jamais  vues  ou  connues 
et  sans  qu'elles  aient  jamais  été  d'aucun  usage  pour  l'huma- 
nité. » 

Toul,  dans  la  partie  de  rijnivers  que  nous  connaissons, 
démontre  la  fausseté  de  la  conception  anthropocentrique. 
Le  gland  du  chêne  a  un  autre  rôle  à  remplir  dans  l'éco- 
nomie de  la  nature  que  celui  de  ne  pas  blesser  dans  sa 
chute  le  nez  des  dormeurs  imprudents.  Sa  véritable  des- 
tinée, c'est  de  produire  une  petite  plante,  un  futur  chêne 
assez  robuste  pour  conquérir  sa  place  au  soleil  et  pour 
triompher  dans  la  lutte  pour  l'existence.  De  même,  le  bleu 
du  ciel,  le  vert  des  plantes,  n'ont  pas  été  choisis  exprès 
pour  reposer  agréablement  nos  yeux;  et  la  brillante  parure 
des  fleurs  a  une  autre  fin  à  remplir  que  celle  de  donner 
satisfaction  à  nos  aspirations  artistiques.  Nous  savons 
aujourd'hui  qu'elle  est  destinée  à  attirer  les  insectes  afin 
d'assurer  la  fécondation  de  la  fleur. 

La  nature  n'a  donc  pas  cette  signification  idyllique  que 
lui  prête  un  optimisme  par  trop  utilitaire.  Pour  l'observa- 
teur dégagé  de  tout  parti  pris,  la  nature  est  un  vaste 
champ  de  bataille,  où  régnent  en  maîtres  la  ruse  et  la  vio- 
lence, où  d'innombrables  combattants  se  livrent  perpétuel- 
lement des  assauts  furieux,  sans  se  soucier  de  la  présence 
de  l'homme.  Détruire  ou  être  détruit,  manger  ou  être 
mangé,  tel  est  le  dilemme  auquel  se  heurte  tout  être  vivant, 
Ce  struggle  for  life  auquel  tous  sont  soumis,  doit  être  étudié 
pour  lui-même,  en  dehors  de  toute  préoccupation  utili- 


(  761  ) 
taire.  Les  merveilles  révélées  par  celte  étude  ne  le  cèdent 
d'ailleurs  en  rien  aux  prétendues  merveilles  des  harmonies 
providentielles.  En  effet,  dans  celte  lutte  incessante  pour 
l'existence,  l'attaque  aussi  bien  que  la  défense  savent  mettre 
en  jeu  les  ressources  les  plus  variées  et  les  plus  ingénieuses. 
L'année  dernière,  notre  savant  collègue,  M.  Félix  Plateau, 
vous  entretenait  des  étonnants  moyens  de  protection  qu'un 
grand  nombre  d'animaux  tirent  de  leur  ressemblance  avec 
les  objets  de  leur  entourage  habituel.  La  conformité  de 
teinte  avec  le  milieu  dans  lequel  ils  vivent  leur  permet  de 
passer  inaperçus  et  augmente  leurs  chances  de  salut. 

Je  désire  à  mon  tour  attirer  votre  attention  sur  un  ordre 
de  faits  tout  aussi  intéressants  que  le  mimétisme.  Je  vous 
parlerai  de  Vautotomie,  c'est-à-dire  des  mutilations  spon- 
tanées, grâce  auxquelles  tant  d'animaux  réussissent  à 
échapper  à  leurs  ennemis,  alors  que  la  dent  carnassière 
s'implante  déjà  dans  leur  chair  et  que  touie  chance  de 
salut  leur  semble  refusée.  Ils  savent  casser  à  propos 
l'extrémité  saisie  et  reconquérir  la  liberté,  en  faisant 
héroïquement  l'amputation  du  membre  captif.  Le  sacrifice 
de  la  partie  sauve  le  tout. 

Plus  d'un  parmi  nous,  en  fouillant  dans  ses  souvenirs 
d'enfance,  réveillera  le  remords  lointain  d'avoir  troublé  la 
béatitude  de  quelque  inoffensif  Lézard  se  chauffant  au 
soleil.  Quel  esi  l'enfant  qui,  dans  ces  circonstances,  sait 
résister  à  la  tentation  de  donner  la  chasse  à  l'agile  el 
gracieux  reptile?  Le  plus  souvent,  le  Lézard  s'échappe; 
lorsqu'on  réussit  à  le  saisir,  c'est  ordinairement  par  la 
queue.  La  capture  n'en  est  pas  moins  illusoire  :  la  queue 
casse  el  reste  seule  à  frétiller  entre  vos  doigts,  tandis  que 
la  pauvre  bête  profile  de  votre  déconvenue  pour  se  mettre 


(  762  ) 

bien  vile  en  sûreté  dans  quelque  abri  secret.  L'Orvet 
présente  la  même  fragilité  apparente  de  la  queue,  ce  qui 
lui  a  valu  le  nom  scientifique  d'Anguis  fragilis,  et  celui 
plus  populaire  de  serpent  de  verre. 

On  sait  depuis  longtemps  que  les  vertèbres  de  la  queue 
des  Lézards  ont  une  structure  exceptionnelle.  Le  milieu  de 
chacune  est  traversé  par  une  cloison  transverse  non 
ossifiée.  C'est  toujours  au  niveau  d'un  de  ces  lieux  de 
moindre  résistance  que  s'effectue  la  rupture  de  la  queue. 
Cette  disposition  analomique  semblait  rendre  un  compte 
satisfaisant  de  la  facilité  avec  laquelle  se  fait  la  rupture  de 
la  queue  des  Lacertiliens,  et  tous  les  naturalistes  s'étaient 
contentés  de  celle  explication. 

J'eus  un  jour  la  curiosité  de  mesurer  sur  un  Orvet  mort 
la  résistance  à  l'arrachement  que  présenterait  la  queue.  Je 
fixai  à  Textrémilé  de  cet  appendice,  au  moyen  de  bandelettes 
coilodionnées,  un  lien  auquel  je  suspendis  un  petit  plateau 
de  balance  que  je  chargeai  de  poids.  Je  fus  obligé 
d'exercer  une  traction  de  plus  de  490  grammes  avant  de 
produire  la  rupture.  L'Orvet  pesait  19  grammes  :  il  avait 
donc  fallu,  pour  arracher  la  queue,  un  poids  plus  de  vingt- 
cinq  fois  plus  fort  que  celui  de  l'animal  entier  (1). 

La  queue  du  Lézard  mort  présente  également  une 
résistance  tout  à  fait  inattendue.  Frenzel ,  expérimentant 
sur  une  grande  espèce  d'Iguane  de  l'Amérique  méridionale 
{Tupinambis  teguixin),  constata  qu'il  était  aussi  difficile 
sur  le  cadavre  de  rompre  la  queue  que  d'arracher  une 
patte,  et  qu'il  n'y  parvenait  qu'en  déployant  le  maximum 


(1)   Bull,  de  l'Acad.  roy.  de  Helgique,  3«  sér.,  t.  IV,  n»  8,  août  1882. 


(765) 

d'effort  musculaire  dont  il  était  susceptible  (1  ),  El  cependant 
riguane  vivante  semble  se  faire  un  jeu  de  briser  sa  queue, 
dès  qu'on  la  saisit  par  cet  appendice.  En  étudiant  de  plus 
près  le  phénomène,  j'aequis  la  eonviclion  que  la  rupture 
de  la  queue,  qui  s'obtient  si  facilement  chez  le  Lézard 
vivant,  est  un  phénomène  actif,  provoqué  par  la  contrac- 
tion des  muscles  de  la  queue  de  l'animal  (2).  Frenzel  (3) 
et  Contejean  (4)  ont  eonlirmé  le  fait,  et  ce  dernier  expéri- 
mentateur a  décrit  en  détail  le  travail  des  muscles  qui 
produisent  la  cassure. 

On  sait  que  les  mouvements  volontaires  ne  s'exécutent 
chez  l'homme  et  chez  les  animaux  supérieurs  que  grâce  à 
l'intervention  de  la  substance  grise  des  hémisphères 
cérébraux.  Les  ordres  de  la  volonté  partent  du  cerveau  et 
descendent  le  long  des  nerfs  moteurs  pour  atteindre  les 
muscles  et  y  provoquer  la  contraction  qui  assurera  le  mou- 
vement voulu.  Enlevez  sur  un  animal  les  hémisphères 
cérébraux,  et  vous  supprimez  du  même  coup  toutes  les 
manifestations  psychiques ,  y  compris  les  mouvements 
volontaires.  Dans  ce  cas,  les  mouvements  involontaires,  les 
mouvements  réflexes,  comme  on  les  appelle,  persisteront 
seuls,  tant  que  les  centres  nerveux  qui  président  à  ces 
mouvements,  notamment  la  moelle  épinière,  sont  intacts. 

Eh  bien,  chose  curieuse,  lorsque  le  Lézard  casse  sa 
queue,  le  mouvement  de  rupture  est  un  mouvement 
purement  réflexe,  dans  la  production  duquel  la  volonté  de 
l'animal   n'a  aucune   part.  En  effet,  l'autotomic  s'obtient 


(1)  Arch.f.  d.  ges.  Physiologie,  L,  1891,  p.  210. 

(2)  Travaux  du  laboratoire,  II,  1887-88,  p.  218. 

(3)  Arch.  f.  d.  ges.  Physiologie,  L,  1891,  p.  191. 

(4)  Comptes  rendus,  27  octobre  1890. 


(  764) 
encore  sur  un  Lézard  dont  les  hémisphères  cérébraux  sont 
enlevés  et  chez  lequel,  par  conséquent,  toutes  les  mani- 
festations intellectuelles  sont  supprimées  (1).  Coniejean  (2) 
a  montré  que  le  centre  nerveux  qui  préside  au  mouvement 
de  cassure  est  situé  dans  la  moelle  épinière,  au  niveau 
de  la  naissance  des  pattes  postérieures,  et  qu'un  animal 
coupé  en  deux  immédiatement  en  avant  des  pattes  posté- 
rieures peut  encore  rompre  sa  queue. 

L'expérience  suivante  montre  surabondamment  que 
l'autotomie  chez  le  Lézard  n'est  pas  un  acte  intentionnel. 
Je  fixe  au  moyen  d'un  emplâtre  un  lien  vers  la  base  de  la 
queue  d'un  Lézard  des  murailles  fraîchement  capturé,  je 
retiens  le  lien  et  je  place  l'animal  ainsi  attaché  sur  une 
surface  rugueuse,  aux  aspérités  de  laquelle  il  peut  facile- 
ment prendre  un  point  d'appui  dans  ses  tentatives  de  fuite 
ou  de  rupture  de  la  queue.  Dans  ce  cas,  l'animal  cherche 
à  se  dégager  et  s'épuise  en  efforts  infructueux  ;  jamais  il  ne 
se  libère  par  la  rupture  de  la  queue.  II  y  a  plus,  si  alors  je 
pince  l'extrémité  de  la  queue,  celle-ci  se  détachera  par  le 
mécanisme  habituel,  mais  au  delà  du  lien  par  lequel  le 
Lézard  est  retenu,  c'est-à-dire  à  un  niveau  où  le  sacrifice 
ne  sera  d'aucune  utilité  à  l'animal.  On  peut  varier  les 
conditions  de  l'expérience  :  on  arrive  toujours  à  cette 
conclusion,  que  la  rupture  de  la  queue  a  pour  point  de 
départ  l'excitation  des  nerfs  centripètes  de  la  queue  qui 
aboutissent  à  la  moelle  épinière  lombaire,  et  que  le  fait 
que  l'animal  est  maintenu  captif  ou  non  n'a  aucune 
influence  sur  le  phénomène.  L'absence  d'intention  intelli- 


(1)  Travaux  du  laboratoire,  II,  1887-1888. 

(2)  Comptes  rendus,  27  octobre  1890. 


(  765  ) 
génie  est  manifeste  ici  :  la  nature  n'a  pas  laissé  le  Lézard 
juge  des  cas  où  il  a  à  faire  ou  non  le  sacrifice  de  sa  queue; 
elle  a  assuré  la  cassure  active  par  un  mécanisme  nerveux 
qui  fonctionne  en  aveugle,  chaque  fois  que  les  nerfs  de  la 
queue  sont  froissés.  C'est  la  condition  sine  qiiâ  non  de  la 
mutilation,  celle  qui  se  présente  d'ailleurs  d'ordinaire  dans 
la  nature.  Il  faut  une  grande  légèreté  de  main  et  beaucoup 
d'attention  pour  retenir  un  Lézard  vivant  en  le  saisissant 
par  la  queue  entre  les  doigts,  sans  comprimer  celle-ci  et 
sans  provoquer  l'autotomie  :  on  ne  peut  y  réussir  qu'en 
évitant  soigneusement  tout  froissement. 

On  sait  que  la  mutilation  n'est  pas  déOnitive  chez  le 
Lézard  et  que  la  queue  amputée  repousse  au  bout  d'un 
certain  temps.  On  rencontre  fréquemment  des  Lézards 
chez  lesquels  la  queue  de  nouvelle  formation  n'a  pas  encore 
acquis  tout  sa  croissance.  Frenzel  nous  apprend  que  les 
Iguanes  sans  queue  sont  extrêmement  communes  dans 
l'Argentine,  ce  qui  a  donné  lieu  parmi  les  indigènes  à  la 
fable  d'après  laquelle  les  Iguanes  se  rongeraient  la  queue 
pendant  leur  sommeil  d'hiver  (1).  Ce  dernier  fait  n'aurait 
cependant  rien  d'impossible,  l'autophagie  existant  chez 
d'autres  animaux. 

On  a  vu  des  Singes  de  ménagerie  se  ronger  la  queue. 

Plusieurs  espèces  de  Sauterelles  indigènes  (Ephippigera 
vilium)  dévorent  leurs  pattes  de  devant  quand  on  les 
tient  en  captivité.  Certaines  larves  de  Phryganes  (Limno- 
philus)  agissent  de  même  (2). 


(1)  Fbenzel,  Loc.  cit.,  p.  203. 

(2)  Grafin  Maria  v.  Linden.  ScHsIvcrsliimmelung  bei  Phryyanci' 
denlarven.  Dans  Biolog.  Centralblatt,  1893,  XIII,  p.  81. 


(  766) 

On  ne  peut  guère  citer  d'autres  cas  d'autotomie  vraie 
que  celui  des  Lézards  dans  l'embranchemenldes  Vertébrés. 
Les  faits  suivants  s'en  rapprochent  plus  ou  moins.  Frenzel 
a  constaté  que  si  l'on  saisit  brusquement  un  Léroi  par  la 
queue,  la  peau  de  celle-ci  se  détache  facilement  cl  reste 
entre  les  mains  de  l'assaillant,  tandis  que  l'animal  s'en- 
fuit (1).  Il  peut  arriver  de  même  qu'un  oiseau  sauvage 
que  l'on  retient  par  la  queue  parvienne,  à  force  de  se 
débattre,  à  s'arracher  à  l'étreinte  ennemie  en  y  laissant 
quelques  plumes. 

Les  animaux  articulés  nous  offrent,  au  contraire,  des 
exemples  d'autolomie  nombreux  et  des  mieux  caractérisés. 
La  cassure  des  pattes  par  mouvement  réflexe,  l'aïUotomie 
évasive,  pour  me  servir  d'une  expression  de  Giard,  s'observe 
chez  presque  tous  les  Insectes,  les  Arachnides  el  les  Crus- 
tacés à  membres  longs  el  grêles.  On  ne  pourrait  citer  que 
fort  peu  d'exceptions  à  celte  règle.  L'une  des  plus  frap- 
pantes concerne  les  Hydromètres,  ces  Hémiptères  haut 
perchés  qui  courent  à  la  surface  des  étangs  et  que  les 
enfants  appellent  à  lort  Araignées  d'eau.  Les  Hydromèires 
ne  prat'quent  pas  l'autoloniie.  Mais  les  Crabes,  les  Lan- 
goustes, les  Homards,  les  Araignées,  les  Sauterelles,  les 
Tipules  et  bien  d'autres  encore  jouissent  au  plus  haut 
degré  de  la  faculté  de  se  libérer  lorsqu'on  les  saisit  brus- 
quement par  une  patte,  en  provoquant  la  rupture  du 
membre  captif.  Dans  tous  ces  cas,  la  cassure  n'est  due  en 
aucune  façon  à  la  fragilité  de  la  patte;  elle  est  produite 
activement,  par  une  brus(|ue  contraction  musculaire;  ici 
aussi,  il  s'ngii  d'un  mouvement  réflexe,  soustrait  à  l'action 
de  la  volonté  de  l'animal,  et  pour  la  production  duquel 


(1)  Frenzel,  Loc.  cit.,  p.  204. 


(  m  ) 

l'intégrité  des  ganglions  cérébroïdcs,  siège  de  l'intelligence 
chez  les  Arliculés,  n'est  pas  nécessaire.  Une  disposition 
anatomique  spéciale  empêche  toute  hémorragie  par  la 
plaie  béante  que  laisse  la  chute  de  la  patte.  J'ai  décrit 
tous  ces  faits  en  détail,  il  y  a  plusieurs  années,  et  je  n'y 
reviendrai  pas  ici  (1). 

Les  pattes  ne  sont  pas  les  seuls  appendices  que  les 
animaux  articulés  soient  exposés  à  perdre. 

Les  Fourmis  ailées,  après  avoir  accompli  dans  les  airs 
leur  vol  nuptial  et  être  redescendues  sur  la  terre, 
s'arrachent,  parait-il,  elles-mêmes  leurs  ailes  devenues 
inutiles.  Les  Termites  de  l'Amérique  du  Sud  que  l'on 
relient  par  une  aile,  se  délivrent  en  la  déchirant  brusque- 
ment. La  déchirure  se  fait  au  niveau  d'un  sillon  préexistant, 
qui  coupe  l'aile  transversalement  et  s'étend  sur  les  trois 
quarts  de  sa  largeur.  Ce  silloii,  comme  le  dit  Frenzel,  c'est 


(1)  Léon  Fredericq,  Arch.  de  biologie,  IH,  p.  238;  Arch.  de  zool. 
expér.,  J885j  lieviie  scient.,  1886,  II,  p.  613  et  1887,  I;  Travaux 
du  laboratoire,  II,  1887-88,  p,  21  ;  Ibid.,  IV,  1891-92,  p.  1. 

Voir  aussi  H.  Dewitz,  Biol.  Centralbl.,  juin  1884. 

DE  Varigny,  Revue  scient.,  1886,  II,  p.  509  et  Gr.  encyclopédie, 
Art.  autotomie. 

P.  Parize,  Revue  scient.,  1886,  11,  p.  379. 

D,  Oerthel,  Revîie  scient.,  1886,  II,  p.  107. 

Preyer,  Mittheil.  Zool.  Stat.  Nr.apel,  VII,  1887,  p.  205. 

P.  II  ALLEZ,  Revue  scient.,  1887,  I,  p.  92  et  Bull.  se.  du  Nord,  1887. 

GiARD,  Revue  scient.,  1887,  I,  p.  629  et  Bull.  se.  du  Nord,  XVII, 
p.  308. 

P,  Gacbert,  Autotomie  chez  les  Pycnogonides.  Bull.  Soc.  zool.  dk 
France,  XVII,  8,  p.  224. 

P.  Gaubert,  Autotomie  c/iez  les  Araignées.  Bull.  Soc.  philomat. 
DE  Paris,  lh92,  IV,  p.  78. 


(768) 

le  trail  de  diamant  entamant  légèrement  la  surface  d'une 
vitre  et  marquant  à  l'avance  la  ligne  suivant  laquelle  la 
vitre  se  brisera  {\). 

L'Abeille,  la  Guêpe  qui  se  lance  sur  l'agresseur  et  le 
pique  pour  défendre  la  ruche  ou  le  nid  commun,  aban- 
donne son  dard  dans  la  plaie  qu'elle  fait.  La  perte  de  cet 
organe  est  fatale  à  la  Guêpe  :  son  dévouement  lui  coûte  la 
vie. 

Au  point  de  vue  étroit  de  la  conservation  de  l'individu, 
Guêpe  ou  Abeille,  l'acte  peut  paraître  insensé.  Au  point  de 
vue  de  la  défense  de  la  république  ailée,  c'est  un  acte 
héroïque  :  c'est  Léonidas  mourant  aux  Thermopyles  pour 
sauver  la  Grèce. 

On  ne  connaît  qu'un  petit  nombre  de  Mollusques  qui 
pratiquent  l'autotomie.  Lin  Escargot  des  îles  Philippines, 
appartenant  au  genre  Helicarion,  s'ampute  la  partie  posté- 
rieure du  pied  au  moyen  du  bord  tranchant  de  sa  coquille. 
Pendant  que  l'ennemi  dévore  le  succulent  morceau  de 
chair  qui  lui  est  abandonné,  VHelicarion  a  le  temps  de  se 
soustraire  à  sa  poursuite.  Harpa  ventricosa  et  deux  Hélices 
de  Cuba  opèrent  de  même.  Les  Solen,  dont  les  coquilles 
semblables  à  des  manches  de  couteaux  se  ramassent  sur 
notre  côte,  savent  également  se  libérer  en  sacrifiant  une 
partie  de  leur  pied.  Telhys  fimbriata,  Mollusque  nu  de  la 
Méditerranée,  dont  la  forme  générale  rappelle  celle  d'une 
énorme  Limace,  porte  à  la  surface  du  dos  deux  rangées 
d'excroissances  charnuesvolumineuses.  Ala  moindre  alerte, 
l'animal  rejette  une  ou  plusieurs  de  ces  papilles,  qu'ilofFre 
en  pâture  à  ses  ennemis,  et  échappe  ainsi  au  danger  d'être 


(1)  Frenzel,  Z,oc.  ci7.,  p.  202. 


(769) 

dévoré  lui-même  (I).  Tels  les  chasseurs  de  loups  de  Russie 
cmporlenl  avec  eux  un  jeune  porc  qu'ils  abandonnent  à  la 
voracité  des  loups,  dans  le  cas  où  ceux-ci  deviennent  trop 
nombreux  ou  trop  entreprenants. 

Pendant  longtemps  on  s'est  mépris  sur  la  signification 
des  papilles  dorsales  de  la  Téthys.  Plusieurs  naturalistes 
éminents  les  avaient  prises  pour  des  parasites  externes, 
simplement  greffés  sur  le  corps  de  la  Téthys.  On  les  avait 
classées  dans  Tembranchement  des  Vers  et  on  \os  avait 
appelées  Phenicurus  redivivus.  Comme  ce  nom  l'indique, 
elles  repoussent  rapidement  après  être  tombées.  Citons 
encore  Doris  cruenla  (autotomie  d'une  partie  du  manteau) 
et  jEoUs  papillosa  (papilles  dorsales)  parmi  les  Mollusques 
qui  pratiquent  l'autotomie. 

Depuis  que  l'attention  des  naturalistes  a  été  appelée  sur 
ce  singulier  moyen  de  défense,  les  exemples  d'aulotomie 
vont  en  se  multipliant.  Il  serait  facile  de  donner  ici  une 
longue  liste  de  Vers,  d'Echinodermes,  de  Cœlentérés,  de 
Protozoaires,  qui  savent  rejeter  à  propos  une  partie  plus  ou 
moins  impoitante  de  leur  corps.  Mais  je  dois  me  borner. 

Quelle  est  la  signification  de  rautotomie?  Pourquoi  ren- 
contre-t-on  chez  tant  d'animaux  celle  singulière  faculté  de 
mutilation  active?  Et  d'abord,  dans  la  plupart  des  cas 
d'aulotomie,  le  bénéfice  que  l'animal  poursuivi  retire  du 
sacrifice  de  l'extrémité  captive,  ce  bénéfice  saute  aux  yeux  : 
la  perte  de  la  partie  assure  le  salut  de  l'organisme  entier. 
Il  est  d'ailleurs  entendu  que  nous  écartons  l'explication 
anthropocentrique,  celle  qu'auraient  sans  doute  donnée 
Fénelon  ou  la  Fontaine.  On  ne  peut  raisonnablement 
admettre  que  c'est  dans  l'intérêt  de  l'homme  que  le  Lézard 

(i)  C.  Parona,  Atti  délia  Società  Ligustica  di  Scienze  naturali,  M, 
1891.  Genova  cl  Atti  délia  R.  Università  di  Genova,  1891. 

3'"*    SÉKIE,    TOME    XXVI.  50 


(   770) 

a  élé  doué  de  la  faculté  de  briser  sa  queue  et  que  les 
Crabes  se  débarrassent  de  leurs  pattes,  à  moins  de  pré- 
tendre que  Taulolomie  a  pour  but  d'exercer  la  sagacité  des 
nalnralistes  cl  de  leur  fournir  matière  à  dissertation 
académique. 

Si  nous  nous  demandons  comment  s'est  développé  le 
mécanisme  si  remarquable  qui  fait  à  propos  éclater  et 
rompre  la  patte  du  Crabe,  nous  en  sommes  réduits  à  des 
conjectures  plus  ou  moins  vraisemblables.  Mais,  hypothèse 
pour  hypothèse,  celle  de  l'évolution  semble,  dans  l'état 
actuel  de  nos  connaissances,  la  seule  qui  puisse  donner  une 
explication  tant  soit  peu  satisfaisante. 

Prenons,  pour  fixer  les  idées,  l'exemple  des  Crustacés. 
Il  est  probable  que  les  premiers  Crustacés  qui  ont  prati- 
qué Tautotomie,  l'ont  fait  à  la  façon  de  l'oiseau  que  l'on 
retient  par  quelques  plumes.  Ils  se  sont  tant  et  si  bien 
débattus  de  tout  le  corps  qu'ils  ont  fini  par  déchirer 
l'attache  du  membre  qui  les  retenait  captifs.  Cette  façon 
brutale  de  se  délivrer  s'est  perfectionnée  dans  le  cours  des 
générations.  Les  contractions  des  muscles,  primitivement 
désordonnées,  se  sont  faites  avec  plus  d'ensemble,  partant 
avec  plus  d'efficacité.  Les  muscles  ont  concentré  leurs 
efforts  sur  un  seul  point  de  la  patte.  La  coque  de  celle-ci 
s'est  modifiée  en  ce  point,  de  manière  à  éclater  facilement 
à  un  moment  donné,  sans  nuire  cependant  d'une  façon 
générale  aux  usages  habituels  de  la  patte.  Ce  perfection- 
nement anatomique  s'est  réalisé  conformément  aux  lois  de 
l'évolution  que  je  n'ai  pas  à  exposer  ici  ;  production  de 
variations  accidentelles  utiles,  transmission  et  exagération 
de  variations  utiles  par  la  génération  sexuelle  et  l'hérédité, 
combinée  avec  la  survivance  des  plus  aptes. 

Les  Crustacés  de  la  nature  actuelle  nous  présentent  à 
l'état  permanent  quelques-uns  des  stades  de  cette  curieuse 


(  771   ) 
évolution.  Aux  deux  extrémités  de  la  série  se  trouvent  d'une 
part  le  Homard  et  de  l'autre  le  Crabe. 

Le  Homard,  que  l'on  saisit  par  une  patte  autre  que 
celles  qui  portent  les  pinces,  entre  dans  une  véritable 
fureur;  tout  son  corps  est  agité  de  violents  soubresauts. 
Grâce  à  ces  mouvements  désordonnés,  l'animal  se  libère 
souvent,  la  patte  saisie  s'arrachant  au  niveau  de  la  mem- 
brane qui  sépare  le  deuxième  article  du  troisième.  C'est 
l'exemple  de  l'autotomie  primitive,  brutale,  provoquée  par 
la  peur  et  par  l'instinct  de  la  conservation.  Ici,  les  mouve- 
ments faits  par  l'animal  pour  se  délivrer  sont  sans  doute 
des  mouvements  volontaires. 

Les  choses  se  passent  tout  autrement  chez  le  Crabe. 
Pincez  l'une  des  pattes  à  son  extrémité  ;  aussitôt  l'animal 
s'arrête,  soulève  légèrement  le  membre  saisi,  de  manière 
à  l'appuyer  contre  les  parties  dures  voisines.  On  entend  un 
léger  craquement  :  l'éclatement  s'est  produit  au  même 
niveau  que  chez  le  Homard  et  la  patte  tombe.  La  cassure 
est  réalisée  par  la  contraction  d'un  seul  muscle,  le  muscle 
auiotomiste  (l);clle  se  produit  au  niveau  d'un  sillon  circu- 
laire préexistant,  qui  marque  la  place  de  la  soudure  du 
deuxième  et  du  troisième  article  de  la  patte.  Ces  deux 
articles  qui,  chez  le  Homard,  sont  séparés  par  une  mem- 
brane, sont  ici  soudés  en  une  seule  pièce.  Cette  pièce 
présente  une  grande  résistance  à  la  traction  dans  le  sens 
de  l'axe  du  membre  ;  elle  éclate  au  contraire  avec  facilité 
sous  l'influence  d'un  effort  léger,  dirigé  dans  le  sens  du 
tendon  du  muscle  auiotomiste.  Nous  avons  affaire  à  un 
mécanisme  très  spécialisé,  très  perfectionné,  bien  mieux 
adapté  à  son  rôle  que  les  contractions  générales  dont  use 

H)  Mém.  cour,  et  autres  de  l'Acad.  roy.  de  Belgique,  1891  et 
Travaux  du  laboratoire,  IV,  4891-92,  p.  1. 


(  772  ) 

le  Homard.  De  plus,  comme  nous  Pavons  vu,  le  mouve- 
ment d'aulotomie  qui,  chez  le  Homard,  paraissait  sous  la 
dépendance  de  la  volonté  de  l'animal,  s'est  transformé, 
chez  le  Crabe,  en  un  mouvement  réflexe. 

L'autotomie  serait  donc  un  mouvement  primitivement 
volontaire  et  intentionnel,  ayant  pour  point  de  départ 
l'instinct  de  la  conservation  et  tendant  à  arracher  violem- 
ment le  corps  de  l'animal  à  l'étreinte  ennemie,  quitte  à 
sacrifier  la  partie  saisie.  Ce  mouvement  se  serait  peu  à 
peu  perfectionné  et  adapté  d'une  façon  plus  parfaite  au  but 
à  atteindre  :  en  même  temps,  il  aurait  perdu  son  carac- 
tère intentionnel  et  serait  devenu  un  réflexe  pur. 

C'est  d'ailleurs  une  règle  d'une  portée  générale  que  les 
mouvements  volontaires  fréquemment  répétés  se  trans- 
forment insensiblement  en  mouvements  réflexes,  pour  la 
production  desquels  l'intervoniion  de  la  volonté  n'est  plus 
nécessaire.  Tout  le  monde  sait  que  l'éducation  des  exercices 
corporels  chez  l'homme  est  basée  en  grande  partie  sur  ce 
phénomène.  Le  cavalier  novice,  qui  monte  à  cheval  pour 
la  première  fois,  n'a  qu'une  préoccupation  :  c'est  de  se 
maintenir  en  selle  ;  tous  les  efforts  de  sa  volonté  se 
concentrent  sur  les  mouvements  destinés  à  conserver 
l'équilibre.  Peu  à  peu,  sous  l'influence  de  l'exercice,  notre 
débutant  s'habitue  à  être  plus  sobre  de  ses  mouvements 
et  à  les  exécuter  inconsciemment.  Au  bout  d'un  certain 
temps,  ces  mouvements  deviennent  de  purs  réflexes.  De 
même,  le  patineur  exercé  décrit  sur  la  glace  les  courbes 
les  plus  correctes  et  souvent  les  plus  compliquées,  pour 
ainsi  dire  machinalement,  sans  Tinlervention  ou  le  contrôle 
incessant  de  la  volonté.  Il  n'y  a  donc  aucune  impossibilité 
à  ce  que  la  même  transformation  se  soit  réalisée  au  cours 
de  l'évolution  des  mouvements  d'autotomie. 


(  775  ) 

—  Proclamalion  par  M.  le  secrélaire  perpétuel  des 
résulals  ci-après  des  concours  et  des  élections  : 

CONCOURS  ANNUEL  DE  LA   CLASSE   POUR  1893. 

SCIENCES    IMATnÉIll/l^TI^SUES    ET    PHYSIQUES. 

Un  mémoire  a  été  reçu  en  réponse  à  la  question  ; 

Apporter  une  conlribulion  imporlante  à  l'étude  des 
correspondances  que  Con  peut  établir  entre  les  éléments 
géométriques  fondameûtaux. 

Ce  mémoire  porte  poux-  devise  :  Et  si  fateor  ab  eo  quod 
est  absùlute  minimum  ad  ed  quod  minimo  proximiim  non 
ttbique  tulam  esse  collectionem.  (Kepler,  Slereometria  ; 
Arghimed.  supplem.  Thèse  XXV.) 

La  Classe,  raliliant  les  conclusions  des  rapports  de  ses 
commissaires,  n'a  pas  décerné  le  prix  proposé. 

—  Un  mémoire  portant  pour  devise  :  Les  phénomènes 
de  la  précession  des  éqiiinoxes  et  de  la  nutation  de  Caxe 
du  monde  sont  exactement  les  mêmes  que  si  la  mer  formait 
une  masse  solide  avec  les  sphéroïdes  qu'elle  recouvre 
(Laplage,  Mécanique  céleste,  t.  H,  p.  339),  a  été  reçu  en 
réponse  à  la  question  : 

Poser  les  équations  du  mouvement  de  rotation  de  l'écorce 
solide  du  globe,  en  tenant  compte  des  actions  extérieures, 
du  frottement  de  l'écorce  sur  la  partie  fluide  du  noyau  et 
des  réactions  intérieures. 

Indiquer  le  mode  d'intégration  qui  pourrait  être  appliqué 
à  ces  équations. 

La  Classe  se  prononcera  ultérieurement  sur  les  conclu- 
sions des  rapports  de  ses  commissaires. 


(774) 

Un  mémoire  portant  pour  devise  :  Toujours  tout  droit, 
a  été  reçu  en  réponse  à  la  question  : 

On  demande  de  nouvelles  recherches  morphologiques 
pouvant  éclairer  la  phylogénie  d'un  des  grands  embran- 
chements des  invertébrés. 

Le  manuscrit  est  intitulé  :  Recherches  sur  divers  Opis- 
thobranches. 

La  Classe,  adoptant  les  conclusions  des  rapports  de  ses 
commissaires,  a  accordé  sa  médaille  d'or  de  six  cents  francs 
à  l'auteur  de  ce  mémoire,  M.  Paul  Pelseneer,  professeur  à 
l'École  normale  de  Gand. 


PRIX  CHARLES   LEMAIRE    EN   FAVEUR   DE   QUESTIONS  RELATIVES 
AUX  TRAVAUX  PUBLICS. 

Institution. 

M"'  Adélaïde  Lemaire,  domiciliée  à  Beaumonl  (Belgique), 
et  décédée  à  Paris  le  2  décembre  1890,  avait  inscrit  la 
disposition  suivante  dans  son  testament  mystique  : 

Je  donne  à  l'Académie  des  sciences  de  Belgique  la 
somme  de  vingt-cinq  mille  francs  pour  que  les  revenus  en 
soient  affectés  à  la  formation  d'un  prix  qui  sera  décerné 
tous  les  deux  ans,  sous  le  nom  de  prix  Charles  lemaire, 
à  l'auteur  du  meilleur  mémoire  publié  sur  des  questions 
relatives  aux  travaux  publics. 

Conformément  à  la  volonté  de  la  testatrice,  la  Classe 
avait   offert   pour  la    première  période   de  ce  concours 


(773  ) 

{i"  juillet  i89 1-30  juin  1893),  un  prix  de  l/t20  francs  k 
l'auteur  du  meilleur  mémoire  se  rapportant  à  la  fondation. 
Ce  prix  a  été  décerné  à  VI.  P.  Christophe,  ingénieur 
des  ponts  et  chaussées  à  Liège,  pour  son  livre  intitulé  : 
Les  fondations  à  Vair  comprimé  sans  incorporation  de  fers 
dans  les  maçonneries,  et  leur  application  à  la  reconstruc- 
tion de  la  passe  navigable  du  barrage  de  rivière. 


ÉLECTIONS. 

Depuis  ses  dernières  élections,  la  Classe  a  perdu  un 
de  ses  memhres  titulaires,  M.  Henri  Mans,  et  cinq  de  ses 
associés  :  sir  Richard  Owen,  Alph.  de  Candolle,  Jacques 
Moleschotl,  DionysSlur  et  John  Tyndall. 

Ont  été  élus,  dans  la  section  des  sciences  mathématiques 
el  physiques  : 

Membre  titulaire,  saut"  approbation  royale  :  M.  H.  Valé- 
rius,  correspondant. 

Correspondant  :  M.  Maurice  Delacre,  professeur  à 
l'Université  de  Gand. 

Dans  la  section  des  sciences  naturelles  : 

Associés:  MM.  O.-C.  Marsh,  professeur  de  paléontologie 
an  Yale  Collège  de  New  Haven  (États-Finis;  Jules  von  Sachs, 
professeur  à  l'Université  de  Wurtzbourg,  et  Th.-W.  Engel- 
mann,  professeur  à  l'Universilé  d'Utrecht. 


(  776  ) 


OUVRAGES  PRESENTES. 


Lavaleye  {Emile  de).  Essais  cl  Études,  première  série, 
1861-1873.  Gand,  1894;  vol.  in-8». 

Brialmont.  Discours  prononcé  à  l'inauguration  du  monu- 
ment élevé  au  lieutenant  général  Liagre,  à  l'École  militaire,  le 
28  novembre  1893.  4  pages  in-folio. 

Errera  {Léo).  Les  juifs  russes.  Extermination  ou  émancipa- 
tion,avec  une  lettre-préface  de  Th.  Mommsen.  Bruxelles,  1893; 
gr.  in-8»  (184  p.). 

Monchamp  {Georges).  Rapport  historique  lu  au  cinquante- 
naire du  petit  séminaire  de  Saint-Trond.  Liège,  1893;  in-8"' 
(81  p.). 

—  Un  correspondant  belge  de  Descartes  :  le  Père  François 
Fournct,  S.  J.  Bruxelles,  extr.  in-8»  (4  p.). 

Harroy{E.)  et  Ronvaux  {L.).  Freya,  poème  lyrique.  Namur, 
1887;  in-12.  (77  p.). 

Harroy  iE.).  Cromlechs  et  Dolmens  de  Belgique.  Notes  de 
préhistoire.  Namur,  1893;  in-8"*  (181  pages,  1  plan), 

—  Les  Éburons  à  Limbourg  :  le  véritable  Aduatuca  Castel- 
lum  de  César.  Namur,  1889;  ia-8°  (108  p.). 

Picard  {Edmond).  Scènes  de  la  vie  judiciaire.  Bruxelles, 
1893;  pet.  in-8''. 

Gamond  {de).  De  la  revision  constitutionnelle.  Discours  pro- 
noncé le  2  octobre  1 893  à  la  Cour  d'appel  de  Gand.  Gand,  1 893  ; 
in-8»  (27  p.). 

H uhlard  {Emile).  De  l'utilité  des  collections  d'histoire  natu- 
relle régionale.  Mons,  1893;  in-8"  (27  p.). 

Matthieu  (Ernest).  Un  artiste  brainois  :  André  Du  Broecq, 
horloger.  Louvain.  1892  ;  extr.  in-8''  (7  p.). 


(  777  ) 

Peetera  {le  D'  L.).  De  l'applicnlion  de  la  suggeslion  hypno- 
tique à  la  pédagogie.  Bruxelles,  1893;  iii-S"  (12  p.). 

Laer  {Van).  Sur  quelques  modifications  apportées  à  la 
technique  de  M.  Hansen.  pour  l'oblenlion  de  cultures  pures  de 
saccharorayccs  et  d'autres  micro-organismes  analogues.  Paris, 
I893;cxtr.  in-S"  (13  p.). 

Becquet  [Alfr.).  Les  grands  domaines  et  les  villas  de  l'Entre- 
Sainbre-et-Mcuse,  sous  l'Empire  romain.  Naraur,  1893;  extr. 
in-8"  (18  p.). 

—  Les  bagues  franques  et  mérovingiennes  du  Musée  de 
Namur.  Namur,  1893;  extr.  m-^"  (32  pî). 

Ollet  (Paul).  Les  sentences  indéterminées  et  la  législation 
belge.  Bruxelles,  1893  ;  in-8°  (21  p.). 

Gréthy.  OEuvres  :  15*  livraison  :  Colinette  à  la  cour,  comédie 
lyrique  en  trois  actes.  1893;  in-4''. 

Lemaitre  (Alexis).  Roses  et  violettes.  Intimités  (1840  à 
187...).  Namur,  1894;  pet.  in-8». 

Villermont  {la  comtesse  Marie  de).  Histoire  de  la  coiffure 
féraininine.  Bruxelles,  1891  ;  vol.  gr.  in-8°  (822  p.). 

Ministère  de  l'Agriculture,  de  l'Industrie  et  des  Travaux 
publics»  —  Rapport  sur  la  situation  des  sociétés  de  secours 
mutuels,  pendant  les  années  1888-90.  Bruxelles,  1893  ; 
gr.  in-8°.  —  Bulletin  pour  1892-93.  In-8». 

Ministère  de  l'Intérieur.  —  Bulletin,  1892-93;  in-8°. 

La  Cellule,  recueil  de  cytologie  et  d'histologie  générale, 
tome  IX,  2"*  fasc.  Louvain,  1893  ;  gr.  in-8". 

Charleroi.  Société  paléontologique  et  archéologique.  Docu- 
ments et  Rapports,  tome  XIX,  1"  livr.  1893;  in-8°. 

Gand,  Kon.  Vlaamsche  Académie  voor  taal-  en  lelterkunde. 
Verslagen  en  mededeclingen,  1893.  In-8°. 

Liège.  Bulletin  de  Folklore,  1892,  2«  semestre;  1893,  tome  II, 
a**  fasc.  In-8». 


(  778  ) 


Allemagne    et  Autriche-Hongrie. 

Kûkenthal  {Willy).  Vergleichend-analomische  und  enl- 
wickelungsgeschihtliohe  Untersuchungen  an  Walthieren, 
TheilII.  1893;  vol.  m-i" 

Weyr  {Emil).  Ueber  abgelcitete  J"_i  anf  Trâgern  vom 
geschlechte  Eins.  Vienne,  1892;  extr.  in-8°  (14  p.), 

—  Ueber  Vervollstândigung  von  Involutionen  auf  Trâgern 
vom  geschlecbte  Eins,  und  iiber  Steiner'sche  Polygone,  I .und  2. 
Mittbeilung.  Vienne,  1892-93;  2  extr.  in-8°  (27-47  p.). 

Berlin.  K.  Akadenrie  (1er  Wissenschaften.  Sitzungsberichte, 
1892-93.  In-S» 

Breslau.  Gesellschaft  fur  vaterlàndisclie  Cullur.  70  Jahres- 
bericht  mit  Erganzungsbeft,  1893;  2  vol.  in- 8°. 

FR\novî{G-E^-BR\sG\v. lyalur/orschcndeGesellscliaft  Berichte, 
Band  XVII,  I.  und  2.  Heft  1895;  in-8°. 

GoRLiTz.  Oberlausitzische  Gesellschaft  der  Wissenschaften. 
Neues  Magazin,  39.  Band.  1895;  in-8°. 

Gratz.  IVulurwissenschafltkherVerein.  Miltheilungen,1 892. 
In-8°. 

Halle.  Verein  fur  Erdkunde.  Milleilungen,  1893.  In-8°. 

Munich.  Akademie  der  Wissenschaften.  Abbandlungen  nnd 
Silzungsbericbte,  1892-95.  —  Gedacbtnisrede  auf  Karl  Nageli 
(K.  Goebel).  Erkennen,  Erleben,  Erschliessen,  Festrede  (Car- 
rière), 

Ratisbonne.  Hislorischer  Verein.  Verbandlungen,45.  Band. 
1893;  in-8°. 

Thorn.  Coppernicus-Verein  fiir  TF«ssensc/ia/i!.  Mitteilungen, 
HeftVIII.  1893;  in-8°. 

Vienne.  K.k.  Akademie  der  Wissenschaften.  Anzeiger,  1893. 
In-S». 


(  779  ) 

Amérique. 

Very  {Frank-W.).  The  bail  storm  of  may,  20,  1893.  In-8» 
(12  p.). 

AusTiN.  Texas  Academy  of  Science.  Transactions,  vol  I, 
nuniber  2.  1895;  in-8°. 

Washington.  National  Academy  of  sciences.  Report  for  1 892. 
1893;  in-S". 

Washington,  War-department.  Report  of  the  surgeon- 
gcneral  of  the  army,  1895;  in-8°. 

Washington.  Department  of  agricultttre.  Certain  climatic 
features  of  the  two  Dakotas  (John  Finley).  1893;  vol.  in-4°. 


France 

Oppert  (Jules).  Adad-Nirar,  roi  d'Ellassar.  Paris,  1895; 
extr.  in-8»  (1 9  p.). 

—  Les  inscriptions  du  Pseudo-Smerdis  et  de  l'usurpateur 
Nidintabel,  fixant  le  calendrier  perse  Leyde,  1893;  extr.  in-8° 
(14  p.). 

Rey-Pailhade  (J.  de).  Essai  sur  l'unification  internationale 
de  l'heure.  Toulouse,  1895;  in-8''  (35  p.). 

Pascaud  (Henri).  Le  domicile  de  secours  à  l'étranger  et  en 
France.  1895.  In-8°  (22  p.). 

Chavée-Leroy.  La  fermentation,  étude  mise  à  la  portée  des 
viticulteurs.  Bordeaux,  1895;  in-8°  (64  p.). 

De  Bâcher  [Louis).  Louis  XIV,  socialiste.  Beauvais,  1893; 
10-8°  (8  p.). 

Foucarl  {Paul).  Isaac  et  Jacques  Lemaire.  Valenciennes, 
1892;  in-8  (14  p.). 

Nancy.  Académie  de  Stanislas.  Mémoires,  5*  série,  t.  X. 
1895;in-8°. 


(  780  ) 

Paris.  Académie  de  médecine.  Bulletin,  1893.10-8". 
Institut  de  France.  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Aca- 
démie des  sciences  et  de  l'Académie  des  inscriptions,  1893. 


Grande-Bretagne  et  Irlande. 

Casey  (John).  A  sequel  to  tlie  first  six  books  of  ihe  élément 
of  Euclid,  containing  an  easy  introduction  to  modem  geo- 
metry,  with  numerous  exercices.  Edited  by  Patrick  A.  E.  Dow- 
ling.  Dublin,  1892;  pet.  in-8»  (302  p.). 

—  A  treatise  of  the  analytical  geometry  of  the  point,  line, 
circle  and  conic  sections;  Second  édition  by  P.  Dowling. 
Dublin,  1893;  vol.  in-S"  (564  p.). 

Anderson{\ViUiam).The  interdependenceofabstract  science 
and  engineering.  Londres,  1893;  in-8'*  (52  p.). 

Londres.  Linnean  Society.  Zoology  :  Journal,  n»'  152-4: 
Transaction,  vol,  V,  pars  8-10.  Botany  :  Journal,  n"'  202-204; 
Transactions,  vol.  lîl,  8. 

Londres.  Royal  Society.  Proceedings,  n"'  317-327.  Tran- 
sactions, vol.  183,  A  and  B.  1893. 


Italie. 

Guccia  {G.  B.).  Una  definizione  sinletica  délie  curve  polari. 
Palerme,  1893;  extr.  in-S"  (10  p.). 

—  Ricerche  sui  sistemi  lineari  di  curve  algebriche  piane, 
dotali  di  singolarità  ordinarie.  Palerme,  1893;  extr.  in-8* 
(62.  p.). 

Vincenti  {Giuseppe).  Biograpbia  del  professore  cavalière 
Antonio  Michela,  seguita  da  alcunc  considerazioni  relative  alla 
invenzione  del  suo  sistema  fonografico  universale  a  mano,  e  da 
una  monografia  sulla  sua  machina  stenofonografica.  Ivrée, 
1887;in-8°(55  p.). 


(m) 

Vincenti  (Guiseppé).  La  fonog?'afia  universale  Michela  e  la 
fonotelegrafia  universale  Vincenti.  Turin,  1893;  in-4''  (40  p.). 

Naples.  Zoolofjisclie  Station.  Zoologischer  Jahresbericht, 
1892.  Berlin,  1893;  vol.  in-8°. 


Pays  divers. 

Ferron  {Eug.).  Mémoire  analytique  sur  les  divers  systèmes 
suivis  pour  établir  les  équations  fondementales  de  la  théorie 
de  la  lumière.  Luxembourg,  1893;  in-8''  (80-xiv  p.,  pi.). 

Blok  [P.-J).  Geschiedenis  van  het  nederlaandsche  volk, 
deel  IL  Groningue,  1893;  vol.  in-S". 

Lie  [Sophus).  Arcbiv  for  Malbematik  og  Nalurvidenskab, 
V,  4,  VI,  1. 

Luxembourg.  Institut  grand-ducat.  Publications  de  la  sec- 
tion des  sciences  naturelles  et  mathématiques,  tome  XXII, 
1893;  in-8». 

Bale.  Naturforschende  Gesellschaft.  Veihandlungen  der 
Versammlung  von  189:2.  In-8°. 

—  Nouveaux  mémoires,  vol.  XXXIII,  l"""  liv.  1895;  in-4°. 
Berne.  Naturforschende  Gesellschaft.  Mittheilungen,  1892. 

In-8». 

Christiania.  Meteorologisches  Institut.  Jahrbuch,  1891. 
In-i". 

—  Physiographiske  Forening.  Nyt  Magazin,  Bind  XXXIII; 
1-3  Hefte.  1893;  in-8°. 

Stockholm.  Académie  royale  des  .sciences.  Projet  de  mesure 
d'un  arc  du  méridien  de  i°ilO',  au  Spilzberg  (P.  Rosén).  1893; 
in-8''  (31  p.). 

—  Bihang  till  Handlingar,  Bandet  XVIll.  1893;  in-8°. 
Saint-Pétersbourg.   Commission   impériale   archéologique. 

Comptes  rendus  pour  les  années  188:2-1890.  (Avec  un  allas). 
Matériaux  pour  servir  à  l'archéologie  de  la  Russie,  n"'  4  12. 
In -4». 


(  782  ) 

L'Académie  a  reçu  en  outre,  pendant  l'année  1893,  les  publi- 
cations des  Sociétés  savantes  et  les  Recueils  dont  les  noms 
suivent  : 

■envers.  Académie  d'archéologie.  —  Société  royale  de  géo- 
graphie. —  Société  de  médecine.  —  Société  de  pharmacie. 

Bruges.  Société  d'émulation. 

Bruxelles.  Académie  royale  de  médecine.  —  Analecla  Bol- 
landianu.  —  Annales  de  médecine  vétérinaire.  —  Annales 
des  travaux  publics.  —  Bidlelin  de  statistique  démographique 
et  sanitaire  (D'^  iansaens). —  Association  belge  de  photogra- 
phie. —  Bibliographie  de  la  Belgique.  —  Ciel  et  Terre.  — 
Commission  royale  d'histoire.  —  Commissions  royales  d'art 
et  d'archéologie.  —  Institut  de  droit  international  et  de 
législation  comparée. —  Moniteur  belge. —  Moniteur  industriel 
belge.  —  Observatoire  royal.  —  Presse  médicale  belge.  — 
Becueil  consulaire.  —  Bévue  sociale  et  politique.  —  Bévue 
bibliographique  belge.  —  Sociétés  :  d'Agriculture,  d'Anthro- 
pologie, d'Architecture,  royale  de  Botanique,  d'Électriciens, 
Entomologique,  de  Géologie  et  d'Hydrologie,  royale  belge 
de  Géographie,  royale  Malacologique,  de  Microscopie,  royale 
de  Médecine  publique,  royale  de  Numismatique ,  royale  de 
Pharmacie,  des  Sciences  médicales  et  naturelles,  Scientifique 

Charleroi.  Société  paléontologique  et  archéologique. 

Enghien.  Cercle  archéologique. 

Gand.  Le  Drapeau.  —  Messager  des  sciences  historiques.  — 
Bévue  de  l'instruction  publique.  —  Société  de  médecine. 

Genibloux.  Association  des  anciens  élèves  de  l'Institut 
agricole. 

Huy.  Cercle  des  sciences. 

Liège.  Écho  vétérinaire.  —  Institut  archéologique.  —  Société 
géologique  de  Belgique.  —  Société  médico-chirurgicale.  — 
Wallonia. 

Louvain.  Le  Muséon. 

Namur.  Société  archéologique. 


(  783) 

Nivelles.  Soriélé  archéologique. 
Saint-Nicolas.  Cercle  archéologique. 

Berlin.  Deutsche  chemische  Gesellschaft.  —  Geologische 
Gesellschaft.  —  Gesellschaft  fiïr  Erkunde.  —  Gesellschaft  fiir 
Anthropologie,  Ethnologie  und  Urgeschichte.  —  Meteorolo- 
gisches  Institut. 

Bonn.  Naturhistorischer  Verein  der  preussischen  Rhein- 
lande  und  Wesphalens. 

Budapest.  Inslilut  de  géologie.  —  Académie  des  sciences. 

Cracovie.  Académie  des  sciences. 

Francfort-sur-Odor.  Sucietatœ  litterœ. 

Goiha.  Geographische  Anstall. 

Halle.  Nalurwiss.  Verein  fur  Sachsen  und  Thicringen. 

Heidelberg.   Universitàt. 

léna.  3/édizinich-naturwissenschafUiche  Geselschaft. 

Leipzig.  Archiv  der  Mathematik  und  Phijsik.  —  Astrono- 
mische  Gesellschaft.  —  Beihlaller  zu  den  Annalen  der  Physik 
und  Chemie  —  Kôn.  Gesellschaft  der  Wissenschaften.  — 
Zootogischer  Anzeiger. 

Marbourg.  Jahresbericht  ûber  die  Fortschritle  der  Chemie. 
—  Universitàt. 

Prague.  Société  mathématique. 

Strasbourg.  Société  des  sciences,  agriculture  et  arts. 

Vienne.  Anthropologische  Gesellschaft.  —  Kais.  Geologische 
Reichsanstalt.  —  Kais.  Naturhislorisches  Hofmuseum. 

Wurzbourg.  Physikal.-medizinische  Gesellschaft. 

Albany.  New-York  State  Library. 
Baltimore.  John  Hopkins  University 
Buenos-Ayres.  Sociedad  cientifica  Argentina.  —   Bulletin 
mensuel  de  statistique  municipale. 

Cambridge.  Muséum  of  comparative  zoôlogy. 
Chicago.  Ki-7iwood  Observatory. 
Mexico.  Sociedad  <i  Antonio  Alzate  > . 


(  784  ) 

Montevideo.  Universidad. 

New-Haven.  Journal  0/  sciences  and  arts. 

New-York.  Geogrnphical  Society.  —  Academy  of  sciences. 

Philadelphie.  Franklin  Institute.  —  The  american  natu- 
ralist.  —  Philosophical  Society. 

Rio  de  Janeiro.  Sociedade  de  geographia. 

Washington,  Department  of  agriculture.  —  U.  S.  national 
muséum. 

Copenhague.  Société  royale  des  sciences.  —  Société  des 
antiquaires. 

Madrid.  Sociedad  geografica.  —  Real  Academia  de  la  his- 
loria. 

Manila.  Ohservalorio  meteorologico. 

Amiens    Société  industrielle. 

Caen.  Société  linnéenne.  —  Faculté  des  sciences. 

Lille.  Société  géologique  du  Nord.  —  Société  des  architectes. 

Marseille.  Société  scientifique  industrielle. 

Paris.  L'Astronomie  (Flammarion).  —  École  normale  supé- 
rieure. —  École  nationale  des  chartes.  —  Journal  de  l'agri- 
culture. —  Journal  des  savants.  —  Le  Cosmos.  —  La  Nature. 

—  Le  Progrès  médical.  —  Le  Polybiblion.  —  Moniteur 
scientifique.  —  Revue  britannique,  —  Revue  de.t  questions 
historiques.  —  Revue  générale  des  sciences  pures  et  appli- 
quées. —  Revue  politique  et  littéraire.  —  Revue  scientifique. 

—  Revue  de  la  science  nouvelle.  —  L'Électricien,  revue 
internationale  de  l'électricité.  —  Semaine  des  constructeurs. 

—  Sociétés  :  nationale  d'agriculture,  d'anthropologie,  de 
biologie,  chimique,  géologique,  de  géographie,  mathématique, 
météorologique ,  philomatique. 

Adélaïde.   Royal  Society  of  South  Au  stralia. 
Birmingham.  Philosophical  Society. 

Calcutta.  Asiatic  Society  of  Bengal.  —  Meteorological 
Department.  —  Geological  survey. 


(78S) 

Cambridge.  Philosophical  Society. 
Dublin.  Roijal  Irisli  Academy. 
Edimbourg.  Geological  Society.  —  Royal  Society. 
Londres.  Antltropologicul  Institute.  —  Royal  Astronomical 
Society.  —  Chemical  Society.  —  Royal  Geographical  Society 

—  Geological  Society.  —  Institution  of  mechanical  engineers. 

—  Royal  Institut  of  british  architects.  —  Institute  of  civil 
engineers.  —  Royal  Institution  of'Great  Rritain.  —  Mathema- 
tical  Society.  —  Meteorological  Society.  —  Royal  Microsco- 
pical  Society.  —  Nature.  —  Numismatic  Society.  —  Royal 
Statistical  Society.  —  Zoological  Society. 

Manchester.  Philosophical  and  literary  Society. 

Montréal.  Natural  history  Society. 

Neweastle-upon-Tyne.  Institute  of  mining  and  mechanical 
engineers. 

Sydney.  Linneun  Society.  —  Department  of  mines.  — 
Government  stalisticiaji's  Office. 

Toronto.  Canadian  Institute. 

Florence.  Ribiioteca  nationale  centrale.  —  Société  entomo- 
logica  italiana.  —  Rivista  scientifico-industriale. 

Milan.  Société  di  scienze  nalurali.  —  //  nuovo  Risorgimento. 

—  Reale  Instituto  di  scienze  e  lettere. 
Modène.  Socielà  dei  naturalisti. 
Naples.  Société  Reale. 

Padoue.  Société  veneto-trentina  di  scienze  naturali. 

Palerme.  Circolo  giuridico.  —  Circolo  matematico. 

Pise.  Société  toscana  di  scienze  naturali. 

Rome.  Reale  Academia  dei  Lincei.  —  Academia  pontificia 
de  nuovi  Lincei.  —  Ribiioteca  nazionale  centrale  Vittorio 
Emanuele.  —  Comitato  di  artigliera  e  genio.  —  Ministerio 
dei  lavori  pubblici.  —  Rassegna  délie  scienze  geologiche.  — 
Société  per  gli  studi  zoologiche. 

Turin.  Academia  reale  délie  scienze. 

3°"    SÉRIE,    TOME    XXVI.  51 


C  786  ) 

Batavia    Genootschap  van  kunsten  en  wetenschappen. 

Dclfl.  École  polytechnique. 

Harlem.  Société  hollandaise  des  sciences. 

La  Haye.  Instiluut  voor...  volkenkunde. 

Leydc.  Maatschappij  der  Nederlandsche  lellerkunde. 

Coïmbre.  Jornal  mathcmalicas  (Tcixeïra). 

Bucharcsl.  Insliltil  méléorologiqne.  —  Société  des  sciences 
physiques. 

Jassy.  Société  scientifique  et  littéraire 

Knzan.  Université  impériale. 

Moscou.  Société  impériale  des  naluralisles. 

Saint-Pétersbourg.  Archives  des  sciences  biologiques.  — 
Jardin  impérial  de  botanique.  —  Société  impériale  de  géogra- 
phie. —  Société  de  chimie.  —  Comité  géologique. 

Beli,raJc.  Académie  des  sciences. 

Christiania.  Société  des  sciences. 

Stockholm.  Nordiskt  medicinsk  Arkiv.  —  Acta  mathema- 
lica.  —  Société  des  antiquaires. 

Berne.  Le  droit  d'auteur. 

Genève.  Archives  des  sciences  physiques  et  naturelles.  — 
Société  de  géographie. 

Lausaime.  Société  vaudoise  des  sciences  naturelles. 

Zurich.  Naturforschende  Gesellschaft.  —  Astronomische 
Mittheilungen  (Wolf  ) 

Alexandrie.  Institut  égyptien. 
Le  Caire.  Société  khédiviale  de  géographie. 
Tokyo.  Gesellschaft  fiir  Natur-  und  Vôlkerkunde  Ostasiens. 
—  Impérial  Universily. 


BULLETIN    UE   LA(;ADÉMIK   ROYALE   DE   BELGIQUE 

TABLES  ALPHABÉTIQUES 

DU  TOME  VJNGT-SIXIÈME  DE  LA  TROISIÈME  SÉRIE. 

1893. 
TABLE  DES  AUTEURS. 


Albert  I"de  Monaco  (Le  prince).  Hommage  d'ouvrage,  247. 

Albert  (Isidore).  Lauréat  du  concours  des  cantates,  366,  417. 

American  philosophical  Society.  Envoie  le  programme  du  prix  Henry 
Phillips,  664. 

Anonyme.  Mémoire  de  concours  sur  les  éléments  géométriques  fon- 
damentaux (rapport  de  MM.  De  Tilly,  Mansion  et  Le  Paige),  709, 
7d0. 


Bambeke  (Ch.   Van).  Les   matériaux  de  l'organisme   humain,   733. 

Hommage  d'ouvrages,  2,  170.  —  Rapports  :  voir  Francotle  (P.), 

Pelseneer  (P.). 
Bnstelaer  (René  Van).  Mémoire  couronné  sur  le  rôle  de  la  gravure  en 

taille-douce  (rapports  de  MM.  Demannez,  Markelbach  et  Hymans), 

371,  378,  379;  proclamé  lauréat,  396,  415;  remercie,  548. 
Bcaitpain  (J.).  Sur  quelques  produits  indéfinis  (Mém.  couronné  in-4°, 

t.  LUI),  171,  255;  rapports  de  MM.  Catalan,  Mansion  et  Le  Paige, 

249,  252,  255.  Dépose  un  pli  cacheté,  707. 
Beneden  (Éd.  Van),  Rapports  :  voir  Chapeaux  (M.),  Francotle  (P.), 

Pelseneer  (P.). 


78H  TABLE    DES    AUTEURS. 

Beneden  {P.-J.  Van).  Un  mot  sur  le  Squale  Pèlerin,  33.  Membre  de  la 
Commission  des  finances.  564. 

Benoit  (P.).  Rapport  :  voir  Diiyse  (Flor.  Van). 

Bequet  (Alfr.).  Hommage  d'ouvrage,  663. 

Berge  (Albert).  Dépose  un  pli  cacheté,  247. 

Bertolotti  [Ant.).  Décès,  367. 

Blok{P.-J.).  Hommage  d'ouvrage  (Geschiedenis  van  het  nederlandsche 
volk,  t.  Il),  663;  avec  note  par  P.  Fredericq,  665. 

Body  (Michel).  Dépose  un  billet  cacheté,  247. 

Bommer  (Cli.).  Sclerotes  et  cordons  mycéliens,  707. 

Barmans  (Slan.).  Membre  de  la  Commission  des  finances,  666. 

Bouglon  (B.  de\  Hommage  d'ouvrage,  274. 

Brialmont  (Alexis).  Discours  prononcé  aux  funérailles  de  H.  Maus,  173; 
accepte  de  rédiger  pour  VAn7iuaire  la  notice  du  défunt,  170.  Hom- 
mage d'ouvrage  (discours  prononcé  à  l'inauguration  du  monument 
élevé  au  lieutenant  général  Liagre^  562.  Réélu  membre  de  la  Com- 
mission spéciale  des  finances,  564. 

Briart  (Alph.).  Hommage  d'ouvrage,  2.  —  Rapport  :  voir  Chris- 
tophe [P.). 

Briquet  (John).  Hommage  d'ouvrages,  3. 

Brunner  (H.).  Remercie  pour  son  élection  et  pour  son  diplôme,  108. 

Buschmann  (PaiU).  Mémoire  couronné  sur  le  rôle  de  la  gravure  en 
taille-douce  (rapports  de  MM.  Demannez,  Markelbach  et  Hymans), 
371,  378,  379;  proclamé  lauréat,  396,  415;  remercie,  548. 


Candèze(Ern.).  Rapport  :  voir  Meunier  (F.). 

Casey  (Feu  John).  Voir  Dowling  (Patrick)  et  Neuberg  (/.). 

Catalan  (Eug.).  Remarques  sur  la  théorie  des  nombres  et  sur  les  frac- 
tions continues  (Mémoires  ïn-¥,  t.  LU),  258.  —  Rapport  :  voir 
Beaupain  (J.). 

Cercle  archéologique  du  Pays  de  Waes.  Lettre  relative  k  la  repro- 
duction de  la  grande  carte  d'Europe  de  Mercator  (1592),  272;  lecture 
du  rapport  de  MM.  Wauters  et  Vander  Haeghen,  547. 

Cesàro  (G.).  Sur  une  méthode  simple  pour  mesurer  le  retard  des  miné- 
raux en  lames  minces,  208;  rapport  de  MM.  de  la  Vallée  Poussin  et 
Renard,  177,  180.  Formation  de  l'opale  noble  par  l'action  de  l'acide 
hydrofluosilicique,  721  ;  rapport  de  MM.  de  la  Vallée  Poussin  et 
Spring,  707,  709. 


TABLE   DES   AUTEURS.  789 

Chapeaux  (Murcellin).  Sur  la  nutrition  des  Échinodermes,  2-27;  rap- 
port de  MM.  Éd.  Van  Beneden  et  Plateau,  180, 182. 

Chavée-Leroy .  La  température  du  moût  de  vin  pendant  la  fermen- 
tation, 563. 

Chcstrel  de  Haneffe  {Le  baron  J.  de).  Hommage  d'ouvrage,  27  i. 

Christophe  (P.).  Prix  Ch.  Lemaire  pour  son  ouvrage  sur  les  fondations 
à  l'air  comprimé  (rapport  de  MM.  Van  der  Mensbrugghe,  Briart  et 
DeHeen),  717;  proclamé  lauréat,  77S. 

Comité  géologique  de  Saint-Pétersbourg.  Hommage  d'ouvrage,  171. 

Crépin  Œr.).  Membre  de  la  Commission  des  finances,  1564. 

Culsem  [Henri  Van).  Don  de  mille  francs  à  la  Caisse  centrale  des 
artistes,  l,o6. 

D 

Daneau  (Nicolas).  Lauréat  (mention  honorable)  du  grand  concours  de 
composition  musicale  de  1893,  367.  418. 

De  Backer  (Louis).  Hommage  d'ouvrage,  108. 

Defrecheux  (Joseph^  Hommage  d'ouvrage,  171. 

De  Heen  (P.).  Rapport  :  voir  Christophe  (P.). 

Delaborde  {Le  comte  Henri).  Hommage  d'ouvrage,  549. 

Delacre  (Maurice).  Action  du  zinc-éthyle  sur  le  benzile,  268.  Action 
de  la  chaleur  sur  la  dypnone,  534;  rapports  de  MM.  L.  Henry  et 
Spring,  255,  257,  461,  462.  Nouvelle  synthèse  graduelle  de  la  ben- 
zine, 563.  Élu  correspondant,  775. 

Delaey  (C.-H.).  Projets  de  prise  d'eaux  potable  et  industrielle  et  de 
ports  de  mer  belges,  172;  avis  de  M.  De  Tilly,  248;  dépôt  de  cette 
note  et  de  diverses  autres  aux  archives,  248,  707. 

De  la  Royère  { VV.i.  Sur  de  nouveaux  procédés  permettant  de  déceler 
les  huiles  végétales  et  animales,  654;  rapport  de  MM.  Henry  et 
Spring,  571,  572. 

de  la  Vallée  Poussin  (Ch.).  Rapport  :  voir  Cesàro  (G.). 

de  la  Vallée  Poussin  (Ch.)  fils.  Hommage  d'ouvrage,  247. 

Delbœuf{J.).  Hommage  d'ouvrages,  2,  246. 

Demannez  (J.).  Membre  de  la  Commission  des  finances,  705.  -  Rap- 
port :  voir  Bastelaer  (R.  Van)  et  Buschmann  (P.). 

De  Quéker  {Ch.).  Des  grèves  en  'Amérique.  Leurs  causes  et  leurs 
résultats  les  plus  récents,  144. 

Deruyts  {F.).  Sur  les  groupes  d'éléments  neutres  communs  à  deux 
évolutions  quelconques,  232;  rapport  de  M.  Le  Paige,  182  Sur  les 


790  TABLE    DES    AUTEURS. 

groupes  d'éléments  neutres  communs  à  un  nombre  quelconque 

d'involutions,  248. 
Dermjts  (/.)•  Sur  une  propriété  des  fonctions  invariantes,  258. 
De  Sncrck  {J.-B.).  Lauréat  du  concours  des  cantates,  366,  417.  Lady 

Macbeth  (poème  couronnés  419;  traduction  par  Emm.  Hiel,  431. 
Detroz.  Hommage  d'ouvrage,  545. 
De  Voogkt  {Louis).  Lauréat  (mention  honorable)  du  grand  concours 

d'architecture  de  1893,  240,  417. 
DoneuxiA.).  Hommage  d'ouvrage.  247. 

Donny  {Lucien).  Sur  un  cas  de  germination  parasitaire  chez  les  gra- 
minées, 248;  remis  en  possession  de  son  manuscrit,  455. 
Dowling  (Patrick).  Hommage  d'ouvrage  (A  sequel  to  Euclid.-Analyti- 

cal  geometry;  by  J.  Casey^.  Nouvelles  éditions,  563;  note  sur  ces 

volumes  par  P.  Mansion,  564. 
Dupont  {Éd.).  Rapport  :  voir  Meunier  (F.). 
Duyse  {Flor.  Van).  Mémoire  couronné  sur  l'histoire  de  la  chanson 

mondaine  française  et  flamande,  depuis  le  W  siècle  (rapports  de 

MM.  Huberti,  Gevaert  et  Benoit),  397,  398;  proclamé  lauréat,  415; 

remercie,  548. 


Eekhoud  [Georges).  Pi'ix  quinquennal  de  littérature  française  (neu- 
vième période),  272;  proclamé  lauréat,  416. 

Engebnann  {Th.  W.\  Élu  associé,  775. 

Errera  (L.).  Sur  le  «  pain  du  ciel  »  provenant  du  Diarbékir,  83.  Hom- 
mage d'ouvrage,  562. 


Félix  {Jules).  Hommage  d'ouvrage,  247. 

Perron  (Eug.).  Hommage  d'ouvrage,  454. 

Folie  (F.).  Revendication  de  priorité,  24.  Détermination  de  la  con- 
stante de  l'aberration,  de  la  parallaxe  de  la  polaire,  de  la  vitesse- 
du  système  solaire  et  des  constantes  de  la  nutation  diurne,  au 
moyen  des  observations  de  latitude  de  Gyldén  et  de  Peters  à 
Poulkova,  183.  Recherche  correcte  de  la  constante  de  l'aberration 
par  des  observations  dans  le  premier  vertical,  194.  Essai  sur  les 
variations  de  latitude,  577.  Bolides  remarquab'es  dans  la  nuit  du 
6  au  7  novembre  1893,  614.  Hommage  d'ouvrage,  170. 


TABLE    DES   AUTEURS.  791 

traikin  (Ch-A.).  Décès,  695.  Discours  prononcé  k  ses  funérailles  par 
le  chevalier  Edm.  Marchai,  G96. 

Francotle  (P.)  Hommage  d'ouvrage,  171.  Sur  l'œil  pariétal,  la  para- 
physe  de  Selenka  et  les  plexus  choroïdes  du  troisième  ventri- 
cule, 171  ;  rapport  de  MM.  Éd.  Van  Beneden  et  Van  Bambeke,  457, 
461,  S65.  Quelques  essais  d'embryologie  pathologique  expéri- 
mentale, 563. 

Frederichs  {Jules).  Hommage  d'ouvrages  (Bataille  des  Éperons  d'or.  — 
Cri  de  guerre  des  Matines  brugeoises\  274;  note  par  P.  Frede- 
ricq,  277. 

Fredericq  {Léon).  L'autotomie  ou  la  mutilation  active  dans  le  règne 
animal,  758. 

Fredericq  (P.).  Notes  bibliographiques  :  voir  Blok  (P.-J-),  Frede- 
richs ,/.),  Pirenne(H.}. 

Frère-Orban  (  VV.).  Hommage  d'ouvrage,  108. 


Gailhabaud  {Jules).  Décès,  367. 

Gamond  (de).  Hommage  d'ouvrage,  664. 

Geleyn  {Jos.).  Lauréat  du  concours  de  gravure  en  médaille,  403,  416. 

Génard  (P.).  Sur  un  portrait  du  musée  d'Anvers,  549. 

Gevaert  (F.-A.).  Mort  de  son  fils  Paul  (condoléances),  239;  remercie, 

366.  Hommage  de  l'Annuaire  du  Conservatoire,  371.  —  Rapport: 

voir  Duyse  {Flor.  Van). 
Gillet  {€.).  Constitution  du  camphre  et  de  ses  dérivés,  ^63. 
Gilson  (P.).  Premier  envoi  réglementaire,  367. 
Giron  {Alfred).  Notice  sur  Ch.  Faider  pour  l'Annuaire  de  1894,  544. 
Gluge  (Tliéoph.).  3Iembre  de  la  Commission  des  finances,  564. 
Goblet  d'Alviella  {Le  comte  Eug.).  Rapport  :  voir  Hurlez  {de). 
Goeij  (Roger  de).  Hommage  d'ouvrages,  237,  274. 
Gounod  ^Ch.).  Décès,  370. 
Graftiau  (J.).  Hommage  d'ouvrage,  247. 

U 

Haneuse  (L.).  Hommage  d'ouvrage,  108. 

Harlez  (Le  chevalier  Ch.  de).  La  religion  et  les  cérémonies  impériales 
delà  Chine  moderne  (imprimé  dans  le  tome  LU  desA/m.  in-4»),  237; 


792  TABLE    DES   AUTEURS. 

lecture  des  rapports  de  MM.  Le  Roy,  Willems  et  le  comte  Goblet 

d'Alviella,  278.   —  Note  bibliographique  :   voir  Scerbo  (F.).  — 

Hommage  d'ouvrages,  237,  274,  5iS. 
Harroy  (£).  Hommage  d'ouvrages,  663. 
Hecq  (Gaëtan).  Hommage  d'ouvrage,  237. 
Henrard  (P.).  Membre  de  la  Commission  des  finances,  666. 
Henry  (Louis).  Recherches  sur  les  dérivés  monocarbonés,  200,  615. 

—  Rapports  :  voir  Delacre  (M.),  De  la  Royère{W.),  Sonay  (A.  De), 

Swarts  (F.),  Voget  (F.). 
Hiel  (Emm.).  Traduction  de  la  cantate  Lady  Macbeth,  431. 
Houwaert  (J.B.).  Voir  0.  Yan  den  Daele. 
Huberti  (Gust.).  Rapport  :  voir  Duyse(Flor.  Van\ 
Hublard  {Emile).  Hommage  d'ouvrage,  563. 
Hymans  (H.).  Rapport  :  voir  Bastelaer  (fi.  Van)  et  Buschmann  (P.). 


Institut  royal  "des  sciences,  des  lettres  et  des  arts  de  Venise.  Adresse 
le  programme  de  ses  concours,  2. 


Jonghe  (Le  vicomte  B.  de).  Hommage  d'ouvrages,  545. 

Joîweneau  (A.).  Phénomène  optique  nouveau  que  l'on  doit  observer 

si  l'éther  ne  participe  pas  au  mouvement  de  la  Terre,  171;  dépôt 

aux  archives  avec  le  rapport  de  M.  Lagrange,  565. 


Kockerols  (Ad.).  Premier  rapport,  368. 

Kurth  (God.).  La  frontière  linguistique  en  Belgique  et  dans  -le  nord 
rie  la  France  (revision  de  la  seconde  partie),  546. 


Laer  (J.  Van).  Hommage  d'ouvrage,  663. 
Laçasse  (Ch.).  Hommage  d'ouvrage,  247, 


TABLK    DKS    AUTEURS.  793 

iMgrange  (Cfi).  Rapports  :  voir  Joiiveneau  (  A.),  Ronkar  {Éin.}. 
Lambot  {Emile).  Lauréat  (mention   honorable)  du  grand  concours 

d'architecture  de  1893,  240,  417. 
Lancaster  (Alb.).  Hommage  d'ouvrage.  3. 
Laveleye  (M"'"  veuve  E.  de).  Hommage  d'ouvrage,  663. 
LavùseiErn.).  Remercie  pour  son  élection  et  pour  son  diplôme,  108. 

Hommage  d'ouvrage,  108. 
Leemans  {Conrad).  Son  décès,  544. 
Lemaitre  (Alexis).  Hommage  d'ouvrage,  664. 
Le  Paige  {Ch.).  Rapports  :  voir  Anonyme,  Bcaupain  (J.),  Deruyts  {F.), 

Servais  iClém.). 
Le  Boy  {Alpk.).  Rapport  :  voir  Mariez  (de). 
Lethierry  (L.).  Hommage  d'ouvrage,  454. 
Liagre  (Feu  J.-B.-J.).  Inauguration  de  son  monument,  562. 
Lobatchewsky  (Nicolas"*.  Centième  anniversaire  de  naissance,  455. 
Li\bke{Wilhem\  Décès,  367. 
Ltinssens  (J.-M.).  Lauréat  (premier  second  prix)  du  grand  concours  de 

composition  musicale  de  1893,  367,  418. 


M 

Manelli  (Ant.^.  Hommage  d'ouvrage,  3. 

Mansion  {P.K  Rapport  :  voir  Anonyme,  Beaitpain  (i.).  -  Note  biblio- 
graphique :  voir  Dowling  (Patrick)  et  Neuberg  (J.). 

Marchai  {Le  clievalier  Edm.)  Présente  le  deuxième  fascicule  du 
tome  XII  de  la  Biographie  nationale,  545.  Discours  prononcé  aux 
funérailles  de  Ch.-A.  Fraikin,  696.  —  Note  bibliographique.  Voir 
Viller mont  {Comtesse  Marie  de). 

Markelbach  (Alex.).  Rapport  :  voir  Basielaer  {H.  Van)  et  Busch- 
mann(P.). 

Marsh iO.-C).  Élu  associé,  775. 

Martens  [Fréd.  de).  Remercie  pour  son  élection  et  pour  son  diplôme, 
108. 

Masius{J.-B.).  Rapport  :  voir  Metzler  (J.-P.). 

Matthieu  {Ern.).  Hommage  d'ouvrage,  664. 

Mans  {H.).  Décès,  170;  discours  prononcé  à  ses  funérailles  par  le 
général  Brialmont  qui  est  également  chargé  de  rédiger  pour 
YAnnuaire  la  notice  du  défunt,  173. 


794  TABLE    DES    AUTEURS. 

Mertens  [Franc.).  Second  prix  du  grand  concours  d'architecture  de 

1893,  240,  417. 
Mesdachde  ter  Kiele{Ch.-J.).  Hommage  d'ouvrage,  274. 
Metzler  J -P.).  Le  choléra,  le  mal  de  mer  et  l'hypocondrie  (lecture 

du  rapport  de  iWM.  Masius  et  C  Vanlair),  455. 
Meunier  (Fernand).  Contribution  à  la  faune  des  diptères  fossiles  de 

l'ambre   tertiaire    (dépôt    aux  archives\   248,   576;   rapports   de 

MM.  Dupont  et  Candèze,  572,  574. 
Ministre  de  l'Agriculture,  de  Vlndustrie  et  des   Travaux  publics. 

Envoi  d'ouvrages,  246,  663. 
Ministre  de  la  Guerre.   Envoi   d'un  exemplaire   du   plan   de   Bru- 
xelles, 170. 
Ministre  de  la  Justice.  Envoi  d'ouvrage,  273. 
Ministre  de  llntérieur  et  de  l'Instruction  publique.  Envoi  d'ouvrages, 

170,  236,  246,  273,  454,  545,  562,  662,  696. 
Ministre  des  Affaires  étrangères.  Envoi  d'ou\rage,  237. 
Mommsen  (Théodore).  Son  cinquantième  anniversaire  de  doctorat 

(liste  de  souscription),  237. 
Monchamp  [G.].  Hommage  d'ouvrage,  663.  —  Note  bibliographique  : 

voir  Sociétés  de  littérature  française  et  de  littérature  flamande  du 

petit  séminaire  de  Saint-Trond. 
Mortelmans  [Louis-Ch.-Anl.\  Premier  prix  du  grand  concours  de 

composition  musicale  de  1893,  367,  418;  exécution  de  sa  cantate 

Ladij  Macbeth,  418. 
Mourlon  (M.).  Membre  de  la  Commission  des  finances,  564. 


Sadaillac  (Le  marquis  de).  Hommage  d'ouvrage,  108. 

Neuberg  (J.).  Hommage  d'ouvrages  (A  sequel  to  Euclid.-Analytical 

geomelry;  by  .1.  Casey).  Nouvelles  éditions,  563;  note  par  P,  Man- 

sion,  .564.  —  Rapport  :  \oir  Servais  (Clém.). 


Oppert  (Jules).  Hommage  d'ouvrages,  663. 
Otlet  (P.'.  Hommage  d'ouvrage,  664. 


TABLE    DES    AUTEURS.  795 


Pagart  d'Hermansart.  Hommage  d'ouvrage,  274. 

Pasraud  {H.).  Hommage  d'ouvrage,  663. 

Pauli  (Adolphe).  Membre  de  la  Commission  des  tinances,  705. 

Peeters  (L.).  Hommage  d'ouvrage,  663. 

Pelseneer  (Paul).  Mémoire  couronné  sur  divers  Opisthobranches  (rap- 
ports de  MM.  Éd.  Van  Beneden,  Plateau  et  Van  Bambeke),  711,  716, 
717;  proclamé  lauréat,  774. 

Petermann  (A.).  Hommage  d'ouvrage,  247. 

Philippe  de  Saxe-Cobourg  et  Gotha  \S.  A.  R.  le  prince).  Hommage  d'ou- 
vrages, 274. 

Piot  (Ch.).  Hommage  du  tome  X  de  la  Correspondance  du  Cardinal 
de  Granvelle,  avec  note  bibliographique,  274.  Membre  de  la  Com- 
mission des  finances,  666. 

Pirenne  (H.).  Hommage  d'ouvrage  (Bibliographie  de  l'Histoire  de 
Belgique)  avec  note  par  P.  Fredericq,  108,  109. 

Plateau  (F.).  Rapports  :  voir  Chapeaux  {M.\  Pelseneer  (P.). 

Pregaldino  [Pierre).  Hommage  d'ouvrage,  171. 

Puisage  (Jules).  Hommage  d'ouvrage,  237. 


R 


Reiny  (L.).  Hommage  d'ouvrage,  247. 

Renard  (À.).  Rapport  :  voir  Cesàro  [G.). 

Rey-Pailhade  (J.  de).  Hommage  d'ouvrage,  ^63. 

Robie  [Jean).  Membre  de  la  Commission  des  finances,  705. 

Robyns  (F.-A.)-  Remercie  comme  lauréat  du  concours  Guinard,  2,108. 
Hommage  d'ouvrage,  563,  664. 

Rowbaux  (Égide).  Premier  rapport  et  premier  envoi  réglementaire, 
156,  240  ;  lecture  de  l'appréciation  de  la  section  de  sculpture,  368; 
second  rapport,  368. 

Ronkar  (E.).  Sur  la  propagation  de  la  chaleur  dans  les  milieuît  résis- 
tants (rapport  de  MM.  Ch.  Lagrange  et  De  Tilly),  4,  17.  Hommage 
d'ouvrage,  170. 

Rooses  (Max.).  Notice  sur  Ch.  Verlat  pour  {'Annuaire  de  1894,  367. 


796  TABLE    DES   AUTEURS. 


Sacfis  {Jules  von).  Élu  associé,  775. 

Samuel  (Ad.).  L'art  libre  et  l'enseignement  de  la  musique,   405. 

Membre  de  la  Commission  des  finances,  705. 
Scerbo  (Francesco).  Hommage  de  divers  opuscules  de  philologie  et  de 

linguistique  avec  note  par  le  chevalier  Ch.  de  Harlez,  237,  238. 
Selys  Longchamps  (Le  baron  Edm.  de).  Sur  l'acclimatation  de  deux 

espèces  de  Tétras  en  Belgique,  72. 
Servais  (Clém.).  Sur  les  cubiques  gauches  (Mémoires  in-8«),  3,  457; 

rapport  de  MM.  Le  Paige  et  Neuberg,  456.  Sur  les  sphères  bitan- 

gentes  à  une  surface  de  second  degré,  91;  rapports  de  MM.  Le 

Paige  et  Neuberg,  18,  21. 
Severin  (G.).  Hommage  d'ouvrage,  454. 

Sleeckx  (D.).  Rapport  :  voir  Veerdeghem  {F.  Van)  en  Van  den  Daele. 
Slingeneijer  [Ern.].  Membre  de  la  Commission  des  finances,  705. 
Sociétés  de  littérature  française  et  de  littérature  flamande  du  petit 

séminaire  de  Saint-Trond.  Hommage  d'ouvrages   avec  note  par 

G.  Mongchamp,  545,  546. 
Société  hollandaise  des  sciences  à  Harlem.  Adresse  le  programme  de 

ses  concours  pour  les  années  1894  et  1895,  171. 
Société  industrielle  d'Amiens.  Adresse  le  programme  de  ses  questions 

de  concours,  247. 
Sonay  (A.  De).  Sur  l'ordre  de  substitution  de  l'hydrogène  par  le 

chlore  dans  l'oxyde  de  méthyle  et  le  méthylal,  629;  rapport  de 

MM.  Henry  et  Spring,  565,  570. 
Spring    (W.).    Rapports   :   voir   Cesàro  (G.),  Delacre  (M.),   De    la 

Hoyère  (W.),  Sonay  [A.  De),  S^uarts  (F.),  Vogel  (E.). 
Stecher  (J.).  Rapport  :  voir  Veerdegfiem  {F.  Van)  en  Van  den  Daele. 
Stroobant  (P.^.  Dépose  un  billet  cacheté,  455. 
Stur  (DionyS-R.-J.).  Décès,  455. 
Sugg  (E.).  Hommage  d'ouvrage.  247. 
Simrts    (F.).    Sur   le    fluorchlorbromméthane,    102;    rapports    de 

MM.  Spring  et  Henry,  22,  23. 


Tackels{C.-J.).  Hommage  d'ouvrage,  171. 

Terby  (F.).  Sur  une  photographie  représentant  des  effets  de  dédou- 
blement analogues  à  la  gémination  des  canaux  de  Mars,  obtenus 
par  le  procédé  de  M.  Stan.  Meunier,  30.  Hommage  d'ouvrage,  2. 


TABLE    DES   AUTEURS.  797 

Thomas  (P.).  Remarques  sur  quelques  passages  de  Térence  et  de  Sénè- 

que,  660. 
Tilly  {J.  De).  Essai  de  géométrie  analytique  générale  {Mémoires  in-S», 

t.  XL VII),  258.  —  Rapports  :  voir  Anonyme,  Bonkar  (E.). 
Tylor  {Edw.  Burnett).  Remercie   pour  son  élection   et   pour    son 

diplôme,  108. 
Tijndal  (John).  Décès,  707. 


Valérius  (H.).  Élu  membre  titulaire,  775. 

Van  den  Daele  lO.)  en  Van  Veerdegliem(F.\  Drie  onuitgegeven  wer- 
ken  van  J.-B.  Houwaert,  344;  rapports  :  de  MM.  Steclier  et  Sleeckx, 
278,  279. 

Vander  Haeghen  (Ferd.).  D'un  catalogue  général  des  bibliothèques 
publiques,  690.  Rapport  :  voir  Comité  archéologique  du  Pays  de 
Waes. 

Vanderkindere  {Léon).  Rapport  :  voir  Waltzing  {P.-J.). 

Van  der  Mensbrugghe  {G.).  Sur  la  cause  commune  de  la  tension  super- 
ficielle et  de  l'évaporisation  des  liquides,  37.  —  Rapport  :  voir 
Christoplie  (P.). 

Van  der  Meulen  {J.-P.).  Lauréat  (deuxième  second  prix)  du  grand 
concours  de  composition  musicale  de  1893,  367,  418. 

Van  der  Stricht  (0.).  Hommage  d'ouvrage,  247. 

Van  der  Waals  {J.-D.).  Hommage  d'ouvrage,  3. 

Vanlair  (C).  Déterminations  chronométriques  relatives  à  la  régéné- 
ration des  nerfs,  489.  —  Rapport  :  voir  Metzler  {J.-P.). 

Veerdeghem  (F.  Van)  en  Van  den  Daele  (0.).  Drie  onuitgegeven  wer- 
ken  van  J.-B.  Houwaert,  344;  rapports  de  MM.  Stecher  et  Sleeckx, 
278, 279. 

Vereecken  (Emile).  Premier  prix  du  grand  concours  d'architecture  de 
1893,  240,  417. 

Verhelle  {Arthur;.  Premier  et  deuxième  rapports  semestriels  et 
premier  envoi  réglementaire,  240, 696. 

Verhoogen  (J.).  Hommage  d'ouvrage,  3. 

Verschaffelt  (J.).  1°  Application  du  réfractomètre  à  l'étude  des  réac- 
tions chimiques;  2°  Indices  de  réfraction  de  mélanges  d'eau, 
d'alcools  et  d'acides  gras,  707. 

Villermont  [Comtesse  Marie  de).  Hommage  d'ouvrage  (Histoire  delà 
coiffure  féminine)  avec  note  par  le  chevalier  Edm.  Marchai,  696, 703. 


798  TABLE   DES   AUTEURS. 

Yirchow  (Biid.).  Médaille  frappée  à  l'occasion  de  la  manifestation  qui 
a  eu  lieu  en  son  honneur,  à  Berlin  (hommage  d'un  exemplaire  en 
bronze),  562. 

Vogel{E.).  Les  déterminations  des  poids  atomiques  de  Stas,  469;  ra|v 
ports  de  MM.  Spring  et  Henry,  462,  466. 


Wagener  (Auguste'.  Observations  complémentaires  sur  la  lecture  de 
M.  Giron  relative  à  &  La  liberté  de  conscience,  à  Rome  »,  283,  808. 
—  Rapport  :  voir  Waltzing  (P.-J.). 

Wallzing  [P.-J.)-  Étude  historique  sur  l'organisation,  les  droits,  les 
devoirs  et  l'influence  des  corporations  d'ouvriers  et  d'artistes  chez 
les  Romains  (révision),  546;  rapport  de  MM.  Wagener,  Willems  et 
Vanderkindere,  667,  674. 

Wauters  (Alph.),  Nouvelle  note  à  propos  des  dépouilles  mortelles  du 
célèbre  Antoine  Arnauid,  130.  De  l'emploi  des  termes  «  style 
gothique  »  et  «  style  ogival  »,  675.  Membre  de  la  Commission  des 
finances,  666.  —  Rapport  :  voir  Comité  archéologique  du  Pays  de 
Waes. 

Willems  (P.).  Membre  de  la  Commission  des  finances,  666.  —  Rap- 
ports :  voir  Harlez  (de),  Waltzing  (P.-J.). 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


Architecture.  Wauters  (Alph.)-  De  l'emploi  des  termes  «  style 
gothique  »  et  «  style  ogival  »,  675 

Astronomie.  Folie  (F.).  Revendication  de  priorité,  24.  Détermination 
de  la  constante  de  l'aberration,  de  la  parallaxe  de  la  polaire,  de 
la  vitesse  du  système  solaire  et  des  constantes  de  la  nutation 
diurne,  au  moyen  des  obs'  rvations  de  latitude  de  Gyldén  et  de 
Peters  à  Poulkova,  183.  Recherche  correcte  de  la  constante  de 
l'aberration  par  des  observations  dans  le  premier  vertical,  194. 
Essai  sur  les  variations  de  latitude,  577.  —  Jouvenau  (A).  Phéno- 
mène optique  nouveau  que  l'on  doit  observer  si  l'éther  ne  participe 
pas  au  mouvement  de  la  Terre,  171;  dépôt  aux  archives  avec  le 
rapport  de  M.  Lagrange,  .%5.  —  Terby  (F.).  Sur  une  photographie 
représentant  des  effets  de  dédoublement  analogues  à  la  gémi- 
nation  des  canaux  de  Mars  obtenus  par  le  procédé  de  M.  Stan. 
Meunier,  professeur  au  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris,  30. 


Beaux-arts.  Voir  Architecture,  Concours  (grands),  Prix  de  Rome, 
Concours  de  la  Classe  des  beaux-arts,  Histoire  de  l'art,  Musique. 

Bibliographie.  Vander  HaeghExN  (F.k  D'un  catalogue  général  des 
bibliothèques  publiques,  690.  -  Notes  sur  les  ouvrages  suivants  : 
Blok(P.-J.).  Geschiedenis  van  het  Nederlandsche  volk,  deel  II; 
par  P.  Fredericq,  665.  —  Dowling  (Patricki  et  Neuberg  (J.). 
a.  A  sequel  to  Euclid.  b.  Analytical  geometry,  by  J.  Casey;  par 
P.  Mansion,  564.  -  Frederichs  (Jules^  a.  Bataille  des  éperons 
d'or;  b.  Le  cri  de  guerre  des  Matines  brugeoises  ;  par  P.  Fre- 
dericq, 277.  —  PiOT  (Ch.).  Correspondance  du  cardinal  de  Gran- 
velle,  tome  X,  274.  —  Pirenne  (H.^  Bibliographie  de  l'histoire 
de  Belgique;  par  P.  Fredericq,  108.  —  Scerbo  (Franc).  Opu- 
scules de  philologie  et  de  linguistique;  par  le  chevalier  Gh.  de 
Harlez,  238.  —  Sociétés  de  littérature  du  petit  séminaire 
de  Saint-Trond  :  a)  Essais  littéraires,  troisième  recueil;  b)  Letter- 
oefeningen  van  het  taalminnend  genootschap  ;  par  G.  Monchamp, 
546.  —  ViLLERMONT  (Comtesse  Marie  de).  Histoire  de  la  coiffure 
féminine;  par  le  chevalier  Edm.  Marchai,  703. 


800  TABLE    DES   AUTEURS. 

Billets  cachetés  déposés  par  MM.  Beaupain  (J.).,  707;  Berge  (Alb.), 
247;  Body  (Mich.),  247;  Stroobant  (P.),  455. 

Biographie.  Discours  prononcés  aux  funérailles  de  Henri  Maus, 
par  le  général  Brialmont,  173;  de  Ch.  Fraikin,  par  le  chevalier 
Edm.  Marchai,  696.  —  Voir  Commission,  Notices  Biographiques 
pour  l'Annuaire  et  Prix  de  Stassart. 

Biologie.  Bambeke  (Ch.  Van).  Les  matériaux  de  l'organisme  humain, 
733.  _  Voir  Embryologie,  Physiologie. 

Botanique.  Bommer  (Charles).  Sclérotes  et  cordons  mycéliens,  707. 
—  DoNNY  (Lucien).  Sur  un  cas  de  germination  parasitaire  chez 
les  graminées,  248;  remis  en  possession  de  son  manuscrit,  455.  — 
Errera  (Léo).  Sur  le  «  pain  du  ciel  »  provenant  du  Diarbékir,  83. 


Caisse  centrale  des  artistes.  Don  de  mille  francs  par  M.  Henri  Van 
Cutsem,  156. 

Célologie.  Beneden  (P.-J.).  Un  mot  sur  le  Squale  Pèlerin,  33. 

Chimie.  Delacre  (Maurice).  Action  du  zinc-éthyle  sur  le  benzile,  268  ; 
rapport  de  3IM.  L,  Henry  et  Spring,  255,  257.  Action  de  la  chaleur 
sur  la  dypnone,  534;  rapport  de  MM.  L.  Henry  et  Spring,  461, 
462.  Nouvelle  synthèse  graduelle  de  la  benzine,  563.  —  De  la 
Royère  (W.).  Sur  de  nouveaux  procédés  permettant  de  déceler  les 
huiles  végétales  et  animales,  654;  rapport  de  MM.  Henry  et  Spring, 
571,  572.  —  Gillet  (C).  Constitution  du  camphre  et  de  ses  dérivés, 
563.  —  Henry  (Louis).  Recherches  sur  les  dérivés  monocarbonés, 
200,  615.  —  SoNAY  (A.  De).  Sur  l'ordre  de  substitution  de  l'hydro- 
gène par  le  chlore  dans  l'oxyde  de  méthyle  et  le  méthylal,  629; 
rapport  de  MM.  Henry  et  Spring.  565,  570.  —  Swarts  (Fréd.). 
Sur  le  fluorchlorbromméthane,  102;  rapports  de  MM.  Spring  et 
Henry,  22,  23.  —  Vogel  (E.).  Les  déterminations  des  poids  ato- 
miques de  Stas,  469;  rapports  de  MM.  Spring  et  L.  Henry,  462,  466. 
—  Voir  Minéralogie. 

Commission  chargée  de  la  publication  d'une  biographie  nationale. 
Présentation  du  deuxième  fascicule  du  tome  XII  de  la  Biographie, 
545. 

Commission  pour  la  publication  des  œuvres  des  grands  musiciens  du 
pays  M.  le  Ministre  envoie  la  quinzième  livraison  des  œuvres  de 
Grétry,  696. 


TABLE   DES    MATIÈRES.  801 

Comynmions  spéciales  des  finances.  Membres  élus  :  Sciences,  564; 
Lettres,  66ij  ;  Beaux-Arts,  705. 

Concours.  Envoi  de  programmes  :  Amiens,  Société  industrielle,  247. 
Harlem,  Société  hollandaise  des  sciences,  171.  Philadelphie, 
American  philosophical  Society  (prix  Henry  M.  Phillips),  664.  Venise, 
Institut  royal  des  sciences,  dos  lettres  et  des  arts,  2. 

Concours  de  la  Classe  des  beaux-arls  (1895).  PARTIE  LITTÉRAIRE. 
Rapports  de  JIM.  Demannez,  Markelbach  et  Hymans  (Rôle  de  la 
gravure  en  taille-douce  depuis  les  derniers  perfectionnements  de 
la  photographie),  371,  378,  379.  MM.  P.  Buschmann  et  René  van 
Bastelaer,  lauréats,  396,  415.  Rapports  de  MM.  Huberti,  Gevaert  et 
Benoit  (Histoire  de  la  chanson  mondaine  française  et  flamande, 
à  une  seule  voix,  depuis  le  XI«  siècle),  397,  398;  M.  Florimond 
Van  Duyse,  lauréat,  402,  415.  Remerciements  des  lauréats,  548.  — 
sujets"  D'ART  APPLIQUÉ.  Peinture  (Grand  panneau  pour  une 
Cour  d'assises).  Dessins  reçus,  368;  prix  non  décerné,  403.  Gravure 
en  médaille  (Médaille  commémorative  de  la  mort  de  S.  A.  R.  le 
prince  Baudouin).  Projets  reçus,  369;  M.  J.  Geleyn,  lauréat,  403. 
Proclamation  des  résultats  des  concours,  415.  —  (1894).  Les 
programmes  seront  publiés  dorénavant  en  français  et  en  flamand, 
157^  Programme  en  français,  157;  en  flamand,  161.  SUJETS  D'ART 
APPLIQUE.  Musique.  Quatuor  pour  instruments  à  archet,  369. 

Concours  de  la  Classe  des  lettres  (1889).  Waltzing  (P.-J.).  Étude 
historique  sur  l'organisation,  les  droits,  les  devoirs  et  l'influence 
des  corporations  d'ouvriers  et  d'artistes  chez  les  Romains  (Revi- 
sion, 546:  rapport  de  MM.  Wagener,  Willems  et  Vanderkindere, 
667,  674.  —  (181)4).  Les  programmes  seront  publiés  dorénavant  en 
français  et  en  flamand,  109  Programme  pour  l'année  1894  (pro- 
gramma voor  het  jaar  1894),  110,  119;  pour  l'année  1895  (voor 
het  jaar  1895),  111,  121. 

Concours  de  la  Classe  des  sciences  (1895).  Mémoires  reçus,  172. 
Les  éléments  géométriques  fondamentaux  (rapport  de  MM.  De  Tilly, 
Mansion  et  Le  Paige),  709,  710.  Mouvement  de  rotation  de  l'écorce 
solide  du  globe  (le  jugement  est  remis  k  une  date  ultérieure),  711. 
Sur  divers  Opisthobranches,  par  P.  Pelseneer  (rapports  de 
MM.  Ed.  Van  Beneden,  Plateau  et  Van  Bambekej  711,  716,  717. 
Proclamation  du  résultat  du  concours,  773. 
Concours  {Grands).  Prix  de  Rome.  Architecture  (1890).  Premier  et 
deuxième  rapports    et  premier  envoi   réglementaire  du  lauréat 

3"*   SÉRIE,    TOME    XXVI.  52 


g02  TABLE    DES   MATIÈRES. 

Verhelle,  -240,  696.  (1895).  Lauréats,  240;  proclamation,  417. 
Musique  (1889).  Envoi  réglementaire  du  lauréat  Gilson  {La  Mer 
et  Derniers  rayons),  367.  (1895).  Lauréats,  367;  proclamation, 
418;  exécution  de  la  cantate  de  M.  L.  Mortelmans,  premier  pi'ix, 
418.  —  Sculpture  (1891).  Premier  rapport  et  premier  envoi  régle- 
mentaire de  M.  Egide  Rombaux,  lo6,  240;  lecture  de  l'apprécia- 
tion de  la  section  de  sculpture,  368.  Deuxième  rapport  du  même 
lauréat,  240. 

Concours  des  cantates.  Lauréats,  366;  proclamation,  417.  Lady 
Macbeth,  par  J.-B.  De  Snerck (cantate  couronnée),  419;  traduction 
en  langue  flamande  par  Emman.  Hiel,  431. 

Cristallographie.  —  Voir  Minéralogie. 


Dons.  Ouvrages  imprimés  :  Albert  I"  de  Monaco  (le  prince),  247  ; 
Bambeke  (Ch.  Van\  2,  170;  Bequet  (Alfr.),  663;  Blok  (P.-J.),  663; 
Bouglon  (R.  de),  274;  Brialmont  (A.),  o62;  Briart  (Alph.),  2; 
Briquet  (J.),  3;  Chestret  de  Hanetfe  (le  baron  J.  de\  274;  Comité 
géologique  de  Saint-Pétersbourg,  171;  De  Backer  (L.),  l08;Defre- 
cheux  (J.),  171;  Delaborde  (le  comte  H.),  549;  de  la  Vallée  Poussin 
(Ch.)  fils,  247;  Delbœuf  (J.),  2,  246;  Detroz,  545;  Doneux  (A.\  247; 
Dowling  (Patrick),  563;  Errera  (Léo),  562;  Félix  (J.),  247;  Per- 
ron (,Eug.),454;  Folie  (F.),  170;  Francotte  (P.»,  171;  Frederichs  (J  \ 
274;  Frère-Orban  ^W.),  108;  Gamond  (de),  663;  Gevaert  (A  ),  371; 
Goey  (Roger  de),  237,  274;  Graftiau  (J.',  247;  Haneuse  (L.),  108; 
Harlez  (le  chevalier  de^,  237,274,545;  Harroy  (E),  663;  Hecq  (G.>, 
237;  Hublard  ^E  ),  563;  Jonghe  (vicomte  B.  de),  545;  Laer  (Van),  563; 
Lagasse(Ch.),247;  Lancaster  (Alb.),  3;  Laveleye  (M-'c  veuve  É.  de  , 
663;  Lavisse  (Ern.),  108;  Lemaitre  (A.),  663;  Lelhierry  (L.),  454; 
Manelli  (A),  3;  Matthieu  (Ern.),  663;  Mesdach  de  ter  Kiele  (Ch.-J.), 
274;  Ministre  de  l'Agriculture,  de  l'Industrie  et  des  Travaux  publics, 
246;  Ministre  de  la  Guerre,  170;  Ministre  de  la  Justice,  273;  Ministre 
de  l'Intérieur  et  de  l'Instruction  publique,  170,  236,  246,  273,  454, 
545,  562,  662,  696;  Ministre  des  Atfaires  étrangères,  237;  Mon- 
champ(G.*,  663  ;  JNadaillac  (le  marquis  de),  108;  Neuberg  iJ.),  563; 
0ppert(J.),663;  Otlet  ;P.),  663;  Pagart  d'Hermansart,  274;  Pas- 
caud  (H.),  663;  Peelers  (L.),  663;  Pelermann  (A.),  247;  Philippe  de 
Saxe-Cobourg-Gotha  (S.  A.  R.  le  prince),  274;   Piot  (Ch.),  274; 


TABLE   DES   MATIÈRES.  805 

Pirenne  (R.),  108;  Prégaldino  (P.),  171;  Puisage  (J.),  237;  Remy  (L.), 
247;  Rey-Pailhade(J.deSf)63;Robyns(F.-A.\\m3,  663;Ronkar(E.), 
170;  Scerbo  (F.;,  237;  Severin  (G.),  454;  Sociétés  de  littérature  du 
petit  Séminaire  de  Saint-Trond,  543;  Sugg  (E.\  247;  Tackels  (C.-J.), 
171;  Terby  tP.),  2;  Van  der  Strieht(0.),  247;  Vander  Waals  J.-D.),3; 
Verhoogen  (J.>,  3  ;  Villermont  (comtesse  Marie  de),  696.  —  Médaille 
en  bronze  (manifestation  Rud.  Virchow),  562. 


Élections.  Classe  des  scie>xes.  H.  Valérius,  membre  titulaire  ;  U^n- 
rice  helacre, -correspondant ;  O.-C  Marsh,  J.  von  Sachs,  Th.W.  En- 
gelmann,  associés,  775.  -  Classe  des  lettres.  Remerciements  des 
associés  pour  leurs  diplômes,  108. 

Embryologie.  Francotte(P.).  Note  sur  l'œil  pariétal,  la  paraphyse  et 
les  plexus  choroïdes  du  troisième  ventricule,  171;  Rapport  de 
MM.  Éd.  Van  Beneden  et  Van  Bambeke,  4.57,  461,  565.  Quelques 
essais  d'embryologie  pathologique  expérimentale  (communication 
préliminaire),  563. 

Entomologie.  Voir  Paléonentomologie. 


Géographie.  Cercle  archéologique  du  pays  de  Waes.  Lettre  relative 
à  la  reproduction  de  la  grande  carte  d'Europe  de  Mercator  (édition 
de  1592,1,  272;  lecture  du  rapport  de  MM.  Wauters  et  Vander 
Haeghen,  547. 

Géologie.  Voir  Minéralogie  et  Paléonentomologie. 

Il 

Histoire.  Wauters  (Alphonse).  Nouvelle  note  à  propos  des  dépouilles 
mortelles  du  célèbre  Antoine  Arnauld,  130.  —  Voir  Prix  de  Sta.ssart. 

Histoire  des  religions.  Harlez  (le  chevalier  Ch.  de).  La  religion  et  les 
cérémonies  impériales  de  la  Chine  moderne,  (tome  LU  des  Mémoires 
in-4o),  237  ;  lecture  des  rapports  de  MM.  Le  Roy,  Willems  et  le  comte 
Goblet  d'Alviella,  278.  —  Wagener  (Aug.).  Observations  complé- 
mentaires sur  la  lecture  de  M.  Giron  relative  à  «  La  liberté  de 
conscience,  à  Rome  ».  283,  808. 


804  TABLE   DES   MATIÈRES. 

Histoire  littéraire,  Veerdeghem  (F.  Van)  en  0.  Van  den  Daele,  Drie 
onuitgegevenwerken  van  J.-B.  Houwaert,  344;  rapports  de  MM.  Ste- 
cher  et  Sleeckx,  278,  279. 

Histoire  de  l'art.  Génard  (Pierre).  Sur  un  portrait  du  musée 
d'Anvers,  549. 

J 

Jubilés,  Manifestations.  Lobatchewsky  (Nicolas).  Centième  anniver- 
saire de  naissance,  455.  —  Mommsen  iThéodore).  Cinquantième 
anniversaire  de  doctorat,  237.  —  Virchow  ;Rud.V  Médaille  frappée 
en  son  honneur,  562. 


Législation.  Wagener  (Aug.).  Observations  complémentaires  sur  la 
lecture  de  M.  Giron  relative  à  «  La  liberté  de  conscience  à  Rome  », 
283, 808. 


Mathématiques.  Beaupain  {L\  Sur  quelques  produits  indéfinis  (Mém. 
couronnés  in4o,  t.  LUI),  171,  255;  rapports  de  MM.  Catalan,  Man- 
sion  et  Le  Paige,  249,  252,  255,  808.  -  Catalan  (EuG.).  Remarques 
sur  la  théorie  des  nombres  et  sur  les  fractions  continues  (imprimées 
dans  le  tome  LU  des  Mémoires  in-4°),  258.  —  Deruyts  (François). 
Sur  les  groupes  d'éléments  neutres  communs  à  deux  évolutions 
quelconques,  232;  rapport  de  C  Le  Paige,  182.  Sur  les  groupes 
d'éléments  neutres  communs  à  un  nombre  quelconque  d'involu- 
tions,  248.  —  Deruyts  (Jacques^  Sur  une  propriété  des  fonctions 
invariantes,  258.  —  Ronkar  (E.).  Sur  la  propagation  de  la  chaleur 
dans  les  milieux  cristallins  (rapport  de  MM.  Ch.  Lagrange  et  De 
Tilly),  4, 17.  —  Servais  iClém.).  Sur  les  cubiques  gauches  [Mém. 
in-8°,  t.  XLIX),  3,  457;  rapport  de  MM.  Le  Paige  et  Neuberg,  456 
Sur  les  sphères  bitangentes  à  une  surface  du  second  degré,  91 
rapports  de  MM.  Le  Paige  et  Neuberg,  18.  21.  —  Tilly  'J.  De).  Essai 
de  géométrie  analytique  générale,  suite  et  fin  (tome  XL VII  des 
Mémoires  in-8"),  258. 

Météorologie  et  physique  du  globe.  Folie  (F.).  Bolides  remarquables 
dans  la  nuit  du  6  au  7  novembre  1893,  614. 

Minéralogie.  Cesaro  (G.).  Sur  une  méthode  simple  pour  mesurer  le 
retard  des  minéraux  en  lames  minces,  208;  rapport  de  MM.  de  la 
Vallée  Poussin  et  A. -F.  Renard,  177,  180.  Formation  de  l'opale 


TABLE    DES    MATIÈRES.  805 

noble  par  l'action  de  l'acide  hydrotluosiliciquc  sur  le  verre,  721; 

rapport  de  MM.  de  la  Vallée  Poussin  et  Spring,  707,  700. 
Monument  élevé  au  fi;énéral  Liagre  (Inauguration  du),  .^S. 
Musique.  Samuei.  (Ad.).  L'art  libre  et  l'enseignement  de  la  musique, 

405.  —  Voir  Concours  {grands).  Prix  de  Rome  et  Concours  de  la 

Classe  des  beaux-arts. 

N 

Nécrologie.  Décès  :  Bertolotti  (A.),  367;  Fraikin  (Cb.),  695;  Gailba- 
baud  (J.),  367;  GevaertiP.  fils',  239;  Gounod  (Ch.),  370;  Lcemans 
(Conrad),  544;  Lubke(W.),  367;  Maus  iH.),  170;  Stur,  455;  Tyndall 
(sir  John),  707. 

Notices  biographiques  pour  IWnyvuairc.  Notice  de  H.  Maus,  par 
M.  Brialmont,  170.  Ch.  Verlat,  par  Max.  Rooses,  367.  Ch.  Faider. 
par  Giron,  544. 


Orientatisme.  Voir  Histoire  des  religions. 

Ornithologie.  Selys  Longchamps  (Baron  B]dm.  de).  Sur  rncclimatalion 

de  deux  es|!èces  de  Tétras  en  Belgique,  72. 
Ouvrages  présentes.  hiïWel,  165;  août,  241;  octobre,  443;  novembre, 

557;  décembre,  776. 


Paléonentomologie.  Meunier  (Ferd.K  Contribution  à  la  faune  des 
diptères  fossiles  de  l'ambre  tertiaire  (dépôt  aux  archives),  248, 
576;  rapports  de  MM.  Dupont  et  Candèze,  572,  574. 

Philologie.  Thomas  iP.).  Remarques  sur  quelques  passages  de  Térence 
et  de  Sénèque,  665.  —  Voir  Concours  de  la  Classe  des  lettres  et 
Prix  de  Stassart. 

Physiologie.  Chapeaux  (Marceulin).  Sur  la  nutrition  des  Échino- 
dermes,  227;  rapport  de  MM.  Éd.  Van  Beneden  et  F.  Plateau,  180, 
182.  —  Fredericq  (Léon).  L'autotomie  ou  la  mutilation  active  dans 
le  règne  animal.  —  Vanuair  (C).  Déterminations  chronométriques 
relatives  à  la  génération  des  nerfs,  489. 

Physique.  Van  der  Mensbrugghe  (G.).  Sur  la  cause  commune  de  la 
tension  superficielle  et  de  l'évaporation  des  liquides,  37  -  Ver- 
schaffelt  (.L).  a.  Application  du   réfractomètre  à   l'étude   des 


806  TABLE    DES    MATIÈRES. 

réactions  chimiques;  b.  Indices  de  réfraction  de  mélanges  d'eau, 

d'alcools  et  d'acides  gras,  707. 
Poésie.  Voir  Concours  des  Cantates. 

Prix  Anton  Bergmann:  Programme  de  la  deuxième  période,  117, 127. 
Pi'ix  Castiau.  Programme  de  la  cinquième  période,  116,  1"26. 
Prix  Charles    Lemaire  (première    période)    Ouvrages    soumis    au 

concours,  3;   rapport  de  MM.  Van   der  Mensbrugghe,  Briart  et 

De  Heen,  717.  M.  P.  Christophe,  lauréat,  774. 
Prix  de  Saint-Génois.  Troisième  période,  114,  124. 
Prix  de   Stassart.   Question    d'histoire    nationale.  (Cinquième 

période  )  Klrth  (God.V  La  frontière  linguistique  en  Belgique  et 

dans  le  nord  de  la  France  (revision  de  la  seconde  partie,  546. 

(Sixième  période.)  Programme,  1 13,  123.  —  Notice  sur  un  Belge 

CÉLÈBRE.  (Septième  période.)  Programme,  114, 124. 
Prix  Godeehar le {[890).  Premier  rapport  du  lauréat  Kockerols,  368. 
Prix  Guinard  (cinquième  période).   Remerciements   adressés   aux 

membres  du  jury  et  remerciements  de  M.  F. -A.  Robyns,  lauréat,  2. 

107;  exemplaires  du  rapport  du  jury  offerts  par  M.  le  Ministre  de 

l'Agriculture  et  par  M.  Robvns,  246,  563,  664. 
Prix  Henry  M.  Phillips.  Programme,  665. 
Prit  Joseph  De  Keyn.   Programme   :   septième  concours,  seconde 

période,  118,  128. 
Prix  Joseph  Gantrelle.  Première  et  deuxième  périodes.  Programme. 

115,125. 
Prix  Teirlinck.  Programme,  quatrième  période,  117,  128. 
Prix  quinquennaux.   Littérature   française  (neuvième   périodei. 

M.  Georges  Eekhoud,  lauréat,  272,  416.  -  Sciences  physiques  et 

mathématiques  (neuvième  période).  Candidats  pour  le  choix  du 

jury,  454,  564. 
Prit  triennaux.  Littérature  dramatique  en   langue    française 

(douzième  période).  Candidats  pourle  choix  du  jury,  662,  666. 

S 

Sciences  médicales.  Metzler  (F. -P.).  Le  choléra,  le  mal  de  mer  et 
l'hypocondrie  (dépôts  aux  archives  après  lecture  des  rapports  de 
MM.  Masius  et  C.  Vanlair),  455.  —  Vanlair  (C.\  Déterminations 
chronométriques  relatives  à  la  régénération  des  nerfs,  480. 

Sciences  .sociales.  De  Quéker  (Ch.^.  Les  grèves  en  Amérique.  -  Leurs 
causes  et  leurs  résultats  les  plus  récents,  144. 


TABLE    DES    MATIÈRES.  807 


Technologie,  Travaux  publics,  elc.  Delaey  [C„  H.),  a)  Avant-supplé- 
ment du  projet  de  prise  d'eaux  potable  et  industrielle;  b)  Projet  de 
ports  de  mer  belges,  171,  172;  dépùt  aux  archives  sur  l'avis  de 
M.  J.  De  Tilly,  248.  c)  Nouvelles  notes  sur  divers  sujets  (dépôt  aux 
archives),  707. 


Viticulture.  Chavée-Leroy.  La  température  du  rnoùt  de  vin  pendant 
la  fermentation,  563. 


TABLE  DES  PLANCHES  ET  DES  FIGURES. 


Pages  214.  —  Cesaro  (G.).  Sur  une  métliode  simple  pour  mesurer  le 
retard  des  minéraux  en  lames  minces  (1  figure). 

—  727-728.  —  Id.  Formation  de  l'opale  noble  par  l'action  de  l'acide 

hydrofluosilicique  sur  le  verre  (3  figures). 

—  7.  —  Lagrange  iCh.).  Sur  la  propagation  de  la  chaleur  dans  les 

milieux  cristallins,  par  E.  Ronkar  (1  figure). 

—  y4,  100.  —  Servais  (Clém.).  Sur  les  sphères  bitangentes  à  une 

surface  du  second  degré  (2  figures), 

—  4!,  53,  55,  58,  70.  —  Van  der  MeiNSBRLGGhe   G.).  Sur  la  cause 

commune  de  la  tension  superficielle  et  de  l'évapora- 
tion  des  liquides  (5  figures.) 


ERRATA. 


Rapport  de  M.  P.  Mansion  sur  quelques  produits  indéfinis;  par 
J.  Beaupain,  p.  249. 

L'avant-dernière  expression  de  la  page  234  et  les  deux  premières 
de  la  page  255  doivent  être  corrigées  comme  il  suit  : 


b  (2n  -f-  a  -+-  p  -I-  1 ,  )3) 
2n  -4-1         \  i3 


0„ 


{in  +  1,3)  ('2n  -t-  1)^    b  (^n  -+-  «  -+-  3  -4-  1. 13)  (2/i  h-  «  -t-  ;3  -+- 1  ) /'^ 


r/3  r/3 


Lecture  de  M.   Wagener  sur  La  liberté  de  conscience  à  Rome, 
page  283. 

Page  322,  ligne   8  :  lisez  104  au  lieu  de  650. 

—  323,    —    30  :  lisez  139  au  lieu  de  615. 

—  325,    —    13  :  lisez  aetas  au  lieu  de  actas. 

—  327,   —      5  :  lisez  Graecina  au  lieu  de  Graccina. 

—  340,  dernière  ligne  :  lisez  o-uvstéXouv  au  lieu  de  auvsxeAouv. 

—  341,  note  2  :  lisez  Domit.  au  lieu  de  Domiet. 

—   341,  note  2  :  lisez  memini,  quum  au  lieu  de  cremini,  quam. 


Lecture  de  M.  Delbœuf,  tome  XXV  de  la  3*  série,  page  695,  ligne  6, 
au  lieu  de  :  or,  comme  je  crois  l'avoir  démontré,  du  moment  qu'il  y 
aura  un  observateur,  il  s'apercevra  du  cliangement  et,  s'il  s'en  aper- 
çoit...^ il  faut  lire  :  et  s'il  s'en  apercevra. 


PUBLICATIONS  ACADÉMIQUES. 

Depuis  la  réorganisation,  en  1816. 

Nouveaux  mémoires,  tomes  I-XIX  (1820-1845);  in-4°.- Mémoire., 
tomes  XX-LI  (1846-1895);  )n-4°.  -  Prix  :  8  fr.  par  volume  a  partir  du 

'"mémoires  eouronnés,  tomes  I-XV  (1817-1842);  in-40  -  Mémoire. 
coaronncH  et  Mémoires  des  savauts  étrangers,  tomes  XVI-LIII 
(1843-1893).  — Prix:  8  fr.  par  volume  à  partir  du  tome  XU. 

Mémoires  couronnés,  in-8°,  t.  I-XLVII.  Prix  :  4  fr.  par  volume. 

Tables  de  logarithmes,  par  A.  Namur  et  P.  Mansion,  111-8". 

Tables  des  Mémoires  (1816-1857)  (1858-1878).  ln-18. 

Annuaire,  1'^  à  60"'»  année,  1833-1893;  111-I8  _      , 

Bulletins,  1"  série, tomes  1-XXIIl  ;-  2«  ser.,  t.  I-L;  -  û«  ser.,  t.  1-XXVI, 
iQ-8''  -  Annexes  aux  Bulletins  de  1854,  in-8°.  -  Prix  :  4  fr.  par  vol. 

Tables  générales  des  Bulletins  :  tomes  1-XXIll,  1"  série  (1832-1856). 
1858,  in-8".  —  2«^  série,  tomes  I-XX  (1857-1866),  tomes  XXl-L  (1867- 

Blbllogrkphle  académique,  1«  édit.,  1854,  2'  édit.,  1874,  3»  édit., 

1886:io-18.  .      ^     .,  , 

Catalogue  de  la  Bibliothèque  de  l'Académie,  1-^  partie  :  Sociétés  savantes 

et  Recueils  périodiques  jad"-  partie -.sciences,  lettres,  arls,  1881  90;  4  vol.  in-8°. 
Catalogue  de  la  bibliothèque  du  baron  de  Stassart,  1863;  in-8». 
Centième  anniversaire  de  fondation  (1772-1872).  1872;  2  vol.  gr.  in-8«. 

Monuments  de  la  littérature  flamande. 

OEnvres  de  Van  Mnerlaut  s  Der  natuuen  BLOEME,tome  1",  publié  par 
J.  Bormans,  1837;  1  vol.  in-8»;  —  Rvmbybel,  avec  Glossaire,  publié  par 
J.David.  1858-1860;  4  vol.;  —  Alexanuers  Geesten,  publié  par  Snellaert, 
1860-1862;  2  vol  —  Wederlandsche  gedicbten,  etc.,  publiées  par  Snel- 
laert, 1869;  1  vol.  -  Parthonopeus  van  itloys,  publié  par  J.  Bormans, 
1-871  ;  1  vol.  —  .Ipeghel  der  iVysheIt,  van  Jan  Praet,  publié  par  J.  Bor- 
mans, 1872;  1  vol. 

OEuvres  des  grands  écrivains  du  pays. 

oeuvres  de  chastellain,  publiées  par  le  baron  Kervynde  Lettenhove. 
1863-1865,  8  vol.  iii-8".  —  l.e  •"  livre  des  Chroniques  de  Frolssart, 
par  le  même.  18G5,  2  vol.  —  Chroniques  de  Jehan  le  Bel,  par  L.  Polain. 
1865,  2  vol  —  Ll  Koumans  de  CIconiadès,  par  André  Van  Hasselt.  1866, 
2  vol.  —  nits  et  contes  de  Jean  et  Baudouin  de  Condé,  par  Auguste 
Scheler.  1866,  ô  vol.  — 1.1  ars  d'amour,  etc.,  par  J.  Petit.  1866-1872,2  vol. 

—  oeuvres  de  Frolssart  :  Chroniques,  par  le  baron  Kervyn  de  Letten- 
hove 1867-1877,  26  vol  ;  -  Poésies,  par  Aug.  Scheler.  1870-1872.  3  vol;.— 
Glossaire,  jiar  le  même.  1874,  un  vol.  —  «.ettres  de  Commines,  par 
Kervyn  de  Lilt<Miliove.  1867,  5  vol.  —  Dits  de  VTatriquet  de  Couvln, 
par  A.  Scheler.  1868,  1  vol.  —  i.es  enfances  Ogier,  par  le  même.  1874, 
1  vol.  —  Buevesde  Commarchis,  par  Adenès  li  Rois,  par  le  même.  1874, 
1  vol  —  IJ  Itoumans  de  Kerte  ans  grans  pies,  par  le  même.  1874, 
1  vol.  —  Trouvères  belges  «lu  xil*  au  x.iv«  siècle,  par  le  même. 
1876  1  vol.  -  Nouvelle  série,  1879,  1  vol.  —  l>l  Bastars  de  Bulllon,  par 
le  même.  1877,  i  vol.  —  Kécits  d'un  Bourgeois  de  Valenciennes 
(XI W  siècle),  par  le  baron  Kervyn  de  Lellenliove.  1877,  1  vol.  —  OEu- 
vres de  Ghlllebert  de  Lannoy,' par  Cli  Potvin.  1878,  1  vol.  —  Poésies 
de  Gilles  li  Muisis,  par  Kervyn  de  Leltenhove.  1882,2  vol.  —  OEuvres 
de  Jean  Lemaire  de  Belges,  par  J.  Slecher.  1882-91,  4  vol.  avec  notice. 

—  l-l  Itegret  Guillaume,  par  A.  Scheler.  1882,  vol. 

liiotjraphie  nationale. 
Biographie  nationale,  t.  I  à  XII.  Bruxelles,  1866-  1893,  gr.  in-S». 

Commission  royale  d'histoire. 

Colicctiou  de  Chroniques  belges  inédites,  publiées  par  ordre  du 
Gouvernement;  CD  vol.  in-4''.  (Voir  la  liste  sur  la  couverture  des  Chroniques.) 

Comptes  rendu.«  des  séances,  U-^  série,  avec  table  (1857-1849),  18  vol. 
iii-H"^  —  2"'«  série,  aveo  table  (1850-1859),  13  vol.  in-8».  —  ô™"  série  (1860- 
1872),  15  vol.  iii-8».  —  4™»  série,  tomes  1-XVII  (1873-1891).  —  S»»  série, 
lûmes  l-lll;  IV,  ii"s  \  ot  2. 

Annexes  aux  Bulletins,  17  volumes  in-8».  (Voir  la  liste  sur  la  couverture 
des  Cliroiiiciues  et  des  Comptes  rendus.) 


2044  093  256   394